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Alfred Sisley

Alfred Sisley, né le à Paris et mort le à Moret-sur-Loing (Seine-et-Marne), est un artiste peintre et graveur britannique, rattaché au mouvement impressionniste et vivant et travaillant en France.

Alfred Sisley
Alfred Sisley le 10 mars 1863, archives Durand-Ruel
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nationalité
Formation
Activité
Père
William Sisley (d)
Conjoint
Marie-Louise Adélaïde-Eugénie Lescouezec (d)
Enfant
Jeanne Sisley (d)
Parentèle
Jean Sisley (1779-1852) (d) (neveu)
Jean Sisley (d) (cousin)
Autres informations
Propriétaire de
L'Église de Moret après la pluie (d)
Mouvement
Mécène
Maître
Élève
Paul Vogler, Camille Varlet, Rudolf Quittner (de)
Genres artistiques
Influencé par
signature d'Alfred Sisley
Signature

Il effectue une première démarche pour obtenir la naturalisation française en 1888 qui n'aboutit pas, puis à nouveau en 1898, interrompue par sa mort due à un cancer de la gorge. Le succès, qu'il n'a pas connu de son vivant, va alors survenir.

Biographie

Jeunesse et formation (1839-1871)

Frédéric Bazille, Portrait d'Alfred Sisley (1867-1868), ancienne Collection Wildenstein, détruit durant la Seconde Guerre mondiale[2].
Claude Monet, Intérieur, Après dîner (chez les Sisley) (1868), Washington, National Gallery of Art.

Sisley naît à Paris au 19 rue des Trois-Bornes, dans l'ancien 4e arrondissement (actuel 11e arrondissement) le [3] de parents marchands anglais, établis dans la capitale française pour affaires. Son père, William Sisley (1799-1879), d'origine anglaise mais né en France[4], dirige une affaire d'importation liée à l'entreprise familiale basée à Londres. Sa mère, Felicia Sell (1808-1866), Anglaise, est plutôt attirée par la musique et la vie de société.

Il est baptisé le par le pasteur Athanase Coquerel en l'Église réformée de Paris vraisemblablement au temple protestant de l'Oratoire du Louvre[5].

En 1857, ses parents l'envoient à Londres pour le destiner à une carrière commerciale[5]. Pendant ces années d'apprentissage (1857-1860), il passe plus de temps à visiter les musées qu'à sa formation commerciale, et admire particulièrement les œuvres de Constable et Turner. De retour en France en 1860, il obtient de ses parents l'autorisation d'abandonner les affaires et peut alors se consacrer à l’art.

Durant sa jeunesse, il assista aux concerts Pasdeloup qui débutèrent en . Il confia à Arsène Alexandre que le trio du scherzo du septuor de Beethoven (op. 20 en mi bémol majeur) l'avait durablement ravi : « Cette phrase si gaie, si chantante, si entraînante, me disait-il, il me semble que, depuis la première fois que je l'ai entendue, elle fait partie de moi-même, tant elle répond à tout ce que j'ai toujours été au fond. Je la chante sans cesse. Je me la fredonne en travaillant. Elle ne m'a jamais abandonné... »[6].

En , il entre à l’atelier de Charles Gleyre, enseignant de l'École des beaux-arts de Paris[1]. Il s'initie à la pratique du dessin et fait la connaissance de Renoir, Monet et Bazille. Très vite, ils se lient d'amitié. La conception du paysage de Gleyre diffère trop de la perception qu'il en a et les quatre amis quittent l’atelier du maître, dès , pour travailler en plein air et planter leur chevalet dans la forêt de Fontainebleau, à Chailly-en-Bière, Barbizon, ou encore Marlotte, ce qui le rapproche du groupe de Marlotte[7]. Cette première expérience de travail de groupe, renouvelée notamment en juillet 1865, soude les quatre artistes, les stimule et annonce, l’année même où s’ouvre le premier Salon des refusés, leur combat prochain pour la nouvelle peinture impressionniste. Sa peinture de paysages délicats est influencée par Jean-Baptiste Camille Corot et Charles-François Daubigny[1].

Il commence à peindre dans les environs de Paris[5]. À partir de 1865, il va peindre les allées de châtaigniers à La Celle-Saint-Cloud avec Bazille, réalisant ses premières toiles sur le motif dans les bois de La Celle-Saint-Cloud[8]. Frédéric Bazille fit son portrait lors de l'hiver 1867-1868[5].

