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AfriForum

AfriForum est une organisation non gouvernementale sud-africaine de défense des droits civiques de la communauté afrikaner, étendue à d'autres minorités, individus ou groupes sociopolitiques d'Afrique du Sud.

AfriForum
Logo de l’association
Cadre
Forme juridique ONG
Zone d’influence Drapeau d'Afrique du Sud Afrique du Sud
Fondation
Fondation 26 mars 2006
Fondateurs Flip Buys, Kallie Kriel
Origine Solidariteit
Identité
SiĂšge Union street, Centurion, Tshwane, province de Gauteng
Président Kallie Kriel
Vice-président Ernst Roets
Affiliation Solidarité
Membres 235 000 (2020)
Slogan Laat jou stem hoor (Faites entendre votre voix)
Site web Site

Émanation du syndicat afrikaans Solidariteit et membre du rĂ©seau solidaritĂ©, AfriForum a Ă©tĂ© fondĂ©e en 2006 pour porter la dĂ©fense de la culture afrikaner et de ses intĂ©rĂȘts en tant que groupe ethnique minoritaire d'Afrique du Sud.

Fonctionnant Ă  la fois comme un lobby et un think tank, AfriForum dispose de ses propres enquĂȘteurs, publie des rapports, organise des campagnes de pĂ©titions et le cas Ă©chĂ©ant engage des poursuites judiciaires devant les tribunaux sur des sujets touchant spĂ©cifiquement la communautĂ© afrikaans (rĂ©forme agraire, discrimination positive, attaques contre les fermiers, sujets culturels...) ou sur des sujets plus larges d'intĂ©rĂȘts communs (lutte contre la corruption, la criminalitĂ©, la violence, sur le droit d'accĂšs Ă  l'eau potable...). L'ONG vise aussi plus largement Ă  mobiliser dans le dĂ©bat public les groupes ethniques minoritaires d'Afrique du Sud et Ă  dĂ©velopper l'autosuffisance des communautĂ©s.

Ses modes d'action et ses motivations sont cependant contestĂ©es par ses opposants qui y dĂ©cĂšlent une vision rĂ©actionnaire et nostalgique de l'apartheid, avec pour consĂ©quence la crĂ©ation d’institutions parallĂšles Ă  celles de l'Etat permettant notamment le maintien d'une influence qui serait dĂ©mographiquement disproportionnĂ©e des Blancs dans la vie publique sud-africaine.

PrĂ©sidĂ© par Kallie Kriel, AfriForum compte aux environs de 200 000 membres et dispose d'une aile jeunesse (AfriForum Jeug), active dans les universitĂ©s.

Historique

La création d'AfriForum en 2006 s'inscrit dans le cadre de l'Afrique du Sud post-apartheid et de la redéfinition de l'identité afrikaner en tant que minorité ethnique au sein d'une société multiraciale et multiculturelle. Si certains Afrikaners se tournent complÚtement vers la culture anglophone sud-africaine et renient leur origine ethnolinguistique[1], d'autres s'attachent à leur identité qu'ils perçoivent comme menacée par les politiques (économiques, culturelles, linguistiques) menées par un gouvernement sud-africain qu'ils estiment hostile à l'afrikaans et qui les traite, selon eux, en citoyens de seconde classe quand il ne nie pas leur africanité. Ainsi, plusieurs activistes tels Dan Roodt entreprennent d'alerter réguliÚrement leur communauté pour défendre activement leur identité et spécificité afrikaans contre l'avancée de la langue et culture anglaise dans l'éducation, l'édition, l'administration et l'entreprise (Roodt évoque notamment le risque d'un génocide culturel de leur communauté[2]). L'historien Hermann Giliomee (ancien opposant à l'apartheid) évoque de son cÎté la frustration et la désillusion sans cesse croissante des Afrikaners qui s'estiment aliénés dans l'Afrique du Sud post-apartheid notamment par les politiques de quotas et de discriminations positives. Giliomee note particuliÚrement l'impact du traitement réservé à la langue afrikaans, évincée des écoles publiques et des universités et remplacée par l'anglais, y compris dans les autres secteurs publics, devenant de facto la lingua franca d'un pays qui compte 11 langues officielles. Pour Giliomee, la vitalité des Afrikaners en tant que communauté distincte peut leur permettre de relever les défis, de se réinventer et de ne pas disparaitre[3].

