Accueil🇫🇷Chercher

Émigration italienne

De la fin du XIXe jusqu’au milieu du XXe siècle, une importante émigration italienne se produit. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l'Italie est un réservoir à main-d’œuvre pour les pays industrialisés d'Europe, mais aussi pour les États-Unis et plusieurs pays d’Amérique du Sud. Pendant longtemps, des flux de ses migrants se sont installés de par le monde avec plus ou moins de difficulté.

Émigration italienne par régions 1876-1915

Les immigrés italiens se sont installés dans de nombreux pays, principalement en Amérique du Nord et en Amérique du Sud. Les pays secondaires de l'immigration italienne sont des pays d'Amérique centrale, mais aussi l'Australie, la Tunisie, l'Algérie, la Libye, l'Albanie, la Grèce, l'Afrique du Sud, l'Espagne, la Somalie, la Suisse, la France métropolitaine, l'Allemagne ou encore la Belgique.

Grande Ă©migration

Dès l’unité italienne accomplie, le nouveau royaume d’Italie amorce, comme d’autres puissances européennes, sa révolution industrielle. L’Italie a du mal à rattraper des pays déjà plus avancés, tels que l’Allemagne ou le Royaume-Uni, souffrant également d’un manque de matières énergétiques, notamment de charbon, essentiel durant cette période.

Date Ă  laquelle la valeur de la production industrielle
a dépassé la valeur de la production agricole
[1]
- Date à laquelle le nombre d'actifs employés dans l'industrie
a dépassé le nombre d'actifs employés dans l'agriculture
-
Drapeau du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande 1820 Drapeau du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande 1841
Drapeau du Royaume de France Royaume de France 1845 Drapeau de la Belgique Belgique 1890
Drapeau des États-Unis États-Unis 1879 Drapeau des Pays-Bas Pays-Bas 1890
Drapeau de l'Empire allemand Empire allemand 1890 Drapeau de l'Empire allemand Empire allemand 1907
Drapeau de la Norvège Norvège 1900 Drapeau des États-Unis États-Unis 1920
Drapeau de la Suède Suède 1900 Drapeau de la Suède Suède 1920
Drapeau du Danemark Danemark 1925 Drapeau du Danemark Danemark 1950
Drapeau du Royaume d'Italie Royaume d'Italie 1935 Drapeau de la France France 1954
Drapeau de l'Italie Italie 1961
Drapeau de la Finlande Finlande 1970
Drapeau de l'Espagne Espagne 1981

La transition démographique génère une surpopulation dans les campagnes ; les structures agraires de transforment ; l’Italie va connaître plusieurs grandes vagues d’émigration.

Première vague : 1880-1914, l’ouverture des principales voies de migration

L'Italie moderne a pris naissance en 1861, quand les rois de la maison de Savoie unifient la pĂ©ninsule Italienne par l'annexion des diffĂ©rents États dans lesquels l'Italie est divisĂ©e depuis des siècles. L'Italie est constituĂ©e de 15 millions d'habitants au Centre-Nord, auxquels s'ajoutent les 9 millions de l'ancien royaume des Deux-Siciles (7 de la pĂ©ninsule mĂ©ridionale et 2 de la Sicile). Ainsi, avec l'annexion des États pontificaux en 1870, l'Italie a approximativement 25 millions d'habitants (contre environ 40 millions en Allemagne et environ 30 millions au Royaume-Uni)[2]. Lors de l'unification de l'Italie, Naples - ancienne capitale du royaume des Deux-Siciles - devient la plus grande ville du pays avec 484 000 habitants, alors que Rome ne compte que 212 000 habitants. En 1900, l'Italie a un peu plus de 32 millions d'habitants.

Une grande partie de l'Italie au moment de l'unification est rurale et en 1861, presque 70 % de la population est composĂ©e d'agriculteurs. L'unification a brisĂ© le système fĂ©odal: depuis le Moyen Ă‚ge et particulièrement dans le sud, les terres Ă©taient la propriĂ©tĂ© inaliĂ©nable des aristocrates, des organisations religieuses ou du roi. La dĂ©composition du fĂ©odalisme et la redistribution des terres ne permet pas aux petits agriculteurs de vivre de leur production. Beaucoup ne disposent que de toutes petites parcelles qu'il faut diviser au cours des successions patrimoniales[3]. L'Italie ne produit pas suffisamment de denrĂ©es alimentaires, la cause principale est le manque de capitaux et leur mauvais emploi, les riches propriĂ©taires terriens, plutĂ´t que d'amĂ©liorer leurs terres, prĂ©fèrent en acquĂ©rir de nouvelles ou investir en titres, ce qui constitue le meilleur signe de progression sociale. L'impact de la politique sur la santĂ© de la population est important ; en 1880, par le manque de programmation de plans d'amĂ©nagement des zones marĂ©cageuses, 600 000 personnes sont touchĂ©es par la malaria, et, dans les campagnes du Nord, la pellagre se dĂ©veloppe, causĂ©e par la misère et la malnutrition provoquant 104 000 cas.

