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Rafle du 26 août 1942

La rafle du 26 aoĂ»t 1942 survenue six semaines après la rafle du VĂ©lodrome d'Hiver est une vaste rafle organisĂ©e en zone libre, Ă  l'initiative des autoritĂ©s de Vichy après les exigences Allemandes en matière d'arrestation des Juifs prĂ©sentĂ©es pour la première fois le . Ă€ la suite des Ă©changes dĂ©but juillet entre autoritĂ©s allemandes et françaises, le gouvernement de Vichy s'Ă©tait engagĂ© Ă  arrĂŞter 10 000 Juifs apatrides en zone libre. 6 584 Juifs apatrides et leurs enfants sont arrĂŞtĂ©s ce jour-lĂ , puis transfĂ©rĂ©s dans les semaines qui suivent vers le camp de Drancy, d’oĂą ils seront dĂ©portĂ©s vers Auschwitz et, pour la plupart, immĂ©diatement assassinĂ©s. 4 000 Juifs apatrides dĂ©jĂ  enfermĂ©s dans les camps de la zone sud les avaient prĂ©cĂ©dĂ©s depuis les premiers jours d'. Souvent passĂ©e sous silence, cette rafle est pourtant importante du fait de la responsabilitĂ© exclusive de la France quant Ă  son exĂ©cution, au contraire de la rafle du Vel' d'Hiv[1] - [2], et du fait du rĂ´le qu'elle va jouer dans la prise de conscience d'une partie de la population sur la rĂ©alitĂ© des dĂ©portations[3], le rĂ©gime de Vichy ne pouvant plus en dissimuler l'extension[4].

Plaque commémorative de la rafle à Vichy, sur la promenade du Parc des Sources, à proximité de l'entrée de l'Hôtel du Parc.

Contexte historique

L’année 1942 constitue une année charnière dans la mise en œuvre du génocide des Juifs par le Troisième Reich[5] - [6]. Alors que l'extermination des Juifs d'Europe orientale est en cours depuis 1939 par divers moyens, dont l'action des Einsatzgruppen dès l'automne 1939 à partir de la campagne de Pologne, elle s'intensifie avec le début de l'invasion de l'Union soviétique en , avec les tueries de masse perpétrées par ces unités qui suivent l'Armée allemande dans sa progression[7].

À l’automne 1941, les dirigeants nazis étendent progressivement à toute l'Europe de l'Est leur programme d’assassinat massif des populations juives[6]. La décision de procéder à l’extermination des Juifs d’Europe par des méthodes pseudo-industrielles, prise au plus haut niveau au cours du second semestre 1941, est présentée et discutée en 1942, au moment[alpha 1] de la conférence de Wannsee[8]. Cette conférence, tenue dans la banlieue de Berlin le , est organisée et dirigée par Reinhard Heydrich, le directeur du RSHA, l'Office central de sécurité du Reich[8] - [6] : Heydrich a été spécialement mandaté à cet effet par Hermann Göring[9] - [10]. L’autorité de Heydrich s’étend alors à la quasi-totalité du dispositif génocidaire : de la poursuite des opérations de tuerie par balles à l'Est, des rafles au convoyage des déportés aux portes des camps d'extermination[11] - [alpha 2]. Cependant, il est à de noter qu'aucune accélération de la Shoah en Europe centrale et occidentale n'est mise en place à la suite de Wannsee. C'est à la suite des échanges entre Hitler, Himmler et Heydrich dans la dernière semaine d' (décision annoncée par Heydrich lors de son passage à Paris début ) puis à la suite du plan de Himmler du fixant à un an la réalisation du génocide pour tous les Juifs d'Europe, que l'extermination des Juifs occidentaux commencent (début pour les Juifs allemands et juin pour les Juifs slovaques). Eichmann vient annoncer aux SS de Paris le et le le plan de Himmler pour l'appliquer à la France[12].