C'est dans ce contexte de questionnement identitaire que le syndicat Solidariteit se constitue au dĂ©but des annĂ©es 2000 dans le secteur professionnel pour dĂ©fendre les intĂ©rĂȘts des Afrikaners et de la communautĂ© de langue et culture afrikaans. Mais il ne peut mener en son nom un projet qui va bien au-delĂ  d'une activitĂ© syndicale. À son initiative est crĂ©Ă© AfriForum en 2006 pour Ă©tendre son action Ă  la dĂ©fense des droits civiques et culturels de la communautĂ© afrikaans.

Au début des années 2010, AfriForum rejoint une quinzaine d'organisations, indépendantes ou autonomes, issues ou partenaires de Solidariteit, au sein d'un réseau d'entraide communautaire, le mouvement Solidarité, dans le cadre de la renaissance d'un nouvel activisme afrikaner s'inspirant des différentes institutions d'entraides créées au début du XXe siÚcle (helpmekaar, reddingsdaadbond, etc.).

AfriForum devint en quelques annĂ©es la plus importante organisation afrikaner d'Afrique du Sud en nombre de membres (environ 7% de la population afrikaner est affiliĂ©[4]) tandis que le rĂ©seau SolidaritĂ© comptait pour sa part 340 000 membres en 2015[5].

Composition et organisation

Ernst Roets, vice-président d'AfriForum

Comprenant une quinzaine de filiales locales, AfriForum est un mouvement prĂŽnant la dĂ©centralisation. L'organisation est dotĂ©e d’une charte des droits civils Ă©tablissant des droits fondamentaux pour les minoritĂ©s (Ă  commencer par la minoritĂ© afrikaans) et dont la protection est estimĂ©e indispensable, dans le cadre constitutionnel, pour le dĂ©veloppement de communautĂ©s autosuffisantes en Afrique du Sud[6]. Pour AfriForum, protĂ©ger les minoritĂ©s permet de se prĂ©munir d'une Ă©ventuelle tyrannie de la majoritĂ© et de garantir l'autosuffisance des communautĂ©s. L’organisation a ainsi dans ce cadre dĂ©veloppĂ© toute une gamme de prestation de services alternatifs visant Ă  se substituer aux institutions Ă©tatiques ou municipales dĂ©faillantes et Ă  faciliter les actions de groupe ou la production de rapport ou d'Ă©tudes thĂ©matiques[6].

Selon les dirigeants d'AfriForum, ses membres affiliés sont trÚs majoritairement des Afrikaners (90% en 2015[6]).

L'ONG comprend plusieurs dĂ©partements sectoriels dont un dĂ©partement consacrĂ© aux enquĂȘtes et poursuites judiciaires (comprenant 200 avocats) pouvant se porter partie civile et ester en justice. DirigĂ© depuis 2017 par Gerrie Nel, ancien procureur de l'État[7], il a notamment permis Ă  AfriForum d'Ă©tendre son action au-delĂ  des prĂ©occupations spĂ©cifiques de la communautĂ© afrikaans pour traiter des affaires d'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral comme la lutte contre les violences, contre la criminalitĂ©, la corruption, le braconnage, les squats et pour la dĂ©livrance des prestations de service (eau, Ă©lectricitĂ©, etc.).

Chaque année, l'ONG publie un rapport.

Ses principaux dirigeants sont Kallie Kriel (CEO) et Ernst Alex Roets (vice-président).

Le siÚge social de l'ONG est situé Union Street, quartier de Kloofsig, à Centurion.

Interventions d'AfriForum

RĂ©forme agraire

AfriForum intervient d'abord sur des sujets concernant la communauté afrikaans comme les projets de réforme agraire, en particulier contre les expropriations sans compensation[8] - [9].