Il fait la connaissance de Marie-Louise Adélaïde-Eugénie Lescouezec[5], jeune parisienne originaire de Toul, dans la Meurthe, qu'il rencontre en 1866, une union qui mécontentera son père qui le déshérita[9]. Renoir peignit en 1869 Les Fiancés - Le Ménage Sisley, supposé représenter Sisley et sa femme (Wallraf Richartz Museum, Cologne). Marie Bracquemond est supposée les peindre en 1880 : La promenade en bateau. Sisley et sa femme. Mais pour le tableau Sous la Lampe parfois intitulé le couple Sisley dînant chez les Bracquemond à Sèvres[5], il faut y voir une représentation des Bracquemond eux-mêmes. De leur union naîtront trois enfants, Pierre (né en 1867, il devint décorateur et antiquaire, resté célibataire il est mort en 1929 à Paris ; il est aussi indiqué comme inventeur, et souhaitait se marier à Germaine Hoschedé, liée à la famille de Claude Monet qui s'y serait opposé en raison de sa profession[10]), Jeanne (née en 1869 qui deviendra Mme Diets, aussi écrit Dietsh, et fut peintre et aquarelliste, morte le à Paris) et Jacques né en 1871 mort la même année[11]. En 1871, Sisley peignit ses deux enfants, dans un salon, réalisant peut-être son seul portrait[5]. Installé avec sa compagne à Paris, il partage son temps entre le travail à l’atelier, les réunions informelles au café Guerbois, présidées par Édouard Manet, chef de file de la jeune génération de peintres, et où se retrouvaient des critiques ou des journalistes comme Louis Edmond Duranty, ou encore Émile Zola. Mais cette vie parisienne palpitante et source d’émulation, que Zola décrira très bien dans son roman L'Œuvre, inspirée volontairement de la vie des impressionnistes, Sisley la ponctuait inévitablement de séjours à la campagne, prétexte pour une peinture en plein air, dans les environs proches de Paris.

À la fin des années 1860, il s'installe avec sa famille à Bougival. Jusqu'en 1870, il peint dans son atelier à Paris, puisant des sujets dans la capitale et ses environs[8].

Il présente deux paysages du canal Saint-Martin au Salon de 1870 à Paris[12].

Au début de l'occupation prussienne, il réussit à fuir Bougival pour Paris, mais reviendra dans la région s'installer à Louveciennes. Il y peint notamment Premières neiges à Louveciennes, représentant la rue de Voisins dans le hameau où il réside. Il réalise également une série de toiles du haut de la côte du Cœur-Volant[8].

Il quitte Paris en pour s’installer à Louveciennes à proximité de la maison de la famille de Renoir, où il loue une maison et reste, devant subvenir aux besoins de sa famille par les seuls moyens de son art, après la mort de son père, ruiné par la guerre. Alors que l'Ouest parisien vers Versailles est le siège d'opérations militaires prussiennes et versaillaises, Sisley réalisa un grand nombre de paysages de Louveciennes, Marly-le-Roi et Bougival où ne figure aucune trace de guerre[12].

Quand il revient s'installer au printemps 1871 dans le hameau de Voisins à Louveciennes route de la Princesse, il découvre que son atelier aurait été dévasté par les Prussiens. Cela explique le faible nombre de toiles antérieures à 1871 qui nous sont parvenues. Il s'installe à nouveau à proximité de la famille de Renoir, avec qui il travaille parfois en 1871[8]. En , Sisley rencontra Paul Durand-Ruel par l'intermédiaire de Monet et Pissarro qui le connaissaient depuis leur séjour à Londres durant la guerre. Durand-Ruel acheta près de 400 œuvres de Sisley pendant au moins 25 ans[13].

Il se rend notamment dans la forêt de Marly-le-Roi en compagnie de Renoir[14].

En 1874, avec Claude Monet, Auguste Renoir, Camille Pissarro, Edgar Degas et Berthe Morisot, il fonda de la Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs, et participa aux trois premières des huit expositions impressionnistes. La Première exposition des peintres impressionnistes qui a lieu dans les locaux du photographe Nadar en 1874, et à la deuxième Deuxième exposition des impressionnistes en 1876 et à la troisième en 1877[1]. En dehors de la septième en 1882, il ne participera pas aux suivantes.

Du au , il participe à la Première exposition des peintres impressionnistes où il présente 6 toiles, dont 5 œuvres au catalogue : N° 161 Route de Saint-Germain (à Monsieur Durand-Ruel) - N° 162 Île de la Loge (à Monsieur Durand-Ruel) - N° 163 La Seine à Port-Marly - N° 164 Verger - N°165 Port-Marly, soirée d'hiver[15] - [16] et une est hors catalogue. François Daulte suggère que La Machine de Marly est l'une de ses six toiles. Si rien ne permet d'affirmer qu'il s'agit de La Seine à Port-Marly, sans indication d'appartenance sur le catalogue, les critiques, dont Ernest Chesneau, en firent l'éloge[17].