À partir de la fin des années 1880, l’Italie connaît notamment une grave période de crise caractérisée comme « les années les plus noires de l’économie italienne » par l’historien G. Luzzatto, provoquée par trois évènements majeurs :

  1. La rupture commerciale avec la France
  2. Une crise agricole (aggravée par la rupture précédente)
  3. Une crise immobilière et bancaire.

C’est dans ce contexte économique morose que débutent les premiers départs massifs d’Italiens vers l’étranger. En même temps poussés par les transformations socio-économiques en cours dans le nord de la péninsule italienne qui touchent surtout la propriété de la terre, une partie des paysans vont être sollicités par les mines et industries de proches pays européens déjà industrialisés comme la France, la Belgique, l’Allemagne, la Suisse ou le Luxembourg (mécanique, acier, textile)... manquant déjà de main-d’œuvre.

La direction générale de la statistique n'a commencé ses premières études statistiques officielles sur l'émigration qu'à partir de 1876. Les chiffres montrent comment l'émigration a augmenté de façon spectaculaire :

En extrapolant Ă  partir des 25 millions d'habitants de l'Italie Ă  l'Ă©poque de l'unification du pays, la fĂ©conditĂ© et la mortalitĂ©, sans prendre en compte l'Ă©migration, la population aurait dĂ» atteindre environ 65 millions en 1970 alors qu'elle n'Ă©tait, en raison de l'Ă©migration au dĂ©but du siècle, que de 54 millions[4].

Entre 1876 et 1900 on dĂ©nombre dĂ©jĂ  plus de 220 000 dĂ©parts annuels d’Italiens.

Le taux migratoire moyen qui n'est que de ‰ en 1894, va s’élever Ă  10 â€° en 1900, avant de culminer Ă  25 â€° (soit 2,5 % de la population totale) en 1913 avec près de 875 000 dĂ©parts hors des frontières[5]. En tout, de 1900 Ă  1915, ce seront plus de 8 millions d’Italiens qui quitteront le royaume[6].

L'émigration n'est pas particulièrement contrôlée par l'État. Les émigrants sont souvent entre les mains d'agents soucieux de leurs propres intérêts. Les abus conduisent à une première loi votée en 1888 pour placer les agences de l'émigration sous le contrôle de l'État[7].

La loi n.23 du crée un commissariat à l'émigration qui a pour objectif d'accorder des licences aux transporteurs, des coûts fixes de billets, un ordre aux ports d'embarquement, la surveillance des conditions de santé pour les jeunes, la mise en place d'auberges de jeunesse et d'établissements de soins, et de conclure des accords avec les pays d'accueil pour aider à prendre soin de ceux qui arrivent. Cela inclut les discussions sur la législation du travail aux États-Unis jugée discriminatoire à l'égard des travailleurs étrangers (1885) et même suspendre, pour un temps, l'émigration vers le Brésil, où de nombreux émigrants sont utilisés dans des conditions inacceptables[7]. Toutes ces mesures favorisent l'émigration.

Les mouvements d’émigration concernent presque toutes les régions, y compris les plus dynamiques, comme la Lombardie, la Ligurie, l’Italie centrale. Même si certains de ces taux sont cependant inférieurs à la moyenne, car plus peuplés, c’est ce nord italien qui fournit une part importante des migrants vers l’Europe, et le Sud vers les Amériques.

Émigration en France

Les facteurs qui ont contribué à l'émigration italienne en France sont nombreux. La France, qui a tendance à contenir la croissance de sa démographie, ne peut plus compter sur les pays limitrophes comme la Belgique ou la Suisse qui, sur le modèle français, ont un développement économique supérieur à l'Italie[8]. La France, dont le développement est plus précoce, a besoin pour soutenir son développement industriel et colonial d'une main d'œuvre importante. La proximité territoriale constitue un atout supplémentaire ainsi que la position de terre d'accueil que la France a traditionnellement tenue à l'égard des réfugiés politiques.