Préparation

En France, les rafles de l’étĂ© 1942 en zone sud sont le rĂ©sultat d’une nĂ©gociation qui a lieu le et le au siège de la SS en France (au 72, avenue Foch) entre le SS-BrigadefĂĽhrer[alpha 3] Carl Oberg, chef supĂ©rieur de la SS pour la France[alpha 4] depuis le printemps et RenĂ© Bousquet, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral Ă  la Police du gouvernement de Vichy[13] - [14]. L'accord oral du protège les Juifs de nationalitĂ© française se trouvant en zone occupĂ©e et en zone libre en Ă©change de la livraison aux autoritĂ©s allemandes[13] - [14] de 10 000 Juifs apatrides de zone libre et de 30 000 Juifs apatrides de la rĂ©gion parisienne, au lieu de s’engager dans la dĂ©portation des quelque 100 000 Juifs initialement demandĂ©s par l’Allemagne[15] - [2].

Alors que Theodor Dannecker, reprĂ©sentant d'Adolf Eichmann Ă  Paris, insiste pour que 11 000 Juifs de la zone libre leur soient livrĂ©s, Bousquet assure Ă  Helmut Knochen, chef du SD en France, que les 3 000 premiers Juifs de la zone libre seront entre leurs mains avant le [16] - [17].

Le , Henri Cado, conseiller d’État et adjoint de Bousquet au secrétariat général de la Police, envoie une circulaire aux préfets régionaux de la zone libre. Cette circulaire fixe les bases de l'organisation des déportations en 1942[18].

Les groupes visés sont les « Israélites allemands, autrichiens, tchécoslovaques, polonais, estoniens, lithuaniens, lettons, dantzicois, sarrois, soviétiques et réfugiés russes entrés en France postérieurement au »[19], qu’ils soient « incorporés Groupe S.T.F., hébergés en centres du Service social Étrangers, en centres appartenant à des comités privés ou à l’U.G.I.F., placés en centres de regroupement des israélites en application des circulaires des et ou en résidence libre »[18].

Ces rafles concernent tous les Juifs étrangers (Allemands, Autrichiens, Polonais, Tchèques, Estoniens, Lettons, Dantzigois, Sarrois, Russes) entrés en France depuis le ; parmi les exemptés figurent les anciens combattants et les femmes enceintes[19].

Tous doivent être déportés en zone occupée avant le , à l’exception de onze catégories de personnes protégées, notamment les plus de 60 ans, les mineurs de moins de 18 ans non accompagnés, les anciens combattants[19] des armées alliées et leurs descendants, ceux ayant un conjoint ou un enfant français, ceux ayant un conjoint n'appartenant pas aux nationalités énumérées plus haut, ceux qui sont intransportables, les femmes enceintes[19], les père ou mère ayant un enfant de moins de 5 ans, « ceux qui semblent ne pouvoir quitter un emploi sans préjudice grave pour l'économie nationale, ceux qui se sont signalés par leurs travaux artistiques, littéraires ou scientifiques et enfin ceux qui à un autre titre ont rendu des services signalés à notre pays »[18].

Le , les services du secrétaire général à la Police informent les préfets de la date de la rafle et imposent le secret absolu. René Bousquet, craignant probablement un nombre d’arrestations insuffisant, supprime alors cinq des onze exemptions énumérées dans la première note du [20]. Désormais, seuls les personnes de plus de 60 ans, les femmes enceintes, les parents d’enfants de moins de 2 ans, ceux dont un conjoint est français et les intransportables, sont exemptés[20] - [21].

Sur instruction de Laval, le , Bousquet accĂ©lère la dĂ©portation de ces Juifs en ordonnant aux prĂ©fets de rĂ©gions de prendre personnellement la direction de ces opĂ©rations afin de « briser les rĂ©sistances de punir les indiscrĂ©tions et la passivitĂ© »[19]. « Objectif : arrĂŞter 14 000 Juifs apatrides et leurs enfants, vivant encore librement, assignĂ©s Ă  rĂ©sidence ou affectĂ©s Ă  des GTE. […] Ce dĂ©ploiement de forces […] entraĂ®ne l'arrestation d'environ 6 600 Juifs. Plus de la moitiĂ© des personnes visĂ©es ont pu Ă©chapper l'opĂ©ration »[22].

