Dap Chhuon
Dap Chhuon (1912-1959), alias Khem Phet, Chhuon Mochulpich ou Chhuon Mchoul Pech est un général, nationaliste cambodgien.
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Ancien chef dâun groupe de la rĂ©bellion indĂ©pendantiste des Khmers issarak basĂ© Ă Siem Reap pendant le protectorat, il se ralliera aux troupes gouvernementales en 1949 en Ă©change dâun poste de gouverneur avec des pouvoirs Ă©tendus. Il reprendra le maquis Ă la fin des annĂ©es 1950 et sera tuĂ© en 1959.
Il fut avec Son Ngoc Thanh et Sam Sary, lâune des trois figures de proue de lâopposition de droite Ă Norodom Sihanouk dans les premiĂšres annĂ©es qui suivirent lâindĂ©pendance du Cambodge.
Biographie
Enfance et dĂ©but dans lâarmĂ©e française
Chhuon est né à Siem Reap, mais passa son enfance à Prey Veng.
On ne sait pas grand-chose de sa famille, hormis quâun de ses frĂšres, Kem Penh, fut trafiquant international dâarmes[1], quâun autre, Kem Srey, lâassista dans ses activitĂ©s politiques et quâun demi-frĂšre du nom de Slat Peou travailla dans diverses ambassades avant de devenir dĂ©lĂ©guĂ© du Sangkum, le mouvement sihanoukiste, Ă Siem Reap puis dâĂȘtre exĂ©cutĂ© en 1960, accusĂ© dâavoir participĂ© au complot de 1959.
Dans son adolescence, Chhuon rejoignit la garde indochinoise oĂč il obtint le grade de sergent[note 1].
Pendant la guerre franco-thaĂŻlandaise, il fut capturĂ© par les forces siamoises avant dâĂȘtre relĂąchĂ© en 1941, Ă la fin des hostilitĂ©s.
La guérilla indépendantiste
En 1943, il quitte la garde nationale cambodgienne Ă Bang Mealas, accusĂ© dâavoir dĂ©sertĂ© en emmenant avec lui la solde de ses hommes[2].
Au milieu des annĂ©es 1940, le gouvernement thaĂŻlandais apporte son aide Ă Chhuon dans la mise en place dâune guĂ©rilla francophobe Ă lâouest du Cambodge[3]. Il sâĂ©tait alors retirĂ© Ă Phnom Kulen, au nord de Siem Reap, oĂč avec une poignĂ©e dâhommes, il animait le « front de Kulen ». En aoĂ»t 1946, un groupe disparate dâactivistes menĂ©s par Chhuon, mais aussi par le prince Norodom Chantarainsey et le communiste Son Ngoc Minh, livrĂšrent bataille aux troupes françaises pendant plusieurs jours : le comitĂ© de libĂ©ration du peuple khmer, qui groupait plusieurs variantes de la rĂ©sistance des Khmers Issarak venait de faire parler de lui[4].
Au service du gouvernement légal
En 1949, des nĂ©gociations conduites par Sisowath Sirik Matak amenĂšrent le ralliement au gouvernement royal de Dap Chhuon et 400 de ses hommes au terme d'une cĂ©rĂ©monie grandiose Ă Angkor Thom. En Ă©change de cette reddition, outre une amnistie gĂ©nĂ©rale, il obtint un poste de commandant dâun « corps franc-khmer » et de pouvoir administrer la province de Siem Reap Ă sa guise[5] - [note 2]. Il y fait preuve d'une indiscipline totale, faisant Ă l'occasion double jeu avec les Issarak qu'il ravitaillait de temps Ă autre et menaçait de rallier en cas d'atteinte Ă sa libertĂ© d'action[7].
