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Isatine

L'isatine, tribuline ou indole-2,3-dione est un composé aromatique bicyclique dérivé de l'indole, de formule brute C8H5NO2.

Isatine
Image illustrative de l’article Isatine
Image illustrative de l’article Isatine
Identification
Nom UICPA 1H-indole-2,3-dione
Synonymes

2,3-dioxo-2,3-dihydroindole, 2,3-dicétoindoline, 2,3-dioxoindoline, 2,3-indolinedione, anhydride o-aminobenzoylformique, lactame de l'acide isatique, isatin, anhydride de l'acide isatinique

No CAS 91-56-5
No ECHA 100.001.889
No CE 202-077-8
No RTECS NL7873000
DrugBank DB02095
PubChem 7054
ChEBI 27539
SMILES
InChI
Apparence poudre orange sans odeur[1]
Propriétés chimiques
Formule C8H5NO2 [IsomĂšres]
Masse molaire[2] 147,130 8 ± 0,007 6 g/mol
C 65,31 %, H 3,43 %, N 9,52 %, O 21,75 %,
Propriétés physiques
T° fusion 198 à 202 °C[1]
193 à 195 °C(dec.)[3] - [4]
201 à 203 °C[4]

Solubilité eau :1,9 g·l-1[1], soluble dans l'eau bouillante[3], dans le diéthyl éther[3], dans le benzÚne[5].
Masse volumique 4-6 g·cm-3[1]
Point d’éclair >210 °C[1]
Précautions
SGH[3] - [4]
SGH07 : Toxique, irritant, sensibilisant, narcotique
H315, H319, H335, P261 et P305+P351+P338

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

L'istatine est un produit naturel bien connu que l'on trouve dans les plantes du genre Isatis, dans Couroupita guianensis[6] - [7], mais également chez les humains, comme dérivé métabolique de l'adrénaline[8].

Elle se présente sous la forme d'une poudre rouge-orangé. Elle est généralement utilisée comme élément de base pour la synthÚse d'une grande variété de composés biologiquement actifs, notamment des antitumoraux[9], des antiviraux[10], en particulier des anti-VIH[11], et des antituberculeux[12].

Histoire

L'istatine a été obtenue pour la premiÚre fois simultanément par le chimiste allemand Otto Linné Erdmann[13] et le chimiste français Auguste Laurent[14] en 1840 comme produit d'oxydation de l'indigotine par l'acide nitrique et l'acide chromique, mais ce n'est qu'en 1878 qu'Adolf von Baeyer réussit à la synthétiser complÚtement. En 1880, il développe une méthode de synthÚse à partir de l'acide o-nitrocinnamique, et il brevÚte en 1883 une méthode de synthÚse à partir du 2-nitrobenzaldéhyde, avec pour finalité la production synthétique de teinture indigo.

Dérivés

Indophénine

On appelle « isatines » les dérivés de l'isatine pour lesquels le cycle benzénique est substitué[15].

Des recherches sont menées sur la base de Schiff de l'isatine pour ses propriétés pharmaceutiques[16].

L'isatine forme un colorant bleu appelé indophénine quand il est mélangé avec de l'acide sulfurique et du benzÚne brut (non purifié). La formation de l'indophénine a longtemps été perçue comme une réaction avec le benzÚne. Cependant, Viktor Meyer réussit finalement à isoler la vraie substance du benzÚne brut responsable de cette réaction. Il s'agit du thiophÚne, un composé hétérocyclique[17].

On retrouve le noyau d'isatine dans les composés constituant les pigments « bleu maya » et « jaune maya »[18].

SynthĂšse

L'isatine est disponible dans le commerce, et il existe plusieurs méthodes pour la synthétiser.

MĂ©thode de Sandmeyer

La mĂ©thode de Sandmeyer est la plus ancienne et la plus directe façon de synthĂ©tiser l'isatine ; elle a Ă©tĂ© dĂ©couverte par le chimiste suisse Traugott Sandmeyer en 1919[19]. Elle consiste en la condensation entre l'hydrate de chloral et une arylamine primaire, par exemple l'aniline, en prĂ©sence de chlorure d'hydroxylammonium dans une solution aqueuse de sulfate de sodium pour former un α‐isonitrosoacĂ©tanilide. Cet intermĂ©diaire est isolĂ© puis subit une cyclisation Ă©lectrophile favorisĂ©e par les acides forts (par exemple l'acide sulfurique), avec un rendement supĂ©rieur Ă  75 %[20].