Malgré le secret, des travailleurs sociaux de l'Union générale des israélites de France (UGIF), informés par Germaine Ribière [23] des mesures en préparation et admis dans les camps d'internement de la zone libre en secours aux familles, commencent à retirer les enfants, afin qu'ils soient exemptés[24].

Au moment du dĂ©clenchement de la rafle, quelque 3 500 Juifs tirĂ©s des camps de zone sud ont en outre dĂ©jĂ  Ă©tĂ© envoyĂ©s vers les camps de transit de la zone occupĂ©e au cours du mois d’[1].

DĂ©roulement

La rafle débute le à l'aube, dans toute la zone sud[19]. Les forces de police et de gendarmerie, les gardes mobiles, les militaires et même les pompiers sont mobilisés[19]. On utilise les fiches de recensement des Juifs établies du temps du gouvernement Darlan[19]. Les Juifs sont ramassés dans les camps d'internement, les bataillons de travail, les résidences surveillées, les pensionnats catholiques et protestants, et on procède à des traques en forêt[19].

Ă€ la mi-journĂ©e, le nombre d’arrestations ne dĂ©passant pas 3 500 personnes, chiffre très infĂ©rieur aux prĂ©visions, il est rappelĂ© aux prĂ©fets par les services de Bousquet que, si leurs parents sont livrables aux Allemands, on doit procĂ©der Ă  la dĂ©portation des enfants de 2 Ă  16 ans[21].

Des camions et des bus loués à des entreprises privées effectuent le transport des déportés des lieux de regroupement aux camps d’internement, puis jusqu’aux gares[21]. À Nice par exemple, c'est l'entreprise de Joseph Darnand, alors commandant national du Service d'ordre légionnaire (SOL) et membre de la LVF, qui fournit à la police les moyens de transport des Juifs lors de la rafle du [21].

Les rĂ©gions organisent des « centres de criblage » pour regrouper les prisonniers et examiner leurs Ă©ventuelles exemptions[21]. Ainsi, les personnes raflĂ©es en zone libre dans les dĂ©partements dĂ©pendants de la rĂ©gion de Lyon (Ain, Ardèche, DrĂ´me, Isère, Jura, Loire, RhĂ´ne, Savoie et Haute-Savoie, SaĂ´ne-et-Loire), soit 1 016 personnes, sont regroupĂ©es au camp de VĂ©nissieux, oĂą ils transiteront[21]. Ceux qui ne relèvent pas d’un cas d’exemption sont transfĂ©rĂ©s au camp de transit de Drancy, le [21].

Statistiques

Au , le nombre des arrestations s'Ă©lève Ă  6 584[21]. L’action engagĂ©e n’a donc pas atteint son objectif de 10 000 dĂ©portations. Selon Raul Hilberg, Ă  la date du , le nombre d'arrestations se monte Ă  7 100, dont 5 000 personnes livrĂ©es aux Allemands[4]. Selon François et RenĂ©e BĂ©darida, entre 7 000[25] et 10 500 Juifs Ă©trangers[26] et apatrides sont arrĂŞtĂ©s au cours des rafles des 26 au [25] et de l'automne 1942[26] - [27].

Pour différentes raisons (voir ci-après), à partir de 1943, il n'y a plus beaucoup d'arrestations du fait des autorités françaises [28].

Résistance et limites de l’opération

Fuite ou dissimulation des Juifs en zone libre

La poursuite des rafles aurait pu augmenter le nombre des déportés, mais - comme Bousquet le signale aux autorités allemandes - de nombreux Juifs, mis au courant, ont fui vers la Suisse[21]. Bon nombre de ceux qui ont pu échapper à la rafle, outre la Suisse, se dirigent vers l'Espagne et l'Italie[4].

