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Grèves de juin 1919

Les grèves de secouent la métallurgie en région parisienne au lendemain de la Première Guerre mondiale. Deux raisons principales à cela : d’une part le coût élevé de la vie (les salaires sont toujours bloqués depuis 1914 tandis que les prix s'envolent), d’autre part les retours des soldats démobilisés, qui a multiplié le chômage par dix. À cela il faut ajouter que les syndicats CGT des métaux parisiens sont animés par des militants révolutionnaires, qu’ils soient socialistes ou anarchistes. Les grèves de ont été très politisées. On y a parlé ouvertement d’imiter la Russie ou la Hongrie révolutionnaire, et de renverser le capitalisme. Mais elles ont également souligné le décalage entre une base syndicaliste très combative et la direction de la CGT, beaucoup plus frileuse.

Une du Populaire, journal de la SFIO, au moment du pic des grèves de juin 1919.

Les études les plus récentes ont montré la diversité de la grève selon les lieux ; la grève est plus révolutionnaire là où l'emploi va avec l'habitat (Saint-Denis, Ivry), plus violente dans les territoires usiniers (Boulogne), plus modérée dans les zones de seul habitat (banlieue Est). Par ailleurs les manifestations sont restées confinées à la banlieue.

Historique

L'incendie d'un tramway de la ligne Saint-Germain par les grévistes des transports avec intervention de la troupe à cheval.

Le est promulguĂ©e la loi crĂ©ant les conventions collectives de branches. Avant la fin de l'annĂ©e, 557 conventions sont signĂ©es ; et encore 345 en 1920. Pendant les annĂ©es suivantes, ces conventions ne se maintiendront que dans la boulangerie, le livre, les mines, les inscrits maritimes.

L'Union des industries mĂ©tallurgiques et minières (UIMM, patronat) tombe d'accord le avec la fĂ©dĂ©ration des MĂ©taux CGT sur un projet de convention collective de la mĂ©tallurgie comprenant les huit heures. Le 23 avril est votĂ© Ă  l'AssemblĂ©e nationale la loi des huit heures par jour, six jours par semaine (semaine de 48 heures sur six jours) et le est organisĂ©e une rĂ©union du ComitĂ© d'entente de la mĂ©tallurgie parisienne, qui regroupe treize syndicats CGT. Il est alors dĂ©cidĂ© de revendiquer la semaine anglaise (44 heures avec libĂ©ration du samedi après-midi) avec relèvement gĂ©nĂ©ral des minimas de salaires.

Le , une foule importante mais globalement disciplinée se rassemble mais il y a de nombreuses bagarres et des blessés. Le Comité d'entente adresse le 7 mai aux patrons ses revendications sur la semaine anglaise. Du 21 au ont alors lieu des négociations parallèles UIMM/fédération des Métaux ; patronat parisien/Comité d'entente. Le , l'accord est signé entre l'UIMM et la fédération des Métaux, et le patronat parisien l'oppose désormais au Comité d'entente. Colère des syndicalistes parisiens qui ont l'impression d'avoir été roulés.

Le , les 13 syndicats regroupĂ©s dans le ComitĂ© d'entente, reprĂ©sentant 12 000 syndiquĂ©s, tiennent des assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales qui appellent Ă  la grève et le lendemain la grève est un raz-de-marĂ©e : entre 100 000 et 150 000 grĂ©vistes. EncouragĂ©s par le mouvement des mĂ©tallos, les travailleurs du mĂ©tro votent la grève Ă  l'unanimitĂ© : bientĂ´t 20 000 grĂ©vistes dans les transports parisiens.

Phase culminante des grèves 4-9 juin

Du 5 au , un compromis est trouvé sur la révision des règlements d'ateliers, les délégués d'atelier, le temps de travail (le Comité d'entente accepte les 48 heures), mais il y a blocage sur le relèvement des salaires minimaux et l'égalité des salaires hommes-femmes. Le , le Comité d'entente rompt les négociations avec le patronat et prend ses dispositions pour une grève longue.

