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Histoire de Batna

La ville de Batna, anciennement tribu des Ouled chelih, selon le Conseiller rapporteur Urbain. Délimitation de la tribu des Ouled Chelih, cercle de Batna. N° 1351. (Séance du 23 janvier 1867), les ouled chelih font partie du cercle et de la subdivision de batna. a l'emplacement sur lequel est bati ce chef lieu a été prélevé sur leur territoire[1].

Le nom de Batna est issu de plusieurs versions, du mot arabe ïș’ﻄﻊ (batn) signifiant littĂ©ralement « ventre ». Deux versions de la pĂ©riode française, celle de la bivouac de l'arabe N'bet Hena (Nous bivouaquons ici) et une version militaire. La derniĂšre dit que le nom vient du nom de la dĂ©esse punique et phĂ©nicienne Rabetna, dĂ©pourvu du partitif Ra et lĂ©gĂšrement dĂ©formĂ© au cours du temps.

L'emplacement actuel de la ville faisait partie de la Numidie, oĂč on a construit un temple consacre Ă  la divinitĂ© Rabetna. Pendant l'Ă©poque de la Numidie cirtĂ©enne sur le territoire de la ville a Ă©tĂ© construit un fort avec les ruines du temple de Rabetna en avant-poste de leurs positions afin de protĂ©ger la garnison centrale de Lambaesis. En 1738 le nom de la ville est apparu pour la premiĂšre fois sur une carte.

À mi-route entre Constantine et Biskra en 1844, le colonel Buttafoco sous les ordres d'Henri d'OrlĂ©ans a construit un camp militaire qui va vite devenir une petite ville europĂ©enne. En 1855, plusieurs cas de Paludisme et cholĂ©ra ont touchĂ© Batna. De 1871 Ă  1916, la ville a fait objet d'attaque des soulĂšvements des Mokrani, Rahmaniya et des Ouled Soltane. DĂšs 1930, les poussĂ©es nationalistes conduiront les militants indigĂšnes vers la lutte armĂ©e. Le 1er novembre 1954, la rĂ©volution Ă©clate la guerre de libĂ©ration nationale commence, et les EuropĂ©ens quittent la ville en masse.

Pendant les premiĂšres annĂ©es de l'IndĂ©pendance, la ville a connu une croissance Ă©conomique importante, cette croissance qui va ĂȘtre brutalement freinĂ©e pendant le mandat du prĂ©sident Chadli Bendjedid. En 1992 Batna est touchĂ© par la guerre civile et paya un lourd tribut, avec plusieurs milliers de victimes en 10 ans. À l'arrivĂ©e de Liamine ZĂ©roual dans la prĂ©sidence du pays, plusieurs projets ont Ă©tĂ© relancĂ©s Ă  Batna.

Toponymie

Plusieurs thĂ©ories existent sur l'origine du nom de Batna, en berbĂšre Tabatent. Elle tirerait son nom de l'arabe ïș’ﻄﻊ (batn) signifiant littĂ©ralement « ventre », mais qui prend le sens en toponymie, particuliĂšrement au Sahara, dans les Hauts Plateaux et dans le Tell, de « rebord escarpĂ© d'un plateau », de « vallĂ©e plate », ou d'« endroit oĂč l'on observe une halte avant d'entreprendre l'escalade d'une montagne »[2] - [3].

D'autres versions existent et réfÚrent à la période coloniale. La premiÚre est l'hypothÚse du bivouac de l'arabe N'bet Hena (Nous bivouaquons ici), phrase dite par des chefs locaux aux soldats français[4] - [5] - [3]. La seconde est que l'étymologie du nom vient d'une abréviation de la phrase en langue française bataillon nord-africain[5] - [6].

D’aprĂšs Khaled Bouali, enseignent de l'histoire et critique littĂ©raire Ă  l’universitĂ© de Batna, le village nĂšgre, qui Ă©tĂ© destinĂ© par les colons français aux populations noires et locales[7], provient de l'ancien village sous domination ottomane[6]. Dans ce village, Ă  l'arrivĂ©e des soldats français, existaient des ruines de Numidie de l'ancien emplacement qui portait le nom de Rabatna. Le Ra serait un partitif de divinitĂ© et Batna, la dĂ©esse numido-punique de la face cachĂ©e de la lune, dĂ©esse du mal et du chĂątiment de l'orgueil dĂ©mesurĂ© des humains[6]. Le nom donc de Batna, n'est que le nom de la dĂ©esse Ă©ponyme, dĂ©pourvu de partitif [6].

Avant la colonisation française

Le mausolée de Medghassen dans les AurÚs prÚs de Batna, date de 300 av. J.-C. Il s'agit d'un monument numide et du plus ancien mausolée de l'Algérie.

