Jean Chiappe
Jean Chiappe (prononcé [kjap]), né le à Ajaccio et mort le en mer Méditerranée, est un haut fonctionnaire et homme politique français. Il exerça tour à tour les fonctions de préfet de police de Paris (1927-1934), de président du conseil municipal de Paris (1935-1936) et de député de la Seine (1936-1940). Nommé haut-commissaire de France au Levant par Philippe Pétain le 25 novembre 1940, il disparut en mer deux jours plus tard après que l'avion qui le portait pour rejoindre son poste à Beyrouth eut été mitraillé.
Jean Chiappe | |
Jean Chiappe en 1926. | |
Fonctions | |
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Haut-commissaire de France au Levant | |
– (2 jours) |
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Prédécesseur | Gabriel Puaux |
Successeur | Henri Dentz |
Député | |
– [alpha 1] (3 ans, 10 mois et 9 jours) |
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Élection | (partielle) |
Circonscription | Seine (2e circ. de Paris 16e) |
LĂ©gislature | XVIe (IIIe RĂ©publique) |
Groupe politique | Indépendants républicains |
Prédécesseur | Charles de Lasteyrie |
Successeur | Aucun |
Président du conseil municipal de Paris | |
– | |
Prédécesseur | Georges Contenot |
Successeur | Jean Raymond-Laurent |
Préfet de police de Paris | |
– (6 ans, 9 mois et 20 jours) |
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Prédécesseur | Alfred Morain |
Successeur | Adrien Bonnefoy-Sibour |
Biographie | |
Nom de naissance | Jean Baptiste Pascal Eugène Chiappe |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Ajaccio |
Date de décès | |
Lieu de décès | Mer Méditerranée |
Nature du décès | Abattu au cours d'une bataille aérienne |
Nationalité | Française |
Profession | Haut fonctionnaire |
Biographie
Carrière
Entré au ministère de l'Intérieur après une licence en droit[2] - [3], Jean Baptiste Pascal Eugène Chiappe a fait toute sa carrière au sein de ce ministère, où il entre en 1899 comme auxiliaire, puis reçu au concours de rédacteur de l’administration pénitentiaire. Il était reconnaissable à ce qu'il portait toujours une écharpe blanche et qu'il était de petite taille[4].
Il devient ensuite chef du cabinet du secrétaire général du ministère (1909), secrétaire général du ministère en 1925 et directeur de la Sûreté générale de 1924 à 1927[4].
En 1927, il obtient le poste de préfet de police, où il réprime les manifestations communistes et cultive des amitiés parmi les milieux d'extrême droite dont l'Action française, Maurice Pujo et l'hebdomadaire nationaliste Gringoire, dont le directeur, Horace de Carbuccia, a épousé (en 1927) la fille de sa femme (Adrienne Turpin-Rotival). Grand ami du radical Louis Malvy[5], très populaire dans les milieux conservateurs[2] (il s'entend très bien avec André Tardieu, plusieurs fois président du Conseil[5], ainsi qu'avec Maurice Pujo, fondateur des Camelots du roi [5]), il l'est également auprès des policiers pour avoir amélioré leurs conditions de travail et de vie. Ainsi, il facilita l'emploi des épouses de policiers comme concierges dans les immeubles de Paris. Il créa également une clinique qui existe encore et qui se nomme aujourd'hui « Hôpital des Gardiens de la Paix ». L'influence du préfet de police à cette époque était considérable : en 1934, Chiappe « commandait environ quinze mille hommes, soit plus d’un quart de la totalité des effectifs de police et de gendarmerie en fonction sur l’ensemble du territoire »[5]. Seul Louis Lépine a eu autant d'influence que Chiappe parmi les préfets de la Troisième République [5].
Plusieurs gouvernements successifs tentent vainement de déloger ce haut fonctionnaire proche des milieux monarchistes. En 1930, il est à l'origine de la censure du film l'Âge d'or de Buñuel ; plus tard, ce dernier fait scander dans son Journal d'une femme de chambre le nom de Chiappe lors d'une manifestation d'extrême droite[6].
