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Boris III

Boris III, nĂ© le Ă  Sofia (Bulgarie) et mort le dans la mĂȘme ville, de son nom bulgare complet Đ‘ĐŸŃ€ĐžŃ ĐšĐ»Đ”ĐŒĐ”ĐœŃ‚ Đ ĐŸĐ±Đ”Ń€Ń‚ Мароя ПоĐč Луо ĐĄŃ‚Đ°ĐœĐžŃĐ»Đ°ĐČ ĐšŃĐ°ĐČОД ĐĄĐ°ĐșсĐșĐŸĐ±ŃƒŃ€ĐłĐłĐŸŃ‚ŃĐșĐž[1] (Boris Klement Robert Maria Pie Louis Stanislav Ksavie Sakskoburggotski, en français Boris ClĂ©ment Robert Marie Pie Louis Stanislas Xavier de Saxe-Cobourg-Gotha), a Ă©tĂ© roi des Bulgares du au .

Boris III
Đ‘ĐŸŃ€ĐžŃ III
Illustration.
Boris III, tsar des Bulgares
Titre
Roi des Bulgares
–
(24 ans, 10 mois et 25 jours)
Président du Conseil Aleksandăr Malinov
Teodor Teodorov
Aleksandăr Stamboliski
Aleksandăr Cankov
Andrej Ljapčev
Nikola Muơčanov
Kimon Georgiev
Petăr Zlatev
Andrej Toơčev
Georgi Kjoseivanov
Bogdan Filov
Prédécesseur Ferdinand Ier
Successeur Prince de Preslav (régent)
Siméon II
Prince héritier de Bulgarie
–
(24 ans, 8 mois et 3 jours)
Monarque Ferdinand Ier
Prédécesseur Fonction créée
Successeur Kiril, prince de Preslav
Biographie
Titre complet Voir Titulature
Dynastie Maison de Saxe-Cobourg et Gotha
Nom de naissance Boris Klement Robert Maria Pie Louis Stanislav Ksavie Sakskoburggotski (en français Boris Clément Robert Marie Pie Louis Stanislas Xavier de Saxe-Cobourg-Gotha)
Date de naissance
Lieu de naissance Sofia (Bulgarie)
Date de dĂ©cĂšs (Ă  49 ans)
Lieu de décÚs Sofia (Bulgarie)
PĂšre Ferdinand Ier
MĂšre Marie-Louise de Bourbon-Parme
Conjoint Jeanne d'Italie
Enfants Maria Luisa Sakskoburggotska (Marie-Louise de Saxe-Cobourg-Gotha)
Siméon II
HĂ©ritier Kiril (Cyrille), prince de Preslav (1918-1937)
Simeon, prince de Tarnovo
(1937-1943)

Signature de Boris IIIĐ‘ĐŸŃ€ĐžŃ III

Boris III
Monarques de Bulgarie

Monarque extrĂȘmement populaire en Bulgarie, Boris III est l’un des personnages clĂ©s des Balkans durant l’entre-deux-guerres et la Seconde Guerre mondiale.

Fils aĂźnĂ© du roi Ferdinand Ier, il accĂšde prĂ©maturĂ©ment au trĂŽne aprĂšs l’abdication de son pĂšre qui venait d’entraĂźner la Bulgarie dans le camp des vaincus de la PremiĂšre Guerre mondiale. Assumant ces erreurs, il reprend Ă  l’ñge de vingt-quatre ans un État ruinĂ© au bord du chaos, meurtri par les rivalitĂ©s entre extrĂ©mistes de gauche et de droite. MalgrĂ© ses efforts pour stabiliser la vie politique de son pays, Boris est impuissant face Ă  l'autoritarisme de ses prĂ©sidents du Conseil, Aleksandăr Stamboliski puis Aleksandăr Cankov.

Philanthrope, Boris effectue de nombreux voyages au sein de son pays pour venir en aide Ă  ses sujets les plus dĂ©munis. Il se rend Ă©galement de nombreuses fois Ă  l’étranger pour tenter de rĂ©tablir la considĂ©ration que son pays avait perdue. C’est au cours d’un de ces voyages qu’il rencontre la princesse Jeanne d'Italie, qu’il Ă©pouse en 1930.

En 1934, la dĂ©pression Ă©conomique et les luttes politiques entraĂźnent un coup d’État militaire organisĂ© par les officiers du Zveno qui instaurent un rĂ©gime dictatorial et prĂ©voient l’instauration d’une rĂ©publique. Boris, qui jusque-lĂ  est restĂ© Ă  l’écart du pouvoir, parvient, Ă  l’aide de manƓuvre politique, Ă  chasser en 1935 les conspirateurs. Cependant, pour Ă©viter une nouvelle crise politique il instaure, pour une pĂ©riode indĂ©terminĂ©e, une dictature personnelle trĂšs limitĂ©e.

Hostile aux mĂ©thodes brutales des rĂ©gimes totalitaires, Boris essaie vainement de se rapprocher des dĂ©mocraties occidentales qui, indiffĂ©rentes, le poussent Ă  poursuivre ses relations commerciales avec l'Allemagne nazie et rendent son pays dĂ©pendant de cette derniĂšre. Toutefois, en tant que pacifiste convaincu, Boris tente de garder tout au long des Ă©vĂ©nements de la Seconde Guerre mondiale une position neutre ; mais en 1941 l’armĂ©e allemande, stationnĂ©e Ă  la frontiĂšre bulgare, contraint Boris Ă  adhĂ©rer au Pacte tripartite. MalgrĂ© cette alliance officielle, il refuse toujours de participer militairement au conflit et, partageant le sentiment populaire, refuse de dĂ©porter les juifs bulgares. Deux semaines aprĂšs une entrevue avec Adolf Hitler, il dĂ©cĂšde de façon inopinĂ©e et mystĂ©rieuse en 1943. Son fils SimĂ©on II lui succĂšde.

Sous l’aile d'un pùre autoritaire

Un baptĂȘme controversĂ©

Le , à cinq heures et dix-huit minutes du matin, le prince régnant de Bulgarie Ferdinand Ier et son épouse Marie-Louise de Bourbon-Parme annoncent par cent-un coups de canon[2] la naissance de leur premier fils, Boris, prince de Tarnovo.

Cette naissance arrive en plein milieu du contexte politique complexe que traverse, Ă  l'Ă©poque, la Bulgarie : celle-ci est alors une jeune principautĂ© orthodoxe, vassale de l’Empire ottoman musulman, ayant pour souverains, Ferdinand et Marie-Louise, deux fervents catholiques. La religion tient donc une importance primordiale dans la rĂ©gion.

