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Contre-attaque de Mortain

La contre-attaque de Mortain, nom de code opĂ©ration LiĂšge (en allemand Unternehmen LĂŒttich), est une offensive de l'armĂ©e allemande pendant la bataille de Normandie, sur le flanc droit des forces alliĂ©es. Elle s’est dĂ©roulĂ©e du 7 au dans la rĂ©gion de Mortain. DĂ©cidĂ©e par Hitler contre l'avis de son Ă©tat-major qui prĂ©conisait un repli des troupes, elle fait suite Ă  la percĂ©e d'Avranches par les troupes amĂ©ricaines qui ont rĂ©ussi Ă  pĂ©nĂ©trer en Bretagne. La contre-attaque allemande est un Ă©chec cuisant et permet aux AlliĂ©s d'encercler une partie de la Wehrmacht dans la poche de Falaise. LĂŒttich (LiĂšge en allemand), fait rĂ©fĂ©rence Ă  une offensive similaire que le gĂ©nĂ©ral Ludendorff avait lancĂ©e sur cette ville belge, pendant la PremiĂšre Guerre mondiale, exactement trente ans auparavant.

Contre-attaque de Mortain
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Colonne blindée allemande détruite prÚs de Mortain
Informations générales
Date Du 6 août au
Lieu Sud-ouest de la Normandie,
France
Issue Échec allemand aboutissant à la constitution de la poche de Falaise
Belligérants
Drapeau des États-Unis États-UnisDrapeau de l'Allemagne nazie Reich allemand
Forces en présence
80 000 hommes80 000 hommes
Pertes
5 000 tuĂ©s, blessĂ©s
et disparus
10 000 tuĂ©s et blessĂ©s

Seconde Guerre mondiale

Batailles

Bataille de Normandie

Opérations de débarquement (Neptune)

Secteur anglo-canadien

Secteur américain

Fin de la bataille de Normandie et libération de l'Ouest

Mémoire et commémorations

CoordonnĂ©es 48° 38â€Č 55″ nord, 0° 56â€Č 23″ ouest
GĂ©olocalisation sur la carte : Normandie
(Voir situation sur carte : Normandie)
Contre-attaque de Mortain
GĂ©olocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Contre-attaque de Mortain

Contexte

AprĂšs le dĂ©barquement de Normandie du , la bataille s'enlise pendant deux mois. Les Anglo-canadiens piĂ©tinent Ă  l'est devant Caen et les AmĂ©ricains Ă  l'ouest (ce que les historiens appelleront la « bataille des Haies » en rĂ©fĂ©rence au bocage normand oĂč elle se dĂ©roule, un terrain trĂšs favorable Ă  la dĂ©fense allemande avec ses nombreuses haies). Les 25 et 26 juillet, le commandement alliĂ© lance l'opĂ©ration Cobra qui, aprĂšs le bombardement aĂ©rien massif d'une courte section du front Ă  l'ouest, offre une brĂšche aux troupes amĂ©ricaines qui rĂ©ussissent leur percĂ©e. Le , aprĂšs six jours de combats et d'avancĂ©e, la 3e armĂ©e amĂ©ricaine du gĂ©nĂ©ral Patton obtient une importante victoire avec la prise d’Avranches, qui perce le front allemand au sud-ouest. Ce succĂšs inattendu[1] lui permet d’exploiter immĂ©diatement et puissamment l'ouverture du flanc gauche allemand vers la Bretagne d’une part et, au-delĂ , vers l’est en direction d’OrlĂ©ans et de Paris, d’autre part.

MarquĂ© par l’attentat du 20 juillet 1944 qui l’a Ă©pargnĂ© par miracle, Hitler, contre l'avis de ses gĂ©nĂ©raux qui lui recommandent le repli, dĂ©cide d'imposer une contre-attaque. Il n’a plus aucune confiance dans le haut commandement de la Wehrmacht. Son objectif est de couper, par une poussĂ©e vers l'ouest et la cĂŽte, l’intĂ©gralitĂ© des lignes de communication de l’armĂ©e de Patton.

La prise d'Avranches a permis de percer l’extrĂȘme flanc gauche allemand. Les troupes amĂ©ricaines, par divisions entiĂšres, se ruent alors hors de Normandie par un couloir Ă©troit d’une dizaine de kilomĂštres entre la cĂŽte et le front. En seulement 24 heures, Patton fait traverser Avranches Ă  deux divisions blindĂ©es et deux divisions d'infanterie[2]. En six jours, ce sont douze divisions qui s'Ă©chappent de Normandie.