En 2018, dans le cadre de ce dĂ©bat sur les terres, et sur la constatation partagĂ©e de l'existence d’intĂ©rĂȘts mutuels, AfriForum conclut des accords de coopĂ©ration pour la dĂ©fense de la propriĂ©tĂ© fonciĂšre avec d'une part le roi zoulou, Goodwill Zwelithini kaBhekuzulu[10], et d'autre part Patrick Lekota, le chef du CongrĂšs du peuple pour rĂ©aliser des campagnes communes contre les projets gouvernementaux d'expropriations des terres sans compensation[11] - [12] - [13].

Au niveau régional, AfriForum a défendu une vingtaine de fermiers blancs expropriés au Zimbabwe et obtenu gain de cause contre le gouvernement du Zimbabwe devant les tribunaux d'Afrique du Sud[14] - [15].

Campagnes nationales et internationales sur les attaques de fermes

Afriforum mÚne des actions de lobbying international[16], en particulier concernant les attaques de fermes, sujet sur lequel l'organisation a concentré, en Afrique du Sud, une partie importante de ses campagnes depuis 2013 au cÎté de la défense de l'afrikaans et de la lutte contre les politiques de discrimination positive.

Dans son rapport intitulĂ© « The Revival of Racial Classification in Post-Apartheid South Africa » et prĂ©sentĂ© en 2012 au Forum sur les questions relatives aux minoritĂ©s des Nations-unies, AfriForum affirme que les Afrikaners et les Blancs sud-africains de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, sont « continuellement prĂ©sentĂ©s par le gouvernement comme les boucs Ă©missaires de tous les maux qui frappent le pays » et dĂ©nonce les dĂ©clarations de certains dirigeants de l'ANC tels que ceux de Ronald Lamola affirmant que « la sĂ©curitĂ© des Afrikaners ne peut ĂȘtre garantie Ă  moins qu'ils ne rendent leur terre sans demander de compensation »[17] - [18] - [19]. L'annĂ©e suivante, Afriforum dĂ©pose un nouveau rapport au forum des Nations-unies sur le sujet et dĂ©plore que le gouvernement sud-africain considĂšre les attaques de fermes comme un type de crime normal et non un crime de type unique, en raison notamment de leur violence et de l’isolation des fermes, qui nĂ©cessiterait, selon AfriForum des mesures spĂ©cifiques comme dans le cas de la lutte contre le braconnage[19].

Depuis , AfriForum est enregistrĂ© auprĂšs du Conseil Ă©conomique et social des Nations unies (ECOSOC), en tant qu’ONG dotĂ©e d’un statut consultatif spĂ©cial, et entend participer aux dĂ©bats internationaux relatifs aux expropriations sans compensation, aux attaques de ferme, Ă  la corruption et aux droits des minoritĂ©s[20].

Culture et Ă©ducation : le paradigme afrikaans

Rassemblement d'AfriForum Ă  Pretoria en 2008

AfriForum s'engage rĂ©guliĂšrement dans la dĂ©fense des toponymes afrikaans, comme durant les annĂ©es 2005-2015 pour conserver le nom de Pretoria et contre l'adoption de nouveaux noms pour ses rues[21]. En 2020, il objecte Ă  tout retrait de l'espace public des statues et de diverses Ɠuvres d'art coloniales ou de l'Ă©poque d'apartheid commĂ©morant l'histoire sud-africaine, et en particulier celle des Afrikaners, ainsi qu'au projet de les concentrer dans un parc Ă  thĂšme sur le modĂšle du Memento Park de Budapest.

Dans le secteur Ă©ducatif, l'organisation dĂ©nonce un processus d’uniformisation linguistique des universitĂ©s au profit de l'anglais et fait campagne pour promouvoir le droit des minoritĂ©s ethnolinguistiques du pays Ă  un enseignement dans leur langue maternelle[22] et maintenir l'enseignement en afrikaans dans les universitĂ©s sud-africaines historiquement de langue afrikaans[16].