Les socialistes ayant mis comme condition pour leur soutien au gouvernement la révocation du préfet, le radical Édouard Daladier, nouveau président du Conseil, le démet le , l'accusant également d'avoir freiné l'instruction de l'affaire Stavisky, impliquant pourtant le député-maire radical de Bayonne, Dominique-Joseph Garat, dans le scandale des faux bons de caisse du Crédit municipal[7]. Pour éviter l'apparence d'une décision partisane, Daladier lui propose le poste de résident général au Maroc, l'un des postes les plus prestigieux de la IIIe République[5], que Chiappe refuse. En protestation contre cette éviction, qui eut lieu avec la prise de fonctions comme nouveau préfet de police du préfet de Seine-et-Oise Adrien Bonnefoy-Sibour, trois ministres (Jean Fabry, François Piétri et Gustave Doussain) démissionnent, de même que le préfet de la Seine, Édouard Renard[5].
Les ligues antiparlementaires (Croix-de-feu du colonel François de La Rocque, Action française, Camelots du roi, Solidarité française, Jeunesses patriotes) organisent une grande manifestation de soutien le 6 février 1934, qui dégénère en émeute contre la République et le gouvernement[2], entraînant la chute de Daladier, affaibli par la démission des ministres de centre-droit en soutien au préfet de Police, qui reprend son poste[8].
Jean Chiappe est élu, le , président du Conseil municipal de Paris. Aux législatives de 1936, son élection à Ajaccio est invalidée[9], mais il se fait élire député de la Seine et rejoint le groupe conservateur des Indépendants républicains[2].
Le , il ne prend pas part au vote donnant les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, qui le nomme le suivant haut-commissaire de France au Levant[2].
Famille
Il avait épousé en 1916 à Londres Marcelle Lemaire (1881-1943), dite Lemaire de Villers, deux fois divorcée. Elle l'appuya dans les œuvres sociales et fut la fondatrice de la maison de santé des Gardiens de la Paix dans le 13e arrondissement. André Tardieu lui remit la croix de chevalier de la Légion d'honneur en février 1929. Ils n'eurent pas de postérité.
Jean Chiappe est le frère du préfet Angelo Chiappe et l'oncle de l'historien Jean-François Chiappe.
Mort
L’avion d'Air France[10], un quadrimoteur Farman, le menant au Liban et en Syrie est piloté par Henri Guillaumet, célèbre pionnier de l'Aéropostale, survivant légendaire des Andes, et Marcel Reine. Cet avion, qui décolle le 1940 à 9 heures, est abattu à 12 h 5 au-dessus de la Méditerranée, entre la Sardaigne et l'Afrique du Nord, par l'aviation italienne alors engagée dans une bataille aéronavale contre les Britanniques[11]. L'itinéraire devait être de suivre la côte occidentale de la Sardaigne jusqu'à l'île de San Pietro pour retrouver la côte tunisienne près du cap Serrat. À 11 heures 55, le F-AROA (indicatif d'appel radio) avait contacté Bône et tout allait bien à bord. Mais à 12 h 5, il y eut un : « Sommes mitraillés .Feu. S.O.S S.O.... ». Guillaumet, ainsi que les autres membres de l'équipage et les deux passagers, Jean Chiappe et son directeur de cabinet, sont tués.
Le lendemain, le torpilleur Typhon retrouve des débris de l'appareil, dont une ceinture de sauvetage d'air France, à 70 miles dans le 313 de Bizerte.
Malgré le débat en cours, il semblerait que ce soient les Italiens qui aient tiré, d'après le témoignage de Jules Routin, opérateur à la station goniométrique de Tunis, qui enregistra le S.O.S puis entendit des avions italiens qui, touchés par la DCA, rentraient à Caligari. L'un d'eux a signalé « rentré en feu » puis un autre dit avoir abattu « un gros appareil inconnu ». Dans l'après-midi, toujours d'après le témoignage de J.Routin, la radio de Rome confirmait l'information (mais ils n'en parlent plus après, ayant su qui était à bord).
Il y a de plus le témoignage de Jacques Boudot, ancien chauffeur de Jean Chiappe. Le jour où on lui apprit sa mort, il maudit les Anglais devant Pierre Laval qui lui répondit : « Ce ne sont pas les Anglais, mais les Italiens… ».