Il séjourne à Londres où il s'est rendu grâce au mécénat de Jean-Baptiste Faure[18] de juillet à et exécute près de vingt tableaux aux environs de Molesey et de Hampton Court[19] - [20].

Il reste à Louveciennes jusqu'à la fin de l’hiver 1874-1875, peignant nombre de paysages enneigés, donnant des reflets roses, jaunes et bleus à la neige. En 1875, il s'installe à Marly-le-Roi dans une maison près de l'Abreuvoir, y restant jusqu'à la fin de l’hiver 1877-1878, peignant d'autres paysages enneigés. Parmi ses sujets de prédilection, on trouve l'Abreuvoir de Marly-le-Roi, les routes fuyantes, les rives de la Seine et la Machine de Marly. Des inondations de 1876 à Port-Marly, il fait un sujet figurant des effets de surface miroitante et de ciel balayé par le vent[8].

Alfred Sisley, Le Pont de Moret, effet d’orage, 1887, Le Havre, musée d'art moderne André-Malraux
Alfred Sisley, Le Pont de Moret, effet d’orage (1887), Le Havre, musée d'art moderne André-Malraux.

De tous les Impressionnistes, Sisley séjourna le plus longtemps dans la boucle de la Seine[21], et y réalisa le plus grand nombre de tableaux[8].

Marie Bracquemond, Sous la Lampe (1877), Galleries Maurice Sternberg (en), Chicago. Le couple Sisley dînant chez les Bracquemond à Sèvres.

En 1877[22], il part de Marly-le-Roi pour Sèvres[8] où il réside jusqu'en 1879[5], avant de s'installer dans la région de Moret-sur-Loing[8].

Période d’indépendance et de reconnaissance (1880-1895)

La dernière maison de Sisley, où il emménage en , au no 19 rue Montmartre à Moret-sur-Loing.
Dernier domicile. Plaque commémorative.
John Peter Russell, Madame Sisley sur les bords du Loing (1887), Sydney, Galerie d'art de Nouvelle-Galles du Sud.

En 1880 Sisley se fixe non loin de Moret-sur-Loing, conquis par cette campagne paisible et verdoyante auquel il restera fidèle jusqu'à la fin de sa vie. Le peintre australien John Peter Russell réalise le portrait de Mme Sisley sur les bords du Loing en 1887. À cette période le groupe des impressionnistes est dispersé, après le départ de Renoir, Sisley, Cézanne puis Monet en 1880 des expositions impressionnistes. Chacun cherche à tracer dorénavant sa propre voie. Les expositions personnelles demeurent alors le moyen privilégié pour ces peintres de se faire reconnaître.

Sisley accepte sa première exposition personnelle en 1881 à La Vie Moderne avec 14 tableaux, et une autre en 1883 dans la galerie de Durand-Ruel après celles successives de Monet, Renoir et Pissarro. Mais le succès n’est toujours pas au rendez-vous et les envois de Durand-Ruel de ses œuvres à Londres, Boston, Berlin ou Rotterdam ne sont guère plus fructueux.

En 1882 se tient la septième exposition impressionniste, avec la reformation exceptionnelle du groupe impressionniste initial (Monet, Renoir, Sisley, Pissarro…). Mais cette réunion des peintres est la dernière. En effet, la dernière et huitième exposition impressionniste a lieu sans la présence de Sisley, Monet, Renoir et Cézanne.

Après s’être opposé à deux projets d’expositions de Durand-Ruel, Sisley contraint par ses soucis financiers, lui demande de l’aide en 1885 et lui accorde sa confiance pour deux expositions collectives organisées à New York en 1886. Celles-ci, remportant succès, seront alors les premiers signes avant-coureurs de la reconnaissance tardive des impressionnistes.

Le , il fait une première demande de naturalisation française qui n'aboutit pas.

Durand-Ruel lui offre même une exposition particulière à New York début 1889 dans sa galerie qu’il a ouverte outre-Atlantique. Parallèlement Sisley s’ouvre à d’autres marchands comme Georges Petit avec qui il collabore dès 1886, à l’instar de Monet, et Boussod et Valladon à partir de 1893. Ses tableaux remportent du succès lors de la deuxième exposition internationale de peinture et de sculpture chez Georges Petit. En 1890 Sisley est admis comme membre associé de la Société nationale des Beaux-Arts. Cette entrée lui assure alors une certaine pérennité puisqu'il y montrera ses œuvres tous les ans jusqu'à la fin de sa vie à l’exception de 1895 et 1896.

