Écorchement
L'écorchement est une méthode de torture et d'exécution qui consiste à retirer entièrement ou une partie de la peau (épiderme, derme, hypoderme) du condamné jusqu'au fascia musculaire (enveloppe des muscles). Le bourreau incise avec un objet tranchant le dessous des pieds, le sommet du crâne ou toute autre partie du corps et tire sur la peau pour l'arracher. La chair ainsi mise à nu, le supplicié meurt après plusieurs heures.
Historique
Premier temps
Chez les Aztèques, dont le nom du dieu Xipe Totec signifie en nahuatl « seigneur des écorchés » ou « notre seigneur l’écorché », la fête du Tlacaxipehualiztli[1] impliquait d'enlever la peau des sacrifiés pour la revêtir au cours des célébrations[2].
En Chine, parmi les multiples supplices du lingchi figure l'écorchement à mort du condamné.
Lors de l’écrasement d’une révolte par le roi assyrien Assurnasirpal II, ce dernier aurait fait écorcher les chefs de la révolte et tapisser des murs avec leurs peaux. L'empereur romain Valérien aurait été écorché vif et sa peau teinte en pourpre impérial.
En décembre 1794, un chirurgien-soldat républicain aurait prélevé des peaux humaines sur des cadavres flottant dans la Loire à la suite des combats du Mans[3].
Parmi les victimes notables de l'écorchement figurent le satyre Marsyas (mythologie grecque), le juge Sisamnès (VIe siècle av. J.-C.), Saint Barthélémy (Ier siècle), les frères Philippe et Gauthier d'Aunay (XIVe siècle), le gouverneur Marcantonio Bragadin (XVIe siècle) et le sultan Muhammad al-Mutawakkil (XVIe siècle).
Science et art
Au cours du XIXème siècle, aussi bien les artistes que les scientifiques ensuite vont prendre la figure de l'écorché dans le cadre de l'anatomie artistique, qui s'impose comme un exercice académique pratiqué dans les écoles des Beaux-Arts[4]. Généralement, cela se fait sous la direction de médecins (ce qui n'est plus le cas aujourd'hui[5]), en complément de la pratique du dessin d'après modèle vivant. En 1655, Thomas Bartholin écrit un ouvrage traitant de l'écorchement avec Anatomia Reformata[6].
L'utilisation de l'anatomie et de la connaissance des écorchés peut se lire dans les études d'hommes pour le tableau Le Radeau de La Méduse par Géricault. L'étude des écorchés se fait soit à travers les planches anatomiques ou les sculptures comme on peut le voir avec les études de Michel Chapus[7], de David[8] ou les différents dessins d'Odilon Redon[9] d'après l'écorché de Houdon, bras tendu ou en version bras replié, l'Écorché combattant d'Eugène Caudron[10], ou même à partir de sculptures antiques comme le Gladiateur Borghèse ou le Doryphore[11].
Dans les arts et la culture
Peinture
- Le mythe de Marsyas est le sujet de nombreux tableaux dépeignant son supplice qui consiste en un écorchement du satyre par Apollon[12].
- La mort de Saint Barthélemy a inspiré plusieurs toiles dont Le Martyre de saint Barthélemycelle, réalisée entre 1640 et 1650 par Pasquale Chiesa, qui montre le saint se faisant à la fois écorcher et crucifier, ou bien le Martyre de saint Barthélemy, peint en 1848 par Patritti Fidèle et conservé à Auzet. Dans Le Jugement dernier, Michel Ange représente Saint Barthélemy tenant dans sa main son ancienne peau.
- Réalisé en 1498 par Gérard David, Le Jugement de Cambyse représente l'arrestation et l'écorchement à vif du juge persan Sisamnès.
- Dans Les Fresques du Jugement Dernier de la Coupole Cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence peintre par Giorgio Vasari et Federico Zuccari, des damnés sont dépeints subissant l'écorchement.
- Écorché peint vers 1805 par Charles Landseer est une étude de l'épaule, reposant sur une table.
- Peint entre 1800 et 1808 par Francisco de Goya , Cannibales préparant leurs victimes montre un homme écorchant sa victime suspendue par les pieds la tête en bas.
- Réalisé en 1886 par Vincent Van Gogh, Écorché agenouillé est une étude d'après un plâtre de l'écorché de Michel-Ange.
