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Crise du 6 février 1934

La date du fait référence à une manifestation antiparlementaire organisée à Paris devant la Chambre des députés par des groupes de droite, des associations d'anciens combattants et des ligues d’extrême droite pour protester contre le limogeage du préfet de police Jean Chiappe à la suite de l'affaire Stavisky.

Crise du 6 février 1934
Description de cette image, également commentée ci-après
Cavaliers de la garde républicaine mobile contre des émeutiers sur la place de la Concorde le 6 février.
Informations
Date 6 février 1934
Localisation Paris, France
Caractéristiques
Organisateurs Action française
Association républicaine des anciens combattants
Croix-de-Feu
Jeunesses patriotes
Fédération nationale des contribuables
Parti franciste
Solidarité française
Union nationale des combattants
Revendications Démission du cabinet Chautemps, protestation contre le parlementarisme, rétablissement ou arrestation du préfet Jean Chiappe
Nombre de participants entre 30 000 et 50 000
Types de manifestations Ă©meutes, incendies volontaires, vandalisme, Ă©changes de coups de feu
Bilan humain
Morts 19[1]
Blessés 1 435[2]

La manifestation tourne Ă  l'Ă©meute sur la place de la Concorde, faisant 12 victimes civiles, 1 mort chez les forces de l'ordre et plus de 2 000 blessĂ©s le soir-mĂŞme. 2 autres victimes civiles dĂ©cèdent des suites immĂ©diates de leurs blessures quelques jours plus tard et 4 autres des consĂ©quences de leurs blessures portant ainsi Ă  19 le nombre total de morts du 6 fĂ©vrier 1934[3]. La crise du 6 fĂ©vrier 1934 est une des manifestations les plus sanglantes de la Troisième RĂ©publique, depuis la fusillade de Fourmies en 1891[4]. De nouvelles manifestations violentes — avec de nouvelles victimes du cĂ´tĂ© des manifestants — se produisent les 7, 9 et 12 fĂ©vrier[n 1]. Le bilan de la rĂ©pression policière s'Ă©lève Ă  30 morts sur l'ensemble de ces manifestations.

La crise provoque dès le lendemain la chute du second gouvernement Daladier et exerce une influence profonde et durable sur la vie politique française.

La RĂ©publique en crise

Le contexte Ă©conomique et politique

Fin décembre 1933, la catastrophe de Lagny-Pomponne provoque une grande émotion. La population réclame des responsables.

Au début de l'année 1934, le monde subit les conséquences de la crise économique issue du krach de 1929 et la montée des extrémismes.

En Italie et en URSS, Mussolini et Staline consolident leurs pouvoirs personnels. En Allemagne, Hitler, nommé chancelier le , obtient les pleins pouvoirs le de la même année.

La France est touchĂ©e Ă  partir de 1931 par la Grande DĂ©pression, nĂ©e en 1929 aux États-Unis. La crise Ă©conomique et sociale frappe particulièrement les classes moyennes, soutien traditionnel de la RĂ©publique, le chĂ´mage passant de 273 000 personnes en 1932 Ă  340 000 en 1934[6]. Or, le pouvoir se rĂ©vèle incapable d'apporter des solutions et son budget devient fortement dĂ©ficitaire. Les gouvernements se succèdent (six gouvernements de Ă  ), constituĂ©s des mĂŞmes hommes de la majoritĂ©, tour Ă  tour instituĂ©s puis discrĂ©ditĂ©s.

L'antiparlementarisme est aussi alimenté par une succession de scandales politico-financiers : l'affaire Hanau (Marthe Hanau a utilisé ses appuis politiques pour attirer, grâce à son journal La Gazette du franc, les économies des petits épargnants), l'affaire Oustric (la faillite frauduleuse du banquier Oustric précipite en 1930 la chute du gouvernement d'André Tardieu, dont le garde des Sceaux est mêlé à l'affaire), et enfin, cause directe des événements du 6 février, l'affaire Stavisky.

L'affaire Stavisky et ses conséquences

deux portraits côte à côte : l'un moustachu et la coiffure en désordre, l'autre glabre et les cheveux lisses
Les visages d'Alexandre Stavisky : à gauche, une photographie d'anthropométrie judiciaire où il a l'apparence sous laquelle il est le plus connu ; à droite, le visage composé pour se dissimuler et brouiller les pistes vers 1926.
« À bas les voleurs !... », manchette de L'Action française du .

Ce nouveau scandale, impliquant le Crédit municipal de Bayonne, éclate en . Apparaît alors le personnage d'Alexandre Stavisky, escroc lié à plusieurs parlementaires radicaux, dont un ministre du gouvernement de Camille Chautemps. La presse révèle ensuite qu'Alexandre Stavisky a bénéficié de dix-neuf remises de son procès, alors que le Parquet est dirigé par le beau-frère de Camille Chautemps. Le , Alexandre Stavisky est retrouvé mort. Selon la version policière, il se serait suicidé, ce qui suscite l’incrédulité. Pour la droite, il a été assassiné sur l'ordre de Chautemps, afin d’éviter des révélations. Quand, le 12 janvier, le député Jean Ybarnegaray demande devant la Chambre une commission d'enquête, le président du Conseil refuse : « Laissons la justice faire son travail. »[7]. Chautemps commet là une erreur psychologique qui alimente le discours de l'Action française.

Dès le , L'Action française incite les parisiens Ă  huer les dĂ©putĂ©s en criant « Ă  bas les voleurs ! »[8]. Le soir du , le mouvement monarchiste manifeste[9]. Son numĂ©ro du 9 janvier proclame : « Aujourd'hui, jour de rentrĂ©e du Parlement, Ă  l'heure de sortie de vos ateliers et de vos bureaux, nous vous engageons Ă  venir en foule autour du Palais Bourbon et aux cris de « Ă€ bas les voleurs ! Ă€ bas les assassins ! » exiger la justice et l'honneur. »[10]. 2 000 membres et sympathisants rĂ©pondent Ă  l'appel le premier soir. Le 11 janvier, l'arrestation de M. Aymard, directeur du journal La LibertĂ©, et de M. Dubarry, directeur de La VolontĂ©, jette 4 800 manifestants sur le pavĂ©, oĂą l'Action française est rejointe par les Jeunesses patriotes[11]. La pluie rebute les protestataires le 12 janvier, mais les dĂ©monstrations reprennent, aussi nombreuses, les 19 et 20 janvier. Les Ă©tudiants de l'Action française et les Camelots du roi scandent : « Ă€ bas Chautemps ! Ă€ bas les voleurs ! Stavisky au PanthĂ©on ! ». Un nouveau dĂ©bat sur l'affaire Stavisky le 23 janvier aboutit Ă  un vote de confiance de la Chambre, majoritairement Ă  gauche, en faveur du prĂ©sident du Conseil Camille Chautemps (367 voix contre 201)[12]. La FĂ©dĂ©ration nationale des contribuables descend Ă  son tour dans la rue, mais Ă  un autre point de rendez-vous que celui de l'Action française. Le 27 janvier, la manifestation se grossit de communistes, qui se rĂ©clament des soviets et chantent l'Internationale[13]. Le garde des Sceaux, Eugène Raynaldy, Ă©tant mouillĂ© Ă  son tour, se retire et le prĂ©sident du Conseil jette l'Ă©ponge le 28 janvier. La dĂ©mission du cabinet Chautemps apaise les revendications. En trois semaines, il y a eu près de 2 000 arrestations et plusieurs centaines d'agents des forces de l'ordre ont Ă©tĂ© blessĂ©s. Maurice Pujo, de l'Action française, explique plus tard Ă  la commission d'enquĂŞte : « On me dira qu'il est scandaleux d'arracher des bancs, de dĂ©raciner des arbres, de jeter sur la voie publique des grilles d'arbres. Il est certain que nous avons cherchĂ© le dĂ©sordre dans la rue. Les manifestations n'ont pas d'autre but. »[14].

Changement de cabinet

Le président de la République Albert Lebrun appelle le radical Édouard Daladier à constituer un nouveau gouvernement. Celui-ci reprend huit membres du précédent cabinet, y ajoute deux « républicains de gauche » (François Piétri et Gustave Doussain), un républicain du centre (Jean Fabry), et Eugène Frot, homme nouveau et membre d'une loge maçonnique. La formation du cabinet est achevée le 30 janvier. Certains sont des hommes politiques du centre-droit comme Jean Fabry.

Tandis que la droite tente d’utiliser l’affaire Stavisky pour remplacer la majorité issue des élections de 1932, remportées par le Cartel des gauches, l’extrême-droite frappe plus fort : antisémitisme, xénophobie (Alexandre Stavisky est un Juif ukrainien naturalisé), hostilité à la franc-maçonnerie (dont Chautemps fait lui aussi partie), antiparlementarisme. Selon l'historien Serge Berstein, l'affaire Stavisky n'est exceptionnelle ni par sa gravité ni par les personnalités mises en cause, mais par la volonté de la droite de faire chuter un gouvernement de gauche sur ce thème, profitant du fait que les radicaux n'ont pas la majorité absolue à la Chambre des députés et forment donc des gouvernements fragiles. Du point de vue de la droite, cet énième scandale est la goutte d'eau qui fait déborder le vase des compromissions.

