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Indicateur de pH

Les indicateurs colorĂ©s de pH (ou indicateurs acide-base) sont des molĂ©cules qui ont la capacitĂ© de changer de couleur en fonction de l’aciditĂ© (au sens de BrĂžnsted) de leur milieu environnant. La propriĂ©tĂ© qui lie couleur apparente et pH est appelĂ©e halochromisme. Par extension, l'indicateur de pH est un dĂ©tecteur chimique de l'ion hydronium (ou oxonium) H3O+.

Note : le terme « indicateur coloré » désigne un « indicateur coloré de pH » dans cet article.
Quelques indicateurs colorés de pH.
Zones de virages du BBT, de la phénolphtaléine et de l'hélianthine.

Cette propriĂ©tĂ© donne aux indicateurs colorĂ©s une utilitĂ© dans certaines sciences expĂ©rimentales telles que la chimie, la biologie ou la mĂ©decine. Elle leur confĂšre, par ailleurs, un attrait pĂ©dagogique qui permet, par exemple, d’introduire au lycĂ©e les dosages acide-base sans initiation prĂ©alable au suivi pH-mĂ©trique ou conductimĂ©trique d’une rĂ©action.

Leurs synthĂšses conduisant le plus souvent Ă  des solides, les indicateurs colorĂ©s sont la plupart du temps utilisĂ©s en infimes quantitĂ©s Ă  l’état solvatĂ© (dans l’eau, la soude ou l’éthanol par exemple) dans des solutions aqueuses. Ces quelques gouttes pourront donc colorer trĂšs nettement une solution et la couleur de celle-ci sera sensible aux valeurs que prend son pH. Dans les cas oĂč l'on ne peut pas mĂ©langer l'indicateur Ă  la solution[1] (cas, par exemple, de l'alimentaire), on peut imbiber un papier spĂ©cial de cet indicateur et y dĂ©poser une goutte de la solution pour observer le changement de couleur.

Historique

Les chimistes du XVIIe siĂšcle connaissaient l’usage d’indicateurs colorĂ©s. On trouve des mentions de leur usage dans les Ă©crits des premiers chimistes de l’AcadĂ©mie royale des sciences. Ainsi Cottereau du Clos indique dans son Ă©tude des eaux minĂ©rales avoir systĂ©matiquement examinĂ© « s’ils changeaient en verte la couleur du sirop violat, & s’ils rĂ©tablissaient la couleur bleue du Tournesol rougi par quelque acide alumineux ou vitriolique » (Observations sur les eaux minĂ©rales[4], p. 25). Dans son magistral Cours de Chymie (1697), Nicolas LĂ©mery indique « Si on prend une teinture bleue ou violette faite dans l’eau, comme celle qui se tire du tournesol ou de la fleur de violette et qu’on verse dessus quelques gouttes d’esprit de vitriol, elle deviendra aussitĂŽt rouge, mais si vous y ajoutez un sel alcali, elle reprendra sa premiĂšre couleur ».

DĂ©coction de chou rouge dans de l'eau de pluie.

C’est en 1767 qu’a lieu la premiĂšre utilisation d’un indicateur colorĂ© pour un dosage acide-base. C’est W. Lewis qui eut l’idĂ©e d’utiliser un changement de couleur pour caractĂ©riser l’équivalence. Jusqu’alors, on utilisait le carbonate de potassium K2CO3 comme base. On observait un dĂ©gagement gazeux Ă  l’équivalence.

Le premier indicateur colorĂ© fut donc un extrait de tournesol[5]. Les dosages consistaient alors en l’étude analytique des eaux minĂ©rales. Plusieurs autres indicateurs naturels furent rapidement adoptĂ©s. On peut citer le chou rouge, l’artichaut, la rose ou encore la betterave. En effet, ces composĂ©s prĂ©sentent tous la propriĂ©tĂ© de changer de couleur en fonction du pH. Mais ces composĂ©s prĂ©sentent des dĂ©fauts importants : leur zone de virage est Ă©tendue et peu prĂ©cise, et elle dĂ©pend de la nature mĂȘme du vĂ©gĂ©tal en question. Un mĂȘme chou rouge pourra voir ses zones de virage dĂ©placĂ©es d’une voire deux unitĂ©s de pH.

Le XIXe siĂšcle voit l’essor considĂ©rable de la chimie organique et la mise au point de synthĂšse de nouvelles substances qui serviront d’indicateurs colorĂ©s, comme la phĂ©nolphtalĂ©ine ou le bleu de bromothymol utilisĂ©s par Luck (1877), et la fluorescĂ©ine (1876). Ces indicateurs permettent des dosages plus prĂ©cis.

