Accueil🇫🇷Chercher

Hubert Pierlot

Le comte Hubert Pierlot, homme politique belge du Parti catholique, professeur de droit, président de l'Union catholique belge, est né à Cugnon le et mort à Uccle le . Il était Premier ministre au moment où la Belgique fut entraînée dans la Seconde Guerre mondiale et, à ce titre, fut amené à diriger durant toute la guerre le gouvernement en exil à Londres.

Hubert Pierlot
Illustration.
Hubert Pierlot en 1947.
Fonctions
Premier ministre de Belgique
–
(5 ans, 11 mois et 21 jours)
Monarque Charles de Belgique (RĂ©gent)
LĂ©opold III (Roi)
Gouvernement Pierlot I, II, III, IV, V VI
Coalition Libéral (II à VI) - POB (I, III à VI) - PCB (V) - Catholique
Prédécesseur Paul-Henri Spaak
Successeur Achille van Acker
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Cugnon (Belgique)
Date de décès
Lieu de décès Uccle (Belgique)
Nationalité belge
Parti politique Parti catholique
Diplômé de UCL
Religion Catholique
RĂ©sidence 16, rue de la Loi

Hubert Pierlot
Premiers ministres belges

Biographie

Après des études secondaires à l’école abbatiale de Maredsous puis au collège Saint-Jean Berchmans des jésuites à Bruxelles, Hubert Pierlot obtient son diplôme de docteur en droit et une licence en sciences politiques de l’Université de Louvain. En 1910, il a achevé son travail de fin d'études par un séjour d'un mois au Canada et aux États-Unis (dans le cadre du Congrès eucharistique de Montréal).

Le Hubert Pierlot s’engage comme volontaire. Il fait la guerre dans l’infanterie et la termine comme lieutenant au 20e Régiment de Ligne.

De février 1919 à décembre 1920, il occupait les fonctions de chef de cabinet du Premier ministre belge Léon Delacroix.

Il devint député catholique (plus tard social-chrétien) de Neufchâteau-Virton en décembre 1925, succédant à Edouard Richard. Il fut sénateur provincial du Luxembourg de 1926 à 1936 et sénateur élu direct du Luxembourg de 1936 à 1946. Sous le règne de Léopold III de Belgique, Hubert Pierlot est ministre de l'Intérieur (1934-1935) et de l'Agriculture (1934-1935 et 1936-1939), il devint Premier ministre et ministre de l'Agriculture (1939).

Premier ministre et ministre des Affaires étrangères (1939) à la tête d'une coalition catholique-socialiste, puis catholique-libérale, Hubert Pierlot dirige un gouvernement tripartite d'union nationale à partir du début de la Seconde Guerre mondiale () jusqu'à l'invasion allemande (1940) qui l'amène à quitter la Belgique in extremis dans des circonstances très difficiles. Après l'effondrement du front belge, le roi étant prisonnier des Allemands, il rencontre, avec Paul-Henri Spaak, ministre des Affaires étrangères, le président Paul Reynaud. Ce dernier prononce un discours condamnant la reddition belge, ce que les ministres sont bien forcés d'avaliser. Ensuite, c'est une véritable odyssée que celle de Spaak et Pierlot. Entre la mi-juin et , tous deux restent en France, découragés, prêts à abandonner la partie à la suite de la défaite de l'armée française et de l'armistice franco-allemand.

Alors que le roi Léopold III avait pris le parti d'une reddition militaire de l'armée belge épuisée et abandonnée par l'armée britannique qui préparait son rembarquement à Dunkerque sans rien prévoir pour les Belges, les ministres avaient voulu continuer la guerre aux côtés des Français. Mais, alors qu'ils sont réfugiés à Sauveterre-de-Guyenne, l'armistice franco-allemand de les prive de la protection diplomatique de la France sur ordre du gouvernement de Vichy. Découragés, craignant même d'être livrés à l'Allemagne, ils pensent pourtant devoir exécuter une ultime mission en négociant le retour en Belgique des réfugiés belges en France. Mais, le , Hitler publie un décret selon lequel il n'y a pas de gouvernement belge. Toutes les demandes des autorités belges pour entrer en contact avec nous doivent être ignorées.[1]