Le déclenchement de la crise du 6 février

En réaction à la mutation du préfet de police Jean Chiappe (à gauche), le préfet de la Seine Édouard Renard (à droite) démissionne le [15].
Caricature des manifestations nationalistes provoquées par la révocation de Chiappe (natif de Corse, d'où l'allusion à Napoléon). Au premier plan des ligueurs, on reconnaît Léon Daudet, de l'Action française
(Le Populaire, organe du Parti socialiste (SFIO), no 4017, 6 février 1934.).

Le , Paris apprend que son préfet de police, Jean Chiappe, est muté au Maroc : Édouard Daladier applique une série de mutations-promotions-sanctions pour éloigner les hommes éclaboussés par l'affaire Stavisky. Or le préfet de police est haï de la gauche, dont il entrave sans violence les manifestations depuis 7 ans, mais très aimé de la droite et de l'extrême-droite, pour lesquelles il manifeste une grande indulgence[16]. Les journaux de gauche l'accusent depuis plusieurs semaines d'être impliqué dans l’affaire Stavisky, mais la droite dénonce le résultat d’un marchandage avec les députés de la SFIO : départ de Chiappe contre soutien au nouveau gouvernement. Les ministres Piétri, Doussain et Fabry démissionnent le , imités le lendemain par Édouard Renard, préfet de la Seine[15]. Le bruit court que le général Maxime Weygand, en conflit avec le président du Conseil, sera le prochain sur la liste des mutations. Le nouveau préfet de police est Adrien Bonnefoy-Sibour, auparavant préfet de Seine-et-Oise (à Versailles). Alors qu'il n'a pas d'expérience particulière de la capitale, il a été invité par le gouvernement à prendre ses fonctions avant même la parution de son décret de nomination au Journal Officiel[17], et son installation précipitée à la préfecture de police crée un malaise au sein de ses personnels et de ceux de la police municipale, comme le confirmeront par la suite les auditions de la commission parlementaire sur les évènements[18].

Aussitôt des appels à manifester sont placardés partout dans Paris : rendez-vous le 6 février (jour où le nouveau gouvernement doit être présenté à la Chambre) sur la place de la Concorde, à des horaires variables selon l'origine de la protestation. Les Jeunesses patriotes craignent une épuration anticléricale et antipatriotique : « Demain, cédant à la pression de l'Allemagne, un des organisateurs de la victoire sera mis dans l'obligation de partir : le général Weygand. Une formidable hécatombe se prépare dans l'armée, dans la magistrature, à tous les degrés de l'administration vont être frappés ceux qui ont donné des preuves de leur indépendance et de leur patriotisme. Le régime des fiches va renaître ! Le délit d'opinion est rétabli. »[19]. Les Phalanges universitaires interprètent la mutation du préfet de police comme le signal d'une révolution d'extrême-gauche : « Au moment où les révolutionnaires communistes décident de « tenter le coup », on leur prépare des complaisances policières. [...] Gouvernement de voleurs, de traîtres ! »[20]. Le Front universitaire appelle à un rassemblement indépendant des affinités politiques : « Étudiants, en dehors et au-dessus des partis, indépendants de toutes les organisations de droite ou de gauche, nous venons faire appel à ceux de nos camarades qui se sont toujours refusés, comme nous-mêmes à faire de la politique. La France est en péril. Demain, les organisations révolutionnaires essaieront de s'emparer du pouvoir et livreront sans défense notre pays à l'envahisseur. Il n'est pas nécessaire d'être inscrit à un groupe pour se révolter devant les effroyables scandales qui condamnent aujourd'hui le système de ceux qui en vivent. Pour l'honneur de notre génération, les étudiants doivent se dresser et prendre la tête du grand mouvement national qui se dessine. »[21].

La plupart des journaux de Paris s'indignent : la Liberté, L'Ami du peuple, L'Intransigeant, L'Écho de Paris, le Petit Parisien prennent fait et cause pour Jean Chiappe et publient des appels à manifester le 6 février à des endroits divers. L'Ami du Peuple, relayant l'appel de la Solidarité française, écrit : « Il faut que le gouvernement se rende compte que le peuple est réveillé et qu'il avance, décidé à en finir avec les internationaux révolutionnaires et les politiciens pourris. »[14]. L'Action française, après un bref billet de Maurice Pujo « À nos Amis. Aux Parisiens » les invitant à se tenir prêts « à l'heure et au lieu que nous leur indiquerons »[22], appelle le lendemain les Français à se rassembler devant la Chambre « Ce soir, à l'heure de la sortie des ateliers et des bureaux (...) au cri de « À bas les voleurs! », pour signifier au ministère et à ses soutiens parlementaires qu'ils en ont assez du régime abject. »[23].

Le gouvernement Daladier pense avoir affaire à une simple manœuvre politique qu'une démonstration de la force publique suffira à calmer. Les partis de gauche accréditent, après le 6 février, la crainte d'un complot destiné à renverser la République, en lien avec le renforcement du fascisme en Allemagne et en Autriche. Cette thèse est contestée par M. Noedts, commissaire à la Direction des renseignements généraux, et par M. Perrier, directeur à la préfecture de police, lors de leur interrogatoire par la commission d'enquête parlementaire[24]. Marcel Déat, député ayant été exclu de la SFIO en raison de ses dérives autoritaires, écrit en 1934 : « Le 6 février, place de la Concorde, il y avait des réactionnaires, des fascistes, des petites troupes organisées et courageuses, oui ; mais il y avait aussi une foule énorme de braves gens qui n'avaient pas d'opinion politique mais qui, en revanche, avaient des sujets de mécontentement et de colère. Il y avait même des radicaux et des socialistes et s'ils manifestaient c'était contre les saligauds qui déshonorent la République. »[25]

Dans l'atmosphère surchauffée des premiers jours de février, les journaux parlent d'un recours à l'armée pour contrer la manifestation prévue. L'Action française et L'Écho de Paris évoquent, photographies à l'appui, des mitrailleuses transportées vers le palais Bourbon. Celles-ci font en fait partie d'un cortège de troupes venu rendre des honneurs militaires au général Lefèvre enterré ce jour-là. Le Jour et La Liberté annoncent un rassemblement de tanks dans les casernes de la rive gauche. La Fédération nationale des contribuables s'en plaint dans une lettre ouverte au président de la République[26].

Le soir du 6 février 1934

Les différentes manifestations

Le 6 février, plusieurs manifestations ont lieu simultanément. Les ligues d’extrême-droite, qui jouent un rôle très important dans l'entre-deux-guerres, notamment lorsque la gauche est au pouvoir, ce qui est le cas depuis les élections législatives de 1932, forment plusieurs cortèges.

Parmi les principales ligues prĂ©sentes le 6 fĂ©vrier, la plus ancienne est l’Action française. FondĂ©e en 1898/1899 par Maurice Pujo, Henri Vaugeois et Charles Maurras (60 000 membres revendiquĂ©s), elle a pour but de renverser « la gueuse » (la RĂ©publique) afin de restaurer la monarchie. Elle s’appuie sur les Camelots du roi, qui, malgrĂ© des effectifs assez limitĂ©s, sont très actifs dans la rue. De fondation plus rĂ©cente (1924), les Jeunesses patriotes, qui revendiquent l’hĂ©ritage de la Ligue des patriotes, comptent 90 000 membres dont 1 500 font partie des « groupes mobiles ». CrĂ©Ă©es par Pierre Taittinger, dĂ©putĂ© de Paris, elles entretiennent des rapports Ă©troits avec des hommes politiques de droite, et comptent dans leurs rangs plusieurs conseillers municipaux de la capitale. Quant Ă  la SolidaritĂ© française, fondĂ©e en 1933 par le richissime parfumeur antisĂ©mite François Coty, elle est dĂ©pourvue d’objectif politique prĂ©cis et ses effectifs sont moins Ă©levĂ©s.

  • Les Croix-de-feu, crĂ©Ă©es en 1927 sous la forme d’une association d’anciens combattants, ont Ă©largi leur recrutement Ă  d’autres catĂ©gories, notamment les femmes et les non-combattants, sous l’impulsion de leur chef, le colonel de la Rocque. Les Croix-de-feu s'inspirent de l'esprit « ancien combattant » au sens de la fraternitĂ© vĂ©cue dans les tranchĂ©es, quelles que soient les opinions ou origines sociales ou religieuses.
  • La fĂ©dĂ©ration de la Seine de la FĂ©dĂ©ration nationale des contribuables, fondĂ©e en 1928[27], dont les dirigeants (d'Anthouard, prĂ©sident, et Alphonse Large, dĂ©lĂ©guĂ© gĂ©nĂ©ral) ont des objectifs politiques proches de ceux des ligues, a manifestĂ© dès le mois de janvier[28] et appelle ses adhĂ©rents Ă  se joindre aux diverses manifestations en fonction de leurs affinitĂ©s[29].

En plus des manifestants de janvier, des associations d’anciens combattants appellent aussi Ă  la mobilisation le 6 fĂ©vrier. Une des deux plus importantes fĂ©dĂ©rations du monde combattant, l'Union nationale des combattants (UNC), dont les idĂ©es sont proches de la droite et qui est prĂ©sidĂ©e par un conseiller municipal de Paris, Georges Lebecq, compte pas moins de 900 000 membres. L'UNC de Paris et de la Seine appelle Ă  manifester. Mais l'Association rĂ©publicaine des anciens combattants (ARAC), satellite du Parti communiste français, appelle Ă©galement ses troupes Ă  dĂ©filer le 6 fĂ©vrier, bien que sur un mot d'ordre radicalement contraire, puisqu'elle rĂ©clame l'« arrestation immĂ©diate de Chiappe ! »[30]

La marche

Les manifestants se rassemblant place de la Concorde le .