SynthĂšse de Sendmeyer de l'isatine
SynthĂšse de Sendmeyer de l'isatine

Méthode de Stollé

La méthode de Stollé est considérée comme la meilleure alternative à celle de Sandmeyer pour la synthÚse d'isatines substituées ou non[21]. Elle consiste en la condensation entre une arylamine primaire ou secondaire avec le chlorure d'oxalyle pour former un intermédiaire chloro-oxalylanilide qui est ensuite cyclisé en présence d'un acide de Lewis (par exemple le chlorure d'aluminium, le tétrachlorure de titane, le trifluorure de bore, etc.).

Autre méthodes

Une autre rĂ©action de synthĂšse classique mise au point Ă©galement par Sandmeyer en 1906, dĂ©marre avec la diphĂ©nylthiourĂ©e (φNH-CS-NHφ) , du cyanure de potassium et du carbonate de plomb[22].

Les isatines peuvent ĂȘtre aussi formĂ©es avec un bon rendement Ă  partir de l'indole correspondant en le mĂ©langeant avec du chlorure d'indium(III) (InCl3) et de l'acide 2-iodoxybenzoĂŻque (IBX) dans une solution d'eau-acĂ©tonitrile Ă  80 °C[23].

Des approches modernes de la synthÚse d'isatines N-substituées incluent l'oxydation d'indoles ou d'oxindoles substituées disponibles dans le commerce avec divers oxydants, par exemple le TBHP[24], l'acide 2-iodoxybenzoïque (IBX)[25], le nitrite de butyle[26], etc.

Réactivité

La prĂ©sence d'un cycle aromatique, d'une fonction cĂ©tone, et d'un cycle Îł-lactame donnent Ă  l'isatine le potentiel rare d'ĂȘtre Ă  la fois utilisĂ© comme Ă©lectrophile et nuclĂ©ophile. Elle est capable de subir de nombreuses rĂ©actions, comme des N-substitutions, des substitutions Ă©lectrophiles aromatiques en position C-5 et C-7 du cycle benzĂ©nique, des additions nuclĂ©ophiles sur le C-3 (groupe carbonyle), des rĂ©ductions ou oxydations chimiosĂ©lectives, de expansions de cycle et des spiro-annĂ©lations. Du fait de cette rĂ©activitĂ© unique, l'isatine est considĂ©rĂ©e comme l'un des Ă©lĂ©ments de base les plus prĂ©cieux en synthĂšse organique.

N-Substitution

La N-fonctionnalisation du noyau d'isatine est facilement obtenue par la déprotonation de la partie amino, formant le sel de sodium ou de potassium correspondant, et permet l'addition ultérieure d'un électrophile (par exemple un halogénure d'alkyle ou un halogénure d'acyle).

Isatin N-alkylation, acylation
Isatin N-alkylation, acylation

La N-arylation est par contre généralement faite par des réactions de couplage croisé avec des halogénures d'aryle en utilisant des catalyseurs au cuivre ou au palladium[27] - [28].

Arylation de l'isatine
Arylation de l'isatine

Expansion de cycle

En synthÚse organique, les expansions de cycles sont considérées comme des réactions précieuses car elles permettent d'obtenir des cycles de taille moyenne (7-9 atomes) qui sont difficiles à synthétiser par les méthodes « classiques »[29]

À ce jour, seuls quelques articles concernant l'expansion du cycle des dĂ©rivĂ©s de l'isatine ont Ă©tĂ© publiĂ©s. Le premier est une rĂ©action monotope multicomposants sous catalyse acide, impliquant des isatines, des amino-uraciles et des isoxazolones pour former des isoxazoquinolĂ©ines, Ă©chafaudages importants en chimie mĂ©dicinale[30].

Expansion de cycle de l'isatine
Expansion de cycle de l'isatine

Dans une autre une réaction monotope multicomposants, une expansion unique à deux atomes de carbone a été obtenue en faisant réagir l'isatine avec l'indÚne-1,3-dione et un bromure de pyridinium N-substitué pour former une dibenzo[b,d]azépin-6-one[31].

Addition nucléophile C-2/C-3

L'isatine peut subir une addition nuclĂ©ophile sur les carbonyles aux positions C-2 et C-3. La rĂ©giosĂ©lectivitĂ© du processus dĂ©pend fortement Ă  la fois du substrat (propriĂ©tĂ©s des substituants sur le noyau d'isatine, en particulier ceux liĂ©s Ă  l'atome d'azote) et des conditions de rĂ©action (solvant, tempĂ©rature, etc.). Dans certains cas, l'addition nuclĂ©ophile peut ĂȘtre suivie une autre rĂ©action (cyclisation, expansion du cycle, ouverture du cycle, etc.).