Totalement inconscient de l’état rĂ©el des unitĂ©s allemandes (usĂ©es par deux mois de combats intensifs et continuels et sans appui aĂ©rien), poursuivant ses idĂ©es fixes, Hitler ordonne une action Ă©nergique au commandant du groupe d’armĂ©es B, le Feldmarschal von Kluge, le remplaçant de Rommel. L'occasion est trop belle, pense-t-on Ă  Berlin[3].

Forces en présence

Le corps de bataille allemand est usé mais encore capable de jouer un rÎle dans une contre-attaque opérationnelle. Les forces américaines, quant à elles, sont relativement fraßches et préparées à affronter le choc, appuyées par une importante artillerie et une couverture aérienne totale.

Unités alliées

Les Américains sont prévenus plusieurs jours à l'avance de l'offensive allemande. Ce délai a été mis à profit pour renforcer les défenses et relever les unités fatiguées. Les VIIe (général Lawton Collins) et XIXe corps d'armée américains (général Charles H. Corlett) sont impliqués dans cette bataille.

  • La 4e division d'infanterie amĂ©ricaine est vĂ©tĂ©ran de la bataille de Normandie (puisqu'elle a dĂ©barquĂ© Ă  Utah Beach le 6 juin 1944). Le gĂ©nĂ©ral Raymond O. Barton, vieux de la vieille, a organisĂ© sa division en vue de l'attaque. Comme le commandement a Ă©tĂ© prĂ©venu, l'unitĂ© est acheminĂ©e au plus vite face aux couloirs prĂ©vus pour les 2e Panzer et 2e Panzer SS. C'est une unitĂ© en rĂ©serve qui agit efficacement le 7 aoĂ»t, notamment par son appui d'artillerie. Elle est pour le moment cantonnĂ©e en avant de Brecey.
  • La 30e division d'infanterie amĂ©ricaine est une unitĂ© expĂ©rimentĂ©e par plus d'un mois de combat. Elle encaisse le gros du choc de l'offensive allemande. Elle remplace la 1re division d'infanterie amĂ©ricaine, fatiguĂ©e et en route vers d'autres objectifs plus au sud, qui a capturĂ© Mortain deux jours plus tĂŽt. L'unitĂ© est commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Hobbs, qui fait preuve d'un calme olympien, minimisant, tout au moins dans les premiĂšres heures, la puissance de l'offensive allemande. Le gĂ©nĂ©ral Hobbs est vite rappelĂ© Ă  l'ordre par Collins, son supĂ©rieur[4].
  • La 35e division d'infanterie amĂ©ricaine est une division peu expĂ©rimentĂ©e, dĂ©jĂ  en route vers la Mayenne quand l'ordre de retour est arrivĂ© au gĂ©nĂ©ral Paul W. Baade, son commandant. Le 6 aoĂ»t, elle fait mouvement vers Mortain, aprĂšs avoir repassĂ© Pontaubault.
  • La 3e division blindĂ©e amĂ©ricaine est reprĂ©sentĂ©e par l'un de ses trois groupements tactiques (Combat Command B). C'est une division blindĂ©e trĂšs puissante car elle possĂšde deux rĂ©giments de chars au lieu d'un habituellement. Ses chars stationnent dans le couloir d'approche de la 2e division SS Das Reich. Elle a efficacement participĂ© Ă  l'opĂ©ration Cobra, Ă©nergiquement commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Maurice Rose.

Unités allemandes

Les formations allemandes impliquĂ©es dans l’offensive comportent uniquement des divisions blindĂ©es (Panzerdivision). Elles sont placĂ©es sous le commandement du XLVIIe Panzer Corps du gĂ©nĂ©ral Hans von Funck. La Wehrmacht aligne un nombre de blindĂ©s difficile Ă  Ă©tablir, entre 132 chars et 10 canons d'assaut[5], et 180 blindĂ©s[6]. Quatre divisions de panzer et une division de Panzergrenadiers sont engagĂ©es dans la contre-offensive de Mortain.