La rĂ©gion de Batna faisait partie de la Numidie et des premiers royaumes indĂ©pendants berbĂšres comme l'atteste le monument de Madracen non loin de la ville[3] - [7]. À quelques centaines de mĂštres au nord-est du futur village NĂšgre, sans doute sous influence carthaginoise, un des anciens aguellids numides le roi GaĂŻa, ordonna la construction du temple consacrĂ© Ă  la divinitĂ© Rabetna[3].

Les vestiges de ce temple, ainsi que trois statuettes représentant la déesse Rabetna furent découverts par un détachement de la III légion d'Auguste, dont le siÚge fut déplacé sous le rÚgne de l'empereur Hadrien, de Thevest (Tébessa) à Lambaesis (LambÚse)[3]. Les éléments du détachement romain utilisÚrent les pierres du temple écroulé et abandonné depuis longtemps déjà, pour élever un fort en avant-poste de leurs positions afin de protéger la garnison centrale de Lambaesis[3]. Les ruines de ce fort demeurÚrent jusqu'à l'arrivée de l'armée française dans ces lieux qui utilisa à son tour ces pierres dans la construction du camp[8].

Trois principales tribus vivent alors dans la rĂ©gion de la future ville situĂ©e entre Ich Ali Gabel et Belezma[5]. Il s'agit de Ayth Chlihs dont les habitants vivent entre Hamla ex-Condorcet et Taghit futur Victor Duray[5]. Les Ayth Sidi Yahia dont les habitants vivent Ă  l'emplacement des actuels quartiers de la ville Parc Ă  Fourrage, une partie de Bouakal et jusqu'Ă  LambĂšse et ont leur zaouĂŻa[5] - [7]. Les Ouled Aadi d'origine hilalienne, possĂšdent la plus grande partie de la terre de la vallĂ©e, et vivent au sud-ouest de l'actuelle ville sur l’axe Tamachit, Bouakal Z’mala et aussi une partie de Kechida[5]. La tribu des Fezzan, BerbĂšres d'origine tripolitaine, se concentre Ă  la ZaouĂŻa de Z’mala[7]. Les Français la baptisent Ă  leur arrivĂ©e « Village NĂšgre », Ă  cause d'une importante population noire, les Zenagas (qui parlent le berbĂšre subsaharien), des descendants des Sanhadjas[7]. Les Hraktas, tribu berbĂšre, ont des terres pour leurs pĂąturages et des lieux saints dans cette vallĂ©e[7]. Les routes sont protĂ©gĂ©es par toutes ces tribus contre les razzias des autres tribus proches et les attaques ottomanes[7]. Le commerce est prospĂšre dans cette vallĂ©e, les gens passent par cette vallĂ©e pour aller Ă  Constantine[7], venant de Khenchela, d'Arris, de Menaa, de Biskra, etc[7].

La ville de Batna a existé avant sa création officielle, sous le nom de Baitnah, déjà citée dans les écrits du voyageur britannique Thomas Shaw, dans son livre publié en 1738[9] - [5] - [7]

Algérie française (1830-1962)

Naissance de la ville

StĂšle inaugurale de Batna Ă  son emplacement initial en 1998.

Dans le seuil qui sĂ©pare les monts du Belezma de l’AurĂšs proprement dit, il n’y a en 1840 qu’un terrain marĂ©cageux et quelques mechta[10]. StĂ©phane Gsell dans son atlas archĂ©ologique ne signale que quelques vestiges romains Ă©pars[11] : des restes d’enceinte et de constructions, un poste de guet au-dessus de Bouzourane, une borne marquant les 8 milles de LambĂšse, et, au col de Batna sur la ligne de partage des eaux Ă  1 083 m, les traces d’une villa romaine importante, avec source, thermes et bassins, pressoir et tombeaux (un sarcophage chrĂ©tien)[10].

MalgrĂ© le traitĂ© de Tafna, l’armĂ©e française franchit les portes de fer et prend Constantine, la mĂȘme annĂ©e[10]. Ahmed Bey avait rejoint, Ă  Biskra, un lieutenant d’Abd el-Kader, Mohamed-Seghir. le Duc d’Aumale, nommĂ© gouverneur de Constantine en 1843, dĂ©cide d’aller continuer la conquĂȘte de la France dans les Zibans[10]. Une colonne sous les ordres du colonel Buttafoco se met en route fin janvier 1844 et bivouaque le 12 fĂ©vrier juste Ă  mi-route de Biskra (119 km) prĂšs de l'endroit de l'embranchement des routes des Batna-Bemelle et Batna-Condorcet et de la Mella[10]. Buttafoco se rendant vite compte de la situation stratĂ©gique de l'endroit (Ă  mi-chemin entre Constantine et Biskra), l'expĂ©dition dĂ©cide, dĂšs 1844, la construction d'un camp militaire fixe destinĂ© Ă  contrĂŽler les diffĂ©rents axes routiers. Une stĂšle situe encore l’endroit de ce bivouac prĂšs de la ferme des tourelles[10]. une redoute en pierres et fascines est dressĂ©e oĂč seront laissĂ©s les malades et une partie des provisions[10].

