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Parti communiste du Kampuchéa

Le Parti communiste du Kampuchéa (PCK, Parti communiste du Cambodge), également connu sous le nom de Parti communiste khmer[5], est le dernier nom utilisé par un parti politique cambodgien, apparu en 1951 durant la guerre d'Indochine sous le nom de Parti révolutionnaire du peuple khmer et également appelé par la suite Parti ouvrier du Kampuchéa, avant de se renommer Parti communiste en 1966[6]. Le parti a été divisé en factions pro-chinoise et pro-soviétique à la suite de la rupture sino-soviétique, la premiÚre étant la faction de Pol Pot et la seconde adoptant une approche plus révisionniste du marxisme[1].

Parti communiste du Kampuchéa
(km) ážąáž„áŸ’áž€áž¶ážš
Image illustrative de l’article Parti communiste du KampuchĂ©a
Logotype officiel.
Présentation
Secrétaire général Pol Pot
Fondation (sous le nom de Parti révolutionnaire du peuple cambodgien)[1]
(en tant que parti séparé)
Disparition
Vice-secrétaire Nuon Chea
Organisation de jeunesse Ligue de la jeunesse communiste du KampuchĂ©a (en)
Positionnement ExtrĂȘme gauche
Idéologie Communisme
Marxisme-léninisme
Nationalisme khmer[2] - [3] - [4]
Couleurs Rouge
Drapeau du Parti communiste du Kampuchéa.

Il Ă©tait aussi dĂ©signĂ© du nom d'Angkar padevat (« Organisation rĂ©volutionnaire »), ou simplement Angkar ážąáž„áŸ’áž€áž¶ážš (« Organisation »). L'ensemble de ses militants et forces armĂ©es a Ă©tĂ© dĂ©signĂ© sous le nom de Khmers rouges, sans que cette appellation et le parti soient totalement rĂ©ductibles l'un Ă  l'autre. L'« Angkar » prend le pouvoir au Cambodge en 1975, au terme de plusieurs annĂ©es de guerre civile et met en place le rĂ©gime du KampuchĂ©a dĂ©mocratique, une dictature particuliĂšrement meurtriĂšre. En 1979, les Khmers rouges sont chassĂ©s du pouvoir par l'armĂ©e vietnamienne. Le Parti communiste du KampuchĂ©a est officiellement dissous en 1981, bien que les Khmers rouges poursuivent la lutte contre les Vietnamiens.

Historique

Lutte pour l’indĂ©pendance

En 1950, la guerre d'Indochine entre dans sa quatriĂšme annĂ©e et les diffĂ©rents pays de la pĂ©ninsule attirent les millions de dollars de l’aide Ă©conomique et militaire amĂ©ricaine. Washington fournira jusqu’en 1954 80 % des fonds dont les Français avaient besoin pour poursuivre les hostilitĂ©s. De son cĂŽtĂ©, la Chine pourvoyait le Việt Minh en armement et formation afin d’en faire une vraie force militaire. En 1945, le Parti communiste indochinois (PCI) se dissout officiellement mais accroĂźt ses efforts pour renforcer le recrutement et la formation de cadres au Cambodge et au Laos qui Ă©taient censĂ©s ravitailler et fournir des refuges dans la lutte au ViĂȘt Nam. L’aide du Việt Minh Ă  ses alliĂ©s laotiens (Pathet Lao) et cambodgiens (Khmers Issarak) Ă©tait grandement facilitĂ©e par la baisse drastique de l’assistance thaĂŻlandaise aux autres composantes des rĂ©sistances indĂ©pendantistes[7].

Le Việt Minh dĂ©cide de crĂ©er pour chaque territoire un parti communiste chargĂ© d'en constituer la structure politique, tout en exprimant une identitĂ© nationale spĂ©cifique. Le PCI, organisation majoritairement vietnamienne depuis sa crĂ©ation, cĂšde la place en fĂ©vrier 1951 au Parti des travailleurs du ViĂȘt Nam. Les Laotiens attendent 1955 pour fonder un parti communiste digne de ce nom (le Parti rĂ©volutionnaire populaire lao)[8].

Du cĂŽtĂ© du Cambodge, le , les dirigeants du PCI clandestin se rĂ©unissent pour dix jours Ă  HĂ  TiĂȘn, dans la province sud-vietnamienne de KiĂȘn Giang, avec quarante-cinq dĂ©lĂ©guĂ©s cambodgiens. Nguyen Thanh Son, dĂ©lĂ©guĂ© du Việt Minh pour les affaires Ă©trangĂšres, prononce un discours programme prĂ©voyant la formation de cadres cambodgiens, et l'adaptation du communisme aux rĂ©alitĂ©s cambodgiennes. Il mentionne ainsi que le pays est alors essentiellement agricole avec des implantations Ă©parses et un mode de production autarcique centrĂ©e sur la cellule familiale. Un nombre infime d’exploitation Ă©taient dirigĂ©es par des propriĂ©taires chinois. En d’autres termes, les conditions prĂ©alables Ă  une rĂ©volution prolĂ©tarienne, Ă  savoir l’existence d’une classe de possĂ©dants oppresseurs, d’une bourgeoisie et le manque de terre Ă©taient loin d’ĂȘtre rĂ©unies. Il notait toutefois que la classe paysanne rĂ©sidant loin des villes et des voies d’eau Ă©tait la plus nombreuse et vivait dans les conditions les plus misĂ©rables de la rĂ©gion. Ils pouvaient ainsi constituer la principale force d’une future rĂ©volution khmĂšre, mais restaient pour le moment Ă  Ă©veiller aux doctrines communistes. Son regrettait que les cadres de la composante khmĂšre du PCI n’étaient pas issus de la paysannerie mais que cette direction soit essentiellement constituĂ©e de personnes d’origine vietnamienne et qu’elle ait peu d’emprise sur la population khmĂšre. Son prĂ©conisait donc de dĂ©buter en initiant aux techniques rĂ©volutionnaires les Ă©lites naissantes, proches du parti dĂ©mocrate, mais recommandait d’instruire sans tarder l’ensemble de la classe paysanne, mettant en garde contre le danger d’avoir un nombre restreint d’intellectuels commandant la frange la plus pauvre de la population contre le reste de leurs compatriotes, discours prĂ©monitoire annonçant avant l’heure le dĂ©sastre dans lequel le pays serait plongĂ© 25 ans plus tard[9].

D’autre part, Son et son « ComitĂ© de travail pan-cambodgien », passent une partie de l'Ă©tĂ© 1951 Ă  rĂ©diger les statuts d'un parti, finalement promulguĂ©s le 5 aoĂ»t. Le Parti rĂ©volutionnaire du peuple khmer (PRPK, Ă©galement traduit par Parti rĂ©volutionnaire du peuple du Kampuchea), dont l'existence demeure clandestine, constitue dĂ©sormais l'organe dirigeant du Front uni Issarak (en), l'organisation des Khmers issarak communistes ; Son Ngoc Minh, chef du gouvernement provisoire, en prend la prĂ©sidence[8] ; les autres membres fondateurs sont Tou Samouth, Sieu Heng, Tuk Nhung et So Phim. Nuon Chea, cousin de Sieu Heng, est nommĂ© au comitĂ© central en [10]. La plupart des cadres du parti communiste cambodgien ont, durant les trois annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, suivi auprĂšs des Vietnamiens des cours de formation au marxisme-lĂ©ninisme, au matĂ©rialisme dialectique et aux principes de la guĂ©rilla. Les premiers statuts du parti ne font nĂ©anmoins pas rĂ©fĂ©rence au marxisme, mais plutĂŽt au socialisme, et le mouvement se pose en « avant-garde de la nation » plutĂŽt qu'en avant-garde de la classe ouvriĂšre[11]. Les dĂ©cisions demeurent contrĂŽlĂ©es Ă  tous les niveaux par les communistes vietnamiens qui composent une partie non nĂ©gligeable des effectifs. Ainsi, dans la cellule de Phnom Penh de 1952, 27 des 34 membres sont vietnamiens, 3 sont Chinois et seuls 4 sont Cambodgiens[12].

Au cours de la guerre d'Indochine, le gouvernement des Khmers issarak communistes Ă©tend son contrĂŽle sur une partie du territoire du protectorat français du Cambodge. En trois ans, le parti attire plus de mille adhĂ©rents, principalement chez les paysans et les bonzes[13]. MalgrĂ© ces menĂ©es des communistes cambodgiens, c'est finalement le roi Norodom Sihanouk qui parvient, en novembre 1953, Ă  obtenir l'indĂ©pendance du pays. Lors de la confĂ©rence qui mĂšne en 1954 aux accords de GenĂšve, les Khmers issarak n'obtiennent pas de siĂ©ger ni, au contraire du Pathet Lao, de figurer comme signataires[14]. Les choix qui s’offrent alors Ă  eux restent limitĂ©s. Soit ils dĂ©cident de collaborer au rĂ©gime de Norodom Sihanouk dont peu avant ils dĂ©nonçaient encore le caractĂšre fĂ©odal ; soit ils essayent de faire triompher leurs idĂ©es malgrĂ© la popularitĂ© du roi par la voie Ă©lectorale ; soit ils continuent la lutte clandestinement ; enfin, ils pouvaient choisir de se retirer au Nord ViĂȘt Nam. Tous ces choix constituaient des trahisons par rapport Ă  la lutte qu’ils avaient entreprise depuis des annĂ©es et allait retarder ce qu’ils estimaient ĂȘtre la libĂ©ration de leur pays. Sous les conseils de leurs alliĂ©s du Việt Minh, ils dĂ©cidĂšrent que la plupart rejoindraient HanoĂŻ alors que quelques-uns d’entre eux resteraient clandestinement au Cambodge et d’autres organiseraient un parti qui sera le Pracheachon (littĂ©ralement Groupe du peuple), afin de participer aux Ă©lections de 1955 prĂ©vues par les accords de GenĂšve[15].

ActivitĂ©s du parti aprĂšs l’indĂ©pendance

En octobre, les « conseillers » vietnamiens du Parti rĂ©volutionnaire du peuple khmer quittent le Cambodge, suivi par 600 militants khmers et autant de combattants[16]. Si certains dignitaires du parti, tels Pen Sovan, Rath Samoeun ou Son Ngoc Minh, restent de nombreuses annĂ©es au Nord ViĂȘt Nam, d’autres comme So Phim, Nuon Chea ou Sieu Heng reviennent rapidement[17]. Au Cambodge, Tou Samouth est le seul dirigeant prĂ©sent du nouveau comitĂ© central mis en place en Ă©tĂ© et en attendant que Sieu Heng, le nouveau secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, ne revienne des maquis sud-vietnamiens en 1956. Tou Samouth Ă©tant responsable des zones urbaines, les activitĂ©s du parti se concentrent dĂ©sormais essentiellement dans les villes[18].

Sur instruction des Vietnamiens, les actions lĂ©gales, semi-lĂ©gales, et clandestines se multiplient. Saloth SĂąr (futur Pol Pot) aurait Ă©tĂ© chargĂ©, par Tou Samouth, d'infiltrer le Parti dĂ©mocrate alors que Keo Meas doit mettre sur pied le Pracheachon qui est officiellement favorable Ă  la monarchie mais sert de vitrine lĂ©gale au Parti rĂ©volutionnaire du peuple khmer clandestin. Comme prĂ©vu, le Pracheachon se prĂ©sente Ă  la campagne des Ă©lections lĂ©gislatives de 1955 mais, victime notamment et ainsi que les autres partis de manƓuvres d'intimidation des partisans de Norodom Sihanouk, doit laisser l’ensemble des siĂšges au Sangkum Reastr Niyum, le mouvement nouvellement crĂ©Ă© par le monarque et qui va dominer le systĂšme politique du Royaume du Cambodge indĂ©pendant pendant les quinze annĂ©es qui vont suivre. Le Pracheachon est alors clairement identifiĂ© comme le parti communiste du Cambodge, que Sihanouk commence Ă  l'Ă©poque Ă  dĂ©signer du nom de Khmers rouges (par opposition aux Khmers roses du Parti dĂ©mocrate) mais personne ne semble alors avoir soupçonnĂ© l'existence d'une autre organisation contrĂŽlant le parti de l'intĂ©rieur[19]. Si Sieu Heng, basĂ© dans une zone montagneuse, demeure secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du parti, l'activitĂ© essentiellement urbaine des communistes cambodgiens est sous la responsabilitĂ© de Tou Samouth. Le PRPK marque le pas et, en 1957, ses effectifs ont diminuĂ© de moitiĂ© par rapport Ă  la fin de la guerre d'Indochine. Quand Ieng Sary retourne Ă  Phnom Penh en janvier 1957, laissant Khieu SamphĂąn diriger le Cercle marxiste des Ă©tudiants Cambodgiens Ă  Paris, le mouvement communiste khmer lui paraĂźt moribond. Les protecteurs vietnamiens du parti, basĂ©s au Sud ViĂȘt Nam, sont de leur cĂŽtĂ© en butte Ă  la rĂ©pression du rĂ©gime de NgĂŽ ĐÏnh Diệm et doivent pour un temps se rĂ©fugier eux-mĂȘmes Ă  Phnom Penh, ce qui les rapproche de leurs alliĂ©s cambodgiens mais les met hors d'Ă©tat d'aider ces derniers[20].

C'est aussi Ă  cette Ă©poque que les dirigeants du PRPK commencent Ă  utiliser entre eux, pour se rĂ©fĂ©rer au parti, le terme Angkar padevat (« Organisation rĂ©volutionnaire ») ou simplement Angkar ážąáž„áŸ’áž€áž¶ážš (« Organisation »)[21].Toujours Ă  la mĂȘme Ă©poque, Tou Samouth, Saloth SĂąr et Nuon Chea entament la rĂ©daction d'un nouveau programme politique, et de nouveaux statuts pour le parti, qu'ils conçoivent comme alliĂ©, et non plus subordonnĂ©, des communistes vietnamiens, et dont ils souhaitent affirmer l'identitĂ© marxiste-lĂ©niniste.

Les Ă©lections de 1958, quant Ă  elles, se dĂ©roulent dans un contexte de violence accrue, et quatre des cinq candidats du Pracheachon sont amenĂ©s Ă  se retirer Ă  force d'intimidation. Les travaux au sein du parti sont encore retardĂ©s par le contexte politique agitĂ© du Cambodge, oĂč les relations avec les États-Unis se tendent[22].