Pour gagner l'Angleterre, Pierlot et Spaak doivent alors quitter la France, où ils ne sont plus en sécurité, et traverser l'Espagne, grâce à une filière organisée par le ministre Albert de Vleeschauwer revenu de Londres en Espagne et qui est parvenu à les appeler dans leur refuge de Sauveterre-de-Guyenne. Avec l'aide de Belges d'Espagne, ils traversent ce pays cachés dans une camionnette à double fond pour échapper au gouvernement du général Franco, à l'époque sympathisant des Nazis. Finalement récupérés au Portugal par les Britanniques, les deux ministres arrivent à Londres le 22 octobre où les avaient précédés les ministres Albert de Vleeschauwer et Camille Gutt. Dès lors, Pierlot va diriger le gouvernement belge en exil à Londres de 1940 à 1944.

Sous le gouvernement Pierlot en exil, la Belgique fut représentée au combat de diverses façons : par deux escadrilles belges dans la Royal Air Force, la flotte marchande belge mise au service des alliés, la reconstitution d'une unité militaire belge en Grande Bretagne, la brigade Piron, la campagne victorieuse des troupes du Congo belge contre les Italiens en Abyssinie qui se termina par les victoires de Bortaï, Saïo et Asosa, ainsi que par la mise à la disposition de l'effort de guerre allié des richesses agricoles et minérales du Congo Belge (or, étain, uranium) sous la direction du ministre Albert de Vleeschauwer. En définitive, les Belges mobilisèrent près de 100 000 hommes sous les drapeaux entre le moment de la capitulation et le jour de la victoire finale sur l’Allemagne.

Voulant montrer son indépendance, le gouvernement belge de Londres écrivit, le , au général de Gaulle : « Le gouvernement belge a résolu de vous reconnaître en qualité de chef des Français libres qui ont rallié la cause des Alliés. » La Belgique officielle fut ainsi le premier des belligérants à reconnaître les Français libres malgré des pressions britanniques en sens opposé. Après la guerre, de retour en Belgique, Hubert Pierlot dirigea un gouvernement quadripartite comprenant catholiques, socialistes, libéraux et communistes puis un gouvernement sans ces derniers de à . Hubert Pierlot fut nommé par le prince régent Charles ministre d'État le .

Au sujet d'Hubert Pierlot, Paul-Henri Spaak, ministre dans le gouvernement en exil, devait écrire : « Sérieux jusqu'à la sévérité, honnête jusqu'au scrupule, travailleur infatigable, chrétien fervent, patriote, modèle des vertus civiques, professionnelles et familiales, il était un homme de bien [2]. »

Les propos du Roi Léopold III, dans ses mémoires[3], sont nettement moins tendres: "Il était susceptible, méfiant, sans souplesse et, de surcroît, borné et incapable d'un geste simplement humain."

La question royale

Au-delà d'une querelle entre deux personnes, l'opposition entre Léopold III et Pierlot traduit l'existence de deux politiques antagonistes. D'un côté, celle défendue par « Laeken » (lieu de résidence du Roi), de l'autre celle des ministres. Depuis le début de la Drôle de guerre, Léopold III et son entourage (chef de cabinet, secrétaire) désiraient en effet avoir la main sur deux matières essentielles : la politique étrangère et la politique militaire. À plusieurs reprises, ils prirent des initiatives sans en référer aux ministres. Hubert Pierlot et ses collègues durent s'opposer sans cesse à ces initiatives. De leur point de vue, le roi était certes chef de l'État mais « irresponsable » et, à ce titre, devait toujours être « couvert » par un ministre avant de poser un acte.

C'est l'application stricte de la constitution belge. Léopold III prônait une politique de stricte neutralité tant que le conflit était circonscrit entre la France et le Royaume-Uni contre l'Allemagne. Le gouvernement et le parlement soutenaient cette politique « intégralement belge » comme l'avait déclaré P.-H. Spaak dans un discours prononcé au parlement belge en 1936, au moment de cette nouvelle orientation qui renouait avec la neutralité d'avant 1914. Alors que, jusque-là, la Belgique était liée à la France depuis 1919, après la guerre de 1914-1918 qui avait jeté, de fait, la Belgique envahie par l'Allemagne dans le camp allié pour toute la durée de la guerre.