Les ligues de droite et d’anciens combattants, de droite comme de gauche[31], appellent donc Ă  manifester le jour mĂŞme de l'investiture de Daladier, Ă  Paris, place de la Concorde, en face de la Chambre des dĂ©putĂ©s (le palais Bourbon). Au total 30 000 Ă  50 000 manifestants, dont une bonne majoritĂ© d'anciens combattants et quelques milliers d'Ă©meutiers[32]. Tous se mobilisent sur le thème : « Ă€ bas les voleurs ! »[n 2].

Les ligueurs d'extrême droite sont au premier rang de cette manifestation antiparlementaire[34] - [35]. La journée débute par des réunions place de la Concorde[36], où toutes les ligues sont présentes.

À l'hôtel de ville, un gouvernement provisoire potentiel est en place[37] - [38], composé d'un certain nombre de conseillers municipaux dont certains sont en même temps députés de Paris[37] - [38] - [39]. Les Jeunesses patriotes sont placées sur l'ancienne place de Grève lui faisant face[40] pour attendre l'heure de l'avènement de ce nouveau gouvernement, selon la tradition, au balcon de l'hôtel de ville. Deux personnalités des Camelots, Maxime Real del Sarte et Binet-Valmer y sont envoyés en tant qu'agents de liaison[41], l'Action française, pour sa part, ayant donné comme rendez-vous à ses ligueurs et camelots le croisement du boulevard Saint-Germain et du boulevard Raspail[42]. « Ces voies larges, de plain-pied avec le Palais-Bourbon, avaient facilité nos manœuvres ; elles étaient difficiles à barrer et constituaient le meilleur accès vers la Chambre » dira, plus tard, Maurice Pujo[42].

La Chambre des députés est l'objectif à atteindre[40]. Tandis que Binet-Valmer reste à l'hôtel de ville pour la liaison, Real del Sarte, les Jeunesses patriotes et certains conseillers municipaux, lassés d'attendre, rejoignent les troupes monarchistes aux côtés de la Solidarité française dans le but d'escorter « les élus du peuple de Paris jusqu'à la Chambre »[40] et de prendre le palais Bourbon[39].

Puis les manifestants se dispersent. L'objectif n'est pas atteint.

L'Ă©meute

Manifestants renversant une colonne Morris le .

Le colonel de la Rocque, toujours avec ses Croix-de-feu, gagne l'esplanade des Invalides mais refuse le coup de force. À son appel, les Croix-de-feu se dispersent rapidement. Bien que proches du palais Bourbon, siège de la Chambre des députés, ils se refusent à occuper celui-ci. Leur dispersion rend alors vaine toute possibilité de renverser le régime par la force.

À la suite de la dispersion, des manifestants se rendent place de la Concorde, suivis de près par la Solidarité française, l'Union nationale des combattants et l'ARAC[43]. C'est alors que la manifestation dégénère en combat de rue[38], notamment au pont de Solférino. Alors que dans l'après-midi, des manifestants avaient déjà manifesté par le feu[44], plus tard, en début de soirée, des autobus sont incendiés[45].

Des milliers de militants, dont certains sont armés, tentent de marcher sur le palais Bourbon. L'émeute est extrêmement violente, à coups de boulets de charbon, de débris de fonte, de lames gillette fichées au bout d'un bâton, de billes d'acier qui font chanceler les chevaux de gardes mobiles désarçonnés, mais aussi de balles[46] de revolver[47]. Les forces de l'ordre sont harcelées puis, selon les conclusions rendues par la commission d'enquête parlementaire (voir ci-dessous), subissent des tirs et ouvrent le feu à leur tour à au moins trois reprises au cours de la soirée. Les affrontements se prolongent pendant la nuit[48].

Morts et blessés

Georges Lebecq, président général de l'UNC, blessé à la tête.

Un bilan détaillé des morts et blessés a rapidement été établi et publié par le président de la commission d'enquête parlementaire sur le 6 février[49].

Parmi la population, manifestants ou badauds, on relève 12 morts[3] le soir-mĂŞme et 657 blessĂ©s. Les 12 tuĂ©s et 62 blessĂ©s l'ont Ă©tĂ© par balle : des munitions de pistolet de 7,65 mm mortelles jusqu'Ă  400 m[n 3].

L'Action française déplore en tout 6 manifestants tués (Alphonse Aufschneider, Constantin Cambouroglou dit Cambo Costa, Georges Roubaudi, Jules Lecomte, Charles Liévin et Raymond Lalande)[3] - [51], 16 blessés par balle parmi ses membres et 10 parmi ses sympathisants. La ligue des Jeunesses patriotes pleure deux morts (Jean-Éloi Fabre et Raymond Rossignol), de même que la Solidarité française (Gratien Cheynier Le Jouhan de Noblens et Galli Mezziane), qui compte 26 blessés, dont 2 par balle. L'Union nationale des anciens combattants a certifié lors de l'enquête n'avoir eu aucun mort dans ses rangs, mais 53 blessés par coups de matraque, coups de sabre et coups de crosse de revolver. Le président de cette association, Georges Lebecq, fut lui-même blessé à la tête. Les Croix-de-feu, qui n'ont perdu aucun homme, ont subi 2 blessures par balle après la dislocation du cortège et 120 blessés par coups de sabre, de matraque et de crosse de revolver (répartis sur les journées du 5 et du 6 février). Le Parti communiste signale 2 blessés par balle parmi ses membres, 1 parmi ses sympathisants. Au moins 9 des 18 manifestants tués recensés par l'Action française n'appartenaient à aucune association politique[51].

Dans le service d'ordre, on dĂ©nombre 1 mort, le garde rĂ©publicain Marcel Flandre, qui succombe Ă  ses blessures quelques jours plus tard et sera dĂ©corĂ© de la MĂ©daille militaire Ă  titre posthume, et 1 664 blessĂ©s. 969 d'entre eux sont des gardiens de la paix, 695 sont des militaires : 14 sapeurs pompiers de Paris et 681 gendarmes (225 gardes mobiles, 271 gardes rĂ©publicains et 185 gendarmes dĂ©partementaux). D'après le gĂ©nĂ©ral Bourret (La TragĂ©die de l'armĂ©e française), l'attribution de la MĂ©daille militaire au garde rĂ©publicain « Landre » (sic), a Ă©tĂ© annulĂ©e par le marĂ©chal PĂ©tain, nouvellement nommĂ© ministre de la Guerre et la dĂ©coration Ă´tĂ©e du cercueil devant la famille Ă  la chapelle du Val de Grâce. La presque totalitĂ© des blessures ont Ă©tĂ© occasionnĂ©es par des jets de projectiles (pierres, moellons, arceaux de fonte brisĂ©s, morceaux de vitres et de bitume). Quelques blessures sont le fait de coups de bâton ou de matraque. Certains manifestants ayant utilisĂ© des lames de rasoir fixĂ©es au bout de cannes pour trancher les jarrets des chevaux[n 4], et ainsi couper l'Ă©lan des charges de cavalerie, les agents qui ont tentĂ© de les leur arracher ont subi quelques coupures. On ne compte que 3 blessures par balle (et 2 probables).

Listes établies à partir des travaux de Pierre Pellissier[3], du Rapport fait au nom de la commission d'enquête chargée de rechercher les causes et les origines des événements du 6 février 1934[53] et de la presse[54] - [55].