La position des communistes cambodgiens est alors relativement dĂ©licate. Contrairement aux accusations que leurs homologues vietnamiens pouvaient formuler Ă  l’encontre de Diệm, ils leur Ă©taient difficiles de soutenir que Norodom Sihanouk Ă©tait maintenu au pouvoir par la volontĂ© des États-Unis. Au contraire, le prince Ă©tait crĂ©ditĂ© par la plupart de ses concitoyens d’avoir arrachĂ© seul l’indĂ©pendance du Cambodge, et, depuis 1955, avait menĂ© une politique de gauche en matiĂšre d’affaires Ă©trangĂšres agrĂ©mentĂ© de quelques discours antiamĂ©ricains. Il avait habilement attirĂ© des aides au dĂ©veloppement des pays du bloc communiste et avait choisi parmi les membres du Sangkum, des responsables marquĂ©s Ă  gauche qui occuperont mĂȘme des postes de ministres. Localement, Sihanouk offrait au Pracheachon de fonctionner comme une formation politique classique – un privilĂšge que le parti pouvait difficilement refuser – ce qui permettait de l’exposer aux attaques virulentes, de soumettre les dirigeants Ă  une surveillance policiĂšre serrĂ©e et de recourir au besoin Ă  la terreur s’ils devenaient trop vindicatifs. Également, la paysannerie posait un autre problĂšme Ă  ce qui Ă©tait encore le PRPK. L’indĂ©pendance acquise, ces hommes et ses femmes Ă©taient rĂ©ticents Ă  s’impliquer dans une rĂ©volte. Leur morale bouddhiste, leur conservatisme et leur autonomie, ajoutĂ©es au fait que la plupart Ă©taient propriĂ©taires de la terre qu’ils cultivaient, ne les rendaient pas rĂ©ceptifs Ă  la propagande communiste[23].

Émergence d’une section urbaine

De son cĂŽtĂ©, le Pracheachon a du mal Ă  attirer les Ă©lites et les Ă©tudiants mĂ©contents de Sihanouk ou Ă  rallier les partisans des anciens partis d’opposition dissous, tels le parti dĂ©mocrate. Les radicaux qui Ɠuvraient dans l’ombre, quant Ă  eux, ont des difficultĂ©s Ă  agir en l’absence d’une rĂ©elle instabilitĂ© ou d’une insatisfaction plus importante. En attendant de tels Ă©vĂšnements, ils entament, pour la plupart, des carriĂšres d’enseignants, ce qui leur permet d'influencer des pans de la jeunesse cambodgienne et persuader certains jeunes de les rejoindre dans leur lutte. Beaucoup de ceux qui prĂ©sideront aux destinĂ©es du KampuchĂ©a dĂ©mocratique rejoignent des institutions privĂ©es dont les deux plus importantes sont les lycĂ©es Kambujaboth et Chamroeun Vichea[24].

Kambujaboth, littĂ©ralement « enfants du Cambodge », tire son nom du pseudonyme qu’utilisa en 1946-1947 le prince Sisowath Youtevong dans un journal proche de l’ancien parti dĂ©mocrate. L’école fut fondĂ©e par des militants de cette formation en juin 1952, aprĂšs que Sihanouk les ait Ă©vincĂ©s du pouvoir. Elle Ă©tait Ă©galement surnommĂ©e Ă  ses dĂ©buts « Ă©cole Thom Ouk », du nom d’un ancien politicien qui Ă©tait Ă©galement un de ses principaux bailleurs de fond, mais Ă  partir de la fin des annĂ©es 1950, on lui substitua celui d’« Ă©cole Hou Yuon » en l’honneur de son enseignant le plus actif. À cette Ă©poque, l’établissement avait acquis la rĂ©putation d’accueillir des Ă©lĂ©ments communistes radicaux. En 1956, lors de sa visite Ă  Phnom Penh, ce fut la seule Ă©cole que visita Zhou Enlai[25].

Chamroeun Vichea, bien qu’initialement financĂ© par le Prince Norodom Chantarainsey et Lon Nol, accueille aussi des responsables clandestins du parti. Saloth SĂąr y enseigne de 1956 Ă  1963. D’anciens Ă©lĂšves se rappellent d’un professeur populaire auprĂšs de ses Ă©tudiants, dont le comportement Ă©tait exemplaire et qui affectionnait les poĂštes romantiques français du XIXe siĂšcle[26].

Les autres « refuges » de dissidents sont l’École Normale oĂč Son Sen est directeur des Ă©tudes ou le lycĂ©e Sisowath oĂč enseignent les sƓurs Khieu Ponnary et Khieu Thirith, qui ont alors la rĂ©putation d’ĂȘtre rigoureuses mais apprĂ©ciĂ©es de leurs Ă©lĂšves[27].

Au Cambodge, le professeur (ក្រឌ Krou en khmer, dĂ©rivĂ© du sanskrit à€—à„à€°à„ gourou) tient depuis toujours une place importante. Avant les annĂ©es 1950, l’enseignement de la lecture Ă©tait dispensĂ© aux garçons par des moines bouddhistes. Ces personnes, outre leurs fonctions religieuses et enseignantes participaient Ă©galement aux diffĂ©rentes cĂ©rĂ©monies qui rythment l’existence des sujets du royaume khmer. Certains communistes historiques des annĂ©es 1940 comme Son Ngoc Minh ou Tou Samouth venaient de ce milieu. AprĂšs l’indĂ©pendance, les liens qui unissaient ces professeurs Ă  leurs Ă©lĂšves influencĂšrent souvent les orientations politiques de ces derniers. Le rĂŽle des enseignants de Kambujaboth et Chamroeun Vichea semble avoir Ă©tĂ© dĂ©cisif dans la montĂ©e du radicalisme au Cambodge. Lorsqu’à la fin des annĂ©es 1960 des maquis se formĂšrent un peu partout dans le pays, les premiers Ă  les rejoindre Ă©taient frĂ©quemment des professeurs et leurs Ă©tudiants. Le cas du cadre du PCK qui avoua en 1980 Ă  Stephen Eder qu’il avait rejoint la forĂȘt en 1968 influencĂ© par ses maĂźtres qui dans leur cours mettaient en exergue la souffrance des plus pauvres et l’aisance des classes dirigeantes ne semble pas isolĂ©[28].

Durant l’ñge d’or du rĂ©gime de Sihanouk, les enseignants radicaux se devaient de n’afficher leurs opinions politiques qu’avec beaucoup de prĂ©caution, mĂȘme si leurs attaques contre les États-Unis et la corruption ne faisaient que rĂ©pĂ©ter celles du prince. À partir de la fin des annĂ©es 1950, des rĂ©unions Ă©taient organisĂ©es aprĂšs les cours oĂč ces professeurs devisaient sur l’impĂ©rialisme, l’instruction civique et le nationalisme. Ces groupes de discussion furent les embryons des futures cellules du Parti. Ses membres devaient de surcroit ĂȘtre des exemples de par leur dĂ©vouement Ă  l’enseignement, leur intĂ©gritĂ© et leur Ă©quitĂ©. Khieu SamphĂąn et Khieu Ponnary, par exemple, Ă©taient ainsi des modĂšles de droiture et de discipline[29].

Concernant le parti, il Ă©tait toujours officiellement dirigĂ© par Son Ngoc Minh depuis HanoĂŻ, mais en fait les dirigeants Ă©taient dĂ©sunis. Sieu Heng, le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, ralliait d’ailleurs le gouvernement en 1959 et rĂ©vĂ©lait des informations sur les radicaux Ă  Lon Nol, alors commandant des FARK et qu’il avait rencontrĂ© au dĂ©but des annĂ©es 1950. D’aprĂšs Ros Nhim, qui avait rejoint les Khmers issarak en mĂȘme temps que lui en 1946, Sieu Heng ne supportait plus la clandestinitĂ© et doutait qu’une rĂ©volution puisse un jour aboutir. Pol Pot se plaignit plus tard que les donnĂ©es transmises Ă  Lon Nol aurait permis de dĂ©manteler plusieurs rĂ©seaux ruraux, mais Sieu Heng ne semblait pas avoir fourni d’information sur le neveu de sa femme - qui sera bientĂŽt plus connu sous le nom de Nuon Chea - ni sur ceux qui conduisirent en 1959 – 1960 les affaires du parti clandestin Ă  Phnom Penh. La principale consĂ©quence de cette dĂ©fection fut l’affaiblissement des liens entre les sections rurales du parti et leurs homologues urbains qui en profitĂšrent pour accroĂźtre leur influence au sein du comitĂ© central[30].

MĂȘme si la rĂ©pression n’était pas nĂ©gligeable – en octobre 1959, Nop Bophan, directeur du journal Pracheachon Ă©tait par exemple assassinĂ© devant ses bureaux, certainement par la police ; Khieu SamphĂąn, directeur de l'hebdomadaire de gauche L'Observateur Ă©tait passĂ© Ă  tabac en pleine rue ; en 1960, un groupe de responsables du Pracheachon Ă©tait arrĂȘtĂ© et libĂ©rĂ© au bout d'un mois – le principal souci des radicaux venait de leur faible nombre et de leur difficultĂ© Ă  faire de nouveaux adeptes. La popularitĂ© de Norodom Sihanouk Ă©tait alors Ă  son comble et sa politique anti-impĂ©rialiste ne rendait pas aisĂ© de souligner les contradictions de la sociĂ©tĂ© cambodgienne et du comportement du monarque. Contrairement Ă  ce qu’affirmĂšrent a posteriori plusieurs responsables communistes, la perception que leur parti ne constituait pas une rĂ©elle menace pour le gouvernement semble avoir fait que ses membres Ă©taient peu inquiĂ©tĂ©s. La rĂ©pression n’atteignait pas alors le niveau de celle du Sud-ViĂȘt Nam, oĂč elle incitait des milliers de personnes Ă  rejoindre les maquis. Comme le fit remarquer Pol Pot dans son livre noir en 1978, la situation au Cambodge Ă©tait alors si sĂ»re Ă  l’époque que plusieurs dirigeants vietnamiens comme LĂȘ Duáș©n vinrent y chercher un temps refuge. En fait, Ă  part Khieu SamphĂąn, aucun des futurs dirigeants du KampuchĂ©a dĂ©mocratique ne pourra se targuer d’avoir passĂ© ne serait-ce qu’une nuit dans une prison de Sihanouk[31].

Recomposition du parti

Un important changement survint Ă  partir de 1959. En effet, la vague de rĂ©pression qui s’abattit au Sud ViĂȘt Nam sur les membres et sympathisants du Việt Minh amena le troisiĂšme congrĂšs national du Parti des travailleurs du ViĂȘt Nam rĂ©uni Ă  HanoĂŻ Ă  adopter un plan visant Ă  « soutenir la libĂ©ration au Sud », mais Ă©galement Ă  donner une plus grande autonomie Ă  leurs homologues cambodgiens, tout en maintenant un contrĂŽle, certes plus lĂąche qu’auparavant, sur leurs affaires. Le Parti des travailleurs du ViĂȘt Nam souhaitait dans le mĂȘme temps que soient renforcĂ©s les liens entre les gouvernements cambodgien et de la RĂ©publique dĂ©mocratique du ViĂȘt Nam, ainsi qu’entre les deux formations communistes. Des bases devaient ĂȘtre installĂ©es Ă  l’est et au nord-est du Cambodge depuis lesquelles les forces et l’équipement du Việt Minh seraient convoyĂ©s vers le sud. Pour amĂ©liorer la viabilitĂ© du projet, il Ă©tait prĂ©vu que le PRPK apporte son soutien au plan[32].

Deux semaines aprĂšs le congrĂšs de HanoĂŻ, 21 radicaux cambodgiens se rĂ©unissaient secrĂštement, du 30 septembre au , prĂšs de la gare de Phnom Penh. Le Parti rĂ©volutionnaire du peuple khmer devient Parti ouvrier du KampuchĂ©a et une nouvelle direction est Ă©lue, avec Tou Samouth comme secrĂ©taire. Nuon Chea, Saloth SĂąr et Ieng Sary occupant les postes suivants dans la hiĂ©rarchie. Son Ngoc Minh, bien qu’absent, intĂ©grait Ă©galement le comitĂ© central[33].

Il ne semble pas que la police de Sihanouk ait eu vent de cette rĂ©union qui ne fut rĂ©vĂ©lĂ©e pour la premiĂšre fois par des documents du parti que le , Ă  l’occasion de la cĂ©lĂ©bration de son onziĂšme anniversaire ; toutefois, plusieurs sources confirmĂšrent la tenue de cette session[34].

Plus tard, les dirigeants du KampuchĂ©a dĂ©mocratique soutiendront que c’était la premiĂšre fois que les communistes cambodgiens prenaient eux-mĂȘmes des dĂ©cisions en dehors de la tutelle vietnamienne, mais cette affirmation est remise en cause par plusieurs universitaires tels David Chandler[35]. Ieng Sary et Koy Thuon Ă©taient en effet les deux seuls « intellectuels » Ă  cĂŽtoyer Saloth SĂąr au sein de ce nouveau comitĂ©, et mĂȘme si plus tard Pol Pot affirmera que le Ă©tait le « jour de la rĂ©elle naissance du Parti communiste du KampuchĂ©a », les dĂ©cisions prises alors, de ce que l’on a pu en connaĂźtre, n’avaient pas lieu de crĂ©er des controverses. La naissance effective Ă  laquelle faisait rĂ©fĂ©rence Pol Pot semble ĂȘtre en fait sa propre accession au comitĂ© central. En 1977, Saloth SĂąr, Ieng Sary et Nuon Chea seront de fait les seuls survivants de ce comitĂ© de 1960, les autres ayant pour la plupart Ă©tĂ© « purgĂ©s »[36]. La composition de cette administration faisait la part belle aux personnes proches de HanoĂŻ et le futur Pol Pot devait moins sa promotion Ă  son ressentiment Ă  l’égard de ses voisins de l’est qu’à ses annĂ©es de travail au sein du parti, au soutien de Tou Samouth et Ă  la progression de la composante urbaine de la formation communiste. En d’autres termes, cette nouvelle direction n’aurait alors pas eu de raison particuliĂšre d’irriter les officiels du Parti des travailleurs du ViĂȘt Nam[37].

S’il semble trĂšs probable que les jeunes militants qu’étaient au dĂ©but de ces annĂ©es 1960 Ieng Sary et Saloth SĂąr devaient ĂȘtre agacĂ©s de devoir suivre des consignes venant de HanoĂŻ, qui leur demandaient d’agir avec prĂ©caution alors qu’en contrepartie il Ă©tait fait peu de cas de leur volontĂ© de changer la vie des Cambodgiens, ils n’avaient d’autres choix que de suivre ces instructions. En outre, Ă  la vue des activitĂ©s du parti dans les six annĂ©es qui allaient suivre, il n’aurait pas Ă©tĂ© possible d’appliquer la moindre rĂ©solution qui aurait permis de se soustraire Ă  la tutelle vietnamienne. Cependant, en interne, le parti se scindait en plusieurs factions. Celle proche du Việt Minh et implantĂ©e dans l’est du Cambodge Ă©tait dominĂ© par So Phim alors qu’une autre, comportant les anciens Ă©tudiants de Paris, qui s'Ă©taient connus dans les annĂ©es 1950, Ă©tait en pleine progression. Ces diffĂ©rentes composantes Ă©taient chapeautĂ©es par Tou Samouth, Ă©galement originaire de l’est[38].