La première vague d'émigration italienne remonte à la fin du XIXe siècle, notamment en Savoie, avec l'arrivée de paysans en provenance du Frioul, du Piémont, de Gênes. Après la Première Guerre mondiale, une nouvelle vague est formée de migrants chassés par la pauvreté, et de réfugiés politiques. Des heurts avec la population existent (notamment en raison de la hausse du chômage dans les années 1930). La dernière vague s'installe dans les années 1950 et 1960.

C'est l'Italie septentrionale qui fournit le plus gros de la main-d'Ĺ“uvre et particulièrement le PiĂ©mont avec 30 % des migrants, suivi de la Lombardie (20 %) et de l'Émilie-Romagne (10 %). Les principales zones d'implantation se trouvent Ă  proximitĂ© des frontières, les Alpes-Maritimes (20 %), le Var (10 %) et les Bouches-du-RhĂ´ne (12 %) qui avec la Corse reprĂ©sentent le tiers de la population italienne. Le deuxième pĂ´le est constituĂ© des dĂ©partements proches de la zone alpine avec le RhĂ´ne, la Savoie, Haute-Savoie et l'Isère. Le troisième pĂ´le est la Seine qui compte 24 000 Italiens en 1896. Ce n'est qu'après la Première Guerre mondiale que de nouvelles rĂ©gions attirent des Ă©migrants: la Lorraine, le Nord-Pas-de-Calais, le Sud-Ouest (Lot-et-Garonne et Gers notamment)[9].

En 1900, les Italiens dépassent pour la première fois le nombre de Belges et en 1911 ils deviennent le premier groupe d'étrangers en France. À cette date, ils constituent 36 % des émigrés et 1 % de la population française[10].

En 2008, environ quatre millions de Français ont des origines italiennes[11].

Dans le chapitre intitulé « Mobilité et réussite sociales » de son Voyage en Ritalie, Pierre Milza cite les nombreux « Italiens et descendants d'Italiens ayant fait souche en France [qui] se sont illustrés et ont illustré leur pays d'adoption[12] ». Il ouvre son chapitre sur la définition donnée par le Who's Who in France pour définir ces personnalités : ce sont celles qui du fait de leur « notoriété, honorabilité, mérite, talent, compétence, contribuent à l'activité et au rayonnement de la France », et il évoque au fil des pages la présence notable de ces personnalités qui « constituent une fraction [...] de l'establishment hexagonal[12] » dans les domaines des arts, des lettres, du spectacle, des sports, de la politique, ou de l'industrie, et revendiquent leur « italianité », leurs origines italiennes ou franco-italiennes, en même temps que leur attachement à la culture française.

Présence italienne en France

Émigrations transatlantiques

Au milieu des annĂ©es 1880, plus de 50 % des dĂ©parts se font vers le continent amĂ©ricain, dont les 3 principales destinations sont essentiellement les États-Unis, mais aussi le BrĂ©sil et l’Argentine. Les habitants du Mezzogiorno sont les principaux migrants Ă  tenter l’aventure outre-Atlantique, avec près de 70 % des dĂ©parts vers les AmĂ©riques entre 1900 et 1914.

Émigrés italiens – moyennes annuelles
date Total Destinations transocéaniques Pourcentage
1886-1890 221 669 131 005 59
1891-1895 256 510 147 443 57 %
1896-1900 310 434 161 901 52 %
1901-1904[13] 510 012 ... ...
1905-1907 739 661 458 303 62 %
1908 486 674 228 573 47 %
1909-1913 679 152 404 942 60 %
1914 459 152 233 214 51 %
États-Unis
Italiens dans Mulberry Street, Manhattan : une des rues de la Little Italy.

Aux États-Unis, bon nombre d’entre eux ne pensent pas rester bien longtemps : 20 % à 30 % rentreront en Italie. Ils sont contraints à accepter les postes les plus pénibles physiquement et les plus dangereux. Ils vivent dans des conditions que des Américains eux-mêmes n'auraient jamais tolérées. Dans les années 1890, les Italiens représentent 90 % des employés des travaux publics de la ville de New York et la moitié d'entre eux sont manutentionnaires. Or 60 % de ces ouvriers étaient d'anciens agriculteurs ou métayers habitués à des travaux difficiles, comme l'a montré une étude menée en 1903 pour la ville de New York.