Le pasteur Charles l’Éplattenier, membre de la Cimade et témoin impuissant de la rafle, estime que de nombreux policiers eurent le courage de prévenir ceux qu’ils devaient arrêter, si bien que près de la moitié des personnes visées échappèrent à l’arrestation[29].

Récupération des exemptés dans les centre de criblage

Ă€ VĂ©nissieux, entre le et le , les dossiers des 1 016 personnes arrĂŞtĂ©es dans la grande rĂ©gion de Lyon passent devant la « commission de criblage », qui est assistĂ©e de plusieurs reprĂ©sentants de l’Œuvre de secours aux enfants (OSE)[30], « de l’abbĂ© Alexandre Glasberg (1902-1981) fondateur des « AmitiĂ©s chrĂ©tiennes », et de Gilbert Lesage, chef du Service social des Ă©trangers Ă  Vichy[21] ». Ils parviennent Ă  faire libĂ©rer plus de 108 enfants et une centaine d’adultes[31] - [32]. L'intervention de l'entourage du cardinal Gerlier, archevĂŞque de Lyon, avec sa complicitĂ© bienveillante malgrĂ© les pressions du prĂ©fet Angeli, n'est pas Ă©trangère Ă  ces sauvetages[33].

Dans l’Allier, 68 personnes sont internĂ©es au camp des Textiles Ă  PrĂ©milhat. Vingt-et-une personnes absentes ou exemptĂ©es ont Ă©chappĂ© Ă  l’arrestation ; en revanche, cinq autres qui avaient franchi clandestinement la ligne de dĂ©marcation ont Ă©tĂ© rajoutĂ©es Ă  la liste par le commissaire des RG de Vichy[34]. Au total, Ă  Montluçon, la commission de criblage examine les dossiers de 168 personnes internĂ©es, dont 26 relevaient d’un cas d’exemption et avaient nĂ©anmoins Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©es ; mais la commission n’accepta d’en libĂ©rer que 16[35].

Dans la grande rĂ©gion Limousin, 446 Juifs, dont 68 enfants, sont rassemblĂ©s au camp de Nexon ; pendant la nuit du , ils sont acheminĂ©s vers Drancy, dans deux convois au dĂ©part de la gare de Nexon[36]. Parmi eux, 91 personnes, dont une quinzaine d'enfants, ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©es en Creuse. Elles sont regroupĂ©es Ă  Bonnat, Châtelus-Malvaleix, Dun, GuĂ©ret et La Souterraine, puis internĂ©es Ă  Boussac[37]. Ă€ GuĂ©ret, le car de l'entreprise Marquet a Ă©tĂ© rĂ©quisitionnĂ© pour leur transport[37]. Le prĂ©fet fait alors relâcher deux familles, dont quatre enfants, car les pères, d'origine allemande, s'Ă©taient engagĂ©s en dans l'ArmĂ©e française[37]. De Boussac, les internĂ©s sont acheminĂ©s au camp de Nexon, puis Ă  Drancy Ă  destination d'Auschwitz, d'oĂą ils partent dans le convoi no 26 du [37]. Le , 20 enfants sont encore arrĂŞtĂ©s dans les maisons de l'OSE du Masgelier et de Chabannes[38] puis conduits Ă  la gare de La Souterraine, d'oĂą un train les emmène au camp de Rivesaltes (PyrĂ©nĂ©es-Orientales)[37] - [38].