Une vingtaine d’annĂ©es plus tard, les dirigeants de la RĂ©publique populaire du KampuchĂ©a affirmĂšrent que cette rĂ©union avait Ă©tĂ© convoquĂ©e car « la rĂ©volution Ă  l’intĂ©rieur et en dehors du pays Ă©tait en pleine confusion et avait besoin d’une nouvelle ligne politique ». MalgrĂ© l’antagonisme notoire entre les dirigeants cambodgiens de 1976 et ceux de 1980, l’analyse semble pertinente. Le bouleversement « Ă  l’extĂ©rieur du pays » faisait indubitablement rĂ©fĂ©rence aux dĂ©cisions du congrĂšs de HanoĂŻ de reprendre la lutte armĂ©e au Sud ViĂȘt Nam. À « l’intĂ©rieur du pays », l’évĂšnement majeur Ă©tait la mort, le , du roi Suramarit et l’accession de Norodom Sihanouk au poste de chef de l’État. Cette nomination prĂ©ludait un accroissement des mesures rĂ©pressives Ă  l’encontre de l’opposition de gauche. À la fin aoĂ»t, par exemple, plusieurs journaux Ă©taient fermĂ©s Ă  Phnom Penh et une quinzaine de personnes soupçonnĂ©es d’ĂȘtre communistes, dont Khieu SamphĂąn, directeur de l’hebdomadaire l'Observateur, furent arrĂȘtĂ©s[39].

Quoi qu'il en soit, il semble acquis que la rĂ©union de 1960 dĂ©boucha sur la mise en place au Cambodge d’une structure marxiste-lĂ©niniste – avec statuts, comitĂ© central, politburo, etc.
 Il s’agissait manifestement d’un progrĂšs par rapport Ă  1951. Les reprĂ©sentants du KampuchĂ©a dĂ©mocratique d’aprĂšs 1979, quant Ă  eux, y voyaient les dĂ©buts du communisme cambodgien[40].

Prise de pouvoir des intellectuels

À partir de 1962, la direction nationale du parti (dite Ă©galement Centre[41]) passa progressivement sous le contrĂŽle des anciens Ă©tudiants parisiens[42]. En juillet de cette annĂ©e-lĂ , Tou Samouth, qui vivait au sud de Phnom Penh dĂ©guisĂ© en ouvrier agricole, est arrĂȘtĂ© et conduit, semble-t-il, dans une maison appartenant au ministre de la dĂ©fense Lon Nol. Il aurait ensuite Ă©tĂ© torturĂ©, tuĂ©, puis enterrĂ© dans un terrain vague[43]. Toutefois, les AmĂ©ricains n’eurent pas connaissance de cet Ă©vĂšnement et Lon Nol lui-mĂȘme continuait en 1969 Ă  en parler comme s’il pensait qu’il Ă©tait toujours vivant[44]. Il est Ă©galement possible, si l’on se rĂ©fĂšre Ă  d’autres sources qui s’appuient notamment sur les confessions d’anciens membres du Parti ouvrier du KampuchĂ©a, que Saloth SĂąr ait Ă©tĂ© impliquĂ© dans la mort de son supĂ©rieur[17]. Quoi qu'il en soit, la disparition de Samouth faisait les affaires du futur Pol Pot, qui, comme il le dĂ©clarera plus tard, « assumait les fonctions de secrĂ©taire par intĂ©rim » durant le reste de l’annĂ©e 1962. MĂȘme si cela ne signifiait pas le dĂ©but de la politique d’indĂ©pendance du parti telle qu’elle sera appliquĂ©e par la suite, la faction proche de Saloth SĂąr prenait de l’importance et profitait Ă©galement du fait que le Pracheachon avait dĂ©cidĂ© de ne pas prĂ©senter de candidat aux Ă©lections de 1962 et de prononcer sa dissolution. Cela signifiait que le Parti ouvrier du KampuchĂ©a se recentrait sur ses activitĂ©s clandestines, voie qui n’était pas pour dĂ©plaire aux futurs dirigeants du KampuchĂ©a dĂ©mocratique[45].

Vers la fin de , alors que Sihanouk Ă©tait en visite en Chine, une crise Ă©tudiante Ă©clatait Ă  Siem Reap. Les affrontements firent plusieurs morts et blessĂ©s parmi les contestataires, alors que des manifestations de soutien Ă©taient organisĂ©es Ă  Phnom Penh et Battambang[46]. AprĂšs l’accueil chaleureux qui lui avait Ă©tĂ© rĂ©servĂ© en Chine, le monarque ne pouvait pas nommĂ©ment attribuer la responsabilitĂ© des troubles au parti communiste local et dĂ©cidait de porter ses coups contre Keng Vannsak, son vieil adversaire du Parti dĂ©mocrate et un de ses anciens collĂšgues, Son Sen, qui avait dĂ» quitter l’enseignement en 1962 pour « menĂ©es antimonarchiste » et surtout alors que le dernier nommĂ© avait dĂ©jĂ  Ă  ce moment-lĂ  rejoint les rangs du parti communiste clandestin, ce que semblait ignorer le chef de l’État[47].

Peu aprĂšs ces Ă©vĂšnements, les dirigeants urbains du Parti ouvrier du KampuchĂ©a, probablement rendus inquiets par la rĂ©pression, se rĂ©unirent en secret ; certains documents khmers rouges des annĂ©es 1970 Ă©voquent un congrĂšs auquel auraient participĂ© 17 ou 18 membres et qui aurait eu lieu les 21 et (Ieng Sary a pour sa part dĂ©clarĂ© que le congrĂšs avait eu lieu sur une seule journĂ©e, le 8 mars). Sa principale dĂ©cision fut de confirmer Saloth SĂąr au poste de SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral en remplacement de Tou Samouth dont on Ă©tait sans nouvelles depuis sept mois. On ne pouvait pas encore pour autant parler d’une prise de contrĂŽle des anciens Ă©tudiants de Paris, car seuls deux des douze autres membres du comitĂ© en faisaient partie, Ă  savoir Ieng Sary, en troisiĂšme position et Son Sen en onziĂšme. Son Ngoc Minh, toujours au ViĂȘt Nam Ă©tait Ă  nouveau Ă©lu et Vorn Vet (ja) y faisait son entrĂ©e[48].

Quelques jours plus tard, Sihanouk annonçait les noms de « 34 Ă©lĂ©ments subversifs », accusĂ©s d’association en vue de renverser le gouvernement. La liste, outre Keng Vannsak, comportait Ieng Sary, Saloth SĂąr et Son Sen; en fait les trois « intellectuels » du comitĂ© central du parti mais aucun autre de ses membres[49]. Les dossiers avaient Ă©tĂ© fournis par Lon Nol et Ă©taient le fruit de la surveillance exercĂ©e sur les personnes soupçonnĂ©es de gauchisme, dont en premier lieu les professeurs des Ă©coles privĂ©es et les journalistes. Des dirigeants notables tels Nuon Chea, So Phim, Ta Mok ou Vorn Vet, n’apparaissaient pas sur les listes. L’anonymat voulu par Ieng Sary et Saloth SĂąr Ă©tait par contre compromis, mĂȘme s’il ne semble pas que les services de Sihanouk aient pris conscience de leurs vĂ©ritables rĂŽles au sein du parti clandestin[50].

Au printemps 1963, Ieng Sary et Saloth SĂąr s’éclipsaient de Phnom Penh et se mettaient sous la protection de la guĂ©rilla vietnamienne, dans la forĂȘt prĂšs d’Ampil, village de la province de Kompong Cham, au sud-est du Cambodge. D’aprĂšs un entretien donnĂ© par Keng Vannsak Ă  David Porter Chandler, le futur Pol Pot aurait eu en tĂȘte ce dĂ©part depuis plus d’un an, ne sachant comment gĂ©rer les manƓuvres gouvernementales et se plaignant du manque de soutien que le parti recevait de ses « alliĂ©s Ă©trangers ». Son Sen les rejoignit peu aprĂšs, mais leurs femmes restĂšrent dans la capitale cambodgienne au moins jusqu’en 1965, sans jamais ĂȘtre inquiĂ©tĂ©es[51]. À ce moment, le Parti ouvrier du KampuchĂ©a restait nĂ©anmoins trĂšs proche de son homologue vietnamien. Elizabeth Becker rapporte la confession d’un militant de l’époque victime des purges internes en 1978 dĂ©nommĂ© Bu Phat, qui avouait qu’avant de prendre le maquis, Saloth SĂąr l’avait envoyĂ© auprĂšs des rebelles du Sud-Vietnam pour aider le service de radio en langue khmĂšre dont le prĂ©sentateur Ă©tait malade. Phat travaillait aussi au service de propagande vietnamienne et avec des insurgĂ©s cambodgiens des deux cĂŽtĂ©s de la frontiĂšre avant, au milieu de 1963, que le futur Pol Pot ne lui demande de venir rejoindre Angkar ážąáž„áŸ’áž€áž¶ážš (« Organisation ») qui Ă  cette Ă©poque Ă©tait limitĂ©e Ă  Ieng Sary, Son Sen et lui-mĂȘme[52].

Un Ă©lĂ©ment important Ă  noter est qu’à ce moment, les communistes cambodgiens continuaient Ă  confier leur sĂ©curitĂ© aux Vietnamiens et que quoi qu’il arrive, ils resteront proches des bases du Việt Minh jusqu’en 1972. Il est alors difficile de trouver des prĂ©mices du sentiment antivietnamien qui animera plus tard Ieng Sary et Pol Pot. S’ils avaient eu une quelconque apprĂ©hension Ă  leur Ă©gard, il leur aurait Ă©tĂ© facile de trouver refuge dans d’autres rĂ©gions du Cambodge, par exemple au Nord-Ouest, oĂč ils n’auraient pas Ă©tĂ© inquiĂ©tĂ©s. Chercher la protection des Vietnamiens semblait en 1963 un acte normal, mais en 1978, alors que la guerre contre le rĂ©gime de HanoĂŻ avait Ă©clatĂ©, l’histoire avait Ă©tĂ© rĂ©Ă©crite et Pol Pot affirmait qu’« en 1964, les Vietnamiens s’éloignaient d’eux-mĂȘmes du Parti communiste du KampuchĂ©a. Ils l’accusaient d’ĂȘtre trop aventureux et trop gauchiste. En fait, ils avaient peur du succĂšs du mouvement rĂ©volutionnaire du KampuchĂ©a. 
 Ils perdirent le contrĂŽle du mouvement rĂ©volutionnaire. » Qu’à ce moment les Vietnamiens aient effectivement ou non « perdu le contrĂŽle » du Parti Ouvrier du KampuchĂ©a, les dirigeants de ce dernier suivront les conseils et resteront sous la protection des premiers nommĂ©s pendant les huit annĂ©es qui vont suivre. À Phnom Penh, le conflit de Sihanouk contre la gauche cambodgienne marquait une pause. Peu aprĂšs le dĂ©part d’Ieng Sary et Saloth SĂąr, Hou Yuon et Khieu SamphĂąn quittait leurs ministĂšres. Yuon avait Ă©tĂ© rĂ©voquĂ© pour « menĂ©es anticonstitutionnelles et antimonarchistes » alors que SamphĂąn dĂ©missionnait une semaine aprĂšs qu’une motion de censure Ă  son Ă©gard ait Ă©chouĂ©, a priori Ă  la suite de l’accroissement des rĂ©ticences du parlement Ă  soutenir ses rĂ©formes Ă©conomiques[53].

Les deux anciens ministres ne furent pas inquiĂ©tĂ©s. Ils restĂšrent au parlement et retournĂšrent enseigner ponctuellement Ă  Kambujaboth[54]. En fait, l’intĂ©gritĂ© et la droiture de Khieu SamphĂąn, qui contrastaient avec l’attitude de ses collĂšgues de l’AssemblĂ©e et des ministĂšres, lui avait acquis une certaine inimitiĂ© au sein des cercles dirigeants, mais aussi la sympathie des plus humbles et des milieux Ă©tudiants[55]. Pendant ce temps, Ă  Phnom Penh, les derniers titres de la presse de gauche furent mis sous contrĂŽle et rĂ©guliĂšrement fermĂ©s. Les professeurs et les Ă©tudiants Ă©taient eux aussi surveillĂ©s. Cette rĂ©pression dĂ©veloppait animositĂ© et crainte chez les Ă©tudiants, dĂ©sarroi auprĂšs des classes politiques et religieuses et, ajoutĂ©es Ă  la disparition de toute possibilitĂ© de dĂ©bat, elle entraina de nombreux jeunes vers le Parti Ouvrier du KampuchĂ©a[56].

Rupture secrĂšte avec les Vietnamiens

Enfin, un Ă©vĂšnement qui aura son importance se dĂ©roula Ă  partir de 1963. Sihanouk prĂ©textait le support apportĂ© aux rebelles Khmers Serei de Son Ngoc Thanh par les rĂ©gimes proamĂ©ricains de SaĂŻgon et Bangkok pour rompre, au dĂ©but de 1964, les relations diplomatiques avec les États-Unis et concluait un accord avec la Chine et le Nord-ViĂȘtnam afin de faire transiter, contre avantage, l’aide aux maquis sud-vietnamiens par le port de Sihanoukville. Paradoxalement, cette situation mettait le parti ouvrier du KampuchĂ©a dans l’embarras. Il hĂ©sitait entre encourager la guĂ©rilla au Cambodge et attendre son heure. Les Vietnamiens, espĂ©rant tirer parti de la nouvelle conjoncture pour utiliser Ă  leur guise le territoire cambodgien afin de reconstituer et approvisionner leurs forces, poussaient pour la seconde solution. Saloth SĂąr et ses compagnons durent obtempĂ©rer, mais cela les conforta dans leur certitude d’ĂȘtre sacrifiĂ©s aux intĂ©rĂȘts vietnamiens. D’autres, dont la plupart seront plus tard victimes des purges khmĂšres rouges, prĂ©fĂ©raient collaborer plutĂŽt que de s’aventurer dans une politique xĂ©nophobe et indĂ©pendante qui risquait de les mener Ă  leur perte. Les cellules phnompenhoises du parti ne pouvaient quant Ă  elles s’exprimer du fait de la rĂ©pression menĂ©e par la police et l’armĂ©e. En rĂ©sumĂ©, neutralisĂ© par Sihanouk dans les villes et par les Vietnamiens dans les campagnes, le parti traversait une grave crise existentielle[57].

Les communistes cambodgiens avaient par contre Ă©tabli leur propre camp, sĂ©parĂ© de celui des ViĂȘt-Cong, depuis le dĂ©but de 1964. À la fin de cette mĂȘme annĂ©e, ou au tout dĂ©but de 1965 [note 1], le comitĂ© central Ă©tablit une rĂ©solution condamnant le « rĂ©visionnisme » tendance Khrouchtchev, et affirmant le rĂŽle de la « violence rĂ©volutionnaire » contre les « laquais » de l'impĂ©rialisme, dont Sihanouk. Le parti tire Ă©galement les consĂ©quences de son Ă©chec Ă  s'implanter dans les milieux ouvriers cambodgiens et dĂ©crĂšte que les usines ont Ă©tĂ© « infiltrĂ©es » par ses adversaires : les ouvriers, considĂ©rĂ©s comme des « agents ennemis », se voient dĂšs lors interdire l'adhĂ©sion au parti, une dĂ©cision inĂ©dite pour un parti communiste[58].

