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Pic de Guadeloupe

Melanerpes herminieri

Pic de Guadeloupe
Description de cette image, également commentée ci-après
Melanerpes herminieri[Note 1]

Espèce

Melanerpes herminieri
(Lesson, 1830)

Synonymes

  • Picus herminieri Lesson, 1830 (protonyme)
  • Linneopicus herminieri (Lesson, 1830)

Répartition géographique

Description de l'image Melanerpes herminieri distr.png.

Statut de conservation UICN

( LC )
LC : Préoccupation mineure

Le Pic de Guadeloupe (Melanerpes herminieri) ou Tapeur[1] est une espèce d'oiseaux de la famille des Picidae appartenant au genre Melanerpes.

Espèce endémique et sédentaire de l'archipel de la Guadeloupe dans les Petites Antilles, ce pic forestier de taille moyenne, au plumage monomorphique entièrement noir avec des reflets rouges à violets sur le ventre, vit principalement dans les zones de la forêt tropicale humide de l'île mais s'adapte également, sous la pression de l'urbanisation, à des milieux forestiers plus ouverts de l'île. Oiseau solitaire et monogame durant la période de reproduction, il niche dans des trous qu'il creuse grâce à son puissant bec droit dans le tronc des arbres morts (principalement des cocotiers) où la femelle pond de trois à cinq œufs qui sont incubés durant quinze jours avant l'éclosion des oisillons, puis assure leur nourrissage au nid pendant environ un mois. Les juvéniles restent auprès des parents pour une longue période d'apprentissage avant de prendre leur autonomie. Les Pics de Guadeloupe sont principalement insectivores, bien qu'ils se nourrissent également de deux sortes de petits vertébrés (une grenouille arboricole et une espèce d'anolis endémique) et consomment une grande variété de fruits saisonniers.

Espèce longtemps considĂ©rĂ©e comme « quasi menacĂ©e Â» selon l'UICN en raison de son endĂ©misme, de la prĂ©dation de ses Ĺ“ufs et de ses nids par les rats noirs, de ses effectifs totaux relativement faibles et des spĂ©cificitĂ©s de l'archipel (topographie des Ă®les, fragmentation de l'habitat et urbanisme), elle est repassĂ©e Ă  une Ă©valuation de « prĂ©occupation mineure Â» en . Si le Pic de Guadeloupe semble relativement protĂ©gĂ© sur l'Ă®le de Basse-Terre, l'Ă©tat de ses populations sur Grande-Terre — oĂą pèsent des risques d'extinction — est nettement plus prĂ©occupant. Il est devenu l'un des emblèmes de la faune guadeloupĂ©enne qui se rencontre dĂ©sormais assez facilement dans le parc national de la Guadeloupe.

Taxinomie

DĂ©crit en 1830 par RenĂ© Primevère Lesson dans le genre Picus, le Pic de Guadeloupe prend son nom scientifique de Melanerpes herminieri en 1951 (travaux du père Robert Pinchon et de Marcel Bon-Saint-CĂ´me) en hommage au naturaliste FĂ©lix Louis L'Herminier (1779-1833), personnalitĂ© importante de la Guadeloupe et auteur de nombreux ouvrages sur les oiseaux entre 1827 et 1844[2]. Le nom du genre Melanerpes vient du grec melas signifiant « noir » et herpÄ“s signifiant « grimpeur[3] ». Localement, il est appelĂ© Tapeur[1], TapĂ© ou Toto bwa, Toc-toc en crĂ©ole guadeloupĂ©en[4].

Il a été envisagé quelque temps comme un genre monotypique, appelé Linneopicus, avant d'être définitivement associé au genre Melanerpes[5]. Membre des vingt-quatre espèces qui composent le genre[Note 2], il est possible qu'il ait évolué à partir du Pic de Porto Rico (Melanerpes portoricensis) durant le Pléistocène, lui-même dérivant phylogénétiquement du Pic à tête rouge (Melanerpes erythrocephalus) présent exclusivement sur le continent nord-américain[6] - [7] - [Note 3].

