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Sisowath Sirik Matak

Le prince Sisowath Sirik Matak , nĂ© le 22 janvier 1914 Ă  Phnom Penh et mort le 21 avril 1975, est un homme d'État cambodgien.

Sisowath Sirik Matak
ស៊ឞសុវត្ថិ សិរិមតៈ
Illustration.
Fonctions
Premier ministre du Cambodge
–
(1 an et 7 jours)
Président Cheng Heng
Lon Nol
Prédécesseur Lon Nol
Successeur Son Ngoc Thanh
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Phnom Penh (Indochine française)
Date de dĂ©cĂšs (Ă  61 ans)
Lieu de décÚs Phnom Penh (Kampuchéa démocratique)
Nationalité Cambodgienne
Parti politique Parti républicain cambodgien
PĂšre Sisowath Rathary
MĂšre Troeung Yoeun dit Yusen
Fratrie Sisowath Methavy
Sisowath Essaro
Sisowath Chuttima
Sisowath Dimang
Sisowath Vitourya
Sisowath Phinari
Sisowath Sorekanratna
Sisowath Virota
Sisowath Thonika
Conjoint Norodom Kethneari
Enfants 6
Profession Militaire

Sisowath Sirik Matak
Premiers ministres du Cambodge

Membre de la branche royale des Sisowath, il est le cousin de Norodom Sihanouk. Ministre à de multiples reprises dans les années 1950 et 1960, il était proche de la droite cambodgienne et reprochait au monarque le manque de libéralisme de sa politique.

Vice-premier ministre au début de 1970, il est considéré comme un des principaux acteurs des événements qui amenÚrent à la déposition de Norodom Sihanouk le 18 mars et à la mise en place de la République khmÚre. Premier ministre entre 1971 et 1972, il sera exécuté par les troupes khmÚres rouges, peu aprÚs la prise de Phnom Penh, en avril 1975.

Biographie

Sisowath Sirik Matak fait partie de la branche des Sisowath par son pĂšre Sisowath Rothary (1878-1946), lui-mĂȘme neveu de Sisowath Monivong par son pĂšre Sisowath Essaravong. Il grandit dans une fratrie de dix enfants, cinq garçons (ses frĂšres Ă©tant colonel et lieutenant-colonel)[1] et cinq filles.

Comme la plupart des futurs dignitaires du royaume khmer, il Ă©tudia au LycĂ©e Chasseloup-Laubat de SaĂŻgon oĂč il cĂŽtoya un certain Lon Nol[2].

En 1941, il aurait été un des candidats potentiels au trÎne, mais les autorités coloniales françaises lui auraient préféré son cousin Norodom Sihanouk[note 1].

En 1949, il conduira, avec succÚs, les négociations avec le dirigeant indépendantiste Dap Chhuon de la région de Siem Reap, qui amÚneront son ralliement ainsi que celui de 400 de ses hommes au gouvernement royal au terme d'une cérémonie grandiose à Angkor Thom[4].

Ministre d’État dans le premier gouvernement que Norodom Sihanouk prĂ©side Ă  partir de juin 1952, il se voit confier par le roi en janvier 1953 les portefeuilles de la dĂ©fense nationale et des postes et tĂ©lĂ©communications. Ministre des Affaires Ă©trangĂšres d’un gouvernement dirigĂ© par Penn Nouth (juillet 1953), il a la charge de la dĂ©fense nationale de janvier Ă  avril 1955, poste qu’il conservera en 1957-1958 en mĂȘme temps que celui de l’éducation nationale. De 1962 Ă  1964, il est ambassadeur en Chine, avant de diriger en 1966 et 1967 la mission diplomatique Ă  Tokyo[5].

Proche de Monique Izzi qu’il avait hĂ©bergĂ©e quand elle Ă©tait jeune, il Ă©tait en dĂ©saccord avec Sihanouk sur l’indulgence de ce dernier pour la corruption et sur le domaine Ă©conomique. Matak avait aussi des accointances avec les milieux d’affaires sino-khmers de Phnom Penh et avait affirmĂ© son opposition au programme de nationalisation des exportations mis en place en 1963[6].