La Bulgarie fait Ă©galement office de poudriĂšre car ses relations avec la Russie orthodoxe sont trĂšs mauvaises ; les tsars russes n’aiment pas Ferdinand, fils d'un prince allemand alliĂ© Ă  l'Angleterre et d'une mĂšre française (ClĂ©mentine d'OrlĂ©ans), officier autrichien de surcroĂźt, qui fut Ă©lu prince par une assemblĂ©e bulgare anti-russe[3].

Aussi, bien que son fils Boris ait dĂ©jĂ  reçu le baptĂȘme catholique, Ferdinand songe sĂ©rieusement Ă  le convertir Ă  l’orthodoxie. Un baptĂȘme dans cette religion lui permettrait de se rapprocher davantage de son peuple mais Ă©galement du tsar Alexandre III de Russie qui refuse de le reconnaĂźtre.

NĂ©anmoins, une telle dĂ©cision n’est pas sans risque ; l’Europe catholique est sous le choc en apprenant la nouvelle. Le pape LĂ©on XIII menace le prince des Bulgares d’excommunication, l'empereur François-Joseph d’Autriche de guerre et la trĂšs pieuse Marie-Louise s’y oppose catĂ©goriquement[4]. Ferdinand hĂ©site donc encore un peu, mais la raison d'État l'emporte. Le , Boris est converti au rite orthodoxe et le tsar Nicolas II (qui a succĂ©dĂ© Ă  Alexandre III et a Ă©pousĂ© une petite-fille de la reine Victoria du Royaume-Uni) devient son parrain[4]. Ferdinand est alors excommuniĂ©, et son Ă©pouse, outrĂ©e et honteuse, dĂ©cide de partir quelque temps avec leur second fils, le prince Cyril, baptisĂ© catholique[4].

Une Ă©ducation stricte

Boris ùgé d'environ cinq ans

Le , au lendemain de la naissance de sa seconde sƓur, la princesse Nadejda, Boris perd sa mĂšre[5]. Son Ă©ducation est alors confiĂ©e Ă  sa grand-mĂšre paternelle, la princesse ClĂ©mentine d'OrlĂ©ans, fille du roi des Français Louis-Philippe Ier, ĂągĂ©e de quatre-vingt-deux ans. Mais celle-ci dĂ©cĂšde Ă  son tour le . Son pĂšre dĂ©cide alors de prendre en main son Ă©ducation[6].

Il dĂ©signe comme prĂ©cepteur un pĂ©dagogue suisse romand, choisit personnellement tous ses professeurs[7] et exige une instruction des plus strictes. Le jeune Boris Ă©tudie avec ferveur toutes les disciplines enseignĂ©es dans les Ă©coles bulgares et apprend en complĂ©ment le français et l’allemand qu’il maĂźtrise avec une grande aisance ; il apprendra par la suite, l’italien, l’anglais et mĂȘme l’albanais[8]. De nombreux officiers viennent aussi au palais pour parfaire son Ă©ducation militaire.

Son pĂšre l'initie surtout aux sciences de la nature. Pris de passion, Boris ne cessera de les Ă©tudier tout au long de sa vie, devenant un vĂ©ritable expert. Ferdinand lui transmet Ă©galement sa passion pour la mĂ©canique et, tout particuliĂšrement, celle des locomotives[9]. En , alors qu’il n’a que quinze ans, Boris passe les examens pour ĂȘtre mĂ©canicien des chemins de fer[10].

Toutefois, la vie au palais n'est pas facile pour le jeune Boris. Son pĂšre, ou plutĂŽt le « monarque »[11] comme les enfants l’appellent entre eux, est un homme autoritaire, compliquĂ© et violent[11]. D'une attitude hautaine et mĂ©prisante, il lui arrive souvent, par le biais de remarques sarcastiques, de pousser au bord des larmes les membres de sa famille. Hors des cĂ©rĂ©monies et rĂ©ceptions officielles, Boris n'est en contact ni avec le monde, ni avec le peuple bulgare. La vie au palais, que le jeune prince surnomme la « prison »[12], n’est donc ni simple, ni facile, ni gaie[11].

Le témoin de grands événements

Boris, jeune homme

Le , profitant d'une crise politique de l'Empire Ottoman, Ferdinand prend le titre de tsar et déclare l'entiÚre indépendance de la Bulgarie[13].

À partir de 1911, Boris parvient Ă  s'Ă©manciper de l'autoritĂ© paternelle grĂące Ă  des voyages Ă  l’étranger oĂč il fait enfin connaissance avec le monde et les hommes[14]. Ces voyages marquent Ă©galement le dĂ©but de son entrĂ©e sur la scĂšne internationale. Ainsi, la mĂȘme annĂ©e, il se rend au couronnement de son cousin George V Ă  Londres et aux funĂ©railles de la reine Maria-Pia de Portugal Ă  Turin, oĂč il prend contact avec le monde des tĂȘtes couronnĂ©es et chefs d'État[15]. Le , en visite chez son parrain le tsar Nicolas II, Boris est tĂ©moin du meurtre du Premier ministre russe Piotr Stolypine, assassinĂ© sous ses yeux Ă  l’opĂ©ra de Kiev[15].

En , Boris fĂȘte ses dix-huit ans et devient majeur. Jusque-lĂ , il pratiquait les deux religions, catholique et orthodoxe ; mais dĂ©sormais il n'est plus qu'orthodoxe. Ce mĂȘme mois, il devient Ă©galement capitaine et chef de compagnie du 6e rĂ©giment[16]. Neuf mois plus tard dĂ©bute la PremiĂšre Guerre des Balkans oĂč Serbes, Grecs, MontĂ©nĂ©grins et Bulgares s’unissent contre l'Empire ottoman pour libĂ©rer la MacĂ©doine. AttachĂ© Ă  l'Ă©tat-major, Boris n'hĂ©site pas Ă  rejoindre les soldats en premiĂšres lignes[17].

Sortis victorieux de la guerre, la Bulgarie et ses alliĂ©s n’arrivent pas Ă  effectuer le partage. La Bulgarie, exaspĂ©rĂ©e, dĂ©cide alors d'attaquer ses anciens alliĂ©es en 1913, provoquant ainsi la DeuxiĂšme Guerre balkanique, qui se conclut par un vĂ©ritable dĂ©sastre, les armĂ©es bulgares se faisant dĂ©cimer par le cholĂ©ra. Boris, tĂ©moin des horreurs de cette dĂ©bĂącle, devient par la suite un pacifiste convaincu[18].

À la suite de ce fiasco militaire, l’abdication de Ferdinand paraĂźt inĂ©vitable. On pousse Boris Ă  quitter le palais, Ă  se rĂ©fugier au sein de l’armĂ©e pour se dĂ©solidariser et se prĂ©parer Ă  monter sur le trĂŽne. Mais ce dernier refuse et rĂ©plique : « Je ne tiens pas Ă  rĂ©gner, si le monarque s’en va, je partirai avec lui »[19]. Ferdinand n'abdique pas et Boris est envoyĂ© Ă  l'École supĂ©rieure de guerre oĂč il est traitĂ© au mĂȘme titre que les autres Ă©lĂšves officiers[20].