L’expĂ©dition de Biskra s’étant dĂ©roulĂ©e sans grands problĂšmes (sauf un combat Ă  M’ChouchĂšne, le 21 mars), les 3 000 hommes rentrent vers le camp de Batna, assailli en leur absence par les Ouled soltane. Ceux-ci sont repoussĂ©s, mais le camp est dĂ©placĂ© en avril Ă  km[12], au sud-est prĂšs des ruines du lieu-dit Ras-el-AĂŻoun-Batna qui se traduit de l'arabe tĂȘte des sources de Batna (Village NĂšgre', actuellement quartier de Z’mala)[13] - [12]. Le camp est dĂ©sormais destinĂ© Ă  protĂ©ger la route du Tell au Sahara[13]. La situation Ă©tait bien choisie, car Batna est Ă  1 021 m au-dessus du niveau de la mer[13]. Quelques maisons se bĂątissent prĂšs du camp : cantines, ateliers, etc. le colonel fait tracer les alignements des futures rues qui vont toutes se couper Ă  angle droit, il bĂątit aussi avec les fragments des monuments antiques de LambĂšse un musĂ©e en plein air[13] - [12].

Image Blasonnement
Batna

coupé : au premier d'azur à la chaßne de montagnes de sable, à l'arc de triomphe d'or posé sur la ligne de partition et brochant sur le tout, au second parti au I de gueules aux deux clefs d'or passées en sautoir et au II d'or au cÚdre arraché de sinople[14]

DĂ©veloppement

vieux plan de Batna Ă  l’époque de sa fondation et dĂ©veloppement[15]

Le dĂ©cret du 12 septembre 1848, signĂ© par NapolĂ©on III, crĂ©e la nouvelle ville, lui donne le nom de Nouvelle-LambĂšse, mais celui du 20 juin 1849 lui rend le nom de Batna[13] - [16]. Sources et climat favorisent moins les vergers que la forĂȘt de cĂšdres et de chĂȘnes voisine et les cĂ©rĂ©ales (blĂ© dur et orges). L’Oued Batna permet d’irriguer prairies et jardins Ă  l’ouest (ce secteur est baptisĂ© La Verdure)[12].

Les constructions des quartiers de la ville coloniale est entamée seulement aprÚs l'édification de la muraille[8]. Pour assurer la protection des futurs colons[8]. un grand rectangle, orienté du nord vers le sud, représente le premier noyau de la ville naissante[8].

Plusieurs infrastructures sont construites, La mosquĂ©e du Camp est de 1845, les deux Ă©coles (Jules-Ferry et Gambetta) de 1851, la justice de paix de 1853, l’église de 1858. P. PourchiĂ©, premier curĂ©, arrivĂ© en juin 1840 dispose d’une chapelle provisoire au camp. L’église, commencĂ©e en 1855, est utilisĂ©e dĂšs 1858 et consacrĂ©e en 1863[12], disposant d'un vicaire dĂšs 1850. Des sƓurs de la doctrine, arrivĂ©es en 1851, tiennent l’école communale jusqu’en 1880, devenue Ă©cole libre de 1880 1910[12]. L'hĂŽtel d'Orient et d'Angleterre est construit pour accueillir les touristes avant la PremiĂšre Guerre mondiale, vers 1885; quelques cĂ©lĂ©britĂ©s mondiales y sĂ©journent, dont John Wayne et Mohammed Abdel Wahab[17].

Un dĂ©cret de fĂ©vrier 1860 fait de Batna une commune de plein exercice. Elle compte alors 5 990 habitants (1 947 français 647 juifs (avant le dĂ©cret CrĂ©mieux de 1870), 273 Ă©trangers naturalisĂ©s, 384 Ă©trangers et 2 739 "indigĂšnes"), avec un conseil municipal Ă©lu en 1866[12].