En cas de nouvelle invasion, l'opinion du roi était que la Belgique devait défendre son territoire en liaison tactique avec les Français et les Britanniques mais à l'exclusion de toute extension militaire dans les pays voisins. Cela impliquait que l'armée et le roi, chef suprême de l'armée de par la constitution, ne sortiraient, en aucun cas, des frontières du pays. Cela pouvait impliquer qu'en cas de défaite devant la puissance militaire allemande les hostilités s'arrêteraient, mettant fin à l'entente militaire avec les Français et les Britanniques, quitte à ce que le roi, resté en Belgique, se retrouve confronté, voire soumis à l'autorité allemande.

Pourtant, en 1914-1918, sous, le roi Albert, père de Léopold III, l'armée avait eu ses installations logistiques en partie en territoire français. Et pour Pierlot, d'accord avec ses ministres, une nouvelle invasion de la Belgique devait amener les Belges à rallier, comme en 1914-1918, le camp de la France et du Royaume-Uni jusqu'à la fin de la guerre. Ces puissances avaient accepté, en 1936, de garantir le retour à la neutralité belge. Mais Léopold III, fidèle à son point de vue de ne pas quitter le pays, ne suivit pas ses ministres en France au soir du , lorsque la défaite se précisa. C'est donc dès avant la guerre que naquit ce qui allait devenir la « question royale ».

Il convient de signaler que le roi, qui ne se faisait pas d'illusions sur les intentions agressives de l'Allemagne à l'égard de la Belgique, avait entretenu des rapports secrets avec le général en chef français Gamelin durant la période qui s'étend depuis le début de la guerre entre les Français et les Britanniques contre les Allemands. Le général français l'expose clairement dans ses mémoires[4]. Notamment, le roi prévint loyalement le général français des intentions stratégiques allemandes à la suite de la prise de documents allemands découverts dans un avion de liaison de la Luftwaffe égaré et tombé en territoire belge (incident de Mechelen-sur-Meuse, ). De ces manœuvres secrètes, le premier ministre n'en connaît que le résumé que le roi veut bien en communiquer.

Après dix-huit jours de combats suivant l'attaque allemande du , dont la bataille d'arrêt de la Lys, la capitulation de l'armée belge devenait inévitable dès lors que les troupes britanniques abandonnaient la droite de l'armée belge pour se rembarquer à Dunkerque. L'amiral britannique lord Keyes, attaché militaire auprès de Léopold III, révèle dans des mémoires intitulées Un règne brisé [5] que le roi conclut à un lâchage et que c'est ce qui l'amena à se résigner à la reddition de l'armée belge. Il est à noter que Léopold III en prévint le roi britannique par l'intermédiaire de lord Keyes et que les services d'écoute de l'armée française reçurent les messages royaux au général Blanchard prévenant de l'effondrement de l'armée belge isolée et à bout de force et de munitions, comme le révèle dans son livre le 18e jour celui qui allait être un grand résistant français, le colonel Rémy[6]. Cela n'empêcha pas le président du Conseil français Paul Reynaud d'affirmer, dans un discours radiodiffusé, qu'il s'agissait d'une trahison, le roi n'ayant, prétendument, prévenu personne.

Peut-être Reynaud était-il sincère car on sait que l'état-major français ne le tenait pas au courant de la réalité militaire catastrophique des troupes alliées. En effet, le , lors d'une réunion avec le premier ministre britannique Winston Churchill, il dut reconnaître, avec stupeur, qu'il ignorait qu'il n'existait pas de troupes de réserves françaises, le général en chef français Gamelin ayant reconnu avoir engagé toutes les armées françaises dans l'opération dite « Breda », vers les Pays-Bas vaincus en quatre jours. Dans tout cela réside l'explication de la méfiance et de l'attitude hostile de Léopold III envers les Alliés. De plus, des considérations de politique générale fondées sur le serment constitutionnel prêté par le roi, lors de son intronisation fondaient la volonté royale de rester en Belgique, face à l'Allemagne pour prétendre interdire, par sa seule présence, une nouvelle division de la Belgique comme celle entreprise par l'Empire allemand, en 1914-1918, lorsqu'il occupait les neuf dixièmes du territoire national. Les ministres belges, Pierlot en tête, pensaient, au contraire, que le roi, s'il restait en Belgique sous l'emprise allemande, serait le jouet de l'Allemagne hitlérienne, comme l'avaient été les dirigeants tchèques et slovaques en 1938, notamment le président Hácha, menacés puis manipulés comme des marionnettes par Adolf Hitler.