Round d'observation : 10-16 juin

Le dans La Vie ouvrière, le syndicaliste « mĂ©tallo Â» Marcel Vergeat estime que le mouvement « veut voir par delĂ  la question purement Ă©conomique » et s'est emparĂ© des « grandes prĂ©occupations sociales » que sont « amnistie, dĂ©mobilisation, […] intervention en Russie […]. Il y a une pensĂ©e gĂ©nĂ©rale qui rayonne en ce moment sur toute la classe ouvrière qui pense et qui agit. Les questions posĂ©es intĂ©ressant le prolĂ©tariat tout entier, ce n'est donc pas aux mĂ©tallurgistes parisiens, mais Ă  la CGT Ă  parler et Ă  agir. » De son cĂ´tĂ© Pierre Monatte, du Livre-CGT, est catĂ©gorique : « OĂą va-t-on ? OĂą va-t-on ? De mĂ©contentement en mĂ©contentement, de grève en grève, de grève mi-corporative et mi-politique Ă  grève purement politique. On va tout droit Ă  la faillite de la bourgeoisie, c'est-Ă -dire Ă  la rĂ©volution. » Le jour mĂŞme, la commission exĂ©cutive de la fĂ©dĂ©ration des MĂ©taux Ă©carte la proposition de grève gĂ©nĂ©rale par six voix contre quatre et deux abstentions.

Le cartel infédéral (Métaux, Mines, Cheminots, Inscrits maritimes) repousse l'idée d'une grève générale nationale. Le Comité d'entente semble bien isolé. Mise en place de soupes communistes.

Les transports reprennent le travail le 15 juin et le lendemain, à la bourse du travail, le Comité d'entente décide de poursuivre la grève coûte que coûte malgré son isolement : les métaux ne sont pas partis en grève nationale, et à Paris les autres corporations ne bougent pas.

17-25 juin 1919 : radicalisation et fuite en avant

Les premiers signes de reprise dans certaines entreprises commencent le 7 juin. Le soir, réunion des syndicats des métaux parisiens qui sont divisés sur la suite à donner à la grève : certains veulent la maintenir sur le terrain exclusivement économique ; d'autres veulent la politiser et affirmer son caractère révolutionnaire. Un consensus est trouvé : on maintient la grève sur le terrain corporatif mais on interpelle de nouveau la fédération des Métaux pour une grève nationale.

Le est signĂ©e la convention collective entre l'UIMM et la fĂ©dĂ©ration des MĂ©taux CGT : l'accord salarial est infĂ©rieur aux revendications du ComitĂ© d'entente. Des assemblĂ©es de grĂ©vistes rejettent la convention collective le lendemain. Le jour mĂŞme, 75 grĂ©vistes envahissent la rĂ©union du comitĂ© fĂ©dĂ©ral des MĂ©taux pour rĂ©clamer qu'il appelle Ă  la grève nationale. Le comitĂ© des MĂ©taux accepte alors, le 23, d'appeler Ă  la grève si les cheminots, les mineurs et les dockers font de mĂŞme et le 25, les dirigeants des fĂ©dĂ©rations des cheminots, des dockers et des mineurs refusent d'appeler Ă  la grève. DĂ©couragement des mĂ©tallurgistes parisiens.

Enfin, le , le Comité d'entente de la métallurgie parisienne décide la reprise du travail sans conditions.

Bibliographie

  • Édouard DollĂ©ans, Histoire du mouvement ouvrier français, tome II, Armand Colin, 1939.
  • Bertrand Abherve, « Les origines de la grève des mĂ©tallurgistes parisiens, », Le Mouvement social no 93, octobre-dĂ©cembre 1975.
  • Nicolas Papayanis, « Masses rĂ©volutionnaires et directions rĂ©formistes : les tensions au cours des grèves des mĂ©tallurgistes français en 1919 », Le Mouvement social, octobre-dĂ©cembre 1975.
  • Jean-Louis Robert, Les Ouvriers, la patrie et la rĂ©volution (Paris 1914-1919), UniversitĂ© de Besançon, 1995.
  • « Juin 1919, Les manitous de la CGT sabotent la rĂ©volution », Alternative libertaire, .

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