En 1915, Ferdinand, dans un esprit de revanche, dĂ©cide d'engager la Bulgarie dans la PremiĂšre Guerre mondiale auprĂšs des Empires centraux. Boris Ă©met une protestation contre cette dĂ©cision. Impitoyable, le roi fait mettre le jeune prince aux arrĂȘts pendant quelques jours[21] ; (la France et le Royaume-Uni, mises au courant de son comportement, lui tĂ©moignent leur reconnaissance en 1918) ; puis le prince hĂ©ritier est nommĂ© officier en mission spĂ©ciale auprĂšs du Quartier gĂ©nĂ©ral de l’armĂ©e bulgare. Sa mission consiste, en grande partie, Ă  veiller Ă  la bonne exĂ©cution des opĂ©rations et Ă  la bonne coordination des diffĂ©rents fronts. À ce poste, il se rend rĂ©guliĂšrement dans les tranchĂ©es oĂč il se lie d'amitiĂ© avec de nombreux officiers, pratiquant la plus franche et la plus aimable camaraderie[22].

Un début de rÚgne agité

Boris III, roi des Bulgares

La Bulgarie, sous le rĂšgne de Ferdinand Ier, essuie d’importants Ă©checs militaires :

  • la Seconde Guerre balkanique, qui aboutit au traitĂ© de Bucarest, oĂč la Bulgarie doit cĂ©der de nombreux territoires Ă  ses voisins et leur payer d'importantes rĂ©parations ;
  • la PremiĂšre Guerre mondiale, qui se solde de la mĂȘme façon lors du traitĂ© de Neuilly, avec la perte de divers territoires - notamment l'accĂšs Ă  la mer ÉgĂ©e - et de fortes indemnitĂ©s Ă  verser aux pays vainqueurs.

La population gronde et les vainqueurs exigent l’abdication de Ferdinand. Le monarque s’exĂ©cute en faveur de son fils et s’exile avec ses autres enfants Ă  Cobourg, sa ville natale[23]. C’est ainsi que Boris accĂšde le au trĂŽne en prenant le nom de Boris III.

Le rĂšgne du nouveau tsar commence sous de sombres auspices. IsolĂ© de sa famille, il ne revoit ses deux sƓurs qu’à la fin de 1921[24], et son frĂšre Cyril en 1926[25]. Les mauvaises rĂ©coltes de 1917 et de 1918, les rationnements et l’occupation Ă©trangĂšre[26] provoquent la poussĂ©e des partis d’extrĂȘme-gauche : l'Union agrarienne et le Parti communiste. Pourtant, de tous les États vaincus en 1918, seule la Bulgarie demeure une royautĂ©.

Impuissant devant les régimes autoritaires

Timbre bulgare Ă©mis en 1919 pour le premier anniversaire du couronnement du roi Boris III

Le , un an aprÚs l'avÚnement de Boris III, les élections législatives amÚnent au pouvoir l'Union agrarienne, forçant le tsar à nommer son dirigeant, Aleksandăr Stamboliski, au poste de président du Conseil. TrÚs populaire dans la paysannerie, encore largement dominante à l'époque, le Premier ministre affiche clairement son hostilité à la monarchie[27]. Rapidement, le président du Conseil installe une dictature paysanne[28] - [29] - [30] et s'attire l'hostilité des classes moyennes et des militaires.

À force de cĂŽtoyer Stamboliski, le tsar noue avec lui un vĂ©ritable « sentiment de respect »[27]. Il tente de le raisonner en le prĂ©venant que ses exubĂ©rances ne font qu’excĂ©der la population aisĂ©e, mais ce dernier lui rappelle que le roi rĂšgne mais ne gouverne pas[27]. Il confie alors Ă  ses proches : « Je me trouve dans la situation du propriĂ©taire d’un magasin de verrerie, oĂč l’on a introduit un Ă©lĂ©phant. Je dois sans rĂ©pit dĂ©blayer les dĂ©bris et supporter les dĂ©gĂąts »[31].

Finalement, le , un putsch militaire est perpĂ©trĂ© et parvient Ă  renverser le gouvernement agrarien. Un des protagonistes du coup d’État bulgare de 1923, Aleksandăr Cankov, met alors en place un nouveau gouvernement autoritaire[32].

Durant ce gouvernement, dĂ©bute une pĂ©riode de trĂšs grande instabilitĂ© dans le pays. Le , une insurrection d’obĂ©dience communiste Ă©choue ; commence alors une « terreur blanche » oĂč terrorisme et contre-terrorisme feront environ vingt mille victimes[33]. On dĂ©compte en 1924, deux cents assassinats politiques[34]. Selon la lĂ©gende, en 1925, l'intellectuel anarchiste Georges ChĂ©ĂŻtanov est exĂ©cutĂ© et sa tĂȘte exposĂ©e sur un plateau[35].

Sur ces entrefaites, la GrĂšce dĂ©clare la guerre Ă  la Bulgarie en 1925. MalgrĂ© l’intervention de la SociĂ©tĂ© des Nations, la situation intĂ©rieure reste trĂšs prĂ©caire dans le pays[36].

Les deux attentats

Le , Boris III et quatre de ses compagnons rentrent d’une excursion de chasse au col d’Arabakonak, prĂšs de la petite ville d’OrhaniĂ©. Alors qu’ils sont sur le chemin du retour, de nombreux coups de fusils se font entendre, son garde-chasse et le prĂ©parateur du MusĂ©e d’histoire naturelle sont abattus, une balle brise le pare-brise et blesse le chauffeur. Boris tente alors de reprendre le contrĂŽle du vĂ©hicule mais celui-ci s’écrase contre un poteau Ă©lectrique. Par chance, un autocar passe ; le roi et ses deux amis restants arrivent Ă  s’enfuir[37]. Le mĂȘme jour, l’ancien gĂ©nĂ©ral et dĂ©putĂ© Konstantin Georgiev est assassinĂ©.

Trois jours plus tard ont lieu dans la cathĂ©drale Sveta-Nedelya de Sofia les funĂ©railles du gĂ©nĂ©ral assassinĂ© auxquelles de nombreux dirigeants bulgares doivent assister. Les communistes et les anarchistes en profitent alors pour poser des bombes dans la cathĂ©drale[38]. Cette fois-ci, l’attentat vise Boris III et le gouvernement. L’explosion a lieu au milieu de la cĂ©rĂ©monie et fait cent vingt huit victimes[39] dont le maire de Sofia, onze gĂ©nĂ©raux, vingt-cinq officiers supĂ©rieurs, le chef de la police et une classe de jeunes filles. Boris III qui devait y assister, arrive en retard, du fait qu’il se trouvait dĂ©jĂ  Ă  l’enterrement de son ami chasseur. L’attentat, en plus d’avoir ratĂ© sa cible, est suivi d’une importante vague de rĂ©pressions de la part des autoritĂ©s qui arrĂȘtent trois mille cent quatre-vingt quatorze personnes, dont deux cent soixante huit sont condamnĂ©es Ă  mort[40].