Aujourd’hui, un trĂšs grand nombre d’indicateurs colorĂ©s chimiques peuvent ĂȘtre utilisĂ©s. Le chou rouge reste utilisĂ©, mais plutĂŽt Ă  titre pĂ©dagogique dans les cours de chimie. La teinture de tournesol est de moins en moins utilisĂ©e, au profit du bleu de bromothymol notamment.

Quelques indicateurs courants

Voici une liste non exhaustive[6] des principaux indicateurs utilisés en chimie ou en biologie. Les valeurs des transitions et les teintes peuvent varier légÚrement en fonction des conditions d'utilisation (solvants, température, pression, etc.).

Indicateur[7] Couleur[7] - [6] (acide) Transition[7] (approximativement) Couleur[7] - [6] (base)
Bleu de bromothymol, BBT (1re transition) rose-rouge ≈0,0 jaune
Rouge de crésol (acide - 1re transition) rouge 0,0-1,0 jaune
Violet de gentiane jaune 0,0-1,6 violet foncé
Vert malachite (acide - 1re transition) jaune 0,2-1,8 bleu-vert
Bleu de thymol (acide - 1re transition) rouge 1,2-2,8 jaune
Jaune de méthyle rouge 2,9-4,0 jaune
Bleu de bromophénol (BBP) jaune 3,0-4,6 violet
Rouge Congo bleu 3,0-5,2 rouge
HĂ©lianthine (MĂ©thyl orange) rouge 3,1-4,4 jaune
HĂ©lianthine en solution dans le xylĂšne cyanole pourpre 3,2-4,2 vert
Vert de bromocrésol jaune 3,8-5,4 bleu
Rouge de méthyle rouge 4,2-6,3 jaune
Papier de tournesol (Azolitmine) rouge 4,5-8,3 bleu
Pourpre de bromocrésol jaune 5,2-6,8 violet
Bleu de bromothymol, BBT (2e transition) jaune 6,0-7,6 bleu
Rouge de phénol (Phénolsulfonephtaléine) jaune 6,6-8,0 rouge
Rouge neutre rouge 6,8-8,0 jaune orangé
Rouge de crésol (base - 2e transition) jaune 7,2-8,8 rouge
Bleu de thymol (base - 2e transition) jaune 8,0-9,6 bleu
Phénolphtaléine incolore 8,2-10,0 saumon
Thymolphtaléine incolore 9,4-10,6 bleu
Jaune d'alizarine R jaune 10,1-12,0 orange-rouge
Alizarine rouge 11,0-12,4 violet
Carmin d'indigo bleu 11,4-13,0 jaune
Vert malachite (base - 2e transition) bleu-vert 11,5-13,2 incolore

Indicateurs naturels de pH

Voici une liste non exhaustive d'indicateurs colorĂ©s naturels. Contrairement aux indicateurs chimiques purs, les indicateurs naturels contiennent plusieurs composĂ©s chimiques qui influent sur la couleur. Les zones de virage diffĂšrent donc selon la nature du composĂ© utilisĂ©. Par exemple, le jus de chou rouge peut ne pas virer au jaune avant un pH > 14 s'il date de plusieurs jours. De mĂȘme, la transition du jus de carotte, par exemple, est difficilement observable. L'avantage majeur des indicateurs naturels sur leurs Ă©quivalents de synthĂšse est leur trĂšs faible coĂ»t. On les trouve souvent directement dans la nature oĂč ils ne coĂ»tent pratiquement rien au supermarchĂ©, alors que les indicateurs chimiques dĂ©passent la dizaine d'euros pour quelques grammes de produits purs.

Forme acide du thym.
Forme basique du thym.
Un indicateur coloré naturel : le curcuma
tube 1 : pH 13 ; tube 2 : pH 11 ; tube 3 : pH 10 ; tube 4 : pH 6 : tube 5 : pH 2.
Indicateur Couleur (acide) Transition (approximativement) Couleur (base)
Hortensia (acide - 1re transition) rose environ 0,0-1,0 rose pĂąle
Raisin rouge (acide - 1re transition) rose fuchsia environ 0,0-2,0 rose saumon
Betterave rouge (acide - 1re transition) bordeaux environ 1,0-2,0 rouge
Chou rouge (acide - 1re transition) rouge environ 2,0-3,0 rose fuchsia
Chou rouge (acide - 2e transition) rose fuchsia environ 3,0-4,0 mauve
Thé (acide - 1re transition) jaune environ 3,0-4,0 jaune foncé
Myrtilles (acide - 1re transition) rouge environ 3,0-4,0 rose fuchsia
Hortensia (acide - 2e transition) rose clair environ 5,0-6,0 vert pĂąle
Chou rouge (base - 3e transition) mauve environ 6,0-7,0 violet
Chou rouge (base - 4e transition) violet environ 8,0-9,0 bleu canard
Thé (base - 2e transition) jaune foncé environ 8,0-10,0 brun clair
Chou rouge (base - 5e transition) bleu canard environ 10,0-11,0 vert
Curry jaune environ 10,0-11,0 brun-orangé
Curcuma jaune environ 10,0-11,0 brun-orangé
Hortensia (base - 3e transition) vert pĂąle environ 10,0-12,0 vert clair
Artichaut jaune clair environ 10,0-12,0 jaune
Raisin rouge (base - 2e transition) rose saumon environ 11,0-12,0 vert
Myrtilles (base - 2e transition) rouge environ 11,0-12,0 vert
Betterave rouge (base - 2e transition) rouge environ 11,0-12,0 jaune
Oignon blanc vert pĂąle environ 11,0-12,0 jaune
Peau de poire jaune pĂąle environ 11,0-12,0 jaune
Chou rouge (base - 6e transition) vert environ 11,0-12,0 vert clair
Raisin rouge (base - 3e transition) vert environ 12,0-13,0 jaune doré
Myrtilles (base - 3e transition) vert environ 12,0-13,0 orange
Chou rouge (base - 7e transition) vert clair environ 12,0-13,0 jaune
Thym jaune environ 12,0-13,0 brun
Thé (base - 3e transition) brun clair environ 13,0-14,0 brun foncé