Chhuon avait toutefois acquis une rĂ©putation dâhomme brutal qui ne tarda pas Ă lui aliĂ©ner les autres chefs Khmers Issarak[8]. MalgrĂ©, ou Ă cause de cela, il semble avoir Ă©tĂ© respectĂ© par la paysannerie qui lui attribuait des pouvoirs surnaturels et une invincibilitĂ© confortĂ©e par ses nombreuses dĂ©monstrations de force et son allure intimidante, avec son aspect maigre voire cadavĂ©rique. Adepte des amulettes et de surnaturel, il tentait de convaincre son monde quâil Ă©tait insensible aux balles, au feu ou aux couteaux. Ses jugements expĂ©ditifs faisaient que les dĂ©lits Ă©taient rares dans sa province et que les touristes Ă©trangers pouvaient visiter les temples dâAngkor en toute sĂ©curitĂ©. Dans le mĂȘme temps, les rentrĂ©es fiscales Ă©tait plus importantes quâailleurs dans le pays, ce qui lui assurait une certaine tranquillitĂ© vis-Ă -vis du pouvoir central[9].
En 1951, Dap Chhuon fonde un nouveau parti dĂ©nommĂ© « le Nord-est victorieux ». Il est soutenu par sa famille, des transfuges du Parti dĂ©mocrate,alors au pouvoir, et ses affidĂ©s. DâaprĂšs Michael Vickery, il aurait aussi bĂ©nĂ©ficiĂ© dâune aide du pouvoir colonial, lâapparition de cette formation signifiant quâune partie importante du territoire cambodgien pouvait Ă©chapper au contrĂŽle du gouvernement dĂ©mocrate, une situation qui nâĂ©tait pour dĂ©plaire ni Ă Sihanouk ni aux Français qui se trouvaient alliĂ©s en lâoccasion pour limiter lâinfluence du parti majoritaire au parlement[10].
Alors que le Cambodge acquit son indĂ©pendance en 1953, Chhuon est confirmĂ© dans ces attributions. Sihanouk lâenverra mĂȘme Ă la confĂ©rence de GenĂšve en 1954, pour rĂ©futer les affirmations du Viá»t Minh qui aurait voulu prĂ©tendre que lâensemble de la guĂ©rilla indĂ©pendantiste des Khmers Issarak Ă©tait Ă leurs cĂŽtĂ©s[11].
En octobre 1954, en vue des Ă©lections de 1955, il forme une alliance entre son parti « du Nord Est victorieux » et ceux « de la RĂ©novation khmĂšre » de Lon Nol et Nhiek Tioulong ainsi que le « Parti Populaire » de Sam Nhean qui se proclamaient tous monarchistes, de droite et traditionalistes[12]. Cette alliance fut la colonne vertĂ©brale du Sangkum Reastr Niyum le mouvement crĂ©Ă© un peu plus tard par Sihanouk en vue de remporter le scrutin[13]. Chhuon est Ă©galement nommĂ© directeur de la sĂ©curitĂ© nationale â un nouveau titre â avec la responsabilitĂ© de superviser les Ă©lections, tĂąche dont il allait sâacquitter dâune maniĂšre singuliĂšre. En effet, durant la campagne, la milice Ă ses ordres fut rĂ©guliĂšrement impliquĂ©e dans des troubles lors des rĂ©unions des opposants et des mesures visant Ă intimider les votants[14].
AprÚs les élections, Chhuon devint ministre de la sécurité intérieure de Norodom Sihanouk, tout en conservant son poste de gouverneur de la province de Siem Reap.
Retour dans lâopposition
Bien quâil ait commencĂ© sa carriĂšre en combattant au cĂŽtĂ© du Viá»t Minh, lâanticommunisme de Chhuon se faisait de plus en plus vĂ©hĂ©ment. Cela amena Robert McClintock, lâambassadeur amĂ©ricain Ă Phnom Penh de 1954 Ă 1956, Ă voir en lui un possible remplaçant Ă Sihanouk quâil faudrait soutenir[15].