Lors du Salon du Champ-de-Mars de 1892, il est vivement critiqué par Octave Mirbeau dans sa chronique du Figaro du à laquelle il répondra soulignant la malveillance du critique d'art à son égard[23] - [24]. Adolphe Tavernier, un ami journaliste le déclara comme l’un des maîtres du paysage du XIXe siècle. En 1894, il reçoit Gustave Geffroy à Moret, qui publiera après sa mort dans Sisley ses souvenirs et impressions de cette journée : il dit avoir deviné « la tristesse sous l’apparence de la résignation et les paroles enjouées (…) cette journée si parfaite d’accueil et d’amitié est restée pour moi empreinte de ce sentiment deviné chez l’artiste vieillissant qui semblait pressentir que jamais de son vivant un rayon de gloire ne viendrait briller sur son art ». En effet Sisley ne connaît pas le succès rencontré des impressionnistes tels Renoir ou Monet ou Degas. Pissarro écrira à son fils Lucien dans une lettre de 1895 : « je reste, avec Sisley, comme une queue de l’impressionnisme. »

Dernières années (1896-1899)

Alfred Sisley vers 1897, photographie anonyme,
Paris, collection Sirot-Angel.

Pendant les dernières années de sa vie (1897-1899) la santé de Sisley décline : il souffre de crises de rhumatismes très douloureuses.

À la faveur d'un différend entre Durand-Ruel et Sisley, Georges Petit devient le galeriste attitré du peintre. En , il organise une grande rétrospective de l’œuvre de Sisley dans sa galerie rue de Sèze[25]. L’artiste s’emploie à rassembler un maximum d’œuvres provenant des collections d’amateurs. Au total l’exposition ouvrira avec 146 peintures et six pastels. Seuls Arsène Alexandre et Adolphe Tavernier parleront de l’exposition et aucune toile ne sera vendue. L’expérience est douloureuse pour Sisley.

En 1897, il est invité en Angleterre à Londres puis à Penarth près de Cardiff. Ce séjour durant lequel il épouse sa compagne le à Cardiff[26], est le dernier moment de grande création de l’artiste : il peint les falaises, les énormes rochers, les vagues… De retour à Moret, en il souhaite se faire naturaliser français, et demande son aide à son ami Adolphe Tavernier. Mais la perte de certains papiers officiels ne lui permit pas de réaliser rapidement son vœu de devenir citoyen français. Paradoxalement, celui des impressionnistes qui peignit le mieux les paysages de la Seine, du Loing et la douceur angevine allait s'éteindre britannique[27].

Il vit à la limite de la misère. Son épouse tombe malade et meurt le . Il est affecté et rien ne vient éclipser son découragement. Atteint d’un cancer de la gorge, son état empire. Il montre une forme de courage dans sa résignation. Des lettres à son docteur permettent de retracer jour après jour la fin de sa vie. Il écrit le : « Je suis rompu par la douleur… Je n’ai plus l’énergie de combattre… »[28]. Il fait appeler Monet, lui recommande ses enfants et lui dit adieu. Il meurt le dans sa maison à Moret-sur-Loing sans avoir pu acquérir la nationalité française[29] - [30].

Sa mort interrompt sa demande de naturalisation française.

Il est enterré au cimetière de Moret le 1er février par un temps gris et froid. Renoir, Monet, Adolphe Tavernier et Arsène Alexandre sont venus de Paris[31]. Jean-Charles Cazin prononça un discours pour la Société nationale des beaux-arts[32]. Adolphe Tavernier prononça une oraison funèbre rendant hommage à « un magicien de la lumière, un poète des ciels, des eaux, des arbres, en un mot un des plus remarquables paysagistes de nos jours ». Il est enterré auprès de son épouse. Sur leur tombe figure comme épitaphe une citation de Sisley : « Il faut que les objets soient enveloppés de lumière, comme ils le sont dans la nature. »[33].

Succès posthume

La famille Monet-Hoschedé fête le mariage de Marthe Hoschedé et de Théodore Butler. Pierre Sisley est assis par terre à droite ; sa sœur Jeanne est debout derrière lui ; Monet est sur les marches à gauche. Giverny, .

Le succès, qu'il n'a pas connu durant sa vie, va survenir peu après sa mort. La galerie Bernheim-Jeune expose 14 de ses toiles en [31].