Cependant, la phylogĂ©nie du genre Melanerpes est celle qui est la moins connue parmi la famille des Picidae dont la divergence en trois sous-familles — Jynginae, Picumninae et Picinae (Ă  laquelle appartient Melanerpes) — date d'il y a 30 Ă  20 millions d'annĂ©es, Ă  l'Oligocène ou au Miocène infĂ©rieur[8].

RĂ©partition et habitat

Zones de plus fortes densités de présence du pic en Guadeloupe, d'après Pascal Villard et al. (1998 et 2008).

Melanerpes herminieri est, depuis l'extinction sur l'île au XVIIIe siècle des Psittacidae (Aratinga labati et l'Amazone de la Guadeloupe (Amazona violacea)[9]), la seule espèce d'oiseaux endémique de la Guadeloupe[1], ainsi que désormais la seule espèce de pics rencontrée dans les Petites Antilles[10] - [5] - [11]. C'est aussi l'une des cinq espèces animales endémiques de la Guadeloupe, avec deux espèces de chauve-souris forestières et deux espèces de grenouilles[12].

L'espèce est prĂ©sente sur l'Ă®le principale depuis le niveau de la mer jusqu'Ă  la limite supĂ©rieure des arbres, vers 1 000 m d'altitude, mais est historiquement plus prĂ©sente sur la Basse-Terre, avec une prĂ©fĂ©rence pour la cĂ´te Est de l'Ă®le, que sur la Grande-Terre ; elle est en revanche totalement absente de toutes les dĂ©pendances de la Guadeloupe[11].

Espèce exclusivement sédentaire[6], le pic de Guadeloupe se répartit dans pratiquement tous les types forestiers de l'île (forêt semi-décidue sur sols volcaniques — à Basse-Terre — et calcaires — à Grande-Terre —, forêt tropicale humide à Basse-Terre, mangrove et forêt inondable), de manière cependant hétérogène[11] : il est principalement présent à Basse-Terre, dans les zones de forêt tropicale humide qui regroupent, en 1998, plus de 70 % de la population totale de l'espèce en Guadeloupe, et à 5 % dans ses zones décidues, tandis que les forêts décidues de la Grande-Terre accueillent environ 20 % de la population et la zone de mangrove et de marais au centre de l'archipel les 5 % restants[11].

En 2008, une étude de l'avifaune guadeloupéenne a montré la présence du Pic de Guadeloupe dans toutes les zones du parc national de la Guadeloupe, avec toujours une préférence pour le massif ombrophile situé sur la côte Est de l'île (Côte-au-vent) ainsi que la zone Nord-Ouest vers Deshaies (nord de la Côte-sous-le-vent)[13]. L'espèce semble avoir de plus colonisé les monts Caraïbes, à la pointe sud de la Basse-Terre, entre 1998 et 2007[14]. Globalement en 2008, la Basse-Terre accueille 75 % de la population des pics de l'archipel et la Grande-Terre 25 %[15]. C'est un oiseau territorial — mais pas particulièrement agressif envers ses congénères, avec lesquels il interagit peu[16] — qui a besoin d'un territoire de deux à cinq hectares par couple pour vivre[17], voire de dix hectares dans la pointe sud de la Grande-Terre, plus aride[14].

Description

Tête d'un pic émergeant de l'entrée de son nid creusé dans un cocotier
Pic de Guadeloupe à l'entrée de son nid.