Environnement, biodiversité et développement durable

Sur le plan environnemental, AfriForum s'est prononcé contre la fracturation hydraulique et s'est joint à d'autres groupes de pression pour s'opposer à la délivrance par le gouvernement de licences d'exploration de gaz de schiste dans le désert du Karoo[23].

L'organisation a également participé aux poursuites judiciaires contre les auteurs de braconnage de rhinocéros et contre le commerce des cornes de rhinocéros[24].

Lutte contre la corruption

Sous la pression des enquĂȘteurs et des avocats d'AfriForum, des poursuites ont Ă©tĂ© engagĂ©es par l'État contre Jacob Zuma et les frĂšres (Atul, Rajesh et Ajay) Gupta[25] - [26], soupçonnĂ©s de corruption et de pots-de-vin pour obtenir des contrats gouvernementaux.

En 2020, le gouvernement du Botswana a mandatĂ© AfriForum afin de le reprĂ©senter dans l'affaire de blanchiment d'argent impliquant la femme d'affaires Bridgette Motsepe-Radebe, Ă©pouse de Jeff Radebe et belle-sƓur du PrĂ©sident Cyril Ramaphosa[27] - [28] - [29].

Affaires communautaires et gouvernements locaux

Dans le cadre de son programme d'encouragement à l'autonomie des communautés sud-africaines, AfriForum a pu, à plusieurs reprises, ester en justice contre les municipalités afin que celles-ci pourvoient aux prestations de services auxquelles ont droit les résidents (droit d'accÚs à l'eau potable et à l'électricité notamment)[30] - [31] - [32]. AfriForum a également assisté diverses communautés dans des affaires de squats [33] - [34] - [35] - [36] - [37] ou sur des affaires d'arrestations supposées arbitraires et de soupçon de maltraitance sur enfant par des fonctionnaires municipaux[38] - [39].

Criminalité et violences

En 2016, dans le cadre du débat sur la lutte contre la criminalité en Afrique du Sud, AfriForum a publié avec l'Institut sud-africain des relations raciales un rapport intitulé Gagner la guerre contre le crime en Afrique du Sud: une nouvelle approche de la police communautaire dans lequel les deux organisations proposent des solutions locales, reposant sur des partenariats entre police, les communautés et les sociétés de sécurité privées[40] - [41].

Se substituant Ă  plusieurs reprises Ă  l'autoritĂ© nationale des poursuites (NPA)[42], le parquet sud-africain, rĂ©guliĂšrement critiquĂ© dans les mĂ©dias pour sa proximitĂ© avec le pouvoir, en particulier lors de la prĂ©sidence de Jacob Zuma[7], le dĂ©partement de poursuites judiciaires d'AfriForum a Ă©tĂ© Ă  l'initiative de plusieurs poursuites civiles ou pĂ©nales contre des personnalitĂ©s locales ou rĂ©gionales. Ainsi, au nom de Gabriella Engels, AfriForum s'est portĂ© partie civile contre Grace Mugabe, la premiĂšre dame du Zimbabwe, accusĂ©e d'avoir agressĂ© dans un hĂŽtel de Sandton cette jeune mannequin sud-africaine[43] - [44](son immunitĂ© diplomatique, accordĂ©e par le gouvernement sud-africain, sera finalement levĂ©e par un tribunal sud-africain, un mandat d'arrĂȘt prononcĂ©[45] - [46] mais le dossier bloquĂ© par le ministĂšre sud-africain de la justice[47]). Ce dĂ©partement d'AfriForum a aussi constamment fait pression pour relancer les poursuites qui ont abouti Ă  l'arrestation de suspects dans le meurtre de Senzo Meyiwa, l'ancien gardien de but des Orlando Pirates [48] - [49] - [50]. AfriForum a Ă©galement Ă©tĂ© Ă  l'initiative, au nom des familles des victimes et Ă  la place du parquet, d'une plainte au civil pour homicide involontaire contre Duduzane Zuma, le fils du prĂ©sident Jacob Zuma[51] - [52] finalement relaxĂ©[53].