Lors d'une exposition collective à la galerie Georges Petit du au , 21 de ses toiles sont exposées[34] dont Une Rue à Sèvres[35] - [36].

En mars, Durand-Ruel expose 28 toiles de Sisley à New York. Le , Claude Monet organise une vente par la galerie Georges Petit au profit de ses enfants, qui reçut un écho dans les médias sans précédent pour Sisley[31].

En , un an seulement après sa mort lors de la vente Adolphe Tavernier, le comte Isaac de Camondo achète l’inondation à Marly[37] pour la somme considérable à l’époque de 43 000 francs[38], vendue par l’artiste à l’origine 180 francs.

En 1911, il est le premier artiste impressionniste à recevoir l’hommage, à Moret-sur-Loing, d’un monument commémoratif, monument pour lequel Renoir donna la somme de 500 francs.

On connait 960 huiles sur toile, 100 pastels et de nombreux autres dessins, produits par Sisley. Un grand nombre de faux Sisley ont été découverts. À côté de ces faux, des œuvres réalisées par sa fille Jeanne, vers 1895, portent légitimement la signature Sisley[39].

Après la Seconde guerre mondiale, sa maison et de vieux moulins dynamités par les Allemands lors de leur retraite en 1944, sont restaurés avec la participation de Paul-Louis Weiller[40]

L'art de Sisley

Sisley est aujourd’hui considéré comme l’impressionniste même : l’essentiel de son inspiration c’est le paysage. Les personnages dans ses peintures ne sont que des silhouettes ; en outre les portraits de ses proches (femme et enfants) et les quelques natures mortes sont rares.

Selon Gustave Geffroy, l’un de ses premiers historiographes, Sisley vouait en effet un amour instinctif au paysage. Pour lui il n’y avait dans la nature rien de laid dès lors qu’il s’agissait du rapport entre le ciel et la terre. Sisley écrivit : « toutes les choses respirent et s’épanouissent dans une riche et féconde atmosphère qui distribue et équilibre la lumière, établit l’harmonie »[41]. Pour le critique d'art Raymond Cogniat, « l'espace de Sisley respecte les trois dimensions et la troisième, en exprimant la fuite vers le lointain, en suggérant des prolongements à droite et à gauche, crée bien cette impression de fenêtre ouverte par laquelle on a parfois défini l'Impressionnisme »[42].

Inspiration

Sisley choisit inlassablement pour sujet de ses toiles le ciel et l’eau animés par les reflets changeants de la lumière dans ses paysages des environs de Paris, la région de Louveciennes et de Marly-le-Roi. La région de Moret-sur-Loing eut notamment une incidence toute particulière sur l'œuvre de Sisley, comme en témoigne Un soir à Moret. Fin d'octobre, peint en 1888. Il s’inscrit dans la lignée de Constable, Bonington et Turner. S’il subit l’influence de Monet, il s’éloigne de son ami par sa volonté de construction qui lui fait respecter la structure des formes.

Se montrant sensible à l’écoulement des saisons, il aimait à traduire le printemps avec les vergers en fleurs ; mais ce fut la campagne hivernale et enneigée qui attira particulièrement Sisley dont le tempérament réservé préférait le mystère et le silence à l’éclat des paysages ensoleillés de Renoir.

Influence de l'art japonais

Dans certains des tableaux d'Alfred Sisley, on peut percevoir une influence marquée par l'art japonais. Richard Shone rapproche La Place du Chenil à Marly, effet de neige par Sisley de Nuit de neige à Kambara par Hiroshige[43].

Les perspectives de ses tableaux montrent l'influence d'Hokusai dont il découvrit les estampes grâce à Claude Monet. Ainsi, un pont s'incline dans Le Pont de Villeneuve-la-Garenne, un clocher se dresse dans un ciel pluvieux dans La Grand-Rue à Argenteuil et un chemin plonge en profondeur d'une ville dans Le Chemin de la Machine, Louveciennes[44].

Intentions artistiques

Il semble admis par Gustave Geffroy, notamment, que Sisley jouit d’une reconnaissance établie de peintre impressionniste dès le lendemain de sa disparition : « Au jour où fut annoncée la mort de Sisley après tant de souffrances volontairement et fièrement dissimulées, il y eut un tressaillement dans tout le public renseigné. Les toiles possédées par ceux qui avaient été les croyants des anciens jours prirent soudain un prestige nouveau, et toutes celles qui attendaient par le monde le caprice des amateurs furent immédiatement recherchées ... »[45]

Aujourd’hui certains historiens s’accordent à penser que l’artiste est le représentant le plus pur de l’impressionnisme dans l’esprit et dans la forme, par ses choix de paysage, son traitement des variations atmosphériques, la délicatesse de ses touches et de ses couleurs. Mais on lui reproche parallèlement son manque d’évolution dans sa peinture et ses recherches picturales et de motifs.