Vice-Premier ministre du cabinet Lon Nol en aoĂ»t 1969, il est responsable de l’intĂ©rieur, de la sĂ©curitĂ©, de l’éducation nationale et des affaires religieuses. Il assure l’intĂ©rim du PrĂ©sident du Conseil pendant que ce dernier sĂ©journe en France pour raisons de santĂ© jusqu’en fĂ©vrier 1970[5].

Durant cette pĂ©riode, Sirik Matak dĂ©cide de ne transmettre qu’une partie des documents officiels Ă  Norodom Sihanouk et incite les ambassadeurs Ă  lui adresser directement leurs correspondances plutĂŽt qu’au chef de l’État[7]. Il prend Ă©galement une sĂ©rie de mesures Ă  l’opposĂ© de la politique menĂ©e depuis des annĂ©es et qui vont Ă  l’encontre des intĂ©rĂȘts des proches du monarque. Il autorise la rĂ©ouverture des banques Ă  capitaux privĂ©s au Cambodge, dĂ©value le riel de prĂšs de 70 % et privatise certains monopoles de l’État. Le but Ă©tait de rassurer les marchĂ©s financiers internationaux, encourager les investissements Ă©trangers et dynamiser les exportations, des initiatives que Sihanouk avait toujours diffĂ©rĂ©es, doutant de leur utilitĂ©[8].

Un congrĂšs national du Sangkum Reastr Niyum, seul parti reprĂ©sentĂ© Ă  l’assemblĂ©e et dont font partie Sirik Matak, est convoquĂ© en novembre et dĂ©cembre 1969. Durant les dĂ©bats, Sihanouk tente de dĂ©nigrer les mesures Ă©conomiques prises par Sirik Matak et obtient un vote demandant l’abrogation du dĂ©cret autorisant les banques Ă©trangĂšres Ă  revenir s’implanter au Cambodge. Pour montrer leur solidaritĂ©, les quatre ministres sihanoukistes du gouvernement dĂ©missionnent de leurs postes. Mais le coup eu l’effet inverse de ce qu’ils escomptaient. Sirik Matak nomma des personnes proches de lui Ă  leurs places et Sihanouk se retrouvait privĂ© de tout soutien au sein du gouvernement[9]. L’amour-propre du monarque sortait entamĂ© de cette Ă©preuve, surtout aprĂšs que l'AssemblĂ©e nationale eut rĂ©cusĂ© le vote du congrĂšs et confirmĂ© l’autorisation faite aux banques privĂ©es de rouvrir[10].

Lorsqu’en janvier 1970, Norodom Sihanouk part Ă  son tour suivre un traitement dans le sud de la France, Sirik Matak et ses partisans avaient une occasion unique de mettre en place les mesures libĂ©rales qu’ils souhaitaient depuis longtemps et de s’opposer plus fermement Ă  l’occupation vietnamienne des zones frontaliĂšres. Le gouvernement Ă©tait alors prĂȘt Ă  mettre Ă  bas les fondements de la politique suivie jusque-lĂ  par Sihanouk et Ă  rĂ©organiser l’armĂ©e en une vĂ©ritable force de combat. Il espĂ©rait par ces mesures pouvoir redynamiser les entrepreneurs du pays. Malheureusement pour eux, une telle politique nĂ©cessitait le soutien des États-Unis dont Sirik Matak se considĂ©rait proche, mais les AmĂ©ricains Ă©taient engagĂ©s dans un retrait de l’Asie du Sud-est[11]. De tels objectifs auraient sĂ»rement pu ĂȘtre atteints sans la guerre du ViĂȘt Nam et les pressions internationales qui en dĂ©coulaient. De plus, les nouveaux dirigeants avaient sous-estimĂ© plusieurs Ă©lĂ©ments et ces erreurs allaient s'avĂ©rer fatales Ă  eux et au Cambodge. D’abord, ils avaient cru que Sihanouk allait se faire dĂ©possĂ©der de ses prĂ©rogatives et se cantonner dans un rĂŽle de figuration sans broncher ; ensuite, ils escomptaient que devant une pression militaire accrue, les diffĂ©rentes guĂ©rillas allaient rapidement abandonner le combat et rentrer dans le droit chemin ; ils avaient Ă©galement pensĂ© que les forces vietnamiennes stationnĂ©e prĂšs de la frontiĂšre allaient, sur la seule injonction du nouveau gouvernement cambodgien, abandonner leurs refuges en territoire khmer pour se mettre sous le feu des artilleries saĂŻgonnaise et amĂ©ricaine. Enfin, le postulat que la rĂ©publique du ViĂȘt Nam et les États-Unis allaient continuer Ă  composer avec un Cambodge neutre et non-alignĂ© s’avĂ©ra rapidement utopique[12]. Ces erreurs d’apprĂ©ciation paraissent a posteriori considĂ©rables, mais Sihanouk, de son cĂŽtĂ© croyait aussi pouvoir contrĂŽler Ă  sa guise les Ă©lites de son pays, les troupes du Việt Cộng et leurs alliĂ©s khmers rouges. En ce dĂ©but de l’annĂ©e 1970, Sirik Matak et ses proches Ă©taient sĂ»rs de leur jugement et rien ne les laissait prĂ©sager la catastrophe dans laquelle le pays allait ĂȘtre plongĂ©[13].