Paludisme et cholĂ©ra en 1855 Ă©prouvent soldats et ouvriers. Un bel hĂŽpital militaire est bĂąti en 1866. Le tremblement de terre de 1867 fait de nombreuses victimes dans la ville[12]. Avant la visite de NapolĂ©on III, du 31 mai 1865 au 3 juin, M. Bocca (architecte), organise un concours pour construire un arc de triomphe d'un aspect monumental d'une hauteur de douze mĂštres sur dix de largeur[18]. Sa place est choisie au rond-point d'oĂč l'on voit les quatre portes de la ville[18]. Les colons, agacĂ©s par les vols qu'a provoquĂ©s la famine de 1866 et de 1867 dont souffrirent cruellement les habitants de la rĂ©gion, s’opposent en mai 1870 Ă  cette politique d’assimilation[19].

Les insurrections des AurĂšs 1871 et 1916

La dĂ©faite de l’empereur Ă  Sedan en septembre 1870 et la proclamation de la rĂ©publique rĂ©jouissent la population europĂ©enne qui dĂ©signe, dans l’effervescence, de nouvelles municipalitĂ©s. l’armĂ©e affaiblie, n’intervient pas[19].

La crise d’autoritĂ© provoquĂ©e par la commune de 1871, des injustices et des maladresses causant la mutinerie des spahis favorisent le soulĂšvement de Mokrani, auquel les Rahmaniya ajoutent, en mai 1871, un goĂ»t de guerre sainte, dix villes, dont Batna, sont assiĂ©gĂ©es. La milice dĂ©fend la place ou viennent se rĂ©fugier les fermiers isolĂ©s[19]. Fin avril, des ouvriers sont massacrĂ©s Ă  la scierie Sallerin de Chaabet Ouled Chlih et au Ravin Bleu. La peur entraĂźne une rĂ©pression disproportionnĂ©e (arrestations en ville, razzias au dehors, meurtres pour des raisons futiles, massacre de goumiers Ă  Ain Yagout, etc). Des combats sanglants se dĂ©roulent au djebel Kasrou et au djebel Mestaoua (dant les soldats n’arrivent pas Ă  prendre le Kef fortifiĂ©)[19]. Le calme se rĂ©tablit peu Ă  peu. Pour Ă©viter le retour de telles secousses, la division de Constantine s’installe Ă  Batna en dĂ©cembre, et l’on construit un mur d’enceinte percĂ© de quatre portes et flanquĂ© de redoutes (le fortin et le Bourj Bou Diaf)[19].

On construit le chemin de fer dĂšs 1875 et des petits pĂ©rimĂštres de colonisation proches (Condorcet, Victor Duruy, Fesdis, Mac Mahon)[16]. On distribue aux nouveaux colons, Ă©migrĂ©s d’Alsace-Lorraine, les terres confisquĂ©es aux tribus rebelles. Quelques-uns s’aventurent dans les rĂ©gions entre 1871 et 1880[19]. Des centres sont crĂ©Ă©s entre Setif et Batna aprĂšs 1891, ainsi Merouana en 1905. Batna devient, en 1885, sous-prĂ©fecture du dĂ©partement de Constantine, et siĂšge d’une subdivision militaire avec bureau arabe et sous-intendance. La population, europĂ©enne aux 4/5, ne dĂ©passe pas les 4 000 personnes[19].

Le soulĂšvement, menĂ© en 1879 par Mohand Ameziane Ben-Djarrallah, dure peu et ne trouble pas la vie de Batna[20]. par contre celui des Ouled Soltane autour de Mac Mahon en novembre 1916 prĂ©occupe vivement les autoritĂ©s[19]. ProvoquĂ© par le rappel de la classe 1917, il entraĂźne des dĂ©sertions, des pillages et des assassinats[20]. Barika, Medina, Mac Mahon sont assaillies par des groupes que mĂšne Benali[19]. le sous-prĂ©fet de Batna est tuĂ©, ainsi que l’administrateur de Mac Mahon[19] - [20]. Les EuropĂ©ens doivent quitter Merouana pendant que les insurgĂ©es du djebel Mestaoua font des bombardements avec le MedfĂąa Kerrouch (un canon en bois de chĂȘne qui explose au 5e obus)[21]. La rĂ©pression dure jusqu’en avril 1917, faisant appel Ă  des troupes de Tunisie, Ă  l’artillerie et Ă  une escadrille d’avions[19] - [20]. La guerre 1914-1918 se termine, avec 82 français et un nombre non connu de tirailleurs morts[19].

Vers la révolution (1919 - 1954)

Batna sous la neige (février 1935)

Pendant 20 ans, Batna va jouer son rÎle de centre administratif et commercial[22]. HÎtel de ville, tribunal, justice de paix, hÎpital, bureau arabe accueillent paysans et montagnards. Trésor, recette des postes, marché, halle aux grains épaulent commerçants et artisans : armuriers, bourreliers, forgerons, charpentiers, grossistes, etc. Un nouvel apport de colons (espagnols et italiens) accroßt la population[22].