Pour François Daulte, qui est à l’origine de son catalogue raisonné, cette critique facile de monotonie apparente des tableaux dissimule la caractéristique essentiel de Sisley : « Sisley a vu la nature plus en profondeur qu’en surface […] il a toujours considéré que l’expression spatiale était l’essentiel du programme pictural, la part qui lui revient en propre et qui ne doit point lui être ôtée. C’est pour cette raison sans doute que Sisley ne s’est pas lassé de peindre tout au long de sa carrière des chemins bordés d’arbres qui disparaissent peu à peu dans le lointain ». Ainsi les routes et les rivières fuyantes sont ses motifs préférés qu’il répète à l’infini.

Le ciel est une autre composante essentielle de son art qu’il traite avec ce même souci de vérité spatiale. Il occupe le plus souvent les trois quarts de la toile. Sisley le considère en effet comme quelque chose « qui ne peut pas n’être qu’un fond. Il contribue au contraire non seulement à donner de la profondeur à ses plans (car le ciel a des plans comme les terrains), il donne aussi le mouvement par sa forme, par son arrangement en rapport avec l’effet ou la composition du tableau. » Car Sisley en bon artiste impressionniste ne néglige pas non plus l’instant et le mouvement cher à tous ses confrères. Il a aimé peindre les saisons, les variations atmosphériques, les heures du jour…

Peintre des routes, il est davantage encore le peintre de l’eau, des rivières aux cours paisibles et des berges aux feuilles mobiles. C’est souvent une impression de calme et de sérénité qui se dégage de ses œuvres. Geffroy résumera ainsi : « Sisley a vécu de la vie désintéressée et profonde du paysagiste amoureux de nature, éloigné de la vie sociale. Et malgré les chagrins et les douleurs qu'il eut à supporter, on peut espérer qu'il eut aux heures enchantées du travail, la joie pure de l'oubli, qu'il connut la sérénité et le bonheur exprimés par son œuvre de vérité et de lumière. »[46]

Œuvres de jeunesse

Il peint un petit nombre de tableaux dans une gamme sombre faite de bruns et de verts profonds. D’un aspect sévère, Sisley révèle son admiration pour Camille Corot ou Gustave Courbet, ses premiers maîtres[47], en affirmant un goût pour les valeurs et l’espace. C’est à partir de 1870 que sa palette s’éclaircit notamment dans ses paysages nombreux représentant les rives de la Seine et les canaux parisiens. Ce motif des bords de l’eau sera un des sujets favoris de Sisley jusqu'à la fin de sa vie.

Les séries

À partir du début des années 1890, Sisley entreprend un ensemble de séries, suites de tableaux représentant le même thème à des heures différentes (les vieilles maisons de Saint-Mammès, des sentiers aux Sablons, des allées du Loing…). Sa manière s’affirme et s’élargit aux dépens d’une vision moins spontanée, cependant selon les termes de Claude Roger-Marx « on retrouve le timbre angélique d’autrefois. » Insistant sur ce qu’il appelait tendrement « le coin aimé du tableau. »[48]

Fin de carrière

La Baie de Langland, Storr's Rock, Matin par Alfred Sisley, 1897, Musée des Beaux-Arts de Berne.

Son séjour à Penarth dans le pays de Galles à partir de lui offre l’occasion de représenter une nature grandiose sur plusieurs marines, étudiant surtout les effets de lumière sur le sable et l'eau. Il peint les falaises de Langland, les énormes rochers contre lesquels se brisent des vagues vertes empanachées d'écume[49].

Postérité

L’unité de son travail tant dans son inspiration que sa manière de peindre marque la personnalité du peintre. Il est resté profondément attaché à l’aspect naturel des paysages. Sisley a été tellement personnel dans sa retranscription de ses impressions, qu’il est une fin en soi et qu’il ne peut avoir d’imitateurs. Cogniat ne reconnaît pas en lui ce quelque chose qui tiendrait du prophète comme chez Monet ou Cézanne, pour lui la sérénité de Sisley n’appelle pas à ce genre de rayonnement. Son observation des choses sert à des fins individuelles et se rapproche de la méditation[50].

