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Parti démocrate (Cambodge)

Le parti démocrate cambodgien (Krom Prachéathipatei) était un parti politique qui domina la vie politique nationale de 1946, date de sa création, à 1955, quand il fut supplanté par le Sangkum Reastr Niyum.

Parti démocrate
(km) ក្រុមប្រជាធិបតេយ្យ
Présentation
Secrétaire Général Ieu Koeus
Norodom Phurissara (en)
Fondation
Disparition
Fondateur Sisowath Youtevong
Positionnement Gauche
Idéologie Nationalisme khmer
Anti-impérialisme
Socialisme démocratique
Social-démocratie

D’abord indĂ©pendantiste jusqu’à l’indĂ©pendance du Cambodge en 1953, il milita par la suite pour une monarchie constitutionnelle proche du systĂšme de Westminster en vigueur au Royaume-Uni ; cela l’amena Ă  s’opposer au pouvoir personnel de Norodom Sihanouk et provoqua de ce fait sa perte Ă  la fin des annĂ©es 1950.

Par la suite, à deux reprises, en 1970 et 1993, de nouvelles formations politiques prirent le nom de parti démocrate, mais sans jamais trouver le lustre que connut leur prédécesseur.

Lors de ses heures de gloire, son symbole Ă©tait une tĂȘte d’élĂ©phant et trois fleurs de lotus[1].

PĂ©riode coloniale

La naissance

Le parti dĂ©mocrate fut crĂ©Ă© en avril 1946 par un groupe hĂ©tĂ©rogĂšne comprenant Sim Var, proche des milieux nationalistes des annĂ©es 1930, Ieu Koeus, un intellectuel reconnu de Battambang et d’autres anciens Ă©lĂšves du LycĂ©e Sisowath de Phnom Penh provenant de l’élite Ă©duquĂ©e cambodgienne. La maxime du parti, « Utiliser les Ă©lites pour servir le roi et le peuple » dĂ©crivait son but. Certains de ses adhĂ©rents provenaient aussi de l’ordre monastique. Il bĂ©nĂ©ficiait surtout de l’aura du Prince Sisowath Youtevong, membre de la famille royale qui venait de rentrer de France oĂč il avait passĂ© prĂšs de la moitiĂ© de sa vie. ÂgĂ© de 33 ans en 1946, Youtevong avait une licence de mathĂ©matiques et une forte rĂ©putation d’intĂ©gritĂ© auprĂšs des milieux gouvernementaux de la mĂ©tropole[2].

Proche du Parti Socialiste français, il avait acquis une certaine notoriĂ©tĂ© dans les cercles rĂ©formateurs parisiens lorsqu’à la fin de la guerre il Ă©crivit avec le SĂ©nĂ©galais LĂ©opold SĂ©dar Senghor un livre sur l’avenir des possessions d’outre-mer[3].

D’aprĂšs la plupart de ses collaborateurs, Youtevong Ă©tait considĂ©rĂ© comme une personne honnĂȘte, motivĂ©e et travailleuse. MariĂ© Ă  une Française, il n’était pas francophobe et avait de nombreux amis dans les cercles dirigeants parisiens ; il avait aussi Ă©tĂ© depuis trop longtemps Ă©loignĂ© du Cambodge pour intĂ©grer un des rĂ©seaux de clientĂ©lisme qui sĂ©vissaient lĂ -bas. Pour beaucoup de jeunes Khmers, il offrait une alternative viable au rĂ©gime colonial, Ă  ses sĂ©ides et Ă  la torpeur nĂ©potiste des Ă©lites nationales[2].

Les Ă©lections de 1946

Lors de la campagne Ă©lectorale de 1946 pour les premiĂšres Ă©lections Ă  l’assemblĂ©e constituante du Cambodge colonial, le parti dĂ©mocrate Ă©tait la seule formation Ă  avoir un programme et une organisation Ă  l’échelle nationale. Un effort important avait Ă©tĂ© fait pour ouvrir des bureaux aux niveaux rĂ©gional et provincial, bĂ©nĂ©ficiant pour cela des rĂ©seaux de soutien et de communications des Ă©coles, des pagodes, des ministĂšres et des administrations. Les informations se transmettaient essentiellement par le bouche Ă  oreille entre personnes de confiance. Le parti prenait aussi garde Ă  nommer des candidats bien implantĂ©s localement, choisissant souvent d’anciens bonzes ou achards bien que ses dirigeants Ă©taient issus des Ă©lites de Phnom Penh[4].

Contrairement Ă  leurs rivaux du parti libĂ©ral du Prince Norodom Norindeth et les dĂ©mocrates progressistes du Prince Norodom Montana, le parti dĂ©mocrate militait pour une indĂ©pendance immĂ©diate fondĂ©e sur le modĂšle de la QuatriĂšme RĂ©publique française et considĂ©rait la rĂ©sistance des Khmers issarak, soutenue par la ThaĂŻlande, comme patriotique, ce qui contrariait le pouvoir colonial[5]. Pour envenimer les choses, le parti se targuait du soutien du prince Suramarit, pĂšre du roi et qui fut proche des cercles indĂ©pendantistes dans les annĂ©es 1930. Sim Var se rappelait qu’à cette Ă©poque, Monireth, alors hĂ©ritier prĂ©somptif de la couronne, avait exprimĂ© son dĂ©dain pour l’idĂ©e que des Cambodgiens Ă©duquĂ©s puissent conduire par eux-mĂȘmes leur destin, que cette notion Ă©tait subversive et pouvait conduire Ă  remettre en cause l’ordre Ă©tabli. Ce manque d’enthousiasme conduisit Sim Var et ses collĂšgues Ă  rechercher la protection de Suramarit. Avant les Ă©lections de 1946, Monireth, devenu Premier ministre se mĂ©fiait des dĂ©mocrates et s’alliait aux Français pour entraver leur campagne. Outre l’interdiction faite aux fonctionnaires d’ĂȘtre membre d’un parti (restriction rapidement levĂ©e), le pouvoir fournissait en carburant et en prospectus les candidats libĂ©raux et prĂ©tendument indĂ©pendants. La police française et ses collaborateurs cambodgiens surveillaient les rĂ©unions des dĂ©mocrates et Monireth voyait en leurs dirigeants des « dĂ©magogues dĂ©sireux de s’enrichir sur le dos du peuple »[6].

Lors du scrutin, en septembre 1946, le parti dĂ©mocrate rafle 50 des 67 siĂšges. Les hiĂ©rarchies alors en place sont bouleversĂ©es par ces nouveaux Ă©lus qui, pour la premiĂšre fois dans l’histoire du pays peuvent se prĂ©valoir de la lĂ©gitimitĂ© du suffrage universel. Le parti restera pour plusieurs annĂ©es la principale formation politique cambodgienne[7].

AprĂšs la victoire dĂ©mocrate, Monireth refusa un temps de cĂ©der son poste de Premier ministre, affirmant qu’une « personne capable de conduire le gouvernement n’avait pas encore Ă©tĂ© trouvĂ©e ». Norodom Sihanouk lui demanda alors, au dĂ©but de dĂ©cembre, de former un nouveau gouvernement, refusant ainsi de reconnaĂźtre le rĂ©sultat des urnes, mais il ne put arriver Ă  ses fins. Les Français, pour montrer leur mĂ©contentement, fermĂšrent le journal du parti pour les deux mois qui suivirent le scrutin. Finalement, de guerre lasse, Monireth accepta le de dĂ©missionner en faveur du Prince Youtevong[8].

