Nuon Chea
Nuon Chea, né Lau Kim Lorn le à Voat Kor et mort le [1] à Phnom Penh, est un homme politique cambodgien, ancien chef du mouvement khmer rouge.
Nuon Chea | |
Nuon Chea en 2013. | |
Fonctions | |
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49e Premier ministre du Cambodge | |
– (28 jours) |
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Président | Khieu Samphân |
Prédécesseur | Pol Pot |
Successeur | Pol Pot |
Président de l’Assemblée du Kampuchéa démocratique | |
– (2 ans, 8 mois et 25 jours) |
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Biographie | |
Nom de naissance | Lau Kim Lorn |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Voat Kor (Protectorat français du Cambodge) |
Date de décès | |
Lieu de décès | Phnom Penh (Cambodge) |
Nationalité | Cambodgienne |
Parti politique | Parti Communiste du Kampuchéa |
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Premiers ministres du Cambodge | |
Responsable militaire au début des années 1970, il devient, en 1975, le numéro deux du comité central du Parti communiste du Kampuchéa. Il remplacera brièvement Pol Pot au poste de Premier ministre lorsque celui-ci devra s'éloigner du pouvoir à l'automne 1976 pour raison de santé. Il deviendra par la suite président de l'Assemblée nationale.
Même s'il est moins connu en Occident que les autres accusés des chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens chargées de juger les crimes khmers rouges, il est considéré comme l'idéologue du régime et le second dans sa hiérarchie, juste derrière Pol Pot mais devant Ieng Sary.
Biographie
De son vrai nom Long Bunruot et d'origine sino-khmère, il naît le dans le village de Voat Kor, une localité de la province de Battambang[2]. Son père, d’origine chinoise, est négociant en maïs ; sa mère, khmère, couturière attachée à un temple[3].
Dans les années 1940, alors que sa province avait été annexée par la Thaïlande, alliée du Japon, il part étudier à l'université Thammasat de Bangkok et est employé à temps partiel, de 1945 à 1948, au ministère thaï des Affaires étrangères. C'est là qu'il commence ses activités politiques, au Parti communiste thaïlandais[4].
De retour au Cambodge en 1949, il rejoint dans la région de Samlaut les maquisards du Parti communiste indochinois et, en 1951, il participe à la création du Parti révolutionnaire du peuple khmer (PRPK). Entre 1952 et 1954, il suit une formation dans les maquis du Nord Vietnam. Après les accords de Genève, il retourne au Cambodge et, sous la couverture d'un homme d'affaires, il travaille au département de la propagande du PRPK[2]. Il fait de fréquents voyages à Hanoï et tisse des liens d’amitié avec Lê Duẩn et Nguyễn Văn Linh[5].
En septembre 1960, il est élu secrétaire général adjoint du PRPK qui est renommé Parti des travailleurs du Kampuchéa, à son tour rebaptisé en 1966 Parti communiste du Kampuchéa[6]. En 1962, il est un temps pressenti pour remplacer Tou Samouth à la tête du parti à la suite de la disparition de ce dernier, mais il s’efface devant Saloth Sâr qui ne s’appelle pas encore Pol Pot[7].
Entre 1970 et 1975, Nuon Chea est vice-président du Haut Commandement militaire des Forces armées populaires de libération nationale du Kampuchéa (FAPLNK) ainsi que chef de la direction politique de l’armée[8].
Le , les Khmers rouges s'emparent du pouvoir à Phnom Penh et exercent leur contrôle sur l'ensemble du pays. Une de ses premières actions est alors d’aller voir un de ses cousins alors à moitié paralysé, l’attire hors de chez lui avec la promesse d’être nommé « père de la révolution » et le fait mettre à mort[9].
Le , Nuon Chea devient « Frère numéro 2 » au Comité permanent du Comité central, chargé du travail, du bien-être social, de la culture, de la propagande et de l’éducation formelle (ou du travail de conscience)[8].
De 1976 à 1979, il est le Président de l’Assemblée du Kampuchéa démocratique. Il assure également par intérim, durant un mois, les fonctions de Premier ministre, Pol Pot ayant temporairement renoncé à ce poste. Chef de la sécurité du régime, Nuon Chea est considéré comme l’idéologue des Khmers rouges et un personnage clef de la révolution[2].
Même s'il récuse l'affirmation, Nuon Chea aurait été responsable des questions de sécurité et, à ce titre, des purges des « ennemis de l'intérieur » et notamment du centre d'« interrogatoire » de Tuol Sleng[10].
À la chute du régime, en 1979, il s'enfuit en compagnie de Pol Pot et rejoint Ieng Sary et Khieu Samphân dans la province de Pouthisat d'où il dirige la guérilla pendant près de vingt ans[10].
C’était l’homme le plus puissant après Pol Pot. À la mort de celui-ci, il devient le plus haut responsable khmer rouge encore en vie[8].
