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Annette Wieviorka

Annette Wieviorka, née le à Paris, est une historienne française, spécialiste de la Shoah et de l'histoire des Juifs au XXe siècle depuis la publication en 1992 de sa thèse, Déportation et génocide : entre la mémoire et l'oubli, soutenue en 1991 à l'université Paris-Nanterre[2].

Annette Wieviorka
Annette Wieviorka en 2012.
Å’uvres principales
  • Déportation et génocide : entre la mémoire et l'oubli (thèse, 1992)
  • L'Ère du témoin (2002)
  • Auschwitz, 60 ans après (2005)

Biographie

Enfance et famille

Les grands-parents paternels d'Annette Wieviorka, Juifs polonais, furent arrêtés à Nice pendant la guerre et sont morts à Auschwitz. Le grand-père, Wolf Wiewiorka, est né le à Mińsk Mazowiecki. La grand-mère, Rosa Wiewiorka, née Feldman, est née le à Siedlce. Leur dernière adresse à Nice est au 16 rue de la Reine-Jeanne. Ils sont déportés par le convoi no 61, en date du , du camp de Drancy vers Auschwitz. Ils sont détenus avant au camp de transit de Beaune-la-Rolande[3]. Le père d’Annette Wievorka, réfugié en Suisse, et sa mère, fille d’un tailleur parisien, réfugiée à Grenoble, survécurent à la guerre[4] - [5]. Elle est la sœur de Michel Wieviorka, Sylvie Wieviorka et Olivier Wieviorka.

Elle grandit dans les Hauts-de-Seine puis dans le Val-d'Oise. Sa famille est pauvre, et peu inscrite dans la culture juive. Elle fréquente l'école publique, qui a pour elle « une importance capitale ». Elle pratique le scoutisme laïque, au sein des Éclaireurs de France[6].

En 2022, elle publie le livre Tombeaux, conçu comme une « autobiographie de [sa] famille »[7].

Formation

Annette Wieviorka est agrégée d'histoire (1989) et docteur en histoire (1991). Sa thèse, dirigée par Annie Kriegel, s'intitule Déportation et génocide : oubli et mémoire 1943-1948 : le cas des juifs en France. Cette thèse a donné lieu à une publication en 1992 par Plon[8]. Elle est rééditée en 2003 aux éditions Hachette.

Engagements

Durant les années 1970, Annette Wieviorka est engagée politiquement dans le mouvement maoïste. En 1970, elle effectue un premier voyage en Chine. Le Monde note qu'elle n'a « rien pu ou voulu voir des massacres de masse et de la nature totalitaire du régime communiste, dont la brutalité était pourtant à son paroxysme en pleine Révolution culturelle ». De 1974 à 1976, elle y revient, comme professeur de langue et civilisation française à Canton. Commentant son ouvrage Mes années chinoises (2021), elle indique avoir alors été comme d'autres « dans un mouvement d’admiration pour la révolution chinoise qui nous empêchait de découvrir la réalité du régime »[9]. Elle se remet pourtant en cause à son retour : « Quand je suis rentrée en France, j’ai traversé une période de crise profonde, une grave dépression au cours de laquelle j’ai remis en cause tout ce que je pensais, tout ce en quoi je croyais »[6].

Elle est engagée auprès de l'Association Primo Levi (soins et soutien aux personnes victimes de la torture et de la violence politique) en tant que membre de son comité de soutien[10].

Elle est nommée en 2021 à l'ordre national du Mérite au grade de grand officier[11].

Carrière universitaire

Directrice de recherche au CNRS[12], elle a été membre de la mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France, dite mission Mattéoli[13].

Elle est membre du comité d'orientation de l'association Siriaténou, consacrée au livre juif.

Elle est nommée en 2019 directrice de recherche émérite au CNRS[14], puis vice-présidente du Conseil supérieur des archives[15] en janvier 2023[16], en remplacement de Christine Nougaret, professeure à l’École nationale des Chartes[17].

Vie privée

Annette Wieviorka a épousé en 1970 Roland Trotignon, dont elle a eu un fils, Nicolas, mathématicien (directeur de recherche au CNRS, et enseignant à l'École normale supérieure de Lyon). Elle s'est ensuite remariée.

L'heure d'exactitude : Histoire, mémoire, témoignage

L'heure d'exactitude : Histoire, mémoire, témoignage[18] est un essai d'Annette Wieviorka réalisé à partir d'une interview de Séverine Nikel[19], paru chez Albin Michel en 2011.

Dans ce livre, elle tente une synthèse de la mémoire de la Shoah et ses évolutions marquantes et s'efforce de répondre au pourquoi du succès actuel de cette question, les malentendus qu'il implique, le sens du devoir de mémoire et de ce qu'est un témoin et s'intéresse à la portée de cette notion.