Changement de politique du gouvernement Laval

Malgré la prévalence de la propagande et des propos antisémites, le passage à l’acte qui consiste à arrêter concrètement des familles et des enfants provoque un profond malaise au sein des forces de police et de gendarmerie. Dans les gares, des témoins (voyageurs, secouristes) assistant aux séparations de familles sont scandalisés et bouleversés ; des membres des Young Men's Christian Association (YMCA) venus porter secours témoignent de l'inhumanité de la situation des déportés ; certains préfets s'émeuvent et en font état dans leurs rapports[39]. Le commandant de la région militaire de Lyon, le général Robert de Saint Vincent, est immédiatement révoqué après avoir refusé que les militaires sous ses ordres soient utilisés à la déportation des Juifs[39].

Après la lettre pastorale du , de Mgr Saliège, archevêque de Toulouse[40] - [41] - [42] et celle de Mgr Théas, évêque de Montauban du [42], l’église catholique, notamment par la voix du cardinal Gerlier[42] - [43], archevêque de Lyon et primat des Gaules[42], fait savoir au maréchal Pétain et à Laval, chef du gouvernement, qu’elle ne peut accepter cette collaboration active de la France avec le plan de déportation allemand[44].

La communauté protestante, quant à elle, prenant part au sauvetage des Juifs, proteste auprès de Laval, par la voix du pasteur Boegner, chef des protestants de France, en particulier sur sa décision d’inclure dans les convois les enfants de moins de 16 ans[45] (initialement non demandée des Allemands). Laval refuse : « pas un seul de ces enfants ne doit rester en France »[45]. Le pasteur Boegner rapportera plus tard : « Que pouvais-je obtenir d’un homme à qui les Allemands avaient fait croire — ou qui faisait semblant de croire — que les Juifs emmenés de France allaient en Pologne du Sud pour y cultiver les terres de l’État juif que l’Allemagne affirmait vouloir constituer. Je lui parlais de massacre, il me répondait jardinage »[46]. À ce même entretien du , Laval déclarait ne pas pouvoir « faire autrement » et faire « de la prophylaxie », selon ce qu'en rapporte Boegner, qui ajoute quant à lui que « pour sauver les Juifs français, il fallait sauver les Juifs étrangers »[45]. Le , dans un télégramme aux ambassades françaises à travers le monde, Laval reprend une rhétorique antisémite pour justifier les récentes déportations : « Le seul moyen de conjurer le péril juif était le rapatriement de ces individus dans l'Est de l'Europe, leur pays d'origine[47]. »

On peut penser que la rafle du joue un grand rôle dans cette prise de conscience, car elle touche concrètement chacun des 45 départements de la zone sud[48]. La Résistance a contribué par ses tracts, qui montrent que le sort final des Juifs (la mort) était parfaitement connu, à cette prise de conscience[49].

En conséquence, Laval annonce aux Allemands qu’il ne faut plus lui demander ce type de mesure[50]. Carl Oberg accepte ces explications et, malgré le vif désaccord de certains Allemands, Himmler les accepte également, car il a encore bien d’autres choses à demander à la France de Vichy. À part la rafle au port de Marseille en janvier 1943, qui est d'ailleurs une brutale opération de maintien de l'ordre et d'intimidation de la population et non une opération à visée antisémite[51], il n’y aura plus d’autres rafles avec l’appui du gouvernement et des forces de police, et les nombres de personnes déportées se réduisent en conséquence fortement après 1942, les Allemands étant dès lors obligés de recourir à leurs propres forces[2].

La rafle du 26 août 1942 dans l’histoire

Oubli collectif

La rafle effectuĂ©e en zone libre sans l’intervention des Allemands a Ă©tĂ© Ă©clipsĂ©e dans la mĂ©moire nationale par la fameuse et terrible rafle du VĂ©lodrome d'Hiver (plus de 13 000 personnes dont un tiers d’enfants arrĂŞtĂ©es Ă  Paris entre les 16 et ).