TrĂšs usĂ©e, seuls deux bataillons incomplets de chars, deux bataillons de grenadiers, un groupe de batteries d’artillerie auto-portĂ©e, une compagnie du gĂ©nie et un bataillon de DCA sont engagĂ©s, soit environ un tiers de ses moyens de combat. Le 5 aoĂ»t, la division dispose de 103 chars, mais ceux-ci ne semblent pas avoir Ă©tĂ© tous engagĂ©s, car une bonne partie est restĂ©e Ă  Caen.

Elle est renforcée par un groupement tactique assez faible (Kampfgruppe) composé des restes de la 17e division de grenadiers blindés SS (17. SS Panzergrenadier Division).

La division a longtemps été stationnée dans le Pas-de-Calais en prévision d'un second débarquement.
Ramenée dans le secteur de Caen à la mi-juillet, elle a été engagée modérément jusqu'ici. Ses moyens de combat sont donc complets au début de l'attaque, et elle joua le rÎle central dans l'offensive.

  • La 116e division blindĂ©e (116. Panzerdivision). L’unitĂ© est commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Gerhard von Schwerin, dont le chef d'Ă©tat-major n'est autre que Heinz GĂŒnther Guderian, le fils du cĂ©lĂšbre gĂ©nĂ©ral Heinz Guderian. La division avait Ă©tĂ© trĂšs peu engagĂ©e en Normandie, bien que prĂ©sente tout au long des deux mois prĂ©cĂ©dant la percĂ©e d’Avranches. Y eut-il absence de volontĂ© de la part du commandement de la division ? En tout Ă©tat de cause, son action est trĂšs controversĂ©e[4].

Le plan

Hitler en personne conçoit cette contre-offensive limitĂ©e. Elle Ă©tait destinĂ©e Ă  gagner du temps (huit Ă  dix semaines) afin de rĂ©tablir la situation de la Wehrmacht en dĂ©route, en se repositionnant dĂ©fensivement sur la Marne et la Somme[7]. À cet effet, dĂšs le , l’OKW demande Ă  la VIIe armĂ©e allemande de retirer les divisions mobiles du front (Panzerdivision) afin de pouvoir prĂ©parer l’offensive.

L’objectif de von Kluge est de pousser trois divisions blindĂ©es d’est en ouest, sur une distance de 30 km, avec pour effet escomptĂ© de couper les communications de la 3e armĂ©e amĂ©ricaine. Puis, dans un second temps, de tourner la 1re ArmĂ©e amĂ©ricaine et la prendre Ă  revers.

Hitler promet des renforts supplémentaires sous la forme d'unités en provenance du sud de la France (9e division blindée et 708e division d'infanterie), mais ces unités n'ont pas le temps d'arriver. Elles sont interceptées au sud de Mortain par les éléments avancés de la 3e armée américaine[6].

Mais le commandement amĂ©ricain est au courant de l’intention allemande. En effet, depuis prĂšs d’un an, l'opĂ©ration Ultra avait permis le dĂ©cryptage des messages chiffrĂ©s des Ă©tats-majors allemands (machine Enigma) par les services britannique et amĂ©ricain[8]. Tous les messages que s’échangeaient les Allemands via ce systĂšme Ă©taient connus immĂ©diatement des AlliĂ©s. Les renseignements Ă©taient confirmĂ©s par des reconnaissances aĂ©riennes[9].

Aussi le gĂ©nĂ©ral Bradley, nouveau commandant du 12e groupe d’armĂ©es depuis le , peut-il prendre des mesures prĂ©ventives plus de vingt-quatre heures avant l’offensive allemande[10]. Moins qu'un danger, cette offensive allemande est perçue comme une occasion de dĂ©truire Ă  coup sĂ»r l'armĂ©e allemande de Normandie[11]. Bradley, s'entretenant avec un officier lui dit : « C'est une occasion qui ne se prĂ©sente Ă  un commandant en chef qu'une fois par siĂšcle. Nous sommes sur le point de dĂ©truire une armĂ©e allemande entiĂšre »[12]. C'est ce Ă  quoi le commandement alliĂ© va s'employer. Cependant, les troupes au contact sur le terrain ne sont pas prĂ©venues. Elles sont dĂ©jĂ  en Ă©tat d'alerte maximum. Aucun renfort n'est disponible dans l'immĂ©diat. Le risque de fuites qui trahiraient Ultra est trop grand.

DĂ©roulement de la bataille

Carte de la bataille de Mortain.