D'autres indicateurs de pH naturels :

Plusieurs composĂ©s chimiques peuvent ĂȘtre Ă  l'origine des propriĂ©tĂ©s halochromiques de ces indicateurs naturels. En voici quelques-uns :

  • les anthocyanes sont des composĂ©s naturels que l'on retrouve chez plusieurs plantes. Ces composĂ©s sont rouges dans une solution acide et bleu dans une solution basique. Le chou rouge, qui en contient, est l'un des indicateurs les plus populaires et les plus spectaculaires. La betterave rouge contient des bĂ©tacyanines, dĂ©rivĂ©s halochromiques des anthocyanes ;
  • la curcumine est prĂ©sente dans le curcuma (et donc dans le curry qui contient du curcuma). Elle est brune en milieu basique et jaune en milieu acide ;
  • les carotĂ©noĂŻdes, contenus par exemple dans les carottes, peuvent possĂ©der des propriĂ©tĂ©s acido-basiques ;
  • les flavonoĂŻdes comme la catĂ©chine (prĂ©sente dans le thĂ©), la quercĂ©tine (prĂ©sente dans les oignons blancs), l’apigĂ©nine et la lutĂ©oline (prĂ©sente dans l'artichaut) possĂšdent des propriĂ©tĂ©s acido-basiques.

Échelle de pH du jus de chou rouge

Échelle de pH du jus de chou rouge.
Échelle de pH du jus de chou rouge[11].

Notions associées

Acidité et basicité du milieu

Le pH (potentiel hydrogĂšne) est une grandeur utilisĂ©e en sciences expĂ©rimentales pour mesurer l’aciditĂ© ou la basicitĂ© d’une solution. Il est dĂ©fini par le cologarithme dĂ©cimal de l’activitĂ© des ions H+ dans la solution. Les ions H+ se liant aux molĂ©cules d’eau (approximativement 1 pour 1), on mesurera plutĂŽt l’activitĂ© des ions hydronium H3O+ (improprement connus en tant qu'ions oxonium). Si l’on estime que les solutions sont assez diluĂ©es ([H3O+] < 1 M et [HO−] < 1 M), l’activitĂ© de l’eau sera Ă©gale Ă  1 et celle des ions hydronium sera assimilĂ©e Ă  la concentration en ces ions (ActivitĂ© = Gama × Concentration et Gama ≈ 1 quand la solution est diluĂ©e), ce qui est gĂ©nĂ©ralement le cas pour l'utilisation des indicateurs colorĂ©s. On a donc :

Traditionnellement, et compte tenu des approximations susmentionnĂ©es, on mesurera le pH sur une Ă©chelle allant de 0 Ă  14, bien qu’il puisse se situer en dehors de cette fourchette.

En effet, sachant que le produit ionique de l'eau est toujours vérifié, on a :

Une solution est dite acide si son pH est infĂ©rieur Ă  7, basique s’il est supĂ©rieur Ă  7 et neutre s’il Ă©gal Ă  7. C'est tout l'intĂ©rĂȘt des indicateurs colorĂ©s de pouvoir dĂ©terminer facilement et rapidement cette aciditĂ©.

Zone de virage

Zones de virage du BBT.