Or, cette rafle de zone sud est entièrement de rĂ©alisation française, contrairement Ă  la rafle du VĂ©l’d’Hiv, puisqu’en « zone nord ce sont les reprĂ©sentants parisiens d’Eichmann qui ont pris l’initiative de dĂ©porter des enfants[1]. » Cependant, dans les prĂ©paratifs de la rafle du Vel'd'Hiv', les Allemands n'avaient pas prĂ©vu de dĂ©porter les enfants de moins de 16 ans[52] - [53]. Laval ayant insistĂ© pour que les enfants ne soient pas sĂ©parĂ©s de leurs parents[53] « dans une intention d'humanitĂ© », les familles avec enfants sont regroupĂ©s dans les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande, et l'autorisation allemande de les dĂ©porter arrive le [52].

Pour l’historien Alain Michel, cette opération du est dans la continuité de la « volonté xénophobe déjà ancienne de « faire partir » les Juifs étrangers de zone sud et [du] désir de protéger les Juifs citoyens français », et elle « reste la principale tache morale de l’administration vichyste et, partant, de la France éternelle. Mais une France qui semble trop souvent touchée par l’amnésie[1] ».

Évocation à l’occasion de son 70e anniversaire

Plusieurs publications ont évoqué cette rafle en 2012 lors de son 70e anniversaire. Ainsi, dans une lettre ouverte au président de la République qui fait suite à la reconnaissance de la responsabilité de la France dans la rafle du Vél’d’Hiv, le pasteur Charles l’Éplattenier, lui-même à l’époque membre de la Cimade et témoin direct de la rafle d’, « s’étonne que semble tombée dans l’oubli la rafle similaire [à celle du Vél’d’Hiv] qui eut lieu dans la zone dite « non occupée », le de la même année. […] Comme à Paris, l’opération fut réalisée par la police française. Heureusement, sauvant l’honneur, des policiers eurent le courage de prévenir ceux qu’ils devaient arrêter […]. J’ai constaté avec regret que, dans la plupart des rappels chronologiques des événements marquants de la période, on omet la mention de cette rafle pourtant aussi honteuse que celle du Vél’d’Hiv. […] je me permets d’adresser cette lettre ouverte à la presse. Les rédactions auront le temps de consulter des historiens sérieux de la période pour confirmer mes dires. Elles auront alors la responsabilité d’évoquer d’une manière ou d’une autre la date du , faisant œuvre salutaire de mémoire. »[35]

Des commémorations locales ont eu lieu lors du 70e anniversaire de la rafle, par exemple à la gare de Nexon, où se trouve un petit monument commémoratif[54], ou à Grenoble, où une plaque commémorative a été inaugurée en 2016, à l'emplacement de la caserne Bizanet[55].

Notes et références

Notes

  1. Le premier camp d’extermination, Chełmno, commence à fonctionner en .
  2. La construction des camps de concentration ou d’extermination, dont le coût était limité sachant la précarité des bâtiments et leur confort minimal, relevait des compétences du Wirtschafts- und Verwaltungs-Hauptamt (WVHA), « l'Office central d'économie et d’administration » de la SS) rattaché à Oswald Pohl, la gestion des camps de concentration également car le travail forcé avait une incidence économique. Le personnel de surveillance, les SS-Totenkopfverbände puis les SS-Wachverbände, était formellement rattaché à Hans Jüttner, le directeur du SS-Führungshauptamt (le bureau central de la SS), qui supervisait l'essentiel des unités non policières de la SS ; mais les ordres opérationnels pouvaient provenir des HSSPF (les chefs territoriaux de la SS, qui prenaient leurs ordres auprès de Himmler).
  3. Équivalent en France de général de brigade, mais il s'agit ici d’un grade dans la police, son titre complet étant SS-Brigadeführer und Generalmajor der Polizei.
  4. Ainsi, Oberg commande notamment la police allemande — la SiPo : donc la KriPo et la Gestapo — et les services de renseignement allemands : le SD.

