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Grains anciens

Les grains anciens sont un ensemble de grains de céréales et de pseudocéréales qui sont considérés comme ayant été peu modifiés par la sélection variétale au cours des derniers millénaires, par opposition aux céréales les plus répandues telles que le maïs, le riz, le seigle et les variétés modernes de blé, qui sont le résultat de milliers d'années de sélection continue.

Amaranthus caudatus, espÚce d'amarante cultivée à des fins alimentaires et ornementales.

L'appellation quasi dĂ©suĂšte de menus grains recouvre sensiblement le mĂȘme ensemble de cĂ©rĂ©ales mais Ă©tait autrefois basĂ©e sur des critĂšres de popularitĂ©, d'Ă©conomie et de fiscalitĂ© (dĂźme)[1]. Loin d'ĂȘtre des cĂ©rĂ©ales secondaires, ils ont pu, dans le passĂ© mĂȘme rĂ©cent, constituer l'essentiel de la ration de nombreuses populations alors que le blĂ© tendre permettant de boulanger le pain blanc Ă©tait rĂ©servĂ© aux couches aisĂ©es. « Menus grains » a pu aussi concerner des lots de grains trop petits ou dĂ©prĂ©ciĂ©s des cĂ©rĂ©ales Ă  gros grains et mĂȘme parfois les graines de lĂ©gumineuses et autres. Les menus grains s'excluaient des gros grains : blĂ©, seigle, mĂ©teil de blĂ©-seigle. La place du maĂŻs, de l'orge et de l'avoine dans ces classements a variĂ© au cours du temps et selon les rĂ©gions[1].

Les grains anciens sont souvent commercialisés comme étant plus sains que les grains modernes, bien que leurs avantages pour la santé soient contestés par certains nutritionnistes[2] - [3].

Il est cependant certain que la sĂ©lection des variĂ©tĂ©s boulangĂšres depuis 1940 a Ă©tĂ© menĂ©e en particulier sur la force boulangĂšre pour obtenir des glutens plus tenaces recherchĂ©s en boulangerie industrielle et l'effet de ces nouvelles mĂ©thodes de boulangerie sur la digestibilitĂ© du gluten a peut-ĂȘtre Ă©tĂ© sous-estimĂ©[4].

Il serait plus pertinent (mais moins parlant) de les définir comme des cultivars anciens d'espÚces rustiques car des plantes comme l'avoine, l'orge, le sorgo, le millet des oiseaux et le sarrasin font depuis longtemps l'objet de programmes de sélection modernes.

Le blĂ© moderne est une espĂšce hybride descendant de trois graminĂ©es sauvages (taxonomie du blĂ©) avec pour intermĂ©diaire l'amidonnier[5] et qui a subi une sĂ©lection intense; il est par ailleurs toujours possible de se procurer des cultivars anciens de blĂ© notamment des variĂ©tĂ©s-populations (semence paysanne) mĂȘme si la lĂ©gislation sur l'utilisation des semences varie selon les pays.

Liste de grains anciens

Cette liste est provisoire et contestable suivant que l'on considĂšre que la cĂ©rĂ©ale a Ă©tĂ© trĂšs modifiĂ©e ou pas, ce qui est difficile Ă  estimer par exemple pour le sorgo, l'avoine, le riz africain[6], l'orge, ou mĂȘme l'Ă©peautre[7].

On peut distinguer :

Une autre distinction pourrait ĂȘtre faite entre cĂ©rĂ©ales Ă  grains vĂȘtus et cĂ©rĂ©ales Ă  grains nus. Tous les blĂ©s sauvages ancĂȘtres des cĂ©rĂ©ales sont en effet Ă  grains vĂȘtus (Taxonomie du blĂ©#Grains vĂȘtus et grains nus) ; ces grains conservent leurs enveloppes Ă  la rĂ©colte et sont gĂ©nĂ©ralement dĂ©cortiquĂ©s pour ĂȘtre utilisĂ©s en alimentation humaine. Ce sont aujourd'hui pour ce qui concerne les grains anciens : l'engrain, l'Ă©peautre, l'orge, l'avoine vĂȘtue, le riz africain, le fonio, ...