Le Pic de Guadeloupe est une espèce de pics de taille moyenne, robuste, mesurant 26 Ă  28 cm de longueur pour un poids compris entre 86 et 97 g chez les mâles contre 69 Ă  78 g chez les femelles[18] - [Note 4]. Très spĂ©cifiques dans leur apparence au sein de leur genre[19], le mâle et la femelle sont les seuls de tous les Melanerpes Ă  ne pas prĂ©senter de dimorphisme sexuel marquĂ© au niveau de leur plumage[2] - [20] - [21] : ils sont entièrement noirs, avec des reflets graduels allant du rouge-foncĂ© au bordeaux sur le plumage ventral, bleu-foncĂ© sur le dos et bleu-mĂ©tallique sur le bout des ailes (faisant chez le mâle en moyenne 13,5 cm de longueur[22] pour une envergure de 42,5 cm contre 40,5 cm chez la femelle[18]). Il est possible que la coloration noire du Pic de Guadeloupe soit un avantage pour sĂ©cher par exposition au soleil et lutter contre l'humiditĂ©, et que les plumes noires soient plus rĂ©sistantes Ă  l'abrasion[2], mais aucune explication dĂ©finitive n'est Ă  ce jour avancĂ©e par la communautĂ© scientifique. De plus, ce pic est un animal qui ne vit pas en colonie ni en groupe, ce qui est un trait de comportement social souvent associĂ© Ă  un monomorphisme au niveau du plumage[21].

Les pattes — constituées de quatre doigts en disposition zygodactile[23] — sont de couleur gris-vert à gris-bleu, puissantes, aux serres très développées et décourbées pour la préhension de l'écorce par le seul bout de la griffe, ce qui représente une adaptation à la vie exclusivement arboricole sur les troncs et les branches[18]. Les yeux ont mm de diamètre (pupille de mm) avec des iris brun-foncé[2]. Le bec, entièrement noir, est environ 15[18] à 20 % plus long[22] et plus robuste chez le mâle[5] - [4] ; c'est le critère principal de reconnaissance du sexe des individus : la taille du bec de la femelle est égale à celle de sa tête tandis que celle du mâle est distinctement plus longue[18].

Dessin d'un crâne de pic avec les différents os et la langue
Crâne d'un Picinae, montrant (en rouge) l'élongation et les attaches de l'appareil hyoïdien, formant à son extrémité la langue de l'oiseau.

Comme pour tous les pics, espèces adaptées au perçage du bois, les narines sur le culmen possèdent de petites plumes pour protéger la respiration ainsi que des glandes à mucus pour piéger les poussières[23]. Le muscle protracteur ptérygoïdien, très développé chez les pics, joue un rôle central dans l'adaptation à l'absorption des chocs en désolidarisant le bec (qui peut bouger de manière latérale) du crâne afin de minimiser la transmission de l'énergie cinétique au cerveau et aux yeux ; à cela s'ajoute un os ptérygoïde très spécifique chez les Picidae par rapport aux autres oiseaux[24]. De plus, ils présentent un tissu spongieux spécifique entre les os du crâne (fortement ossifié, notamment au niveau du septum interorbital fortement développé) et le bec, avec un déplacement de l'attache de la grande corne de l'os hyoïde à l'os carré ainsi qu'un sternum et un bréchet renforcés. Pris ensemble, tous ces éléments maximisent la dissipation de l'énergie et l'amortissement des chocs pour l'oiseau lors des percussions[23]. Enfin, la longue langue très spécifique des Picidae — entièrement cylindrique et mesurant environ deux fois la taille de son bec — est le résultat d'une évolution particulière de l'appareil hyoïdien avec deux parties : l'une osseuse à l'extrémité est munie de petits crochets, l'autre cartilagineuse s'allonge remarquablement sous l'action d'un muscle branchiomandibulaire (qui s'attache sur la branche de la mandibule) dédoublé — s'ancrant sur la partie antérieure à la base du culmen, entourant le crâne par l'arrière avec ses deux branches, descendant de chaque côté de la colonne vertébrale, de l'œsophage et du larynx — qui pousse les cornes hyoïdes et la langue hors du bec[23] - [25].

Les oiseaux juvéniles sont similaires aux adultes, mais avec un plumage plus terne et plus proche du brun foncé[2] - [20]. L'espérance de vie des individus est supérieure à cinq ans[26] et la longévité estimée est de huit à dix ans[4].