Le principe d'un indicateur colorĂ© est d'exister sous deux formes dont l'une prĂ©domine par rapport Ă  l'autre en fonction du pH. On appelle zone de virage la plage de pH dans laquelle aucune des deux formes de l’indicateur n’est majoritaire. Pour les calculs et les expĂ©riences, les indicateurs possĂšdent une zone de virage tabulĂ©e, reflĂ©tant avec prĂ©cision le changement de couleur. Si l’on ne possĂšde pas de donnĂ©es sur la zone de virage mais uniquement le pKi, on estime alors qu’une espĂšce prĂ©domine sur l’autre lorsque la concentration de la premiĂšre est dix fois supĂ©rieure Ă  celle de la seconde[12]. Cela se reflĂšte par une variation d’une unitĂ© de pH autour du pKi.

Teinte sensible

La teinte sensible est le nom donnĂ© Ă  la couleur que prend la solution dans la zone de virage. Souvent, cette couleur correspond au mĂ©lange additif des couleurs des formes mises en jeu. Exemple : le bleu de bromothymol (image) a une teinte sensible verte, superposition des couleurs jaune acide et bleue basique. Certains indicateurs peuvent avoir une transition par l’incolore, Ă  cause d’effets Ă©lectroniques supplĂ©mentaires, de prĂ©sence d’une troisiĂšme forme intermĂ©diaire ou encore Ă  cause d’une perte d’énergie de l’indicateur.

Aspects techniques

Nature acido-basique des indicateurs

Un indicateur colorĂ© peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un couple acide faible/base faible (selon la dĂ©finition de l’aciditĂ© de Brönsted)[13]. On notera InH la forme acide d’un indicateur et In− sa forme basique. L’équilibre acide-base existant entre ces deux formes est donc :

et la constante d’aciditĂ© associĂ©e est

oĂč [X] est la concentration de l’espĂšce X en mol.l−1

On utilise plus souvent le pKi qui est Ă©gal au cologarithme dĂ©cimal du Ki : Chaque indicateur est caractĂ©risĂ© par le pKi de son couple ou par plusieurs pKi s’il s’agit d’un polyacide.

Détermination expérimentale du pKi d'un indicateur coloré[14] - [15]

Les mesures spectrophotomĂ©triques permettent de dĂ©terminer expĂ©rimentalement le pKi d’un indicateur colorĂ©.

D’aprĂšs la loi de Beer-Lambert, l’absorbance A (sans unitĂ©) d’une solution, mesurĂ©e au moyen d'un spectrophotomĂštre ou colorimĂštre, est proportionnelle Ă  :

  • un coefficient d’absorption molaire Δλ intrinsĂšque Ă  la substance et Ă  une longueur d’onde λ (en cm−1.l.mol−1) ;
  • l’épaisseur l de solution traversĂ©e par le rayon de l’appareil (en cm) ;
  • la concentration c de la substance absorbante (en mol.l−1) :

D’autre part, la dĂ©finition originelle de l’absorbance est :

Ί0 et Ί1 sont les flux lumineux indicent et transmis lors du passage dans le spectrophotomÚtre.

Si le faisceau de l’appareil traverse deux solutions de coefficient Δλ(1) et Δλ(2) et de concentrations c1 et c2, on a :

Étant donnĂ© que l’absorbance est une grandeur additive, on a finalement :

Courbes d'absorbances des différentes formes du BBT.

Appliquons donc ce principe aux indicateurs colorĂ©s. En exploitant les courbes d'absorbance des diffĂ©rentes formes d'un indicateur colorĂ©, rĂ©alisĂ©es expĂ©rimentalement, on dĂ©termine la longueur pour laquelle la diffĂ©rence d’absorbance entre les deux formes de l’indicateur est la plus grande.

Par la suite, on dĂ©termine l’absorbance Ă  cette longueur d’onde d’une nouvelle solution, tamponnĂ©e Ă  un pH proche de celui attendu pour le pKi. On peut utiliser les relations de Beer-Lambert pour chacune des deux solutions acides et basiques pour dĂ©terminer les coefficients d’absorption et ensuite dĂ©terminer par le calcul la concentration de chaque forme de l’indicateur :

  • : concentration analytique totale connue de l’indicateur, valable Ă  tout instant ;
  • : absorbance de la solution acide ;
  • : absorbance de la solution basique.

L'absorbance de la solution en milieu tamponnĂ©, oĂč les deux formes cohabitent, est donc donnĂ©e par :

d'oĂč en se servant de on obtient :

Reste Ă  dĂ©terminer le pKi du couple InH/In− :

et donc

Aspects mécanistiques

Une espĂšce chimique est colorĂ©e Ă  partir du moment oĂč elle peut absorber sĂ©lectivement des photons Ă  certaines longueurs d’onde du spectre visible. Elle Ă©met donc de la lumiĂšre visible. L’énergie d’absorption du composĂ© est inversement proportionnelle Ă  la longueur d’onde du maximum d’absorption, chaque longueur d’onde d’absorption correspondant Ă  une longueur d'onde d’émission et donc Ă  une couleur. Les molĂ©cules colorĂ©es sont constituĂ©es de l’association de deux types de groupements d’atomes :

