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Histoire de la réglementation de la vitesse sur route en France

L'histoire de la réglementation de la vitesse sur route en France commence avec l’ordonnance du préfet de police de Paris de 1893, continue avec la réduction à 80 km/h sur routes bidirectionnelles en 2018 et se poursuit jusqu’à nos jours.

Sur tout ce temps elle oppose d'une part les partisans de la sécurité routière qui veulent réduire la mortalité, l'accidentalité et les blessures et d'autre part les partisans de vitesse plus élevées au nom de l'automobile et de la liberté.

Si la première vitesse maximale autorisée date de 1893 et s'applique alors à Paris et aux lieux habités, aucun seuil n'est fixé dans le premier code de la route qui apparaît en 1921. Le conducteur doit maîtriser son véhicule. Cette situation perdure jusqu'en 1962 où la vitesse est limitée en agglomération à 60 km/h. Aucun seuil de vitesse n'est fixé hors agglomération jusqu'en 1973 sauf à l'occasion de quelques expériences sur un nombre limité de kilomètres de routes nationales, notamment en 1969 et en 1970. Le , la vitesse maximale autorisée est fixée à 100 km/h sur l'ensemble du réseau, excepté les autoroutes et la partie déjà limitée à 110 km/h, puis en à 120 km/h sur autoroutes et 90 sur les autres routes.

Pendant une courte période de 1974, les vitesses maximales autorisées sont fixées à 140 km/h sur autoroutes, 115 km/h sur voie express et 90 km/h sur les autres routes pour finalement être fixées à respectivement 130, 110 et 90 km/h. En 1990, la VMA en agglomération est ramenée à 50 km/h. Enfin en 2018, la vitesse maximale autorisée sur routes est à nouveau modifiée avec l'instauration du 80 km/h sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central.

Des premières réglementations au premier code de la route (1860 – 1921)

Des locomotives routières aux premières automobiles (1860-1878)

Le Service régulier entre Paris et Versailles, au moyen des remorqueurs à vapeur de Mr Ch. Dietz.

Si l’automobile proprement dite peut être définie comme un véhicule mécanisé léger destiné au transport « particulier » (quelques passagers), elle apparaît dans les années 1860 avec des services réguliers de transports utilisant des machines à vapeur[1]. Dès les années 1830, des essais de lignes régulières de transport en commun sur route avec les remorqueurs à vapeur de Charles Dietz ont lieu comme la ligne de la place du Carrousel de Paris à Versailles en 1835. Après avoir créé sa première locomotive routière « l’Éclair » en 1830, François René Lotz accomplit quant à lui en 1866 le trajet de Nantes à Paris en huit jours, en remorquant trois fourgons chargés[2].

La législation française, contrairement à celle de la Grande-Bretagne, encourage alors l’utilisation de locomotives sur route par un décret de 1866 qui se rattache, non pas à la Loi sur le roulage de 1851, mais à la législation des chemins de fer[3]. La vitesse est limitée à 20 km/h. « Cette vitesse devra d’ailleurs être réduite à la traversée des lieux habités ou en cas d’encombrement sur la route. Le mouvement devra également être ralenti, ou même arrêté, toutes les fois que l’approche d’un train, en effrayant les chevaux et autres animaux, pourrait être cause de désordre ou occasionner des accidents. »[4].

La Mancelle à vapeur de 1878, exposée au château de Compiègne.

L’apparition de vĂ©hicules Ă  traction mĂ©canique lĂ©gers destinĂ©s au marchĂ© des voitures particulières de transport de personnes, et non plus au transport collectif va tout changer. L’ObĂ©issante et ses 12 passagers en est une des premières illustrations. AmĂ©dĂ©e BollĂ©e inaugure ce marchĂ© avec La Mancelle, en 1878. De type Victoria, pour quatre passagers plus les chauffeurs, dĂ©passant 35 km/h, ce vĂ©hicule est construit en petite sĂ©rie par BollĂ©e en France, et en Allemagne par Barthold Aerous Ă  qui il en avait concĂ©dĂ© la fabrication (certains auteurs parlent de plusieurs centaines d’exemplaires)[5].

Panhard-Levassor
Une Panhard-Levassor (1890-1895).

Ordonnance du préfet de police de Paris (1893) : 12 km/h en agglomération

La première réglementation applicable aux automobiles, au sens moderne du terme, apparaît avec l’Ordonnance du préfet de police Louis Lépine , sur le fonctionnement et la circulation sur la voie publique, dans Paris et dans le ressort de préfecture de police du des véhicules à moteur mécanique, autres que ceux qui servent à l’exploitation des voies ferrées concédées[6]

La vitesse de 20 km/h autorisĂ©e partout par l’Ordonnance du , est abaissĂ©e Ă  12 km/h en agglomĂ©ration. Elle fait maintenant l’objet de dispositions plus complexes et surtout plus prolixes ! Par exemple, l’article 14 prĂ©cise que « le conducteur de l'automobile devra rester constamment maĂ®tre de sa vitesse. Il ralentira ou mĂŞme arrĂŞtera le mouvement toutes les fois que le vĂ©hicule pourrait ĂŞtre une cause d’accident, de dĂ©sordre ou de gĂŞne pour la circulation. La vitesse devra ĂŞtre ramenĂ©e Ă  celle d’un homme au pas dans les passages Ă©troits ou encombrĂ©s. En aucun cas, la vitesse n'excĂ©dera celle de 30 kilomètres Ă  l’heure en rase campagne et de 20 kilomètres Ă  l’heure dans les agglomĂ©rations sauf exceptions prĂ©vues Ă  l’article 31 [qui traite des courses]. »[7] - [8] - [9].

Vélocipèdes (1896) : « allure modérée »

Concernant les vĂ©locipèdes, l’État essaye d’unifier les rĂ©glementations locales, avec une circulaire aux prĂ©fets du . Le cycliste doit rouler Ă  une « allure modĂ©rĂ©e » dans les agglomĂ©rations, aux carrefours et tournants. Cette notion est ambiguĂ«, pour ne pas dire incomprĂ©hensible. La commission qui a prĂ©sidĂ© Ă  l'Ă©laboration de cette nouvelle règle prĂ©cise en effet que « l'allure modĂ©rĂ©e doit ĂŞtre entendue d’une vitesse telle que le cycliste puisse au besoin arrĂŞter sa machine dans l'espace de 4 Ă  5 mètres, c’est-Ă -dire ne dĂ©passant pas 10 kilomètres Ă  l’heure pour les lignes droites et de 8 kilomètres pour les carrefours et les tournants. Ă€ Paris, dans les quartiers mĂŞme les moins populeux, une allure dĂ©passant la vitesse de 16 kilomètres sera considĂ©rĂ©e comme excessive. »[10].