Comportement

Alimentation

Le Pic de Guadeloupe adulte se nourrit essentiellement de termites, de fourmis, de larves, de myriapodes et d'arthropodes collectés à 90 % lors du percement des bois morts[27], ainsi que de fruits variés[5]. En raison de la différence de taille de leurs becs, les mâles cherchent leurs proies préférentiellement sur les grosses branches et les troncs morts tandis que les femelles s'attachent plus aux branches, de surcroit à celles de faible section[27]. Des études scientifiques réalisées sur un pic en captivité ont démontré que la pointe de la longue langue de l'oiseau est munie de crochets cornés, orientés vers l'arrière, enduits de salive qui lui permettent d'agripper et d'extraire des insectes des trous profonds dans le bois et non de les « harponner »[28] - [23]. Sa collecte de fruits se fait en général dans la canopée et le sommet des arbres, avec la possibilité qu'il a de se tenir à l'envers, la tête vers le sol, pour récolter un fruit, une drupe ou une baie difficile d'accès[20].

Il a été rapporté que le Pic de Guadeloupe peut de manière occasionnelle et opportuniste se nourrir d'un petit saurien, Anolis marmoratus, lui aussi endémique de l'archipel[29]. De même, les femelles pics peuvent en période de reproduction consommer ponctuellement des carcasses de crabes pour un apport en calcium nécessaire à la production de la coquille de leurs œufs[27]. En revanche, il n'a jamais été décrit que cette espèce se nourrissait du nectar des fleurs ou de la sève des arbres contrairement au Pic poignardé, endémique de Cuba[30].

Aucune Ă©tude prĂ©cise de l'alimentation des pics (identification et quantitĂ© des insectes consommĂ©s) n'a pu ĂŞtre faite chez les adultes, en raison de leur vitesse de percement et de consommation des proies[27]. Cependant, en pĂ©riode de nidification, des Ă©tudes ont permis de montrer que le rĂ©gime alimentaire typique des oisillons — apportĂ© par les parents Ă  un rythme de cinq fois par heure — se compose essentiellement de grosses proies, allant de 20 Ă  40 mm (avec une moyenne de 22 mm). Si le Pic de Guadeloupe nourrit deux fois moins frĂ©quemment sa nichĂ©e que le Pic de JamaĂŻque (dix fois par heure), les proies apportĂ©es sont deux Ă  quatre fois plus grosses car l'espèce, contrairement Ă  sa cousine jamaĂŻcaine — dont la taille du bec est nĂ©anmoins identique —, ne les avale pas, ni ne les rĂ©gurgite, mais les transporte dans son bec[31]. Le rĂ©gime est principalement constituĂ© d'insectes de la classe des Orthoptera (Ă  44 %, principalement des sauterelles de l'espèce Tapalisca et des blattes de l'espèce Pelmatosilpha purpurascens), de larves (Ă  20 %, principalement de colĂ©optères — dont Scarabaeidae et Buprestidae — et de diptères) mais aussi de grenouilles arboricoles Eleutherodactylus martinicensis (Ă  11 %), de colĂ©optères adultes (Ă  10,5 %, des familles Curculionidae, Cerambycidae et Scarabaeidae), de lĂ©pidoptères (Ă  6,5 %) et de gastĂ©ropodes (Ă  3,2 %) ainsi que de fruits, principalement des genres Clusia (Ă  70 %), Eugenia ou Myrcia (Ă  16 %) ainsi que de morceaux de mangue (Mangifera indica)[31] - [27]. En revanche, les adultes ne nourrissent pas leurs oisillons avec des fourmis ni avec des termites[31].

L'apport en eau des oiseaux se fait par la consommation de seize espèces de fruits saisonniers — dont ils recrachent les pépins et noyaux, après consommation de la pulpe, en secouant violemment la tête comme tous les pics[32] —, les pics n'ayant été que très rarement observés en train de boire[27].

Les Pics de Guadeloupe utilisent des enclumes pour le découpage des plus grosses proies (telles que les grenouilles ou les anolis), le dépiautage des insectes et l'ouverture de graines ou de fruits durs. Ces enclumes sont en général les sommets de cocotiers dépourvus de palmes qui, de plus, constituent des zones de stockage de nourriture[27] - [33].