L’assemblĂ©e se rĂ©unit pour la premiĂšre fois en et offre l’amnistie aux rebelles Khmers issarak qui veulent rejoindre le gouvernement. Pour les Français, avec cette offre, l’assemblĂ©e avait outrepassĂ© ses droits et incitait les Cambodgiens Ă  entretenir des relations avec la guĂ©rilla, ce qui ne pouvait que confirmer les soupçons de trahison du parlement envers le pouvoir colonial. En mars 1947, la police militaire française arrĂȘtait 17 membres du parti, dont Sim Var, vice-prĂ©sident de l’assemblĂ©e consultative. Ils Ă©taient accusĂ©s de faire partie d’une sociĂ©tĂ© secrĂšte pro-Japonaise prĂ©tendument dĂ©nommĂ©e « les Ă©toiles noires » liĂ©s au mouvement issarak et qui auraient projetĂ© l’assassinat de Français. Ces personnes furent dĂ©tenues jusqu’à la fin de l’annĂ©e et relĂąchĂ©es sans procĂšs et sans qu’aucune preuve de l’existence de la sociĂ©tĂ© secrĂšte ait Ă©tĂ© fournie[9].

Dans le mĂȘme temps, les dĂ©mocrates militaient pour une indĂ©pendance rapide et une modification de la constitution, qu’ils trouvaient trop conservatrice et autoritaire, pour la rendre plus proche de celle de 1946 en France, qui donnait plus de pouvoir Ă  l’assemblĂ©e Ă©lue et moins au chef de l’État. MĂȘme si certains articles maintenaient le pouvoir absolu du roi (ce que Norodom Sihanouk utilisera plus tard pour imposer des amendements), il semble que la timiditĂ© et l’esprit conciliant d’alors du monarque aient fait penser Ă  tort qu’il soutenait les rĂ©formes dĂ©mocratiques et la limitation de ses privilĂšges[10].

En , le parti subit un coup dur avec le dĂ©cĂšs Ă  34 ans du prince Youtevong. En rĂ©alitĂ© il Ă©tait de santĂ© prĂ©caire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et les causes de sa mort semblent ĂȘtre la coĂŻncidence du surmenage, d’un Ă©tat tuberculeux chronique et d’une crise de paludisme. Des rumeurs prĂ©tendent aussi qu’il aurait Ă©tĂ© assassinĂ© par les Français sans qu’il soit possible d’en apporter des preuves tangibles. Il se peut aussi que sa fin ait Ă©tĂ© prĂ©cipitĂ©e par sa rĂ©ticence Ă  se faire hospitaliser, de peur d’avoir Ă  confier sa vie aux services sanitaires des autoritĂ©s coloniales. Les Ă©vĂšnements survenant au moment de l’affaire des « Ă©toiles noires », la suspicion envers la France Ă©tait alors trĂšs forte dans les milieux proches des indĂ©pendantistes[11].

Les Ă©lections de 1947

AprĂšs la mort de Youtevong, les Français et la famille royale redoublait d’efforts pour limiter le pouvoir du Parti dĂ©mocrate, particuliĂšrement avant les Ă©lections lĂ©gislatives prĂ©vues pour la fin de 1947. Le gouvernement est remplacĂ© par un cabinet intĂ©rimaire dirigĂ© par Sisowath Vatchayavong, sans Ă©tiquette politique. Les dĂ©mocrates perdent le ministĂšre de l’intĂ©rieur et la direction de la police, officiellement afin de garantir l’indĂ©pendance du scrutin. Dans le mĂȘme temps, plusieurs membres rejoignent le Parti de la rĂ©novation khmer de Nhiek Tioulong, nouvellement crĂ©Ă©, trouvant leur ancienne formation trop progressiste[12].

Lors d’un meeting, le Parti dĂ©mocrate rĂ©affirme ses ambitions indĂ©pendantiste en demandant aux autoritĂ©s coloniales de faire relĂącher tous les prisonniers politiques « n’ayant pas portĂ© les armes » – allusion Ă  peine voilĂ©e aux personnes emprisonnĂ©es dans l’affaire des Ă©toiles noires – et le retour au pays d’un bataillon cambodgien se battant – sous commandement français - en Cochinchine, afin d’« Ă©viter des frictions avec le ViĂȘt Nam qui restera quoi qu’il arrive un pays voisin », sous-entendant que rien ne garantit que la prĂ©sence française dans la rĂ©gion perdurera. MĂȘme si les deux demandes seront rejetĂ©es, on notera quand mĂȘme le contraste entre cette crainte de froisser le voisin de l’est et la virulence des campagnes antivietnamiennes de tant de nationalistes cambodgiens qui suivront[13].

Lors des Ă©lections, les dĂ©mocrates raflaient 54 des 74 siĂšges en jeu. Cette nouvelle victoire s’explique par plusieurs raisons. La premiĂšre est leurs liens avec les leaders ouvertement indĂ©pendantistes tel Son Ngoc Thanh et l’enthousiasme de jeunes militants parmi lesquels on comptait Saloth Sar, futur Pol Pot, Kim Trang, qui ne s’appelait pas encore Ieng Sary[14], Hu Nim ou In Tam, futur Premier ministre de la RĂ©publique khmĂšre. Il pouvait aussi compter sur une organisation plus solide que ses rivaux qui s’appuyait essentiellement sur les rĂ©seaux de patronage existants et dont les dirigeants traitaient l’électorat avec condescendance. Les attaques dĂ©mocrates contre le nĂ©potisme et la corruption Ă©taient largement prisĂ©es, mais provoquait l’inquiĂ©tude de Norodom Sihanouk qui aurait vu dans cette formation une rivale Ă  son ambition politique naissante[15].

La nouvelle assemblĂ©e se rĂ©unit en janvier 1948 sous la prĂ©sidence d’Ieu Koeus, alors que Chean Vam, un ancien proche du prince Youtevong qui n’avait pas participĂ© aux Ă©lections, est nommĂ© Premier ministre. Pendant la seconde Guerre mondiale, Chean Vam Ă©tudiait en France, puis Ă©tait revenu exercer comme enseignant au LycĂ©e Sisowath de Phnom Penh. Ne pouvant compter sur l’aide française, il se trouva rapidement aux prises avec des difficultĂ©s insurmontables telles que l’inflation, le manque de rentrĂ©es fiscales, la montĂ©e des actions de guĂ©rilla et l’insĂ©curitĂ©, le tout exacerbĂ© par les manƓuvres dilatoires des autoritĂ©s coloniales[16].