Histoire

L'origine de la culture des grains remonte Ă  la RĂ©volution nĂ©olithique, il y a environ 10 000 ans, lorsque les communautĂ©s prĂ©historiques sont passĂ©s du stade de chasseurs-cueilleurs Ă  celui d'agriculteurs. Les variĂ©tĂ©s modernes de cĂ©rĂ©ales ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©es au fil du temps en profitant des mutations, culture sĂ©lective, croisements et enfin mĂ©thodes des biotechnologies[12] - [13]. On estime cependant que les grains anciens sont en partie inchangĂ©s par rapport aux formes domestiquĂ©es initialement[2]. Certains grains anciens ont Ă©tĂ© idolĂątrĂ©s et utilisĂ©s par diverses civilisations anciennes, des AztĂšques aux Grecs et aux Égyptiens[14]. Le quinoa, considĂ©rĂ© comme la « mĂšre de tous les grains », Ă©tait sacrĂ© pour les Incas[13]. L'amarante a Ă©galement Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme sacrĂ©e par les AztĂšques, et Ă©tait utilisĂ©e lors de cĂ©rĂ©monies religieuses, sa culture Ă©tant interdite par les autoritĂ©s coloniales espagnoles[15]. Les grains de farro sont mentionnĂ©s dans l'Ancien Testament[11] - [16].

DĂšs le dĂ©but du Moyen Âge, le blĂ© dur remplace l'amidonnier dans les zones mĂ©diterranĂ©ennes, le blĂ© tendre et le seigle dans les zones plus froides remplacent l'Ă©peautre; le sarrasin apparait Ă  la mĂȘme Ă©poque en Europe et s'installe durablement dans les rĂ©gions Ă  sols acides Ă  condition toutefois que cette culture d'Ă©tĂ© ne soit pas ravagĂ©e par le grand gibier ou les troupeaux pratiquant la vaine pĂąture[1]. Ces rĂ©gions correspondent aux pays de bocage issus de la tradition celtique oĂč l'open-field est rare : Sud-Ouest de l'Angleterre, Grand-Ouest et Massif Central en France. Les mils (panis-setaria italica, sorgos-sorghum bicolor) et le sarrasin continuent Ă  ĂȘtre cultivĂ©s de façon importante jusque dans les annĂ©es 1820-1830 malgrĂ© les injonctions des physiocrates et des Ă©conomistes car ils demandent moins d'investissement et moins de travail que les cultures sarclĂ©es tout en permettant une rotation des cultures suffisante et en accroissant la sĂ©curitĂ© alimentaire[1]. Ces cultures sont en effet appelĂ©es des « mars », c'est-Ă - dire des cultures de printemps ; cela permet de rĂ©partir les risques et les pointes de travail, le seigle et le blĂ© tendre Ă©tant trĂšs gĂ©nĂ©ralement semĂ©s en hiver. AprĂšs 1830, l'engouement gĂ©nĂ©ral pour les cĂ©rĂ©ales panifiables, la baisse du prix des engrais et amendements et la mĂ©canisation entraĂźnent leur quasi disparition dans les pays industrialisĂ©s.

Ils ont Ă©tĂ© de tout temps utilisĂ©s pour l'alimentation des animaux de prĂ©fĂ©rence aux cĂ©rĂ©ales panifiables Ă  gros grains qui pouvaient ĂȘtre vendues plus cher. Lorsque l'on Ă©tait Ă  court de fourrages, on faisait parfois pĂąturer l'avoine ou les mils par les ruminants, ce qui est peut-ĂȘtre Ă  l'origine de l'expression « manger son blĂ© en herbe ». À partir du XVIIIe siĂšcle, les droits de glandage et ramassage des chataignes dans les forĂȘts sont sĂ©vĂšrement limitĂ©s. Ces mesures prĂ©judicables Ă  l'Ă©levage en libertĂ©, et mĂȘme parfois en transhumance, des cochons entraĂźnent alors un regain d'intĂ©rĂȘt pour les menus grains et le maĂŻs dont on rĂ©serve une partie pour la nourriture des porcs et volailles[1].

Une réputation d'aliment de santé est attachée à ces grains au moins depuis l'Antiquité[1].