À l'inverse, le dĂ©partement des enquĂȘtes et des poursuites judiciaires d'AfriForum, agissant en qualitĂ© de dĂ©fenseur, a obtenu en appel l'acquittement de deux fermiers blancs, accusĂ©s du meurtre d'un adolescent noir de Coligny[54].

AfriForum Jeug (aile jeunesse)

L'aile jeunesse d'AfriForum se nomme AfriForum Jeug et est active au sein des universités sud-africaines. AfriForum Jeug s'est prononcée pour le droit à l'enseignement dans sa langue maternelle, contre l'ingérence politique dans les affaires étudiantes et contre les politiques de discrimination positive dans les universités. Le mouvement a été particuliÚrement actif à l'Université de Pretoria à partir de 2016, lors des manifestations contre l'abandon de l'afrikaans comme langue officielle d'enseignement au profit de l'anglais[55] - [56] - [57]. En 2012, elle a exprimé sa solidarité avec le South African Progressive Civic Organisation (Sapco) de la communauté Khoisan en tant que groupe ethnique minoritaire[58].

En , huit étudiants d'AfriForum Jeug ont été suspendus en premiÚre instance pour des infractions au protocole électoral lors des élections du Conseil des représentants des étudiants de l'Université de Stellenbosch[59], suspension qui, in fine, a été annulée en appel[60].

Critiques

Les interventions et les motivations d'AfriForum sont contestées, en particulier par la ligue de jeunesse du CongrÚs national africain qui l'accuse de suprémacisme blanc et de vouloir défendre des « privilÚges de Blancs »[61] mais aussi par d'autres opposants politiques tels que Julius Malema, que l'ONG a déjà fait condamner pour des propos haineux[62] et qu'elle poursuit de nouveau en 2020[63], par le mouvement Black First Land First, qui considÚre AfriForum comme l'ennemi du peuple noir[64], mais aussi par des membres de la communauté universitaire et du secteur des médias.

En 2012, la Commission pour la promotion et la protection des droits des communautés culturelles, religieuses et linguistiques critique la campagne d'AfriForum intitulée (en anglais) « Save Afrikaans schools »[65] mise en place à la suite de la décision du Département de l'éducation de base du Gauteng de contraindre trois écoles de langue afrikaans de Fochville à renoncer à leur statut d'écoles de langue afrikaans[66] - [67].

Pour Ferial Haffajee, journaliste et rĂ©dacteur en chef Ă  City Press en 2010, AfriForum est un « excellent groupe de pression dotĂ© d'un sens de la stratĂ©gie et de la tactique » mais il doit sortir de son laager et apprendre le partage avec les autres communautĂ©s. Soulignant que les Afrikaners ont bĂ©nĂ©ficiĂ© aussi par le passĂ© d'un systĂšme particulier de quotas (l'apartheid), elle trouve Ă©tonnant que les mĂȘmes s'offusquent des politiques de discrimination positive mises en place au profit des autres communautĂ©s, qui sont aussi l'une des consĂ©quences de la rĂ©conciliation et de la paix raciale nĂ©gociĂ©e au dĂ©but des annĂ©es 90[68]. Pour Hein Willemse, ancien militant anti-apartheid et professeur de littĂ©rature afrikaans Ă  l’UniversitĂ© de Pretoria, « Afriforum, c’est un Etat parallĂšle, c’est un Etat dans l’Etat »[43], des « nationalistes et des opportunistes qui cherchent Ă  dĂ©fendre les intĂ©rĂȘts blancs » et instrumentalisent l’afrikaans dans ce but[43]. Le journaliste Pieter du Toit abonde sur cette puissance parallĂšle quasi-institutionnelle d'AfriForum, une « organisation riche », influente et « idĂ©ologiquement cohĂ©rente » qu'il compare Ă  une variante sud-africaine de l'alt-right amĂ©ricaine notamment pour ce qu'il considĂšre ĂȘtre son biais ethnique, sa « mĂ©fiance envers le gouvernement » ou encore pour l'hostilitĂ© qu'elle aurait envers l'immigration et « les valeurs libĂ©rales ou progressistes »[69].

