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Truffe noire

Tuber melanosporum

Tuber melanosporum, la Truffe à spore noire, Truffe du Périgord ou Truffe noire, est une espèce de champignons comestibles de la famille des Tuberaceae dans la classe des ascomycètes. Ce champignon est hypogé et vit en symbiose avec un arbre (chêne, noisetier, pin, tilleul…). Il est donc mycorhizé, ce qui veut dire qu'il a besoin d'un arbre hôte, et saprophyte car il se nourrit de matières organiques de végétaux en décomposition.

Taxonomie

L'espèce est décrite en 1831 par le mycologue italien Carlo Vittadini, qui la classe dans le genre Tuber sous le nom binominal Tuber melanosporum[1].

Ce taxon porte en français les noms vernaculaires ou normalisés suivants : « Truffe à spore noire »[2], « Truffe du Périgord »[2] - [3], « Truffe noire »[3].

Synonymes

Tuber melanosporum a pour synonymes[4] :

  • Tuber melanosporum var. moschatum Ferry & H.Bonnet
  • Tuber nigrum Bull.

Variétés

Liste des variétés selon MycoBank (8 juin 2021)[1] :

  • Tuber melanosporum var. hiemalbum
  • Tuber melanosporum var. melanosporum
  • Tuber melanosporum var. moschatum

Historique

Terra tufide tubera du Tacuina sanitatis.
Comtat Venaissin et Tricastin par Stephano Ghebellino (vers 1580) Médiathèque Ceccano d'Avignon.

La truffe est célèbre depuis l'Antiquité, même s’il a fallu attendre Brillat-Savarin pour lui donner ses véritables lettres de noblesse. En effet, pendant longtemps, la truffe ne fut pas cuisinée à son avantage, parce qu'accommodée le plus souvent avec de nombreuses épices. D’après un passage d'Athénée de Naucratis, les truffes étaient servies chez les Romains, à la fin des repas, marinées dans une sauce de gingembre et de cannelle. Dioscoride, Cicéron, Pline, Plutarque, Juvénal, Athénée, Lucullus et Apicius (maître de bouche célèbre à Rome) tenaient la truffe en très haute estime et la considéraient comme un présent des dieux. Après l’époque romaine, l’usage de la truffe semble s’être perdu et on ne la retrouve plus dans les recettes culinaires du Moyen Âge. Il faut attendre la Renaissance (après que les papes venus en Avignon l'eurent remise à la mode), pour qu'elle fasse à nouveau son apparition et devienne l'ordinaire des fêtes princières.

L’âge d’or de la truffe en France correspond aux trente dernières annĂ©es du XIXe siècle. Il fut le rĂ©sultat d'une dĂ©forestation suivie de la mise en culture des essarts après la RĂ©volution. Les truffières profitèrent de la reforestation Ă  l'exemple de celles du Mont Ventoux. Un peu plus tard, dans les rĂ©gions viticoles, la crise du phylloxĂ©ra permit une nouvelle extension des truffières sur les vignes abandonnĂ©es. Au dĂ©but du XXe siècle, la production en France dĂ©passait 1 000 tonnes chaque annĂ©e et plus de la moitiĂ© des dĂ©partements Ă©taient producteurs[5].

Puis, tout au long du XXe siècle, la production chuta. Une des causes fut la diminution de la population rurale, après la Première Guerre mondiale, suivie des changements culturaux avec la mécanisation. Les truffières se raréfièrent et disparurent dans beaucoup de régions. La relance se fit au cours des années 1960 avec des programmes de replantation. La crise n'était pas seulement française. Il se tint à Souillac le premier congrès international de la trufficulture, organisé par la Fédération Nationale de Producteurs de Truffes (FNPT)[5].

L'espoir d'une forte reprise fut conforté par la mise sur le marché de plants mycorhizés au début des années 1970. Mais ceux-ci furent plantés avec un manque de rigueur et une approche trop strictement agricole et productiviste de la part des trufficulteurs. Beaucoup d'espoirs furent déçus[5].