Aux États-Unis, la premiĂšre rĂ©fĂ©rence aux grains anciens en tant qu'aliments de santĂ© a Ă©tĂ© publiĂ©e dans le Daily News de New York en 1996[9]. La popularitĂ© des grains anciens comme aliments y a depuis lors augmentĂ©[9] et en 2011 le marchĂ© amĂ©ricain des aliments sans gluten Ă©tait Ă©valuĂ© Ă  1,6 milliard de dollars[13]. En 2014, la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine, General Mills a lancĂ© un produit contenant des « grains anciens » sous la marque « Cheerios + Ancient Grains »[9] - [10].

Bénéfices pour la santé

Les promoteurs des grains anciens affirment qu'ils sont riches en protĂ©ines, en acides gras omĂ©ga-3 et en antioxydants[2]. Selon certains nutritionnistes, les grains anciens ne sont pas intrinsĂšquement plus sains que les grains modernes, les grains anciens et modernes ont des avantages similaires pour la santĂ© lorsqu'ils sont consommĂ©s sous forme de grains complets[2] - [17]. Le classement des grains en cĂ©rĂ©ales et pseudo-cĂ©rĂ©ales n'a Ă©videmment pas de valeur taxonomique et l'appellation « Ancient grains » en AmĂ©rique du Nord a pu ĂȘtre motivĂ©e par des considĂ©rations commerciales[9] - [10].

Certains grains anciens, mais pas tous, sont sans gluten. Les pseudo-céréales comme l'amarante, le quinoa, le sarrasin sont sans gluten, mais les graminées comme l'avoine et les blés anciens, comme l'épeautre, l'engrain et le blé de Khorasan, par exemple, en contiennent[2] - [17]. L'engrain, le blé hérisson, l'orge et le seigle en contiennent peu. D'autres graminées comme le teff et le sorgho comportent un gluten trÚs différent.

Les blés durs modernes destinés à la fabrication de pùtes et les blés tendres modernes destinés à la boulangerie et à la viennoiserie ont été sélectionnés pour leur teneur en gluten et la résistance de ce gluten (force boulangÚre[18]) et son adaptation aux nouvelles méthodes industrielles. Les conséquences de cette sélection sur la digestibilité du gluten sont insuffisamment connues et font l'objet d'évaluation[4].

Les pseudo-cĂ©rĂ©ales et dans une moindre mesure les grains anciens de cĂ©rĂ©ales prĂ©sentent un meilleur Ă©quilibre en acides aminĂ©s essentiels que les cĂ©rĂ©ales modernes, ce qui peut ĂȘtre un avantage dans le cadre de rĂ©gimes sans produits animaux (vegan) ou pour les personnes suivant des recommandations religieuses (parfois dans l'hindouisme, le bouddhisme...) mais ne constitue pas une nĂ©cessitĂ© avec une alimentation moderne variĂ©e[19].

Renouveau des cultures de grains anciens

Les grains anciens sont l'objet d'un intĂ©rĂȘt renouvelĂ© dans les agricultures de conservation et en particulier en agriculture biologique[4]. Ils sont parfois apprĂ©ciĂ©s pour leur qualitĂ© de rusticitĂ© mĂȘme en culture conventionnelle (voir par exemple Triticum compactum#Culture et utilisation). Leurs dĂ©bouchĂ©s sont constituĂ©s principalement par l'alimentation biologique, l'alimentation vĂ©gane et diĂ©tĂ©tique, en particulier celle des personnes sensibles au gluten. Plus gĂ©nĂ©ralement ils sont apprĂ©ciĂ©s par des consommateurs dĂ©sireux de varier leurs repas avec des aliments digestes au goĂ»t jugĂ© plus authentique[20] - [7]. Il est courant de trouver dans les rayons d'alimentation des magasins bio 7 ou 8 farines et grains diffĂ©rents de cĂ©rĂ©ales anciennes. Les paysans-boulangers[21], artisans qui font du pain Ă  partir de cĂ©rĂ©ales qu'ils cultivent eux-mĂȘmes utilisent gĂ©nĂ©ralement des cĂ©rĂ©ales panifiables anciennes.

Une étude récente montre que dans des essais en conditions ordinaires de cultures épeautre, engrain et amidonnier peuvent obtenir des taux de gluten comparables ou supérieurs à celui du blé tendre et qu'en agriculture conventionnelle l'efficacité des apports d'azote pour obtenir des taux élevés de protéines et de gluten est supérieure pour les grains anciens[7]. Des études sont en cours en France pour préciser ces valeurs en culture bio et avec des variétés anciennes[4].