Reproduction

Oiseau solitaire pur, le Pic de Guadeloupe ne vit pas en colonie ni ne se regroupe[18]. Monogame exclusif, sa période de reproduction s'étend de janvier à août, avec un pic en avril-juin — ce qui indique une absence de compétition dans la niche écologique de l'oiseau[34]. Cependant, la période de reproduction est variable d'une année à l'autre, d'un couple à l'autre ainsi que d'année en année au sein d'un même couple avec pour facteur déterminant l'accès à une nourriture optimale qui dépend en Guadeloupe fortement des précipitations[35]. Les parades amoureuses sont fortement similaires à celles des autres membres du genre Melanerpes : les individus se redressent, pointent leurs becs, se balancent en produisant des salutations verticales et déploient parfois leurs ailes en phase de rapprochement. Elles se concluent le plus souvent par l'offrande rituelle de nourriture à proximité du lieu de nidification[20]. Des études ont montré que seuls 6 à 8 % des paternités d'oisillons étaient le fruit de relations hors du couple établi[36].

Schéma d'un nid de Pic de Guadeloupe avec les cotes des sections
Schéma d'un nid de Melanerpes herminieri, avec les dimensions moyennes observées des sections, d'après Villard (1999)[35].

L'espèce nidifie en gĂ©nĂ©ral de 2 Ă  20 m du sol, dans des trous que les deux parents creusent ensemble dans les troncs des arbres — prĂ©fĂ©rentiellement des cocotiers morts, moins frĂ©quemment des branches mortes d'arbres dĂ©cidus — choisis après plusieurs essais et tests en fonction de l'Ă©tat du bois ; l'Ă©laboration d'un nid dans un arbre vivant Ă©tant exceptionnelle car bien plus difficile Ă  rĂ©aliser[35] - [5]. Creuser un nid de 30 cm de profondeur demande environ dix jours aux parents mais il est souvent utilisĂ© sur deux annĂ©es en fonction de l'Ă©tat du bois[35]. Le nid est tapissĂ© de petits copeaux de bois et son occupation totale dure deux mois, incluant la couvaison et la pĂ©riode de nourrissage des oisillons.

La femelle pond de trois Ă  cinq Ĺ“ufs, de couleur blanc-pur (il n'y a pas besoin de coloration et de camouflage pour des Ĺ“ufs couvĂ©s dans l'obscuritĂ© du nid), d'environ 3,5 g en moyenne, de forme elliptique (24,6 Ă— 18,5 mm pour les tailles moyennes des deux axes)[37]. Le couple couve tour Ă  tour les Ĺ“ufs durant les quinze jours d'incubation — qui dĂ©marre Ă  la ponte du premier Ĺ“uf et conduit donc Ă  des Ă©closions asynchrones — mais seul le mâle en est responsable durant les nuits puis lorsque les oisillons sont petits[37] - [16]. Un couple Ă©lève jusqu'Ă  trois jeunes au maximum (avec des diffĂ©rences notables entre les oisillons, le premier Ă©clos Ă©tant très favorisĂ©), les suivants ne survivant gĂ©nĂ©ralement pas. Dans l'obscuritĂ© du nid, les parents sont aidĂ©s pour le gavage des oisillons par un triangle blanc formĂ© par le diamant (ou dent de dĂ©livrance) et les deux boutons graisseux blancs aux commissures de leurs becs[37]. Les premières plumes apparaissent Ă  quatorze jours.

Les jeunes oiseaux quittent le nid entre 33 et 37 jours après l'Ă©closion et vivent plusieurs mois auprès de leurs parents, formant des familles de pics[37] - [20] regroupant mĂŞme parfois des oiseaux issus de deux nidifications successives (sans toutefois que les aĂ®nĂ©s aident au nourrissage des petits)[35]. Il semblerait que les juvĂ©niles du Pic de Guadeloupe restent plus longtemps auprès de leurs parents que ceux des pics des zones tempĂ©rĂ©es en raison de l'absence de saison hivernale qui oblige Ă  un apprentissage accĂ©lĂ©rĂ©. Bien que, de ce fait, les chances de survie soient augmentĂ©es par une pĂ©riode d'apprentissage plus longue, seuls 10 % environ des Ĺ“ufs pondus aboutiront Ă  un jeune adulte, avec Ă  terme un taux de reproduction effectif inconnu[38].