La reddition fut signée par le sous-chef d'état-major de l'armée belge, le roi ne prenant pas part à l'acte par lequel l'Allemagne imposait une reddition sans conditions. Ce qui semble indiquer que Léopold III, en s'abstenant de paraître entériner la reddition, ne voulait pas paraître s'engager au-delà de ses responsabilités de chef d'armée. Étant chef de l'exécutif, c'est-à-dire du gouvernement, il voulait éviter que la reddition militaire put paraître ressembler à une capitulation politique (comme cela allait être le cas des Français avec l'armistice qu'ils conclurent avec l'Allemagne un mois plus tard).

« Il ne peut être question d'une paix séparée », comme l'affirma le roi à Lord Keyes.

D'ailleurs, le roi fut placé en résidence surveillée par les Allemands dès le , c'est-à-dire que, prisonnier de l'ennemi, il perdait le droit d'exercer toute fonction à la tête du pouvoir exécutif, c'est-à-dire du gouvernement, de par la constitution belge. Dans un tel cas, la constitution prévoit que l'exécutif composé des ministres peut exercer le pouvoir sans le seing royal à la condition de prendre ses décisions collégialement et d'en obtenir l'approbation parlementaire. C'est ce que proclama le gouvernement Pierlot dès que le Premier ministre fut arrivé à Paris en compagnie de P.-H. Spaak, ministre des Affaires étrangères. Tous deux ajoutèrent, dans un discours à la radio française, que la Belgique continuait la guerre, ajoutant qu'ils blâmaient la décision du roi de rester en Belgique. Le parlement belge, lorsqu'il put à nouveau siéger, dès , accorda son approbation au gouvernement belge pour son action dans la défense de la Belgique pendant quatre ans.

Mais le roi aurait voulu un arrêt total des hostilités étendu au Congo belge et aux jeunes recrues belges évacuées en France avec divers services logistiques. Toutefois, la reddition ne fait aucune référence aux troupes belges d'Afrique et de France. Il paraît vraisemblable que le roi aurait pu vouloir conserver son autorité sur le Congo belge dont il savait qu'il suscitait les convoitises britanniques. Mais sa situation de prisonnier lui enlevant tout pouvoir, c'est le gouvernement Pierlot qui, depuis Londres, put diriger le Congo, le Rwanda et le Burundi en les mettant au service de la cause alliée, tant économiquement que militairement.

Dans la vision du roi, à la fin de , la durée de la guerre n'était plus qu'une question de semaines. Il n'avait pas tort pour ce qui concernait la France. Mais il pensait aussi que la Grande-Bretagne et l'Allemagne allaient signer une paix de compromis. C'est pourquoi il a cherché à entrer en contact avec Hitler dès le [7]. Il aurait eu l'intention de former un gouvernement belge sous l'occupation, lequel aurait eu une souveraineté limitée aux questions nationales. Mais cette perspective se révélait impossible tant que le gouvernement Pierlot ne démissionnait pas, ce qu'il avait refusé dès le , et que le parlement belge ne pouvait se réunir librement pour voter la confiance à un nouveau gouvernement.

Dans son discours du , afin de préparer la défaite de l'armée française dont il pressent déjà le caractère inéluctable, Paul Reynaud accuse donc les Belges de traîtrise et de lâcheté et les rend responsables de la situation de l'armée française

« L'armée belge vient de capituler, sans conditions, en rase campagne, sur l'ordre de son Roi, sans prévenir ses camarades de combat français et anglais, ouvrant la route de Dunkerque aux divisions allemandes. Il y a 18 jours, le même Roi qui, jusque-là, avait affecté la même valeur à la parole de l'Allemagne qu'à celle des Alliés, nous avait adressé un appel au secours. À cet appel, nous avions répondu suivant un plan arrêté depuis décembre dernier par les états-majors alliés. Or, voici qu'en pleine bataille, sans prévenir le général Blanchard (sic), sans un regard, sans un mot pour les soldats français et anglais qui, à son appel angoissé, étaient venus au secours de son pays, le roi Léopold III de Belgique a mis bas les armes. C'est là un fait sans précédent dans l'Histoire. »