La ville Ă©tait cosmopolite, il y avait des personnes d'origines et de confessions extrĂȘmement diverses, des Chaouis, Kabyles, Mozabites, Soufis, Arabes, Africain, Kouloughlis, et toutes sortes de mĂ©tissages entre ces diffĂ©rentes origines ethniques. Ils Ă©taient musulmans pour la plupart, mais il y avait Ă©galement, des juifs d'AlgĂ©rie et de nombreux chrĂ©tiens originaires de France (de Corse notamment), de Malte, d'Italie, de Sicile, d'Allemagne, et mĂȘme de Russie[7]. Plusieurs confĂ©dĂ©rations d'autochtones Ă©taient concentrĂ©es dans le vieux Quartier du Camp de la ville et de la Zmela alors que beaucoup d'EuropĂ©ens habitaient le quartier du Stand oĂč vivaient aussi des musulmans algĂ©riens de classes plus ou moins aisĂ©es, ainsi que quelques familles de juifs d'AlgĂ©rie[7].

La guerre de 1930-40 mobilise, sans distinction, les hommes valides. AprĂšs le dĂ©barquement amĂ©ricain de 1942, un bataillon sera formĂ©, dans l’est, pour participer aux compagnes d’Italie, de France et d’Allemagne. Certains suivront en Indochine[22].

les Ă©vĂšnements de mai 1945 toucheront peu Batna oĂč tous se connaissent et s’estiment souvent depuis l’école. Pourtant l’influence des OulĂ©mas de 1930, les poussĂ©es nationalistes, et non-application du Statut Organique de 1947, favorable Ă  l’assimilation, conduiront les militants vers la lutte armĂ©e[22].

Batna dĂ©passe en 1949 les 25 000 habitants. Avec le soutien de l’Égypte, des hommes tels que Mostefa Ben BoulaĂŻd, Abbas Laghrour, Hocine Lamrani, etc., vont rĂ©ussir, par leur tĂ©nacitĂ©, Ă  soulever tout le pays[22]. Au lendemain du tremblement de terre d’Orleansville le 9 septembre 1954 et avant la visite du ministre de l’intĂ©rieur François Mitterrand ils vont soutenir le C.R.U.A. jeter les bases du parti FLN et de l’armĂ©e ALN, diviser le pays en 6 wilayas, stocker prĂšs d’Arris des armes et des Ă©quipements, et dĂ©cider la date de l’insurrection[22].

La guerre de libération (1954 - 1962)

La rĂ©volution Ă©clate le 1er novembre 1954, Ă  l’aube[22]. Deux sentinelles sont tuĂ©es au camp[22]. le caĂŻd Ben-Sadok et Guy Monnerot sont tuĂ©s Ă  Tighanimine. Arris est isolĂ©. Au dĂ©but, les autoritĂ©s croient Ă  des actions ponctuelles, dans la ligne des bandits d’honneur (Grine Belkacem, tuĂ© le 28-11-1954) et se contentent de renforcer la surveillance militaire des AurĂšs, 9e chasseurs d’Afrique vont s’ajouter la lĂ©gion des SĂ©nĂ©galais, des parachutistes, de l’artillerie, des blindĂ©s (AMX) et de l’aviation[22].

Au fur et Ă  mesure que l’armĂ©e va contrĂŽler le massif, la population va, sous la poigne ferme du FLN, basculer de la sympathie Ă  l’engagement total[23]. Le maquis prend peu Ă  peu de l’extension, avec ses structures (relais, cotisations, cour martiale, etc.) et ses liaisons avec Alger et l’extĂ©rieur[23].

De son cĂŽtĂ©, la rĂ©pression est brutale : le Camp, le Fortin, la Ferme Rouge (F. Lahmar, prĂšs de Fesdis) vont servir de lieux de torture ; la ferme Lucas, Ă  Fontaine-Chaude, regroupera les suspects avant leur envoi Ă  Constantine. La population, maire en tĂȘte A. Malpel, manifestera dĂšs 1955 contre les abus du lieutenant TĂȘtard (dont les chiens ont dĂ©chiquetĂ© un aveugle)[23]. On dĂ©couvrira mĂȘme Ă  Khenchela, en 1981, un charnier de plus de 900 corps[23].

En ville, l’état d’urgence s’installe[23]. Les quartiers sont quadrillĂ©s pas les territoriaux, des contrĂŽles sont effectuĂ©s aux portes, il faut un laissez-passer pour sortir en zone interdite[23]. Des convois se constituent pour Merouana ou Arris, avec couverture aĂ©rienne ou la protection des tours de guet qui veillent sur les passages nĂ©vralgiques. MalgrĂ© tout, de frĂ©quents attentats ont lieu, et la police est sur les dents, en quĂȘte de renseignements[23].