L'arrivée massive d'Italiens engendre une vague de violence parmi les Américains établis depuis plus longtemps sur le territoire, répondant selon eux, à des stéréotypes (on les dit sales, illettrés, dangereux, agitateurs, anarchistes, etc.). Après l'assassinat du chef de la police de La Nouvelle-Orléans par un membre de la Mafia, en , des Italiens sont au centre de manifestations un peu partout dans le pays. Dès lors, les États-Unis commencent à s'interroger sur les problèmes liés à l'immigration de populations, notamment du Sud et de l’Est de l’Europe.

Brésil

Au BrĂ©sil, entre 1870 et 1920 ce mouvement migratoire amena près d’1,25 million de personnes, principalement dans les plantations de cafĂ© de la rĂ©gion de SĂŁo Paulo. Selon les donnĂ©es de l'ambassade d'Italie de Brasilia, 25 millions de BrĂ©siliens sont descendants d'immigrants italiens. Cette population Ă©tant considĂ©rĂ©e comme la plus importante d’oriundi (« descendants d’Italiens ») hors d’Italie.

Immigration italienne au Brésil, selon les régions d'origine (1876-1920)[14].

Migrations au sein de l’Europe industrielle

À partir de 1880, comme nous l’avons vu précédemment, les mines et industries des puissances européennes (notamment France, Belgique et Allemagne) en manque de main d’œuvre viennent puiser dans les familles paysannes sans terre, du nord de l’Italie. Ces ouvriers sans qualifications trouvent aussi dans ces pays d’autres emplois tels que les travaux routiers, les chemins de fer, le bâtiment. Ces émigrés installés en France, en Belgique, et en Allemagne, sont essentiellement dans les vallées de la Meuse et de la Moselle (France), de la Ruhr (Allemagne), en Belgique dans la Région du Centre (présence jusqu'à 70% de la population dans certaines communes) et du Borinage , ainsi que dans quelques grandes villes industrielles (Paris, Lyon, Marseille, Charleroi, Liège).

Au moment de la guerre de 1914-1918 des milliers d'Italiens émigrés en pays européens furent licenciés et nombre d'entre eux furent contraints de rentrer, souvent dans les campagnes du nord de la péninsule, où se trouvaient leurs familles, ou pour s’engager dans l’armée.

Comme le décrit François Cipollone dans une conférence à l’occasion du festival de la Géographie de Saint-Dié : « Ce retour massif vers la patrie où certains sont revenus pour s'enrôler dans l'armée, rappelaient à beaucoup de concitoyens que s'ils étaient des transnationaux ils n'étaient pas des apatrides. Ils étaient « l'autre Italie » qui n'avait pas peu fait pour participer au développement du pays, par les rentrées de devises. On peut être à la fois citoyen du monde et citoyen de son pays, de son village. »

On Ă©value Ă  350 000 les Ă©migrĂ©s qui passèrent par la gare de Milan entre et . Cela aura pour consĂ©quence de freiner, mais non pas d’arrĂŞter, les mouvements migratoires entamĂ©s : il ne partira que 1,1 million d’Italiens durant ces quatre ans (contre 2,7 au cours des cinq annĂ©es prĂ©cĂ©dentes).

La majorité d’entre eux migreront vers les Amériques.

Certains auteurs ont pu mettre en Ă©vidence une arrivĂ©e de capitaux dans la pĂ©ninsule, due Ă  l’argent Ă©pargnĂ© par les Ă©migrants. Ainsi entre 1891 et 1900, plus de 249 millions de lires sont rapatriĂ©s chaque annĂ©e.

Ces capitaux ont eu pour effet d’apporter de l’argent neuf sur le marché italien et la possibilité de donner au pays non seulement les moyens de maintenir ses exportations, sans accroître démesurément le déséquilibre de sa balance de payements, mais de renforcer indirectement la valeur de la lire sur les marchés financiers internationaux.

Des efforts de limitation de l’immigration et de l’émigration italienne dans le monde

L'émigration italienne dans les années 1930

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les immigrĂ©s italiens europĂ©ens qui Ă©taient retournĂ©s chez eux durant le conflit reviennent avec leur famille, souvent agrandie entre-temps. D’autres familles italiennes les suivent, s’installant aux mĂŞmes endroits que les migrants de la première vague, Ă  proximitĂ© des industries et mines d’Europe du Nord, devant faire face Ă  la reconstruction et Ă  une disparition de main-d’œuvre dues Ă  4 annĂ©es de conflits, mais aussi dans les campagnes comme paysans, notamment dans le Midi de la France.