Exemple d'addition nucléophile sur l'isatine dépendante du solvant[32] : vers la gauche, réaction dans l'eau, vers la droite dans le toluÚne.

Oxydation

L'oxydation de l'isatine par le peroxyde d'hydrogÚne ou l'anhydride chromique produit l'anhydride isatoïque[33] - [34], un composé trÚs utilisé, dans certains herbicides ou en chimie médicale.

Oxydation de l'isatine
Oxydation de l'isatine

Dimérisation

La dimérisation de l'isatine avec KBH4 dans le méthanol produit l'indirubine[35]. C'est le pendant rouge de la teinture d'indigo, qui présente également une grande cytotoxicité.

Dimérisation de l'isatine
Dimérisation de l'isatine

RĂ©duction

La réduction du groupe carbonyle en C-3 (non-amide) donne l'oxindole.

Notes et références

  1. EntrĂ©e « Isatine Â» dans la base de donnĂ©es de produits chimiques GESTIS de la IFA (organisme allemand responsable de la sĂ©curitĂ© et de la santĂ© au travail) (allemand, anglais) (JavaScript nĂ©cessaire)
  2. Masse molaire calculĂ©e d’aprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  3. Fiche Sigma-Aldrich du composé Isatin.
  4. Fiche Sigma-Aldrich du composé Isatin.
  5. Thieme Chemistry (Hrsg.): RÖMPP Online - Version 3.5, Georg Thieme Verlag KG, Stuttgart, 2009.
  6. A. C. Pinto, « The chemistry of isatins: a review from 1975 to 1999 », J. Braz. Chem. Soc., vol. 12, no 3,‎ , p. 273 (DOI 10.1590/S0103-50532001000300002)
  7. J. Bergman, « The structure and properties of some indolic constituents in Couroupita guianensis aubl », Tetrahedron, vol. 41, no 14,‎ , p. 2879 (DOI 10.1016/S0040-4020(01)96609-8)
  8. I. Chiyanzu, « Synthesis and evaluation of isatins and thiosemicarbazone derivatives against cruzain, falcipain-2 and rhodesain », Bioorg. Med. Chem. Lett., vol. 13, no 20,‎ , p. 3527–30 (PMID 14505663, DOI 10.1016/S0960-894X(03)00756-X)
  9. J.P. Mallamo, « Structure-guided identification of novel VEGFR-2 kinase inhibitors via solution phase parallel synthesis », Bioorg. Med. Chem. Lett., vol. 16, no 8,‎ , p. 2158–62 (PMID 16460933, DOI 10.1016/j.bmcl.2006.01.063)
  10. Y. He, « Design, synthesis, and biological evaluations of novel oxindoles as HIV-1 non-nucleoside reverse transcriptase inhibitors », Bioorg. Med. Chem. Lett., vol. 16, no 8,‎ , p. 2109–12 (PMID 16464578, DOI 10.1016/j.bmcl.2006.01.066)
  11. D. Sriram, « Synthesis and evaluation of anti-HIV activity of isatin beta-thiosemicarbazone derivatives », Bioorg. Med. Chem. Lett., vol. 15, no 20,‎ , p. 4451–5 (PMID 16115762, DOI 10.1016/j.bmcl.2005.07.046)
  12. F.A.S. Bin-Jubair, « Anti-Tubercular activity of Isatin and Derivatives », Int. J. Res. Pharm. Sci., vol. 1,‎ , p. 113
  13. Otto LinnĂ© Erdmann, « Untersuchungen ĂŒber den Indigo », Journal fĂŒr Praktische Chemie, vol. 19, no 1,‎ , p. 321–362 (DOI 10.1002/prac.18400190161, lire en ligne)
  14. Auguste Laurent, « Recherches sur l'indigo », Annales de Chimie et de Physique, vol. 3, no 3,‎ , p. 393–434
  15. Piyasena Hewawasam, Nicholas A. Meanwell, A General Method for the Synthesis of Isatins: Preparation of regiospecifically functionalized isatins from anilines, Tetrahedron Letters, 1994, vol. 35(40), pp. 7303–7306. DOI 10.1016/0040-4039(94)85299-5.