Voitures particulières (1899) : 30 km/h en rase campagne

Le marchĂ© des « voitures particulières » et « voitures publiques » s’étend. Après La Mancelle d’AmĂ©dĂ©e BollĂ©e en 1878, des tricycles et voitures Ă  vapeur apparaissent Ă  la fin des annĂ©es 1880, fabriquĂ©s par De Dion-Bouton, Mors, Serpollet, etc[11]. MĂŞme si le nombre des vĂ©hicules motorisĂ©s reste très limitĂ© (en mars 1899, il ne doit pas atteindre 3 000 automobiles et 9 000 motocycles, alors qu’il y avait 130 000 fiacres en 1895), une rĂ©glementation des automobiles devient souhaitable et est mise en Ĺ“uvre avec le dĂ©cret portant règlement pour la circulation des automobiles du , qui promulgue ainsi la première rĂ©glementation nationale[12]. Le dĂ©cret – et l’Administration en gĂ©nĂ©ral – utilisent alors le substantif « automobile » de façon ambiguĂ«, avec les deux sens de « vĂ©hicule motorisĂ© en gĂ©nĂ©ral » ou de « vĂ©hicule motorisĂ© autre que les motocycles ». Les vitesses autorisĂ©es augmentent, 20 km/h en agglomĂ©ration et 30 km/h en rase campagne contre 12 et 20 km/h dans l’arrĂŞtĂ© de 1893, et l’exposĂ© des règles est considĂ©rablement simplifiĂ©[8].

Multiplication des limitations de vitesse locales

Il existait déjà avant 1899 quelques arrêtés municipaux limitant la circulation et la vitesse des automobiles, sur le modèle de ceux qui restreignaient la circulation des bicyclettes[13]. En 1895, à Nice, on trouve un des premiers arrêtés sur la circulation des automobiles, la vitesse maximum des automobiles y est limitée à dix kilomètres à l’heure[14].

La Circulaire du ministre des Travaux publics aux préfets du semble interdire les réglementations locales, bien que le décret lui-même soit muet sur ce point. Mais de nombreux maires ne l’entendent pas ainsi. Très rapidement, de nouveaux arrêtés municipaux sont pris, notamment pour limiter drastiquement les vitesses des automobiles[14], des arrêtés plus ou moins vexatoires et « autophobes », que les préfets hésitent à annuler et que les automobilistes dénoncent. Un de ces arrêtés, célèbre par son côté provocateur, est pris par le docteur Delarue, député maire de Gannat (Allier) en . Il spécifiait[15] :

« 1°. Les conducteurs d’automobiles ne devront pas dĂ©passer dans la traversĂ©e de la ville de Gannat la vitesse d’un cheval au pas. [environ 6 km/h] ;
2°. Sur le territoire du reste de la commune cette vitesse ne devra pas excéder celle d’un cheval au trot. […] ;
3°. Le Maire invite les citoyens à prêter main-forte à la police et même à protéger la sécurité publique en tendant à travers les rues, à l’approche des véhicules en contravention, des chaînes, des cordes et de solides fils de fer.
»

Le plus grand désordre règne d’ailleurs entre les attitudes des préfets[16], qui ne sont pas non plus en reste, comme le préfet des Alpes-Maritimes qui limite à 12 km/h la vitesse dans toutes les agglomérations du département en mars 1901, déclenchant les protestations de l’Automobile-Club de Nice. Il doit d’ailleurs bientôt rapporter ledit arrêté[17].

Mais, après divers procès, la Cour de cassation établit une jurisprudence, notamment par ses arrêts des et , qui cassent des jugements de tribunaux de simple police qui avaient reconnu les limites de vitesse sur les routes de rase campagne établies à tort par des arrêtés municipaux.

Arbitraire policier et judiciaire et mesure des vitesses

Amende pour excès de vitesse au bois de Boulogne, Anna Palm de Rosa.

En fait, ce qui préoccupe vraiment les automobilistes, leurs représentants et leur presse, est la pratique du contrôle et des sanctions. Contrairement à la querelle sur la légitimité des arrêtés municipaux, cette question va persister, et même s’envenimer, jusqu’en 1914[18]. La répression des contraventions aux règlements de la circulation, nationaux ou locaux, n’a en effet pas fait l’objet d’une réglementation au niveau national et le plus grand libre arbitre règne alors[19].

Si l’on ne peut guère soupçonner les agents de s’être trompĂ© sur une plaque manquante ou un feu non allumĂ©, les constats des vitesses pratiquĂ©es, ainsi que leur prise en compte par le tribunal, relèvent de la plus haute fantaisie (un automobiliste de Villeurbanne avait Ă©tĂ© condamnĂ© pour avoir parcouru, selon la police, 300 mètres en 2 secondes, soit du 540 km/h, selon L'Auto du 20-21 novembre 1904.)[20].

Code de la route de 1921 : « rester maître de sa vitesse »

Un Décret du , crée une nouvelle commission, temporaire, chargée de l’élaboration du Code de la route[21]. La Commission produit un « Projet de Code de la Route » vers la fin 1911, qui est ensuite soumis à une vaste consultation auprès des préfectures, des collectivités locales et des entreprises et services publics[22]. En 1921, la décision de se passer d’une loi est prise et le Code de la route parait sous la forme d’un simple Décret du , amendé par le décret du . Mais un grand nombre de questions ne sont pas être traitées faute d’une Loi rénovée[23].

La Commission ne fixe pas de limites de vitesse générale, proposant la formule qui sera celle du Code pendant soixante ans : « Le conducteur d’un automobile doit rester constamment maître de sa vitesse. » (art.8 du décret de 1921 ou du décret de 1922[24] - [25] - [26]. Le commentaire pour justifier l'absence de seuil de vitesse est peu argumenté. Les positions des partisans d’une vitesse maximum et de la liberté des vitesses sont exposées de façon descriptive. Il n’y a aucune référence statistique. Le principal argument paraît avoir été la difficulté (bien réelle) de l’application d’une réglementation des vitesses, avec son cortège d’arbitraire et de récriminations[27].

Pour limiter les dĂ©gradations des chaussĂ©es, le chapitre III impose toutefois des limitations de vitesse aux vĂ©hicules automobiles dont le poids total en charge est supĂ©rieur Ă  3 tonnes. Les vitesses maxima indiquĂ©es sont variables selon la catĂ©gorie de vĂ©hicule : s’il a des bandages rigides ou Ă©lastiques, s’il transporte des personnes ou pas et selon le poids total en charge[28].