Toutefois, au dĂ©but de 1964, l’importance politique du Parti Ouvrier du KampuchĂ©a Ă©tait dĂ©risoire. Il semblait impensable que le mouvement communiste puisse un jour retrouver le niveau qui fut le sien dans les annĂ©es 1950. À part se cacher dans la forĂȘt, il Ă©tait difficile de dĂ©terminer Ă  quelles activitĂ©s se livraient ses dirigeants. En 1977, lorsque Pol Pot Ă©voquait cette pĂ©riode, il affirmait que le parti avait dĂ©cidĂ© d’opter pour l’action illĂ©gale et clandestine, car « l’ennemi ne nous permettait pas de faire la rĂ©volution. » Il n’empĂȘche que pendant cette pĂ©riode, dans les rĂ©gions proches de la frontiĂšre vietnamienne, des milliers de cambodgiens furent recrutĂ©s par les forces du Việt Minh sans que le comitĂ© central ait son mot Ă  dire. Un autre indice qui semble confirmer la faible influence du parti est l’absence prolongĂ©e de plusieurs de ses dirigeants, qui prendront le temps de faire un long voyage au Nord-Vietnam, et en Chine puis probablement en CorĂ©e du Nord, durant les annĂ©es 1965 et 1966[59].

Dans ses confessions retrouvĂ©es Ă  Tuol Sleng, Vorn Vet se rappelait pour sa part d’une rĂ©union du comitĂ© central tenue « dans une forĂȘt de la zone est » et « prĂšs d’un camp vietnamien » Ă  laquelle participait Keo Meas, bien qu’il ne fĂ»t plus censĂ© faire partie du comitĂ© depuis 1963. Quelques mois plus tard, il apprit que Saloth SĂąr et Keo Meas avaient Ă©tĂ© en RĂ©publique dĂ©mocratique du ViĂȘt Nam en tant que responsables d’une dĂ©lĂ©gation. Dans le « livre noir » du gouvernement du KampuchĂ©a DĂ©mocratique Ă©ditĂ© en 1978, Pol Pot admettait avoir sĂ©journĂ© au ViĂȘt Nam Ă  cette pĂ©riode, mais prĂ©tendant avoir conduit seul la dĂ©lĂ©gation, omettait de mentionner la prĂ©sence Ă  ses cĂŽtĂ©s de Keo Meas, entretemps victime des purges internes de 1976. À la mĂȘme Ă©poque, des dirigeants vietnamiens affirmait que « Pol Pot et certains de ses amis » avaient passĂ© « quelques mois » au ViĂȘt Nam, sĂ©jour durant lequel ils avaient notamment rencontrĂ© HĂŽ Chi Minh Ă  plusieurs reprises, ainsi que des cadres de la premiĂšre gĂ©nĂ©ration communiste khmĂšre, pour la plupart employĂ©s par l'administration nord-vietnamienne. Toujours d’aprĂšs le livre noir, les dirigeants de HanoĂŻ, conduits par LĂȘ Duáș©n, sermonnĂšrent leurs homologues cambodgiens. Bien qu’ils se fĂ©licitassent des « pas de gĂ©ant » accomplis par le mouvement rĂ©volutionnaire dans le royaume khmer et du fait que le Parti ouvrier du KampuchĂ©a avait pu dĂ©finir sa propre ligne politique, ils avaient peur que cela puisse mettre Ă  mal leurs propres relations avec les dirigeants de Phnom Penh. Toujours d’aprĂšs la mĂȘme source, les Vietnamiens se seraient aussi inquiĂ©tĂ©s de ne plus pouvoir contrĂŽler le parti cambodgien si celui-ci devenait trop indĂ©pendant. S’il n’y a pas de preuve d’une rĂ©elle autonomie du parti en 1965, ni des « pas de gĂ©ant » faits par la rĂ©volution cambodgienne, le livre noir ne semble par contre pas se tromper quand il mentionne que les Vietnamiens craignaient d’altĂ©rer leurs liens avec Sihanouk Ă  cause des communistes khmers. En 1978, NguyĂȘñ Cao TháșĄch, ministre des affaires Ă©trangĂšres de HanoĂŻ se rappelait que Saloth SĂąr avait Ă©tĂ© enjoint de limiter la lutte contre le prince au seul domaine politique et d’exclure toute action violente. Du point de vue des communistes cambodgiens, pour qui le chef de l’État restait un ennemi au mĂȘme titre que les États-Unis, cela ne pouvait que gĂ©nĂ©rer des frustrations et conduire Ă  s’exposer Ă  des arrestations de masse dans leurs rangs. Les Vietnamiens, quant Ă  eux, faisaient peu de cas de ces considĂ©rations, prĂ©fĂ©rant cantonner leurs homologues khmers dans une opposition douce au prince et Ă  apporter leur soutien aux troupes du Việt Minh[60]. Tout cela ne fit que renforcer SĂąr dans sa volontĂ© de se dĂ©barrasser de la tutelle vietnamienne alors que les Nord-vietnamiens Ă©taient de leur cĂŽtĂ© mĂ©fiants face au radicalisme des « Khmers rouges »[61].

Plusieurs autres sujets furent sĂ»rement abordĂ©s durant le sĂ©jour. L’un d’eux concernait le devenir des Cambodgiens en formation au ViĂȘt Nam du Nord, dont la plupart Ă©taient lĂ -bas depuis 1954. En , par exemple, deux centaines de Khmers du Sud ViĂȘt Nam et de l’Est Cambodgien firent deux mois de marche Ă  travers la piste HĂŽ Chi Minh jusqu’à HanoĂŻ pour suivre une instruction militaire et politique[62]. L’avenir des relations entre les deux partis, dans le contexte du refroidissement entre la Chine et l’URSS a lui aussi dĂ» ĂȘtre discutĂ©, mais les documents disponibles sur le sĂ©jour de Saloth SĂąr ne traitent pas de ce sujet[63].

Influence chinoise

AprĂšs son sĂ©jour Ă  HanoĂŻ, Saloth SĂąr ira en Chine oĂč il se serait convaincu de sa convergence de vue avec le gouvernement chinois[64], mais les traces de ce voyage n’apparaissent qu’à partir de 1978. Pol Pot ne fit jamais mention de cette visite ni aucun document chinois. Les sources primaires sont vietnamiennes et, avec le contexte du conflit cambodgien de l’époque, les dirigeants de HanoĂŻ avaient tout avantage Ă  prouver que le Premier ministre cambodgien avait adoptĂ© les doctrines maoĂŻstes le plus tĂŽt possible. Une des sources prĂ©tend par exemple que SĂąr Ă©tait restĂ© plusieurs mois en Chine Ă  suivre une formation politique, ce qui laisse entendre qu’il s’était alors dĂ©jĂ  Ă©loignĂ© de HanoĂŻ et rapprochĂ© de PĂ©kin[65]. Toutefois, mĂȘme si les officiels du parti communiste chinois ont pu apporter une aide discrĂšte au parti ouvrier du KampuchĂ©a, ils continuaient Ă  estimer qu’il Ă©tait primordiale de maintenir leurs alliances avec la RĂ©publique dĂ©mocratique du ViĂȘt Nam, le Front national de libĂ©ration du Sud ViĂȘt Nam et Sihanouk qui servaient leurs intĂ©rĂȘts[66].

En , alors que Saloth SĂąr devait ĂȘtre Ă  PĂ©kin, Lin Biao publiait un article qui insistait sur la nĂ©cessitĂ© pour les guerres de libĂ©ration nationales de s’autofinancer. Pour le futur Pol Pot, cela pouvait s’apparenter Ă  un encouragement Ă  se soustraire Ă  la tutelle de HanoĂŻ alors que pour les dirigeants vietnamiens il s’agissait plutĂŽt de l’annonce d’une baisse imminente de l’aide que la Chine leur fournissait. Toutefois, il ne s’agit que de suppositions, car aucune trace ne subsiste des activitĂ©s de Saloth SĂąr entre sa visite Ă  HanoĂŻ en 1965 et son retour dans les maquis cambodgiens, en septembre 1966, quand le comitĂ© central dĂ©cidait de changer le nom du Parti ouvrier du KampuchĂ©a en Parti communiste du KampuchĂ©a (PCK). Il n’est pas possible d’établir si les Vietnamiens Ă©taient ou non au courant de cette dĂ©cision. Il se peut que ce nouveau nom ait Ă©tĂ© choisi depuis PĂ©kin pour s’aligner sur le parti communiste chinois et tenir le changement secret du parti des travailleurs du ViĂȘt Nam. Cette version serait en phase avec l’obsession que SĂąr avait d’agir masquĂ©. Mais il est aussi possible que cette dĂ©cision ait Ă©tĂ© prise directement par SĂąr sans qu’aucun pays Ă©tranger en fĂ»t informĂ© et qu’il comptait sur ses proches collaborateurs pour garder le secret[67].

En septembre 1966, les élections législatives amÚne à la chambre une majorité écrasante de députés conservateurs, voire anticommunistes, qui choisissent leur chef de file, le général Lon Nol, comme Premier ministre[68].

Dans les annĂ©es 1970, des documents du parti communiste du KampuchĂ©a tentĂšrent de dĂ©montrer que le parti avait prĂ©vu dĂšs les annĂ©es 1960 le dĂ©roulement des Ă©vĂšnements qui allaient secouer le Cambodge, mais aucune preuve n’est jamais venu Ă©tayer une telle affirmation. La dĂ©cision du comitĂ© central de dĂ©placer son quartier gĂ©nĂ©ral du bureau 100, au nord de Kampong Cham, vers les collines peu peuplĂ©es du Rotanah Kiri – un pĂ©riple de plusieurs semaines de marche – semblait plus devoir Ă  la volontĂ© de ses dirigeants de s’isoler pour se reconstruire qu’à leur empressement ou Ă  leur confiance quant Ă  l’imminence d’une insurrection armĂ©e. Qu’ils aient ou non dĂ©cidĂ© ce transfert Ă  la demande ou Ă  l’insu des Vietnamiens, la rĂ©volution nationale qu’ils appelaient de leurs vƓux allait encore attendre plusieurs annĂ©es[69].

Dans le mĂȘme temps, les massacres commis en 1965-1966 Ă  Bali et Java par la foule et des Ă©lĂ©ments de l’armĂ©e indonĂ©sienne Ă  l’encontre de plus de 500 000 personnes suspectĂ©es d’ĂȘtre communistes, encourageaient le PCK Ă  abandonner toute idĂ©e de coopĂ©ration avec Norodom Sihanouk. Pour eux, le prince ne valait pas mieux que Soekarno, qui n’avait Ă©tĂ© d’aucun secours aux communistes indonĂ©siens. Les Ă©vĂšnements de Djakarta incitaient certains membres de la gauche cambodgienne Ă  la prudence alors que d’autres choisissaient la lutte armĂ©e prĂ©ventive contre le gouvernement[70].

Révolte de Samlaut et conséquences

L'une des premiĂšres prioritĂ©s du nouveau gouvernement fut, pour stabiliser l'Ă©conomie chancelante, de refrĂ©ner la vente illĂ©gale de riz aux communistes. Des troupes furent dĂ©pĂȘchĂ©es vers les zones rizicoles pour procĂ©der Ă  la rĂ©colte forcĂ©e Ă  la pointe du fusil et en payant un prix bien moindre que celui que les cultivateurs pouvaient en tirer au marchĂ© noir. Dans le mĂȘme temps, les visites que Lon Nol et ses ministres effectuaient dans les provinces afin de sensibiliser les populations Ă  cette politique Ă©taient perçues comme un appui aux exactions qui accompagnaient ces vĂ©ritables rĂ©quisitions. En fĂ©vrier et mars 1967, des opposants Ă  cette politique commencĂšrent la distribution de tracts antigouvernementaux Ă  travers tout le pays. DĂ©but mars, le porte-parole du gouvernement annonçait que les nouvelles mesures avaient permis d’amonceler plus d’une centaine de milliers de tonnes de riz dans le nord-ouest du pays. Peu aprĂšs, Ă©clatĂšrent dans cette rĂ©gion des incidents, qui n’avaient alors rien de rĂ©volutionnaire. À Phnom Penh, des Ă©tudiants de gauche manifestĂšrent contre Lon Nol. Leurs banderoles et tracts rĂ©clamaient la dissolution du gouvernement, des nouvelles Ă©lections lĂ©gislatives, la baisse des prix et le retrait des troupes opĂ©rant prĂšs de Pailin. MĂȘme s’il dĂ©clara que le Cambodge devait Ă©voluer vers la gauche et que s’il n’était pas nĂ© prince, il aurait certainement Ă©tĂ© de gauche, Sihanouk ne pouvait pas donner satisfaction Ă  de telles demandes[71]. Le fait que les manifestations Ă  Phnom Penh faisaient pour leur part rĂ©fĂ©rence Ă  Pailin suggĂšre que le Parti communiste du KampuchĂ©a Ă©tait au courant des activitĂ©s de Lon Nol lĂ -bas. La source est certainement Nuon Chea, membre du comitĂ© central et nĂ© Ă  Battambang. Il avait combattu aux cĂŽtĂ©s des Khmers issarak et du Việt Minh dans la rĂ©gion au cours des annĂ©es 1950 et avait sĂ»rement gardĂ© des liens avec eux. Au dĂ©but de 1967, il se cachait Ă  Phnom Penh, mais retournait rĂ©guliĂšrement dans sa province natale[72].

Peu aprĂšs, entre mars et mai 1967, un soulĂšvement antigouvernemental Ă©mergea prĂšs de la localitĂ© de Samlaut, Ă  l’ouest de Battambang, qui, avant la fin de l’annĂ©e, s’était transformĂ© en une guerre civile dans plusieurs rĂ©gions du pays. Encore de nos jours, il est difficile de dĂ©finir si le dĂ©veloppement de l’insurrection Ă©tait liĂ© Ă  un meilleur contrĂŽle de la direction du Parti communiste du KampuchĂ©a sur ses sections locales et si la scission au sein du mouvement radical entre les maoĂŻstes et les tenants de la ligne de HanoĂŻ Ă©tait dĂ©jĂ  effective Ă  ce moment-lĂ [73].

L’historien Hin Sithan a ainsi citĂ© dans un ouvrage - No na kitt'kam - consultĂ© par David Porter Chandler le tĂ©moignage d’un ancien employĂ© municipal, recueilli dans les annĂ©es 1980, ayant assistĂ© Ă  la reddition de plusieurs insurgĂ©s en avril 1967, qui affirmaient qu’ils ne se reconnaissaient pas dans les doctrines khmĂšres rouges, mais qu’ils s’étaient enfuis dans la forĂȘt car ils avaient Ă©tĂ© rendus furieux par les autoritĂ©s provinciales et certains affairistes qui s’étaient alliĂ©s pour les dĂ©possĂ©der de leurs terres[74].

Dans un message Ă  la nation, Sihanouk attribuait les troubles de Samlaut Ă  des Ă©lĂ©ments de gauche. Il s’en prenait aux « Khmers Việt Minh », qui d’aprĂšs lui faisaient allĂ©geance comme des captifs Ă  un grand chef inconnu. « Je ne sais pas », ajoutait le prince « si ce grand chef est un Ă©tranger ou un Khmer de Phnom Penh ». Ils menaient, toujours d’aprĂšs le monarque, une lutte contre les forces nationales pour le compte de ce grand chef et continueraient jusqu’à ce que ce grand chef leur ordonne d’arrĂȘter. Sihanouk voyait ces Ă©meutes avant tout comme une offense personnelle. En guise de reprĂ©sailles, il avait demandĂ© que les villages des insurgĂ©s soient rasĂ©s et renommĂ©s. Le nombre de victimes ne sera jamais publiĂ©, mais des sources font Ă©tat de plusieurs centaines[75].