En janvier, le bureau d’aide mutuel mis en place quelques annĂ©es auparavant par Sihanouk pour fournir diverses assistances fut fermĂ©. Ces recettes provenaient de celles des films du monarque, des droits d’entrĂ©e au casino et de « contributions volontaires » de hauts fonctionnaires. Les fonds ainsi rĂ©coltĂ©s servaient Ă  dĂ©dommager les victimes des bombardements et de la guĂ©rilla ainsi qu'Ă  l’achat de cadeaux de toutes sortes. Si la raison Ă©voquĂ©e Ă©tait un dĂ©ficit chronique, il semble bien qu’en fait le gouvernement voulait ainsi limiter l’influence de Sihanouk[14].

À la mi-fĂ©vrier, Lon Nol Ă©tait de retour. Avant de rentrer, il avait eu un entretien avec Sihanouk, oĂč, d’aprĂšs certaines rumeurs, une stratĂ©gie antivietnamienne aurait Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e, mais rien ne permet d’affirmer cette thĂšse avec certitude[15]. SitĂŽt rentrĂ©, le gĂ©nĂ©ral adoptait une sĂ©rie de mesures antivietnamiennes qui aboutirent, le 11 mars, Ă  des manifestations devant les ambassades de la rĂ©publique dĂ©mocratique du ViĂȘt Nam et du Front national de libĂ©ration du Sud ViĂȘt Nam. Les Ă©meutiers entrĂšrent dans les bĂątiments et les mirent Ă  sac. Les diplomates prĂ©sents eurent juste le temps de prendre leurs jambes Ă  leur cou. La police, aux ordres d’Oum Manorine, le beau-frĂšre de Sihanouk, ne fit rien pour rĂ©primer ces actes de violence[16]. Depuis Paris, Sihanouk affirmaient que ces manifestations dĂ©coulaient d’un complot visant Ă  « jeter notre pays dans les bras d’une puissance impĂ©rialiste capitaliste » et promit de rentrer dans les plus brefs dĂ©lais[17]. Le 12 mars, Sirik Matak annulait l’accord de commerce avec HanoĂŻ et Lon Nol donnait 3 jours aux troupes vietnamiennes stationnĂ©es au Cambodge pour quitter le pays[18].

Le Norodom Sihanouk était destitué par un coup de force dont la paternité est réguliÚrement attribuée à Sirik Matak[19].

Depuis PĂ©kin oĂč il avait trouvĂ© refuge, Norodom Sihanouk lançait un appel aux armes et invitait tous les Cambodgiens Ă  rejoindre le Front uni national du KampuchĂ©a qu’il allait crĂ©er prochainement qui outre ses partisans devait aussi comporter ses ennemis khmers rouges de la veille[20].