Les premiers remous

En mai 1948, Vam accompagnait Norodom Sihanouk en France oĂč ce dernier devait suivre des cours Ă  l’école d'application de l'arme blindĂ©e et de la cavalerie de Saumur. Pendant ce temps, Chean Vam menait des discussions en vue d’accroitre l’autonomie du Cambodge et de rediscuter la question de la frontiĂšre avec la Cochinchine qui avait Ă©tĂ© fixĂ©e de maniĂšre arbitraire par les Français et sur laquelle ces derniers ne voulaient pas revenir de peur de froisser les Vietnamiens. À son retour, il dut gĂ©rer un scandale qui avait Ă©clatĂ© au parlement au sujet d’un trafic de coton. Plusieurs dĂ©putĂ©s dĂ©mocrates Ă©taient impliquĂ©s, dont Sam Nhean, alors vice-prĂ©sident de l’assemblĂ©e et qui dut dĂ©missionner du parti. Chean Vam demanda les pleins pouvoirs et la possibilitĂ© de lever l’immunitĂ© des parlementaires pour mener Ă  bien l’enquĂȘte, mais Ieu Koeus refusait d’accĂ©der Ă  la demande, craignant de crĂ©er un prĂ©cĂ©dent qui pourrait affaiblir l’assemblĂ©e. Un vote eut lieu et la demande de Vam fut rejetĂ© par 23 votes contre 21. À ce moment, Yem Sambaur, le prĂ©fet de police dĂ©truisit les dossiers qui impliquaient les parlementaires. Vam essaya d’évincer Sambaur, mais ne rĂ©ussit pas Ă  obtenir le support de son cabinet. Il dĂ©missionna en aoĂ»t 1948, non sans avoir mis en garde Koeus qu’il « nourrissait un bĂ©bĂ© crocodile »[17].

En juillet 1948, un journal francophile de Phnom Penh titrait « une dose massive de mĂ©decine dĂ©mocratique a produit des convulsions dans la population ». En fait, il est peu probable que la dose ou les convulsions de l’assemblĂ©e ait affectĂ© beaucoup de Cambodgiens en dehors de la capitale. Dans les mois qui suivent, Yem Sambaur et ses partisans maintiennent la pression sur le cabinet de Penn Nouth, qui avait remplacĂ© Chean Vam, avant, en novembre, de quitter le parti dĂ©mocrate avec 11 autres dĂ©putĂ©s pour former une coalition improbable avec le Parti LibĂ©ral[18].

Les attaques contre le gouvernement continuent et, en janvier 1949, il tombe Ă  la suite d'un scandale concernant l’attribution des licences de pĂȘche sur le TonlĂ© Sap. Norodom Sihanouk insiste alors pour que le poste de Premier ministre Ă©choie Ă  Yem Sambaur, qui avait Ă©tĂ© Ă  l’origine de la chute de Penn Nouth. Celui-ci crĂ©e alors un gouvernement d’union nationale, mais auquel les dĂ©mocrates refusent de participer. Dans l’opposition, ils assisteront Ă  des avancĂ©es dans deux de leurs dolĂ©ances, sans que pour autant ils puissent en revendiquer une quelconque responsabilitĂ©. C’est d’abord en avril que Sihanouk et Yem Sambaur obtiennent de l’assemblĂ©e de l’union française un nouveau statut des relations franco-cambodgiennes qui accorde une autonomie, certes relative, au royaume khmer. Dans le mĂȘme temps, une politique d’amnistie envers les Khmers issarak est engagĂ©e qui amĂšnera Ă  la dĂ©fection de Dap Chhuon et de ses troupes dans la rĂ©gion de Siem Reap. Mis sur la touche mais toujours majoritaires Ă  l’assemblĂ©e, les dĂ©mocrates menacĂšrent Ă  plusieurs reprises de faire tomber le gouvernement. Afin de prĂ©venir cette chute, Sambaur demanda Ă  Sihanouk de dissoudre l’assemblĂ©e comme la constitution le lui permettait, dissolution qui sera effective en septembre. D’aprĂšs la constitution, une nouvelle assemblĂ©e devait ĂȘtre Ă©lue dans les deux mois, mais Yem Sambaur et Sihanouk prĂ©textait qu’à cause de l’insĂ©curitĂ©, des Ă©lections ne pouvaient se tenir. Les dĂ©mocrates contestaient ces affirmations qui pour eux n’étaient qu’un prĂ©texte pour les empĂȘcher de revenir aux affaires. La situation perdurera deux annĂ©es pendant lesquelles le monarque et le Premier ministre gouvernaient par dĂ©crets et le rĂŽle de l’assemblĂ©e Ă©tait rĂ©duit Ă  la portion congrue[19].

Dans la nuit du , un nouveau drame secouait le parti dĂ©mocrate. Un agresseur lança une grenade dans l’entrĂ©e du siĂšge de la formation, blessant griĂšvement Ieu Koeus, le prĂ©sident de l'assemblĂ©e nationale qui se trouvait Ă  l’intĂ©rieur du bĂątiment. Il fut transportĂ© par cyclo-pousse Ă  l’hĂŽpital mais succomba de ses blessures peu aprĂšs. Un voisin tĂ©moin de l’attaque couru aprĂšs l’assaillant, le rattrapant et le conduisit au poste de police. Le prisonnier Ă©tait un illettrĂ© qui affirma ĂȘtre membre du Parti libĂ©ral avant de se rĂ©tracter. Craignant les reprĂ©sailles, le Prince Norodom Norindeth, dirigeant des libĂ©raux, s’enfuit en France avant qu’une enquĂȘte ne soit menĂ©e. Cette fuite ne fut pas contrariĂ©e et aurait mĂȘme Ă©tĂ© facilitĂ©e par le pouvoir colonial et la police Cambodgienne dirigĂ©e par un certain Lon Nol[20].

PrĂšs de 50 000 personnes suivirent le cortĂšge funĂ©raire, arborant des banderoles affirmant que « Koeus a donnĂ© sa vie pour le parti », ce qui n’était pas du goĂ»t de Sihanouk et de ses sĂ©ides, qui trouvait le slogan captieux ou stupide, voire les deux. Les Français accusaient les Khmers issarak qui auraient voulu tuer Ieu Koeus avant que l’AssemblĂ©e soit reconduite. D’autres sources incriminaient les Français, Sihanouk ou Yem Sambaur. Il est aussi possible que plusieurs d’entre eux aient eu vent de la tentative d’attentat mais n’avaient rien fait pour l’empĂȘcher[21].

Les Ă©lections de 1951

Alors que de nouvelles Ă©lections se profilaient, le Parti dĂ©mocrate se trouvait de fait alliĂ© avec les rebelles indĂ©pendantistes et opposĂ© aux conservateurs cambodgiens, Ă  Norodom Sihanouk et au pouvoir colonial, mais Ă  cause de la suspension de l’AssemblĂ©e, les dĂ©bats restaient rares. À la fin de 1950, le Premier ministre Sisowath Monipong proposait une nouvelle loi Ă©lectorale mais les libĂ©raux et les dĂ©mocrates la rejetaient et exigeaient de reconduire l’AssemblĂ©e Ă©lue en 1947 alors que les petits partis qui n’avaient gagnĂ© aucun siĂšge en 1947 voulaient la tenue de nouvelles Ă©lections. Impuissant Ă  sortir de la crise, Monipong prĂ©sentait la dĂ©mission de son gouvernement Ă  la fin de fĂ©vrier 1951. Un nouveau cabinet apolitique dirigĂ© par Oum Cheang Sun est mis en place dĂšs le , mais les dĂ©mocrates refusent d’y participer[22].