Tués par balles au cours de la soirée du 6 février
Portrait Prénom, Nom Âge Groupement Commentaires
Alphonse Aufschneider Alphonse Aufschneider 27 ans Ligue d'Action française Originaire de Schiltigheim (Bas-Rhin), valet de chambre, tué d’une balle au cœur près de la place de la Concorde.
Gratien Cheynier le Jouban de Noblens Gratien Cheynier le Jouban de Noblens 55 ans Solidarité française Industriel, ancien combattant, frère de trois combattants morts pour la France, marié et père d’un enfant de 7 ans ½, il est atteint d’une balle entre les yeux. Il fut frappé et piétiné, comme le prouvent les nombreuses contusions et fractures du crâne, du nez et de la mâchoire que l’on releva sur lui. Il décéda quelques heures après son transport à l’hôpital Beaujon.
Raymond Coudreau 49 ans Non affilié Coursier-livreur dans une mercerie en gros ; veuf et père de six enfants, dont deux en bas âge.
Jean-Éloi Fabre ? Jeunesses patriotes Étudiant en médecine, interne à l’hôpital Saint-Joseph, tué d’une balle au cœur devant le pont de la Concorde. Il avait été blessé en 1925, lors de la fusillade de la rue Damrémont.
Corentine Gourland 34 ans Non affiliée Femme de chambre, tuée d’une balle à la tête sur la terrasse de l’hôtel de Crillon, place de la Concorde.
Raymond Rossi ou Rossignol Raymond Rossi ou Rossignol 37 ans Jeunesses patriotes Industriel, ancien combattant, officier de réserve de cavalerie, marié, père d’un enfant de 12 ans, tué d’une balle de révolver en pleine tête devant le pont de la Concorde.
Marius Laboucheix ? Non affilié Directeur administratif de la société « L’Énergie industrielle », ancien combattant, laisse deux orphelins, frappé d’une balle en arrivant près de la place de la Concorde.
Henri Lammert 31 ans Non affilié Officier mitrailleur de réserve, gérant d’un hôtel meublé appartenant à ses parents. Tué d’une balle dans le dos, sur la place de la Concorde. Il laissait une veuve sur le point d’accoucher.
Albert Munnier 27 ans Non affilié Comptable, depuis quelques mois sans travail, tué d’une balle de révolver dans la tête, rue Boissy-d’Anglas. Il était marié et père d’un bébé de 18 mois.
Obsèques de René Peuziat. René-Alain Peuziat 29 ans Non affilié Frère du champion cycliste Georges Peuziat.
Georges Roubaudi Georges Roubaudi 36 ans Ligue d'Action française,
Association Marius Plateau
Industriel, directeur d’une grande maison d’importation et d’exportation de soierie occupant 200 ouvriers, ancien combattant, engagé volontaire à 17 ans, croix de guerre avec deux citations, marié et père de trois enfants dont l’aîné n’avait pas 6 ans.
Décédés des suites immédiates de leurs blessures
Portrait Prénom, Nom Âge Groupement Commentaires
Obsèques de Cambo Costa le 14 février 1934. Cambo Costa 42 ans Ligue d'Action française D’origine grecque, naturalisé Français, violoncelliste sans travail, décédé le 9 février après avoir été touché au crâne par une balle.
Jules Lecomte Jules Lecomte 35 ans Ligue d'Action française Engagé dans la marine à 19 ans, embarqué sur les patrouilleurs de la division de la Loire, ouvrier à l’usine Renault, marié et sans enfant, il succomba le 12 février, ayant reçu une balle dans le ventre.
Décédés des conséquences de leurs blessures
Portrait Prénom, Nom Âge Groupement Commentaires
Lucien Garniel Lucien Garniel 16 ans Non affilié Garçon boucher blessé d'une balle à la colonne vertébrale lors du 6 février 1934, décédé le 1er novembre 1934.
Jean Mopin Jean Mopin 24 ans Non affilié Atteint à la colonne vertébrale, mort le 7 décembre 1934 d’une infection généralisée. Il a été inhumé à Compiègne.
Charles Liévin 34 ans Ligue d'Action française Cuisinier, blessé le 6 février 1934 d’une balle à la colonne vertébrale, mort le 6 décembre 1935, laissant une femme sans ressources.
Raymond Lalande Raymond Lalande 24 ans Camelots du Roi Menuisier et tapissier d’autos, il est atteint sur la place de la Concorde d’une balle qui lui fit éclater le tibia. Succomba d'une hémoptysie le 4 février 1936. S’était inscrit aux Camelots du Roi après le 6 février.

Les morts des manifestations du 7 février

Les morts des manifestations du 7 février
Portrait Prénom, Nom Âge Groupement Commentaires
Louis Etheveneaux 25 ans Non affilié Garçon charcutier, reçut, près de la Madeleine, un coup de matraque d’un policier et mourut d’une fracture du crâne.
André Javey 39 ans Non affilié Ancien combattant, blessé aux Eparges, croix de guerre. Succomba à ses blessures le 11 février provoquée par une fracture du crâne.
Les obsèques de Gali Meziane à la Mosquée de Paris le 16 février 1934 en présence de Kaddour Benghabrit. Galli Mezziane ou Gallé Méziani, parfois Galimaziane 28 ans Solidarité française Musulman, manœuvre en chômage, écrasé par un camion de la police lancé à toute allure, puis achevé à coup de pied et de matraque.
Alfred Sougary ou Louis Soucany 30 ans Association des décorés de la Légion d’honneur au péril de leur vie Dessinateur tué à coups de matraque et relevé la colonne vertébrale complètement disloquée.

Les morts des manifestations du 9 février

Les morts des manifestations du 9 février
Portrait Prénom, Nom Âge Groupement Commentaires
Maurice Bureau Maurice Bureau 28 ans Parti communiste Ferrailleur, membre du Comité de lutte contre la guerre de La Courneuve, père d'un enfant de 4 ans, décédé à la gare de l'Est[54] - [56] - [57].
Louis Lauchin Louis Lauchin (alias Lochin à l'état-civil) 20 ans Parti communiste Ouvrier du bâtiment ou tôlier, syndicaliste communiste, mort le 11 février à l'hôpital Tenon[57] - [54].
Vincent Perez Vincent Perez (alias Pérès à l'état-civil) 31 ans Parti communiste Ouvrier ajusteur au chômage, mort le 10 février à l'hôpital Lariboisière[57] - [54].
Ernest Scharbach Ernest Schnarrbach 30 ans Parti communiste Chauffeur, décédé à la gare du Nord[57] - [54].

Les morts des manifestations du 12 février

Les morts des manifestations du 12 février
Portrait Prénom, Nom Âge Groupement Commentaires
Marc Tailler Marc Tailler 38 ans Parti communiste Tourneur, sympathisant communiste tué par balle à Boulogne-sur-Seine[58].
Albert Perdraux 36 ans Parti communiste Écrasé par un camion tentant de franchir une barricade[59] - [3].
Vincent Moris ou Maurier 36 ans Non affilié Blessé d’une balle au poumon le 12 février à Malakoff, décède de ses blessures le 13 février[60].
Eugène Boudin 37 ans Non affilié Grièvement blessé à coups de matraques près des Buttes-Chaumont, il décéde le 14 février[61].

Polémiques et commission d'enquête parlementaire

De nombreuses questions se posent à la suite de l'émeute : y a-t-il eu complot ? Qui des forces de l'ordre ou des manifestants a tiré en premier ? Les sommations légales ont-elles été faites par les forces de l'ordre ? Quelles armes ont été utilisées ?

Une commission d'enquĂŞte parlementaire, prĂ©sidĂ©e par le dĂ©putĂ© et ancien Garde des Sceaux Laurent Bonnevay[62] et composĂ©e de quarante-quatre dĂ©putĂ©s est formĂ©e Ă  partir du 24 fĂ©vrier 1934 (le mĂŞme jour se rĂ©unit une deuxième commission d'enquĂŞte sur l'affaire Stavisky elle-mĂŞme). CensĂ©e avoir achevĂ© ses travaux pour Pâques (le ) elle ne rend ses conclusions qu'en juillet, alors que trois dĂ©putĂ©s se sont retirĂ©s en juin et treize autres le 4 juillet car ils refusaient de s'associer Ă  ses conclusions (en fait c'est la totalitĂ© des dĂ©putĂ©s du centre et de droite qui a dĂ©missionnĂ©)[3]. Le rapport fait 3 000 pages[63].

Dans ces conditions, la commission conclut que[3] :

  • ceux qui ont cherchĂ© Ă  fausser le libre jeu de nos institutions dĂ©mocratiques (...) ont mis en danger la RĂ©publique
  • Il n'y a en revanche pas eu de complot interne au gouvernement, mais cette conclusion n'Ă©tonne pas outre mesure car tous les membres de l'opposition – dont certains ont soupçonnĂ© notamment le ministre de l'intĂ©rieur Eugène Frot – ont dĂ©missionnĂ© de la commission.
  • Ce sont les manifestants qui ont tirĂ© les premiers. Mais cette version est contredite par de très nombreux tĂ©moignages et il est quasiment impossible de prouver qui – parmi les manifestants, des provocateurs Ă©ventuels ou certains membres isolĂ©s des forces de l'ordre – a tirĂ© en premier. De plus, les nombreux pĂ©tards et amorces utilisĂ©s par les manifestants ont certainement contribuĂ© Ă  crĂ©er ou Ă  augmenter la confusion au sujet de l'emploi d’armes Ă  feu.
  • Les sommations lĂ©gales – Ă  la voix puis au clairon – ont Ă©tĂ© faites (mais Ă©taient-elles audibles dans le tumulte ?). Certains tĂ©moins affirment toutefois que des policiers et/ou des gendarmes isolĂ©s ont tirĂ© sans ordre – soit pour se dĂ©fendre soit sous l'effet de la panique. Quelques officiers de la garde mobile ont dĂ©clarĂ© Ă  la commission avoir ordonnĂ© Ă  leurs hommes de tirer en l'air Ă  titre d'avertissement.

Par ailleurs, les nombreux témoignages attestant de la présence et de l'utilisation – par les forces de l'ordre ou même par l'armée – d'armes automatiques (fusils mitrailleurs et mitrailleuses) sont invalidés par la commission d'enquête, ce que le nombre et le type des blessures relevées semblent effectivement confirmer (la commission indique que les photos d'armes de ce type, prises lors d'une cérémonie commémorative quelques jours auparavant, ont pu induire la presse en erreur).

La portée du 6 février

DĂ©mission de Daladier et formation d'un gouvernement d'Union nationale

Crise ministérielle de 1934 : de gauche à droite, Pierre-Étienne Flandin, Philippe Pétain et Adrien Marquet.

Dans la nuit, Daladier prend les premières mesures pour obtenir le rétablissement de l’ordre public (il envisage notamment d'instaurer l'état de siège). Mais le lendemain, ses consignes sont peu suivies par la justice et la police. De plus, il enregistre la défection de la plupart de ses ministres et de son parti. Il se résout finalement à démissionner. C’est la première fois qu’un gouvernement doit démissionner sous la pression de la rue.