Groupes chromophores

Ils permettent Ă  la molĂ©cule de se situer Ă  des Ă©nergies d’absorption proches du visible. Il s’agit le plus souvent de systĂšmes d’électrons conjuguĂ©s (c’est-Ă -dire des alternances entre orbitales σ et orbitales π, n ou p). Chaque type de transition Ă©lectronique (entre orbitales π liantes, n non liantes et π* antiliantes) correspond Ă  des Ă©nergies d’absorption diffĂ©rentes[14] (tableau suivant) :

Groupe chromophore Transition Ă©lectronique Absorption maximale
λmax (nm)
AlcĂšne C=C π → π* 180
Carbonyl C=O π → π* 180
BenzĂšne C6H5 n → π*
π → π*
277
200 - 255
Azo N=N n → π* 347
Nitroso N=O n → π* 665

La longueur d'onde du maximum d’absorption augmente lorsque le nombre d’électrons dĂ©localisĂ©s, et donc impliquĂ©s dans un systĂšme conjuguĂ©, augmente lui aussi[16].

Lors d’un virage acide-base, un indicateur colorĂ© change de forme. Sa nouvelle structure possĂšde donc des Ă©nergies d’absorption diffĂ©rentes, sa couleur change.

Groupes auxochromes

Les Ă©lectrons non partagĂ©s de groupes appelĂ©s auxochromes tels que –OH, –OCH3, –NH2, –Cl, –N(CH3)2, peuvent se coupler aux groupements chromophores et ainsi influencer sur la couleur des molĂ©cules. C’est donc l’origine des diffĂ©rences entre les couleurs des composĂ©s prĂ©sentant la mĂȘme structure de base.

Catégories d'indicateurs de pH

Les indicateurs colorĂ©s acide-base classiques peuvent ĂȘtre classĂ©s principalement selon deux catĂ©gories[2] - [17] : ceux dĂ©rivant du triphĂ©nylmĂ©thane et ceux dĂ©rivant de l’azobenzĂšne. Ces structures permettent un grand nombre de dĂ©localisations d’électrons π, les groupements venant se greffer sur cette structure pouvant augmenter la conjugaison du systĂšme.

Structure de base des indicateurs dérivants du triphénylméthane.

Triphénylméthane

Plusieurs groupes fonctionnels diffĂ©rents peuvent se positionner en para sur les deux cycles principaux — voire le troisiĂšme assez rarement — et ce, du fait de la dĂ©localisation de la charge positive pouvant ĂȘtre portĂ©e par l'atome de carbone central du triphĂ©nylmĂ©thane. Il s’agit donc gĂ©nĂ©ralement de bases de Lewis possĂ©dant un doublet libre d’électrons, c'est-Ă -dire des composĂ©s azotĂ©s ou hydrogĂ©nĂ©s. D’autres groupements peuvent se placer sur les autres positions des deux premiers cycles.

On peut parfois observer la prĂ©sence d’un cycle lactone R-CO-O-R' entre la position 2" et l'atome de carbone central. C’est le cas des phtalĂ©ines.

Un cycle sulfonate R-SO2-O-R' est quant Ă  lui prĂ©sent entre les mĂȘmes positions dans les molĂ©cules du bleu de bromothymol, de bromophĂ©nol, du vert de bromocrĂ©sol, etc. Ces composĂ©s sont regroupĂ©s au sein d’une famille appelĂ©e les « sulfonephtalĂ©ines » (ou simplement « sulfones », dans un contexte d’indicateurs de pH).

Nom \ Position 2" 2 3 4 5 2' 3' 4' 5'
Bleu de bromothymol SO3−MeBrOHMeEtMeBrOHMeEt
Bleu de bromophĂ©nol SO3−HBrOHBrHBrOHBr
Vert de bromocrĂ©sol SO3−MeBrOHBrMeBrOHBr
Rouge de crĂ©sol SO3−HMeOHHHMeOHH
PhĂ©nolphtalĂ©ine CO2−HHOHHHHOHH
ThymolphtalĂ©ine CO2−MeHOHMeEtMeHOHMeEt
Vert de malachite HHHNMe2HHHNMe2H
Structure de base des indicateurs dérivants de l'azobenzÚne.

AzobenzĂšne

Nombreuses sont les molĂ©cules colorĂ©es qui ont pour structure de base celle du 1,2-diphĂ©nylazĂšne, plus connu sous le nom d’azobenzĂšne. Toutefois, ces composĂ©s sont bien plus connus en tant que teintures ou colorants que par leurs propriĂ©tĂ©s halochromiques. Ces molĂ©cules sont dites azoĂŻques. De maniĂšre analogue aux dĂ©rivĂ©s du triphĂ©nylmĂ©thane, des groupements peuvent se positionner en para principalement puis en ortho et mĂ©ta.