Dans le mĂȘme temps, Norodom Sihanouk entreprenait une tournĂ©e dans les campagnes oĂč il insistait pour que le peuple soit loyal envers la constitution – dont trĂšs peu connaissaient la teneur – et soutienne la dĂ©mocratie. En Khmer le terme PrachĂ©athipatei indique Ă  la foi dĂ©mocratie et dĂ©mocrate. De ce fait, beaucoup de personnes avaient pris ce discours pour un soutien royal au parti dĂ©mocrate. Plus tard, Huy Kanthoul, un des fondateurs du parti, reconnaitra que cette aide involontaire avait pu contribuer Ă  renforcer sa formation[23].

Les Ă©lections du 9 septembre 1951 voient une nouvelle victoire du Parti dĂ©mocrate qui dĂ©croche 54 des 78 siĂšges, mais en fait il avait rĂ©coltĂ© moins de 45 % des voix et moins de 25 % des inscrits. Cette dĂ©saffection, toute relative toutefois, Ă©tait attribuĂ©e Ă  une baisse de la participation dont les raisons Ă©tait la demande de boycott lancĂ©e par la guĂ©rilla des Khmers issarak et le fait que malgrĂ© ses victoires prĂ©cĂ©dentes, le Parti n’avait pu obtenir l’indĂ©pendance du pays[24].

L’épisode Son Ngoc Thanh

Moins de deux mois aprĂšs les Ă©lections Norodom Sihanouk obtiendra des Français le retour de Son Ngoc Thanh, le leader indĂ©pendantiste alors en rĂ©sidence surveillĂ©e Ă  Poitiers, ancien chef du gouvernement mis en place en 1945 par l’Empire du Japon. Certaines sources prĂ©tendront que le monarque voulait ainsi contrer l’influence du Parti dĂ©mocrate[25] - [26].

Peu avant l’arrivĂ©e de Thanh, un nouveau gouvernement conduit par Huy Kanthoul avait Ă©tĂ© mis en place. Pach Chhoeun, un autre militant nationaliste de retour de captivitĂ© en France, avait Ă©tĂ© nommĂ© au ministĂšre de l’Information, mais Son Ngoc Thanh, refusait le poste de ministre des affaires Ă©trangĂšres qu’on lui proposait. Plus tard, lors d’une interview, Sisowath Monireth affirmera que Thanh espĂ©rait qu’ainsi le gouvernement dĂ©missionnerait et qu’il pourrait conduire un nouveau cabinet, mais aucune autre source ne semble corroborer cette thĂšse. En dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e, Thanh justifiait sa dĂ©cision devant un diplomate amĂ©ricain par le fait qu’absent du Cambodge depuis plusieurs annĂ©es, il voulait d’abord poursuivre ses entretiens avec tous les acteurs de la vie politique avant d’accepter un poste Ă  responsabilitĂ©. Au dĂ©but de 1952, alors qu’Huy Kanthoul Ă©tait en France pour une mission officielle, Pach Chhoeun fit une tournĂ©e en province oĂč il louait les mĂ©rites des Ă©lus dĂ©mocrates locaux et les rĂ©ussites du parti sur le plan national. En ces occasions, son ami Son Ngoc Thanh le suivait en tant que « simple citoyen ». La prĂ©sence de ce dernier dans ces meetings enchantait les milieux nationalistes et religieux, mais les Français, inquiets de la popularitĂ© de Thanh qu’ils avaient sous-estimĂ©e, envoyaient des agents Ă  ces rassemblements. Ils Ă©taient Ă©galement agacĂ©s parce que l’attachĂ© militaire amĂ©ricain participait Ă  certaines de ces rĂ©unions, officiellement pour vĂ©rifier la distribution de l’aide publique en provenance des États-Unis. Le pouvoir colonial Ă©tait choquĂ© que les AmĂ©ricains puissent aider directement le gouvernement Ă©lu cambodgien. De plus, pour ne rien arranger, certains meetings arboraient les portraits de Youtevong et Ieu Koeus, mais pas celui de Norodom Sihanouk. L’ardeur des dĂ©mocrates, agaçait le GĂ©nĂ©ral Digo, nouveau commissaire de la RĂ©publique française qui se plaignait auprĂšs de son supĂ©rieur qu’une « fiĂšvre dĂ©magogique paralysait le gouvernement ». De plus, toujours au dĂ©but de 1952, et malgrĂ© un article particuliĂšrement virulent contre les dĂ©mocrates dans un journal financĂ© par les Français intitulĂ© « La maladie infantile du nationalisme », le parti majoritaire remporte des Ă©lections partielles dans trois circonscription oĂč le scrutin avait dĂ» ĂȘtre ajournĂ©. Les Français insistaient pour prouver que Thanh et le Parti dĂ©mocrate travaillaient de concert. Lorsque le premier nommĂ© lançait un journal polĂ©mique en janvier 1952 nommĂ© Khmer Krauk (littĂ©ralement Khmers debout), les autoritĂ©s du protectorat estimaient que les appels Ă  l’indĂ©pendance qui y figuraient n’étaient autres que le programme des dĂ©mocrates[27].

Le , Son Ngoc Thanh rejoint les maquis de la forĂȘt de Siem Reap, oĂč Ă  nouveau il exprime le souhait d’une indĂ©pendance immĂ©diate et l’établissement d’un gouvernement rĂ©publicain au Cambodge. À Phnom Penh, les dĂ©mocrates ne prennent aucune sanction contre Thanh et ses compagnons. ConsĂ©quemment, leurs opposants et le pouvoir colonial furent prompts Ă  les accuser d’indulgence et de trahison, termes dĂ©jĂ  utilisĂ©s par les Français Ă  l’encontre de Son Ngoc Thanh en 1945. La dĂ©cision des dĂ©mocrates de ne pas envoyer des forces de sĂ©curitĂ© Ă  Siem Reap semble avoir dĂ©finitivement dĂ©tĂ©riorĂ© leurs relations, dĂ©jĂ  orageuses, avec Norodom Sihanouk. Sonn Voeunsai, un des dirigeants du Parti, reconnu plus tard que Son Ngoc Thanh, par son dĂ©part, avait « creusĂ© la tombe du Parti dĂ©mocrate »[28].

Le dĂ©part de Son Ngoc Thanh servit de prĂ©texte au gĂ©nĂ©ral Digo et Ă  Norodom Sihanouk pour fustiger les dĂ©mocrates et ce que le monarque appelait la « politique d’insĂ©curitĂ© et de trahison » de leur parti. Le commissaire de la RĂ©publique affirmera qu’il trouvait « les Cambodgiens indignes, leur gouvernement corrompu et leur roi incapable de s’affirmer ou de maintenir son attention dans les affaires de l’État ». Dans un rapport au gouverneur gĂ©nĂ©ral Ă  Saigon, il prĂ©tendait dĂ©tenir un millier de preuves de la trahison du gouvernement, mais aucune ne pourrait ĂȘtre prĂ©sentĂ©e devant une cour de justice[29].