Cinéma
- Un reportage tragique (1919) de Irvin Willat, le personnage principal se venge d'un capitaine de sous-marin allemand en l'Ă©corchant vif.
- Le Chat noir (1934), vers la fin du film le Docteur Vitus Werdegast commence Ă Ă©corcher Hjalmar Poelzig.
- Les Dynamiteros (1970), au début du film l'épouse du capitaine Victor Kaleb est écorchée vive par les Apaches.
- Human lanterns (1982), le tueur Ă©corche ses victimes pour faire des lanternes avec leurs peaux.
- Massacre à la tronçonneuse 2 (1986) Leatherface écorche à vif un homme.
- Le Sorgho rouge (1987), des soldats de l'Armée impérial japonaise écorchent un de leur prisonnier.
- Prédator (1987), le Yautja écorche ses proies une fois capturées.
- The Phantom of the Opera (1989), le fantôme de l'Opéra écorche ses victimes pour remplacer constamment la peau de son visage.
- Terminator 2 : Le Jugement dernier, (1991) le Terminator s'auto-inflige un Ă©corchement du bras et de la main.
- Le Silence des agneaux (1991), le tueur en série baptisé Buffalo Bill s'habille avec la peau de ses victimes.
- Hellraiser 3 (1992), une jeune femme se fait instantanément écorcher vive.
- Skinner (1993) d'Ivan Nagy, le tueur Ă©corche une de ses victimes.
- Silent Hill (2006), Pyramid Head Ă©corche de la main en instant une jeune femme.
- Train (2008) un jeune homme se fait Ă©corcher alors qu'il est inconscient.
- Massacre à la tronçonneuse : Le Commencement (2006) Leatherface écorche le bras de Dean.
- Martyrs (2008) de Pascal Laugier, l'une des victimes est presque intégralement écorchée (seul le visage ne l'est pas).
- Return to Sleepaway Camp (2008), à la fin du film, Michael, dont le passe-temps était de dépecer des grenouilles, est retrouvé écorché.
- Hunter Hunter (2020), l'un des personnages principaux écorche le visage et le haut du corps de l'homme qui a assassiné son mari et sa fille.
Télévision
- Simpson Horror Show V (1994), à la fin de l'épisode la Famille Simpson perd sa peau après avoir été en contact avec du gaz.
- Buffy contre les vampires (1997), au cours d'un épisode un jeune homme se fait écorcher vif dans les bois et dans un autre épisode un démon mange la peau de ses victimes.
- Esprits Criminels (2005) dans l'Ă©pisode La voix des sages, un groupe d'Ă©tudiants mexicains se fait Ă©corcher.
- Mon voisin le Bob (2010) après que Tahiti Bob ai découpé son visage et celui de Walt Warren, leurs visages n'arrêtent pas de se détacher.
- Game of Thrones (2011), le blason de la famille Bolton est un écorché en croix.
- I've Got You Under Your Skin (2012) dans l'Ă©pisode Le prix Ă payer Suren Ă©corche Ă vif Henry.
- Regular Show (2012) dans l'épisode Les contes horrifiques du parc, Monsieur Muscle se fait écorcher entièrement.
- Gotham (2014), après la mort apparente de Jeremiah Valeska ses adeptes lui retirent la peau du visage.
- Happy! (2017) dans l'épisode Il faut sauver la fête de Pâques Scooter Sterling se fait écorcher vif.
Statuaire
- Marsyas, marbre blanc sculpté en 150 après J.C. et découvert à Rome vers 1617-1619[13].
- Saint Barthélémy écorché marbre réalisé par Marco d'Agrate en 1562, conservé à la cathédrale de Milan[14].
- Apollon Ă©corchant Marsyas par Antonio Corradini[15].
- L'écorché bras levé de Jean-Antoine Houdon en 1767, conservé au musée Fabre de Montpellier.
- Écorché dit de Michel-Ange, plâtre découvert au XIXe, conservé au musée Gustave-Moreau.
Bande dessinée
- Dans la série pour adulte Genius (1972), le méchant se déguise avec un costume d'écorché[16].
- Dans l'Univers Marvel, le personnage de Crâne rouge n'a plus sa peau d'origine à la suite d'un écorchement.