La phase initiale ne prend pas les Américains par surprise et leur permet de tourner les Allemands lors de la phase suivante de la bataille : la poche de Falaise.

Phase initiale - 6 et 7 août

La bataille débute le dans la nuit, sans préparation d'artillerie, l'effet de surprise étant recherché par les Allemands. Effet manqué, les Américains informés ayant eu le temps de se préparer. L'opération commence par ailleurs sous le signe de la confusion, les différents états majors allemands se contredisant mutuellement[4].

L'opĂ©ration est ralentie par de multiples Ă©vĂšnements et, en dĂ©finitive, au matin du 7 aoĂ»t, les Allemands n'ont progressĂ© significativement que dans le secteur de la 2e division blindĂ©e allemande, laquelle bouscule deux compagnies du 117e rĂ©giment d'infanterie amĂ©ricaine[13]. L'unitĂ© allemande atteint son objectif, le Mesnil-AdelĂ©e, dans la journĂ©e. La 116e division blindĂ©e est stoppĂ©e net par le 39e rĂ©giment de la 9e division d'infanterie amĂ©ricaine, trĂšs bien retranchĂ© dans un terrain favorable et largement Ă©quipĂ© en piĂšces antichar[13]. Hausser et Funck ne comprennent pas « l'immobilisme » du gĂ©nĂ©ral Schwerin, et le remplacent par le colonel Walter Rheinard. Mais, malgrĂ© la mise en mouvement, les Panzer ne parviennent pas Ă  dĂ©boucher[14]. La 2e division blindĂ©e SS est, quant Ă  elle, fixĂ©e un long moment Ă  Mortain, avant de dĂ©boucher sur la route nationale vers Saint-Hilaire-du-HarcouĂ«t, qu'elle ne parvient pas Ă  atteindre. Le 2/120e rĂ©giment de la 30e DI amĂ©ricaine (avec la compagnie K du 3/120), environ 700 hommes[15], parfaitement camouflĂ© sur la cote 314, reste encerclĂ© pendant cinq jours sans cĂ©der un pouce de terrain. La position occupĂ©e par ce rĂ©giment commande toutes les approches de Mortain et dispose d'un point de vue sur toute la vallĂ©e. Depuis cette position, il est possible de diriger des tirs de harcĂšlement d'une redoutable prĂ©cision sur la division Das Reich, ce qui gĂȘne tous ses mouvements. Devant ce contretemps, von Funck dĂ©cide d'engager la 1re Panzer SS pour au moins atteindre Juvigny-le-Tertre[16]. Dans la nuit, cette division est fortement retardĂ©e dans un dĂ©filĂ© par le crash d'un chasseur-bombardier amĂ©ricain sur sa tĂȘte de colonne. Puis, en progressant vers ses objectifs, elle percute le Groupement Tactique B (CCB) de la 3e division blindĂ©e amĂ©ricaine et ne parvient plus dĂšs lors Ă  avancer.

Hitler avait promis trois cents avions de la IIIe flotte aérienne (Luftflotte 3) en support de l'attaque[17]. Bien que de nombreux chasseurs allemands aient décollé de la région parisienne, l'United States Army Air Force intervient trÚs efficacement et intercepte toutes les formations ennemies. Aucune intervention aérienne de la Luftwaffe ne se manifeste dans le ciel de Mortain[18].

Au contraire, les Mustang, Typhoon et Thunderbolt alliĂ©s envahissent l'espace aĂ©rien du champ de bataille dĂšs la fin de matinĂ©e[19]. Ceux-ci dĂ©vastent de leurs roquettes les colonnes blindĂ©es allemandes, provoquant l'arrĂȘt de l'opĂ©ration en plein jour. Les Typhoon seuls rĂ©alisent 294 sorties concentrĂ©es sur la 2e division blindĂ©e allemande[17]. Cette formation est littĂ©ralement clouĂ©e sur place.

Le bilan de la premiĂšre journĂ©e d'opĂ©ration est jugĂ© faible par le commandement allemand[6]. À l'opposĂ©, le commandement amĂ©ricain se rĂ©jouit pleinement[20]. La feinte avait jouĂ© Ă  plein.

Évolution de l'opĂ©ration - 8 au 13 aoĂ»t

Mortain, Cote 312 en 2009 (petite chapelle). Proche de la Cote 314, Refuge du 2/120e d'infanterie US encerclé par les Waffen SS de la 2.SS-Panzer Division.