La crise se résout finalement avec la formation d’un nouveau gouvernement présidé par l'ancien président de la République (1924-1931) Gaston Doumergue, rappelé par Albert Lebrun, ce dont les ligues semblent se contenter. Qualifié de gouvernement d’« union nationale », il regroupe surtout les principales figures de la droite parlementaire (André Tardieu, Louis Barthou, Louis Marin), même si plusieurs radicaux ou le novice Pétain (ministre de la Guerre, c’est sa première expérience ministérielle) en font également partie.

Ce nouveau gouvernement, sans être issu de la manifestation du 6 février, semble témoigner d'une volonté de transformer la IIIe République conformément au projet développé par André Tardieu au sein du cabinet. Pourtant, la présidence du Conseil n'est pas confiée au « mirobolant » Tardieu mais à Doumergue, le « vieux sage de Tournefeuille [qui] représente, à première vue, tout le contraire de Tardieu, l'expérience face à l'audace, le conservatisme face à la modernité », observe l'historien Jean Garrigues. Dans la perspective d'un recours à une personnalité perçue comme « l'homme providentiel », « commence alors une séquence symbolique dont l'aboutissement » sera le vote des pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain le [64].

Vers l'union de la gauche

La gauche interprète les événements du 6 février comme la preuve d’un danger fasciste en France[65]. Les communistes contre-manifestent seuls le 9 février, place de la République. Le 12 février, la CGT (proche des socialistes) et la CGTU (proche des communistes) décident d’une journée de grève générale et la SFIO et le Parti communiste appellent à une manifestation parisienne qui n’a pas vocation à être commune mais voit pourtant les deux cortèges se mêler à l’initiative de la base. Cette journée marque donc un premier et timide rapprochement entre socialistes et communistes.

Ce rapprochement est ensuite poursuivi avec la création le 5  mars du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, qui rassemble notamment des intellectuels communistes et socialistes. En juin, le dirigeant du PCF Maurice Thorez propose une unité d’action avec la SFIO ; celle-ci « accepte l’offre d’action commune contre le fascisme et la guerre » et le pacte d’unité est signé le 27  juillet. Le 31, les deux partis commémorent ensemble l'anniversaire de l’assassinat de Jean Jaurès. Le 4 octobre, peu avant le congrès du Parti radical, Maurice Thorez, Renaud Jean et d'autres représentants du PCF appellent à la « création d’un large front populaire », qui aboutit en 1936 au gouvernement de Front populaire, composé de radicaux et de socialistes avec le soutien communiste[66].

D'autre part les événements du 6 février 1934 accélèrent la sortie de l'hebdomadaire catholique Sept qui veut que se crée entre les deux blocs, le « national » et le « populaire », une voie chrétienne, « au-dessus des partis et sans compromissions »[67]. Dans les premières pages du no 1 de l'hebdomadaire paraît un dessin ironique antifasciste[68]. Cet hebdomadaire catholique publie une interview de Léon Blum[69].

Un bataillon des Brigades internationales est nommé le Bataillon Six Février.

La radicalisation de la droite : la question du fascisme français

Un insigne « je ne suis pas député » arboré par des sympathisants des ligues au lendemain du 6 février 1934[70].

L'interprétation du 6 février s'inscrit dans un débat voire une querelle entre historiens portant sur le fascisme en France sous la Troisième République. Les méthodes parfois violentes des ligues, leur allure paramilitaire, le culte du chef, font qu’elles sont souvent assimilées au fascisme sinon au nazisme, notamment par l'historien Zeev Sternhell. Mais au-delà des apparences et de leur volonté de voir le régime parlementaire céder la place à un régime fort, d'autres historiens (Serge Berstein, René Rémond, Michel Winock) estiment qu'il est difficile de distinguer chez elles un réel projet fasciste. Qualifiant leur approche de « thèse immunitaire au fascisme », Michel Dobry juge qu'elle relève d'une vision téléologique[71]. L'ouvrage des historiens britanniques Brian Jenkins et Chris Millington, Le Fascisme français. Le 6 février 1934 et le déclin de la République (2020) critique aussi la « thèse de l’immunité » qui met en avant la culture politique républicaine et démocratique des Français et souligne au contraire la menace fasciste révélée par l'émeute du 6 février. Ces historiens montrent la fluidité de la manifestation et son évolution imprévisible, la diversité de ses lieux, la porosité entre les différents groupes de manifestants, des Croix de Feu ou des anciens combattants de l’UNC se mêlant aux militants de l’AF ou des Jeunesses patriotes. Il n'y eut pas complot mais une collusion et une surenchère entre groupes. Pour expliquer l'échec des manifestants présentés pour certains comme des fascistes, ils montrent le « manque de présence électorale et parlementaire » des ligues, leur difficulté « à sortir de la protestation extraparlementaire et à s’implanter dans les structures institutionnelles du régime », ce qui est une différence avec les cas italiens et allemands comme le souligne l'historien Antoine Prost[72].

Après le 6 février, la droite parlementaire commence à durcir son discours et à se rapprocher de l'extrême droite. Plusieurs de ses leaders perdent confiance dans les institutions parlementaires. Cette droitisation s'accélère après 1936, avec le Front populaire et la guerre d'Espagne.

Pour certaines ligues d'extrême droite, le 6 février représente une occasion manquée de renverser le régime. La déception qu’elle suscite conduit à la radicalisation de certains qui se tournent alors vers le fascisme ou le nazisme. Les Croix de Feu du colonel de La Rocque sortent renforcés de la manifestation, du fait en partie de leur relative modération, et gagnent par la suite de nombreux adhérents, parfois au détriment des autres ligues, ce qui fait d'eux la cible prioritaire des partis et mouvements de gauche qui se rapprochent au nom de l'antifascisme.

L'Ordre nouveau participe aux activités du Club de février créées aux lendemains de la manifestation antigouvernementale du 6 février. Ce club était formé de Robert Aron et Daniel-Rops (Ordre nouveau), Jacques Arthuys et Jean Cagnat (Action publique), Christian Pineau et Charles Riandey (Nouvelles Équipes), Pierre Andreu et Jean Le Marchand (Front national-syndicaliste), Jean Amos et Pierre Winter (Prélude)[73].

Les leçons du maintien de l'ordre

Cavaliers de la garde républicaine mobile contre des émeutiers sur la place de la Concorde le 6 février.
Policiers place de la Concorde le 6 février.

Le nombre élevé de victimes aggrave de manière irréversible la crise politique et marquera durablement les esprits. L'agressivité de certains manifestants et la volonté plus ou moins avérée de certains de faire tomber le gouvernement sont bien entendu en cause mais il apparaît que non seulement la situation a été mal anticipée (et notamment le nombre de manifestants et donc l’effectif du service d’ordre nécessaire) mais de plus qu'elle a été très mal gérée par les autorités et notamment par un préfet de police nouvellement nommé et donc manquant d'expérience[n 5] : les différents corps de forces de l'ordre[n 6], mélangés, mal équipés[n 7] et en nombre insuffisant se retrouvent acculés devant le palais Bourbon sans possibilité de recul[n 8] et finissent par ouvrir le feu. On relève encore de nombreux morts au cours des manifestations suivantes – tant avant qu'après la guerre – mais la leçon sera retenue par les responsables de l'ordre qui font du « zéro-mort » la règle d'or en matière de maintien de l'ordre - notamment en Mai 68[77].

Au cours des mois qui suivent, différentes mesures seront prises, toutes plus ou moins directement inspirées par les événements du 6 février :

  • Le renforcement de la SĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale qui devient la direction gĂ©nĂ©rale de la SĂ»retĂ© nationale par dĂ©cret du 28 avril 1934 (sans changement au niveau de la prĂ©fecture de police)[78].
  • Le rĂ©tablissement de l’article 10 du code d’instruction criminelle le 25 mars 1935[79]. Cet article, qui avait Ă©tĂ© abrogĂ© par la loi sur les garanties des libertĂ©s individuelles le 7 fĂ©vrier 1933, confĂ©rait aux prĂ©fets de dĂ©partement et au prĂ©fet de police de Paris le droit de dĂ©cerner des mandats d’amener et de dĂ©pĂ´t susceptibles d’être utilisĂ©s, entre autres, pour procĂ©der Ă  des arrestations temporaires en cas de troubles – constatĂ©s ou mĂŞme anticipĂ©s – de l’ordre public.
  • Le dĂ©cret-loi du 23 octobre 1935 qui soumet toute manifestation sur la voie publique Ă  la dĂ©claration prĂ©alable aux autoritĂ©s municipales ou prĂ©fectorales, cette mĂŞme dĂ©claration devant ĂŞtre dĂ©posĂ©e trois jours Ă  l’avance avec mention des buts, lieux, dates heures et itinĂ©raires projetĂ©s.
  • La circulaire Paganon (du nom du ministre de l’intĂ©rieur) du 27 octobre 1935 requĂ©rant que les prĂ©fets prennent des arrĂŞtĂ©s d’interdiction pour les rĂ©unions de nature « Ă  faire prĂ©voir des incidents et Ă  faire redouter des troubles »[80].

Enfin, la loi du 10 janvier 1936 renforce le pouvoir de dissolution d’association et vise notamment les associations et groupements qui provoqueraient des manifestations de rue armées, ainsi que les formations paramilitaires ou les groupes ayant pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou d’attenter par la force à la forme républicaine du gouvernement[81].