Laval, vice-président du Conseil, proteste néanmoins auprès des Britanniques et les accuse, comme certains journaux italiens, d'avoir abattu l'appareil[10] (cette thèse est toujours discutée aujourd'hui[10], Chiappe pouvant avoir représenté une menace pour les intérêts britanniques au Proche-Orient[10]). Il est alors cité à l'ordre de la Nation par le maréchal Pétain[12].
À Paris, une partie de l'avenue Henri-Martin dans le 16e arrondissement de Paris a pris le nom d'avenue Jean-Chiappe en 1941, avant de devenir l'avenue Georges-Mandel en 1945. La cour d'honneur de la préfecture de police de Paris fut baptisée cour Jean-Chiappe avant de prendre le nom de cour du 19-Août à la Libération.
Distinctions
- Grand officier de la Légion d'honneur. Fait chevalier de la Légion d'honneur en 1913, il est décoré par Guillaume Chastenet, sénateur de la Gironde, promu officier en 1920 et décoré par le conseiller d'État Albert Hendlé, puis commandeur en 1926 et décoré par Gilbert Peyrelon, directeur des Journaux officiels, enfin élevé à la dignité de grand officier en 1932 et décoré le 2 mai par le président de la République, Paul Doumer, cinq jours avant l’assassinat de celui-ci.
- Officier de l'Instruction publique
- Chevalier de l'ordre du MĂ©rite agricole
Sources
- « Jean Chiappe », dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), sous la direction de Jean Jolly, PUF, 1960
- Alain Decaux, Guerre dans le désert : Mussolini : la fin d'une aventure, Historia magazine N°161, Paris, 24 décembre1970
Notes et références
Notes
- De facto, puisque durant la période de l'Occupation, le Parlement n'est pas dissous, mais le Sénat et la Chambre des députés sont « ajournés jusqu'à nouvel ordre », seul le chef de l'État pouvant les réunir. Le Parlement ne se réunit plus durant toute l'Occupation, entérinant dans les faits le caractère autoritaire du régime de Vichy[1].
Références
- « Acte constitutionnel no 3 du 11 juillet 1940 », sur mjp.univ-perp.fr (consulté le ).
- « Chiappe, Jean (1878-1940) », in Gisèle et Serge Berstein, Dictionnaire historique de la France contemporaine : 1870-1945, éditions Complexe, 1995, (ISBN 2870275498). p. 146-147.
- « Notice biographique Jean Chiappe », sur sfhp.fr, Charles Diaz (consulté le ).
- Pierre Favre, Histoire d'un militaire peu ordinaire : fragments du siècle, L'Harmattan, 1992, (ISBN 9782738414519), p. 53.
- Emmanuel Blanchard, « Le 6 février 1934, une crise policière ? », Vingtième Siècle : Revue d'histoire, Paris, Presses de Sciences Po (PFNSP), no 128 « Dossier : Polices et événements politiques au XXe siècle »,‎ , p. 15-28 (lire en ligne).
- « Le journal d'une femme de chambre », sur cineclubdecaen.com, (consulté le ).
- Denis Bon, L'affaire Stavisky, De Vecchi, , p. 65.
- Serge Berstein et Pierre Milza, Histoire de la France au XXe siècle : Tome 2, 1930-1945, éditions Complexe, 2003. (ISBN 2870279957). p. 131.
- Philippe Bourdin, Jean-Claude Caron, Mathias Bernard (dir.), L'Incident électoral : de la Révolution française à la 5e République, Presses universitaires Blaise-Pascal, (ISBN 9782845162082), p. 241.
- Anne-Lucie Chaigne-Oudin, La France dans les jeux d'influences en Syrie et au Liban : 1940-1946, Paris, L'Harmattan, coll. « Comprendre le Moyen-Orient », , 260 p. (ISBN 978-2-296-07364-7 et 2-296-07364-6, lire en ligne), p. 21 à 22
- André Kaspi, La Deuxième Guerre mondiale : chronologie commentée éditions Complexe, 1990, (ISBN 2870275919), p. 159.
- Jean Lévy, Simon Pietri, De la République à l'État français : le chemin de Vichy, 1930-1940, éditions L'Harmattan, 1996, (ISBN 2738445705), p. 218.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
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