Au XXIe siècle, la France fournit les deux tiers de la production mondiale. Le Comtat Venaissin produit à lui seul les deux tiers de la truffe du Vaucluse, premier département producteur[6].

Le piĂ©mont du Ventoux est, avec le Tricastin voisin, le premier producteur en France de Tuber melanosporum[a 1]. Leur marchĂ© reste hors normes car c'est la seule production Ă  Ă©chapper aux inspecteurs de l'administration fiscale, aucune transaction n'Ă©tant rĂ©glĂ©e par chèque[a 1]. En saison, c'est le marchĂ© de Carpentras, un des plus importants de la rĂ©gion avec Richerenches, qui fixe les prix. Les rabassiers (francisation du terme occitan « rabassaire Â», chercheur de truffe) y affirment, pour justifier les prix, que le « diamant noir » naĂ®t entre les pluies des deux Vierges[N 1]. Des agronomes ont effectivement pu constater qu'une bonne annĂ©e dĂ©pend Ă  la fois d'un fort ensoleillement estival suivi de pluies entre la mi-aoĂ»t et la mi-septembre[7].

Ces truffes se rĂ©coltent entre 500 et 1 000 mètres d'altitude. PrĂ©fĂ©rant les terres calcaires, elles se dĂ©veloppent toujours en symbiose avec le chĂŞne blanc ou vert, le frĂŞne et le charme. Il est affirmĂ© que les plus fines poussent Ă  l'ombre du tilleul[7].

Production de Tuber melanosporum[N 2]. (2005)[8]
RĂ©gions Production Parcelles de 10 Ă  30 ha Parcelles de moins de 10 ha
39 t10 016 ha7 753 ha
Sud-Ouest21,5 %20,2 %23 %
Sud-Est76,6 %73,3 %65,5 %
Centre-Ouest1,9 %6,5 %11,6 %

Description du sporophore

Spores de Tuber melanosporum.

Les sporophores, en forme de tubercule globuleux, sont arrondis, irrĂ©guliers ou lobĂ©s : ce sont les truffes proprement dites. Elles sont enfouies dans le sol Ă  une profondeur de 5 Ă  30 centimètres. De taille variable (gĂ©nĂ©ralement de 5 Ă  10 cm de diamètre), son poids moyen varie entre 20 et 100 g. Elle peut toutefois atteindre les 500 grammes, voire plus : un spĂ©cimen trouvĂ© en aux environs de Sorges pesait 1,147 kg. Le record de la plus grosse truffe jamais trouvĂ©e est de 10,5 kg.

Cycle de reproduction

Cycle de vie de Tuber melanosporum[9].

La truffe résulte de la fécondation de deux individus haploïdes :

  • le mycĂ©lium « maternel Â», Ă©tendu, persistant et associĂ© aux racines des arbres voisins, produit la chair de la truffe et contribue pour moitiĂ© aux gènes des mĂ©iospores ;
  • le mycĂ©lium « paternel Â», moins Ă©tendu, de vie courte (rarement plus d'un an) et non associĂ© aux racines d'arbres, ne contribue qu'au gĂ©nome des spores[10].

Le cycle de Tuber melanosporum commence au printemps, entre avril et juin, et dure neuf mois. La truffe grossit pendant l’été et parvient à maturité pendant l’automne. Elle se récolte dès les premières gelées de novembre et jusqu’à fin février.

Dans la dynamique des écosystèmes, la truffe noire est une espèce pionnière qui aime les perturbations et les milieux ouverts[11], la régression du pastoralisme à la suite de l'exode rural et de l'intensification de l'agriculture entraînant un embroussaillement néfaste aux truffières sauvages[12].

Étude génétique

La truffe noire du PĂ©rigord est le premier champignon comestible dont le gĂ©nome ait Ă©tĂ© entièrement sĂ©quencĂ©, en 2010 par un consortium franco-italien, impliquant le Genoscope. Ce gĂ©nome comprend 125 mĂ©gabases (cette grande taille s’expliquant par la prĂ©sence de 58 % de transposons) mais seulement 7 500 gènes codant des protĂ©ines, dont environ 6 000 similaires aux gènes d’autres champignons[13].