240 soldats mourront Ă  Batna entre novembre 1954 Ă  avril 1957, d’aprĂšs les registres paroissiaux, et un nombre inconnu de rĂ©sistants seront inhumĂ©s, Ă  la hĂąte, dans un coin du djebel lĂ  mĂȘme oĂč ils sont tombĂ©s[23].

En 1956 Batna devient le chef-lieu du dĂ©partement des AurĂšs, qui est encore trĂšs dĂ©pendant de Constantine et oĂč se tient, en aoĂ»t, le congrĂšs de La Soummam (C.N.R.A.)[23].

Le 26 aout 1960 à 9 heures 15, une grenade défensive a explosé devant le marché de la ville[24]. Les victimes selon le livre Au forgeron de Batna de Jean-Pierre Marin ont été de 5 morts et 29 blessés[24], et de 2 morts et 30 et un blessé selon le journal Le Monde[25], tous musulmans et un gardien de la paix européen blessé[26].

Batna, qui a un gĂ©nĂ©ral nommĂ© Georges Parlange depuis avril 1955 et une prĂ©fecture depuis 1956 dans la daira actuelle, reste calme au moment du cessez-le-feu[23]. L’O.A.S y a peu de crĂ©dit et l’exode qui touche les Français de l’AlgĂ©roise dĂšs cette Ă©poque n’y sera sensible qu’en juin, Ă  l’approche de l’étĂ©. Donnant cours Ă  un florissant marchĂ© de meubles, vaisselle, linges hĂ©tĂ©roclites la population dĂ©passe 55 000 habitants, mais il ne restera bientĂŽt qu’une poignĂ©e des 3 000 chrĂ©tiens et juifs de la ville[27]. En juillet Ferhat Abbas fait une visite Ă  Batna pour cĂ©lĂ©brer la victoire de la libertĂ©[27].

Algérie indépendante

L’expansion de 1962 à 1991

Ancien bùtiment datant de l'époque coloniale utilisé comme bureau de poste.

De 1962 Ă  1965, Batna garda le dĂ©coupage militaire de l'ALN : elle Ă©tait le chef-lieu de toute la rĂ©gion des AurĂšs. Pendant ces toutes premiĂšres annĂ©es de l'IndĂ©pendance, la ville a connu une croissance Ă©conomique importante[28]. Pendant le mandat du prĂ©sident Houari BoumĂ©diĂšne (1965 - 1979), plusieurs millions d'arbres seront plantĂ©s par les jeunes appelĂ©s de l'armĂ©e dans les montagnes avoisinant la ville (Kasrou, pic des cĂšdres ou col de Telmet (forĂȘt de Belezma), Bouarif, Mont ChĂ©lia, etc.), pour remplacer les arbres calcinĂ©s par les bombardements français. L'Ă©glise de la ville fut dĂ©truite dans les annĂ©es 1970[29] pour ĂȘtre remplacĂ©e par une placette en marbre.

Dans les annĂ©es 1970, la ville de Batna s'agrandira harmonieusement et se dĂ©veloppera grĂące au secteur industriel oĂč plusieurs projets vont aboutir (complexes textile, cuirs, etc.) grĂące Ă  la contribution des entreprises de l'État ainsi qu'aux entrepreneurs locaux[28]. MalgrĂ© un rĂ©gime socialiste, la vie Ă  Batna Ă©tait agrĂ©able Ă  tel point que plusieurs cadres de l'État, aprĂšs une mutation Ă  Batna, dĂ©cidĂšrent d'y rĂ©sider dĂ©finitivement. Cependant, cette croissance sera brutalement freinĂ©e pendant l'Ăšre du prĂ©sident Chadli Bendjedid (1978-1991), d'une part par la corruption naissante et vite gĂ©nĂ©ralisĂ©e et d'autre part par les conflits d'intĂ©rĂȘts tribaux et le clanisme despotique. Alors que la ville commençait Ă  manquer cruellement d'eau, de routes et d'espace, quelques travaux de prestige furent rĂ©alisĂ©s, comme l'Ă©dification de l'office public omnisports de la wilaya de Batna du 1er novembre 1954, face au cimetiĂšre chrĂ©tien et juive de la ville, la rĂ©novation du thĂ©Ăątre colonial de la ville, la construction de quelques citĂ©s d'habitations et de la maison de la culture ainsi que d'une salle de cinĂ©ma (le ColisĂ©e), d'une gare routiĂšre, etc. C'est aussi pendant cette pĂ©riode que Batna voit sa territorialitĂ© administrative nettement amputĂ©e, elle n'est plus que le chef-lieu de la Wilaya de Batna qui ne comprend plus les dĂ©partements de Khenchela, de AĂŻn BĂ©ĂŻda, de Biskra et d'Oum-El-Bouaghi.