Intensification de la répression

Le 7 avril, le prince faisait une nouvelle dĂ©claration dans laquelle il affirmait qu’il « traiterait les Khmers rouges comme il avait traitĂ© les Khmers Serei ». Il ne faisait pas rĂ©fĂ©rence Ă  la rĂ©pression Ă  Battambang, sur laquelle il avait peu d’informations, mais Ă  la possibilitĂ© de faire exĂ©cuter certaines personnalitĂ©s de gauche. Pour ne laisser planer aucun doute, un film sur l’exĂ©cution publique d’agents Khmers Serei rĂ©cemment arrĂȘtĂ©s fut diffusĂ© dans l’ensemble du pays[76]. En 1971, interrogĂ© par Jean Lacouture sur le nombre de victimes, le monarque affirmera « avoir lu quelque part » qu’il y avait eu dix mille morts[77] ; en 1983, ses estimations furent revues Ă  la baisse et il parlait de moins de mille morts[78].

Sihanouk menaça Ă©galement de faire convoquer Hou Yuon et Khieu SamphĂąn devant des tribunaux militaires afin de leur poser quelques questions. Craignant pour leurs vies, les deux intĂ©ressĂ©s quittĂšrent prĂ©cipitamment la ville. Quand on dĂ©couvrit leur disparition, beaucoup Ă  Phnom Penh pensĂšrent qu’ils avaient Ă©tĂ© tuĂ©s[79].

En mai 1967, le prince, qui venait de succĂ©der Ă  Lon Nol comme Premier ministre, s’était assignĂ©, parmi d’autres objectifs, de mettre un terme Ă  la crise politique et Ă  la rĂ©bellion Ă  Battambang. Le soulĂšvement de Samlaut venait des rĂ©criminations de la population locale contre l’injustice et les mĂ©thodes musclĂ©es du gouvernement. Des professeurs et Ă©tudiants de gauche de Battambang avaient trĂšs certainement encouragĂ© les habitants Ă  exprimer leur mĂ©contentement contre les comportements de l’administration et contre Lon Nol et ont probablement aidĂ© les insurgĂ©s, mais la rĂ©volte ne semble pas correspondre Ă  un ordre Ă©manant du comitĂ© central du PCK visant Ă  attaquer directement le gouvernement et Norodom Sihanouk[80].

À la fin du printemps 1967, Saloth SĂąr, Ieng Sary, Nuon Chea et So Phim, les quatre membres du comitĂ© permanent du PCK auraient dĂ©cidĂ© de lancer pour le dĂ©but de l’annĂ©e suivante un soulĂšvement gĂ©nĂ©ral[81]. Dix ans plus tard toutefois, dans son discours du , Pol Pot minimisera le rĂŽle du parti dans cette affaire, pour faire la part belle au zĂšle rĂ©volutionnaire des participants. Il affirmera notamment qu’en 1967, la violence rĂ©volutionnaire avait atteint un haut niveau et que c’est dans cette situation qu’une Ă©meute avait Ă©clatĂ© Ă  Samlaut. Elle avait, toujours d’aprĂšs le leader du KampuchĂ©a dĂ©mocratique, Ă©tĂ© dĂ©clenchĂ©e par le peuple de son propre chef alors que le comitĂ© central du parti n’avait pas encore dĂ©cidĂ© d’une insurrection armĂ©e gĂ©nĂ©ralisĂ©e Ă  l’ensemble du pays. Il ajoutait qu’à « Battambang, le mouvement des paysans avait atteint son point d’ébullition, mais que le parti n’avait fait qu’encadrer le mouvement et dĂ©cidĂ© de suspendre temporairement la lutte armĂ©e Ă  Battambang jusqu’à ce que l’ensemble du pays soit prĂȘt »[82]. La dĂ©cision de « suspendre la lutte armĂ©e » signifiait en fait la reconnaissance de la vanitĂ© du projet. Quelle qu’ait pu ĂȘtre la stratĂ©gie que le PCK avait en tĂȘte pour le Cambodge Ă  ce moment-lĂ , les Ă©meutes de Samlaut montraient que la lutte armĂ©e n’était pas alors une option viable, mĂȘme s’il pouvait servir de modĂšle Ă  de futures attaques et que la rude rĂ©ponse du gouvernement pouvait aider Ă  enrĂŽler des adhĂ©rents dans cette rĂ©gion[83].

Quand les troubles se calmĂšrent, Ă  la fin mai, Sihanouk fit une visite Ă  Samlaut durant laquelle, lors d’un discours, il stigmatisait les partisans khmers rouges et annonçait un programme d’aide gouvernementale massive de rĂ©habilitation de la rĂ©gion et de relogement. Alors qu’il prononçait son allocution, la rĂ©pression se poursuivait contre de supposĂ©s rebelles, certainement pour la plupart, des villageois qui avaient simplement fui les combats et s’étaient rĂ©fugiĂ©s dans la forĂȘt. Avec le dĂ©part de Lon Nol, le champ d’action des Ă©lites pro-occidentales se trouvait pour un temps limitĂ©, ce qui permit au prince de se focaliser contre les citadins de gauche et plus particuliĂšrement les Ă©lĂ©ments radicaux des Ă©coles et des universitĂ©s. Dans la province de Kandal, plus de quinze mille Ă©tudiants se seraient rĂ©unis dans diffĂ©rents monastĂšres pour commĂ©morer ce qu’ils appelaient le martyre de Hou Yuon et Khieu SamphĂąn. Des manifestations similaires Ă©taient signalĂ©es Ă  Kampong Cham. AgacĂ© par cette contestation, Sihanouk demanda aux directeurs de Kambujaboth et Chamroeun Vichea de lui trouver quelques « excellences rouges » qui pourraient former un gouvernement. Sous la pression du prince, Hu Nim dut soutenir lors d’un congrĂšs national qu’il Ă©tait loyal envers son monarque et que les tracts anti-Sangkum dĂ©couverts Ă  Samlaut et dans ses environs devaient ĂȘtre l’Ɠuvre d’agents aux ordres de Lon Nol. Peu convaincu par les explications, Sihanouk humilia Hu Nim en lui faisant des remontrances publiques devant un millier de participants acquis Ă  la cause du souverain[84].

Dans la seconde moitiĂ© de 1967, Sihanouk intensifia ses attaques contre les radicaux urbains en dĂ©tournant de leur influence les rebelles potentiels des campagnes grĂące Ă  des projets d’aide. Il fit financer par l’État des travaux publics dans la circonscription de Khieu SamphĂąn ainsi que des routes et des logements Ă  Samlaut. Il promit une prime de 10 000 riels (environ 200 dollars US) Ă  tout rebelle du nord-ouest qui se rallierait Ă  lui. En aoĂ»t, 200 de ces personnes Ă©taient ramenĂ©s de Samlaut Ă  Phnom Penh, visitaient Sihanoukville et Angkor puis Ă©taient reconduits dans leurs foyers, le tout aux frais du prince. Toutefois, ce dernier notera plus tard qu’à peine rentrĂ©s, ils Ă©taient retournĂ©s grossir les rangs de la guĂ©rilla. Au dĂ©but de septembre, dans un discours, il montrait sa rĂ©serve quant au dĂ©roulement de la rĂ©volution culturelle en Chine et justifiait la rĂ©pression contre la gauche cambodgienne Ă  qui il ne reprochait pas tant ses idĂ©es communistes, mais plutĂŽt le fait que d’aprĂšs lui elle Ă©tait dirigĂ©e par une puissance Ă©trangĂšre. À ce moment, il commençait nĂ©anmoins Ă  envisager l’existence d’un mouvement communiste khmer indĂ©pendant de toute influence Ă©trangĂšre et composĂ© de personnes vouĂ©es Ă  sa chute et Ă  celle de la sociĂ©tĂ© telle qu’il la concevait. Cette idĂ©e devait le dĂ©concerter et le silence de Hou Yuon et Khieu SamphĂąn n’était pas pour le rassurer. Un autre sujet d’inquiĂ©tude pour Sihanouk Ă©tait Hu Nim qui restait Ă  l’assemblĂ©e. Lorsque Nim soumis une pĂ©tition au parlement demandant la rĂ©habilitation de l’association d’amitiĂ© khmĂ©ro-chinoise qui avait Ă©tĂ© fermĂ©e par le prince, ce dernier, accompagnĂ© de Kou Roun, le chef de la police politique, se rendirent Ă  Kampong Cham, dans la circonscription du dĂ©putĂ© pour une sĂ©vĂšre rĂ©primande. En prĂ©sence de Hu Nim, le monarque menaça de le poursuivre devant un tribunal militaire, ajoutant « vous n’ĂȘtes plus un Cambodgien. Vous avez complĂštement trahi le peuple en utilisant le peuple pour s’opposer Ă  votre État et Ă  votre nation »[85].

Quelques jours plus tard, Hu Nim s’enfuyait vers une base du PCK des monts Cardamones. D’autres intellectuels se sentant menacĂ©s par Sihanouk quittĂšrent eux aussi les villes en 1966-1967. On peut citer Koy Thuon, Tiv Ol, Khek Pen ou Touch Rin, qui joueront un rĂŽle de premier plan dans le KampuchĂ©a dĂ©mocratique avant d’ĂȘtre purgĂ©s en 1977. Phouk Chhay, un jeune collĂšgue de Hu Nim qui avait choisi de rester fut arrĂȘtĂ© deux jours plus tard et menacĂ© de mort avant d’ĂȘtre condamnĂ© Ă  la prison Ă  vie[86].

Guerre civile

Le soulĂšvement qui avait Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© 6 mois plus tĂŽt est lancĂ© le [87]. Le nom de Khmers rouges, inventĂ© quelque temps auparavant par Sihanouk pour dĂ©signer les communistes cambodgiens, est dĂšs lors largement utilisĂ© pour qualifier l'insurrection[88]. BaptisĂ©es ArmĂ©e rĂ©volutionnaire du KampuchĂ©a[89], les forces khmĂšres rouges entament les hostilitĂ©s contre le gouvernement de Sihanouk, mais le rĂŽle dirigeant et l'existence du PCK demeurent secrets. La dĂ©cision du parti impliquait aussi que jusqu’au dĂ©but de 1970, les forces armĂ©es cambodgiennes allaient simultanĂ©ment apporter leur aide aux troupes nord vietnamiennes et du FNL, tout en combattant la guĂ©rilla locale, elle-mĂȘme supportĂ©e, d’aprĂšs Sihanouk, par les communistes vietnamiens[90].

Le dĂ©but du soulĂšvement avait coĂŻncidĂ© avec une recrudescence des activitĂ©s des communistes vietnamiens au Cambodge, dans le cadre de la prĂ©paration de l’offensive du Táșżt ; des rapports de la police politique du prince lui indiquaient Ă©galement que de nouveaux troubles Ă©clataient dans la rĂ©gion de Samlaut et qu’une agitation devenait perceptible au sein des minoritĂ©s ethniques du nord-est, deux zones oĂč le PCK, qui inaugurait sa politique de lutte armĂ©e, Ă©tait connu pour ĂȘtre actif. Peu avant le dĂ©clenchement de l’offensive du TĂȘt, Sihanouk annonçait que plusieurs jeunes communistes avaient Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s Ă  Phnom Penh, distribuant des tracts contre le MarĂ©chal Tito, dirigeant yougoslave qui devait venir faire une visite d’état d’ici peu. Il Ă©tait alors notoire que l’indĂ©pendance de Tito par rapport aux mouvements communistes irritait la Chine. Il est possible, mais peu probable, que les Chinois aient envisagĂ© de le faire assassiner durant sa visite. Il est plus plausible que la police du prince ait inventĂ© une conspiration pour intimider les Ă©tudiants prochinois qui en manifestant contre Tito auraient fait perdre la face Ă  Sihanouk. Le prince fit rĂ©fĂ©rence Ă  une « poignĂ©e d’individus, exclus de la communautĂ©, sabotant l’indĂ©pendance nationale 
 distribuant des caisses de grenades pour assassiner Tito et moi-mĂȘme ». Il menaçait ceux qui avaient distribuĂ© les tracts de la peine capitale. La visite du dirigeant yougoslave se passa sans histoire, mais les accusĂ©s avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s et aucune preuve de leur culpabilitĂ© n’a jamais Ă©tĂ© publiĂ©e. D’inquiĂ©tants rapports de sa police arrivĂšrent sur le bureau du prince au dĂ©but de 1968, indiquant des accrochages entre des rebelles et l’armĂ©e dans plusieurs rĂ©gions. Les combats Ă©taient particuliĂšrement violents autour de Battambang. Neuf ans plus tard, Pol Pot affirmera que le PCK avait « dĂ©clenchĂ© la lutte armĂ©e » Ă  Battambang au dĂ©but de 1968. Aucune annonce publique n’avait alors Ă©tĂ© publiĂ©e. À la fin de fĂ©vrier, ignorant - pour peu qu’elle ait vraiment Ă©tĂ© prise - la dĂ©cision du PCK, le prince prĂ©sentait ces combats comme une guerre civile[91].

L’insurrection Ă©tait marquĂ©e par des diffĂ©rences locales. L’est du pays oĂč des troubles auraient pu entraver les prĂ©paratifs de l’offensive du TĂȘt, mis plus de temps qu'ailleurs pour prendre les armes. Cette modĂ©ration semble montrer que dans ces zones, les Vietnamiens continuaient Ă  avoir une influence sur le PCK. Ils ne voulaient pas compromettre leurs bases et refuges en laissant leurs alliĂ©s cambodgiens attaquer les forces de Lon Nol et ĂȘtre soumis Ă  des reprĂ©sailles. L’ensemble de la rĂ©gion, spĂ©cialement au nord de Kampong Cham, Ă©tait alors encombrĂ©e de troupes ViĂȘt Minh, ViĂȘt Cộng et khmĂšres rouges[92].

À Battambang et dans le Rotanah Kiri, les bandes proches du PCK Ă©taient plus vindicatives. Autour de Samlaut, les troupes de Lon Nol poursuivaient les derniers rebelles qui, Ă  la faveur d’escarmouches, infligeaient quelques pertes aux forces gouvernementales et saisissaient des armes. Cela amena une rĂ©pression accrue et ne fit qu’alimenter la spirale de la violence. Dans le nord-est, les rĂ©criminations des minoritĂ©s ethniques contre les actions militaires Ă  leur encontre menaient Ă©galement Ă  des affrontements de plus en plus frĂ©quents[93].