Si dans un premier temps le nouveau gouvernement semblait dĂ©sireux de prĂ©server la neutralitĂ© du Cambodge, il dut rapidement dĂ©chanter. Les communistes vietnamiens avaient comme on pouvait s'y attendre refusĂ© d’obtempĂ©rer Ă  la demande de quitter le territoire et la faible armĂ©e cambodgienne n’avait pas les moyens de les dĂ©loger. Lon Nol dut donc demander l’aide des forces amĂ©ricano-sud-vietnamiennes qui ne pouvait qu’approuver une requĂȘte qui servait leurs intĂ©rĂȘts[21].

Quand la RĂ©publique khmĂšre est proclamĂ©e le , la popularitĂ© de Lon Nol et Sirik Matak Ă©tait Ă  son paroxysme auprĂšs des Ă©lites urbaines et l’armĂ©e. Ils en profitĂšrent pour s’adjuger chacun une Ă©toile supplĂ©mentaire Ă  leur grade de gĂ©nĂ©ral[22].

À partir de 1971, deux tendances politiques se dessinaient au sein des dirigeants de Phnom Penh. La premiĂšre, menĂ©e par In Tam, Ă©tait dĂ©crite par l’ambassade amĂ©ricaine comme un rĂ©gĂ©nĂ©rescence du parti dĂ©mocrate, soutenu notamment par les Sangha bouddhistes et Son Ngoc Thanh. L’autre groupe Ă©tait parfois appelĂ© parti rĂ©publicain par analogie au systĂšme politique amĂ©ricain et se rangeait derriĂšre la banniĂšre de Sirik Matak ; Lon Nol, pour sa part, se plaçait au-dessus de ces partis. Ces joutes Ă©taient par contre inconnues du grand public et seuls les milieux intellectuels et le parlement s’y intĂ©ressaient. À la campagne et pour les rĂ©fugiĂ©s qui venaient s’entasser dans la capitale les prĂ©occupations se portaient plus sur les bouleversements qu’ils vivaient, Ă  la suite des exactions commises alternativement par les troupes rĂ©publicaines, khmĂšres Krom, sud-vietnamiennes, Việt Cộng, et khmĂšres rouges qui passaient dans des cycles de poursuites, destructions puis retraites. À la mĂȘme Ă©poque, Lon Nol fut victime d’une paralysie qui affectait tout le cĂŽtĂ© gauche de son corps et fut Ă©vacuĂ© vers l’hĂŽpital militaire d’Honolulu. La charge de premier ministre par intĂ©rim Ă©chut Ă  nouveau Ă  Sirik Matak jusqu'en , quand Lon Nol rentra d’HawaĂŻ, mais n’avait manifestement pas retrouvĂ© l’ensemble de ses facultĂ©s[23].

Encore en pleine convalescence, Lon Nol dĂ©missionna finalement de son poste de Premier ministre, ouvrant une crise qui allait mettre en lumiĂšre l’antagonisme qui l’opposait Ă  Sirik Matak et celui du parlement envers les deux premiers nommĂ©s. Lon Nol nommait Sirik Matak Ă  la position de Premier ministre-dĂ©lĂ©guĂ©, lui demandant d’agir « comme si lui Ă©tait Ă  l’étranger »[24]. Toutefois, toutes les tentatives pour former un nouveau gouvernement furent vouĂ©es Ă  l'Ă©chec, en partie contrariĂ©es par Lon Non, le jeune frĂšre de Lon Nol qui jouait de l'opposition entre les diffĂ©rentes factions pour le maintenir au pouvoir. Au bout d'un mois, Lon Nol apparaissant comme le seul Ă  mĂȘme de se positionner au-dessus de la mĂȘlĂ©e, rĂ©intĂ©grait ses fonctions[25]. Alors que c'Ă©tait dĂ©veloppĂ© le marasme, l’opinion publique en arrivait Ă  regretter la versatilitĂ© de Sihanouk, et la popularitĂ© du nouveau rĂ©gime, au plus haut en 1970, commençait Ă  dĂ©cliner[26].