L'objectif alliĂ© est dĂ©sormais de fixer ces troupes blindĂ©es suffisamment longtemps pour que, dans un vaste mouvement tournant, Patton puisse couper la retraite de la VIIe armĂ©e allemande. Hitler, quant Ă  lui, s'obstine dans l'erreur. MalgrĂ© les signes d'alerte, il rĂ©clame le renforcement de l'offensive par le IIe corps de Panzer SS, avec trois divisions blindĂ©es[21]. Ces troupes devaient ĂȘtre extraites du front britannique autour de Caen dĂšs le 8 aoĂ»t.

Mais les forces aériennes alliées, omniprésentes, préviennent tout déplacement jusque tard dans la soirée. Les unités allemandes passent dÚs lors à la défensive, pressées de toutes parts. DÚs le 8 août, elles ne progressent plus. La 2e division blindée SS, elle, s'accroche à Mortain et tente de réduire les poches de résistance de la 30e DI américaine. Les renforts américains (35e DI américaine) déboulent dans le secteur dÚs le , et dégagent les troupes encerclées le 12 août, laissant s'échapper toute illusion cÎté allemand[22].

Toujours le 8 aoĂ»t, les forces de la 3e armĂ©e amĂ©ricaine progressent sans opposition sur le flanc sud de la contre-attaque de Mortain. Le Mans, grand centre de communication et base arriĂšre du ravitaillement allemand est sous la menace directe des pointes amĂ©ricaines. Contre toute logique, mĂȘme la 9e division blindĂ©e allemande, qui se portait au secours du Mans, fut dĂ©tournĂ©e pour renforcer une offensive de plus en plus illusoire. Le marĂ©chal von Kluge semblait accepter tous les ordres de Hitler sans sourciller, avec un zĂšle censĂ© masquer les soupçons qui pesaient sur lui quant Ă  son implication dans l'attentat contre le FĂŒhrer[23].

Bilan de la contre-attaque de Mortain

LĂŒttich est une contre-attaque avortĂ©e, et donc un Ă©chec. En effet, dĂ©butĂ©e le dans la nuit, l'offensive est stoppĂ©e dĂšs le , du fait de la prĂ©paration amĂ©ricaine et surtout de l'aviation alliĂ©e. C'est une bataille importante, marquant un tournant stratĂ©gique dans la bataille de Normandie, dans la mesure oĂč la Wehrmacht dĂ©montre son incapacitĂ© Ă  rĂ©agir efficacement contre des forces exposĂ©es. Elle prĂ©figure aussi l'ultime contre-offensive allemande qui sera menĂ©e sur le front ouest.

La bataille des Ardennes sera, en effet, dĂ©cidĂ©e de la mĂȘme maniĂšre par Hitler, contre les avis de ses gĂ©nĂ©raux, avec la mĂȘme insuffisance de moyens et contre un appui aĂ©rien alliĂ© massif. La contre-attaque de Mortain et sa poursuite obstinĂ©e, malgrĂ© son Ă©chec initial, montre l'aveuglement d'Adolf Hitler et la perte d'influence de l'Ă©tat-major allemand dans les dĂ©cisions stratĂ©giques du FĂŒhrer.

Cette bataille est aussi la confirmation du rÎle hégémonique de l'aviation d'appui au sol alliée, dans cette fin de guerre, ainsi que la confirmation de la perte de tout rÎle majeur de la Luftwaffe, s'il en était besoin.

Il est difficile de faire un bilan des pertes, car les AlliĂ©s n'en ont pas dressĂ©. Elles sont estimĂ©es Ă  5 000 hommes en incluant les prisonniers. Les Allemands, quant Ă  eux, ont vu leurs archives principales dĂ©truites pendant les opĂ©rations postĂ©rieures, mais on peut estimer leurs pertes au double, soit 10 000 hommes[4].

Les pertes matérielles allemandes sont estimées[24] à 46 chars et chasseurs de chars dont 9 par l'aviation, 32 autres véhicules de combat dont 12 par l'aviation, 4 canons tractés dont aucun par l'aviation, 11 voitures dont 4 par l'aviation, 30 camions dont 6 par l'aviation, 5 ambulances dont 2 par l'aviation, 4 motos dont aucune par l'aviation soit un total de 132 véhicules dont 33 par l'aviation alors que les pilotes alliés avaient revendiqué la destruction de 252 véhicules blindés.