Vers le deuxième code de la route (1921-1954)

Développement du parc automobile et du réseau routier

Dans l’entre-deux-guerres, le transport de marchandise attelĂ© et les tramways et chemins de fer sur route laissent place respectivement au camion et Ă  l’autobus tandis que l’automobile particulière et la motocyclette finissent de remplacer la voiture particulière attelĂ©e. Le parc de bicyclettes double. Le trafic routier de voyageurs quadruple, celui de marchandises double[29]. Le rĂ©seau routier se dĂ©veloppe Ă©galement, mĂŞme si le plan d’amĂ©nagement ne concerne en 1932 que la rĂ©gion parisienne et en 1938 la rĂ©gion lyonnaise, tandis que parallèlement l'Allemagne dĂ©veloppe un rĂ©seau autoroutier (au , l’Allemagne avait ouvert 3 077 km d’autoroutes et 2 095 km Ă©taient en chantier[30]).

Évolution de la réglementation en fonction de l'évolution des caractéristiques

Le Code de la route de 1921 impose donc des limites générales de vitesse aux poids-lourds, sans préjudice des réglementations locales plus contraignantes. Ces limites sont liées à la nature des bandages de roues. Ainsi, une substitution progressive des pneumatiques aux bandages rigides ou simplement élastiques est poursuivie de façon très systématique de 1921 à 1939[31].

Un ArrĂŞtĂ© de 1932 modifie une première fois les vitesses autorisĂ©es en fonction des bandages et des poids. Il y a trois catĂ©gories de poids Ă©chelonnĂ©es entre 3 000, 6 500 et plus de 10 000 kg, et il n’existe plus de distinction entre les camions et les transports de voyageurs. Il distingue les « bandages Ă©lastiques » (20 Ă  30 km/h) et les « bandages pneumatiques » (45 Ă  65 km/h). Les vĂ©hicules de plus de 2,20 mètres de largeur sont limitĂ©s Ă  50 km/h[32].

Limiteur ou enregistreur de vitesse (1937)

En 1937, un DĂ©cret impose aux plus gros poids lourds « dont le gabarit ou le chargement dĂ©passe 2,20 mètres de largeur ou 8 mètres de longueur, remorques comprises […] Ă  l’exception de ceux assurant des services urbains » :

  • soit un « limiteur de vitesse […] rĂ©glĂ© en palier pour la vitesse maximum autorisĂ©e »,
  • soit « un enregistreur de vitesse dont les bandes seront conservĂ©es trois mois au moins et tenues Ă  la disposition des agents chargĂ©s de la police de la route. »[33].

Autorisations permanente pour transports exceptionnels (1939) : 25 km/h

Le Code de la route refondu de 1939 prévoit pour la première fois des dérogations au principe de « l’autorisation des transports exceptionnels au cas par cas » en permettant d’accorder des « autorisations permanentes » dans certains cas. De telles autorisations permanentes sont établies par un arrêté du pour les pièces de grande longueur d’un usage courant dans la construction. La vitesse maximale est fixée à 25 km/h[34].

Augmentation des réglementations locales en agglomération

Ă€ Paris, en 1933, il n’y a pas de limite de vitesse pour les vĂ©hicules de moins de 3 000 kg. Les vitesses autorisĂ©es aux poids lourds y sont infĂ©rieures de 10 km/h seulement Ă  celles du Code de la route. Pour les poids lourds munis de pneumatiques, elles sont de 55, 45 et 35 km/h pour les classes de 3 Ă  6,5 tonnes, 6,5 Ă  10 tonnes et plus de 10 tonnes. Ă€ Lyon, cette mĂŞme annĂ©e 1933, les limites sont de 25 km/h pour les voitures particulières et 18 km/h pour les poids lourds munis de pneumatiques (15 et 12 km/h avec divers bandages Ă©lastiques)[35].

Hors Paris, les 79 communes de la Seine s’accordent sur une limite de 20 km/h en 1926[36]. En Seine-et-Oise, un arrêté préfectoral de 1938 fixe une limite générale de vitesse en agglomération à 40 km/h pour les voitures particulières (30 km/h pour les camions avec pneumatiques), sous réserve de décisions municipales fixant des vitesses inférieures. Les limites de 10 km/h pour les poids lourds et 20 km/h pour les automobiles sont retenues dans l’Indre-et-Loire (comme dans la Seine hors Paris)[35].

Gouvernement de Vichy (1940-1944)

Le gouvernement de Vichy prend un certain nombre de décrets ou lois (du type des « décrets-lois » d’avant guerre), qui seront pour la plupart annulés à la Libération. Les plus importants qui subsistent sont la « loi » réprimant les attentats dirigés contre la circulation routière () et la création d’une sous catégorie des motocyclettes, les « vélomoteurs » ()[37].

Il revient, en dĂ©cembre 1941, sur la limitation de vitesse en rase campagne, abandonnĂ©e de fait – sinon en droit – vers 1910, en Ă©tablissant une « limitation gĂ©nĂ©rale des vitesses » Ă  40 km/h en agglomĂ©ration et, en rase campagne, Ă  80 km/h pour les voitures particulières, 60 km/h pour les petits camions (moins de 2 tonnes de charge utile) et 40 km/h pour les plus gros[37].

Code de la route de 1954

Le Décret portant règlement général sur la police de la circulation et du roulage du refond et réorganise le Code de la route de 1939 et ses quelques modifications intervenues avant 1954[38]. L’article 10 est consacré à la question de la vitesse. La formulation utilisée déjà dans le code de 1921 est réutilisée : « Tout conducteur doit constamment rester maître de sa vitesse et mener avec prudence son véhicule ou ses animaux ». Des conseils de réduction de vitesse sont préconisés dans la traversée des agglomérations et en dehors des agglomérations dans certains cas particuliers (route non libre, conditions de visibilité insuffisantes, dans les virages ou descentes raides, etc), mais aucun seuil de limitation de vitesse n’est imposé dans le code[39] - [40] - [41].

Vers la première limitation générale de vitesses (1954 - 1973)

Premières expérimentations de limitations de vitesse (1954-1962)

La DS 19 Citroën de 1955 atteint 140 km/h avec 56 CV.

Meilleures performances des véhicules et augmentation des accidents

Les performances des véhicules s’améliorent (par exemple la 15 CV Citroën de 1932 dépassait juste les 100 km/h avec 36 CV, alors que la DS 19 Citroën de 1955 atteint 140 km/h avec 56 CV).

Parallèlement le nombre des accidents augmente[42], avec une connaissance qui s’améliore puisqu’en 1953-1954, la direction des routes teste et met en place un nouveau système statistique avec traitement informatique permettait des analyses plus faciles et plus complètes. Le document de base est un « formulaire » dénommé plus tard « bulletin d’analyses d’accident corporel de la route » (BAAC). Le premier document réalisé avec les nouvelles statistiques concernant 1954 est publié en 1955 sous le titre « Les accidents corporels de la circulation routière en 1954 » et perdure jusqu’à nos jours sous une forme similaire[43].