En fĂ©vrier 1968 par exemple, des troubles Ă©clataient dans un village Bru du Rotanah Kiri proche du quartier gĂ©nĂ©ral d’alors du PCK.Des habitants avaient Ă©tĂ© chassĂ©s de leurs foyers, certains au profit de Khmers du sud relogĂ©s sur leurs terres, d’autres pour permettre l’installation de plantations d’hĂ©vĂ©as aux mains de proches du gouvernement. Ces griefs Ă©taient similaires Ă  ceux des habitants de Samlaut en 1967. Durant le mois, des Bru massacrĂšrent plusieurs Khmers, ce qui dĂ©clencha une fĂ©roce rĂ©pression que le projet de Sihanouk de visiter la rĂ©gion dans les mois qui venaient ne fit que renforcer[94].

Certains militaires s’étaient dĂ©ployĂ©s, sans le savoir, tout prĂšs du quartier gĂ©nĂ©ral secret du PCK. D’aprĂšs les confessions de Bu Phat, un fonctionnaire khmer rouge victime des purges de 1978, « vers fĂ©vrier 1968, FrĂšre numĂ©ro 1 – Saloth SĂąr – organisa la premiĂšre formation des branches militaires. Je faisais partie de cette branche, mais FrĂšre numĂ©ro 1 avait juste prĂ©sentĂ© le programme quand les soldats du mĂ©prisable Lon Nol vinrent se livrer Ă  des actes de violence 
 capturant les fusils des accompagnateurs chargĂ©s de protĂ©ger 
 l’école militaire »[95].

D’aprĂšs un discours de Pol Pot prononcĂ© en 1977, cet incident qui aurait pu se solder par un dĂ©sastre avait eu lieu un mois aprĂšs que le parti ait dĂ©cidĂ© de lancer la lutte armĂ©e Ă  Bay Domram, dans le nord-ouest, un fait qui sera plus tard cĂ©lĂ©brĂ© comme le premier engagement de l’armĂ©e rĂ©volutionnaire cambodgienne. À la fin de mars 1968, d’aprĂšs lui, « c’était au tour de la zone nord-est de se rebeller. Quatre ou cinq fusils furent capturĂ©s. AjoutĂ© au trois ou quatre prĂ©cĂ©demment utilisĂ©s pour dĂ©fendre le quartier gĂ©nĂ©ral du comitĂ© central du parti, nous avions un total de 10 armes pour toute la zone ». En 1977, Pol Pot voulait surtout montrer comment le parti avait commencĂ© par saisir une dizaine de fusil en 1968 pour finalement assumer la direction du pays sept annĂ©es plus tard. En fait, il reconnaissait Ă©galement sans le vouloir la faiblesse du parti en 1968[96].

Contact des Khmers Loeu

Les combats continuĂšrent pendant le reste de l’annĂ©e, mais le comitĂ© central du PCK restait dans une province qui contrairement Ă  celle de Battambang restait traversĂ©e par les troupes du ViĂȘt Minh. La protection vietnamienne semblait rester une motivation dans le choix du lieu pour se cacher. Les Vietnamiens, de leur cĂŽtĂ© se voulaient pacifiques et respectueux envers les habitants le long de leurs pistes vers le sud[note 2]. Avec le temps, les cadres du PCK s’acharnaient Ă  recruter des partisans et Ă  intĂ©grer le mode de vie des minoritĂ©s ethniques du nord-est. Cette pĂ©riode sera importante dans l’évolution de l’idĂ©ologie du KampuchĂ©a dĂ©mocratique. Les cadres du parti, essentiellement d’origine urbaine, furent impressionnĂ©s par les connaissances en techniques de survie de ces montagnards, leur soumission Ă  leurs chefs et leur habiletĂ© de guerriers et de chasseurs[98].

Pol Pot et Ieng Sary affirmeront plus tard s’ĂȘtre inspirĂ©s de ces gens qui n’avaient ni propriĂ©tĂ© privĂ©e, ni marchĂ© ni argent et dont le mode de vie semblait correspondre Ă  la phase primitive de l’évolution sociale Ă©noncĂ©es dans les prĂ©ceptes du marxisme. Ces personnes paraissaient de ce fait les plus Ă  mĂȘme d’ĂȘtre rĂ©ceptifs aux doctrines rĂ©volutionnaires. Entre 1968 et 1970, des centaines de membres de ces tribus, essentiellement des JaraĂŻ et des Tampuan, furent recrutĂ©s par la guĂ©rilla. En 1971, alors qu’il arrive Ă  PĂ©kin aprĂšs 8 annĂ©es dans la forĂȘt, Ieng Sary clamait qu’ils « pouvaient ĂȘtre nus, mais ils n’ont jamais Ă©tĂ© colonisĂ©s ». S’exprimant Ă  Phnom Penh en 1976, il louait ces minoritĂ©s ethniques loyales envers la rĂ©volution, peu intĂ©ressĂ©es par le commerce et vouant une haine fĂ©roce aux classes dirigeantes. AprĂšs 1975, beaucoup d’entre eux furent employĂ©s comme cadres subalternes, messagers ou gardes du corps des hauts responsables[99].

À la fin de 1968, de vastes zones du nord-est avaient Ă©chappĂ© au contrĂŽle du gouvernement. Cela incitait les Vietnamiens Ă  y procĂ©der Ă  des programmes de propagande politique. Un document saisi en 1969, qui donnait des dĂ©tails sur la coopĂ©ration entre les forces du ViĂȘt Minh et leurs sympathisants cambodgiens, laisse Ă  penser que le soutien Ă  la lutte armĂ©e dĂ©pendait de la virulence des attaques de l’armĂ©e cambodgienne Ă  leur Ă©gard. Quand comme au nord-est la pression Ă©tait forte, les guĂ©rillas Ă©taient encouragĂ©es Ă  rĂ©pliquer, mĂȘme si les Vietnamiens se gardaient de rĂ©pondre directement aux attaques[100].

Si en choisissant la lutte armĂ©e, le PCK semblait mettre Ă  mal la politique vietnamienne qui se voulait conciliante avec Sihanouk et qui encourageait les Cambodgiens Ă  se limiter Ă  des joutes politiques vis-Ă -vis du prince, la dĂ©cision de lancer une insurrection ne prĂ©sentait en fait pas que des inconvĂ©nients pour HanoĂŻ et permettait aussi d'occuper les troupes de Lon Nol dans le nord-ouest du pays et de les dĂ©tourner des zones oĂč les forces ViĂȘt Minh et ViĂȘt Cộng prĂ©paraient l’offensive du TĂȘt[101]. Toutefois, un document saisi en octobre 1969 provenant d’un cadre de HanoĂŻ mettait en garde contre le ressentiment des Cambodgiens envers les Vietnamiens, qui, sans ĂȘtre ostensible, persistait. Il conviait ses compatriotes Ă  moins de condescendance et mettait en garde contre les dangers de traiter les populations khmĂšres avec un fusil ou des pots-de-vin. Sihanouk y Ă©tait dĂ©crit comme progressiste alors que son armĂ©e Ă©tait prĂ©sentĂ©e comme un rassemblement de nationalistes intransigeants. La guĂ©rilla, quant Ă  elle, Ă©tait purement et simplement oubliĂ©e[102].

MĂȘme si la rĂ©volution Ă©tait en marche et qu’il faut chercher Ă  cette Ă©poque les raisons de la victoire khmĂšre rouge 7 ans plus tard, il ne faut pas pour autant surestimer la menace que reprĂ©sentait alors le PCK. La rĂ©sistance armĂ©e en Ă©tait encore Ă  ses balbutiements et n’avait de toute façon pas les moyens de soutenir une guerre civile sur l’ensemble du territoire. Elle se contentait de quelques escarmouches et espĂ©rait y engranger une certaine expĂ©rience en attendant que le contexte lui soit plus favorable. À l’époque, moins de 5 000 combattants dissĂ©minĂ©s Ă  travers tout le pays, faiblement armĂ©s, mal commandĂ©s et sans stratĂ©gie ne pouvaient pas prĂ©senter un danger sĂ©rieux pour le pouvoir. Toutefois, mĂȘme minime, le pĂ©ril n’en Ă©tait pas moins effectif. Pour le seul mois d’octobre par exemple, on leur imputait 25 attaques dans 11 provinces qui firent 32 morts[103].

Dans un discours prononcĂ© le , Pol Pot reconnaissait cette faiblesse, affirmant « la guĂ©rilla Ă©tait dans 17 des 19 provinces 
 Aucune zone ne pouvait directement venir en aide Ă  une autre du fait de leur Ă©loignement. Notre direction Ă©tait 
 au Nord-Ouest, au Sud-Est, Ă  l’Est, au Nord-Est et Ă  Phnom Penh, Ă  des endroits trĂšs Ă©loignĂ©s les uns des autres. Tout contact nĂ©cessitait au moins un mois. » À cause de ces dĂ©lais, rajoutait Pol Pot, le comitĂ© central repliĂ© dans le Rotanah Kiri ne pouvait qu’imprimer une ligne directrice et laisser toute latitude de dĂ©cision aux responsables rĂ©gionaux, mĂ©thode qui perdurera dans les annĂ©es 1970[104].

Les principaux combats de la guĂ©rilla se dĂ©roulaient au nord-est. Un nouveau quartier gĂ©nĂ©ral dirigĂ© par Nhiek Tioulong fut installĂ© Ă  Stoeng Treng dont, d’aprĂšs une remarque de Sihanouk Ă  la fin de 1968, les Vietnamiens occupaient le tiers de la province. Malheureusement, placer des troupes sur les principales routes d’approvisionnement des maquis ne pouvait qu’amener des frictions. Un document vietnamien saisi Ă  la fin de 1969 faisait rĂ©fĂ©rence Ă  une recrudescence des accrochages avec les forces gouvernementales dans la zone, ces derniĂšres ayant subi des pertes que le document estimait Ă  environ un millier de morts et de blessĂ©s[105].

À Kampong Cham, Kampong Spoe et Svay Rieng, des unitĂ©s plus restreintes se frottaient aux Ă©lĂ©ments isolĂ©s de l’armĂ©e rĂ©guliĂšre et des milices locales. Des tĂ©moins occidentaux qui sĂ©journaient autour de Kampong Cham affirmĂšrent Ă  Ben Kiernan avoir entendu que des rebelles se dĂ©plaçaient de nuit pour collecter des fonds et de la nourriture, mais qu’ils se comportaient gĂ©nĂ©ralement de maniĂšre correcte avec la population locale. Toutefois, quand ils Ă©taient capturĂ©s, ils Ă©taient abattus sur place et leurs corps Ă©taient laissĂ©s Ă  l’abandon afin de servir d’exemple[106].

RĂ©publique khmĂšre

Lorsque dĂ©but janvier 1970, Norodom Sihanouk part, officiellement pour raison mĂ©dicale, en France, le pouvoir est exercĂ© par Lon Nol et Sisowath Sirik Matak qui impriment un virage rĂ©solument antivietnamien Ă  la politique cambodgienne. Le 18 mars, alors que le prince quittait Moscou pour PĂ©kin, il apprenait que le parlement l'avait dĂ©mis de ses fonctions de chef de l'État. AprĂšs un bref dĂ©lai de rĂ©flexion, il dĂ©cide d'accepter l'offre du gouvernement chinois visant Ă  l'aider Ă  lutter contre ceux qui l'avaient dĂ©posĂ© et Ă  s'allier Ă  ses opposants de gauche de la veille. Il est toutefois sĂ»r qu’aprĂšs sa dĂ©position et son installation Ă  PĂ©kin, sa rancƓur et son statut servaient les intĂ©rĂȘts chinois, vietnamiens et ceux du PCK encore balbutiant[107].

Alliance avec Sihanouk

Vingt-quatre heures aprĂšs l’arrivĂ©e du prince, les dirigeants chinois firent venir PháșĄm Văn Đồng Ă  PĂ©kin. Une entrevue entre Sihanouk et Đồng eut lieu le 22 mars oĂč d’aprĂšs l’ancien souverain khmer, ils dĂ©cidĂšrent d’une alliance qui comprenait l’acheminement de l’aide chinoise Ă  la rĂ©sistance khmĂšre, la convocation d’une « confĂ©rence des peuples indochinois » et l’entrainement au ViĂȘt Nam des troupes de cette nouvelle coalition[108]. Cet accord rĂ©pondait aux attentes de toutes les parties. Sihanouk, Ă  la tĂȘte d’un front de rĂ©sistance sauvait la face, permettant aux forces du PCK de croĂźtre dans des proportions qu’ils n’auraient jamais pu espĂ©rer ; ces troupes enfin, par leurs actions, permettaient de relĂącher la pression que l’armĂ©e cambodgienne faisait peser sur les unitĂ©s vietnamiennes stationnĂ©es en territoire khmer[109].

Les discussions dĂ©bouchent, le 23 mars, sur un appel aux armes lancĂ© par Norodom Sihanouk oĂč il invitait tous les Cambodgiens Ă  rejoindre le Front uni national du KampuchĂ©a qu’il allait crĂ©er prochainement[110]. Dans les campagnes, des enregistrements de cet appel Ă©taient diffusĂ©s par des membres du PCK et du Việt Cộng. Un ancien partisan communiste affirma Ă  Malcolm Caldwell se souvenir de l’appel du monarque et d’avoir dĂ» brusquement stopper les critiques Ă  son Ă©gard pour le prĂ©senter Ă  l’avenir comme le dirigeant du Front uni de libĂ©ration[111].

Des manifestations et des Ă©meutes eurent lieu, principalement dans les zones contiguĂ«s Ă  celles contrĂŽlĂ©es par les Vietnamiens, mais aucune ne menaça le gouvernement Ă  l'Ă©chelle nationale[112]. Quand quelques milliers de personnes commencĂšrent Ă  marcher sur la capitale pour exiger la restauration de Sihanouk, ils furent dispersĂ©s par l'armĂ©e au prix d'une fĂ©roce rĂ©pression[113]. À ce moment, beaucoup de jeunes Cambodgiens dĂ©cidĂšrent de rejoindre les maquis. L’un d’entre eux rĂ©vĂ©la en 1980 Ă  David Porter Chandler que le fait qu’on lui ait tirĂ© dessus avait motivĂ© sa dĂ©cision de partir dans la forĂȘt afin de « construire un nouveau pays »[114]. D’autres par contre n'avaient d'autre choix que de se ranger derriĂšre la banniĂšre de Samdech Euv[note 3] aprĂšs que leur village ait Ă©tĂ© investi par la guĂ©rilla qui demandait aux chefs des localitĂ©s de dĂ©signer un certain nombre de jeunes personnes Ă  enrĂŽler Ă  titre de contribution de la commune Ă  la rĂ©volution[116].

Le 10 avril, Khieu Samphùn, Hou Yuon et Hu Nim, dans leur premiÚre déclaration publique depuis 1967, apportaient leur soutien au front dirigé par Sihanouk et demandaient aux paysans cambodgiens de rejoindre les maquis[117].

Alors qu’à Phnom Penh, la rĂ©publique khmĂšre est proclamĂ©e le , Ă  PĂ©kin, le Gouvernement royal d'union nationale du KampuchĂ©a, crĂ©Ă© par Sihanouk, ne se livre qu’à des activitĂ©s restreintes et, Ă  la fin de 1970, transfĂšre le pouvoir sur le terrain aux dirigeants du PCK. Parmi eux, Saloth SĂąr prend en charge l’armĂ©e rebelle et Nuon Chea devient conseiller politique[118].