Proche pendant toute sa carriĂšre des gouvernements thaĂŻlandais, son aversion pour les forces de gauche franchit les frontiĂšres orientale du Cambodge, et, en 1956, NgĂŽ ÄĂŹnh Diá»m suggĂ©ra Ă un visiteur amĂ©ricain dâassocier les forces de Dap Chhuon Ă des opĂ©rations conjointes contre le Viá»t Minh et ses alliĂ©s. Le dĂ©partement dâĂtat rejeta la proposition, non parce quâelle contrevenait Ă la souverainetĂ© du Cambodge, mais parce quâune telle opĂ©ration risquait de compromettre Chhuon qui apparaissait alors comme le plus prĂ©cieux alliĂ© des Ătats-Unis auprĂšs de Norodom Sihanouk[16].
Son dĂ©saccord sur la politique de rapprochement avec la Chine, quâil ne se gĂȘnait pas Ă afficher ouvertement, lui fit perdre son ministĂšre en 1957, ce qui lâamena Ă sâopposa de maniĂšre plus ostensible au rĂ©gime de Norodom Sihanouk[17].
Ă ce moment, il Ă©tait incitĂ© par ses amis thaĂŻlandais Ă soutenir le gĂ©nĂ©ral Sarit Thanarat dans sa quĂȘte du pouvoir Ă Bangkok et dâempĂȘcher les troupes cambodgiennes dâattaquer la garnison qui occupait le temple de Preah Vihear. De son cĂŽtĂ©, Sihanouk, rendu inquiet par des rumeurs de dĂ©saffection de Dap Chhuon, dĂ©cidait de nommer Puth Chhay commandant de la garnison de Kampong Thom, pourtant sous la juridiction du premier nommĂ©. Il semble que câest Ă ce moment quâil a songĂ© Ă rompre dĂ©finitivement avec le gouvernement. Il savait quâil pourrait alors compter sur le Sud-ViĂȘt Nam. Les autoritĂ©s de Saigon, en froid avec Sihanouk Ă cause de leurs incursion rĂ©pĂ©tĂ©es dans le nord-est du Cambodge, Ă©taient dĂ©sireuses de miner un rĂ©gime quâelles trouvaient procommuniste. Elles Ă©taient convaincues que seule une dĂ©position de Sihanouk pourrait rĂ©gler le problĂšme et que Dap Chhuon serait Ă mĂȘme dâaider Ă rĂ©aliser ce plan. En fĂ©vrier 1959, il fut le seul gouverneur provincial Ă ne pas se rendre Ă Phnom Penh pour le mariage de la princesse Bopha Devi, la fille de Norodom Sihanouk, ce que ce dernier interprĂ©ta comme une offense personnelle[18].
Un mois plus tard, en mars, Dap Chhuon Ă©tait accusĂ© dâavoir fomentĂ© un complot, financĂ© par la CIA, et qui aurait souhaitĂ© l'Ă©tablissement d'un Ătat « libre » incluant les provinces de Siem Reap et Kampong Thom ainsi que les rĂ©gions du sud du Laos qui Ă©taient contrĂŽlĂ©s par le prince Laotien de droite Boun Oum. Chhuon regagna la clandestinitĂ© dans le Phnom Kulen[19].
Sâensuivra une alliance improbable avec dâautre leaders conservateurs et nationalistes tels Son Ngoc Thanh et Sam Sary, mais les trois hommes ne seront jamais proches et le nombre de leurs partisans au Cambodge restera insignifiant[20].
Il fut finalement capturĂ© par les forces sihanoukistes et tuĂ© lors de lâannĂ©e 1959[21].
Divers
Le complot de Dap Chhuon à la fin des années 1950 servira de trame au film Ombre sur Angkor réalisé en 1968 par⊠Norodom Sihanouk[22].
Notes et références
Notes
- En fait, Dap signifie sergent en Khmer.
- La reddition dâun chef rebelle avec ses hommes en Ă©change dâune amnistie et de lâadministration de son ancien fief pour le compte du gouvernement est une pratique courante dans lâhistoire du Cambodge. Le dernier exemple en date est la soumission Ă Pailin de Ieng Sary en 1996[6].
Références
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