Ces complots, ces attentats font partie du risque du « mĂ©tier » comme l’affirme Boris III. Constamment sur ses gardes, il confie en 1927 Ă  ses proches, ĂȘtre persuadĂ© que six individus payĂ©s par Moscou, Prague et Belgrade, sont chargĂ©s de le tuer avant le 30 aoĂ»t[41].

Un roi populaire

Un roi au service de son peuple

Depuis son intronisation, Boris a toujours Ă©tĂ© Ă©cartĂ© des affaires de l’État. Il consacre donc la plupart de son temps Ă  ses loisirs tels que complĂ©ter sa collection de fleurs sauvages et de papillons ou la mĂ©canique (particuliĂšrement celle des locomotives)[34]. Il se met aussi Ă  voyager dans le pays. Il visite villes, villages, usines, exploitations, dort et mange dans les foyers des paysans. Boris noue alors un lien trĂšs fort avec la population bulgare[28].

D’ailleurs, Boris s’illustre Ă  plusieurs reprises dans des faits divers. Lors de l’étĂ© 1931, alors que la mer Noire se dĂ©chaĂźne, le roi aux commandes de son canot Ă  moteur, secourt et sauve six personnes de la noyade[42]. En automne 1934, alors qu’il part se reposer aux bords de la mer Noire, le train de Boris s'arrĂȘte. Inquiet, il accourt vers la machine et trouve le cheminot gravement brĂ»lĂ© par le graisseur automatique des roues qui a pris feu. Homme de sang-froid, il parvient Ă  calmer les passagers paniquĂ©s et prend les commandes du train qu’il conduit jusqu’au pont le plus proche. LĂ , il Ă©teint le feu avec du sable humide, soigne le cheminot et conduit lui-mĂȘme le train jusqu'au terminus, la ville de Varna[43].

Boris III Ă  Berlin en avril 1929

En 1926, Boris se rend Ă  l’étranger pour la premiĂšre fois de son rĂšgne et choisit comme premiĂšres destinations la Suisse et l’Italie. Jusqu’en 1930, il sillonne l’Europe avec sa sƓur la princesse Eudoxie mais, ayant la crainte d’ĂȘtre victime d’un attentat, il voyage sous le pseudonyme de « comte Stanislas Rilski de Varsovie »[44], ne redevenant Boris III que lors des rencontres officielles. Ainsi, il visite la SociĂ©tĂ© des Nations en Suisse, rend visite au prĂ©sident français Gaston Doumergue, au prĂ©sident allemand Paul von Hindenburg, au roi des Belges Albert Ier, au roi d’Italie Victor-Emmanuel III et chasse avec le roi d’Angleterre George V. Il rencontre Ă©galement Albert Einstein et le philosophe Henri Bergson[45].

Lors de sa premiĂšre rencontre Ă  Rome avec le Duce Benito Mussolini, Boris lui tient les propos suivants : « Je vous admire d’avoir rĂ©ussi Ă  revigorer, rĂ©organiser l’Italie, mais une dictature, un rĂ©gime totalitaire ne peuvent ĂȘtre que transitoires. Souvenez-vous du mot de Bismarck : on peut tout faire avec des baĂŻonnettes, sauf s’asseoir dessus. Je vous admirerai bien davantage si vous rĂ©ussissez Ă  en sortir, quand il le faudra, Ă  rentrer dans la lĂ©galitĂ© »[46].

Une reine pour les Bulgares

Tsar Boris III, sculpteur Kunyo Novachev, architecte Milomir Bogdanov, 2016

En 1927, ĂągĂ© maintenant de plus de trente ans, Boris n’est toujours pas mariĂ©. En Europe et en AmĂ©rique de nombreuses rumeurs circulent au sujet du choix de la future reine. Finalement, au bout de trois ans de recherche dans les nombreuses cours d’Europe, Boris rencontre l’amour[47] en la personne de la princesse italienne Jeanne d'Italie, troisiĂšme fille du roi Victor-Emmanuel III et d’HĂ©lĂšne de MontĂ©nĂ©gro. En janvier 1930, aprĂšs le mariage du prince hĂ©ritier italien Humbert de Savoie, Boris demande la main de Jeanne au roi[46].

La religion du baptĂȘme du futur prince hĂ©ritier pose cependant problĂšme. En effet, selon la Constitution bulgare, l’hĂ©ritier du trĂŽne doit obligatoirement appartenir Ă  l’Église orthodoxe. Mais pour le pape Pie XI, il est hors de question de bĂ©nir ce mariage si toute la progĂ©niture n’est pas baptisĂ©e catholique ; pire encore, Jeanne risque l’excommunication. Mais grĂące au Nonce Apostolique en place en Bulgarie, Angelo Roncalli (le futur pape Jean XXIII), Boris arrive Ă  un accord avec le pape[48].

Le , le mariage catholique est célébré à Assise, suivi de celui orthodoxe, le , à Sofia. Le couple a par la suite deux enfants :

  1. en 1957 avec le prince Karl zu Leiningen, dont deux enfants
  2. en 1969 avec Bronislaw Chrobok, dont deux enfants
  • SimĂ©on II, nĂ© le Ă  Sofia, roi des Bulgares (1943-1946), expulsĂ© du pays le , en exil pendant plus de quarante ans Ă  Madrid, rentrĂ© en Bulgarie en 2001, peu avant la victoire de son parti aux Ă©lections et sa nomination au poste de ministre-prĂ©sident sous le nom de Simeon Sakskoburggotski. MariĂ© et pĂšre de famille.

Le couple royal dĂ©cide d’un commun accord et contre toute attente de baptiser ses deux enfants selon le rite orthodoxe. Le Vatican proteste et dĂ©clare : « Sa MajestĂ© a signĂ© une promesse pour baptiser ses enfants dans le Catholicisme. S’il n'accomplit pas cet engagement, il devra en rĂ©pondre devant sa propre conscience »[49]. Cependant, Jeanne ne sera jamais excommuniĂ©e.