La crise sur la fuite de Thanh atteint son paroxysme en mai et juin 1952. DĂ©but mai, des rumeurs faisaient Ă©tat d’une attaque de troupes coloniales contre le quartier gĂ©nĂ©ral de Son Ngoc Thanh qui aurait dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© en atrocitĂ©s Ă  l’encontre de la population civile. À Battambang, des Ă©tudiants manifestaient pour une indĂ©pendance immĂ©diate alors que d’autres Ă  Kampong Cham arboraient des slogans rĂ©solument hostile au roi. Les protestations s’étendirent et dĂ©gĂ©nĂ©rĂšrent en Ă©meutes ; Ă  Phnom Penh des banderoles reprochaient aux Français de « sucer le sang des Cambodgiens depuis 80 ans » ; Ă  Battambang, la police tirait sur la foule. Alors que les dĂ©mocrates jugeaient que ces Ă©vĂšnements jouaient en leur faveur, les Français et Norodom Sihanouk y voyaient le dĂ©but du chaos[30].

La mise Ă  l’écart

DĂ©but juin, les dĂ©mocrates rĂ©unissent un congrĂšs Ă  Phnom Penh. AprĂšs avoir tĂ©moignĂ© de sa loyautĂ© envers le roi qui « a toujours daignĂ© conduire la nation 
 sur le chemin de l’indĂ©pendance », le congrĂšs nommait un Ă©conomiste rĂ©putĂ©, Son Sann, prĂ©sident du parti. La formation se montre prĂȘt Ă  coopĂ©rer avec Norodom Sihanouk, mais le monarque semblait rĂ©ticent Ă  rendre la pareille. Deux jours aprĂšs le congrĂšs, lors du discours d’ouverture de la session parlementaire, oĂč le parti dĂ©mocrate Ă©tait largement majoritaire, le roi mettait en garde contre les risques de dictature rĂ©sultant d’un parti unique. Le ministĂšre de l’information mit dix jours Ă  publier la traduction en français de la remarque royale. Cela provoqua la colĂšre de Sihanouk et, Ă  partir du 7 juin, des tracts circulĂšrent demandant la dissolution de l’assemblĂ©e et le renvoi de Huy Kanthoul. Les partis minoritaires poussaient eux aussi dans cette voie anticonstitutionnelle[31].

Les dĂ©mocrates rĂ©agirent en envoyant la police aux domiciles des dirigeants de petits partis, notamment Sam Nhean, Lon Nol et Yem Sambaur qui furent placĂ©s en dĂ©tention quelques heures. D’aprĂšs Huy Kanthoul, l’arrestation de Yem Sambaur aurait fait suite Ă  des soupçons d’implication dans l’attentat contre Ieu Koeus, deux annĂ©es auparavant. Une caisse de grenades fut dĂ©couverte Ă  sa rĂ©sidence alors que trois fusils mitrailleurs furent saisis chez Lon Nol[32]. Le 14 juin les autoritĂ©s coloniales envoyaient Ă  Phnom Penh un bataillon d’infanterie marocain et un escadron armĂ© « pour une dizaine de jours », officiellement afin de prĂ©venir des troubles[33]. Jean Risterucci, le nouveau Commissaire de la RĂ©publique française au Cambodge, prĂ©tendra plus tard que la dĂ©cision d’envoyer des troupes n’avait pas de lien avec les Ă©vĂšnements qui vont suivre. Il semble en fait que Sihanouk et ses parents aient Ă©tĂ© offusquĂ©s par l’arrestation d’Yem Sambaur ; toujours est-il que l’arrivĂ©e de troupes coloniales et le fait que les astrologues du Palais royal avaient prĂ©dit qu’une tentative de mise Ă  l’écart des dĂ©mocrates serait couronnĂ©e de succĂšs poussait Sihanouk Ă  passer Ă  l’action. Le soutien des Français Ă  une telle action n’était pas une surprise, mais les dĂ©mocrates semblent avoir Ă©tĂ© Ă©tonnĂ©s par ce qui allait suivre. Le dimanche 15 juin, alors que les troupes marocaines se dĂ©ployaient Ă  divers points de Phnom Penh, Norodom Sihanouk utilisait une des prĂ©rogatives que lui offrait la constitution pour dĂ©mettre brusquement l’ensemble du gouvernement de Huy Kanthoul et prendre la tĂȘte d’un nouveau cabinet. Le roi promettait d’éradiquer la corruption pour 1954 et d’arracher aux Français l’indĂ©pendance totale avant 1955. Deux jours plus tard un dĂ©cret royal Ă©tait promulguĂ©, interdisant les rĂ©unions politiques et la propagande. La croisade royale pour l’indĂ©pendance – une carte blanche politique que Sihanouk s’était octroyĂ©e Ă  lui-mĂȘme – Ă©tait en marche 
 tout comme le dĂ©clin du Parti dĂ©mocrate. Sihanouk convoquait Thomas Corcoran, le chargĂ© d’affaires amĂ©ricain et son homologue thaĂŻ pour les informer des raisons de son action. Sihanouk justifiait le renvoi de Kanthoul par le support du parti dĂ©mocrate Ă  Son Ngoc Thanh et par sa « politique dictatoriale envers les minoritĂ©s ». Alors que les menaces s’amoncelaient, Son Sann quittait la prĂ©sidence du mouvement et Huy Kanthoul partait pour un sĂ©jour prolongĂ© en France. Les Français de leur cĂŽtĂ© devaient penser Ă  tort qu’aprĂšs l’avoir aidĂ© Ă  Ă©carter les dĂ©mocrates, Norodom Sihanouk accepterait d’abandonner ses vues indĂ©pendantistes[34].

En France, les Ă©tudiants s’étaient rangĂ©s du cĂŽtĂ© des dĂ©mocrates. Un numĂ©ro spĂ©cial de leur magazine Khemarak Nisat, littĂ©ralement l’Étudiant Khmer, est consacrĂ© au renvoi d’Huy Kanthoul. Outre Keng Vannsak et Hou Yuon, Saloth SĂąr, sous le pseudonyme de Khmer Daeum (Khmer de base), attaquait Ă©nergiquement la royautĂ©. Le ton de l’article Ă©tait plus proche du parti dĂ©mocrate et de Son Ngoc Thanh que de l’idĂ©ologie marxiste, mais la mise sous l’éteignoir de la formation d’Huy Kanthoul allait amener plusieurs Ă©tudiants cambodgiens Ă  se rapprocher des thĂšses du communisme[35].

En janvier 1953, la nouvelle session parlementaire s’ouvre avec des dĂ©mocrates prĂȘts Ă  en dĂ©coudre avec le roi. AprĂšs la dĂ©mission de Son Sann, la prĂ©sidence du parti avait Ă©tĂ© confiĂ©e Ă  Svay So, beaucoup moins conciliant. Ses partisans estimaient avoir gagnĂ© les Ă©lections pour diriger le pays, mĂȘme si leur gouvernement avait Ă©tĂ© dissout. Le 11, Sihanouk s’adressait au parlement et demandait qu’on lui accorde des pouvoirs spĂ©ciaux car la patrie Ă©tait en danger. Pour justifier ses prĂ©tentions, il citait des grĂšves dans des lycĂ©es de Phnom Penh et Kampong Cham, ainsi que l’assassinat d’un gouverneur de province par le Việt Minh. Il attribuait la responsabilitĂ© de ces Ă©vĂšnements Ă  Son Ngoc Thanh et reprochait aux dĂ©mocrates de le soutenir. Sihanouk espĂ©rait que ces derniers allaient dĂ©missionner ou refuseraient sa demande et qu’il pourrait alors les Ă©carter. Ils choisirent la seconde option. Le roi fit alors encercler l’assemblĂ©e par la troupe, la fit dissoudre et abrogea une sĂ©rie de droits civiques[36].