Le discours sévère de Pierlot à la radio française[8] pour condamner l'attitude du roi ne sera jamais pardonné par celui-ci et va, sur le coup, choquer la majorité de l'opinion publique belge désireuse que cessent les combats

« Passant outre à l'avis formel du Gouvernement, le Roi vient d'ouvrir des négociations et de traiter avec l'ennemi. La Belgique sera frappée de stupeur, mais la faute d'un homme ne peut être imputée à la Nation entière. Notre armée n'a pas mérité le sort qui lui est fait. Le Roi, rompant le lien qui l'unissait à son peuple, s'est placé sous le pouvoir de l'envahisseur. Dès lors, il n'est plus en situation de gouverner. »

Un temps réfugiés à Poitiers puis à Limoges en juin avec plusieurs parlementaires, le premier ministre Pierlot et le ministre des affaires étrangères Spaak furent privés de la protection diplomatique française lorsque le gouvernement du maréchal Pétain fut mis au pouvoir par l'assemblée nationale siégeant à Bordeaux. Dans le village de Sauveterre-de-Guyenne, qui leur avait été attribué comme lieu de résidence par le gouvernement Reynaud, les deux ministres, après avoir envisagé de s'occuper, comme dernière tâche, du rapatriement des Belges, comprirent qu'ils avaient perdu toute espèce de crédit international lorsqu'ils furent mis au courant par un préfet que le führer avait commandé qu'ils n'aient droit à aucun égard de la part des autorités militaires et diplomatiques allemandes. Il existait un réel danger que les ministres, s'ils tombaient aux mains des Allemands, soient arrêtés comme ayant fait partie de gouvernements belges qui avaient persisté dans leur soutien aux gouvernements républicains espagnols soutenus par les communistes. Pierlot et Spaak les comprirent encore mieux lorsque, ayant passé la frontière espagnole dans l'espoir de parvenir au Portugal, ils furent bloqués dès leur arrivée sans aucune explication quant au sort qu'on leur réservait. Arriva alors providentiellement le ministre des colonies Albert de Vleeschauwer, venu d'Angleterre, où il était parti avec les pleins pouvoirs pour sauvegarder les intérêts belges en Afrique. Il était muni de passeports diplomatiques portugais, mais il fallut cependant organiser une traversée clandestine de l'Espagne pour les deux ministres qui ne parvinrent au Portugal qu'après s'être cachés derrière le double fond d'une camionnette appartenant à un ennemi du régime du général Franco

Installé à Londres à la tête du gouvernement en exil, Pierlot put diriger l'effort de guerre belge avec trois escadrilles dans la Royal Air Force, une en Afrique ainsi que les campagnes victorieuses des troupes du Congo belge contre les troupes italiennes d'Abyssinie. En même temps se reconstituait une force terrestre qui, plus tard, allait participer à la libération de la Belgique.

Sous l'égide du ministère des Colonies, le Congo belge participait aussi par des fournitures stratégiques (bauxite, uranium, etc. et céréales) avec le concours de la marine marchande dont la plus grande partie avait pu échapper à la capture. Les livraisons belges donnèrent lieu, plus tard, à des paiements par les Alliés, notamment les Américains, qui contribuèrent au redressement de la Belgique d'après-guerre.

Dans la suite des années, le roi ne donne aucun signe d'une évolution de la ligne politique qu'il s'est imposée. Il refuse de renouer avec le gouvernement en arguant de son état de prisonnier et de son « impossibilité de régner » telle que décrétée par ce même gouvernement en . On sait, cependant, qu'il autorisa le chef de sa maison militaire, le général Tilkens, à procurer des armes à un mouvement de résistance, le (Mouvement national royaliste). Les ministres ont essayé à plusieurs reprises de reprendre le contact durant le conflit. Ils le faisaient d'ailleurs autant dans l'intérêt de la Belgique que de la monarchie et, par conséquent, de Léopold III lui-même. Celui-ci restait apparemment dans son attitude d'attentisme renforcée par sa situation, entouré de soldats allemands et accompagné partout, même dans ses promenades dans le parc du château, par un aide de camp allemand, Werner Kiewitz[9]

Le roi étant très critiqué par les Alliés, Pierlot se résolut en à charger son beau-frère François De Kinder d'une mission de la dernière chance, dite mission Xavier, pour convaincre le roi de chercher à trouver une réconciliation avec le gouvernement. Il s'agissait d'oublier les divergences de . Mais De Kinder fut arrêté et abattu par les Allemands sans que l'on sache les suites qu'une telle entrevue aurait pu avoir. Ainsi Pierlot perdait celui qu'il considérait comme un ami, après avoir perdu son frère Jean, également arrêté par les Allemands, et, en , deux de ses fils, brûlés dans l'incendie d'un train qui les amenait dans un collège anglais où ils poursuivaient leur scolarité.