Parmi ces groupements, on peut trouver d’autres cycles, par exemple, pour former des naphtalĂšnes mais aussi d’autres groupes azoĂŻques. Ces derniers engendrent des molĂ©cules qualifiĂ©es de diazoĂŻques.

Seuls les indicateurs présents dans le tableau ci-dessous sont réellement utilisés malgré le grand nombre de molécules de ce type.

Nom \ Position 2 3 4 5 4'
HĂ©lianthine H H SO3− H NMe2
Rouge congo NH2 naphtyl SO3− sym
Rouge de méthyle CO2H H H H NMe2
Jaune de méthyle H H NMe2 H H
Jaune d'alizarine R H CO2H OH H NO2

Autres composés halochromiques

Il existe d’autres types d’indicateurs colorĂ©s. On peut citer :

  • les anthocyanines : prĂ©sentes dans la nature, notamment dans le chou rouge, mais aussi dans certaines fleurs (bleuet, delphinium, etc.) ou dans plusieurs baies (myrtilles) ;
  • quelques dĂ©rivĂ©s de l’anthracĂšne, le xanthĂšne, la pyridine ou d’autres composĂ©s polycycliques ;
  • quelques composĂ©s aromatiques nitratĂ©s tels que les nitrophĂ©nols, nitrobenzĂšnes ou nitrotoluĂšnes ;
  • d’autres composĂ©s atypiques, souvent naturels et dĂ©rivant parfois des anthocyanes.

Mais seuls les dĂ©rivĂ©s du triphĂ©nylmĂ©thane et de l’azobenzĂšne sont utilisĂ©s en chimie Ă  titre d’indicateur acido-basique.

Applications

Titrages par indicateurs colorés

Les indicateurs changeant de couleur en fonction du pH, ils servent donc Ă  repĂ©rer l’équivalence lors d’un titrage acido-basique. ConsidĂ©rons le titrage d’un acide AH par une base B ou de la base B par l’acide AH. La rĂ©action acido-basique est la suivante :

Elle rĂ©sulte des deux demi-Ă©quations des couples AH/A− et BH+/B :

  • ou de constante d'Ă©quilibre
  • ou de constante d'Ă©quilibre

Par une Ă©tude analytique, on peut dĂ©terminer des relations entre le pH Ă  l’équivalence, les concentrations des espĂšces mises en jeu et le pKA des couples.

Type de titrage Exemples
de AH
Exemples
de B
pH Ă  l'Ă©quivalence
Acide faible de concentration c par base forte RCOOH,
HXO, NH4+
HO−, NH2+
alcoolate

Base faible de concentration c par acide fort HX, HXO4,
HNO3
RCOO−,
CO32−, NH3

Acide fort par base forte ou base forte par acide fort HX, HXO4,
HNO3
HO−, NH2+
alcoolate

Titrage de l'acide acĂ©tique 0,1 M par la soude 0,1 M. pH en fonction du volume versĂ©.

Une fois l’indicateur colorĂ© adĂ©quat choisi de maniĂšre que sa zone de virage contienne le pH du point Ă©quivalent (PE)[18], on peut donc rĂ©aliser un titrage par indicateur colorĂ©.

Exemple d’un titrage d’acide faible par de la soude (cas le plus courant)

Le pH du PE se situant aux alentours de 9, on utilise quelques gouttes de phĂ©nolphtalĂ©ine (virage 8,2-10), ajoutĂ©es dans le mĂ©lange rĂ©actionnel. L’équivalence se repĂšre donc par le changement de couleur. La solution titrĂ©e est incolore dans la premiĂšre partie de la manipulation. On ajoute progressivement de la soude et la solution passe au rose Ă  l’équivalence, c’est-Ă -dire lorsque acide et base sont dans les proportions stƓchiomĂ©triques.

Les indicateurs colorĂ©s doivent possĂ©der une absorbance particuliĂšrement grande, mĂȘme prĂ©sent en petite quantitĂ© (ce qui est le propre d'un indicateur). Ainsi, on peut les utiliser dans les titrages Ă  une concentration pouvant descendre jusqu’à 10−6 M. On est donc certain, dans ces conditions, de pouvoir apercevoir le virage sans jamais influencer sur le pH de la solution, mĂȘme si l’indicateur reste un couple acide-base. Quelques gouttes d’un indicateur peuvent finalement colorer des dizaines de mL de solution.

Colorants

Flacon d'hélianthine en teinture.

Quelques-uns des indicateurs les plus courants sont aussi utilisĂ©s en tant que colorants organiques (textiles notamment). On peut citer le bleu de bromothymol, qui peut ĂȘtre utilisĂ© comme colorant bleu ou jaune, ou le vert de malachite, qui est utilisĂ© comme colorant vert[19].