Un monarque absolu

L’ascension au pouvoir

La Bulgarie vit une pĂ©riode difficile. Si la situation intĂ©rieure s’est amĂ©liorĂ©e (avec l'arrĂȘt des attentats), elle doit dĂ©sormais faire face aux problĂšmes Ă©conomiques de la Crise. La production baisse de 40 % et en deux ans le nombre de chĂŽmeurs passe Ă  deux cent mille sur une population de sept millions[50]. Le gouvernement Ă©lu en 1931, le bloc populaire, déçoit Ă©normĂ©ment par son inefficacitĂ© Ă  redresser la situation[51]. De plus, les Ă©lections municipales de 1932 donnent aux communistes la capitale, Sofia. NĂ©anmoins le conseil municipal est rapidement dissout par le gouvernement[52].

La situation empire de jour en jour. Un groupe d’intellectuels et de militaires, le « Zveno », dĂ©cide d'effectuer un coup d’État. Le , les colonels Damian Velchev et Kimon Georgiev passent Ă  l’action et Boris est contraint d’accepter le nouveau gouvernement. Ces derniers instaurent une dictature corporatiste qui redresse rapidement le pays, mais se montrent fortement hostiles Ă  la monarchie et prĂ©voient l’instauration d’une rĂ©publique[53].

Boris dĂ©cide alors de prendre les choses en main. Le , huit mois aprĂšs la prise du pouvoir par Kimon Georgiev, le tsar charge le gĂ©nĂ©ral Pentcho Zlatev de « chasser les rĂ©publicains »[54] et de former un nouveau gouvernement. Boris, qui est jusqu’alors restĂ© effacĂ© de la vie politique du pays, prend lui-mĂȘme les rĂȘnes du pouvoir[55].

L’instauration de la dictature royale

Boris garde, dans un premier temps, les bases instaurées par le gouvernement de Georgiev. Le nouveau gouvernement est désormais composé de trois généraux, de trois membres des principaux partis interdits (agrariens, démocrates et sgovor, « entente ») et de trois civils[55].

Le tsar écarte progressivement les militaires du pouvoir, renforce son pouvoir personnel et instaure une monarchie absolue. Ce nouveau régime, le tsar le définit comme transitoire avec la dictature du Zveno et le retour au régime parlementaire classique.

À l’automne 1936, la libertĂ© de la presse et le droit de rĂ©union politique sont rĂ©tablis, mais les partis restent interdits[56]. Aux Ă©lections municipales de 1937, il donne le droit de vote aux femmes mariĂ©es avec enfants[57]. En 1938, l’AssemblĂ©e nationale est enfin rĂ©habilitĂ©e et des Ă©lections lĂ©gislatives ont lieu[58]. MĂȘme si l’AssemblĂ©e n’a pas de pouvoirs rĂ©els, Boris tient compte des tendances. Ainsi en novembre 1938, les dĂ©putĂ©s refusent la confiance au gouvernement du Premier ministre Georgi Kyoseivanov, et ce dernier est obligĂ© de remanier son cabinet[58].

Une politique Ă©trangĂšre insolite

Un rapprochement avec l’Allemagne nazie

Par le TraitĂ© de Neuilly, l’armĂ©e bulgare devient inoffensive et, Ă  de nombreuses reprises, le gouvernement en demande la rectification. En 1935, une occasion favorable se prĂ©sente enfin lorsque la Turquie, pour protĂ©ger ses dĂ©troits, renforce militairement la Thrace occidentale. L’équilibre des forces de la rĂ©gion Ă©tant rompu, la Bulgarie prĂ©texte vouloir se dĂ©fendre d’une Ă©ventuelle attaque et les Grandes puissances acceptent[59]. La Bulgarie se tourne alors vers la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne pour renouveler son armement, mais seule cette derniĂšre rĂ©pond favorablement en proposant des offres intĂ©ressantes. Tout en acceptant, Boris, mĂ©fiant, se garde bien de signer un quelconque engagement militaire avec l’Allemagne[60].

Commercialement, la Bulgarie est devenue quasi-dĂ©pendante de l’Allemagne nazie. Cette derniĂšre, en recherche d’un pays pouvant l'approvisionner en ressources alimentaires, voit en la Bulgarie une sorte de garde-manger. DĂšs lors, d’importants Ă©changes commerciaux s’effectuent entre les deux pays : en 1939, 70 % des exportations bulgares sont Ă  destination de l'Allemagne, contre seulement 3 % vers le Royaume-Uni et 1 % vers la France[61]. MalgrĂ© la prospĂ©ritĂ© croissante de la population, Boris craint de voir la Bulgarie passer sous l’hĂ©gĂ©monie complĂšte de l’Allemagne[58]. Il se tourne alors vers les dĂ©mocraties occidentales.

Le roi diplomate

Depuis 1935, Boris et Georgi Kyoseivanov s’efforcent de nouer de bonnes relations avec les dĂ©mocraties occidentales. Le tsar se rend ainsi de nombreuses fois en France et en Angleterre pour tenter de dĂ©crocher, en vain, des contrats commerciaux[62]. Lors d’un de ces voyages en Angleterre en aoĂ»t 1938, il propose son aide Ă  Neville Chamberlain au sujet de la crise des SudĂštes ; Boris sait qu’Adolf Hitler Ă©prouve de la sympathie pour lui et pourrait jouer un rĂŽle intermĂ©diaire dans l’affaire. Le tsar se rend alors en Allemagne oĂč il a une entrevue secrĂšte avec le FĂŒhrer. AprĂšs cet entretien, il Ă©crit Ă  Chamberlain en le conseillant de prendre un contact direct avec Hitler et de lui cĂ©der les SudĂštes[63] - [64].

Boris n’est pas pour autant un homme facilement manipulable. En 1935, lors des sanctions Ă©conomiques de l’Italie par la SDN, Ă  la suite de l’invasion de l’Éthiopie, Boris n’hĂ©site pas Ă  soutenir cette dĂ©cision. Mussolini lui rappelle alors que des liens de famille l’unissent avec la dynastie italienne. Boris lui rĂ©pond alors : « Je ne veux pas qu’on fasse de la politique en se servant de mes sentiments envers mes beaux-parents »[65].

Quant Ă  ses relations diplomatiques avec les pays balkaniques, elles sont plutĂŽt tendues. La Bulgarie a toujours refusĂ© d’entrer dans l’« Entente balkanique » ; ce pacte regroupant la Roumanie, la Yougoslavie, la Turquie et la GrĂšce, semble ĂȘtre crĂ©Ă© dans le but d’étouffer l’irrĂ©dentisme bulgare. En adhĂ©rant Ă  cette entente, la Bulgarie serait contrainte d’accepter un statu quo lui faisant renoncer de facto Ă  ses revendications territoriales sur ses voisins. Son refus alimente la mĂ©fiance de ces pays Ă  son Ă©gard[59]. Paradoxalement, un pacte d'amitiĂ© entre la Bulgarie et la Yougoslavie est signĂ© le .