Expositions muséales

La première rétrospective importante consacrée aux œuvres d'Alfred Sisley a été présentée au musée d'Orsay d' à . Cette exposition fut présentée à la Royal Academy of Arts à Londres de juillet à et à la Walters Art Gallery à Baltimore de mars à [51].

De à , la première rétrospective consacrée à Alfred Sisley en Allemagne a été présentée au Von der Heydt Museum à Wuppertal[52]

Du au , une exposition monographique rassemblant 60 toiles d'Alfred Sisley se tient à l'Hôtel de Caumont à Aix-en-Provence sous l'égide de Culturespaces et de Bruce Museum of Arts and Science (en)[53] - [54] - [55] - [56] - [57]. MaryAnne Stevens (en) est la commissaire de l’exposition intitulée « Sisley, l'impressionniste »[58] - [59] - [60] - [61].

Collections publiques

Alfred Sisley, La Seine au point du jour (1877), Le Havre, musée d'art moderne André-Malraux.

En Algérie

En Allemagne

En Belgique

Au Canada

Au Danemark

  • Charlottelund, Ordrugaard museum
    • Allée des marronniers à La Celle-Saint-Cloud, 1865, huile sur toile, 50,5 × 65,5 cm[77]
    • Inondation. La Seine à Bougival, 1873, huile sur toile, 50 × 65,5 cm [78]
    • Péniches déchargées à Billancourt, 1877, huile sur toile, 50 × 65 cm [79]
    • Matin de septembre près de Saint-Mammès et les hauteurs de Veneux-Nadon, 1884, huile sur toile, 54 × 72,5 cm [80]
    • L'abri à bateaux, 1885, huile sur toile, 46 × 56 cm [81]
    • Péniches sur le canal du Loing, au printemps, 1896, huile sur toile, 54 × 65 cm [82]
  • Copenhague, Ny Carlsberg Glyptotek :

Aux États-Unis

En France

En Italie

Au Japon

En République tchèque

En Russie

Au Royaume-Uni

En Suisse

Galerie

Hommages

À partir de 1994, le syndicat intercommunal à vocations multiples des Coteaux de Seine regroupant neuf communes des Yvelines, connu sous le label « Pays des Impressionnistes », a reproduit certains de ses tableaux en plein air à l'emplacement de leur création, jouxtant ceux d'autres peintres. Les sujets de Sisley mettent l'accent sur une nature vierge de toute présence humaine[177]. Un des circuits pédestres porte le nom de Sisley[178].

L'astéroïde (6675) Sisley a été nommé en sa mémoire.

Depuis 1932, la rue Sisley à Paris 17e lui rend hommage, ouverte sur l'emplacement du bastion no 46 de l'enceinte de Thiers.

À la demande de l’association « Les Amis d'Alfred Sisley » à Moret-sur-Loing, le rosiériste Delbard crée en 1998, la variété de rosier 'Alfred Sisley' qu'il lance sur le marché fin 2004 et qu'il baptise de son nom le . Elle orne depuis les massifs de Moret[179].