Aux États-Unis, le Congrès vote le Quota Act selon lequel ne sont autorisés à immigrer aux États-Unis que 3 % des nationalités présentes sur le sol américain en 1910. En 1924, le Congrès renforce cette loi en votant le National Origins Act, selon lequel ne sont autorisés à immigrer que 2 % de chaque communauté telle qu'elle était en 1890. Cette loi a été promulguée pour éviter l'immigration massive de populations en provenance du Sud et de l'Est de l'Europe.

L’arrivée du Fascisme au pouvoir en Italie aura pour effet de couper les liens avec certains pays d’accueil comme le Brésil. Dans le même temps le gouvernement de Benito Mussolini se met à contrôler les mouvements de population du pays.

Mussolini rĂ©glemente et encadre tout mouvement migratoire interne et externe ; il encourage les naissances et prĂ´ne le retour Ă  la mère patrie. MĂŞme avec une politique de prestige et d'armement censĂ©e relancer l’économie italienne, il ne rĂ©ussit pas Ă  arrĂŞter ces flux de populations. Ainsi, tout cet arsenal n'empĂŞche pas le dĂ©part de près de 2,6 millions d'Ă©migrants dont beaucoup d'opposants au rĂ©gime fasciste, surtout au dĂ©but du rĂ©gime.

Face Ă  la fermeture de frontières comme celles des États-Unis ou le BrĂ©sil (avec la politique « anti-migratoire du Fascisme »), ces migrants rĂ©ajustent leurs stratĂ©gies et s'en vont vers des pays tels que la France et l'Argentine qui leur restent ouverts. Ces deux pays accueilleront respectivement 45 % et 20 % des Ă©migrĂ©s italiens durant l’entre-deux-guerres. En France ils sont plus de 800 000 ressortissants italiens Ă  ĂŞtre comptabilisĂ©s lors du recensement de 1931.

Durant la crise des années 1930, les industries licencient massivement, certain(e)s régions/pays renvoient des immigrés italiens de leur sol. D’autres s’adaptent, comme en Moselle, où, malgré la récession, une partie d’entre eux restent pour travailler sur la ligne Maginot.

Avec le dĂ©but de la Seconde Guerre mondiale, un grand nombre d’émigrants installĂ©s en Europe vont devoir retourner dans leurs familles en Italie : on comptera ainsi près de 150 000 Italiens revenus de France. Mais, durant cette pĂ©riode, des navires continuent, depuis les ports de GĂŞnes ou Naples, Ă  alimenter l'immigration aux États-Unis, bien que devenue plus restrictive.

À partir de 1945 ; dernière grande vague de migration italienne

Au sortir de la guerre, l’Italie est le seul pays dĂ©veloppĂ© qui n’a pas achevĂ© sa transition dĂ©mographique. Ainsi, elle bĂ©nĂ©ficie d’une main d’œuvre nombreuse, mais aussi mieux formĂ©e qu’au dĂ©but du siècle, restant souvent inactive. Alors que tous les autres pays sont Ă  l’heure de la reconstruction, cette main-d’œuvre italienne commence Ă  ĂŞtre prisĂ©e dans les autres pays europĂ©ens mais aussi en Argentine. L’État Italien essayera de « vendre » ses Ă©migrĂ©s aux plus offrants. Par exemple, avec la Belgique oĂą, le , fut signĂ©, Ă  Rome, le protocole d'accord Ă©conomique entre l'Italie et la Belgique, prĂ©voyant l'envoi de 50 000 travailleurs italiens contre l'approvisionnement de trois millions de tonnes de charbon annuel ou encore avec l'Allemagne en 1955 par lequel est pris le mĂŞme type d'engagement en matière de migration ce qui amène presque 3 millions d'Italiens Ă  passer la frontière pour chercher fortune.

Ces accords font changer en partie les trajectoires de migrations de l'après-guerre, les destinations extra européennes s'effondrant : les États-Unis n'acceptant, à partir des années 1950, que le regroupement familial et l'Amérique latine étant en pleine crise économique et politique.

La France, Ă  elle seule, reçoit jusqu’au milieu des annĂ©es 1970 1,8 million d'immigrĂ©s italiens : elle est devenue, Ă  partir des annĂ©es 1930, le premier pays d'accueil. Les Italiens dans ce pays sont maintenant « invisibles » : « ils sont accueillis comme des cousins un peu turbulents, mais frĂ©quentables ». Mais ce pays est dĂ©laissĂ© progressivement pour d’autres destinations telle que l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg ou la Suisse, oĂą les conditions de travail et les salaires sont meilleurs. L’Italie des annĂ©es 1950 connaĂ®t dans le mĂŞme temps un « boom Ă©conomique » sans prĂ©cĂ©dent (les Trente Glorieuses) avec tout d'abord des produits italiens bon marchĂ© favorisĂ©s par des salaires faibles et les dĂ©buts de l’ouverture europĂ©enne. Ă€ partir de 1975 les immigrants deviennent plus nombreux que les Ă©migrants.