Vol et locomotion

Le vol du Pic de Guadeloupe est droit, sans ondulations (qui sont la conséquence d'une succession de battements et de chutes)[16], constitué de nombreux battements d'ailes ressemblant à ceux du Pic de Lewis ou du Pic dominicain[20]. L'espèce présente la particularité de ne pas survoler les étendues d'eau[14], ce qui limite ses déplacements entre les deux principales îles de la Guadeloupe — l'isthme central reliant Basse-Terre à Grande-Terre, large de seulement trois kilomètres et demi fortement urbanisés avec l'agglomération comprenant notamment Pointe-à-Pitre, Les Abymes, Baie-Mahault et l'aéroport international du Raizet, est bordé du Grand Cul-de-sac marin au Nord et du Petit Cul-de-sac marin au Sud, infranchissables pour l'oiseau — et explique son endémisme à l'archipel ainsi que son absence des dépendances guadeloupéennes que sont, notamment, La Désirade, Marie-Galante et les îles des Saintes où elle n'a jamais été observée, entendue, ni identifiée par ses nids[39].

Par ailleurs, contrairement à certaines autres espèces de pics des Caraïbes — le Pic de Jamaïque et le Pic d'Hispaniola —, le Pic de Guadeloupe ne pratique pas la chasse au vol[32].

Une autre caractéristique des pics, et en particulier du Pic de Guadeloupe, est son absence totale de localisation au sol ou près du sol. Le plus souvent présent dans la canopée[27], il ne se déplace que d'arbre en arbre, grâce à ses doigts zygodactyles adaptés pour grimper, dont le deuxième vers l'arrière est capable de se mettre en position latérale pour stabiliser la prise au tronc lors de l'escalade[23]. Comme tous les pics, il s'aide de sa queue courte et puissante comme point d'appui sur le tronc pour sa propulsion vers le haut[40]. Il ne descend en revanche pas la tête vers le bas, mais se laisse glisser le long des troncs.

Vocalisation et sons

Oiseau de nature assez discrète, il se repère cependant facilement par les sons qu'il émet, notamment les frappes sonores caractéristiques qu'il produit lors des parades amoureuses, lors de ses activités de prédation dans les arbres et lors de l'excavation des troncs en période de nidification[20]. Le Pic de Guadeloupe émet huit sons vocalisés et deux sons non vocalisés[41] - [33] :

  • « kwa » ou « wa[20] », le principal son de reconnaissance entre individus afin de garder le contact et de reconnaĂ®tre le sexe[20]. S'ils sont identiques dans leur forme, le son de la femelle est cependant plus aigu[41]. Ce dimorphisme au niveau des appels Ă©mis est l'une des caractĂ©ristiques de l'espèce ; les autres pics Ă©tant indiscernables entre mâles et femelles par leurs vocalisations[32] ;
  • « kra » ou « ka » ou « chh-arghh[20] » ou « rarrrrr[19] », en sĂ©rie de trois Ă  huit notes, un son d'excitation des adultes ou des juvĂ©niles ;
  • « tsii », Ă©mis par les oisillons pour mendier la nourriture, en mĂŞme temps qu'un bourdonnement spĂ©cifique ;
  • « tsi-sii », Ă©mis par les oisillons juste avant leur nourrissage ;
  • « kay-kay-kay », Ă©mis lors de conflits territoriaux entre adultes ;
  • « tra-tra-tra-tra », informant de l'arrivĂ©e d'un adulte au nid pour que l'autre cède la place ;
  • « tray-tray-tray-tray », permettant aux adultes d'appeler les oisillons ou juvĂ©niles pour les localiser ;
  • le tambourinage mutuel fait par le couple Ă  proximitĂ© de leur nid ;
  • le tambourinage Ă  haute frĂ©quence — qui est le son le plus perceptible et reconnaissable du pic —, uniquement effectuĂ© par le mâle et consistant en un roulement moyennement puissant Ă  puissant d'au moins onze coups rĂ©alisĂ©s en 1,3 s. Ce tambourinage de parade et de territorialitĂ© est très distinct de celui issu des activitĂ©s de prĂ©dation et de percement des nids qui est pratiquĂ© par les pics des deux sexes mais de manière six fois plus lente[41].