Références

  1. Alain Michel, « 26 août 1942, la rafle oubliée ? », billet de blog dans Le Monde online, 21 août 2012, consulté le 11 janvier 2017.
  2. Jacques Sémelin, Persécutions et entraides dans la France occupée : comment 75 % des juifs de France ont échappé à la mort, Paris, Seuil Arènes, , 900 p. (ISBN 978-2-35204-235-8, OCLC 836883600), p. 838-843.
  3. Kupferman 2006, p. 417-424.
  4. Hilberg 2006, p. 1186.
  5. Kupferman 2006, p. 398-401.
  6. « 1942, des rafles à la déportation » [PDF], document co-édité par le mémorial de la Shoah et le ministère des Anciens Combattants.
  7. Hilberg 2006, p. 489 et suiv.
  8. Hilberg 2006, p. 728-734.
  9. Browning 2007, p. 337.
  10. Hilberg 2006, p. 725.
  11. Hilberg 2006, p. 725-726, 731.
  12. Auschwitz, (DOI 10.14375/np.9782021060331, lire en ligne).
  13. Cointet 1993, p. 398-400, 425.
  14. Kupferman 2006, p. 401, 404-406.
  15. Selon Serge Klarsfeld, cité par le Bulletin des Amis de la Fondation pour la mémoire de la déportation en Allier, consulté le 11 janvier 2017.
  16. Kupferman 2006, p. 375-376.
  17. Vichy France and the Jews, p. 257.
  18. Note du , archivée cote 277 W 115, aux archives départementales du Puy-de-Dôme, citée par le Bulletin des Amis de la Fondation pour la mémoire de la déportation en Allier, consulté le 11 janvier 2017.
  19. Kupferman 2006, p. 418.
  20. Hilberg 2006, p. 1184-1186.
  21. Détails donnés par le site Jewish Traces, « Les rafles du 26 août 1942, rafles oubliées », article publié le 26 août 2012, consulté le 11 janvier 2017.
  22. Laurent Joly, L'État contre les Juifs — Vichy, les nazis et la persécution antisémite (1940-1944), Paris, Flammarion, coll. « Champs histoire », (1re éd. Grasset, 2018), 372 p. (ISBN 978-2-0814-8546-4), p. 106-108.
  23. « Germaine-Ribière », sur ajpn.org (consulté le ).
  24. Hilberg 2006, p. 1183, 1185.
  25. François et Renée Bédarida, « La persécution des Juifs », dans Jean Pierre Azéma (dir.) (T. 1 : De la défaite à Vichy. -- T. 2 : De l'occupation à la libération), La France des années noires, Paris, Seuil, coll. « Univers historique », (ISBN 978-2-02-010392-3, OCLC 470448941), p. 147.
  26. Paxton 1997, p. 348.
  27. Guy Bousquet, son fils, dans son livre Rene Bousquet cet inconnu y aborde les questions relatives à la déportation des Juifs de France pendant la période d' à (p. 285 à 496).
  28. Kupferman 2006, p. 485.
  29. Il cite de mĂ©moire le chiffre un peu optimiste de seulement 3 000 Ă  4 000 Juifs arrĂŞtĂ©s sur les 10 000 visĂ©s par l’opĂ©ration. Charles L’Eplattenier, « Monsieur le PrĂ©sident, n’oubliez pas la rafle du 26 aoĂ»t 1942 », tribune parue dans LibĂ©ration, 22 aoĂ»t 2012, consultĂ©e le 11 janvier 2017.
  30. « [Le] docteur Joseph Weill, dirigeant de l’organisation d’entraide et d’assistance juives de l’OSE, Georges Garel, ingénieur français d’origine lituanienne, créateur et organisateur du « circuit Garel », réseau de sauvetage des enfants de l’OSE. qui porte son nom, Hélène Lévy, infirmière en chef de l’OSE, l’avocat Charles Lederman, administrateur de l’OSE et beau-frère de Garel », cité dans Jewish Traces, « Les rafles du 26 août 1942, rafles oubliées », article publié le 26 août 2012, consulté le 11 janvier 2017.