Les tirs d'artillerie et les bombardements laissent Mortain en ruine. Ne subsiste sur les photographies que la collĂ©giale. La vue est la mĂȘme que celle de Saint-LĂŽ. Les bombardements et les combats ont Ă©tĂ© assez larges : Ă  Rancoudray (Bel-Air), la maison a vu son pignon ouest sĂ©rieusement endommagĂ©. Des munitions et des matĂ©riels allemands (poignards/baĂŻonnette, etc.) ont longtemps Ă©tĂ© retrouvĂ©s et conservĂ©s dans certaines fermes proches de la forĂȘt.

Les civils s'Ă©taient rĂ©fugiĂ©s dans la campagne environnante, dont certains dans la mine de fer. Un bĂ©bĂ© y est nĂ©[25]. D'autres familles Ă©taient parties en exode, vers l'Orne, dont certains vers La SauvagĂšre dont la forĂȘt abritait un dĂ©pĂŽt important de l'armĂ©e allemande qui sera bombardĂ©. Mortain aura au moins Ă©vitĂ© le sort d'Aunay-sur-Odon ou de Lisieux, villes martyres dont une partie importante de la population est morte sous les bombes.

L'Ă©chec de Mortain laisse le XLVIIe corps blindĂ© allemand dans une situation trĂšs dangereusement placĂ©e en pointe. DĂšs le , le flanc sud ouvert de l'armĂ©e allemande laisse libres de tout mouvement les forces amĂ©ricaines. DĂšs l'arrĂȘt de la progression allemande vers Avranches, la IIIe armĂ©e amĂ©ricaine va tenter un encerclement de la VIIe armĂ©e allemande par le sud en coordination avec l'armĂ©e anglo-canadienne au nord visant Ă  son anĂ©antissement dans ce que l'on a appelĂ© la poche de Falaise.

Anecdotes

  • Le dernier Allemand de Mortain a Ă©tĂ© abattu par un gendarme armĂ© d'un fusil du XIXe siĂšcle, d'une seule balle, alors qu'il tentait de s'enfuir.
  • Un bataillon amĂ©ricain et une compagnie encerclĂ©s rĂ©sistĂšrent prĂšs d'une semaine. Sur la cote 314, Ă  l'est de Mortain, ces unitĂ©s de la 30e DI amĂ©ricaine, furent totalement coupĂ©es du reste de la division. Mais les diffĂ©rents assauts des Waffen-SS de la 2e division SS blindĂ©e Das Reich furent repoussĂ©s efficacement. Les rĂ©serves s'Ă©puisant, un Ă©missaire SS se prĂ©senta le au capitaine Rohmiller qui accueillit sa demande de reddition par ces mots : « Allez au diable et fichez le camp de cette foutue crĂȘte si vous ne voulez pas qu'on vous descende ». La position fut ravitaillĂ©e par parachutages (munitions, plasma et vivres). MalgrĂ© une situation difficile, le 2e bataillon ne cĂ©da rien. Il rĂ©sista ainsi pendant cinq jours et cinq nuits, jusqu'Ă  sa relĂšve le 12 aoĂ»t par la 35e DI amĂ©ricaine.
  • À l'abbaye Blanche, au nord-ouest de Mortain, une compagnie amĂ©ricaine tenait un carrefour. La compagnie disposait d'une mascotte, un petit chien nommĂ© « RĂ©serve Mobile Â».

Notes et références

  1. Olivier Wieviorka 2007.
  2. G. Patton, The war as I knew it.
  3. Général Paul Hausser, Activité de la VIIe Armée Allemande du 1 au 5 août 1944, MS-B#179.
  4. Martin Blumenson 1993.
  5. Ken Ford, Falaise 44, Campaign 149, Osprey, 2005.
  6. Général R-C Freiherr von Gersdorf, The german counterattack against Avranches, MS-B#725, NARA.
  7. Olivier Wieviorka 2007, p. 332.
  8. O. Wieviorka, op. cit., p. 328.
  9. Ken Ford, op. cit., p. 49.
  10. John Keegan 2004.
  11. Ibid.
  12. Max Hastings 1999, p. 283.
  13. Max Hastings 1999.
  14. Martin Blumenson 1993, p. 652.
  15. Max Hastings 1999, p. 286.
  16. Martin Blumenson 1993, p. 651.
  17. John Keegan 2004, p. 277.
  18. Martin Blumenson 1993, p. 653.
  19. Max Hastings 1999, p. 285.
  20. Olivier Wieviorka 2007, p. 328.
  21. Martin Blumenson 1993, p. 655.
  22. Martin Blumenson 1993, p. 671.
  23. Chester Wilmot, La Lutte pour l'Europe.
  24. Ian Gooderson, « Allied fighter‐bombers versus German Armour in North‐West Europe 1944–1945: Myths and realities », Journal of Strategic Studies, .
  25. Gilles Buisson, Mortain et sa bataille : 2 août-13 août 1944, Livre d'histoire Lorisse, (ISBN 2-84373-533-5 et 978-2-84373-533-2, OCLC 55805506, lire en ligne)