Le Pic de Guadeloupe est l'espèce qui pratique le plus le tambourinage au sein des Picidae des Caraïbes et insulaires en général. Par ailleurs ses appels sont les plus rauques produits par les membres du genre Melanerpes[32].

Écologie et préservation

Statut et menaces

Photo panoramique d'une forêt tropicale sur l'île de Basse-Terre en Guadeloupe
La forêt tropicale humide au Sud-Est de la Basse-Terre est l'habitat préférentiel du Pic de Guadeloupe.

Le Pic de Guadeloupe est classé par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) comme une espèce au statut de conservation de préoccupation mineure, depuis la dernière évaluation de l'espèce en [42].

Elle Ă©tait auparavant classĂ©e quasi menacĂ©e[43] depuis 2004 (date de la première Ă©valuation), en raison de sa prĂ©sence sur le seul archipel de la Guadeloupe et de sa population relativement rĂ©duite : environ 10 330±1 000 couples estimĂ©s en 1998[11], nombre rĂ©Ă©valuĂ© Ă  19 527±3 769 en 2007 en raison d'une meilleure mĂ©thodologie de comptage[Note 5] et de dĂ©finition des unitĂ©s Ă©cologiques[Note 6] sans que cela reflète une augmentation rĂ©elle de leur population qui, selon les auteurs des deux Ă©tudes, est restĂ©e parfaitement stable sur la pĂ©riode considĂ©rĂ©e[Note 7] - [14]. De plus, la rĂ©duction et la fragmentation de son habitat due Ă  l'extension humaine et aux infrastructures (habitations, routes et aĂ©roport) pèsent sur l'Ă©quilibre de sa population, tout particulièrement sur Grande-Terre oĂą il risque l'extinction[44] - [33]. Ceci est particulièrement le cas dans les zones urbanisĂ©es de Pointe-Ă -Pitre, de Jarry, des Grands Fonds et du Nord Basse-Terre qui s'Ă©tendent, permettant de moins en moins la circulation des individus entre la Basse-Terre et la Grande-Terre par les corridors de vĂ©gĂ©tation — l'espèce ne survolant pas les espaces non boisĂ©s ou les Ă©tendues d'eau —, et scindant de plus en plus leur population en deux groupes distincts prĂ©sentant dorĂ©navant un degrĂ© modĂ©rĂ© de diffĂ©renciation gĂ©nĂ©tique[44] - [15] - [14] - . La rĂ©duction poussĂ©e des populations d'oiseaux endĂ©miques insulaires peut, Ă  terme, conduire Ă  un goulot d'Ă©tranglement pour leur diversitĂ© gĂ©nĂ©tique et Ă  un dĂ©clin de l'espèce par excès de consanguinitĂ© comme cela est le cas par exemple pour le Pic d'Okinawa ou le Pic de Fernandina, voire Ă  sa disparition d'un territoire comme pour le Pic flamboyant (Colaptes auratus rufipileus) sur l'Ă®le Guadalupe en Basse-Californie[6] - [15] - [33].

De plus, la suppression du bois mort qui est essentiel à la survie de l'espèce, tant pour la nidification que pour l'alimentation, est un facteur aggravant, notamment à Grande-Terre[11] où les Pics de Guadeloupe sont contraints de nicher dans des poteaux en bois de lignes téléphoniques et électriques ou dans des cocotiers vivants, tous deux difficilement excavables (moins de 20 % de succès)[14].

Enfin, le passage des ouragans sur l'archipel a un fort impact négatif sur les populations d'oiseaux, en particulier sur celle du pic qui est fortement tributaire des cocotiers, comme ce fut le cas en avec l'ouragan Hugo qui fit décroître les effectifs, notamment des juvéniles[45]. Cependant, comme les cyclones laissent après leur passage de très nombreux sites potentiels de nidification dans les arbres et que le bois mort favorise le développement des proies du Pic de Guadeloupe. Le rebond des populations est en général rapide (environ cinq ans)[46].