Chez la plupart des fournisseurs[20] les indicateurs colorés sont par ailleurs vendus sous le nom explicite de « teinture » lorsqu'ils sont en solution[21] (photo ci-contre).

Autres utilisations

  • Les indicateurs colorĂ©s servent en chimie, outre leur utilisation pour les dosages, pour dĂ©terminer rapidement l'aciditĂ© ou la basicitĂ© d'un milieu. On prĂ©fĂ©rera dans ce cas les utiliser sous la forme d'un papier pH.
  • Le rouge de phĂ©nol peut ĂȘtre utilisĂ© par tous pour tester le pH des piscines[22]. Il est souvent vendu en petits flacons et est accompagnĂ© d'une Ă©chelle de teintes (zone de virage du jaune au rouge) permettant de dĂ©terminer qualitativement le pH de l'eau.
  • Quelques indicateurs possĂšdent aussi des propriĂ©tĂ©s biologiques, c'est le cas du bleu de bromophĂ©nol.

Limites d'utilisations

Les indicateurs colorĂ©s doivent ĂȘtre utilisĂ©s en trĂšs faibles quantitĂ©s dans les mesures de pH car ils restent des composĂ©s acides ou basiques risquant d'influencer sur le pH de la solution. C'est pour cela qu'ils doivent possĂ©der une grande absorbance. Ils ne peuvent ĂȘtre utilisĂ©s dans des solutions destinĂ©es Ă  la consommation, du fait de leur toxicitĂ©, et ce, malgrĂ© leur faible concentration. De leur cĂŽtĂ©, les indicateurs naturels possĂšdent souvent des zones de virage trĂšs larges qui empĂȘche toute utilisation pour une mesure de pH prĂ©cise ou un dosage.

MĂ©langes d'indicateurs

Indicateur universel

Un indicateur universel naturel : le jus de chou rouge.

Le terme indicateur universel dĂ©signe un mĂ©lange d’indicateurs colorĂ©s qui a pour vocation de changer de couleur graduellement en fonction du pH. On peut ainsi obtenir rapidement une idĂ©e sur le pH d’une solution, plus prĂ©cisĂ©ment qu’un indicateur qui possĂšde une, voire deux zones de virage.

Composition[23]

Il existe une composition « classique » de l’indicateur universel. Elle constitue la plupart des solutions pour papiers pH variant de 0 Ă  14. Voici les constituants de ce mĂ©lange :

  • phĂ©nolphtalĂ©ine ;
  • rouge de mĂ©thyle ;
  • phĂ©nol-4,4'-(3h-2,1-benzoxathiol-3-ylidĂšne)bis-2-bromomĂ©thyl-6-(1-mĂ©thylĂ©thyl)-S,S-dioxyde ;
  • phĂ©nol-4,4'-(3h-2,1-benzoxathiol-3-ylidĂšne)bis-5-mĂ©thyl-2-(1-mĂ©thylĂ©thyl)-S,S-dioxyde ;
  • solvant : eau/mĂ©thanol/propan-1-ol.
Échelle de teintes

Un indicateur coloré universel possÚde aussi la particularité de suivre les couleurs du spectre de la lumiÚre blanche lorsque le pH augmente.

Couleurs de l'indicateur universel forme trĂšs acide
rouge
forme acide
orange
forme acide
jaune
forme neutre
vert
forme basique
bleu
forme trĂšs basique
violet

Certains indicateurs se rapprochent des indicateurs universels en possĂ©dant plusieurs zones de virage. C’est le cas, par exemple, d’un indicateur naturel, le chou rouge.

Rouleau de papier pH.
Bandelettes de test de pH.

Papier pH

Le papier pH est en fait un papier spĂ©cial qui est imbibĂ© d’un indicateur universel. Lorsque l’on trempe un morceau de papier pH dans une solution, il prend la tonalitĂ© correspondant au pH du milieu. Il est utilisĂ© dans les laboratoires de chimie, mais aussi dans le cabinet des mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes qui l’utilisent, par exemple, pour vĂ©rifier l’aciditĂ© de l’urine.

Il est possible par ailleurs d'imbiber une bande de papier de n'importe quel indicateur — sans qu'il soit nĂ©cessairement un indicateur universel — puis d'ajouter quelques gouttes de la solution dĂ©sirĂ©e sur cette bande. Cette technique est utilisĂ©e pour observer le changement de couleur sans avoir Ă  mĂ©langer l'indicateur au milieu, les indicateurs colorĂ©s Ă©tant souvent toxiques ou nocifs. Le papier tournesol est un exemple de papier n'utilisant pas d'indicateur universel. Il indique l'aciditĂ© par une couleur rouge et la basicitĂ© par une couleur bleue. Les chimistes, Ă  l'Ă©poque de Lavoisier utilisaient dĂ©jĂ  une teinture de tournesol ou du sirop de violette[24] comme indicateur de pH[25].