Le Cambodge Ă©tait-il rĂ©ellement en danger ou Sihanouk essayait-il d’accroitre son pouvoir ? Dans ses mĂ©moires, Sisowath Monireth indique que certains dĂ©mocrates, blessĂ©s par la conduite de Sihanouk l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, dĂ©siraient profiter de l’ouverture de la nouvelle session parlementaire pour demander l’instauration d’une rĂ©publique. La tentative serait venue aux oreilles de la princesse Kossamak, mĂšre de Sihanouk, grĂące Ă  l’épouse dĂ©laissĂ©e d’un dĂ©putĂ©. Furieuse, elle aurait ordonnĂ© Ă  l’imprimerie royale de prĂ©parer un dĂ©cret demandant la dissolution de l’AssemblĂ©e qu’elle ferait signer Ă  son fils. Si la thĂšse parait crĂ©dible, il semble toutefois que le « conjuration » en soit restĂ©e au stade de discussions entre personnes déçues par des annĂ©es d’humiliation[37]. Toujours est-il que fort de ces pouvoirs spĂ©ciaux Sihanouk fit emprisonner 17 dĂ©mocrates, dont 9 anciens dĂ©putĂ©s, pour « complot contre l’État ». Ils furent dĂ©tenus 8 mois sans que jamais ils passent en jugement. Un Ă©ditorialiste modĂ©rait peu aprĂšs la portĂ©e de l’évĂšnement, rappelant que les Cambodgiens ont l’habitude depuis des siĂšcles de vivre dans une sociĂ©tĂ© « paternaliste et autoritaire » et que l’absence de rĂ©action Ă  l’incarcĂ©ration des responsables dĂ©mocrates prouvait l’assentiment populaire Ă  la mesure[38].

À la fin de 1953, Norodom Sihanouk arrachait aux autoritĂ©s coloniales l’indĂ©pendance du Cambodge, qui devenait effective le 9 novembre. MalgrĂ© ce succĂšs de Sihanouk qui lui valut une popularitĂ© sans prĂ©cĂ©dent auprĂšs de la majoritĂ© du pays, la jeunesse et les cercles intellectuels de Phnom Penh maintenaient toujours leur confiance Ă  Son Ngoc Thanh et au parti dĂ©mocrate[39]. Le , les Accords de GenĂšve confirmaient la pleine autonomie du pays au niveau international mais une de ces clauses exigeait l’organisation de nouvelles Ă©lections en 1955[40].

Les débuts du Cambodge indépendant

Fléchissement à gauche

Alors que le roi continuait de voir les dĂ©mocrates comme un obstacle Ă  ses ambitions, le parti, sous l’impulsion de jeunes Ă©tudiants rentrĂ©s de Paris, tels Keng Vannsak, Thiounn Mumm ou Saloth SĂąr Ă©pousait des thĂšses antimonarchiques et antiamĂ©ricaines. Certaines sources prĂ©tendent, au moins pour les deux derniers, qu’en rĂ©alitĂ©, membres du Parti rĂ©volutionnaire du peuple khmer clandestin proche du Việt Minh, ils auraient en fait infiltrĂ© le parti dĂ©mocrate pour l’inflĂ©chir vers des thĂšses plus proches des leurs[41] - [42].

Au dĂ©but de 1955, les dĂ©mocrates Ă©lisaient un nouveau comitĂ© central composĂ© de partisans de Son Ngoc Thanh, de radicaux proches du Việt Minh et de quelques modĂ©rĂ©s. Keng Vannsak aurait manƓuvrĂ© pour faire remplacer la vieille garde du parti par des Ă©lĂ©ments plus radicaux tels Thiounn Mumm, Svay So ou le Prince Norodom Phurissara qui Ă©tait Ă©lu secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral. Ce nouveau comitĂ©, inquiet des rumeurs d’une alliance khmĂ©ro-amĂ©ricaine, prĂŽnait une politique neutraliste, donnant Ă  penser Ă  l’ambassade des États-Unis que le parti avait basculĂ© dans le camp communiste[43].

La convention d’aide militaire entre le gouvernement intĂ©rimaire de Sihanouk et les États-Unis est finalement signĂ© en mai, ce qui eut le don d’exaspĂ©rer le parti dĂ©mocrate et les autres dĂ©fenseurs du parlement qui estimaient qu’une dĂ©cision aussi importante nĂ©cessitait l’aval de l’AssemblĂ©e nationale. Lorsque le Prince Norodom Phurissara protesta contre cet accord, les autoritĂ©s menacĂšrent de le faire arrĂȘter. Avec cette alliance, l’impopularitĂ© de Sihanouk atteignait son point culminant auprĂšs des plus radicaux de ses sujets[44].

DĂ©faite aux Ă©lections de 1955

Les démocrates prirent part aux élections de septembre bien décidés à jouer dorénavant un rÎle plus important dans les décisions, mais aprÚs que Norodom Sihanouk ait abdiqué et créé le Sangkum Reastr Niyum, son propre mouvement anti communiste, pour participer au scrutin, quelques dignitaires tels Penn Nouth quittÚrent le parti pour rejoindre le monarque[45].

En avril encore, beaucoup d’observateurs pensaient que le parti dĂ©mocrate remporterait ces Ă©lections repoussĂ©es Ă  maintes reprises. Cependant, la police et la milice multipliaient les brutalitĂ©s et autres mesures d’intimidation. Plusieurs permanences Ă©lectorales du parti dĂ©mocrate Ă©taient mise Ă  sac dans des « circonstances inexpliquĂ©es », tandis que les journaux indĂ©pendants furent fermĂ©s et leurs propriĂ©taires emprisonnĂ©s[46]. Ailleurs, des villageois Ă©taient rassemblĂ©s Ă  la pagode oĂč ils devaient jurer devant des moines de voter pour le Sangkum pendant que dans certains districts, les candidats royalistes auraient subi de fortes pressions pour que leur formation remporte une victoire Ă©crasante sur les autres partis. Les bruits quant aux actes de violence qui se rĂ©pandaient Ă  travers le pays par le bouche Ă  oreille confortaient la plupart des citoyens qu’il valait mieux ne pas aller Ă  l’encontre du monarque[47].

MĂȘme si les campagnes prĂ©cĂ©dentes avaient dĂ©jĂ  eu leur lot de violences et d’abus de toutes sortes, les exactions observĂ©es en 1955 Ă©taient d’une toute autre nature. MalgrĂ© cela, Ă  la fin aoĂ»t, les dĂ©mocrates pensaient toujours pouvoir dĂ©crocher une vingtaine de siĂšges et espĂ©raient que le Pracheachon pourrait de son cĂŽtĂ© gagner sept des trente circonscriptions dans lesquelles il concourrait ; ils auraient alors pu s’allier pour entraver les rĂ©formes constitutionnelles que Sihanouk voulait mettre en place. Mais dans le mĂȘme temps, la plupart des candidats dĂ©mocrates, craignant pour leur sĂ©curitĂ©, se rĂ©fugiaient Ă  Phnom Penh[48].