  31. Joseph Weill, Le Combat d’un juste, Éditions Cheminements, octobre 2002, p. 173-181, cité dans « La France des camps », sur le site du service éducatif des archives départementales de l'Ardèche, consulté le 12 janvier 2017.
  32. Gérard Gobitz, Les Déportations de réfugiés de zone libre en 1942, p. 111, cité dans « La France des camps », sur le site du service éducatif des archives départementales de l'Ardèche, consulté le 12 janvier 2017.
  33. Kupferman 2006, p. 420-421.
  34. Bulletin des Amis de la Fondation pour la mémoire de la déportation en Allier, consulté le 11 janvier 2017.
  35. Charles L’Eplattenier, « Monsieur le Président, n’oubliez pas la rafle du 26 août 1942 », tribune parue dans Libération, 22 août 2012, consultée le 11 janvier 2017.
  36. « Internement camp de Nexon (Haute-Vienne) 1940-1945 », site Résistance française, consulté le 12 janvier 2017.
  37. « La rafle du 26 août 1942 », site Chemins de mémoire, consulté le 11 janvier 2017.
  38. Trajan Sandu, « Les Juifs de la Creuse à leur tour pourchassés », sur francetv.fr, France Télévisions, 14 janvier 2015, mis à jour le 21 avril 2015 (consulté le ), extrait de « 1942 : l'été de l'infamie nationale », Historia, no 666, juin 2002.
  39. Kupferman 2006, p. 418-419.
  40. Kupferman 2006, p. 421.
  41. Hilberg 2006, p. 1187.
  42. Marc Ferro, Pétain, Paris, Fayard, (réimpr. 2008), 789 p. (ISBN 978-2-213-01833-1), p. 414-415.
  43. Kupferman 2006, p. 423.
  44. Ces propos, rapportés par Pierre Laval lui-même, sont minutés dans le compte-rendu d’entretien entre Pierre Laval et Carl Oberg de . Cité par Jacques Semelin, Persécutions et entraides dans la France occupée, op. cit..
  45. Kupferman 2006, p. 421-423.
  46. Marc Boegner, « Les églises protestantes pendant la guerre et l'occupation », dans Actes de l'Assemblée générale du protestantisme français, 1945, Paris, 1946, p. 32-35.
  47. Serge Klarsfeld, « Les autorités d'occupation, Vichy et la déportation des Juifs », dans Qu'est-ce qu'un déporté ?, sous la dir. de Tal Bruttmann, Laurent Joly et Annette Wieviorka, CNRS éditions, 2009, p. 75.
  48. Sur un total de 90 dĂ©partements mĂ©tropolitains, l'ArmĂ©e allemande en occupait entièrement 45 et partiellement 13 ; 32 dĂ©partements n'Ă©taient pas occupĂ©s.
  49. « La France déshonorée », Le Franc-tireur numéro 11,‎ , p.1 (lire en ligne)
  50. Cointet 1993, p. 425-426.
  51. OpĂ©ration menĂ©e Ă  la demande expresse de Himmler Ă  la suite d'attentats anti-allemands. Après l'arrestation de 6 000 personnes, 1 642 furent dĂ©portĂ©es, dont 782 Juifs, le reste fut relâchĂ© : « Janvier 1943, les rafles de Marseille », sur jewishtraces.org, (consultĂ© le ).
  52. Cointet 1993, p. 400-401.
  53. Kupferman 2006, p. 406-407.
  54. Michaël Caillet, « La rafle de Nexon… c'était il y a 70 ans », L'Écho du Centre, 30 août 2012, article consultable sur le site des « Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation » (AFMD) : « 2012 Gare de Nexon : cérémonie commémorative de la rafle du 28 août 1942 », consulté le 12 janvier 2017.
  55. « Commémoration de la rafle de la Caserne Bizanet le 26 août 1942 », sur le site du CRIF Grenoble-Dauphiné, consulté le 12 janvier 2017.

Bibliographie

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