Le , les forces armĂ©es nationales khmĂšres lançaient l'opĂ©ration Chenla II. L'objectif de la campagne Ă©tait de nettoyer la route nationale 6 de la prĂ©sence ennemie et ainsi de rouvrir les communications avec Kampong Thom, Ă  85 kilomĂštres au nord de Phnom Penh, qui avait Ă©tĂ© isolĂ©e de la capitale depuis plus d'un an. L'opĂ©ration fut initialement un succĂšs et la ville fut dĂ©gagĂ©e. Mais les armĂ©es nord-vietnamienne et khmĂšres rouges contre-attaquaient en novembre et, en dĂ©cembre, anĂ©antissant les forces gouvernementales dans la foulĂ©e[27]. Le dĂ©sastre eut des rĂ©percussions politiques et des rumeurs de dĂ©position du gouvernement circulaient Ă  Phnom Penh. Sirik Matak et le chef de l’État Cheng Heng tentĂšrent de convaincre Lon Nol de cĂ©der une partie de ses pouvoirs alors que l’état-major lui demandait de renoncer au commandement suprĂȘme des armĂ©es, mais il resta inflexible[28]. Sirik Matak conserva finalement ses fonctions avec le titre de « Premier ministre-dĂ©lĂ©guĂ© ». Le , l'AssemblĂ©e nationale Ă©tait dissoute et une nouvelle constitution Ă©tait prĂ©parĂ©e[29].

En , Lon Nol et son frÚre chassÚrent Sirik Matak du pouvoir. Ils profitÚrent du fait que ce dernier avait limogé Keo An, un universitaire dissident, pour organiser une série de manifestations d'étudiants qui demandÚrent sa démission[30]. Sirik Matak se retira, et fut (prétendument pour sa « protection ») placé en résidence surveillée[31].

Tout au long de l'année 1972 La situation politique se dégradait ; les deux partis d'opposition (le Parti démocrate d'In Tam et le Parti républicain de Sirik Matak) refusÚrent de participer aux élections législatives, qui eurent lieu le 3 septembre ; Il s'ensuivit une victoire écrasante du parti socio-républicain de Lon Non (Sangkum Sathéaranak Rath). Il y eut également un nombre croissant d'attaques terroristes dans la capitale, dont l'une dirigée contre Son Ngoc Thanh, qui avait remplacé Sirik Matak au poste de premier ministre[32]. Thanh - dont le dernier acte politique a été d'interdire les journaux de Sirik Matak - a ensuite été contraint de démissionner et de s'exiler au Sud Vietnam. Il fut remplacé par Hang Thun Hak, représentant d'une gauche modérée[33].

En mars 1973, pour le troisiĂšme anniversaire de la dĂ©position de Norodom Sihanouk, un « capitaine dĂ©mobilisĂ© de l’armĂ©e de l’air », Pech Kim Luon, ami d’une des filles de l’ancien chef de l’État, vola un T-28 dans une base militaire, lança deux bombes sur la rĂ©sidence de Lon Nol puis atterrit dans une zone rebelle. Le pilote rata sa cible et dĂ©truisit un immeuble voisin occupĂ© par des familles de militaires[34]. Lon Nol rĂ©pliqua en dĂ©clarant l’état de siĂšge et, Ă  cause des relations du pilote, ordonna aussi le maintien en rĂ©sidence d’une cinquantaine de membres de la famille royale. La maison de Sirik Matak fut placĂ©e sous surveillance et son tĂ©lĂ©phone coupĂ©. Quatre jours plus tard, recevant des journalistes, il dĂ©clarait qu’à son avis, le rĂ©gime ne pouvait pas survivre, vu son manque de popularitĂ©[35].

En avril 1973, Ă  la demande des AmĂ©ricains, Lon Nol reprenait les nĂ©gociations avec Sirik Matak, In Tam et Cheng Heng afin de former un Conseil politique qui allait gouverner par dĂ©crets et qui partagerait le pouvoir entre les diffĂ©rentes factions tant que celui de l’assemblĂ©e serait suspendu[36].

Avec la corruption généralisée au sein du nouveau régime, la fidélité des campagnes au prince déchu, les bombardements qui poussÚrent une population de plus en plus démunie et impuissante à rejoindre les maquis, le territoire contrÎlé par les forces gouvernementales se réduisit comme une peau de chagrin pour se limiter, au début de 1975, aux seuls centres urbains.