  16. A. A. Jarrahpour, D. Khalili, Synthesis of 3,3ÂŽ-[methylenebis(3,1-phenylenenitrilo)]bis[1,3-dihydro]-2H-indol-2-one as a Novel bis-Schiff Base, Molbank, 2005, vol. 2005(4), p. M437. DOI 10.3390/M437, article en pdf.
  17. W. C. Sumpter, The Chemistry of Isatin, Chemical Reviews, 1944, vol. 34(3), pp. 393–434. DOI 10.1021/cr60109a003.
  18. M.L. Vuzquez de Agredos-Pascual, « From Maya Blue to "Maya Yellow": A Connection between Ancient Nanostructured Materials from the Voltammetry of Microparticles », Angew. Chem. Int. Ed., vol. 50, no 25,‎ , p. 5741–4 (PMID 21557419, DOI 10.1002/anie.201100921)
  19. Traugott Sandmeyer, « Über Isonitrosoacetanilide und deren Kondensation zu Isatinen », Helvetica Chimica Acta, vol. 2(1),‎ , p. 234–242 (DOI 10.1002/hlca.19190020125)
  20. C. S. Marvel, G. S. Hiers, Isatin, Org. Synth. 5, coll. « vol. 1 », , 71 p., p. 327
  21. R. StollĂ©, « Über N-substituierte Oxindole und Isatine », J. Prakt. Chem. (In German), vol. 105, no 1,‎ , p. 137–148 (DOI 10.1002/prac.19221050111)
  22. SynthĂšse de l'isatine sur drugfuture.com.
  23. J. S. Yadav, B. V. S. Reddy, Ch. S. Reddy, A. Krishna, « Indium(III) Chloride / 2-Iodoxybenzoic Acid: A Novel Reagent System for the Conversion of Indoles to Isatins », Synthesis, vol. 2007(5),‎ , p. 693–696 (DOI 10.1055/s-2007-965930).
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  30. Nataraj Poomathi, Sivakalai Mayakrishnan, Doraiswamy Muralidharan, Rajagopal Srinivasan et Paramasivan T. Perumal, « Reaction of isatins with 6-amino uracils and isoxazoles: isatin ring-opening vs. annulations and regioselective synthesis of isoxazole fused quinoline scaffolds in water », Green Chemistry, vol. 17, no 6,‎ , p. 3362–3372 (DOI 10.1039/c5gc00006h)
  31. Rong-Guo Shi, Xiao-Hua Wang, Ruzhang Liu et Chao-Guo Yan, « Two-carbon ring expansion of isatin: a convenient construction of a dibenzo[b,d]azepinone scaffold », Chemical Communications, vol. 52, no 37,‎ , p. 6280–6283 (PMID 27079548, DOI 10.1039/c6cc00525j, lire en ligne)
  32. Jan Bergman, Claes StĂ„lhandske et Hans Vallberg, « Studies of the Reaction between Indole-2,3-diones (Isatins) and Secondary Aliphatic Amines. », Acta Chemica Scandinavica, vol. 51,‎ , p. 753–759 (DOI 10.3891/acta.chem.scand.51-0753, lire en ligne)
  33. Shuangshuang Yang, Xishuai Li, Fangfang Hu, Yinlong Li, Yunyun Yang, Junkai Yan, Chunxiang Kuang et Qing Yang, « Discovery of Tryptanthrin Derivatives as Potent Inhibitors of Indoleamine 2,3-Dioxygenase with Therapeutic Activity in Lewis Lung Cancer (LLC) Tumor-Bearing Mice », Journal of Medicinal Chemistry, vol. 56, no 21,‎ , p. 8321–8331 (PMID 24099220, DOI 10.1021/jm401195n)
  34. Yajie Bao, Yizhe Yan, Kun Xu, Jihu Su, Zhenggen Zha et Zhiyong Wang, « Copper-Catalyzed Radical Methylation/C–H Amination/Oxidation Cascade for the Synthesis of Quinazolinones », The Journal of Organic Chemistry, vol. 80, no 9,‎ , p. 4736–4742 (PMID 25849218, DOI 10.1021/acs.joc.5b00191)
  35. Cuiling Wang, Jiaxu Yan, Mo Du, Joseph A. Burlison, Chi Li, Yanni Sun, Danqing Zhao et Jianli Liu, « One step synthesis of indirubins by reductive coupling of isatins with KBH 4 », Tetrahedron, vol. 73, no 19,‎ , p. 2780–2785 (DOI 10.1016/j.tet.2017.03.077)

Voir aussi

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