Image Blasonnement
Batna

Parti : au premier de sinople à la clé au vide gueules, au deuxiÚme coupé, en I d'azur à la grande mosquée du 1er-Novembre-1954, et en II de gueules au cÚdre

Guerre civile de 1991 Ă  2002

Le 24 janvier 1992, sur pratiquement tout le territoire national, notamment à Batna des affrontements entre l'Armée et les partisans du Front islamique du salut ont lieu à la sortie des mosquées, juste aprÚs la grande priÚre du vendredi[30]. De nombreux jeunes vont choisir de vivre dans la clandestinité ou de rejoindre les maquis pour échapper aux arrestations massives et à la déportation dans les camps d'internement mis en place par l'armée dans le Sud[31].

Du 4 au 5 fĂ©vrier 1992, un soulĂšvement populaire dans le quartier de Bouakal Ă  Batna va faire 52 morts[31]. Plusieurs centaines de militants du Front islamique du salut ont Ă©tĂ© tuĂ©s ou exilĂ©s dans les camps du Sud. Ces Ă©vĂ©nements se sont dĂ©roulĂ©s lors de la prĂ©sidence de Mohamed Boudiaf[31]. Par ailleurs, la ville de Batna paya un lourd tribut lors de la guerre civile, avec plusieurs milliers de victimes en 10 ans[31].

Les grands travaux furent relancés petit à petit pendant la décennie noire. Ainsi, pour désenclaver les AurÚs, le président Liamine Zéroual, décida en 1997 la construction de l'aéroport international Mostefa Ben Boulaid, prÚs du monument Medghassen. Il lancera aussi la construction du barrage de Timgad pour satisfaire la demande en eau potable de la région. La radio publique régionale de Batna fut créée à cette période et ses ondes couvrent aujourd'hui tous les AurÚs.

Pendant la décennie 90, un exode massif des populations rurales mises en mouvement par la guerre, provoqua une brutale croissance démographique de la population batnéenne[28], ce qui entraßna une urbanisation anarchique et un étouffement de la circulation automobile[32], une flambée de l'immobilier mais surtout fera exploser la délinquance juvénile à la fin des années 2000[33].

Batna de nos jours

Fin 2007, le président Abdelaziz Bouteflika relancera pour la ville quelques projets vitaux bloqués, comme le recouvrement des deux canaux d'eaux usées à ciel ouvert qui traversent la ville[34] ou l'ordre de finalisation en un an du barrage de Timgad destiné au développement de l'agriculture, dont la construction avait débuté en 1994[35].

Le soir du 8 septembre 2007, un attentat, revendiqué par Al-Qaida, eut lieu au centre-ville, visant Bouteflika, qui y échappa de peu. Il fit de nombreuses victimes (19 morts et 100 blessés graves)[36].

Pour dĂ©sengorger le transport urbain de la ville de Batna, une Ă©tude de faisabilitĂ© pour un projet de tramway a Ă©tĂ© lancĂ©e en 2008[37]. AprĂšs plusieurs mois de conflit d'intĂ©rĂȘts intra-municipal, des travaux de bitumage des rues et ruelles de certains quartiers de la ville de Batna, d'un coĂ»t de 200 millions de dinars algĂ©riens, ont dĂ©butĂ© en mai 2009[38].