Bien qu’étant pacifiste, Boris III est persuadĂ© que l’irrĂ©dentisme bulgare peut ĂȘtre rĂ©glĂ© par la voie diplomatique. Cette voie est nettement favorisĂ©e par Adolf Hitler et la Seconde Guerre mondiale.

Une position « neutre »

Aux premiÚres heures de la Seconde Guerre mondiale, l'opinion publique bulgare balance entre le soutien à l'Allemagne qui promet de restituer les territoires perdus lors des précédentes guerres, et une sympathie pour le camp opposé aux puissances de l'Axe[66]. Boris III déclare en 1940 :

« Mes généraux sont germanophiles, mes diplomates anglophiles ; la reine est italophile et mon peuple russophile. Je suis seul neutre en Bulgarie »[67].

En , les succĂšs d’Adolf Hitler obligent Boris Ă  remplacer son Premier ministre pro-occidental par Bogdan Filov, un germanophile notoire[68]. Ce dernier, aprĂšs une visite le avec Hitler, annonce Ă  Boris que la Roumanie est encline Ă  leur rendre la Dobroudja[69]. Ainsi, aprĂšs des nĂ©gociations, la Dobroudja du Sud est restituĂ©e Ă  la Bulgarie le par les accords de Craiova. Boris envoie alors des remerciements Ă  Adolf Hitler et Mussolini, mais Ă©galement Ă  l’Union soviĂ©tique et l’Angleterre[69] (cette courtoisie vaut Ă  la Bulgarie de conserver la Dobroudja Ă  la fin de la guerre).

En , Mussolini invite Boris III Ă  participer avec lui Ă  l’invasion de la GrĂšce, permettant ainsi Ă  la Bulgarie d’avoir accĂšs Ă  la Mer ÉgĂ©e. Mais Boris refuse amicalement l’invitation[70]. De mĂȘme, malgrĂ© sa pression sur le tsar, Hitler ne parvient pas, le , Ă  faire adhĂ©rer la Bulgarie au Pacte tripartite. Boris souhaite par tous les moyens rester neutre et, Ă  l’invitation du FĂŒhrer, il rĂ©pond « pas maintenant »[70]. Cette attitude lui vaut le surnom de « renard rusĂ© » de la part d’Hitler.

Inquiet de cette visite chez Hitler, l’Union soviĂ©tique propose le 19 novembre Ă  Boris, un pacte bilatĂ©ral entre les deux États que le tsar refuse. AlarmĂ© par cette nouvelle, les nazis lui rĂ©itĂšrent de nouveau le Pacte tripartite le 21 novembre, suivi le 25 novembre par l’URSS, mais Boris souhaite gagner du temps et refuse amicalement toute proposition[71].

Un drĂŽle d’alliĂ©

Le nouvel alliĂ© de l’Allemagne

Boris III (Ă  gauche) en compagnie d'Adolf Hitler en 1943

En , Adolf Hitler vient aider Mussolini aprĂšs la dĂ©bĂącle de son armĂ©e en GrĂšce. Les troupes allemandes passeront par la Roumanie puis, de grĂ© ou de force, par la Bulgarie[71]. Boris est alors obligĂ© de rejoindre le Pacte tripartite. Bogdan Filov signe l’adhĂ©sion le et, le mĂȘme jour, l’armĂ©e allemande pĂ©nĂštre sur le territoire bulgare[71].

Si Boris refuse de participer aux opĂ©rations militaires, les Allemands invitent, les 19 et 20 avril, les troupes bulgares Ă  occuper Ă  leur tour les territoires dĂ©jĂ  conquis de la Thrace et de la MacĂ©doine. L’Allemagne, tout en rĂ©glant le problĂšme de l'irrĂ©dentisme, octroie Ă  la Bulgarie le rĂŽle d'administrateur d’une grande partie des Balkans. Les Bulgares surnomment alors Boris « Le RĂ©unificateur » (Bulgare: Щар ĐžĐ±Đ”ĐŽĐžĐœĐžŃ‚Đ”Đ»)[72]. Cependant, il n'est pas disposĂ© Ă  envoyer des troupes pour combattre l'Union soviĂ©tique, bien que dans cette guerre, les destins de la Bulgarie et de l'Europe doivent ĂȘtre dĂ©cidĂ©s. Non seulement il n'envoie pas de troupes rĂ©guliĂšres pour le Front de l'Est, mais refuse de permettre Ă  une lĂ©gion de bĂ©nĂ©voles de le faire, bien que la lĂ©gation allemande Ă  Sofia ait reçu 1 500 demandes de jeunes bulgares voulant lutter contre le bolchevisme[73].

Le , la Bulgarie dĂ©clare, symboliquement, la guerre Ă  l’Angleterre et aux États-Unis, avec lesquels les risques d'affrontements militaires, compte tenu de la gĂ©ographie, sont improbables[74].

Les juifs de Bulgarie

Le , le gouvernement crĂ©e les Brannik, des organisations de jeunesse inspirĂ©es des Hitlerjugend[75]. Mais, quatre jours auparavant, l’AssemblĂ©e nationale votait la « Loi sur la Sauvegarde de la nation », premiĂšre mesure antisĂ©mite, touchant prĂšs de 50 000 juifs. Cette loi fait rapidement rĂ©agir la population qui s'y oppose ; jusque dans les annĂ©es 1940[76], l’antisĂ©mitisme n’existe pas en Bulgarie. La loi est cependant appliquĂ©e le .

En , Hitler demande au gouvernement bulgare de rĂ©gler la « question juive ». Celui-ci crĂ©e, le , un commissariat aux affaires juives chargĂ©, dans un premier temps, d’appliquer les restrictions : couvre-feu obligatoire, assignation Ă  rĂ©sidence, rations alimentaires rĂ©duites, port de l'Ă©toile jaune ; puis dans un deuxiĂšme temps, d’organiser la dĂ©portation vers les camps. Pour cela, le gouvernement nazi envoie un expert, le SS Theodor Dannecker[77].

Ce dernier se lance dans la dĂ©portation des 11 363 juifs habitant les territoires occupĂ©s par les Bulgares en Thrace et MacĂ©doine. Puis, une fois la tĂąche terminĂ©e, il se lance contre ceux de Bulgarie. La population, indignĂ©e, proteste vigoureusement. De nombreuses personnalitĂ©s se mobilisent telles que le vice-prĂ©sident du Parlement Dimităr PeĆĄev et le mĂ©tropolite StĂ©phane de Sofia qui symbolisent le mouvement. Boris cĂšde une premiĂšre fois[77].

En , le gouvernement projette une deuxiĂšme tentative de dĂ©portation. La population s’y oppose une fois de plus et une grande manifestation est organisĂ©e, rassemblant prĂšs de dix mille personnes devant le palais du tsar[77]. Boris, en phase avec le sentiment populaire, assume la non-dĂ©portation des juifs, prĂ©textant au FĂŒhrer furieux « le grand besoin de « ses » juifs pour l’entretien des rues »[78]. Les juifs de Bulgarie Ă©chappent ainsi aux camps de concentration.