Émergence de la nécessité d’une limitation générale (1955-1957)

Les projets de limitation générale des vitesses qui avaient été pratiquement abandonnés dans l’entre-deux-guerres sont dès lors remis à l’honneur. Le député Paul Coirre propose en juin 1955 une limitation à « 100 km/h sur route […] sous réserve de dérogations pour certains secteurs » qu’il diffuse par voie de presse. Il est suivi, le , par le député Jean Lainé qui propose une vitesse libre sur autoroute, 90 km/h « sur les nationales et départementales à deux voies » et 70 km/h « sur les départementales sans tracé de voies »[42].

Le ministre de l'intérieur Jean Gilbert-Jules, faisant le point sur ses projets en matière de sécurité devant l'Assemblée en 1957, précise : « On peut envisager aussi une limitation de la vitesse de circulation. ». Mais aucune limitation de vitesse n’est retenue dans le projet de loi présenté par la commission des lois en 1958 pour le nouveau Code de la route et aucun député ne proposera d'amendement à ce sujet lors du débat de janvier-février 1958. Par contre, le ministre des travaux publics Robert Buron commencera à la faire expérimenter dès 1958[42].

Expériences de limitations de vitesse (1958-1959)

Une première expĂ©rience de limitation de vitesse Ă  80 km/h sur 900 km de routes nationales est faite durant les trois derniers week-ends de l'Ă©tĂ© 1958, suivie en 1959 de celle que le Touring-Club de France salue comme l’« expĂ©rience Buron » pendant les journĂ©es de pointe de l’étĂ© (voitures Ă  90 km/h et camions Ă  70 km/h). Une expĂ©rimentation plus Ă©tendue est faite en 1960 pendant les week-ends de six mois de printemps et d’étĂ© sur 2 100 km de grands axes, Ă  100 km/h pour les vĂ©hicules particuliers et petits utilitaires et Ă  70 km/h pour les plus de 3,5 tonnes. Elle est renouvelĂ©e en 1961 en diminuant encore les vitesses maximales Ă  90 km/h et 65 km/h[44].

Limitations générales

Quelques mesures seront encore prises dans la foulée durant l’année 1962, avec quelques textes importants[45] sur :

  • la limitation de la vitesse en agglomĂ©ration Ă  60 km/h, avec dĂ©rogation possible Ă  80 km/h s’imposant si la municipalitĂ© n’a pas dĂ©jĂ  dĂ©cidĂ© des limites infĂ©rieures (dĂ©cret du 12 octobre 1962) [46] ;
  • l’imposition aux cyclomoteurs d’une limite de vitesse par construction Ă  50 km/h et d’un âge minimum de 14 ans pour leur conduite ;
  • le reclassement des cyclomoteurs dĂ©passant 50 km/h parmi les vĂ©lomoteurs, ce qui impose Ă  leurs usagers de passer le permis vĂ©lomoteur (l’arrĂŞtĂ© indique que certains modèles homologuĂ©s en cyclomoteur dĂ©passaient 80 km/h !).

Boulevard périphérique parisien : 60 km/h (1962) puis 80 km/h (1965)

Lorsque les premiers tronçons du boulevard pĂ©riphĂ©rique parisien sont mis en service, la vitesse y est limitĂ©e Ă  60 kilomètres Ă  l'heure, pour tester les possibilitĂ©s de la nouvelle voie avec les diffĂ©rents moyens de transport qui l'empruntaient et surtout l'usage qu’en feraient les automobilistes. Cette limitation est confirmĂ©e par le dĂ©cret du puisque cette voie est en agglomĂ©ration et ne fait pas l’objet de dĂ©rogation. Toutefois cette dĂ©rogation intervient en 1965 avec l'arrĂŞtĂ© du , portant la vitesse maximale autorisĂ©e sur le boulevard Ă  80 km/h, sauf dans certaines zones dangereuses (au droit de la porte d'OrlĂ©ans et en extrĂ©mitĂ© des pistes rapides)[47].

Gel des réformes

À partir de 1963, aucune des réformes déjà amorcées n'est poursuivie : les automobilistes continuent à rouler sans limitation de vitesse réglementaire sur routes, même durant les week-ends de printemps et d’été ; les cyclomoteurs vont de plus en plus vite, malgré l’imposition d’une « limite de vitesse par construction à 50 km/h » en 1962, puis à 45 km/h en 1969, prescriptions d'ailleurs allègrement fraudées (les « kits de débridage » étaient toujours en vente libre 30 ans après)[48]. Il faut attendre 1966 pour que la sécurité routière soit à nouveau examinée à l’Assemblée[49].

Limitation pour les jeunes conducteurs

Un Décret du , accompagné de très nombreux arrêtés, réécrit et complète le Code de la route. Il comporte en particulier une limitation de vitesse à 90 km/h pour les conducteurs titulaires du permis depuis moins d'un an[50] - [51]. Cette disposition est toujours en vigueur dans le Code de la route, avec l'article 413-5, mais les limites sont de 110 km/h sur les sections d'autoroutes où la limite normale est de 130 km/h, 100 km/h sur les sections d'autoroutes où cette limite est plus basse, ainsi que sur les routes à deux chaussées séparées par un terre-plein central et 80 km/h sur les autres routes[52].

Limitations par construction des cyclomoteurs

En 1962-1963, la vitesse des cyclomoteurs est limitée par construction à 50 km/h, puis à 45 km/h en 1969[Note 1]. Les préfets sont enjoints par circulaire d’intensifier la lutte contre les homologations non conformes des cyclomoteurs et leur débridage. En pratique, ce fut une lutte sans fin, dans un climat de tolérance envers les constructeurs français (par exemple le Peugeot 103, qui fut fabriqué de 1971 à 2006, fait l’objet de modes d’emploi du débridage facilement accessibles sur Internet)[53].

Nouvelle expérience de limitation à 100 km/h avec modulations

Une nouvelle expĂ©rience de limitation de vitesse sur 1 600 km de routes nationales (RN 2, 7, 12, 23 et 133) commence le . Il s'agit d’une limitation permanente, et pas seulement durant les week-ends comme celles de Robert Buron de 1960. La vitesse fixĂ©e Ă©tait gĂ©nĂ©ralement de 100 km/h, modulĂ©e Ă  90 ou 120 km/h selon les zones[54].

La « Table Ronde » (1969-1973)

Tout de suite après son arrivée au pouvoir fin juin 1969, Jacques Chaban-Delmas dessaisit les principaux ministres concernés (Albin Chalandon pour l'Équipement et Raymond Marcellin pour l'Intérieur) et se charge lui-même de la politique de sécurité routière[55]. De là est née, compte tenu des premiers bilans, l'idée de réunir rapidement non plus seulement des comités interministériels et des conférences entre administrations, mais, ce qui est nouveau, une vaste table ronde groupant des représentants des administrations, des diverses associations spécialisées, des organisations professionnelles et des usagers eux-mêmes[56].