Au dĂ©but du XXIe siècle, 600 000 citoyens italiens de quatrième gĂ©nĂ©ration sont prĂ©sents en Allemagne surtout d'origine sicilienne, calabraise et des Pouilles alors qu'ils sont 500 000 en Suisse auquel s'ajoutent des VĂ©nitiens et des Émiliens[15]. Beaucoup ont un double passeport et la possibilitĂ© de voter dans les deux pays.

En Belgique et en Suisse, la communauté italienne reste la plus importante représentation étrangère bien que beaucoup soient rentrés en Italie à la retraite et souvent les enfants et petits-enfants sont restés dans le pays de naissance où ils ont désormais leurs racines.

Migrations internes

Les migrations internes sont nombreuses au cours des années 1950 et 1960, elles sont essentiellement de deux types :

  1. Le déplacement des jeunes des campagnes vers les villes pour des raisons estudiantines.
  2. Le déplacement vers le triangle industriel du Nord-Ouest par des jeunes hommes ayant un faible niveau d'étude. Les femmes migrent dans un second temps suivant le principe du regroupement familial.

Depuis 1995, le SVIMEZ (Institut pour le développement du Mezzogiorno, sud du pays) commence à observer une reprise des migrations internes. L'origine des flux est toujours le Mezzogiorno mais la destination est maintenant le Nord-Est et une partie du centre du pays. Les régions les plus ciblées sont la Lombardie orientale, la Vénétie, L'Émilie-Romagne, la Toscane et l'Ombrie.

Populations ayant des ascendants d'origine italienne

Populations de nationalité italienne vivant à l'étranger

Anti-italianisme lié à l'immigration

Le phénomène d'« italophobie » est surtout présent dans les pays Amérique du Nord et d'Europe septentrionale caractérisés par une importante immigration italienne destinée à couvrir les secteurs économiques considérés comme pénibles, comme celui des mineurs que les habitants des pays concernés refusent pour des raisons sanitaires et de convenances sociales.

Quelques exemples dans l'histoire

  • En 1890 Ă  La Nouvelle-OrlĂ©ans onze Italiens sont lynchĂ©s, tous Siciliens, accusĂ©s d'avoir tuĂ© le chef de la police urbaine David Hennessy (en)[22].
  • En Aigues-Mortes est le théâtre d'un conflit entre ouvriers français et italiens employĂ©s dans les marais de Peccais (marais salant), qui se termine par huit morts et une cinquantaine de blessĂ©s parmi les travailleurs italiens. La tension qui s'ensuivit conduisit les deux pays sinon Ă  la guerre, en tout cas Ă  l'incident diplomatique[23].
  • Le New York Times publie le : « Nous avons dans notre ville Ă  peu près 30 000 Italiens provenant presque tous de la province de Naples oĂą jusqu'Ă  peu, le brigandage Ă©tait l'industrie rĂ©gionale. Il n'y a rien d'Ă©trange Ă  ce que ces bandits continuent leur activitĂ© d'origine ». La violence est prĂ©sentĂ©e comme un produit d'importation associĂ© Ă  la culture et Ă  la tradition des immigrants italiens[24].
  • Pendant le procès des anarchistes italiens Sacco et Vanzetti, Ă  Boston en 1927, les sentiments Ă  l'encontre des immigrants italiens apparaissent avec Ă©vidence et contribuent, sans ĂŞtre l'Ă©lĂ©ment dĂ©cisif, Ă  leur condamnation Ă  mort.

Termes utilisés pour nommer les Italiens[25]