Elle note les progrès réalisés dans la diffusion de cette notion, du travail de mémoire accompli depuis les débuts où il n'y avait guère que « les cadres sociaux de la mémoire de Halbwachs ou l’entretien de Pierre Nora avec J.-B. Pontalis, paru dans la Nouvelle revue de psychanalyse. » Il s'est produit une conjonction entre la volonté des porteurs de mémoire d'apporter leur témoignage et des historiens. La mémoire de la Shoah est devenue un des socles de l’unification européenne, non sans répercussions sur la reconstruction historique, les témoignages et leurs enjeux.

L'ère du témoin

Dans cet ouvrage, Annette Wieviorka montre que le témoignage est devenu une pratique non seulement courante, mais impérative : recueil de témoignages, collecte d'archives, histoire orale... Il s'agit de témoigner sur les mondes disparus, mais aussi sur les expériences vécues par les acteurs. En ce sens, l'« ère du témoin » constitue un tournant mémoriel, mais aussi historiographique. À ce propos, Yves Chevalier fait remarquer que le témoignage arrive au croisement d'un défi, « traiter avec respect la souffrance d’autrui tout en gardant la liberté de jugement nécessaire à l’élaboration d’un discours scientifique sur les faits »[20].

Tombeaux

À propos de Tombeaux, le magazine Télérama écrit que « ce livre est vraiment bien plus qu’un hommage : un accomplissement »[21].

À propos de son livre, elle déclare en 2022 : « Toute ma vie, j’ai tourné autour de ce livre, peut-être mon dernier, par exemple en interviewant mon père dans les années 1970. J’ai mis du temps à me lancer, et j’ai souhaité me détacher de la veine un peu psychanalytique qui explore "ce que la Shoah nous a fait". J’ai essayé de m’effacer pour faire revivre mes ancêtres, sans pathos ni surplomb »[22].

Publications

  • L'Écureuil de Chine, Paris, Les presses d'aujourd'hui, 1979 (livre de souvenirs autobiographiques sur son séjour en Chine de 1974 à 1976 - wiewiórka signifie « écureuil » en polonais) (ISBN 2070293017)
  • Ils étaient juifs, résistants, communistes, Denoël, 1986
  • Le procès de Nuremberg, Ouest-France/Mémorial de Caen, Rennes, Paris, 1995 (ISBN 2737315778)
  • avec Jean-Jacques Becker (dir.), Les Juifs de France, Éditions Liana Levi, « Histoire », 1998 (ISBN 2867461812)
  • Auschwitz expliqué à ma fille, Éditions du Seuil, Paris, 1999 (ISBN 2020366991)
  • L'Ère du témoin, Hachette, « Pluriel », Paris, 2002. (ISBN 2012790461)
  • Déportation et génocide. Entre la mémoire et l'oubli, Hachette, « Pluriel », Paris, 2003.
  • Auschwitz, 60 ans après, Robert Laffont, Paris, 2005 (ISBN 2221102983)
    Également publié sous le titre Auschwitz, la mémoire d'un lieu, Hachette, « Pluriel », Paris, 2006 (ISBN 2012793029)
  • Juifs et Polonais : 1939 à nos jours, Albin Michel, coll. « Bibliothèque histoire », Paris, 2009 (ISBN 9782226187055)
  • Maurice et Jeannette. Biographie du couple Thorez, Fayard, Paris, 2010 (ISBN 9782213654485) [compte rendu de l'ouvrage]
  • Eichmann de la Traque au Procès, André Versaille, Bruxelles, 2011 (ISBN 9782874951398). Également publié sous le titre Le Procès Eichmann, Complexe, « La Mémoire du Siècle », Bruxelles, 1989
  • L'Heure d'exactitude ; Histoire, mémoire, témoignage, (Entretiens avec Séverine Nikel), Albin Michel, 2011 (ISBN 978-2-226-20894-1)
  • Nouvelles perspectives sur la Shoah, PUF, Paris, 2013, 128 p. (ISBN 9782130619277).
  • 1945, La découverte, Seuil, Paris, , 282 p. (ISBN 978-2-02-118263-7).
  • avec Sylvie Lindeperg (dir.), Le moment Eichmann, Albin Michel, 2016 (ISBN 978-2-22-631502-1)
  • Ils étaient juifs, résistants, communistes, Paris, Éditions Perrin, 2018, 480 p. (ISBN 978-2-262-04164-9)
  • avec Danièle Voldman, Tristes grossesses : l'affaire des époux Bac (1953-1956), Paris, Le Seuil, 2019.
  • Mes années chinoises, Stock, 2021.
  • Tombeaux : Autobiographie de ma famille, Le Seuil, Paris, 2022, 400 p. (ISBN 9782021478198)