Une mort inopinée et mystérieuse

La tombe du roi Boris III, Ă  Rila
Sculpture sur bois faite par des habitants du village de Osoi, région de Debar, portant l'inscription : Pour son roi Boris III Libérateur, la Macédoine reconnaissante. Elle est placée du cÎté gauche de la tombe, à Rila

En 1943, la guerre aborde un tournant dĂ©cisif avec la bataille de Stalingrad, le vent commence Ă  tourner pour l’Allemagne. Boris s’en rend compte et, souhaitant Ă©viter la mĂȘme erreur que son pĂšre vingt-cinq ans plus tĂŽt, contacte en secret des diplomates amĂ©ricains[79] - [80].

Adolf Hitler, au courant de ces rumeurs, le convoque le dans son quartier gĂ©nĂ©ral sur le front de l’Est, situĂ© prĂšs de Rastenbourg en Prusse-Orientale[79]. La rencontre est des plus houleuses : le chancelier lui rappelle tout ce qu’il doit Ă  l’Allemagne, sans qu'en retour rien n'ait encore eu lieu. Il est vrai que, depuis le dĂ©but de la guerre, la Bulgarie n’a pas beaucoup participĂ© au conflit. Son unique aide fut l’envoi en d’un convoi sanitaire sur le front de l’Est[75].

Il ordonne donc Ă  Boris d’engager ses troupes dans un nouveau front au sud-ouest, dans l’espoir d’une dispersion des efforts soviĂ©tiques. Le roi refuse et sort du bureau, trois quarts d’heure plus tard, totalement abattu[79]. Il regagne, le lendemain, Sofia grĂące Ă  un avion allemand. Neuf jours aprĂšs cette entrevue, le 23 aoĂ»t, alors qu’il ne prĂ©sentait jusque lĂ  aucun symptĂŽme de maladie, Boris est subitement pris de violents vomissements et succombe le , Ă  l’ñge de quarante-neuf ans[81].

Ce décÚs « opportun » reste aujourd'hui encore trÚs controversé. Certains n'hésitent pas à accuser Hitler d'avoir fait empoisonner le souverain récalcitrant, dans l'espoir de l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement plus conforme à ses vues.

MĂȘme son frĂšre, le prince Cyril, dĂ©clare lors de son pseudo-procĂšs en 1945 (accusĂ© par les communistes de collaboration et de trahison) que Boris aurait Ă©tĂ© empoisonnĂ© lors de son retour en avion le 14 aoĂ»t ; le pilote aurait alors effectuĂ© un vol Ă  trĂšs haute altitude, forçant le souverain Ă  inhaler un poison toxique contenu dans le masque Ă  gaz[82].

Cependant, l'autopsie de l'Ă©poque indique que Boris III, atteint d’une thrombose de l’artĂšre coronaire gauche[81], est dĂ©cĂ©dĂ© des suites d'une attaque cardiaque due au stress qu’il endurait ces derniers temps.

Une sculpture sur bois est placée sur le cÎté gauche de sa tombe dans le monastÚre de Rila, effectué le par les habitants du village de Osoi, région de Debar. La sculpture sur bois porte l'inscription suivante :

« Pour son roi Boris III Libérateur, la Macédoine reconnaissante. »

La Bulgarie aprÚs son décÚs

MonastĂšre de Rila oĂč est inhumĂ© Boris III

La disparition soudaine du tsar amĂšne sur le trĂŽne son fils ĂągĂ© de six ans, SimĂ©on II, placĂ© sous la rĂ©gence de son oncle, frĂšre cadet du dĂ©funt tsar, le prince Cyrille de Bulgarie. Cependant, comme le prĂ©sageait Boris, les AlliĂ©s sont dĂ©sormais maĂźtres de la guerre. Le gouvernement tente alors le , de se proclamer « neutre » ; trop tard, le , l’Union soviĂ©tique dĂ©clare la guerre Ă  la Bulgarie.

Le lendemain, une insurrection amĂšne au pouvoir le Front de la Patrie, une coalition dominĂ©e par les communistes et le Zveno. Ce nouveau gouvernement, dirigĂ© par l’ancien Premier ministre rĂ©publicain Kimon Georgiev, organise des Ă©purations sauvages oĂč prĂšs de 16 000 personnes[33] sont exĂ©cutĂ©es sans procĂšs. Puis, en , dĂ©bute une sĂ©rie de procĂšs au terme desquels sont prononcĂ©es 2 730 condamnations Ă  mort. Parmi ces exĂ©cutions figurent de nombreux notables tels que les trois rĂ©gents, 22 anciens ministres, 67 dĂ©putĂ©s, 8 conseillers du roi et 47 officiers supĂ©rieurs. Ces Ă©purations effectuĂ©es, le gouvernement peut enfin s’attaquer Ă  la famille royale[40].

Ainsi, le , les autoritĂ©s provoquent volontairement la famille royale en exhumant le corps de Boris III du monastĂšre de Rila en le transportant dans un endroit secret. Puis en , elles s’en prennent directement Ă  la monarchie, en organisant un rĂ©fĂ©rendum truquĂ© qui l'abolit et force toute la famille royale Ă  s’exiler en Espagne.

Cependant, malgrĂ© tous les efforts employĂ©s par les communistes pour dĂ©nigrer le dĂ©funt tsar[83], la population bulgare a toujours gardĂ© une image positive de Boris III. AprĂšs la chute du communisme, la tombe de Boris III a Ă©tĂ© retrouvĂ©e dans les jardins du palais de Vrania et, en , Ă  l’occasion du cinquantenaire de son dĂ©cĂšs, son cƓur a Ă©tĂ© ramenĂ© au monastĂšre de Rila oĂč il est de nouveau conservĂ©.

Titres et honneurs

Titulature

  • – : Son Altesse Royale le prince de Tarnovo ;
  • – : Sa MajestĂ© le roi des Bulgares.