Notes et références

  1. Jean Clay, L'impressionnisme, Hachette, 1971, (ISBN 9782851083395), p. 313
  2. (en) Barbara E. White, Impressionists Side by Side : Their Relationships, Rivalries, and Artistic Exchanges, Knopf Doubleday Publishing Group, 1996, p. 270: « Portrait Bazille, Portrait of Sisley, 1867-68. Oil on canvas, 11 x 12V1" (28 × 32 cm). Formerly Wildenstein Galleries, Paris; destroyed during World War II. »
  3. Cf. acte de naissance ici
  4. Time & Tide Business Guide, Volume 13,Numéros 1 à 26, 1932, p. 263 : « Mr. J. F. Horrabin says that Alfred Sisley, the painter, was an Englishman. This is not entirely correct. His great-grandfather, Francis Sisley, was born on Romney Marsh in 1748. He died in 1808. He was actively associated with smoggling between France and England. His son Thomas, born in 1772, went to Dunkerque for the purpose, it is said, of attending to the family smuggling business on that side of the Channel. He is described as a silk merchant in later documents. Thomas Sisley identified himself with his adopted country. He became a French subject. He served in the National Guard of Dunkerque. He married as his first wife Francoise Felicité Dagneau, and his children were christened by such characteristically French names as “ Adolphe Louis Joseph ” and “ Numa Jules.” This may have been due to the fact that the inhabitants of Romney Marsh were constantly engaged in smuggling between France and England. They were as much at home in French seaport towns as they were in their own country. It is also possible that the family may have had some connection with France by marriage at an earlier date. One of Thomas Sisley's many children was Guillaume, the father of Alfred Sisley, who was born in Dunkerque in 1799. »
  5. Société de l'histoire du protestantisme français, Bulletin. Études, documents, chronique littéraire, 1974, p. 463 : « Alfred Sisley. Né à Paris, 19, rue des Trois-Bornes, 30-10-1839, et baptisé, 31-10-1840, par le pasteur Athanase Coquerel en l'église réformée de Paris (paroisse non précisée au registre, mais presque certainement l'Oratoire du Louvre). Demeuré de nationalité anglaise. Séjourne à Londres en 1857 pour s'initier au commerce. Commence à peindre autour de Paris. Ami du peintre protestant Frédéric Bazille qu'il a connu dans l'atelier de Gleyre et qui fit son portrait pendant l'hiver 1867-1868. Fuyant l'invasion, Sisley se réfugie à Londres en 1870 avec Monet et Pissaro ; il y retournera un peu en 1874 et en 1897. Il habite Sèvres de 1875 à 1879. Mort à Moret-sur-Loing, 19, rue Montmartre, 29-1-1899. Il épouse Marie-Louise Adélaïde-Eugénie Lescouezec, née à Toul vers 1840, morte à Moret, 19, rue Montmartre, 8-10-1898, (fille de Jean-Marie Lescouezec et de Colson). Renoir a peint en 1869 le couple Sisley (Wallraf Richartz Museum, Cologne). Marie Braquemond a peint en 1880 « La promenade en bateau. Sisley et sa femme » ; on lui doit aussi « Sous la Lampe » (Sisley et sa femme dînant chez les Braquemond à Sèvres). Les Sisley ont eu deux enfants : 1 Pierre Sisley. Né vers 1868. Décorateur en 1899, à Paris, 24, rue Popincourt. 2 Jeanne Sisley. Vit en 1899. Sisley a peint ses deux enfants, dans un salon, en 1871, seul portrait connu peint par lui. »
  6. Gustave Geffroy, François Blondel, Théodore Duret, Alfred Sisley, p. 12
  7. Marc Schweizer, Bourron-Marlotte, Les Artistes
  8. Anthony Lacoudre, Ici est né l'impressionnisme: guide de randonnées en Yvelines, préface Claude Bonin-Pissarro, éd. du Valhermeil, 2003, (ISBN 2913328415 et 9782913328419), p. 127-129
  9. Gustave Geffroy, François Blondel, Théodore Duret, Alfred Sisley
  10. Douglas Skeggs, River of light: Monet's impressions of the Seine, 1987, p. 141 : "When Germaine Hoschede wanted to marry Pierre Sisley, he refused to allow it. The young man was an inventor and therefore, in Monet's mind, not a suitable husband for one of his step-daughters."
  11. François Daulte, Sisley : Les Saisons, éditions La Bibliothèque des Arts, 1992, (ISBN 2850471844 et 9782850471841), « Pierre Sisley Né le 19 juin 1867 à Paris, au n° 27 de la Cité-des-Fleurs, aux Batignolles. Décorateur et antiquaire, demeuré célibataire, Pierre Sisley meurt à Paris en 1929, 24 rue Popincourt, dans le XIe arrondissement. 2. Jeanne Sisley Née le 30 janvier 1869 à Paris, au N° 27 de la Cité-des-Fleurs, aux Batignolles. Peintre et aquarelliste, Jeanne Sisley meurt le 4 février 1919, à l'âge de 49 ans, à Paris, en son domicile 26 rue Vivienne ... Elle épouse le 23 juillet 1908 Louis-Georges-Fernand Diets Joaillier-bijoutier, Fernand Diets meurt le 17 février 1919, à Paris, en son domicile 26 rue Vivienne... Jacques Sisley né le 26 novembre 1871, 41 rue Nollet, à Paris. Décédé la même année. »
  12. Bertrand Tillier, La Commune de Paris, révolution sans images ?: politique et représentations dans la France républicaine (1871-1914), Éditions Champ Vallon, 2004, (ISBN 2876733900 et 9782876733909), p. 83
  13. François Daulte, Sisley, 1974, p. 25
  14. François Daulte, Sisley: Les Saisons, Éditions La Bibliothèque des Arts, 1992, (ISBN 2850471844 et 9782850471841) : « Il y loua une petite maison au N° 2 de la rue de la Princesse, non loin de celle habitée par Renoir et son frère Edmond, avec lesquels il ira souvent peindre dans la forêt de Marly, près de l'aqueduc ».
  15. Monneret 1987, p. 764
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Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

Bases de données et dictionnaires

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