Pour Somadoda Fikeni, analyste politique de l'Université d'Afrique du Sud, AfriForum est d'autant plus sensible aux thématiques touchant à la langue afrikaans et à l'agriculture que c'est autour de ces deux thÚmes que la nation afrikaner s'est construite[70]. Y toucher provoque une crise existentielle pour cette partie de la population sud-africaine que représente AfriForum et qui se sent assiégée (mentalité du laager)[70]. Ne pouvant se résoudre à un changement de paradigme, elle se replie sur la défense de ses privilÚges, s'opposant alors à des redistributions qu'elle estime injuste et que d'autres estiment nécessaires pour pouvoir remédier aux torts du passé[70].

Avant de tenir des propos plus nuancĂ©s en 2021 et souhaiter davantage d'organisations comme AfriForum et SolidaritĂ© pour pallier les dĂ©ficiences des services publics dans les communautĂ©s[71], l'Ă©ditorialiste Max du Preez, qui fut le fondateur de Vrye Weekblad, qualifiait AfriForum de mouvement « politique identitaire rĂ©actionnaire », dominant totalement le discours sociopolitique des Afrikaners et qu'il Ă©tait difficile, pour un Afrikaner, de critiquer sans se faire « diaboliser, insulter, rabaisser et mĂȘme menacer »[72]. Il mentionnait un niveau d'intolĂ©rance chez les partisans d'AfriForum que l'on ne retrouvait ailleurs que chez les militants des Economic Freedom Fighters[72]. Ainsi, en 2018, une professeur en droit immobilier et foncier de l'universitĂ© du Nord-Ouest, Elmien du Plessis, qui avait contestĂ© le bienfondĂ© de la campagne d'AfriForum menĂ©e aux États-Unis sur les attaques de fermes, est l'objet, avec sa famille, de menaces anonymes aprĂšs qu'Ernst Roets lui ait rĂ©pondu et l'ait fortement mise en cause, voire indirectement menacĂ©e, dans une vidĂ©o publiĂ©e sur YouTube[73] - [74]. Dans un autre cas, survenu en 2016, AfriForum est dĂ©boutĂ© par la Haute Cour du Cap-Occidental de sa demande visant Ă  supprimer un message publiĂ© par un activiste local, Johan Pienaar, mentionnant sur Facebook que l'organisation soutiendrait, menacerait ou inciterait au viol aprĂšs que certains de ses partisans aient menacĂ© d'agresser ou de violer des militantes des Economic Freedom Fighters qui, dans le cadre d'une campagne de sensibilisation sur la culture du viol, avaient tentĂ© de mettre Ă  bas la statue de Jan Marais Ă  l’universitĂ© de Stellenbosch. Le juge dĂ©bouta AfriForum au nom de la libertĂ© d'expression, estimant que les rĂ©seaux sociaux avaient droit Ă  une certaine latitude pour dĂ©crire une confrontation entre AfriForum et d'autres Ă©tudiants sur le campus[75] - [76] - [77].

Tout en reconnaissant le professionnalisme et l'expertise d'AfriForum, ainsi que son influence dominante au sein de la communauté afrikaner, Frans Cronje, qui coopÚre par ailleurs souvent sur certaines thématiques communes avec l'ONG au titre de l'institut sud-africain des relations raciales (SAIRR), déplore toutefois les tentations hégémoniques et les pressions destabilisatrices des dirigeants ou de certains dirigeants d'AfriForum et du mouvement Solidarité vis à vis des autres organisations et think tanks sud-africains tels que SAIRR, pour que ces derniers s'alignent derriÚre leur vision politique et sociale de l'Afrique du Sud[78].