Galerie

Voir aussi

Bibliographie

  • National Research Council (U.S.). Board on Science and Technology for International Development., Lost crops of Africa. Volume 1, Grains, National Academy Press, (ISBN 0-585-03069-3 et 978-0-585-03069-2, OCLC 44961320, lire en ligne)

Articles connexes

Lien externe

Notes et références

  1. Isabelle Vouette, « MILLET, PANIS, SARRASIN, MAÏS ET SORGHO:LES MENUS GRAINS DANS LES SYSTÈMESAGRICOLES ANCIENS (France, milieu du XVIĂšmesiĂšcle – milieu du XIXĂšme siĂšcle) », sur HAL, Histoire-UniversitĂ© Paris-Diderot, (consultĂ© le )
  2. (en) « Ancient grains: The best thing since sliced bread? », Los Angeles Times, (consulté le ).
  3. (en) Joanna Jolly, « Why do Americans love ancient grains? », BBC News, (consulté le ).
  4. « Les pratiques de relance des variétés paysannes de céréales dans le Luberon », sur Culture.gouv, (consulté le )
  5. (en) The International Wheat Genome Sequencing Consortium (IWGSC), Rudi Appels, Kellye Eversole et Nils Stein, « Shifting the limits in wheat research and breeding using a fully annotated reference genome », Science, vol. 361, no 6403,‎ , eaar7191 (ISSN 0036-8075 et 1095-9203, DOI 10.1126/science.aar7191, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. Vido, Arthur., L'histoire du riz africain dans le Sud-Bénin (XVIIÚ-XXÚ siÚcle) Une contribution à l'étude de l'histoire rurale du Bénin, Presses Académiques Francophones, (ISBN 978-3-8381-7008-4 et 3-8381-7008-3, OCLC 875588571, lire en ligne)
  7. Sabrina Geisslitz, C. Friedrich H. Longin, Katharina A. Scherf et Peter Koehler, « Comparative Study on Gluten Protein Composition of Ancient (Einkorn, Emmer and Spelt) and Modern Wheat Species (Durum and Common Wheat) », Foods (Basel, Switzerland), vol. 8, no 9,‎ (ISSN 2304-8158, PMID 31547385, PMCID 6769531, DOI 10.3390/foods8090409, lire en ligne, consultĂ© le )
  8. (en) « Know Your Heirloom and Ancient Grains », The New York Times,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  9. (en) Dan Charles, « 'Ancient Grains' Go From Fringe Food To New Cheerios Variety : The Salt », NPR, (consulté le ).
  10. (en) « Why We're Willing to Pay More for Cereals with Ancient Grains », The New Yorker, (consulté le ).
  11. (en) Neil Zevnik, « Ancient Grains: Everything Old Is New Again », Huffingtonpost.com, (consulté le ).
  12. (en) P. R. Shewry, « Wheat », Journal of Experimental Biology, vol. 60, no 6,‎ , p. 1537–1553 (DOI 10.1093/jxb/erp058).
  13. (en) Raymond Cooper, « Re-discovering ancient wheat varieties as functional foods », Journal of Traditional and Complementary Medicine, vol. 5, no 3,‎ , p. 138–143 (DOI 10.1016/j.jtcme.2015.02.004).
  14. (en) Rebecca Sullivan, « Ancient grains: why you should eat these six superfoods eaten by the Aztec », News.com.au, (consulté le ).
  15. (en) Michelle Maisto, « Rediscovering Amaranth, The Aztec Superfood », Forbes, (consulté le ).
  16. (en) Amy Brown, Understanding Food : Principles and Preparation, Cengage Learning, , 704 p. (ISBN 978-1-133-00838-5 et 1-133-00838-0, lire en ligne), p. 354.
  17. (en) Carina Storrs, « 'Natural,' other food labels that may not be legitimate », CNN, (consulté le ).
  18. « Qualité des blés boulangers », sur Tice agroparistech, (consulté le )
  19. (en) John Mc Dougall, « Plant Foods Have a Complete Amino Acid Composition », sur circulation, (consulté le )
  20. « Le retour des céréales anciennes », sur Le monde des boulangers, (consulté le )
  21. « Paysans-boulangers », sur paysans- boulangers (consulté le )
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