À la fin de 1941, Léopold III (veuf depuis la mort de la reine Astrid dans un accident de voiture en 1935) se remarie avec Lilian Baels. L'annonce en est faite dans les églises par un message du cardinal van Roey, ce qui révèle à l'opinion publique que, tout en étant « prisonnier », le roi bénéficie cependant d'une liberté que n'ont pas les militaires prisonniers en Allemagne, loin de leurs familles et de leurs amours. Il en résulte le début d'une désaffection dans le peuple belge. À Londres, le gouvernement Pierlot ne fait aucun commentaire.

Léopold III campa toujours sur sa position. Le « Testament royal », texte politique de portée générale, est, finalement, la réponse du souverain au gouvernement. Pierlot a pu prendre connaissance des éléments essentiels de cet écrit dès . Plusieurs d'entre eux sont très embarrassants pour le souverain qui parle notamment d'occupation allemande et anglo-américaine (à venir), qui n'utilise jamais le terme « Alliés », qui exige le retour à une stricte observance de la politique de neutralité d’avant-guerre (remettant en cause tous les traités signés par le Gouvernement pendant la guerre). Enfin, Léopold III réclamait une réparation solennelle et entière à son égard de la part des ministres belges comme préalable à toute entente.

Le même mois de Léopold III était déporté en Allemagne par les Nazis. Pierlot aurait espéré que le souverain renonce à diffuser sa prose. Mais cela ne fut pas possible car Léopold III y tenait absolument. Churchill et Roosevelt purent donc lire ce texte. Du point de vue des Alliés, la cause de Léopold III était dès lors entendue : il devait abdiquer.

De retour en Belgique le , Pierlot est resté à la tête du gouvernement jusqu'en . Il occupait désormais la fonction contre son goût, mais il voulait présenter son action et celle de ses collègues avant de quitter le pouvoir exécutif. À cette date, il croit encore possible un retour du roi.

En attendant une évolution de la situation, le frère du roi, Charles, prête serment comme régent du royaume.

Léopold III restant fidèle à ses exigences et à ses positions de 1940, malgré sa « déportation » et malgré la victoire alliée, des ministres, ainsi que de nombreux hommes politiques et notables belges défilent chez lui, en exil en Suisse, à Pregny de 1944 à 1950 pour tenter de trouver une entente, mais Pierlot n'est jamais convié à Pregny. À partir de 1945, il s'est en effet rangé dans le camp des partisans de l'abdication. Peu des siens au Parti social-chrétien sont de cet avis, du moins publiquement.

L'ancien Parti catholique, devenu Parti social-chrétien (PSC), est, en effet, le parti le plus proche du souverain, celui dont l'électorat, en majorité flamand, est le plus attaché à la Couronne, alors que, dans l'opposition au roi des socialistes, communistes et d'une partie des libéraux, on parle d'instaurer une république ; pour Pierlot il est urgent de dissocier la monarchie du destin du pays. Il faut aussi éviter de compromettre la cause du roi avec les intérêts moraux et matériels des mutuelles, syndicats et écoles du parti social- chrétien. C'est qu'en effet, le soutien de l'aile droite du parti à la cause du roi menace les positions du PSC et de ses réseaux sociaux et scolaires, qui pourraient être entraînés dans la chute du parti si celui-ci venait à être brisé en cas de disparition de la monarchie.

Pierlot a l'occasion de développer son point de vue, en 1947, dans une série d'articles retentissants parus dans Le Soir de Bruxelles. Cette prise de position ne lui sera jamais pardonnée au Palais et dans l'opinion catholique, à l'exception des démocrates-chrétiens. Elle venait pourtant après une série d'attaques ad hominem d'une rare violence et d'études partiales. Pierlot voulait parler au nom de la « Vérité » qui a « ses droits ».