Les dirigeants, ou certains dirigeants, d'AfriForum ont aussi Ă©tĂ© accusĂ©s de nostalgies envers l'apartheid et de nier les crimes commis pour sa mise en Ɠuvre. Ernst Roest a rĂ©pondu que son organisation condamnait l'apartheid et toutes les discriminations et atrocitĂ©s commises durant la pĂ©riode oĂč cette politique Ă©tait appliquĂ©e mais, citant Alan Paton, rĂ©fute, toute similitude possible avec des crimes contre l'humanitĂ© comme ceux commis sous le nazisme, arguant notamment qu'il n'y avait eu aucun gĂ©nocide de la population noire d'Afrique du Sud menĂ© par le gouvernement de l'État sud-africain[79]. Dans le cadre de ces accusations, Kallie Kriel a remportĂ© en 2019 son procĂšs en diffamation contre Andile Mngxitama, du mouvement Black First Land First, qui l'accusait notamment de tenir des propos haineux et nostalgiques de l'apartheid[64] - [80].

Les cas de « Fake news »

Les services juridiques d'AfriForum saisissent rĂ©guliĂšrement le mĂ©diateur de presse lorsque l'ONG estime ĂȘtre victime de diffamation par voie de presse afin d'obtenir un droit de rĂ©ponse ou le plus souvent la condamnation dĂ©ontologique de l'Ă©diteur et la publication d'excuses publiques. Ainsi, des articles de presse ont mentionnĂ© qu'AfriForum soutenait l'existence d'un « gĂ©nocide blanc » en Afrique du Sud mais cette affirmation, mainte fois relayĂ©e dans plusieurs articles de presse Ă  l'international, s'est rĂ©vĂ©lĂ©e inexacte quand elle Ă©tait attribuĂ©e Ă  AfriForum[81]. À l'invitation du MĂ©diateur de presse et Ă  la suite d'une procĂ©dure contradictoire, le Mail and Guardian Ă  l'origine de cette attribution Ă  AfriForum, s'est publiquement excusĂ© auprĂšs de l'ONG pour lui avoir attribuĂ© une fausse dĂ©claration ainsi que pour « les dommages Ă©ventuels que cela pouvait causer Ă  sa rĂ©putation »[82] - [83]. Dans une autre procĂ©dure, le mĂ©diateur, constatant une grave violation du code dĂ©ontologique, contraint le Huffington Post (et son rĂ©dacteur en chef Pieter du Toit) Ă  publier des excuses publiques auprĂšs d'AfriForum pour lui avoir faussement attribuĂ© des propos et des actions tenus par une organisation distincte (Solidariteit)[84]. Le journal News24 a Ă©galement Ă©tĂ© contraint par l'Ombudsman de publier des excuses Ă  AfriForum pour une prĂ©sentation erronĂ©e des propos du vice-prĂ©sident d'AfriForum[85]. En , City Press (News24) est contraint de formuler des excuses publiques pour un autre cas de fake news, en l’occurrence un article de Mondli Makhanya mentionnant notamment qu'AfriForum portait devant l'opinion publique internationale l'accusation selon laquelle le gouvernement sud-africain de l'ANC voulait saisir toutes les terres appartenant aux blancs et commettre un gĂ©nocide[86].

Entités créées par AfriForum

  • De Goede Hoop, rĂ©sidence universitaire privĂ©e, chrĂ©tienne et afrikaans pour les Ă©tudiants et Ă©tudiantes de l'UniversitĂ© de Pretoria, crĂ©Ă©e par AfriForum en 2017 ;
  • Forum Films, une sociĂ©tĂ© de production de court, moyens et longs mĂ©trages en afrikaans pour la tĂ©lĂ©vision et le cinĂ©ma, lancĂ© officiellement le ;