Crayon pH

Le papier pH est utilisĂ© pour donner le pH d’un liquide. Pour dĂ©terminer le pH d’un solide, un « crayon pH » peut ĂȘtre utilisĂ© ; ce crayon s’utilise sur le papier, textile, bois, ciment, bitume, batterie, peau, plastique, cĂ©ramique, mĂ©tal, etc. Il faut passer un coup de crayon sur la surface et attendre quelques secondes. La couleur obtenue indique le pH.

Notes et références

  1. (pt) Daniela Brotto Lopes Terci et Adriana Vitorino Rossi, Indicadores naturais de pH: usar papel ou solução?, 2001.
  2. Mady Chapon, VĂ©ronique Courilleau-Harvelant et CĂ©cille Valette, Chimie des couleurs et des odeurs, Culture et techniques, 1993, p. 157-162.
  3. « Les indicateurs de pH », Culture Sciences-Chimie, École normale supĂ©rieure, 2007.
  4. Cotterau du Clos, Samuel, Observations sur les eaux minerales de plusieurs provinces de France, Paris, Imprimerie royale, (lire en ligne).
  5. (en) Edmund Bishop, Indicators, Pergamond Press, Oxford, New York, 1972 (ISBN 0-08-016617-2).
  6. Liste trĂšs complĂšte.
  7. (en) David R. Line, Handbook of Chemistry and Physics 84th edition (2003/2004), CRC Press, 2004.
  8. Sébastien Bruneau (resp. Antoine Delon), Teintes sensibles : les indicateurs colorés de pH [PDF], 2007.
  9. Rhodium, Natural pH-Indicators, sur erowid.org.
  10. (en) Opium Poppy, § Flower pH indicator properties, sur MaltaWildPlants.com.
  11. Valentin Parotte, Les indicateurs colorĂ©s naturels : recettes et Ă©chelles de pH, Mons, Haute École en Hainaut de Mons, .
  12. Wyn Locke (trad. C. Jacoboni), Indicateurs acido-basiques et titration, université du Mans.
  13. Jacques MesplÚde, JérÎme Randon, 100 manipulations de chimie générale et analytique, Bréal, 2004, p. 46-48, 130-136 (ISBN 2-7495-0351-5).
  14. RenĂ© et Éric MahĂ©, Didier Devilliers, « ExpĂ©riences portant sur la notion d’indicateur colorĂ© », Bulletin de l'union des physiciens, no 801, fĂ©vrier 1998, p. 299-326.
  15. Sabine Chierici et Olivier Thomas, Fascicules de TP de chimie inorganique, UE CHI232, Chimie expérimentale, UJF, 2006.
  16. Claudine Kahane, Fascicule de cours-TD-TP, UE TRA122, Les couleurs en sciences, TD2, UJF, 2006, p. 27-30.
  17. Danielle Cachau-Herreillat, Des expériences de la famille Acide-Base, De Boeck, 2005, p. 71, 112-115, 132-136, 165-167, 326, 339-341.
  18. Bénédicte Nowak-Leclercq, Jean-François Le Maréchal, La chimie expérimentale - chimie générale, coll. « Sciences Sup. », Dunod, Paris, 2000, p. 139-148 (ISBN 2-10-048461-3).
  19. Sabine Chierici, Fascicules de TP de chimie organique, UE CHI232, Chimie expérimentale, UJF, 2006.
  20. Acros Organics (laboratoires, Ă©tablissements scolaires), Jeulin (Ă©tablissements scolaires), Pierron (Ă©tablissements scolaires, particuliers), etc..
  21. Les indicateurs peuvent aussi ĂȘtre vendus directement en poudre (sels de sodium le plus souvent).
  22. Comment mesurer le pH d'une solution ? sur un site personnel consacré à un TPE.
  23. Bruno Fosset, Christine Lefrou, Arlette Masson, et Christophe Mingotaud, Chimie physique et expérimentale, Ermann, 2000, p. 95-97.
  24. Indicateur de pH décrit par Robert Boyle en 1663 lorsque ce chimiste donne le premier protocole expérimental de test d'acidité ; aprÚs le dépÎt de quelques gouttes de sirop sur un papier blanc puis le dépÎt d'une substance acide sur le papier, si la tache de sirop passe du violet au rouge, le test permet de distinguer l'acidité de l'alcalinité d'une substance. Cf René Taton, Histoire générale des sciences, Presses universitaires de France, , p. 362.
  25. Extraits de texte d'Antoine Lavoisier proposant en 1783, à l'Académie, un mémoire sur la composition de l'eau (consulté le 6 février 2011).

Bibliographie

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Indicateurs naturels
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