L’étude a révélé la forte activité des voies de biosynthèse des composés organiques volatils (plus d'une cinquantaine, dont des composés soufrés, alcools et aldéhydes[14]) et d'enzymes hydrolytiques qui contribuent à une mycorhization plus agressive, les mycorhizes se frayant un passage « en force » entre les cellules de son hôte en digérant les parois cellulaires[15]. Ce parfum puissant d'humus et de musc, qui permet de disperser leurs spores principalement par endozoochorie (passage dans le tube digestif d’animaux mycophages tels que sangliers et rongeurs)[16], est dû à cette activité de biosynthèse et au microbiote (bactéries et levures) vivant sur et dans la truffe[17].

Le séquençage de l’ADN a permis de distinguer une dizaine de marqueurs génétiques qui constituent un fichier d’empreintes génétiques, ce qui facilite le « typage » des origines géographiques des truffes récoltées et permet une meilleure détection des fraudes[13].

Valeur nutritive et énergétique

Valeurs énergétique et nutritionnelle
pour 100 g de Tuber melanosporum Vitt[18].
IngrédientTeneurSels minéraux TeneurBesoin quotidien %
Calorie 105 kJ Sodium 77 mg 550 mg 14
Eau 75,5 g Potassium 526 mg 2 000 mg 26,3
ProtĂ©ine 5,53 g MagnĂ©sium 23,8 mg 300–400 mg 5,95-7,93
Lipide 0,51 g Calcium 24 mg 1 000 mg 2,4
Glucide 0,00 g Fer 3,5 mg 10–15 mg 25-35
Fibres 16,54 g Phosphore 62 mg 700 mg 8,86
MinĂ©raux 1,92 g Chlorure 27,7 mg 830 mg 3,34

Les « melano Â» sont utilisĂ©es comme assaisonnement ou accompagnement d'un mets, en plus ou moins grande quantitĂ©. Par consĂ©quent, leur contribution Ă  la nutrition humaine reste assez faible. NĂ©anmoins, le tableau ci-contre quantifie les principales informations nutritionnelles. Ces sources ne fournissent aucune donnĂ©e sur la teneur en vitamine A et la composition des acides gras. En revanche, elles peuvent contenir des quantitĂ©s importantes de vitamines B2, B3, B5, D et K.

Vitamine Teneur pour 100 g Besoin quotidien Pourcentage
B20,4 mg1,2–1,5 mg26,7-33,3
B3mg13–17 mg29,4-38,5
B52,5 mgmg41,7
DÎĽg5–10 Âµg20-40
K15 Âµg70–80 Âµg18,8-21,4
Teneur des truffes en acides gras
Acides gras Teneur pour 100 g
SaturĂ©s 0,13 g
Mono-insaturĂ©s 0,01 g
Poly-insaturĂ©s 0,31 g

Norme Interfel

En 2006, une norme concernant les truffes fraĂ®ches (Tuber mĂ©lanosporum et Tuber brumale) vouĂ©es au commerce a Ă©tĂ© dĂ©finie, sur la base d'un accord interprofessionnel, afin d'amĂ©liorer et de qualifier l'offre. Les truffes mises Ă  la vente doivent ĂŞtre entières, sans cassure. Elles doivent avoir l'odeur, la saveur et la couleur caractĂ©ristiques de leur espèce. Il faut qu'elles soient propres et brossĂ©es, exemptes de parasites et de pourriture. Enfin, elles doivent avoir un poids supĂ©rieur Ă  5 grammes[19].