Elle sera utilisée dès février 1936 pour dissoudre la Ligue d'Action française, la Fédération nationale des Camelots du roi et la Fédération nationale des étudiants d'Action française, au lendemain de l'agression subie par Léon Blum, puis en juin 1936 pour dissoudre quatre autres ligues, dont les Croix de Feu, alors que certaines (Jeunesses patriotes, Solidarité française) venaient de se transformer en partis politiques pour tenter d’échapper à la loi[82].

La réponse des ligues à ces mesures est soit de se transformer en partis politiques, soit d’entrer dans la clandestinité comme l'Organisation secrète d'action révolutionnaire nationale (OSARN), plus connue sous le sobriquet de la « Cagoule »[82].

Fin mai 1983, lorsque des affrontements éclatent entre des policiers et des étudiants hostiles à la réforme de l'enseignement supérieur sur le pont Alexandre-III, à quelques centaines de mètres du palais de l'Élysée, le président Mitterrand convoque son ministre de l'Intérieur, Gaston Defferre et le secrétaire d'État Joseph Franceschi pour les morigéner. Il leur dit : « Chacun sait depuis le 6 février 1934 que l'on ne doit jamais laisser les manifestants pénétrer dans le périmètre Palais-Bourbon, Élysée, place Beauvau[83]. » Le choc constitué par la manifestation du 6 février 1934 s'est donc perpétué dans les consciences des hommes politiques français jusqu'au moins les années 1980. A l'émission télévisée l'Heure de Vérité Jean-Marie Le Pen, président du parti d'extrême droite, le Front national, fut invité pour la première fois le lundi 6 février 1984 ; soit cinquante ans jour pour jour après la manifestation factieuse. Tout en affirmant que l'extrême droite devait désormais avoir la même place dans les médias-audiovisuels que les quatre grandes composantes de la droite et de la gauche représentées à l'assemblée nationale, les organisateurs de l'émission préférèrent reporter l'invitation au lundi 13.

Bande dessinée

Le 6 février 1934 est représenté ou évoqué succinctement dans plusieurs bandes dessinées.

Dans Parabellum de Olivier Legrand et de Jean-Blaise Dijan, l'enquête sur la Cagoule évoque l'émeute au détour de quelques cases[84].

Dans le tome 3 de la série Les Poux de Christian Mouquet et Éric Stalner, le personnage principal se retrouve au milieu de la place de la Concorde durant l'émeute[85].

Dans le tome 1 de la série Une génération française de Thierry Gloris et Eduardo Ocaña, le 6 février 1934 est représenté au niveau de l'Arc de Triomphe[86].

Dans le tome 1 de la série Les Morin-Lourdel de Maric et Baron Brumaire, plusieurs personnages principaux se retrouvent au milieu de l'émeute place de la Concorde[87].

Dans le tome 1 de La Belle Espérance, Sarah Bernstein et son frère aperçoivent la manifestation depuis la rue[88].

SĂ©rie

  • Dans le quatrième Ă©pisode de la sĂ©rie Au plaisir de Dieu, plusieurs protagonistes participent Ă  l'Ă©meute.

Films

Forces occultes en 1943, film antimaçonnique et antiparlementariste, la manifestation est vue depuis le palais Bourbon.

Documentaire

  • 2020 : 6 fĂ©vrier 1934 : Le jour oĂą la RĂ©publique a vacillĂ© rĂ©alisĂ© par CĂ©dric Gruat[89].

Voir aussi

Rapports des commissions d'enquĂŞtes parlementaires

  • Jules Chamvoux, Rapport fait au nom de la commission d'enquĂŞte chargĂ©e de rechercher les causes et les origines des Ă©vĂ©nements du 6 fĂ©vrier 1934 et jours suivants, ainsi que toutes les responsabilitĂ©s encourues : la nature des blessures des chevaux de la garde rĂ©publicaine de Paris, Paris, Imprimerie de la Chambre des dĂ©putĂ©s, , 8 p. (lire en ligne).
  • Paul Perrin et Jean de Tinguy du PouĂ«t, Rapport fait au nom de la commission d'enquĂŞte chargĂ©e de rechercher les causes et les origines des Ă©vĂ©nements du 6 fĂ©vrier 1934 et jours suivants, ainsi que toutes les responsabilitĂ©s encourues : la manifestation des conseillers municipaux de Paris le 6 fĂ©vrier 1934, Paris, Imprimerie de la Chambre des dĂ©putĂ©s, , 63 p. (lire en ligne).
  • Pierre Appell, Rapport fait au nom de la commission d'enquĂŞte chargĂ©e de rechercher les causes et les origines des Ă©vĂ©nements du 6 fĂ©vrier 1934 et jours suivants, ainsi que toutes les responsabilitĂ©s encourues : la soirĂ©e du 6 fĂ©vrier 1934 Ă  la Concorde, Paris, Imprimerie de la Chambre des dĂ©putĂ©s, , 63 p. (lire en ligne).
  • Jean-Baptiste Amat, Rapport fait au nom de la commission d'enquĂŞte chargĂ©e de rechercher les causes et les origines des Ă©vĂ©nements du 6 fĂ©vrier 1934 et jours suivants, ainsi que toutes les responsabilitĂ©s encourues : les manifestations sur la voie publique en janvier 1934 et jusqu'au 6 fĂ©vrier, Paris, Imprimerie de la Chambre des dĂ©putĂ©s, , 26 p. (lire en ligne).
  • Louis Gardiol, Jean-Baptiste Amat et Ernest de Framond de La Framondie, Rapport fait au nom de la commission d'enquĂŞte chargĂ©e de rechercher les causes et les origines des Ă©vĂ©nements du 6 fĂ©vrier 1934 et jours suivants, ainsi que toutes les responsabilitĂ©s encourues : les victimes des journĂ©es du 6 au 12 fĂ©vrier 1934, Paris, Imprimerie de la Chambre des dĂ©putĂ©s, , 19 p. (lire en ligne).
  • Camille Catalan, Rapport fait au nom de la commission d'enquĂŞte chargĂ©e de rechercher les causes et les origines des Ă©vĂ©nements du 6 fĂ©vrier 1934 et jours suivants, ainsi que toutes les responsabilitĂ©s encourues : prĂ©paration de la manifestation, Paris, Imprimerie de la Chambre des dĂ©putĂ©s, , 162 p. (lire en ligne).
  • Maurice Dormann et Lucien Salette, Rapport fait au nom de la commission d'enquĂŞte chargĂ©e de rechercher les causes et les origines des Ă©vĂ©nements du 6 fĂ©vrier 1934 et jours suivants, ainsi que toutes les responsabilitĂ©s encourues : la participation des associations d'anciens combattants Ă  la manifestation, Paris, Imprimerie de la Chambre des dĂ©putĂ©s, , 176 p. (lire en ligne).
  • Jean Piot et Jean de Nadaillac, Rapport fait au nom de la commission d'enquĂŞte chargĂ©e de rechercher les causes et les origines des Ă©vĂ©nements du 6 fĂ©vrier 1934 et jours suivants, ainsi que toutes les responsabilitĂ©s encourues : les dĂ©cisions du gouvernement au lendemain du 6 fĂ©vrier 1934 et la journĂ©e du 7 sur la voie publique, Paris, Imprimerie de la Chambre des dĂ©putĂ©s, , 42 p. (lire en ligne).
  • Ernest de Framond de La Framondie, Rapport fait au nom de la commission d'enquĂŞte chargĂ©e de rechercher les causes et les origines des Ă©vĂ©nements du 6 fĂ©vrier 1934 et jours suivants, ainsi que toutes les responsabilitĂ©s encourues : la journĂ©e communiste du 9 fĂ©vrier et les incidents communistes du 12 en banlieue, Paris, Imprimerie de la Chambre des dĂ©putĂ©s, , 48 p. (lire en ligne).
  • PĂ©trus Faure, Rapport fait au nom de la commission d'enquĂŞte chargĂ©e de rechercher les causes et les origines des Ă©vĂ©nements du 6 fĂ©vrier 1934 et jours suivants, ainsi que toutes les responsabilitĂ©s encourues : les manifestations du 12 fĂ©vrier 1934, la grève gĂ©nĂ©rale, Paris, Imprimerie de la Chambre des dĂ©putĂ©s, , 90 p. (lire en ligne).
  • Marc Rucart, Rapport gĂ©nĂ©ral fait au nom de la Commission d'enquĂŞte chargĂ©e de rechercher les causes et les origines des Ă©vĂ©nements du 6 fĂ©vrier 1934 et jours suivants ainsi que toutes les responsabilitĂ©s encourues, t. 1, Paris, Imprimerie de la Chambre des dĂ©putĂ©s, , VIII-1134 p. (lire en ligne), chap. 3383.
  • Marc Rucart, Rapport gĂ©nĂ©ral fait au nom de la Commission d'enquĂŞte chargĂ©e de rechercher les causes et les origines des Ă©vĂ©nements du 6 fĂ©vrier 1934 et jours suivants ainsi que toutes les responsabilitĂ©s encourues, t. 2, Paris, Imprimerie de la Chambre des dĂ©putĂ©s, , XI-1139 Ă  2445 (lire en ligne), chap. 3383.
  • Marc Rucart, Rapport gĂ©nĂ©ral fait au nom de la Commission d'enquĂŞte chargĂ©e de rechercher les causes et les origines des Ă©vĂ©nements du 6 fĂ©vrier 1934 et jours suivants ainsi que toutes les responsabilitĂ©s encourues, t. 3, Paris, Imprimerie de la Chambre des dĂ©putĂ©s, , VIII-2451 Ă  2873 (lire en ligne), chap. 3383.
  • Charles Serre, Rapport fait au nom de la Commission chargĂ©e d'enquĂŞter sur les Ă©vènements survenus en France de 1933 Ă  1945, t. 1, Paris, Imprimerie de l'AssemblĂ©e nationale, , 286 p. (prĂ©sentation en ligne, lire en ligne).