Les dĂ©mocrates s’estimaient pourtant toujours libres de discuter avec des Ă©trangers de la situation du Cambodge et de l’avenir du pluralisme. MalgrĂ© tout, la campagne continuait et ils, poursuivaient leurs discours oĂč ils fustigeaient l’absolutisme et le sous-dĂ©veloppement endĂ©mique. Pour contrer ces arguments, la presse proche du Sangkum dĂ©veloppait une approche originale du malaise social, prĂ©textant que les indigents devaient leur pauvretĂ© Ă  leurs mĂ©faits commis dans leurs vies prĂ©cĂ©dentes alors que les plus aisĂ©s jouissaient du fruits des bonnes actions de leurs existences passĂ©es[49].

Alors que l’échĂ©ance approchait, l’oppression se faisait plus sensible. Trois jours avant les Ă©lections, il fut dĂ©cidĂ© de juguler Keng Vannsak, l’un des orateurs les plus populaires du Parti dĂ©mocrate, capable d’attirer des foules importantes. Des partisans du Sangkum s’invitĂšrent Ă  un de ses meetings Ă  Phnom Penh. Des coups de feu Ă©clatĂšrent, tuant un chauffeur du tribun ; ce dernier fut bousculĂ©, poussĂ© hors de la manifestation et arrĂȘtĂ© pour incitation Ă  la violence. Il sera emprisonnĂ© deux mois sans procĂšs et sera libĂ©rĂ© une fois les Ă©lections passĂ©es et aprĂšs avoir dĂ» prĂ©sentĂ© des excuses publiques et humiliantes au roi. Quand la date du scrutin arriva, le rĂ©sultat ne faisait aucun doute. Mais le score des candidats du Sangkum – crĂ©ditĂ© de 82 % des voix et la totalitĂ© des siĂšges –avait surpris la plupart des observateurs. Les dĂ©mocrates, qui n’avaient rĂ©unis que 12 % des votes, se plaignaient que dans les circonscriptions oĂč le mouvement royaliste avait perdu, les urnes avaient Ă©tĂ© dĂ©truites et ses candidats avaient Ă©tĂ© purement et simplement dĂ©crĂ©tĂ©s vainqueurs sans autre forme de procĂšs. Le Pracheachon avait officiellement rĂ©coltĂ© plus de 30 000 voix, soit 4 % des suffrages exprimĂ©s. Il semble acquis que parmi les 25 % d’inscrits qui n’avait pas volontairement ou non pris part au vote, la plupart auraient votĂ© pour le Parti dĂ©mocrate ou le Pracheachon, mais pas suffisamment toutefois pour empĂȘcher une victoire du Sangkum. Huy Kanthoul affirma Ă  des membres de l’ambassade amĂ©ricaine que dans au moins une des circonscriptions oĂč les dĂ©mocrates n’obtinrent pas une seule voix, aucun bulletin Ă  leur nom n’avait Ă©tĂ© fourni dans les bureaux de vote. D’autres se plaignaient que les bulletins du Sangkum Ă©taient imprimĂ©s suffisamment gras pour ĂȘtre lisibles Ă  travers l’enveloppe et voir qui n’avait pas votĂ© pour le mouvement royaliste. Dans un bureau de vote, il fut reportĂ© que des militaires auraient surveillĂ© l’intĂ©rieur des isoloirs et auraient administrĂ© une correction Ă  tous ceux qui avait osĂ© ne pas choisi le Sangkum[50].

La dissolution

ConsĂ©quences des Ă©lections, plusieurs dĂ©mocrates certainement inquiets des effets que pourraient avoir la rancƓur du prince sur leur avenir, dĂ©cidĂšrent de rejoindre le Sangkum. Par contre, d’autres restĂšrent, pensant que le parti pourrait continuer Ă  jouer un rĂŽle constructif hors de l’assemblĂ©e. Mais la violence de la campagne et l’emprisonnement sans jugement de plusieurs leaders les dissuadaient de se rĂ©unir pour discuter du futur du parti. Au dĂ©but de 1956, le parti Ă©tait en reconstruction. Des tentatives de pourparlers eurent lieu avec le Pracheachon afin d’unir leurs forces, mais la formation communiste avait peu d’intĂ©rĂȘt Ă  faire aboutir les tractations. En effet, les manƓuvres de coercition touchaient essentiellement les dĂ©mocrates et contrairement Ă  ces derniers, la presse du Pracheachon pouvait continuer Ă  paraĂźtre tandis que la politique Ă©trangĂšre de Sihanouk Ă©tait relativement apprĂ©ciĂ©e, notamment ses visites officielles en Pologne, Chine, TchĂ©coslovaquie et URSS durant l’annĂ©e 1956[51].

En mars de la mĂȘme annĂ©e, les journaux proches des dĂ©mocrates qui avaient Ă©tĂ© fermĂ©s avant les Ă©lections furent autorisĂ©s Ă  paraitre Ă  nouveau, mais en avril on refusa au parti d’organiser une manifestation pour soutenir la politique Ă©trangĂšre cambodgienne. Il se joignit nĂ©anmoins Ă  certains membres du Pracheachon, tels Hou Yuon, fraichement rentrĂ© de France ou Chhay, le frĂšre de Saloth SĂąr rĂ©cemment sorti de prison, afin de former un comitĂ© pour dĂ©fendre la politique neutraliste du Prince. DĂšs cette Ă©poque, Norodom Sihanouk faisait pourtant un distinguo entre les rĂ©gimes communistes alliĂ©s et les membres des partis politiques « gauchistes » accusĂ©s de subversion[52].

À la fin de 1956, les dĂ©mocrates continuaient Ă  exister en tant que parti. En mars 1957, Huy Kanthoul et Norodom Phurissara (en) affirmĂšrent Ă  des amis amĂ©ricains que bien qu’ils n’envisageaient pas de prĂ©senter des candidats aux prochaines Ă©lections, ils continueraient Ă  dĂ©noncer la corruption et espĂ©raient « inciter Norodom Sihanouk Ă  mieux diriger le pays ». En juin, deux membres du parti furent arrĂȘtĂ©s pour trahison, en rĂ©alitĂ© pour avoir demandĂ© dans un Ă©ditorial pourquoi les prisonniers politiques dĂ©tenus depuis 1955 sans jugement n’avaient pas obtenu le « pardon royal ». Quelques jours plus tard, le directeur du journal Ekapheap Ă©tait lui aussi arrĂȘtĂ©[53].

Dans le mĂȘme temps, Sihanouk poursuivaient le dĂ©nigrement des dĂ©mocrates. Dans une lettre ouverte, il se plaignait d’essuyer des critiques qui le condamnaient sans rĂ©pit. Les dĂ©mocrates Ă©taient la cible de ces attaques et lors d’un congrĂšs il avait prĂ©tendu que s’il venait Ă  mourir, ils ne seraient pas longs Ă  prendre le pouvoir, ajoutant qu’« ils avaient beaucoup changĂ©. Ils recevaient de l’argent des AmĂ©ricains qui leur permettaient en outre d’écrire des articles qui m’attaquent moi, le Sangkum et le trĂŽne »[54]. Ces accusations reposaient sur le fait que tout au long des annĂ©es 1950, l’ambassade des États-Unis, sur instruction de Washington, tenta d’aider toutes les forces et les personnalitĂ©s qui pouvaient contrecarrer la politique du prince jugĂ©e trop procommuniste[55].