  • Macaroni (utilisĂ© dans les annĂ©es 1950 et 1960 en Belgique contre les mineurs italiens)
  • Spaghetti
  • Spagettifresser (mangespaghetti, dans les pays de langue allemande. Fressen dĂ©signe l'animal qui dĂ©vore, c'est pĂ©joratif)
  • Los Polpettoes
  • Pizzagang
  • Garlics
  • Calzone
  • Maiser (en Suisse, mangeur de polenta, polentone)
  • Mozzarellanigger
  • Greaseball (aux États-Unis, pour la propretĂ© et la mode de la brillantine)
  • Dago (aux États-Unis, utilisĂ© pour les Latinos, de Diego ou de dagger, couteau)
  • Gino (au QuĂ©bec et Belgique FĂ©minin : Gina)
  • Guido (au QuĂ©bec. FĂ©minin : Guidette)
  • Goombah (dans la zone de New York, de l'italien compare, Ă  travers le dialecte cumpĂ )
  • Wop (du napolitain guappo)
  • Wog (utilisĂ© contre tous les hommes de peau sombre, mate, ou bronzĂ©e mais pas noire)
  • Itakas (en Allemagne, jeu de mots entre Italie et Ithaque qui renvoie Ă  vagabonds)
  • Rital (en France)[26]
  • Cicio (en Belgique)
  • Carcamano (au BrĂ©sil, signifie malin, voleur, l'action de surcharger la balance avec la main)
  • Tano (en Argentine, signifie Napoletano)
  • Mangiabroccoli (en Argentine)
  • Gringo (en Argentine)
  • Tschinggali (en Suisse, fin XIXe siècle, de la transcription du mot cinq, utilisĂ© dans un jeu très pratiquĂ© par les Italiens)
  • Minghiaweisch (en Suisse pour les Italiens de seconde gĂ©nĂ©ration)
  • Tony (aux États-Unis avec l'intention de mettre en Ă©vidence ce prĂ©nom très commun et faire en mĂŞme temps un jeu de mots, Antonio = Tony = TO NY traduction de Ă€ NY = celui qui va Ă€ New-York).
  • Lucchesi, Lucchesacci est le surnom donnĂ© aux Italiens par les Corses. De la ville de Lucques. L'augmentatif lucchesacci est fortement pĂ©joratif.
  • Babi Terme de la rĂ©gion marseillaise issu de l'occitan, signifiant crapaud, pour Ă©voquer les immigrĂ©s italiens et leur descendance, cette expression n'est pas forcĂ©ment apprĂ©ciĂ©e des enfants ou petits-enfants d'immigrĂ©s italiens, c'est un terme qui peut paraĂ®tre insultant… Victor Gelu Ă©voque Ă©galement les surnoms de Bachin et de Quècou (ou Cacou) pour dĂ©signer les italiens Ă  Marseille, tous deux dĂ©rivĂ©s des formes gĂ©noises des diminutifs des prĂ©noms Jean-Baptiste et François
  • Minchiati (en Belgique, mĂ©lange de minchia en sicilien et de l'interjection ti en wallon qui, Ă  l'origine, signifie « toi » mais qui est considĂ©rĂ©e comme vulgaire)
  • Piaf (surnom utilisĂ© en Suisse Ă  l'entrĂ©e des restaurants. Ex. : « interdit aux chiens et aux piafs »)

Notes et références

  1. Source : Manuel d'histoire de première, Nathan, « J. Marseille » 1997
  2. (en) Statistiques de la population italienne
  3. McDonald, J.S. (October, 1958). "Some Socio-Economic Emigration Differentials in Rural Italy, 1902-1913". Economic Development and Cultural Change 7 (1): 55-72. (ISSN 0013-0079).
  4. Sori, Ercole (1999). Guida all'Italia Contemporanea, vol 4. Comportamenti Sociali e Cultura: "Demografia e Movimenti di Popolazione". Garzanti, 32-38. ISBN.
  5. Monticelli, Giuseppe Lucrezio (Summer, 1967). "Italian Emigration: Basic Characteristic and Trends with Special Reference to the Last Twenty Years.". International Migration Review 1 (3, Special issue, The Italian Experience in Emigration): 10-24. (ISSN 0197-9183).
  6. Michèle MERGER, Un siècle d’histoire industrielle en Italie, Industrialisation et sociétés 1880-1970, Sedes, 1998
  7. Cometti, Elizabeth (December, 1958). "Trends in Italian Emigration". The Western Political Quarterly 11 (4): 820-834. (ISSN 0043-4078).
  8. Sori, 1989, 2001
  9. Carmela Maltone, « Réfugiés italiens dans le Sud-Ouest de la France (1924-1940). Mémoire et héritage », Ancrage, grand Villeneuvois, Carrefour de souffrance et d'espoir, vol. Hors-Série,‎ , p. 4–19 (lire en ligne, consulté le )
  10. Altreitalie 26 L'emigrazione italiana in Francia, un fenomeno di lunga durata, Paola Corti, UniversitĂ  di Torino
  11. « Fils de deux patries », Le Dauphiné libéré du 17 juin 2008.
  12. Pierre Milza, Voyage en Ritalie, « Mobilité et réussite sociales », pp. 435-492
  13. Données des destinations transocéaniques, non fournies par l'auteur pour ces années-là. Source : Istituti di Statistica, Somario di statistiche italienne 1861-1955, Roma
  14. Instituto Brasileiro de Geografia e Estatística (IBGE), pris à partir du site wikipédia
  15. Beaucoup d'Italiens du Nord de la péninsule ont préféré la Suisse à l'Allemagne en raison du souvenir laissé par l'occupation allemande dans cette région de l'Italie pendant la Seconde Guerre mondiale
  16. italplanet
  17. http://www.migranti.torino.it/Documenti%20%20PDF/italianial%20ster05.pdf données de 1996
  18. (en) Detailed Tables - American FactFinder
  19. (es) « “Hay condiciones para celebrar comicios transparentes el 7-O”|Embajador de Italia en Caracas asegura que el sistema electoral venezolano es confiable », Correo del Orinoco,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. (es) « Italianos celebran en Venezuela los 150 años de la Unificación - Internacional - EL UNIVERSAL », sur www.eluniversal.com (consulté le )
  21. Population résidante permanente étrangère selon la nationalité, OFS.
  22. (it) Alberto Giovannetti. L'America degli Italiani. Modena, Edizioni Paoline, 1975.
  23. Alessandro Allemano. I fatti di Aigues Mortes (Agosto 1983) e le loro ripercussioni in Monferrato. URL consultato il 16/12/2007.
  24. (it) Site sur l'Ă©migration.
  25. (it) Gian Antonio Stella. Quando gli albanesi eravamo noi.
  26. Cavanna en a fait le titre d'un ouvrage