DĂ©corations nationales

DĂ©corations Ă©trangĂšres

Sources

Livres

  • NikolaÄ­ Petrov Nikolaev, Constant Schaufelberger, La destinĂ©e tragique d’un roi. Éditions Uppsala. 1952, 232 p.
  • Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'AntiquitĂ© Ă  nos jours, Trimontium, Versailles, 2004 (ISBN 2951994613)
  • Cyrille Boulay, LĂ©gendes royales, PrĂ© Aux Clercs, Paris, 2000 (ISBN 2842281055)

Encyclopédies

  • Jean BĂ©renger, Boris III, EncyclopĂ©die Universalis
  • Dominique et MichĂšle FrĂ©my, Le Quid 2005, « Histoire de la Bulgarie » p. 1149, Robert Laffont, Malesherbes

Articles

Sites internet

Bibliographie

  • (fr) NikolaÄ­ Petrov Nikolaev, Constant Schaufelberger, La destinĂ©e tragique d’un roi. Éditions Uppsala. 1952, 232 p.
  • (en) Pashanko Dimitroff, King of Mercy: Boris III of Bulgaria, 1894-1943, Wexford and Barrow, Londres, 1993 (ISBN 1879593696)
  • (en) Stephan Groueff, Crown of Thorns: the Reign of King Boris III of Bulgaria 1918-1943, Madison Books, Lanham, novembre 1998 (ISBN 1568331142)
  • (bg) Albert Leverson, Tsar Boris III: Ć trihi kăm portreta, Softcover, Bulgarie, 1995 (ISBN 9545091525)
  • (en) Carl L. Steinhouse, Wily Fox: How King Boris Saved the Jews of Bulgaria from the Clutches of His Axis Ally Adolf Hitler, AuthorHouse, 2008 (ISBN 1438922833)
  • (fr) Rina, Baba Vanga, Éditions AstrĂ©e, 2013 (ISBN 979-10-91815-03-1) chapitre Le roi Boris III (pages 52–61)
  • (en) Marshall Lee Miller, Bulgaria during the Second World War, Stanford University Press, (ISBN 0-8047-0870-3).

Liens externes

Articles connexes

Notes et références

  1. Pachanko Dimitrov, "Boris III tsar des Bulgares (1894-1943). Travailleur, citoyen, tsar", Sofia, Ed. Universitaire "Sveti Kliment Ohridski", 1990 (ĐŸĐ°ŃˆĐ°ĐœĐșĐŸ Đ”ĐžĐŒĐžŃ‚Ń€ĐŸĐČ, "Đ‘ĐŸŃ€ĐžŃ ІІІ цар ĐœĐ° българОтД (1894-1943). ĐąŃ€ŃƒĐ¶Đ”ĐœĐžĐș, ĐłŃ€Đ°Đ¶ĐŽĐ°ĐœĐžĐœ, цар", ĐĄĐŸŃ„ĐžŃ, УИ "ĐĄĐČДтО ĐšĐ»ĐžĐŒĐ”ĐœŃ‚ ОхроЮсĐșĐž", 1990)
  2. Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours p. 246
  3. Ibid. p. 232-233
  4. Ibid. p. 253
  5. Ibid. p. 257
  6. Ibid. p. 299
  7. Constant Schaufelberger, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 15
  8. DonnĂ©es p. 5 de Zagreb-Sofia : Une amitiĂ© Ă  l’aune des temps de guerre 1941-1945
  9. Constant Schaufelberger, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 16-17
  10. Ibid. p. 213
  11. Ibid. p. 21
  12. Ibid. p. 24
  13. Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours p. 273
  14. Constant Schaufelberger, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 24
  15. Ibid. p. 26-27
  16. NikolaÄ­ Petrov Nikolaev, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 119
  17. Ibid. p. 120
  18. Ibid. p. 122
  19. Constant Schaufelberger, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 35
  20. Ibid. p. 36
  21. Ibid. p. 37
  22. NikolaÄ­ Petrov Nikolaev, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 125-128
  23. Constant Schaufelberger, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 39
  24. Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours p. 307
  25. Constant Schaufelberger, La DestinĂ©e tragique d’un roi. p. 47
  26. NikolaÄ­ Petrov Nikolaev, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 216-217
  27. Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours p. 306
  28. Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours p. 310
  29. Constant Schaufelberger, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 40
  30. NikolaÄ­ Petrov Nikolaev, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 142
  31. NikolaÄ­ Petrov Nikolaev, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 141
  32. Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours p. 311
  33. Estimation du Quid 2005 p. 1149
  34. Article du Time du
  35. TancrĂšde Ramonet, Ni Dieu ni maĂźtre: Une histoire de l'anarchisme, Arte,
  36. NikolaÄ­ Petrov Nikolaev, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 145-146
  37. Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours p. 315
  38. Ibid. p. 316
  39. Chiffre du Quid 2005 p. 1149
  40. Données du site de Jean-Claude Ruch
  41. Constant Schaufelberger, La DestinĂ©e tragique d’un roi. p. 52
  42. Constant Schaufelberger, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 205
  43. Article du Time du
  44. Article du Time du
  45. Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours p. 319
  46. Constant Schaufelberger, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 56
  47. Constant Schaufelberger, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 49
  48. Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours p. 320
  49. Article du Time du
  50. Chiffre de Clio
  51. Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours p. 321
  52. Article du Time du
  53. Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours p. 329-330
  54. Expression du Quid 2005 p. 1149
  55. Ibid. p. 332-333
  56. Ibid. p. 334
  57. Ibid. p. 335
  58. Ibid. p. 336
  59. Le Pacte balkanique et le jeu des alliances de 1933 Ă  1939 d’aprĂšs les attachĂ©s militaires français en poste en Turquie
  60. NikolaÄ­ Petrov Nikolaev, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 165
  61. Miller 1975, p. 7.
  62. Constant Schaufelberger, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 84-85
  63. Constant Schaufelberger, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 86-87
  64. Jacques de Launay Histoire contemporaine de la Diplomatie secrĂšte p. 335
  65. Constant Schaufelberger, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 209
  66. Jean Bérenger, Boris III, Encyclopédie Universalis
  67. NikolaÄ­ Petrov Nikolaev, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 169
  68. Article de la Britannica
  69. Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours p. 348
  70. Ibid. p. 350
  71. Ibid. p. 351
  72. Ibid. p. 352
  73. Щар Đ‘ĐŸŃ€ĐžŃ III: ĐŸĐŸ-ĐŽĐŸĐ±Ń€Đ” Ń‡Đ”Ń€Đ”Đœ Ń…Đ»ŃĐ±, ĐŸŃ‚ĐșĐŸĐ»ĐșĐŸŃ‚ĐŸ Ń‡Đ”Ń€ĐœĐž забраЎĐșĐž., бруЮ, 30 janvier 2014
  74. Ibid. p. 355
  75. B. Lory, La Bulgarie durant la Seconde Guerre mondiale
  76. Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours p. 357
  77. Olivier Maurel, Comment la communauté juive de Bulgarie fut sauvée du génocide
  78. Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours p. 359
  79. Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours p. 362
  80. Cyrille Boulay, LĂ©gendes royales
  81. NikolaÄ­ Petrov Nikolaev, La destinĂ©e tragique d’un roi. p. 192
  82. Article du Time du
  83. Les Éditions communistes de Sofia le dĂ©finissent comme un tyran fasciste et sanguinaire
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