La « Table Ronde de sĂ©curitĂ© routière », telle qu'elle est dĂ©nommĂ©e, prĂ©vue en octobre « pour le salon de l'auto », se rĂ©unit en fait du au , sous la prĂ©sidence de Jacques Baumel. Concernant la limitation de vitesse, elle propose une expĂ©rience de limitation Ă  110 km/h en 1970 en vue de mesures dĂ©finitives Ă  appliquer en 1971[57] - [58]. Baumel indique en 1971 que : « Après un an d’expĂ©rimentation, l’étude systĂ©matique des rĂ©sultats [de l’expĂ©rience de limitation de vitesse Ă  110 km/h sur 13 000 kilomètres de routes commencĂ©e fin avril 1970] est actuellement adressĂ©e Ă  tous les membres de la table ronde qui auront Ă  en dĂ©battre d’ici quinze jours. »[59].

Mais le gouvernement Chaban-Delmas comporte en son sein même des adversaires confirmés de la limitation de vitesse comme André Fanton, secrétaire d’État auprès de Michel Debré, ministre de la défense nationale, qui coiffait la Gendarmerie, ou les ministres républicains indépendants. Christian Gérondeau, premier délégué à la sécurité routière nommé en 1972, signale que « plusieurs ministres exprimèrent publiquement leur désaccord » avec la décision de limitation généralisée de la vitesse de juin 1973[60].

La circulation des poids lourds ne fait l’objet que de peu de nouveautĂ©s. Les propositions de la Table Ronde prĂ©voient une « difficultĂ© accrue de l’examen du permis de conduire » et un « taux d'amende majorĂ© pour l’infraction Ă  la lĂ©gislation du travail ». La limitation gĂ©nĂ©rale des vitesses ne va pas amener de rĂ©organisation de leur propre système de limitations de vitesses. Or, les poids lourds sont limitĂ©s sur route Ă  80 km/h pour les plus gros et 90 km/h en dessous de 19 tonnes. Le problème de leur dĂ©passement par les vĂ©hicules particuliers limitĂ©s en 1973 Ă  90 km/h est posĂ©, mais ne sera pas rĂ©solu[61].

Limitation de vitesse en rase campagne Ă  100 km/h puis 90 km/h (1973)

Le , dĂ©bute une nouvelle expĂ©rience de limitation de vitesse concernant environ 1 600 km de routes nationales. Au dĂ©but de 1970, le Premier ministre est prĂŞt Ă  franchir le pas, et Ă  prononcer une limitation gĂ©nĂ©rale de vitesse Ă  100 km/h sur toutes les routes. Il n’en a pas la possibilitĂ©, car en avril 1970, il faut se rĂ©signer, une fois de plus, Ă  mettre en Ĺ“uvre une nouvelle « expĂ©rience ». Celle-ci concernerait un rĂ©seau plus Ă©tendu que prĂ©cĂ©demment : 13 000 kilomètres de routes environ. Mais le choix du niveau de la limitation de vitesse n’est pas laissĂ© libre, et le plafond adoptĂ© – 110 km/h – se rĂ©vèle rapidement insuffisamment efficace du point de vue de la sĂ©curitĂ©. Trois annĂ©es encore sont donc perdues[62].

Le dĂ©cret du pris par le gouvernement Messmer sous l’impulsion de ministre de l’intĂ©rieur de l’époque, Raymond Marcellin[50], limite finalement la vitesse Ă  100 km/h sur toutes les routes hors agglomĂ©ration, avec dĂ©rogations Ă  110 ou 120 km/h fixĂ©es par des arrĂŞtĂ©s ministĂ©riels ou prĂ©fectoraux (13 100 km d’itinĂ©raires sont concernĂ©s)[63] - [64].

La même année, le Premier ministre décide, certes pour limiter la consommation de carburant à la suite du premier choc pétrolier, mais aussi et surtout pour réduire les pertes en vies humaines, de limiter la vitesse sur autoroute à 120 km/h et sur toutes les routes à 90 km/h. Cette décision est traduite dans le décret du [64].

Soubresauts de 1974 (140 km/h sur autoroute, puis 130 km/h)

Les résultats de la mise en œuvre des décrets de 1973 sont immédiats et spectaculaires. En mars 1974, peu avant sa disparition, Georges Pompidou manifestait néanmoins une dernière fois sa réticence à l’égard de la mesure, et décidait de relever le plafond autorisé sur autoroute à 140 km/h (décret du [65]). Mais, le maximum autorisé sur autoroute est ramené à 130 km/h en novembre 1974 (décret du [66]), niveau auquel il se trouve encore actuellement[64].

Opposition et Ă©chec de la responsabilisation (1974 - 2000)

Cadre international : convention de Vienne (1968, entrant en vigueur en 1977)

La convention de Vienne sur la circulation routière est un traité multilatéral[Note 2] conçu pour faciliter la circulation routière internationale et pour améliorer la sécurité routière en harmonisant la réglementation routière entre les parties contractantes. Conclue le , elle est ratifiée par la France le et entre en vigueur le [67]. L’article 13 est relatif à la vitesse :

« Tout conducteur de véhicule doit rester, en toutes circonstances, maître de son véhicule, de façon à pouvoir se conformer aux exigences de la prudence et à être constamment en mesure d'effectuer toutes les manœuvres qui lui incombent. Il doit, en réglant la vitesse de son véhicule, tenir constamment compte des circonstances, notamment de la disposition des lieux, de l'état de la route, de l'état et du chargement de son véhicule, des conditions atmosphériques et de l'intensité de la circulation, de manière à pouvoir arrêter son véhicule dans les limites de son champ de visibilité vers l'avant ainsi que devant tout obstacle prévisible. Il doit ralentir et, au besoin, s'arrêter toutes les fois que les circonstances l'exigent, notamment lorsque la visibilité n'est pas bonne.

Les législations nationales doivent fixer des limitations de vitesse maximale pour toutes les routes. Les législations nationales doivent aussi déterminer des limitations de vitesse applicables à certaines catégories de véhicules présentant un danger spécial en raison notamment de leur poids ou de leur chargement. Elles peuvent prévoir de semblables dispositions pour certaines catégories de conducteurs, en particulier pour les conducteurs débutants. »

Associations d’automobilistes : toujours en opposition

L’Association Française des Automobilistes lance, en fĂ©vrier 1980, une grande campagne intitulĂ©e « Automobilistes, exprimez- vous », comprenant : une consultation de grande envergure dont 300 000 questionnaires furent remplis, la mise en place de commissions rassemblant des Ă©lus locaux et rĂ©gionaux dans 11 grandes villes, la rĂ©alisation de sondages, et la convocation des États gĂ©nĂ©raux des Automobilistes les 16 et [68]. Sans surprise, les conclusions de ces États gĂ©nĂ©raux – outre les traditionnelles rĂ©criminations Ă©conomiques sur le coĂ»t de l’assurance et les taxes sur les carburants – concernent Ă©galement la vitesse « Si le principe de limitation de la vitesse sur les routes n’est pas remis en cause, on estime aberrant le principe des seuils uniques Ă  90, 110 ou 130 km/h, la prĂ©fĂ©rence allant Ă  des seuils modulĂ©s selon les circonstances et la qualitĂ© de l’infrastructure[68].