Annexes

Articles connexes

Notes et références

  1. « Conseiller rapporteur Urbain. Délimitation de la tribu des Ouled Chelih, cercle de Batna. N° 1351. Séance du 23 janvier 1867 »
  2. Mohand Akli Haddadou, Glossaire des termes employĂ©s dans la toponymie algĂ©rienne, Alger, ENAG Éditions, , 87 p. (ISBN 978-9931-00-040-2), p. 16,42.
  3. Guerfi et al. 2011, p. 258-259.
  4. « Batna dans l'histoire », sur http://www.sante.dz (consulté le )
  5. Rachid Hamatou, « Ancienne ville de Batna : « OĂč est passĂ©e la pierre inaugurale ? » », LibertĂ©,‎ (ISSN 1111-4290, lire en ligne).
  6. Guerfi et al. 2011, p. 256-257.
  7. « Batna, terre des hommes libres, par Hassina Amrouni », sur http://www.memoria.dz/, (consulté le )
  8. Guerfi et al. 2011, p. 260-261.
  9. Thomas Shaw, Voyages de M. Shaw, M. D. Dans plusieurs provinces de la Barbarie et du Levant : contenant des observations gĂ©ographiques, physiques, philologiques et mĂȘlĂ©es. sur les royaumes d'Alger et de Tunis, sur la Syrie, l'Égypte et l'Arabie PĂ©trĂ©e avec des cartes et des figures traduits de l'anglois., vol. 2, t. 1, La Haye, J. Neaume, , 469 p. (lire en ligne), p. 144
  10. Thiriez 1986, p. 33.
  11. StĂ©phane Gsell, Atlas archĂ©ologique de l’AlgĂ©rie (1902 - 1911), feuille 27, (lire en ligne)
  12. Thiriez 1986, p. 34
  13. Teissier 1865, p. 201.
  14. « Blason de la ville de Batna », sur http://www.labanquedublason2.com (consulté le )
  15. Thiriez 1986, p. 35.
  16. CĂŽte et Camps 1991, p. 1389.
  17. S. Arslan, « Un lieu historique Ă  l'abandon : « HĂŽtel d'orient et d'Angleterre de Batna » », El Watan, no 5357,‎ , p. 9 (ISSN 1111-0333, lire en ligne).
  18. Teissier 1865, p. 202.
  19. Thiriez 1986, p. 36.
  20. Guerfi et al. 2011, p. 262-263.
  21. Guerfi et al. 2011, p. 264-265.
  22. Thiriez 1986, p. 38.
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  25. « PrĂšs de soixante rebelles hors de combat », Le Monde,‎ (ISSN 0395-2037, lire en ligne).
  26. « Grenade Ă  Batnaː Un mort, vingt-cinq blessĂ©s », Le Monde,‎ (ISSN 0395-2037, lire en ligne).
  27. Thiriez 1986, p. 40.
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  29. Marin 2005, p. 268.
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  31. Abdelkader Tigha et Philippe Lobjois, Contre-espionnage algérien : notre guerre contre les islamistes, Paris, Nouveau Monde, , 294 p. (ISBN 978-2-84736-321-0, lire en ligne), p. 35
  32. Houadef Mohammed, « Transport : « du nouveau » », Le Soir d'AlgĂ©rie,‎ (ISSN 1111-0074, lire en ligne).
  33. Radia Zerrouki, « La dĂ©linquance juvĂ©nile en AlgĂ©rie », La Nouvelle RĂ©publique,‎ (lire en ligne).
  34. Nouredine N., « Ressources hydriques Ă  Batna : « 7 milliards de dinars pour des projets d'envergure » », El Watan,‎ (ISSN 1111-0333, lire en ligne).
  35. Houadef Mohammed, « barrage Koudiet-Lamdaouar de Batna : « RĂ©duire le dĂ©ficit de l'AEP » », Le Soir d'AlgĂ©rie,‎ (ISSN 1111-0074, lire en ligne).
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  37. Hamid M., « Transports : «Lancement de la premiĂšre phase du futur tramway de Batna » », Le Maghreb,‎ (lire en ligne).
  38. http://www.elwatan.com/Vaste-operation-de-rehabilitation

Bibliographie

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  • Philippe Thiriez (ill. ChĂ©rif Merzouki), En flĂąnant dans les Aures, AĂŻn M'lila, Éditions Numidia, , 120 p. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Azeddine Guerfi (dir. et Coordinateur), Nadia Bouseloua (Auteur), Rachid Mokhtar (Auteur) et Philippe Thiriez (Auteur) (photogr. KaĂŻs Djilali), AurĂšs, vivre la terre chaouie, Alger, Chihab Éditions, , 303 p., 25 cm × 29 cm (ISBN 978-9961-63-839-2). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Jean-Pierre Marin, Au forgeron de Batna, (lire en ligne Inscription nĂ©cessaire), p. 496. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Octave Teissier, NapolĂ©on III en AlgĂ©rie, Paris, , 335 p. (lire en ligne), p. 201-206. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Louiza Haddad, Le rĂŽle de Batna dans sa wilaya, , 464 p. (lire en ligne)
  • Marc CĂŽte, Gabriel Camps (dir.) et al., Baal – Ben Yasla : Batna, Aix-en-Provence, Édisud, coll. « EncyclopĂ©die berbĂšre » (no IX), , 160 p., 9,3 cm × 6,4 cm (ISBN 978-2-85744-509-8 et 2857445091, lire en ligne), p. 1389-1394. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Abdelhamid Zouzou, L'AurĂšs au temps de la France coloniale « Evolution politique economique et sociale 1837-1939 », t. II, Alger, Edition Houma, , 734 p. (ISBN 978-9961-66-542-8). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Kamel Chibani, Si Batna m'Ă©tait contĂ©e 1844 - 1962, Batna, A Guerfi, , 338 p. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
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