Quelle que soit l'espèce, une truffe doit entrer dans l'une de ces trois catĂ©gories : CatĂ©gorie Extra oĂą se retrouvent les truffes de qualitĂ© supĂ©rieure d'un calibre supĂ©rieur ou Ă©gal Ă  20 grammes, CatĂ©gorie I qui regroupe les truffes de bonne qualitĂ© comportant de lĂ©gers dĂ©fauts, ayant un calibre supĂ©rieur ou Ă©gal Ă  10 grammes, CatĂ©gorie II qui comprend toutes les autres truffes de calibre supĂ©rieur ou Ă©gal Ă  5 grammes[19].

Notes et références

Notes

  1. Les pluies doivent être abondantes entre l'Assomption (15 août) et la Nativité de Notre-Dame (8 septembre).
  2. La meilleure période de récolte pour Tuber melanosporum est entre janvier et février

Références

  1. V. Robert, G. Stegehuis and J. Stalpers. 2005. The MycoBank engine and related databases. https://www.mycobank.org/, consulté le 8 juin 2021
  2. Base de données mondiale de l'OEPP, https://gd.eppo.int, consulté le 8 juin 2021
  3. MNHN & OFB [Ed]. 2003-présent. Inventaire national du patrimoine naturel (INPN), Site web : https://inpn.mnhn.fr, consulté le 8 juin 2021
  4. GBIF Secretariat. GBIF Backbone Taxonomy. Checklist dataset https://doi.org/10.15468/39omei accessed via GBIF.org, consulté le 8 juin 2021
  5. Alain Escafre et François Roussel, op. cit., p. 6.
  6. Histoire de la Truffe
  7. Jean-Pierre Saltarelli, op. cit., p. 180.
  8. Alain Escafre et François Roussel, op. cit., p. 13.
  9. Laure Schneider-Maunoury (doctorante en écologie évolutive au sein de l'ISYEB, au Muséum national d'histoire naturelle de Paris), Les secrets de la reproduction de la Truffe du Périgord bientôt percés à jour ?, Planet-Vie, novembre 2017, (Lire en ligne)
  10. (en) E. Taschen, F. Rousset, M. Sauve, L. Benoit, M.-P. Dubois, F. Richard et M.-A. Selosse, « How the truffle got its mate: insights from genetic structure in spontaneous and planted Mediterranean populations of Tuber melanosporum », Molecular Ecology, vol. 25, no 22,‎ , p. 5611-5627 (DOI 10.1111/mec.13864).
  11. Par Yves Miserey, « L'arbre et la truffe : une liaison vitale », sur lefigaro.fr,
  12. Jean-Christophe Guéguen et David Garon, Biodiversité et évolution du monde fongique, EDP Sciences, , p. 7
  13. (en) F. Martin et al., « Périgord black truffle genome uncovers evolutionary origins and mechanisms of symbiosis », Nature, vol. 464, no 7291,‎ , p. 1033-1038 (DOI 10.1038/nature08867).
  14. (en) Claude Murat et al., « Pezizomycetes genomes reveal the molecular basis of ectomycorrhizal truffle lifestyle », Nature Ecology & evolution,‎ (DOI 10.1038/s41559-018-0710-4.).
  15. « Truffes : les chercheurs ont du nez ! », sur inra.fr, .
  16. (en) Healy RA, Smith ME, Bonito GM, Pfister DH, Ge Z-W, Guevara GG, Williams G, Stafford K, Kumar L, Lee T, et al., « High diversity and widespread occurrence of mitotic spore mats in ectomycorrhizal Pezizales Â», Molecular Ecology, 22, 2013, p. 1717–1732
  17. « Le génome des truffes révèle le secret de la fabrication de leurs parfums », sur inra.fr, .
  18. W. Siegfried, Composition des aliments et tables de nutrition, Wissenschaftliche Verlagsgesellschaft. 4. RĂ©impression. Stuttgart, 1989; (ISBN 3804708331)
  19. « La norme INTERFEL dans le site de l'association des trufficulteurs des coteaux de Saint-Paul-Trois-Châteaux »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?)

(voir dans la bibliographie)

  1. Jacques Galas, p. 111.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Liens externes

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