Ouvrages

  • Jacques Barou, Europe, terre d’immigration, Flux migratoires et intĂ©gration, PUG, 2006
  • Christophe Z. Guilmoto et FrĂ©dĂ©ric SANDRON, Migration et dĂ©veloppement, La Documentation française, 2003
  • Michèle Merger, Un siècle d’histoire industrielle en Italie, Industrialisation et sociĂ©tĂ©s 1880-1970, Sedes, 1998
  • Serge Weber, Nouvelle Europe, Nouvelles Migrations, ed. Le FĂ©lin, 2007

Articles - revues

  • Salvatore Carruba, Les Roumains ne sont plus les bienvenus Ă  Rome, Courrier International, no 888, 8 au , p. 19
  • Olivier Doubre, L’Italie et l’immigration : le chemin inverse, Politis, le
  • Richard Heuze, L’Italie plus ouverte Ă  l’immigration, Le Figaro,
  • Scalabriniani, Anno XIV N.5, septembre
  • GĂ©rard Vindt, Italie, le « miracle » de l'après-guerre, Alternatives Économiques, no 171,

Articles sur le web

Voir aussi

Filmographie

  • Marcinelle, au cĹ“ur du brasier (2003), par Andrea Frazzi, Antonio Frazzi (l'Ă©migration en Belgique)
  • Itaker. Vietato agli italiani (2012) par Tony Trupia (l'Ă©migration en Allemagne)
  • Ho fatto il mio coraggio (J'ai fait mon propre courage, 2009 documentaire) par Giovanni Princigalli (l'Ă©migration au Canada - QuĂ©bec et en France)
  • Golden door (nuovo mondo) 2007 par Emanuele Crialese (l'Ă©migration aux É.U.)
  • La Sarrasine (1992) par Paul Tana avec Tony Nardi et Enrica Maria Modugno (l'Ă©migration au Canada - QuĂ©bec)
  • Good Morning Babilonia (1987) par Paolo and Vittorio Taviani (l'Ă©migration aux É.U.)
  • CafĂ© Italia (1985, documentaire) par Paul Tana (l'Ă©migration au Canada-QuĂ©bec)
  • Pane e Cioccolata (1973) par Franco Brusati avec Nino Manfredi (l'Ă©migration en Suisse)
  • Bello, onesto, emigrato in Australia sposerebbe compaesana illibata (1971) par Luigi Zampa (l'Ă©migration en Australie)
  • Sacco e Vanzetti (1971) par Giuliano Montaldo avec Gian Maria VolontĂ© (l'Ă©migration aux É.U.)
  • Il cammino della speranza (1950) par Pietro Germi avec Raf Vallone (l'Ă©migration en France)
  • Le Parrain (the Godfather) en 1972 par Francis Ford Coppola (Ă©migration aux E.U.)

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.