TĂ©moignages contemporains

  • Jean Bayern, De la boue au sang. Le six fĂ©vrier, Paris, Albert Messein, 1934, 54 p.
  • Marc Bernard, Les journĂ©es ouvrières des 9 et 12 fĂ©vrier 1934, Paris, Bernard Grasset, 1934, 126 p.
  • Laurent Bonnevay, Les journĂ©es sanglantes de fĂ©vrier 1934, Paris, Flammarion, 1935, 249 p.
  • Marc Chalouveine, Historique du 6 fĂ©vrier 1934, Paris, Eugène Figuière, 1935, 127 p.
  • Gaston ChĂ©rau, Concorde ! le 6 fĂ©vrier 1934, Paris, DenoĂ«l et Steele, 1934, 277 p.
  • FĂ©dĂ©ration rĂ©publicaine et sociale du Massif central, La sanglante journĂ©e du mardi 6 fĂ©vrier 1934. RĂ©cits de tĂ©moins, Clermont-Ferrand, Imprimerie moderne, s.d., 16 p.
  • Philippe Henriot, Le 6 fĂ©vrier, Paris, Flammarion, 1934, 247 p.
  • Georges Imann, La JournĂ©e du 6 fĂ©vrier, Grasset, coll. « Les grandes heures », 1934, 122 p.
  • Georges Suarez, La grande peur du 6 fĂ©vrier au Palais-Bourbon, Paris, Bernard Grasset, 1934, 128 p.

Études historiques

  • Mathias Bernard, « Droites et gauches face aux barricades de fĂ©vrier 1934 », dans Alain Corbin et Jean-Marie Mayeur (dir.), La barricade : actes du colloque organisĂ© les 17, 18 et 19 mai 1995 par le Centre de recherche en Histoire du XIXe siècle et la sociĂ©tĂ© d'histoire de la rĂ©volution, de 1848 et des rĂ©volutions du XIXe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Histoire de la France aux XIXe-XXe siècles », , 522 p. (ISBN 2-85944-318-5, lire en ligne), p. 469-482.
  • Mathias Bernard, « L'antiparlementarisme de droite dans la France des annĂ©es 1930 », Parlement(s) : revue d'histoire politique, Paris, L'Harmattan, no HS 9,‎ , p. 99-111 (lire en ligne).
  • Mathias Bernard, « Les violences du vues par les droites françaises », dans Philippe Bourdin, Mathias Bernard et Jean-Claude Caron (dir.), La voix & le geste : une approche culturelle de la violence socio-politique, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, coll. « Histoires croisĂ©es », , 381 p. (ISBN 2-84516-276-6), p. 231-244.
  • Serge Berstein (choix de textes rĂ©unis et prĂ©sentĂ©s par), Le 6 fĂ©vrier 1934, Paris, Gallimard, Julliard, coll. « Archives » (no 59), , 257 p. (ISBN 2-07-029319-X, prĂ©sentation en ligne).
  • Serge Berstein, « L'affrontement simulĂ© des annĂ©es 1930 », Vingtième Siècle : Revue d'histoire, no 5 « Les guerres franco-francaises »,‎ , p. 39-54 (lire en ligne).
  • Emmanuel Blanchard, « Le 6 fĂ©vrier 1934, une crise policière ? », Vingtième Siècle : Revue d'histoire, Paris, Presses de Sciences Po (PFNSP), no 128 « Dossier : Polices et Ă©vĂ©nements politiques au XXe siècle »,‎ , p. 15-28 (lire en ligne).
  • Georges Carrot, Le Maintien de l'ordre en France au XXe siècle, Paris, Éditions Henry Veyrier, coll. « Kronos » (no 6), , 431 p. (ISBN 2-85199-535-9).
  • Christian Chevandier, Policiers dans la ville : une histoire des gardiens de la paix, Paris, Gallimard, coll. « Folio, Histoire » (no 198), , 1004 p. (ISBN 978-2-07-043969-0).
  • Michel Dobry, « FĂ©vrier 1934 et la dĂ©couverte de l'« allergie » de la sociĂ©tĂ© française Ă  la RĂ©volution fasciste », Revue française de sociologie, Paris, Éditions du CNRS, no XXX-3-4,‎ , p. 511-533 (lire en ligne).
  • Michel Dobry (dir.), Le Mythe de l'allergie française au fascisme, Paris, Albin Michel, coll. « Bibliothèque Albin Michel : IdĂ©es », 2003, (ISBN 2226137181).
  • Jean-Étienne Dubois, « La rue parisienne Ă  la reconquĂŞte de la souverainetĂ© nationale ? Cortèges, violences et politique Ă  Paris en janvier et », dans Jean-Claude Caron (dir.), Paris, l'insurrection capitale, CeyzĂ©rieu, Champ Vallon, coll. « Époques », , 263 p. (ISBN 978-2-87673-997-0), p. 227-236.
  • Yann Galera, La Garde rĂ©publicaine mobile Ă  l'Ă©preuve du 6 fĂ©vrier 1934, Maisons-Alfort, Service historique de la Gendarmerie nationale, coll. « Études », , 189 p. (ISBN 978-2-11-092357-8).
  • (en) Brian Jenkins, « Plots and Rumors : Conspiracy Theories and the Six FĂ©vrier 1934 », French Historical Studies, vol. 34, no 4,‎ , p. 649-678 (DOI 10.1215/00161071-1422874).
  • Brian Jenkins et Chris Millington, Le Fascisme français : Le 6 fĂ©vrier 1934 et le dĂ©clin de la RĂ©publique, Paris, Ă©ditions Critiques, , 368 p. (ISBN 979-10-97331-22-1, prĂ©sentation en ligne). Traduction de (en) Brian Jenkins et Chris Millington, France and Fascism : February 1934 and the Dynamics of Political Crisis, Milton Park, Abingdon, Oxon (GB), Routledge, coll. « Routledge studies in fascism and the far right », , 201 p. (ISBN 978-1-138-86033-9 et 1138860336, prĂ©sentation en ligne).
  • (en) Chris Millington, « February 6, 1934 : The Veterans' Riot », French Historical Studies, vol. 33, no 4,‎ , p. 545-572 (DOI 10.1215/00161071-2010-010).
  • Pierre Pellissier, 6 fĂ©vrier 1934. La RĂ©publique en flammes, Paris, Perrin, coll. « Une journĂ©e dans l'histoire », , 355 p. (ISBN 978-2-262-01523-7).
  • Jean Philippet, Le temps des ligues : Pierre Taittinger et les jeunesses patriotes (1919-1944), vol. 1 Ă  8, Paris, Institut d'Ă©tudes politiques de Paris, , 2680 p. (prĂ©sentation en ligne)
    Thèse de doctorat d'histoire sous la direction de Raoul Girardet.
  • Antoine Prost, « Les manifestations du 12 fĂ©vrier 1934 en province », Le Mouvement social, no 54,‎ , p. 7-27 (lire en ligne).
  • Robert Soucy, Fascismes français ? 1933-1939, Paris, Autrement, coll. « MĂ©moires/Histoire », 2004, (ISBN 2-7467-0452-8).
  • Danielle Tartakowsky, Les manifestations de rue en France, 1918-1968, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Histoire de la France au XIXe-XXe siècle » (no 42), , 869 p. (ISBN 2-85944-307-X, prĂ©sentation en ligne).
  • Danielle Tartakowsky, Les droites et la rue : histoire d'une ambivalence, de 1880 Ă  nos jours, Paris, La DĂ©couverte, coll. « Cahiers libres », , 221 p. (ISBN 978-2-7071-7817-6, prĂ©sentation en ligne).
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Articles connexes

Liens externes

  • Notice dans un dictionnaire ou une encyclopĂ©die gĂ©nĂ©raliste :