En avril 1970, Thiounn Mumm, qui sĂ©journait en France depuis 1955, rejoint Sihanouk Ă  PĂ©kin. Le prince croyait toujours que le PCK et le Pracheachon ne faisaient qu’un et Ă©taient tous deux contrĂŽlĂ©s par le Việt Cộng. Dans les quatre annĂ©es qui allaient suivre, Mumm et son frĂšre Prasith allaient donner une caution intellectuelle au monarque et lui attirer le soutien de membres des classes Ă©duquĂ©es cambodgiennes Ă  l’étranger[119].

Au printemps, d’aprĂšs le livre noir du gouvernement du KampuchĂ©a DĂ©mocratique, les Vietnamiens auraient essayĂ© de nĂ©gocier avec Son Sen et Ieng Sary un commandement militaire conjoint qui permettait de protĂ©ger le quartier gĂ©nĂ©ral Việt Cộng transfĂ©rĂ© Ă  Kratie et de fournir une aide logistique sur les pistes qui partaient au sud du ViĂȘt Nam, en Ă©change d’une assistance militaire[120]. Pol Pot affirma en 1978 que le PCK avait rejetĂ© la demande. If affirma qu’en septembre, son quartier gĂ©nĂ©ral avait Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© plus Ă  l’ouest, au Phnom Santhuk, dans la rĂ©gion de Kampong Thom, mais aussi plus prĂšs de Kratie et de la direction du Việt Cộng, ce qui accrĂ©dite la thĂšse qu’un commandement commun Ă©tait en place. Ce point est renforcĂ© par un tĂ©moignage d’un khmĂ©ro-vietnamien recueilli une dizaine d’annĂ©es plus tard qui affirmait que dans les forĂȘts du Phnom Santhuk, outre l’entrainement au combat, il devait enseigner le khmer aux unitĂ©s du FNL prĂ©sentes, alors que les recrues locales apprenaient le vietnamien et participaient Ă  des rĂ©unions dans cette langue[121]. Dans d’autres parties du pays, les Cambodgiens combattaient cĂŽte Ă  cĂŽte avec les troupes communistes vietnamiennes. Au sud-ouest de Phnom Penh, des Khmers combattaient sous les ordres des Vietnamiens jusqu’en 1972. En situation de combat, les frictions inĂ©luctables allaient ultĂ©rieurement dĂ©boucher sur un conflit ouvert[122].

Sihanouk, quant à lui, demeurait totalement isolé du terrain et ne recevait que de rares messages, adressés par Khieu Samphùn au nom de la « faction intérieure », euphémisme désignant le Parti communiste du Kampuchéa[123].

En octobre, un dĂ©serteur nord vietnamien avouait qu’un organisme de conseil avait Ă©tĂ© mis en place pour dĂ©velopper l’influence du PCK au Cambodge en incitant les cadres locaux Ă  s’approprier les postes clĂ©s au sein du FUNK et en leur proposant des formations[124].

Dans les zones est, oĂč les opuscules s’inspiraient des modĂšles vietnamiens, un tract intitulĂ© MoralitĂ© des combattants rĂ©volutionnaires dĂ©taillait une liste en douze points proche de celle des communistes chinois. Le document insistait sur la nĂ©cessitĂ© d’aider la population locale dans ses tĂąches quotidiennes de manger et boire de « maniĂšre rĂ©volutionnaire » de s’abstenir de comportements dĂ©placĂ©s avec les femmes et en prĂȘchant une haine fĂ©roce de l’ennemi. En 1972, trois nouveaux points firent leur apparition, le premier demandant aux cadres de veiller Ă  ce que la rĂ©volution soit menĂ©e sans rien attendre de l’étranger ; le second concernait la maĂźtrise des tĂąches immĂ©diates alors que le troisiĂšme insistait sur le besoin de vĂ©hiculer une certitude quant Ă  la justesse du combat et la victoire finale[125].

Pour beaucoup de membres du Việt Cộng, la collaboration avec leurs alliĂ©s cambodgiens Ă©tait une nĂ©cessitĂ©. Cela ne signifiait pas pour autant qu’ils devaient ĂȘtre aveugles. Un document vietnamien d’avril 1970 affirmait qu’ils devaient faire prendre conscience Ă  leurs homologues khmers « que leur existence dĂ©pend de nous. Les aider est une de nos obligations internationales. D’un autre cĂŽtĂ©, le Cambodge est notre zone de transit. La rĂ©volution cambodgienne est faible et son organisation fragile »[126].

À partir du mois de mars, plus d’un millier de Cambodgiens rĂ©fugiĂ©s au ViĂȘt Nam depuis les accords de GenĂšve Ă©taient rentrĂ©s pour prendre part Ă  la guĂ©rilla. La plupart avaient Ă©tĂ© formĂ©s Ă  l’école de l’amitiĂ© viĂȘtnamo-khmĂšre Ă  HanoĂŻ oĂč ils avaient suivi des cours de vietnamien, des Ă©tudes politiques et des pĂ©riodes d’entrainement militaire. Les personnes qui suivaient ce cursus Ă©taient de ce fait mieux armĂ©s pour le combat et la lutte rĂ©volutionnaire que ceux dĂ©jĂ  sur le terrain ; cet aspect ne pouvait qu’alimenter un ressentiment qui allait bientĂŽt s’exprimer. Avant d'arriver, ces rapatriĂ©s avaient dĂ» accomplir un pĂ©riple qui dans le pire des cas pouvait durer plus de trois mois et dans lequel prĂšs d’un tiers d’entre eux pĂ©rirent de maladie ou des bombardements[127].

Quand ils atteignaient le Cambodge, ils furent souvent accueillis avec mĂ©fiance et furent tous dĂ©sarmĂ©s. L’un d’entre eux avoua, une dizaine d’annĂ©es plus tard qu’on lui avait fortement conseillĂ© de dĂ©clarer qu’il avait quittĂ© le parti communiste vietnamien par fidĂ©litĂ© pour le peuple khmer. D’autre furent contraint de renier tout lien avec le Pracheachon. On leur demanda Ă©galement de renoncer Ă  tout grade militaire pour se plier aux traditions khmĂšres et parce qu'ils n’avaient pour le moment rendu aucun service Ă  la rĂ©volution ou au peuple cambodgien[128].

Ces rapatriĂ©s prĂ©sentaient par contre Ă©galement des avantages pour le PCK. En effet, les forces sur le terrain, malgrĂ© ou Ă  cause de leur accroissement spectaculaire, ne bĂ©nĂ©ficiaient que d’une instruction et d’un Ă©quipement sommaires (si certaines sources font Ă©tat d’un effectif de 125 000 personnes, seules 10 000 d’entre elles possĂ©daient des armes) et ne faisaient pas preuve d’une discipline Ă  toute Ă©preuve. Les nouveaux venus Ă©taient de ce fait apprĂ©ciĂ©s pour leur enseignement et leurs connaissances, mais les dirigeants les soupçonnaient de travailler pour HanoĂŻ. Dans les annĂ©es qui allaient suivre, ceux qui se conformaient aux discours de plus en plus antivietnamiens du comitĂ© central prenaient progressivement le pas sur ceux qui prĂŽnaient une coopĂ©ration entre les deux guĂ©rillas. Dans ce contexte, les rapatriĂ©s figuraient en « bonne » place parmi les premiĂšres victimes des purges, d’abord secrĂštes, qui s’abattirent sur les maquis cambodgiens Ă  partir de la fin de 1971[129].

En juillet 1971, le parti communiste du KampuchĂ©a organisait Ă  son nouveau quartier gĂ©nĂ©ral de Phnom Santhuk une formation destinĂ©e Ă  ses cadres. PrĂšs de 60 reprĂ©sentants de toutes les zones et des rapatriĂ©s de HanoĂŻ Ă©taient prĂ©sents. Vorn Vet affirmera que les cours avaient Ă©tĂ© intensifs. Peu de temps aprĂšs, un nouveau comitĂ© central fut Ă©lu. Sur ses treize membres, aucun ne venait du ViĂȘt Nam[130].

Prise en main des radicaux

Deux dĂ©cisions importantes furent prises. La premiĂšre fut d’envoyer Ieng Sary Ă  PĂ©kin comme « dĂ©lĂ©guĂ© de l’intĂ©rieur » auprĂšs de Norodom Sihanouk qui ne manquera aucune occasion de montrer son agacement envers celui qu’il considĂ©rera comme son geĂŽlier[131]. L’autre fut de faire cĂ©lĂ©brer le 30 septembre l’anniversaire du congrĂšs de 1960, oĂč pour la premiĂšre fois, les communistes cambodgiens prenaient eux-mĂȘmes des dĂ©cisions en dehors de la tutelle vietnamienne. Aucun compte-rendu n’a Ă©tĂ© conservĂ©, mais on peut penser que le choix de la date n’était pas anodin et on sait par certains tĂ©moignages que plusieurs membres de ce nouveau comitĂ© central signĂšrent la dĂ©claration finale, dont Saloth SĂąr, Khieu SamphĂąn et Son Sen[132].

Une seconde confĂ©rence eu lieu en septembre et dĂ©boucha sur plusieurs documents. Les statuts y furent trĂšs probablement discutĂ©s, la premiĂšre version connue ayant Ă©tĂ© saisie peu aprĂšs, mais Ă©galement plusieurs synthĂšses portant sur la politique Ă©conomique et Ă©trangĂšre. Certaines sources avancent que des sujets tels la collectivisation et l’abolition des marchĂ©s avaient Ă©tĂ© discutĂ©s entre les partisans d’une ligne dure et des modĂ©rĂ©s qui prĂŽnaient une position plus souple et qui seront plus tard tous purgĂ©s[133]. Durant le congrĂšs, les dirigeants du PCK discutaient aussi de la « question vietnamienne ». On y Ă©voqua les problĂšmes soulevĂ©s par le commandement mixte – oĂč les hautes responsabilitĂ©s Ă©taient monopolisĂ©es par les cadres du Việt Cộng – des zones oĂč des combattants khmers Ă©taient placĂ©s sous les ordres d’officiers vietnamiens, du statut des rapatriĂ©s dans l’armĂ©e et au sein du parti et des objectifs politico militaires Ă  court et moyen terme. Ainsi, le front national de libĂ©ration du Sud ViĂȘt Nam faisait de la « libĂ©ration » de SaĂŻgon un but prioritaire qui exigeait de ne pas disperser ses efforts sur des objectifs secondaires telle une offensive sur Phnom Penh qui paraissait prĂȘte Ă  tomber comme un fruit mĂ»r[134].

Beaucoup de communistes cambodgiens partageaient Ă  l’égard des Vietnamiens les sentiments de leurs concitoyens rĂ©publicains qui avaient perpĂ©trĂ© les massacres de mai 1971 Ă  l’encontre de populations civiles. AprĂšs Chenla II, les forces du PCK assassinĂšrent plusieurs cambodgiens qui avaient hĂ©bergĂ© des combattants du Việt Cộng Ă  Baray, prĂšs du quartier gĂ©nĂ©ral du parti de Phnom Santhuk. Cette rĂ©gion Ă©tait dirigĂ©e par Ke Pauk, qui sera un proche de Pol Pot pendant le rĂ©gime du KampuchĂ©a dĂ©mocratique. Le massacre semble de ce fait plus destinĂ© Ă  faire passer un message que le rĂ©sultat de bourdes dans le feu de l’action, thĂšse confirmĂ©e par les autres cas de dissensions qui apparurent eux aussi durant l'annĂ©e 1971[135].

Cette rĂ©union de septembre avait sĂ»rement aussi abordĂ© le rĂŽle dĂ©volu Ă  Norodom Sihanouk. Un document du PCK affirmait dĂ©jĂ  quelques mois plus tĂŽt qu’il n’était pas nĂ©cessaire d’afficher les portraits du prince et que, sans dĂ©nier son faible apport Ă  la rĂ©volution, il fallait expliquer subtilement au peuple que toutes les rĂ©alisations rĂ©centes devaient plus Ă  la lutte armĂ©e qu'Ă  l’action du monarque dĂ©chu[136].

À la fin de l’annĂ©e 1971, ceux qu’on appelait les Khmers HanoĂŻ commençaient Ă  ĂȘtre retirĂ©s de tout poste Ă  responsabilitĂ©. Un tĂ©moin affirma en 1980 qu’au dĂ©but de 1972, plus aucun Khmer en provenance de HanoĂŻ n’était dans son district du Sud-Ouest oĂč il stationnait. Un autre affirma en 1978 qu’ils avaient Ă©tĂ© rĂ©voquĂ©s et envoyĂ©s « ailleurs »[137].

Les rĂ©formes n’étaient pas appliquĂ©es partout avec la mĂȘme cĂ©lĂ©ritĂ© : les changements furent certainement les plus rapides dans le sud-ouest, commandĂ© par un certain Chhit ChƓun qui sera bientĂŽt mieux connu sous le pseudonyme de Ta Mok, alors que les zones contrĂŽlĂ©es par des anciens du parti communiste indochinois tels So Phim ou Non Suon semblaient appliquer les consignes avec plus de modĂ©ration. Dans la zone 25, prĂšs de Phnom Penh, par exemple, les cadres locaux demandaient Ă  leurs troupes de faire preuve d’internationalisme de discipline et d’éthique « rĂ©volutionnaire » tout en s’abstenant d’actes de vengeance ou de menaces contre les Vietnamiens. Au nord-ouest aussi, l’évolution Ă©tait lente et l’ambiguĂŻtĂ© Ă©tait entretenue par des messages enjoignant d’aimer Sihanouk tout en se formant Ă  la lutte des classes[138].

AprĂšs Chenla II, et le retrait des troupes nord-vietnamiennes du Cambodge Ă  partir de 1972 et comme le fit remarquer David Porter Chandler, le parti communiste du KampuchĂ©a mit « plus de deux ans Ă  gagner une guerre que l’armĂ©e de Lon Nol avait perdue ». Les raisons en sont multiples. L’une d’elles fut qu’avec l’évacuation des Vietnamiens, les forces du front uni national du KampuchĂ©a manquaient d’armements et d’entrainement pour porter l’estocade. Une seconde Ă©tait que le contrĂŽle exercĂ© par le PCK sur les campagnes, s’avĂ©rait rĂ©mittent. Depuis 1970, Ă  l’exception de quelques grandes villes, tout le territoire Ă  l’est du MĂ©kong Ă©tait sous le contrĂŽle de la guĂ©rilla. Autour de Phnom Penh, les rĂ©gions changĂšrent plusieurs fois de mains alors que d’autres, comme au nord-ouest, restĂšrent fidĂšles Ă  la rĂ©publique khmĂšre jusqu’en 1975[139].

En 1973, les Khmers rouges lançaient un programme de collectivisation dans les zones qu’ils contrĂŽlaient, entraĂźnant la fuite d'environ 60 000 personnes hors des « zones libĂ©rĂ©es » ; ils recevaient dans leur base la visite de Sihanouk, mais ce dernier n'eut pas la possibilitĂ© d'un rĂ©el contact avec la population[140].