Le , à la suite d'un accord passé avec le gouvernement, Nuon Chea se rend avec quelques derniers opposants Khmers rouges et, lors d’une conférence de presse tenue après sa reddition, fait part de toute sa tristesse pour les souffrances des Cambodgiens. « En effet, nous sommes vraiment désolés, pas seulement pour les hommes, mais aussi pour les animaux qui ont souffert pendant la guerre » annonça-t-il alors[11]. Sous l’impulsion du Premier ministre Hun Sen et au nom de la réconciliation nationale, le gouvernement accepte de renoncer à poursuivre Nuon Chea, décision qui est condamnée par l’opinion publique cambodgienne et la communauté internationale[12].
Après de longues et dures négociations, entamées en 1997, le gouvernement cambodgien et les Nations unies réussissent à mettre en place les procédures nécessaires pour que siègent les chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, tribunal chargé de juger certains hiérarques khmers rouges. Le Nuon Chea est arrêté à son domicile près de Pailin, non loin de la frontière thaïlandaise où il vivait au grand jour, et inculpé, à 82 ans, de « crimes de guerre », de « crimes contre l'humanité » et de génocide[13]. Il est mis en détention provisoire[14] à cette date jusqu'à sa condamnation, le , à la prison à perpétuité[15].
Le , le tribunal spécial le juge coupable, en même temps que Khieu Samphan, de génocide en raison des « exactions commises à l’égard des Vietnamiens, de la communauté musulmane cham et d’autres minorités religieuses[16] »[17].
Il meurt le à la prison de Phnom Penh, où il était incarcéré [3].
Notes et références
- « Nuon Chea, ancien dirigeant khmer rouge et bras droit de Pol Pot, est mort »
- (fr) Solomon Kane (trad. de l'anglais par François Gerles, préf. David Chandler), Dictionnaire des Khmers rouges, IRASEC, , 460 p. (ISBN 9782916063270), « LONG (Bunruot) alias Nuon Chea », p. 226-230.
- Adrien Le Gal et Francis Deron, « Nuon Chea, ancien dirigeant khmer rouge et bras droit de Pol Pot, est mort », www.lemonde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
- (en) Viviane K. Frings, Rewriting Cambodian History to 'Adapt' It to a New Political Context : The Kampuchean People's Revolutionary Party's Historiography (1979-1991), vol. 31, coll. « Modern Asian Studies », , p. 807-846.
- (fr) Henri Locard, Pourquoi les Khmers rouges, Paris, Éditions Vendémiaire, coll. « Révolutions », , 352 p. (ISBN 9782363580528, présentation en ligne), « L'Angkar », p. 96.
- (en) David Porter Chandler, « Revising the Past in Democratic Kampuchea: When Was the Birthday of the Party? Notes and Comments », Pacific Affairs, vol. 56, no 2,‎ , p. 288-300 (JSTOR 2758655, lire en ligne).
- (fr) Henri Locard, Pourquoi les Khmers rouges, Paris, Éditions Vendémiaire, coll. « Révolutions », , 352 p. (ISBN 9782363580528, présentation en ligne), « L'Angkar », p. 91.
- (fr) « Profil : Nuon Chea - faits », sur Trial Watch (consulté le ).
- (en) David Porter Chandler, The Tragedy of Cambodian History : Politics, War, and Revolution Since 1945, Yale University Press, , 414 p. (ISBN 9780300057522, présentation en ligne), chap. 1 (« In search of independence 1945 - 1950 »), p. 33.
- (fr) Marcel Lemonde et Jean Reynaud, Un juge face aux khmers rouges, Seuil, , 250 p. (ISBN 978-2-02-105574-0, présentation en ligne), p. 58.
- (fr) « L'ancien numéro 2 des Khmers rouges arrêté », RTS Info,‎ (lire en ligne).
- (fr) Sylvaine Pasquier, « Les liaisons dangereuses de Hun Sen », L'Express,‎ (lire en ligne).
- (fr) « Profil : Nuon Chea - procédure légale », sur Trial Watch (consulté le ).
- « Ordonnance de placement en détention provisoire (NUON Chea) », sur www.eccc.gov.kh (consulté le )
- « Deux ex-dignitaires khmers rouges condamnés à perpétuité », sur fr.news.yahoo.com (consulté le )
- Bruno Philip, « Le génocide cambodgien reconnu pour la première fois par le tribunal international », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- « Le génocide khmer rouge reconnu », Gavroche Thaïlande, no 290,‎ , p. 12 (lire en ligne [PDF])
 
Voir aussi
Bibliographie
- (fr) Cyril Payen, « L'audience du no 2 des Khmers rouges ajournée », France 24,‎ (lire en ligne).
- (en) « Noun Chea », sur Documentation Center of Cambodia (consulté le ).
- (fr) « Nuon Chea », sur Trial Watch (consulté le ).
- Marcel Lemonde (avec la collaboration de Jean Reynaud), Un juge face aux Khmers rouges, Paris, Seuil, , p. 56-64