Réglementations spécifiques (1982-1992)

Différentes dispositions sont prises pour les conduites avec une mauvaise visibilité ou pour limiter par construction la vitesse de certains poids lourds :

  • en 1982, les limites de vitesse par temps de pluie sont abaissĂ©es Ă  80, 100 et 120 km/h au lieu de 90, 110 et 130 km/h par temps sec[69] ;
  • en 1983 le limiteur de vitesse devient obligatoire pour les poids lourds neufs (90 km/h entre 10 et 19 tonnes, 80 km/h au-dessus de 19 tonnes) et les autocars (100 km/h avec antiblocage et 90 km/h sans antiblocage)[70] ;
  • en 1992, la vitesse est abaissĂ©e Ă  50 km/h en cas de visibilitĂ© infĂ©rieure Ă  50 mètres (dĂ©cret du 4 dĂ©cembre 1992)[71].

Durcissement des sanctions et 50 km/h en agglomération (1985-2000)

Peu de mesures réglementaires nouvelles sont prises sur la période 1985-2002, si ce n’est quelques compléments aux anciennes grandes mesures, comme une baisse de la vitesse limite en agglomération à 50 km/h en 1991[72] - [73] - [74]. Sur un plan médical, la statistique démontre qu'une vitesse au moment du choc réduite de 10 km/h peut épargner des vies humaines: « Médecins et chirurgiens ont ainsi constaté que, s'ils pouvaient sauver un blessé heurté à 50 km/h, ils ne pouvaient en général plus rien pour lui à 60 km/h. »[72].

Deux décrets visent à durcir les sanctions : création d’une contravention de 5e classe très onéreuse pour sanctionner « l’excès de vitesse égal ou supérieur à 50 km/h » dit « grand excès de vitesse » (Décret du ); et création d’un « délit de récidive de l’excès de vitesse égal ou supérieur à 50 km/h » accompagné de la création de la « responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule en cas de contrôle de vitesse sans interception et d’impossibilité d’identifier le conducteur » (mesures de la loi du dite « Loi Gayssot »)[50]. Mais ces textes seront peu utilisés, comme le montreront des évaluations de leur application[75].

Contrôles automatisés et durcissement des sanctions (2000-2015)

Intensification des contrĂ´les de vitesse

Radar automatique dit de deuxième génération (2006).

Le ComitĂ© interministĂ©riel de la sĂ©curitĂ© routière du exprime la nĂ©cessitĂ© d’intensifier les contrĂ´les de vitesse et dĂ©cide un renforcement de l’équipement des forces de l’ordre en moyens de contrĂ´le, notamment automatiques (160 millions de francs en trois ans)[76].

En 2003[77], le gouvernement valide la mise en place d'un dispositif expérimental « visant à automatiser la constatation de certaines infractions routières et l'envoi de la contravention ». Il s'agit d'un test grandeur nature qui s'appuyait sur le déploiement par la police et la gendarmerie d'une centaine d'appareils et qui dura un an. Le « Centre automatisé de constatation des infractions routières » (CACIR) est créé par décret le 6 décembre 2004.

Ă€ compter de cette date le nombre de radars va augmenter continuellement. Il s’établit Ă  70 au , 400 au , 1 003 au (690 fixes et 313 embarquĂ©s), 1 200 au , 1 850 au [78].

Sanctions en cas de dépassements des limites

Au début des années 2000, plusieurs textes viennent durcir les sanctions en cas de dépassement d’une limite de vitesse :

  • la loi du Ă©tend la rĂ©tention du permis sur place (dĂ©jĂ  appliquĂ©e pour la conduite sous l’influence de l’alcool) aux excès de vitesse de plus de 40 km/h[78] ;
  • le dĂ©cret du module les peines pour les excès de vitesse : elles sont aggravĂ©es pour les excès de plus de 50 km/h et minorĂ©es pour les excès de moins de 20 km/h hors agglomĂ©ration[79] - [80] ;
  • la loi du aggrave les sanctions pour les excès de vitesse de 50 km/h et renforçant l’application de la peine de confiscation du vĂ©hicule[80].

Nouvelles limitations par construction de certains véhicules lourds

En 2005 et 2006, de nouvelles dispositions sont prises pour limiter par construction la vitesse de certains types de véhicules

  • Un limiteur de vitesse par construction aux vĂ©hicules de transport en commun de dix tonnes et moins, ainsi qu’aux autres vĂ©hicules de PTAC compris entre 3,5 et 12 tonnes (dĂ©cret du [81]) ;
  • plafonnement des vitesses maximales autorisĂ©es des vĂ©hicules de transport de marchandise d’un poids total autorisĂ© en charge (PTAC) de plus de 3,5 tonnes et jusqu’à 12 tonnes Ă  90 km/h et celles des vĂ©hicules de transport en commun d’un PTAC jusqu’à 10 tonnes Ă  100 km/h (dĂ©cret no 2006-1812 du )[82].

Expérimentation de 110 km/h sur certaines autoroutes (2009)

Dans une perspective d'abaisser la vitesse sur autoroute de 130 km/h Ă  110 km/h sur le territoire national, une limitation Ă  110 km/h est expĂ©rimentĂ©e depuis le sur une partie des autoroutes (non concĂ©dĂ©es) A31, A30, A33 et A313 des quatre dĂ©partements de Lorraine (Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle et Vosges). Les autoroutes urbaines comme l'A330 dont la vitesse Ă©tait dĂ©jĂ  limitĂ©e Ă  110 km/h ont donc Ă©tĂ© abaissĂ©s Ă  90 km/h ainsi qu'une interdiction de doubler pour les poids-lourds de plus de 3,5 tonnes[83] - [84].

Zone 30 (1990)

Panneaux de signalisation d’une zone 30 et d’une piste ou bande cyclable conseillée et réservée aux cycles
Signalisation de la Zone 30 à l’entrée d’une rue à double sens cyclable et à sens unique pour les voitures.

Au cours des années 1980-90 : La démarche « ville plus sûre, quartiers sans accidents », aboutit à la création de la zone 30, définie dans l'article R110-2 du Code de la route par le décret du . Il s’agit d’une section ou ensemble de sections de voies constituant une zone affectée à la circulation de tous les usagers. Dans cette zone, la vitesse des véhicules est limitée à 30 km/h. Toutes les chaussées sont à double sens pour les cyclistes, sauf dispositions différentes prises par l'autorité investie du pouvoir de police. Les entrées et sorties de cette zone sont annoncées par une signalisation et l’ensemble de la zone est aménagé de façon cohérente avec la limitation de vitesse applicable.