Filmographie

  • The Trial of Adolf Eichmann, écriture par Annette Wieviorka et Michaël Prazan, réalisation de Michaël Prazan, 1997.
  • 14 récits d'Auschwitz, série documentaire proposée par Annette Wieviorka, créatrice et écrivaine, avec Henri Borlant, réalisation de Caroline Roulet, 2002.
    Ce documentaire a été réalisé dans le cadre de la participation d'Annette Wieviorka au programme Fortunoff Video Archive for Holocaust Testimonies (en) de l'université Yale. Tout en notant son sentiment ambivalent en tant qu'historienne à l'égard de ces témoignages des survivants de la Shoah dont certains ont un caractère « si imprécis et, osons le dire, parfois fantaisiste » alors que d'autres « en revanche, sont exceptionnels et permettent parfois à ceux qui ont raconté pour la première fois leur histoire, comme Stanislaw Tomkiewicz ou Henri Borlant d'entreprendre la rédaction d'un livre », Annette Wieviorka souligne leur importance « pour les survivants et aussi pour leur descendance »[23].
  • Témoignages pour Mémoire, écriture par Annette Wieviorka, Geneviève Decrop, Claudine Drame, et Régine Waintrater (traduction anglaise de Ruth Rachel Anderson-Avraham), réalisation de Claudine Drame, 2007.
  • Le procès d'Adolf Eichmann (Infrarouge), écriture par Annette Wieviorka et Michaël Prazan, réalisation de Michaël Prazan, 2011.

Distinctions

Récompense

  • Annette Wieviorka a reçu le prix Mémoire de la Shoah en 2000[24].
  • Tombeaux. Autobiographie de ma famille a reçu le prix Femina Essai 2022[6].

Décorations

Bibliographie

Notes et références

  1. « https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/POG/FRAN_POG_05/p-4kl48typ9--h5nnjkpt5ecg »
  2. SUDOC 012150304.
  3. Voir, Klarsfeld, 2012.
  4. Annette Wieviorka.
  5. Marie-Françoise Masson, « Annette Wieviorka, historienne au nom de ses grands-parents », sur la-croix.com, La Croix, (consulté le ).
  6. « Annette Wieviorka : « A mon retour de Chine, j’ai remis en cause tout ce que je pensais » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. Frédérique Roussel, « Annette Wieviorka, les vies d'un arbre généalogique », Libération,‎ , p. 26 (lire en ligne).
  8. « Déportation et génocide : oubli et mémoire 1943-1948 : le cas des juifs en France », sur theses.fr.
  9. « Annette Wieviorka : « Je vivais sur l’image d’une Chine qui n’existait pas » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. Organigramme de l'Association Primo Levi:http://www.primolevi.org/index.php/presentation/organisation-de-lassociation
  11. « Ordre national du Mérite : Annette Wieviorka et Charles Dantzig dans la promotion », sur ActuaLitté.com (consulté le ).
  12. « IRICE - Wieviorka Annette », sur irice.univ-paris1.fr (consulté le ).
  13. art Astro, Alan. "Annette Wieviorka." Jewish Women : A Comprehensive Historical Encyclopedia. 1 March 2009. Jewish Women's Archive.
  14. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038632142
  15. « Le Conseil supérieur des archives (CSA) » Accès libre, sur Journal officiel, (consulté le ).
  16. « Arrêté du 13 janvier 2023 portant nomination au Conseil supérieur des archives - Légifrance », sur Légifrance (consulté le ).
  17. « Annette Wieviorka devient vice-présidente du Conseil supérieur des archives », sur ActuaLitté.com (consulté le ).
  18. Annette Wieviorka (entretiens avec Séverine Nikel), L'heure d'exactitude : histoire, mémoire, témoignage : entretiens avec Séverine Nikel, Paris, A. Michel, coll. « Itinéraires du savoir », , 248 p. (ISBN 978-2-226-20894-1, OCLC 759036899, BNF 42533100).
  19. Séverine Nikel est rédactrice en chef - responsable des collections - de la revue L’Histoire.
  20. Yves Chevalier, « Wieviorka (Annette), L’Ère du témoin », Archives de sciences sociales des religions, visible sur https://journals.openedition.org/assr/20611
  21. Valérie Lehoux, « Tombeaux », telerama.fr, 30 août 2022.
  22. Juliette Bénabent, « Sonia Devillers, Annette Wieviorka... : des histoires de famille qui racontent la grande Histoire », Télérama, 3 octobre 2022.
  23. Séverine Nikel, Annette Wieviorka, L'Heure d'exactitude ; Histoire, mémoire, témoignage, Albin Michel, 2011 (ISBN 9782226208941) [EPUB] emplacement 2239-2280 sur 3600.
  24. « Fondation Jacob Buchman - Fondation du Judaïsme Francais », sur fondationjudaisme.org (consulté le ).
  25. Décret du 14 mai 1998 portant promotion et nomination.
  26. Décret du 13 mai 2005 portant promotion et nomination.
  27. Décret du 14 novembre 2013 portant promotion et nomination.
  28. Arrêté du 13 septembre 2016 portant nomination dans l'ordre des Arts et des Lettres.

Voir aussi

Article connexe

Liens externes

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