- Dans Joker (2008) de Brian Azzarello et Lee Bermejo, lorsque le Joker revient dans son bar, il fait écorcher un de ses subordonnés sans toucher à la tête. Tout au long de Batman: Death of the Family (2012), le Joker a la peau du visage retiré pour montrer que même sans son masque, il continue de rire.
- Au début de Clive Barker's Hellraiser (2011) de Christopher Monfette et Clive Barkern un prêtre se fait écorcher vivant.
- Dans Harrow County (2015) Le garçon sans peau est le familier muet d'Emmy, qui transporte sa peau dans sa sacoche, lui chuchotant des secrets.
- Dans le tome 2 Dagon (2020) de la série Les Licteurs d'Olivier Richard et Weilin Yang, des bacchantes torturent des soldats romains, dont l'écorchement, sous la supervision de Dionysos.
Encyclopédie
- Dans son Encyclopédie, Diderot figure un personnage masculin ayant subi un écorchement pour montrer son anatomie[17].
Enluminure
- Réalisée en 1467, l'enluminure Martyre des sept frères dépeint un groupe de jeunes garçons se faisant écorcher les jambes[18].
Manga
- Dans L’Attaque des Titans de Hajime Isayama, les Titans sont des créatures gigantesques dont la peau a entièrement été retirée.
Poésie
- Dans les Métamorphoses, Ovide décrit en détails l'écorchement d'un homme[19].
- Une partie des écrits de Denis Vanier portant sur le discours médical dans l’œuvre poétique aborde l'écorchement[20].
Nouvelle
- Dans La Main d'écorché (1875), Guy de Maupassant met en scène un jeune homme qui devient le propriétaire d'une main d'écorché[21].
- En 1894, Alphonse Allais écrit Un rajah qui s’embête (conte d'Extrême-Orient) où un rajah ordonne à une danseuse de se dévêtir entièrement jusqu'à ce qu'il ordonne qu'on lui retire aussi sa peau[22].
Roman
- Dans Gog (1931) de Giovanni Papini, un ancien bourreau explique avec nostalgie son regret que l'écorchement ne soit plus pratiqué et se remémore les moments où il pratiquait cette technique.
- Dans The Anatomy of Desire (1981) de John Theureux, un homme qui a été écorché est toujours en vie.
- Dans La Flûte ensorceleuse (1985) de Nancy Kress, il est expliqué qu'à Veliano, la mort par écorchement est réservée aux envoûteurs.
- Dans Le Silence des agneaux (1988) de Thomas Harris, le tueur n'écorche pas entièrement ses victimes mais attaque soit leurs cuisses soit leur dos.
- Dans Classic Singapore Horror Stories (1992) de Damien Sin, un chirurgien plasticien écorche sa propre fille pour lui montrer que la vraie beauté est intérieure.
- Dans Katie Maguire (2002) de Graham Masterton, un personnage enlève des jeunes femmes pour les écorcher vives, en commençant par les jambes puis les bras.
- Dans L'Epave (2005) de Serge Brussolo, il est expliqué que des pirates écorchaient vifs leurs ennemis pour fabriquer des voiles avec la peau récupérée.
- Dans Un monde sans fin (2007) de Ken Follett, un pilleur d'église est condamné à l'écorchement et l'opération par le tanneur de la ville est décrite en détails.
- Dans la saga Le Trône de fer de George R. R. Martin, la maison Bolton de Fort-terreur a pour emblème un écorché, en référence à la méthode de torture pratiquée par cette famille.
Bibliographie
- L'écorchement, Limite et transgression, édition Du murmure, Christine Bergé, 2016.
Notes et références
- Qui se traduit par Ă©corchement des hommes.