Code de la rue (2006-2008)

Le 18 avril 2006, le ministre des Transports lançait la démarche code de la rue à laquelle participent les associations d’élus, de professionnels, et d’usagers. Cette démarche vise à mieux faire connaître la réglementation actuelle du code de la route en milieu urbain ainsi qu’à faire évoluer ce code afin de tenir compte de l’évolution des pratiques de l’espace public. Elle souhaite également promouvoir la sécurité des usagers vulnérables et l’usage des modes doux[85]. Trois critères principaux permettent de différencier les zones de circulation apaisées entre elles et par rapport aux autres voiries[86] :

  • la prioritĂ© donnĂ©e ou non au piĂ©ton sur les autres vĂ©hicules ;
  • le libre accès ou non aux vĂ©hicules motorisĂ©s ;
  • la vitesse limite pour les vĂ©hicules circulant dans la zone concernĂ©e.

Zones de rencontre : un nouvel espace à vitesse limitée à 20 km/h (2008)

Le décret du introduit dans le Code de la route un nouveau concept : la « zone de rencontre », un terme qui a d’abord été utilisé par les Suisses puis repris par les Belges avec des variantes du point de vue réglementaire. Le terme « rencontre » insiste sur le fait que le fonctionnement de ces zones repose sur l’établissement d’une relation entre les usagers permettant de gérer les conflits d’usage de l’espace public avec néanmoins une priorité donnée à l’usager le plus faible (le piéton) et une vitesse réduite à 20 km/h[87] - [88]

En 2009, 42 zones de rencontre avaient été réalisées (Aytré, Bagnères de Bigorre, Bordeaux, Caen, Charleville-Mézières, Clamart, Carnac, Douarnenez, Figeac, Issy-les-Moulineaux, Le Mans, Metz, Niort, Paris, Pont L'Abbé, Puteaux, Roubaix, Rouillon, Saint-Aubin S/Mer, Sceaux, Tournus, Tours, Villeurbanne etc.) et 26 étaient en projet (Brive, Cagnes s/Mer, Curis au Mont d'Or, Villeneuve-Lez-Avignon, Kernével, Lille, Lyon, Monistrol, Quimperlé, Rennes, Rouen, Saint Caradec, Saint Georges d'Orques, Saint Malo, Saint Priest, Strasbourg, Suresnes, Toulouse etc)[89].

Nouvelles réductions de vitesse possibles en agglomération : 30 km/h sur des périmètres larges (2015)

Depuis 1975, le maire peut prendre, sur le fondement de l’article R. 411-8 du code de la route, des mesures plus rigoureuses que celles définies par le code de la route, notamment en matière de fixation des vitesses maximales autorisées, sur les voies relevant de sa compétence en application des dispositions de l’article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales dès lors que la sécurité de la circulation routière ou l’intérêt de l’ordre public l’exige[90]. Cette disposition est élargie en 2015 à l'ensemble des voies de l'agglomération, et pas uniquement celles relevant de sa compétence, et pour un champ élargi de motifs : sécurité et circulation routière, mobilité ou protection de l’environnement. Cette possibilité est introduite la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Le maire peut ainsi abaisser la vitesse maximale autorisée en agglomération, notamment de 50 km/h à 30 km/h, sur un large périmètre géographique et pour des motivations plus nombreuses[91].

80 km/h sur les routes bidirectionnelles (2013-2020)

80 km/h : Annonce et rapport initiaux (2013)

Deux membres de l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux, Vivian Viallon et Bernard Laumon, publient en mars 2013 une étude confortant le modèle de Nilsson qui met en avant une relation entre vitesse et accidentalité[92]. Cette étude analyse l'accidentologie française entre 2001 et 2010 par tranche d'excès de vitesse de 10 km/h. La diminution des grand excès de vitesse (supérieur à 20 km/h) et très grand excès de vitesse (supérieurs à 30 km/h) a entraîné une baisse de la mortalité[93]. L'étude confirme également le fait que les petits excès de vitesse (inférieurs à 10 km/h) sont, à la fin de la période étudiée, ceux qui provoquent le plus de décès, et suggère que la mortalité pourrait être moindre pour ceux qui circulent à une vitesse inférieure à la vitesse maximale autorisée (de 90 km/h)[94].

Vitesse moyenne attendue selon la réduction de mortalité souhaitée (exprimée en % de la mortalité réellement constatée) – Rapport d'experts, novembre 2013[Note 3].

Le ministre de l'intérieur Manuel Valls lance une réflexion en juin 2013 pour réduire la VMA sur l'ensemble des routes et sollicite pour cela le Conseil national de la sécurité routière (CNSR)[95]. L'hypothèse d'une baisse de 10 km/h des limitations de vitesse (20 km/h en ville) est alors désapprouvée par les trois quarts des Français selon l'Ifop[96].

Le 29 novembre 2013, le CNSR prĂ©sente un rapport en vue de rĂ©pondre Ă  l’objectif fixĂ© par le ministre de l’intĂ©rieur de compter « moins de 2 000 personnes tuĂ©es par an d’ici Ă  2020 »[97]. Il estime qu'une baisse de la vitesse maximale autorisĂ©e de 10 km/h entraĂ®nerait une rĂ©duction de 4 km/h de la vitesse moyenne pratiquĂ©e et que le nombre de tuĂ©s sur les routes sujettes Ă  cette nouvelle limitation pourrait baisser de 350 Ă  400 personnes par an[98].

Dès sa parution, une polémique naît entre les partisans et les détracteurs d'une telle mesure. La Ligue contre la violence routière, favorable aux réductions de vitesse, avance que la démarche s'appuie sur le modèle de Nilsson datant de 1982 : «Lorsque la vitesse moyenne baisse de 1 %, dans tous les pays il y a 4 % de tués en moins »[99]. À l'opposé, l'association 40 millions d'automobilistes, l'un des principaux opposants à la mesure, lance une pétition nationale assortie d'une lettre ouverte adressée à Manuel Valls, affirmant que « les vitesses actuelles sur les routes secondaires ne représentent pas un danger mortel ». Pour elle, le principal problème reste l'alcool au volant, et réduire la VMA à 80 km/h serait donc « inutile »[100]. L'association Prévention routière est à quant à elle plus nuancée, estimant que la vitesse n'intervient « que » dans 25 % des accidents mortels, après les obstacles sur route (36 %) et l'alcool au volant (29 %) et précise qu'« on ne peut pas établir de hiérarchie entre tous ces facteurs d'accident »[101].