Articles connexes

Notes et références

  1. Herman Giliomee, The Afrikaners: Biography of a People, Cape Town: Tafelberg, 2012, p 692
  2. Dan Roodt, Die oorlog teen Afrikaans is deel van die volksmoord, Praag.co.za, 1er novembre 2015
  3. Herman Giliomee, The Afrikaners: Biography of a People, Cape Town: Tafelberg, 2012, (ISBN 978-1849041485) p. 715
  4. Joanie Thibault-Couture, Le Solidarity Movement et la restructuration de l’activisme afrikaner en Afrique du Sud depuis 1994, UniversitĂ© de MontrĂ©al, 2017, p 22
  5. Esté Meyer Jansen, Toekomsberaad: Doenplanne wat sal werk., Maroela Media, 2015
  6. Joanie Thibault-Couture, « Un peuple se sauve lui-mĂȘme ». Le Solidarity Movement et la restructuration de l’activisme afrikaner en Afrique du Sud depuis 1994, UniversitĂ© de Montreal, 2017, p 194-203
  7. Le procureur qui a jugé Pistorius change de métier, Tribune de GenÚve, 31 janvier 2017
  8. « AfriForum slams Zuma land comments » [archive du ], sur web.archive.org, Times LIVE,
  9. CĂ©dric Gouverneur, « En Afrique du Sud, la terre n’éponge pas le sang », sur Le Monde diplomatique,
  10. South Africa's Zulu king, civil rights group to form farming partnership, Reuters, 9 octobre 2018
  11. AfriForum, COPE team up to fight land expropriation without compensation, ENCA, 10 septembre 2018
  12. COPE et AfriForum travaillent ensemble sur la terre, Nico van Burik in Landbou.com, 11 septembre 2018
  13. Cope defends controversial partnership with AfriForum, Baldwin Ndaba in IOL, 24 décembre 2018
  14. Afriforum wins first round in Zimbabwe case, IOL, 14 janvier 2010
  15. AfriForum: Zimbabwean farmers claim billions in damages from SA government, Policy, 10 avril 2019
  16. AfriForum on a world mission to fight for minority rights, IOL, 29 janvier 2020
  17. 'Expropriation without pay not ANC policy', EWN, 6 juin 2012
  18. Hate speech charge laid against Lamola, City Press, 9 juillet 2012
  19. Joanie Thibault-Couture, « Un peuple se sauve lui-mĂȘme » Le Solidarity Movement et la restructuration de l’activisme afrikaner en Afrique du Sud depuis 1994, UniversitĂ© de Montreal, 2017, p 183 Ă  185
  20. United Nations Officially Registers AfriForum as an NGO, SA People, 4 octobre 2020
  21. 81% against Pretoria name change, News24, 14 avril 2013
  22. Afrikaans Schools Have A Right To Be Here, Huffingtonpost, 17 janvier 2018
  23. TKAG, Afriforum become anti-fracking force, Francis Hweshe in The Age, 3 décembre 2012
  24. Fury as poaching charges dropped, IOL, 5 avril 2012
  25. Gerrie Nel: AfriForum will take on state capture if NPA won't act , News24, 17 aout 2017
  26. South African rights group challenges Zuma rule on influence-peddling inquiry, Reuters, 20 février 2018
  27. AfriForum urges Justice Dept to grant Botswana assistance in Motsepe-Radebe case, EWN, 20 aout 2020
  28. AfriForum files application for Botswana authorities seeking help on Motsepe-Radebe, Polity, 20 aout 2020
  29. SA’s lack of cooperation not deterring AfriForum, Botswana in Motsepe-Radebe prosecution, Cty Press, 9 dĂ©cembre 2020
  30. AfriForum: Statement by AfriForum, minority civil organisation, brings application to retain electricity supply to Klerksdorp and Jouberton, Polity, 22 février 2013
  31. Afriforum wins fights for water, IOL, 2 octobre 2012
  32. AfriForum gets order on Madibeng, News24, 15 mars 2013
  33. « Eviction order for land invaders given go-ahead » [archive du ], sur thenewage.co.za
  34. « Pretoria land invasion case continues », sur News24,
  35. « Pretoria land invaders ordered to move », sur News24,
  36. « Bank accounts of Wallmansthal land grabber frozen - AfriForum - PARTY | Politicsweb », sur www.politicsweb.co.za
  37. « Department to hand over title deeds to Wallmansthal and Berlin mission claimants | South African Government », sur www.gov.za
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