Au dĂ©but de l’étĂ©, Sihanouk persĂ©vĂ©rait dans ses diatribes envers les dĂ©mocrates et les invitaient Ă  dĂ©battre avec lui des problĂšmes cambodgiens. Les leaders du parti demandĂšrent une audience privĂ©e mais le prince insistait pour avoir un dĂ©bat public avec les principaux responsables religieux, la presse et une assistance nombreuse. La police visita le domicile des principaux dirigeants du parti, leur suggĂ©rant que ne pas rĂ©pondre Ă  l’offre princiĂšre Ă©quivaudrait Ă  une fĂ©lonie. Cinq d’entre eux acceptĂšrent la proposition[56].

Le dĂ©bat eut lieu le devant le palais royal. Il Ă©tait intĂ©gralement radiodiffusĂ© et des milliers de personnes s’étaient amassĂ©es Ă  l’extĂ©rieur de l’enceinte pour Ă©couter la discussion retransmise par des haut-parleurs. Sihanouk accaparait la quasi-totalitĂ© du temps de parole. Il demandait aux dĂ©mocrates de fournir des preuves factuelles des malversations dont ils accusaient le rĂ©gime. TroublĂ©s par le contexte et par l’agressivitĂ© de Sihanouk, ils marmonnĂšrent qu’ils avaient besoin de temps pour rĂ©unir de telles preuves, mais qu’ils lui Ă©taient loyaux et qu’ils n’avaient jamais eu l’intention de lui causer du tort. Le prince leur rĂ©pondait qu’il les trouvait hypocrites et leur demandait de joindre sur le champ le Sangkum pour prouver leur fidĂ©litĂ©. Leurs hĂ©sitations, entendues par des milliers de personnes Ă©taient assimilĂ©es Ă  une trahison. Au bout de prĂšs de trois heures, Sihanouk leva la sĂ©ance et souhaita un « bon appĂ©tit » Ă  ses interlocuteurs[57].

Alors qu’ils quittaient le palais, les dĂ©mocrates furent tirĂ©s de leurs vĂ©hicules, empoignĂ©s par des militaires et des gardes puis battus Ă  terre Ă  coups de poing et de crosses. L’un d’entre eux, Svay So, y perdit une dent et son chauffeur dut ĂȘtre hospitalisĂ©. Dans les trois jours qui suivirent, on recensa Ă  Phnom Penh une trentaine d’actes de violence perpĂ©trĂ©s par des hommes en uniforme Ă  l’encontre de personnes suspectĂ©es d’appartenir au parti dĂ©mocrate. S’il est difficile de dĂ©terminer si ces actes avaient Ă©tĂ© ordonnĂ©s par le prince lui-mĂȘme, par Lon Nol alors responsable de l’armĂ©e ou Ă©taient spontanĂ©s, ils ne furent jamais condamnĂ©s et aucun de ceux qui les avaient commis ne fut inquiĂ©tĂ© ; certains auraient mĂȘme eu une promotion[58].

Le dĂ©bat et son Ă©pilogue sonnĂšrent le glas du parti dĂ©mocrate qui prononça son auto-dissolution peu aprĂšs[59]. L’opposition des Ă©lites cambodgiennes Ă  Sihanouk passa dans la clandestinitĂ© et ne rĂ©apparaitra qu’une dizaine d’annĂ©es plus tard par le biais de ses ailes les plus radicales. De plus, le discours vĂ©hĂ©ment du prince devant une foule abondante, l’humiliation publique d’adversaires dĂ©sarmĂ©s puis les violences physiques Ă  peine dissimulĂ©es n’étaient que les prĂ©mices du traitement qui attendait Ă  l’avenir tous ceux qui oseraient s’opposer au rĂ©gime[60].

Tentatives de renaissance par In Tam

La RĂ©publique khmĂšre

En 1970, lors de la mise en place de la RĂ©publique khmĂšre, le parti dĂ©mocrate est rĂ©tabli par In Tam, un des principaux responsables de la dĂ©position de Norodom Sihanouk. Mais les fraudes menĂ©es par Lon Nol et son frĂšre Lon Non lors des Ă©lections lĂ©gislatives de 1972 conduisent les dĂ©mocrates Ă  refuser de prĂ©senter des candidats[61]. In Tam se retira de la vie politique et laissa la direction du Parti Ă  Chau Sau alors qu’au mĂȘme moment un rapprochement fut un temps envisagĂ© avec Son Sann, exilĂ© en France. Les dĂ©mocrates ne retrouvĂšrent toutefois pas leur lustre d’antan et ne purent empĂȘcher la RĂ©publique khmĂšre de s’effondrer en 1975.

L’État du Cambodge

AprĂšs une pĂ©riode oĂč In Tam s’était rapprochĂ© des royalistes de Sihanouk, il fait renaĂźtre le parti dĂ©mocrate de ses cendres Ă  la suite des accords de paix de Paris de 1991 mais essuie un nouvel Ă©chec lors des Ă©lections de 1993, car avec 1,5 % des voix il ne dĂ©croche aucun siĂšge.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Democratic Party (Cambodia) » (voir la liste des auteurs).
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  2. (en) The Tragedy of Cambodian History: Politics, War, and Revolution Since 1945, page 30
  3. (fr) Robert Lemaignen, Léopold Sédar Senghor et Sisowath Youtevong, La communauté impériale française, Alsatia, coll. « Faits et idées », , 133 p.
  4. (fr) Pierre-Lucien Lamant, « Les partis politiques et les mouvements de rĂ©sistance khmers vus par les services de renseignement français (1945-1952) », Guerres mondiales et conflits contemporains, no 148,‎ , p. 79-96
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  6. (en) The Tragedy of Cambodian History: Politics, War, and Revolution Since 1945, page 31
  7. (en) How Pol Pot came to power : colonialism, nationalism, and communism in Cambodia, 1930-1975, page 57
  8. (fr) Essai sur la démocratie au Cambodge, page 23
  9. (fr) Le mal cambodgien: histoire d'une société traditionnelle face à ses leaders politiques, 1946-1987, page 64
  10. (fr) Souvenirs doux et amers, page 135
  11. (en) The Tragedy of Cambodian History: Politics, War, and Revolution Since 1945, page 36
  12. (fr) Essai sur la démocratie au Cambodge, page 31
  13. (en) The Tragedy of Cambodian History: Politics, War, and Revolution Since 1945, page 37
  14. (en) The Indochinese experience of the French and the Americans : nationalism and communism in Cambodia, Laos, and Vietnam, page 197
  15. (en) The Tragedy of Cambodian History: Politics, War, and Revolution Since 1945, page 38
  16. (fr) Souvenirs doux et amers, page 140
  17. (en) The Tragedy of Cambodian History: Politics, War, and Revolution Since 1945, page 39
  18. (fr) Essai sur la démocratie au Cambodge, page 39
  19. (en) The Tragedy of Cambodian History: Politics, War, and Revolution Since 1945, page 41
  20. (en) How Pol Pot came to power : colonialism, nationalism, and communism in Cambodia, 1930-1975, page 72
  21. (en) The Tragedy of Cambodian History: Politics, War, and Revolution Since 1945, page 44
  22. (en) The Tragedy of Cambodian History: Politics, War, and Revolution Since 1945, page 56
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