Ainsi, la « Question royale » avec l'opposition d'une forte minorité des Belges au retour de Léopold III, surtout « la gauche » et une grande part des libéraux, avait des racines profondes. Un référendum eut lieu en 1950 offrant à l'opinion publique de se prononcer sur le retour du roi exilé en Suisse pendant que son frère Charles assurait la régence. Le résultat ayant donné une faible majorité en faveur du roi, celui-ci, devant les troubles qui éclataient dans la population, se résigna à abdiquer en faveur de son fils qui devient le roi Baudouin de Belgique.

Dès lors, retiré de la politique, Pierlot vécut les dernières années de sa vie isolé, soutenu par quelques rares amis. Il meurt à l'âge de 80 ans dans la commune bruxelloise d'Uccle en 1963.

Fonctions

  • Ministre d'État.
  • Premier ministre, 1939-1945.
  • Ministre de la DĂ©fense nationale, 1942-1944.
  • Ministre des Travaux publics, 1943-1944.
  • Ministre de la Justice, 1937, 1940-1942.
  • Ministre de l'Instruction publique, 1940.
  • Ministre de l'Agriculture, 1935, 1936-1938, 1939.
  • Ministre de l'IntĂ©rieur, 1934-1936.
  • Membre de la Chambre des reprĂ©sentants.
  • Major honoraire de l'infanterie (1914-1918).

Archives

Les archives du Comte Hubert Pierlot sont conservĂ©es aux Archives gĂ©nĂ©rales du Royaume Ă  Bruxelles. Elles ont trait aux annĂ©es 1914 Ă  1972. Si le fonds aborde l’ensemble du parcours politique du ministre d’État, les documents focalisent leur attention sur la pĂ©riode de l’invasion et de l’exil (1940-1944). La valeur historique de nombre de documents relatifs Ă  l’avant-guerre, la LibĂ©ration et l’après-guerre est digne d’intĂ©rĂŞt. Les documents d’ordre familial ou personnel sont d’autant plus prĂ©cieux qu’ils sont rares. L'inventaire des archives a Ă©tĂ© publiĂ© par les Archives gĂ©nĂ©rales du Royaume en 2017.

Ces archives sont librement consultables à partir du . Avant cette date, elles pourront être données en communication moyennant l’autorisation écrite préalable de l’Archiviste général du Royaume après avis des ayants-droit.

Notes

  1. Roger Keyes: Un règne brisé, Léopold III, page 466 et suivantes, Ed.Duculot Paris-Bruxelles, 1985
  2. Paul-Henri Spaak, Combats inachevés, Ed. Fayard, Paris 1969, tome I, p. 59.
  3. LĂ©opold III, Pour l'Histoire"", Racine 2001, p. 62.
  4. Servir, Paris 1946.
  5. Outrageous Fortune, Londres, Un règne brisé, Ed. Duculot, Paris-Bruxelles 1985.
  6. Le 18e jour, Colonel RĂ©my, Ed. France Empire, Paris 1975.
  7. P. Van den Dongen, Hubert Pierlot, Bruxelles, Le Cri, 2010, p. 219 et A. De Jonghe, Hitler en het politieke lot van BelgĂŻe, 1972, pp. 120-121 et J. Velaers, H. Van Goethem, LĂ©opold III, de Koning, , het Land, de Oorlog, Tielt, Lannoo, 2001 (3e Ă©dition)pp. 376-387
  8. Roger Keyes, Guy Scheyven, Échec au roi: Leopold III 1940-1951, Duculot, 1986 - 360 pages
  9. Kiewitz, officier allemand suspecté par les Nazis de complaisance envers le roi Léopold III, fut envoyé sur le front de l'Est pour s'y faire tuer. Il en revint cependant, mais lourdement invalide.

Annexes

Bibliographie

  • Roger Keyes, Un règne brisĂ©. LĂ©opold III, 1901-1941, Gembloux, Duculot, 1985, ann., cart., ill., ind., 576 p.
  • Thierry Grosbois, Pierlot 1930-1950, Éditions Racine, Bruxelles, 2007 (ISBN 978-2-87386-485-9)
  • Yves-William Delzenne & Jean Houyoux - Le nouveau Dictionnaire des Belges, Bruxelles, tome 2, p. 162.
  • Pierre Van den Dungen, Hubert Pierlot (1883-1963), La Loi, le Roi, la LibertĂ©, Bruxelles, Le Cri, .

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.