- Anne-Marie ViĂ©-Wohrer, « La fĂŞte du Tlacaxipehualiztli », dans Xipe Totec. Notre Seigneur l’ÉcorchĂ© : Étude glyphique d’un Dieu aztèque, Centro de estudios mexicanos y centroamericanos, coll. « ArqueologĂa », (ISBN 979-10-365-4006-6, lire en ligne), p. 29–45
- Anne Rolland-Boulestreau, « Résonance d’une « perversion » : tanner la peau humaine en Vendée militaire (1793-1794) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest. Anjou. Maine. Poitou-Charente. Touraine, nos 120-1,‎ , p. 163–182 (ISSN 0399-0826, DOI 10.4000/abpo.2575, lire en ligne, consulté le )
- Alain BOUCHE T, Etude anatomique et artistique des "dépouilles humaines" (lire en ligne), p. 351-360
- L'actuel professeur d'anatomie et de morphologie de l'école des Beaux arts est Philippe Comar, plasticien et scénographe à voir sir https://www.beauxartsparis.fr/fr/formation/professeurs/141-philippe-comar [archive]
- « [Illustrations de Anatomia reformata] / [Non identifié] ; Thomas Bartolin, aut. du texte », sur Gallica, (consulté le )
- « Ecorché » [archive], notice no 912.1.11 ; FF 11, base Joconde, ministère français de la Culture à voir sur : http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0696/m037901_0003774_p.jpg [archive]
- « Étude d'écorché à mi-corps » [archive], notice no RF 4506,71, base Joconde, ministère français de la Culture à voir sur : http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0299/m503501_d0017110-000_p.jpg [archive]
- « Écorché debout, buste écorché, et jambe » [archive], notice no RF 40941, recto, base Joconde, ministère français de la Culture à voir sur http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0283/m503501_d0043867-000_p.jpg [archive]
- Chez le mouleur Lorenzi, Ă voir sur http://www.lorenzi.fr/statues/Ecorche-Par-Caudron-89.html [archive]
- « Deux études d'une statue d'écorché » [archive], notice no RF 23044, 5, base Joconde, ministère français de la Culture à voir sur http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0211/m503501_d0134355-000_p.jpg [archive]
- Olivier Chiquet, « Le mythe d’Apollon et Marsyas dans la peinture italienne (XVIe – début XVIIe siècles) : la focalisation sur l’épisode de l’écorchement du satyre », Interfaces. Image Texte Language, no 37,‎ , p. 7–30 (ISSN 1164-6225, lire en ligne, consulté le )
- statue ; Marsyas, (lire en ligne)
- https://www.facebook.com/patrick.vandervorst.5, « Jean 1, 45-51 (2022) | ART CHRISTIEN | Lecture de l'Évangile et réflexion sur l'art », sur christian.art, (consulté le )
- Antonio Corradini, Apollo flaying Marsyas, 1710-1750 (lire en ligne)
- Philippe MAGNERON, « Genius (2e Série - Les Éditions de poche) - BD, informations, cotes », sur www.bedetheque.com (consulté le )
- Pour l'attitude de Diderot qui pratiquait la dissection anatomique et sa relation à Houdon, on se rapportera à l'article de Morwena Joly,, « L’obsession du « dessous » : Diderot et l’image anatomique », Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, no 43, 29 octobre 2008 (lire en ligne [archive], consulté le 4 mai 2017) dans lequel on peut lire l'extrait de la lettre de Diderot à Catherine II de Russie : « Il vous manque une pièce essentielle pour l’instruction de la jeunesse : c’est un grand écorché. Le plus célèbre est celui de Houdon. On pourrait en envoyer un plâtre à Votre Majesté Impériale ou faire ce que j’avais conseillé à M. Demidoff qui voulait offrir à Votre Majesté Impériale quelque chose qui fût digne d’elle : le faire fondre en bronze ».
- « Martyre des sept frères (Paris, BnF, Français 50 f.158v) | Biblissima », sur portail.biblissima.fr (consulté le )
- Extrait : " Pendant qu’il criait, on lui arrachait la peau sur tous les membres ; son corps n’était plus qu’une plaie. Le sang ruisselle de tous les côtés ; ses muscles, mis à nu, sont visibles ; on voit ses veines où le sang bat, et qu’aucune peau ne recouvre, tressauter, on pourrait compter les palpitations de ses viscères et, dans sa poitrine, les fibres entre lesquelles passe le jour ".
- Jacques Paquin, « Vanier anatomiste: Figures de l’écorché », Voix et Images, vol. 32, no 1,‎ , p. 63–77 (ISSN 1705-933X et 0318-9201, DOI 10.7202/014705ar, lire en ligne, consulté le )
- « Boule de Suif - Correspondance/La Main d’écorché - Wikisource », sur fr.wikisource.org (consulté le )
- « Rose et Vert-Pomme/Un rajah qui s’embête (conte d’Extrême-Orient) - Wikisource », sur fr.wikisource.org (consulté le )
Articles connexes
- Écorché
- Peine de mort
- Scalpation, une pratique similaire sur le cuir chevelu
- Méthodes d'exécution