Le , alors que l’encerclement de la capitale par les troupes khmĂšres rouges devenait de plus en plus contraignant, Lon Nol dĂ©missionna et s’envola pour l’exil.

Le , John Gunther Dean, ambassadeur amĂ©ricain au Cambodge offrit l’asile politique aux plus hauts dignitaires de la RĂ©publique khmĂšre, mais la plupart refusĂšrent. La rĂ©ponse que fit Ă  cette occasion Sirik Matak est restĂ©e cĂ©lĂšbre « 
 Je ne peux hĂ©las partir d’une façon aussi lĂąche... Je n’ai jamais pensĂ© que vous pourriez un jour abandonner un peuple qui avait choisi la liberté  J’ai fait l’erreur de croire en vous, les AmĂ©ricains. »

Le , les khmers rouges s’emparĂšrent de la capitale cambodgienne. Sirik Matak arrive Ă  franchir les grilles de l'ambassade de France avec deux gardes du corps. Il demande l'asile politique[note 2]. Les khmers rouges exigent qu'il soit livrĂ© et menacent de rentrer de force. Sirik Matak se livrera finalement de lui-mĂȘme le 20 avril[note 3]. Il aurait finalement expulsĂ© manu-militari de l’ambassade de France[39]. Il sera exĂ©cutĂ© le lendemain.

Notes et références

Notes

  1. Sirik Matak ne faisait toutefois figure que d’« outsider » pour la succession du roi Monivong. Les deux « favoris » Ă©taient les princes Sisowath Monireth, fils du souverain dĂ©funt, et Norodom Sihanouk qui sera choisi[3].
  2. François Bizot raconte cet Ă©pisode dans son livre Le Portail. L'auteur dit lui-mĂȘme Ă  Sirik Matak que les khmers rouges ne reconnaissent pas l'asile politique[37].
  3. Le consul Dyrac reçoit la consigne du ministÚre des affaires étrangÚres de ne pas accorder l'asile politique car ce n'est pas reconnu par le droit international[38].

Références

  1. « CAMBOA14 », sur royalark.net (consulté le )
  2. Marie-Alexandrine Martin, Le mal cambodgien : histoire d'une société traditionnelle face à ses leaders politiques, 1946-1987, vol. 4, Hachette, coll. « Histoire des gens », , 304 p. (ISBN 978-2-01-012251-4), p. 134
  3. (fr) Jean-Marie CambacĂ©rĂšs, Sihanouk : le roi insubmersible, Le Cherche midi, coll. « Documents », , 459 p. (ISBN 9782749131443, prĂ©sentation en ligne), « L’enfance et la jeunesse de Norodom Sihanouk », p. 27
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  7. (en) David Porter Chandler, The Tragedy of Cambodian History : Politics, War, and Revolution Since 1945, Yale University Press, , 414 p. (ISBN 9780300057522, prĂ©sentation en ligne), chap. 5 (« Changing the rules 1967 – 1969 »), p. 189
  8. Charles Meyer, DerriĂšre le sourire khmer, Plon, , 413 p., p. 299-300
  9. Jean Claude Pomonti et Serge Thion, Des courtisans aux partisans : essai sur la crise cambodgienne, vol. 230, Gallimard, coll. « Idées actuelles », , 374 p., p. 142-143
  10. Prince Norodom Sihanouk et Jean Lacouture, L'Indochine vue de Pékin : Entretiens, Le Seuil, coll. « L'histoire immédiate », , 185 p., p. 103
  11. (en) David Porter Chandler, The Tragedy of Cambodian History : Politics, War, and Revolution Since 1945, Yale University Press, , 414 p. (ISBN 9780300057522, prĂ©sentation en ligne), chap. 6 (« Sliding toward Chaos, 1970 – 1975 »), p. 192
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  13. (en) David Porter Chandler, The Tragedy of Cambodian History : Politics, War, and Revolution Since 1945, Yale University Press, , 414 p. (ISBN 9780300057522, prĂ©sentation en ligne), chap. 6 (« Sliding toward Chaos, 1970 – 1975 »), p. 193
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