Voir aussi

Bibliographie

  • Martin Blumenson (trad. GeneviĂšve Le Cacheux), La LibĂ©ration : l'histoire officielle amĂ©ricaine : la percĂ©e, l'Ă©chappĂ©e et la poursuite [« Breakout and pursuit »], CondĂ©-sur-Noireau, C. Corlet, coll. « LibĂ©ration et mĂ©moire », , 1021 p. (ISBN 978-2-85480-434-8).
  • (en) Heinz GĂŒnther Guderian, From Normandy to the Ruhr : With the 116th Panzer Division in World War II, Bedford, Pa, Aberjona Press, , 607 p. (ISBN 0-9666389-7-2).
  • (en) Max Hastings, Overlord : D-Day and the battle for Normandy 1944, Londres, Pan, coll. « grand strategy », (1re Ă©d. 1984), 462 p. (ISBN 0-330-39012-0 et 978-0-330-39012-5).
  • (en) Ken Ford (ill. Howard Gerrard), Falaise 1944 : death of an army, Oxford, Osprey, coll. « Campaign » (no 149), , 96 p. (ISBN 978-1-84176-626-3).
  • John Keegan (trad. Raymond Albeck), Six armĂ©es en Normandie : du jour J Ă  la libĂ©ration de Paris, 6 juin-25 aoĂ»t 1944 [« Six armies in Normandy »], Paris, A. Michel, , 386 p. (ISBN 978-2-226-15147-6).
  • (en) George Patton, The war as I knew it, Boston, Mariner Books, (ISBN 0-395-73529-7).
  • Olivier Wieviorka, Histoire du dĂ©barquement en Normandie : des origines Ă  la libĂ©ration de Paris, 1941-1944, Paris, Seuil, , 441 p. (ISBN 978-2-02-052850-4).
  • Chester Wilmot, La Lutte pour l'Europe [« The Struggle for Europe »], t. 2, Paris, Fayard, .
  • Gilles Buisson et Jules Buisson, Mortain et sa bataille, 2-13 aoĂ»t 1944, Paris, Le Livre d'Histoire, (1re Ă©d. 1946), 200 p. (ISBN 2-84373-533-5).
  • Gilles Buisson, Historique du 119eRI : guerre 1939-1940, , 139 p.
  • Gilles Buisson et LĂ©on Blouet, La dĂ©fense de la cote 314 pendant les combats d'aoĂ»t 1944, Imprimerie du Mortainais, , 128 p.
  • Gilles Buisson, L'EpopĂ©e du bataillon perdu, Imprimerie du Mortainais (1re Ă©d. 1954) repris dans « La bataille de Normandie », Historama, no hors-sĂ©rie n° 2,‎ .
  • Gilles Buisson, Mortain dans la bataille de Normandie, Paris, Presses de la CitĂ©, , 357 p.
  • Gilles Buisson, Mortain 44 : Objectif Avranches, Coutances, OCEP, , 208 p. (ISBN 2-7134-0068-6).
  • Gilles Buisson, « 7 aoĂ»t 1944 : Contre-attaque allemande de Mortain », Revue de l'Avranchin et du pays de Granville, t. LXV,‎ , p. 227.
  • Gilles Buisson, « Contre-attaque allemande Ă  Saint-BarthĂ©lemy », Revue de l'Avranchin et du pays de Granville, t. LXV, no 337,‎ , p. 227-250.
  • Gilles Buisson, « Un Ă©pisode important de la bataille de Mortain (1944) », Annuaire des Cinq DĂ©partements, Granville « 146e congrĂšs de l'Association Normande »,‎ , p. 103-116.

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