Prédateurs

Outre les changements de leur environnement, l'autre menace majeure pour les Pics de Guadeloupe est la prédation de leurs œufs par les rats noirs — seuls rongeurs aux mœurs arboricoles, ils ont un impact négatif majeur sur les nichées[47] — et leur compétition pour les mêmes lieux de nidification[48] - [4] - [33]. Dans une moindre mesure, il existe aussi une prédation des adultes par les chats harets et domestiques[47] et de façon très occasionnelle par les ratons laveurs tandis que les mangoustes ne semblent pas considérer le pic ni ses œufs comme des proies[48].

Protection

L'espèce est interdite à la chasse depuis le décret du [49]. Avec l'arrêté ministériel du (consolidé en 2013 et 2018) concernant une centaine d'espèces d'oiseaux en Guadeloupe, le Pic de Guadeloupe est intégralement protégé (oiseau vivant ou mort, œufs, nids) sur l'ensemble des territoires de l'archipel[50]. À la suite des dernières études sur leur population et leur habitat réalisées en 2007, les ornithologues ont préconisé la création (reboisement ciblé) ou le maintien de corridors végétaux essentiels au centre de l'île et la pose de tronçons de cocotiers morts sur la Grande-Terre comme nichoirs artificiels[14].

Représentations culturelles

Du fait de sa couleur entièrement noire, et des sons produits, cette espèce de pic a parfois été culturellement considérée en Guadeloupe comme un oiseau annonciateur de mauvais présages — qu'il soit vu ou simplement entendu — et a pu en conséquence être traité comme un nuisible, notamment par le bouchage des nids ou leur destruction en période de nidification[51].

En ce qui concerne les représentations, le Pic de Guadeloupe — devenu l'une des espèces emblématiques de l'île[52] — est l'un des trois symboles du logo du zoo de Guadeloupe au Parc des Mamelles bien que ce parc zoologique n'en abrite pas dans ses collections[53].

Notes et références

Notes

  1. Dessin extrait de l’Iconographie ornithologique de Marc Athanase Parfait Œillet Des Murs publiée en 1849.
  2. Ou vingt-trois espèces selon Hans Winkler (2015), p. 26, qui regroupe Melanerpes pulcher et Melanerpes chrysauchen.
  3. Le Pic de Guadeloupe, comme les autres pics présents dans les Caraïbes, sont tous plus éloignés des Pics sud-américains que des espèces nord-américaines ; Pascal Villard (1999), pp. 18-19. De plus, les fossiles les plus anciens retrouvés dans les Caraïbes pour le genre Melanerpes datent également du Pléistocène supérieur ; Hans Winkler (2015), p. 15.
  4. Cette diffĂ©rence de taille et de poids entre les sexes est probablement le rĂ©sultat d'une sĂ©lection sexuelle des femelles pour des mâles plus gros et puissants — capables de dĂ©fendre un territoire — par compĂ©tition intraspĂ©cifique entre mâles ; Pascal Villard (1999), p. 24. La fourchette de poids de l'espèce, comprenant les Ă©carts maximums, varie donc de 63 Ă  103 g Pascal Villard (1999), p. 86.
  5. Avec un échantillonnage plus important et mieux défini des transects, plus de recenseurs et un matériel de traitement des données de meilleure qualité.
  6. Les cartes numérisées de l'île et de sa couverture végétale ont permis de (re)définir de nouvelles unités écologiques et d'affiner les extrapolations de leurs surfaces réelles ainsi que des terrains non propices à l'oiseau : superficie des crêtes, glissements de terrain, cours d'eau et leurs zones tampons.
  7. En utilisant les mĂ©thodes de 2007 sur les chiffres corrigĂ©s de 1998, la première Ă©valuation de 10 330±1 000 couples (mĂ©thode 1998) est recalculĂ©e Ă  19 127 couples (mĂ©thode 2007) soit seulement 400 couples de plus entre les deux comptages.

Références

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Annexes

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

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