À la mĂȘme Ă©poque, la date de crĂ©ation du parti avait Ă©tĂ© avancĂ©e au . Il semble en fait qu’avant chacun des anniversaires, l’histoire Ă©tait rĂ©Ă©tudiĂ©es et rĂ©Ă©crite au grĂ© des Ă©vĂ©nements rĂ©cemment survenus[141]. En 1973, les annĂ©es 1950 Ă©taient mises en avant, quand le parti Ă©tait dirigĂ© par Son Ngoc Minh, Sieu Heng et Tou Samouth. La formation Ă©tait alors dĂ©crite comme composĂ©e d’une quarantaine d’anciens partisans du parti communiste indochinois, une dizaine du parti communiste français et trois ou quatre anciens membres du parti communiste thaĂŻlandais. Certains d’entre eux apparaissaient sous formes d’initiales, tels « SH » pour Sieu Heng et « TSM » pour Tou Samouth alors que Saloth SĂąr ne semble pas avoir Ă©tĂ© mentionnĂ©. Il Ă©tait fait Ă©tat de la scission entre les sections urbaines et rurales, de la dĂ©fection de Sieu Heng et de la disparition de Tou Samouth. Enfin, il Ă©tait affirmĂ© qu’en 1964, le parti Ă©tait prĂȘt Ă  gagner une grande influence quand « 90 % » du comitĂ© central dĂ©cidait de gagner la campagne[142].

Toujours Ă  la mĂȘme Ă©poque, les bombardements amĂ©ricains transformaient le Cambodge en champ de tir gĂ©ant. Les opĂ©rations tuĂšrent des milliers de personnes qui n’étaient pas en guerre avec les États-Unis et eurent aussi pour effet de crĂ©er une ceinture de feu autour de Phnom Penh, freinant la progression des forces du front uni national du KampuchĂ©a et donnant un rĂ©pit Ă  la rĂ©publique. Certains raids dĂ©truisirent des positions Ă  moins de vingt kilomĂštres de la capitale. Jusqu’à ce que, sur l’insistance du CongrĂšs, ces bombardements cessent en aoĂ»t 1973, on estime qu’un demi-million de tonnes de bombes ont Ă©tĂ© dĂ©versĂ©es sur le Cambodge, soit trois fois plus que ce qui avait Ă©tĂ© jetĂ© sur le Japon pendant la Seconde Guerre mondiale. Les dĂ©gĂąts, incontestablement Ă©levĂ©s, n’ont pas pu ĂȘtre estimĂ©s avec prĂ©cision[143]. Ces bombardements contribuĂšrent par contre Ă  la radicalisation du PCK, l'Ă©quilibre du pouvoir basculant en faveur du Centre de Pol Pot. Durant cette mĂȘme pĂ©riode, plusieurs des dirigeants modĂ©rĂ©s sont Ă©liminĂ©s, certains Ă©tant assassinĂ©s par les alliĂ©s de Pol Pot, Ta Mok et Vorn Vet[144].

En avril 1974, le comitĂ© central du PCK envoyait Ă  ses cadres un programme de rĂ©sistance Ă  long terme. Il comprenait deux phases. Dans la premiĂšre, les cadres devaient expliquer simplement Ă  la population sous leur contrĂŽle les valeurs du socialisme et les comparer aux agissements du gouvernement de Lon Nol. Il fallait notamment demander au peuple d’avoir « un pistolet dans une main et une charrue dans l’autre ». Lors de la seconde Ă©tape, il convenait de rappeler que les CPNLAF luttaient pour un seul idĂ©al, le socialisme, et que tout groupe prĂŽnant une autre politique devait ĂȘtre dĂ©busquĂ©, car de tels individus Ă©taient assimilĂ©s Ă  des saboteurs dĂ©sireux de crĂ©er « la dissension au sein du peuple cambodgien ». Au fur et Ă  mesure que la stratĂ©gie khmĂšre rouge se mettait en place, la nĂ©cessitĂ© d’un front uni et le besoin de faire jouer un rĂŽle Ă  Norodom Sihanouk et Ă  ses partisans se faisait moins sentir[145]. Ces derniers, ainsi que les communistes modĂ©rĂ©s - dont le millier d'anciens Khmers issarak revenus de HanoĂŻ pour rejoindre le soulĂšvement -[146], considĂ©rĂ©s par Pol Pot et son entourage comme une « cinquiĂšme colonne » provietnamienne potentielle alors qu’eux pensaient ĂȘtre protĂ©gĂ©s par leur participation Ă  une coalition, furent, pour la plupart, arrĂȘtĂ©s et condamnĂ©s Ă  mort[147]. So Phim, responsable de l'insurrection dans la zone Est du Cambodge, dut renoncer Ă  sa collaboration de longue date avec les communistes vietnamiens[146]. Avant mĂȘme leur prise du pouvoir, les Khmers rouges durent faire face Ă  des soulĂšvements de population, et Ă  la dissidence d'une partie de leurs troupes[148].

En février 1975, alors que le régime de Lon Nol est en plein effondrement, une réunion du Centre de l'Angkar décide de l'évacuation des villes aprÚs la prise du pouvoir. Les membres de la direction révolutionnaire ne sont informés qu'en avril de cette décision prise par « FrÚre Numéro Un et FrÚre Numéro Deux », noms de code de Pol Pot et Nuon Chea[149].

Au pouvoir

Saloth SĂąr, alias Pol Pot, en 1978.

Les Khmers rouges entrent dans la capitale, Phnom Penh, le . Le nouveau pouvoir est dĂ©signĂ© auprĂšs de la population du seul nom d'Angkar, organisation Ă  la fois sans visage et censĂ©ment omniprĂ©sente[150], tandis que l'État cambodgien prend le nom de KampuchĂ©a dĂ©mocratique. Les habitants de la ville commencent le jour mĂȘme Ă  ĂȘtre Ă©vacuĂ©s vers les campagnes, dans des conditions dĂ©sastreuses, qui entraĂźnent la mort d'environ 10 000, voire 20 000 personnes[151]. Toutes les autres villes du pays sont Ă©vacuĂ©es dans les semaines qui suivent[152].

Du 20 au , le Centre réunit tous les secrétaires de district du parti pour une conférence, au cours de laquelle Pol Pot et Nuon Chea exposent leur plan, consistant notamment en l'évacuation de toutes les villes, la suppression de la monnaie et des marchés, la création de coopératives dans tout le pays, l'expulsion de l'ethnie vietnamienne du Cambodge et l'envoi de troupes aux frontiÚres, notamment à la frontiÚre vietnamienne. L'interdiction du bouddhisme est également prévue, ainsi que la mise au travail des moines dans les riziÚres[153].

Des dissensions se font vite jour au sein du parti, les dirigeants de la zone Est, comme Heng Samrin se montrant notamment hostiles Ă  la rupture avec le ViĂȘt Nam. Les zones est et ouest sont progressivement purgĂ©es[154]. Un gouvernement dirigĂ© par le Centre du Parti communiste du KampuchĂ©a est formĂ© en octobre 1975, incluant Pol Pot, Ieng Sary, Nuon Chea, Vorn Vet, Non Suon et Ieng Thirith. Khieu SamphĂąn est le chef officiel du gouvernement, en tant que « responsable du Front ». Les responsables de la zone est comme So Phim et Chan Chakrey sont tenus Ă  l'Ă©cart. La lutte contre « l'ennemi vietnamien » est une prioritĂ© de plus en plus marquĂ©e pour le parti[155].

La propagande de l'Angkar diffuse douze « commandements révolutionnaires » :

  1. Le peuple des ouvriers et paysans, tu aimeras, honoreras et serviras.
  2. Le peuple oĂč que tu ailles de tout ton cƓur et de tout ton esprit tu serviras.
  3. Le peuple tu respecteras, sans porter atteinte Ă  son intĂ©rĂȘt, sans toucher Ă  ses biens, ni Ă  ses plantations, en t'interdisant de voler ne serait-ce qu'un seul piment, en te gardant de prononcer la moindre parole offensante Ă  son Ă©gard.
  4. Au peuple tu demanderas pardon si tu as commis quelque faute Ă  son Ă©gard. Si tu as lĂ©sĂ© l'intĂ©rĂȘt du peuple, au peuple tu restitueras.
  5. La rĂšgle du peuple tu observeras, que tu parles, dormes, marches, debout ou assis, que tu t'amuses ou que tu ries.
  6. Vis-Ă -vis des femmes rien d'inconvenant ne feras.
  7. En aliment et en boisson, rien qui ne soit produit révolutionnaire ne consommeras.
  8. Aux jeux de hasard, jamais ne joueras.
  9. À l'argent du peuple, point ne toucheras. Sur les biens collectifs de l'État ou du ministĂšre, pour dĂ©rober fĂ»t-ce une boĂźte de riz ou un comprimĂ© de mĂ©decine jamais la main ne porteras.
  10. Envers le peuple des ouvriers et des paysans, envers toute la population, trÚs humble te feras. Par contre, envers l'ennemi, les impérialistes américains et leurs valets, ta haine avec force et vigilance nourriras.
  11. À la production du peuple sans cesse t'uniras et le travail tu aimeras.
  12. Contre tout ennemi, contre tout obstacle avec dĂ©termination et courage tu lutteras. PrĂȘt Ă  tous les sacrifices jusqu'Ă  celui de ta vie pour le peuple, les ouvriers, les paysans, pour la RĂ©novation, pour l'Angkar, sans hĂ©sitation et sans relĂąche tu seras[156].

La politique de l'Angkar/PCK tente de faire passer la sociĂ©tĂ© cambodgienne directement au stade du communisme intĂ©gral, sans la phase de transition par le socialisme prĂ©conisĂ©e par l'orthodoxie marxiste-lĂ©niniste[157]. Sous le gouvernement du PCK, un effort extrĂȘme est fait pour remodeler l'esprit des Cambodgiens et aboutir Ă  la crĂ©ation d'un « homme nouveau communiste », via la destruction de la « propriĂ©tĂ© privĂ©e matĂ©rielle et spirituelle ». Un document d'Ă©tude du pouvoir khmer rouge proclame : « La seule libertĂ© vĂ©ritable, c'est uniquement ce que l'Angkar dit, Ă©crit et organise »[158]. La nature de l'Angkar demeure longtemps Ă©nigmatique ; ce n'est que le que Pol Pot, dans une allocution retransmise par la radio La Voix du KampuchĂ©a dĂ©mocratique, dĂ©clare publiquement que l'Angkar est le Parti communiste du KampuchĂ©a[159]. À cette occasion, la direction du parti rĂ©Ă©crit l'histoire du mouvement, en datant sa crĂ©ation non pas du , mais du , date Ă  laquelle le futur Pol Pot est entrĂ© au comitĂ© central du Parti ouvrier du KampuchĂ©a. Cette nĂ©gation des neuf annĂ©es prĂ©cĂ©dentes a Ă©tĂ© analysĂ©e, notamment par l'historien David Chandler, comme une tentative de faire oublier la pĂ©riode durant laquelle la contribution de Saloth SĂąr et de ses alliĂ©s au mouvement communiste cambodgien avait Ă©tĂ© secondaire, voire inexistante[160].

Le fonctionnement interne du parti, marquĂ© par une paranoĂŻa aigĂŒe, est rythmĂ© par les purges ; arrestations et exĂ©cutions se succĂšdent, sans le moindre procĂšs. AprĂšs l'Ă©limination des provietnamiens et des diplomates sihanoukistes, c'est Keo Meas, no 6 dans la hiĂ©rarchie du parti, qui est arrĂȘtĂ© en septembre 1976. Le mensuel de l'Angkar, Tung Padevat (Drapeaux rĂ©volutionnaires), proclame en juillet 1978 : « Il y a des ennemis partout dans nos rangs, au centre, Ă  l'Ă©tat-major, dans les zones, dans les villages de base »[161]. En avril-mai 1978, une purge est lancĂ©e dans la zone Est : les troupes de Ke Pauk et de Son Sen attaquent la zone. So Phim se suicide et les forces de Heng Samrin sont dispersĂ©es ; de violents combats ont encore lieu en juin et en juillet, et la population de la zone est Ă©vacuĂ©e[162]. Une politique de persĂ©cutions raciales est Ă©galement mise en place par le Centre, avec une chasse aux Vietnamiens de souche et aux Khmers Krom, des massacres de l'ethnie musulmane des Chams et des assassinats de familles de souche chinoise[163].

Le gouvernement des Khmers rouges se solde, au Cambodge, par un nombre de morts particuliÚrement élevé, objet d'estimations trÚs variables, allant jusqu'à deux millions[164].

Chute du régime khmer rouge et dissolution du parti

En engageant les hostilitĂ©s contre le ViĂȘt Nam, le KampuchĂ©a dĂ©mocratique entraĂźne sa propre chute. Le , soixante-dix cadres et officiers khmers rouges dissidents fondent le Front uni national pour le salut du KampuchĂ©a, dont Heng Samrin prend la direction. Le 25 dĂ©cembre, l'ArmĂ©e populaire vietnamienne lance une invasion massive du Cambodge. Le , le gouvernement khmer rouge fuit la capitale[165].

Le nouveau régime de la République populaire du Kampuchéa, dont de nombreux cadres sont d'anciens khmers rouges ralliés aux Vietnamiens, est immédiatement proclamé. Ce n'est qu'en 1981 qu'est réellement fondé le nouveau parti unique du Cambodge, le Parti révolutionnaire du peuple du Kampuchéa, qui se proclame l'unique héritier du Parti révolutionnaire du peuple khmer fondé en 1951[166].

Les Khmers rouges continuent la guĂ©rilla contre le nouveau rĂ©gime provietnamien. En dĂ©cembre 1981, Pol Pot et Nuon Chea dĂ©cident de dissoudre le Parti communiste du KampuchĂ©a, afin selon eux de pouvoir « s'unir avec d'autres forces nationales »[167]. Le PCK est officiellement dissous le 6 dĂ©cembre[168]. À l'Ă©poque, la plupart des cadres Khmers rouges sont dĂ©contenancĂ©s par la dĂ©cision de Pol Pot et Nuon Chea. Par ailleurs, en matiĂšre de relations publiques, les gains politiques pour les Khmers rouges sont minimes, leur Ă©volution ne convainquant personne ; le mouvement perd en outre son ciment politique, en devenant pour l'essentiel une organisation purement militaire[167]. Un nouveau parti, le Parti du KampuchĂ©a dĂ©mocratique, est crĂ©Ă© pour ĂȘtre la vitrine politique des Khmers rouges ; il se prĂ©sente comme un parti non plus communiste, mais « socialiste dĂ©mocratique »[169].

Notes et références

Notes

  1. Vorn Vet, dans ses confessions prétend que la réunion aurait eu lieu à la fin de 1964 alors que Philip Short avance le mois de janvier 1965.
  2. Cette version est toutefois contestĂ©e au moins par Ros Chantrabot qui affirme pour sa part que les troupes vietnamiennes avaient tendance Ă  se comporter comme en pays conquis dans les zones oĂč ils stationnaient[97].
  3. Samdech Euv, littéralement Monseigneur Papa, est le surnom donné à Norodom Sihanouk par les Cambodgiens dans les années 1950 et 1960[115].

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