Notes et références

Notes

  1. La manifestation du 7 impliqua certains des acteurs (de droite) de la soirée du 6 mais également des communistes, plus un nombre important d’éléments incontrôlés de la population parisienne ou banlieusarde. Il y eut au moins 4 morts. Celle du 9 fut surtout une manifestation communiste et causa 4 nouvelles victimes (plus 4 autres qui décéderont ultérieurement des suites de leurs blessures). Celles du 12 rassemblèrent socialistes et communistes et, si la manifestation principale à la Nation ne fut pas violente il y eut deux victimes en banlieue et une à Marseille[5].
  2. Ils se conforment pour certains au mot d’ordre lancé par L’Action française dans un tract distribué le 6 février : « Ce soir, à l’heure de la sortie des ateliers et des bureaux, ils [les Français] se rassembleront devant la Chambre, au cri de « À bas les voleurs ! » pour signifier au Ministère et à ses soutiens parlementaires qu’ils en ont assez de ce régime abject. »[33]. L'Humanité, de son côté, a également appelé à manifester contre le « régime du profit et du scandale ».
  3. L'inventaire des munitions dĂ©pensĂ©es Ă©tabli Ă  la fin de la manifestation fait Ă©tat de 197 cartouches tirĂ©es pour la garde rĂ©publicaine mobile, 53 pour la garde rĂ©publicaine de Paris, 168 pour la gendarmerie dĂ©partementale et 121 pour les gardiens de la paix. Toutes les balles retrouvĂ©es dans les corps des victimes sont de calibre 7,65 mm (qui est commun Ă  l'ensemble des forces de l'ordre) sauf une balle de calibre 8 mm. De nombreux journaux de l'Ă©poque font Ă©tat de tirs de fusil-mitrailleurs, de mitrailleuses ou mĂŞme d'emploi de chars mais ces affirmations ne sont ni confirmĂ©es ni corroborĂ©es par le nombre ou le type de blessure des victimes[50].
  4. L'usage des rasoirs « pour couper les jarrets des chevaux » sera abondamment rapporté et marque les esprits mais si, sur 305 chevaux engagés (dont seulement 25 à la Concorde), 120 ont été blessés plus ou moins gravement dont cinq ont dû être énucléés à la suite de jets de projectiles, sept chevaux ont reçu des coupures et aucun cheval n'a eu de jarrets tranchés. Trois chevaux doivent être abattus à la suite de fractures occasionnées par des chutes ou des coups reçus[52].
  5. De plus, son principal adjoint, Paul Guichard, directeur de la police municipale, d'emblée manifestement réservé vis à vis de sa nomination, s'est fait hospitaliser le 5 au soir pour une opération de l'appendicite dont la réalité, ou au moins l'urgence, seront discutées par la suite, notamment devant la commission d'enquête parlementaire.
  6. La presse de l'époque parle surtout de la garde républicaine mobile (la Gendarmerie mobile actuelle) mais celle-ci représente moins du tiers des effectifs déployés et moins d'un huitième du nombre des blessés. De plus, les témoignages ainsi que les inventaires des munitions dépensées semblent montrer que l'ensemble des forces de l'ordre (gardes mobiles mais aussi gendarmes départementaux, gardes républicains de Paris et policiers) a ouvert le feu[74].
  7. Les forces de l'ordre sont très mal équipées (pas de boucliers, pas de lacrymogènes, pas de fourgons-pompes, quelques lances à incendie mises en œuvre par les pompiers). De plus, conformément aux consignes de la préfecture de police alors en vigueur, les pelotons de garde républicaine mobile réquisitionnés pour la manifestation reçoivent l'ordre de laisser leurs mousquetons dans leurs cantonnements et ne conservent donc que leurs pistolets. Cette disposition sera abandonnée lors des manifestations suivantes les 7 et 9 février mais on constate alors qu'au moins deux des quatre personnes décédées le 7 ont subi des fractures du crâne résultant probablement de coups de crosse[75].
  8. De nombreux responsables, dont le commissaire Rottée rapportent à la commission qu'ils avaient reçu l'ordre de « défendre coûte que coûte et sans reculer d'une semelle la tête de pont »[76].

Références

  1. Blanchard 2015.
  2. Gardiol, Amat et de Framond de La Framondie 1934, p. 12.
  3. Pierre Pellissier, 6 février 1934. La République en flammes, Paris, Perrin, coll. « Une journée dans l'histoire », 2000, p. 320-321. (ISBN 978-2-262-01523-7).
  4. Blanchard 2015, p. 15.
  5. Carrot 1990, p. 94-96.
  6. Ariane Chebel d'Appollonia, L'extrême-droite en France : de Maurras à Le Pen, Bruxelles, Éditions Complexe, coll. « Questions au XXe siècle » (no 3), , 519 p. (ISBN 978-2-87027-764-5, BNF 37162798), p. 102.
  7. Philippe Henriot, Le 6 février, Flammarion, , 247 p., p. 70.
  8. Dubois 2014, p. n. 648.
  9. Philippe Henriot, Le 6 février, Flammarion, , 247 p., p. 107.
  10. Laurent Bonnevay, Les Journées sanglantes de février 1934, Flammarion, , 249 p., p. 34.
  11. Laurent Bonnevay, Les Journées sanglantes de février 1934, Flammarion, , 249 p., p. 38.
  12. Laurent Bonnevay, Les journées sanglantes de février 1934, Flammarion, , 249 p., p. 39.
  13. Laurent Bonnevay, Les Journées sanglantes de février 1934, Flammarion, , 249 p., p. 51.
  14. Laurent Bonnevay, Les Journées sanglantes de février 1934, Flammarion, , 249 p., p. 53.
  15. Philippet 2000, p. 1406.
  16. « Chiappe, Jean (1878-1940) », dans Gisèle et Serge Berstein, Dictionnaire historique de la France contemporaine : 1870-1945, éditions Complexe, 1995 (ISBN 2870275498), p. 146-147.
  17. Le Temps du 5 février 1934, p. 3.
  18. Voir Le Temps du 14 avril 1934, pp. 4-5.
  19. Philippe Henriot, Le 6 février, Flammarion, , 247 p., p. 129.
  20. Philippe Henriot, Le 6 février, Flammarion, , 247 p., p. 131.
  21. Philippe Henriot, Le 6 février, Flammarion, , 247 p., p. 132.
  22. L'Action française du 5 février 1934, p. 1.
  23. L'Action française du 6 février 1934, p. 1.
  24. Philippe Henriot, Le 6 février, Flammarion, , 247 p., p. 122.
  25. Philippe Henriot, Le 6 février, Flammarion, , 247 p., p. 125.
  26. Laurent Bonnevay, Les Journées sanglantes de février 1934, Flammarion, , 249 p., p. 81.
  27. Journal officiel de la République française (Annexes), 27 avril 1934. Sur cette organisation activiste, hostile aux partis de gauche, cf. Nicolas Delalande, Les Batailles de l'impôt. Consentement et résistances de 1789 à nos jours, Seuil, 2011
  28. Le Matin, 24 janvier 1934
  29. Le Matin, 6 février 1934
  30. Blanchard 2015, p. 21.
  31. Jean-Pierre Rioux, Au bonheur la France, Paris, CNRS Éditions, coll. « Biblis » (no 143), , 449 p. (ISBN 978-2-271-09003-4), p. 165.
  32. Blanchard 2015, p. 24, n. 2.
  33. Cité dans les publications de l'Université de Bourgogne.
  34. Bernard 1997, p. 469-482.
  35. Bernard 2005, p. 231-244.
  36. Berstein 1985, p. 48.
  37. Yvan Combeau, Paris et les élections municipales sous la Troisième République : la scène capitale dans la vie politique française, éditions L'Harmattan, 1998, p. 367-369.
  38. Évelyne Cohen, Paris dans l'imaginaire national dans l'entre-deux-guerres, Publications de la Sorbonne, 1999, 396 pages, p. 55 et suiv.
  39. Gisèle Berstein, Serge Berstein, La Troisième République, MA éditions, 1987, 356 pages, p. 295.
  40. Tartakowsky 1997, p. 281-284.
  41. Compte-rendu de l'enquête parlementaire sur les manifestations du 6 février 1934.
  42. Robert Havard de La Montagne, Histoire de l'Action française, Amiot-Dumont, Paris, 1950, p. .
  43. Danielle Tartakowsky, op. cit.
  44. Eugen Weber, L'Action française, éd. Fayard, 1985, p. 373.
  45. Eugen Weber, L'Action française, éd. Fayard, 1985, p. 372.
  46. On relève quelques blessures par balles parmi les forces de l'ordre mais la grande majorité des blessures est causée par des lancers de projectiles ou des coups — voir ci-dessous paragraphe Morts et blessés.
  47. Maurice Chavardès, Le 6 février 1934 : la République en danger, Calmann-Lévy, , p. 211.
  48. Chevandier 2012, p. 690-696. Voir Ă©galement Carrot 1990, p. 83 ; 88 ; 90.
  49. Laurent Bonnevay, Les Journées sanglantes de février 1934, Flammarion, , 249 p..
  50. Galera 2003, p. 73-74 pour l'inventaire des cartouches tirées et Galera 2003, p. 78 et suivantes pour les rumeurs d'emploi d'autres armes.
  51. « Les victimes du 6 février », L'Action française, 6 février 1935, p. 1.
  52. Pellissier 2000, p. 282.
  53. Gardiol, Amat et de Framond de La Framondie 1934.
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  62. Il fut l'auteur de l'ouvrage : Les journées sanglantes de février 1934 en 1935 - voir bibliographie.
  63. Blanchard 2015, p. 16, n. 7.
  64. Jean Garrigues, Les hommes providentiels : histoire d'une fascination française, Paris, Éditions du Seuil, , 459 p. (ISBN 978-2-02-097457-8, présentation en ligne).
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  69. Magali Della Sudda, article cité, p. 30.
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  71. Dobry 1989, p. 518.
  72. Antoine Prost, compte-rendu de l'ouvrage de Jenkins et Millington, dans la Revue d'histoire moderne et contemporaine, 2021/3, n° 68/3
  73. Jean-Louis Loubet del Bayle, Les Non-conformistes des années 1930. Une tentative de renouvellement de la pensée politique française, Paris, Seuil, 1969 (nouvelle éd. Points Histoire, 2001), p. 125-126.
  74. Galera 2003, p. 73-74 et Annexe IV.
  75. Carrot 1990, p. 94.
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  77. Voir notamment : Maurice Grimaud - En mai, fais ce qu'il te plaît, Stock, 1977, p. 180.
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