Certains opposants invoquent le contre-exemple de l'Allemagne qui a un taux de mortalité routière inférieur à celui de la France alors que sa limitation de vitesse est supérieure (100 km/h). Mais pour le délégué interministériel à la sécurité routière, les comparaisons internationales sont très compliquées. « Les pays n'ont pas les mêmes flux, ni le même type de population ou de comportement. Le nombre de kilomètres sur les trajets en Allemagne au cours desquels la mortalité est mesurée peut-être plus faible. »[101].

Phase d'expérimentation (2015-2017)

Le gouvernement dĂ©cide dĂ©but 2015 d'expĂ©rimenter la mesure sur 81 kilomètres rĂ©partis sur trois routes nationales : la RN 7 (18 km dans la DrĂ´me), la RN 151 (17 km dans la Nièvre et 32 km dans l'Yonne) et la RN 57 (14 km en Haute-SaĂ´ne)[102] - [103]. D'importants travaux sont rĂ©alisĂ©s sur les trois nationales tests. Sur la RN151, 16 millions d'euros sont affectĂ©s Ă  la sĂ©curisation de la route par DIR Centre-Est. Sur la RN7, la route est refaite Ă  neuf[104].

L'expĂ©rimentation se termine fin . En , le dĂ©lĂ©guĂ© interministĂ©riel Ă  la sĂ©curitĂ© routière, Emmanuel Barbe indique « des rĂ©sultats plutĂ´t favorables en termes d'accidentalitĂ© » mais qui ne sont pas communiquĂ©s[105]. Plusieurs sĂ©nateurs demandent au Ministère de l'IntĂ©rieur la communication de ces rĂ©sultats[106] - [107]. Emmanuel Barbe est auditionnĂ© le par la commission de l'amĂ©nagement du territoire et du dĂ©veloppement durable et la commission des lois du SĂ©nat. Ă€ l'issue de cette audition est annoncĂ©e la crĂ©ation d'un groupe de travail, composĂ© des sĂ©nateurs Michel Raison, Michèle Vullien et Jean-Luc Fichet[108]. Le « rapport sur l’expĂ©rimentation de l’abaissement de la vitesse limite autorisĂ©e Ă  80 km/h», produit en dĂ©cembre par le Cerema est mis en ligne le [109] - [110]. Selon le Cerema, « l’analyse des rĂ©sultats des mesures des vitesses observĂ©es montre que la baisse de la vitesse limite autorisĂ©e de 90 km/h Ă  80 km/h a engendrĂ© une baisse moyenne des vitesses pratiquĂ©es pour tous les vĂ©hicules de 4,7 ». Cette baisse, sur tous les tronçons, concerne tous les usagers[111]. Le reprĂ©sentant du Cerema souligne lors de son audition devant le groupe de travail du SĂ©nat[112] que « ses ingĂ©nieurs n'ont participĂ© ni aux choix ni Ă  la dĂ©finition des paramètres de l'expĂ©rimentation », et que « la commande visait seulement l'observation de l'Ă©volution de la vitesse pratiquĂ©e induite par la modification de la vitesse maximale autorisĂ©e (et non l'Ă©volution de l'accidentalitĂ©) »[113]. Le rapport du groupe de travail du SĂ©nat, publiĂ© le [114], constate, selon les auteurs, « les insuffisances de l’expĂ©rimentation de la baisse de la vitesse maximale autorisĂ©e conduite entre 2015 et 2017 » et demande « une rĂ©duction de la vitesse limite Ă  80 km/h dĂ©centralisĂ©e et ciblĂ©e sur les routes accidentogènes »[115]. Les Ă©lus prĂ©conisent de sĂ©lectionner les tronçons concernĂ©s courant 2018, pour une application des limitations de vitesse le [116].

Mise en Ĺ“uvre et Ă©valuation de la mesure (2018-2020)

La mesure permet d'Ă©conomiser 500 millions de litres de carburant et de 1 Ă  1,3 million de tonnes de CO2[117].

Mise en place de la mesure (juillet 2018)

Lors du Comité interministériel de la sécurité routière du , le Premier ministre témoigne de l’engagement de l’ensemble du Gouvernement pour la sécurité routière au travers de 18 mesures fortes dont la réduction à 80 km/h[118].

Comme en 2015, la mesure qui doit s'appliquer au , soulève une vague de protestations de l'opposition politique. Les présidents de 28 conseils départementaux demandent ainsi au gouvernement d’y renoncer, considérant que « les habitants des territoires ruraux sont directement impactés par cette mesure, la voiture constituant souvent le seul moyen de transport de proximité »[119] - [120]. Le député LR Jérôme Nury, une cinquantaine d’élus de droite, et le député communiste Sébastien Jumel proposent un nouveau texte de loi stipulant que ce soit les conseils départementaux qui fixent eux-mêmes la vitesse de circulation sur les routes dont ils ont la charge, dans la limite de 10 km/h en deçà ou au-dessus de la VMA définie par le code de la route[121]. Un groupe de sénateurs propose en une mesure similaire[122].

Sur le plan associatif, plusieurs pétitions demandant le retrait de la mesure sont lancées en ligne : celle de la Fédération française des motards en colère[123], celle de l'association 40 millions d'automobilistes[124] et celle de la Ligue des conducteurs[125].

Le décret est finalement signé le [126] et entre en vigueur le . Il réduit la vitesse maximale autorisée de 90 à 80 km/h sur les routes bidirectionnelles à chaussée unique sans séparateur central. Toutefois, la vitesse sur les sections de routes comportant au moins deux voies affectées à un même sens de circulation est relevée, sur ces seules voies, à 90 km/h[127]. Les collectivités d'outre-mer qui ont compétence sur cette question n'appliquent pas nécessairement cette nouvelle mesure[128].

La France rejoint ainsi les quatre autres pays qui, en Europe, ont limité à 80 km/h la vitesse maximale sur les routes hors agglomération : le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas et la Suisse. La Suède a quant à elle abaissé la limite à 70 km/h. L'Allemagne et l'Autriche ont pour leur part des limites de 100 km/h, et la Grande-Bretagne de 97 km/h[129].

L’association 40 millions d'automobilistes, opposĂ©e Ă  la mesure, annonce en la mise en place[130] d'un comitĂ© indĂ©pendant pour Ă©valuer l'impact du passage de 90 Ă  80 km/h. Ce comitĂ© est composĂ© notamment d'associations d’usagers de la route (cyclistes, motocyclistes et automobilistes) et de personnalitĂ©s indĂ©pendantes et, selon son prĂ©sident, « entend, en toute transparence et objectivitĂ©, faire son propre travail d’analyse sur les effets de la limitation Ă  80 km/h Â», sur la base des statistiques d'accident auxquelles il demande Ă  avoir un accès et en lien avec les autoritĂ©s locales[131] - [132].

Le projet de loi de finances 2019, dĂ©taillĂ© dĂ©but [133], prĂ©voit hors majoration des recettes forfaitaires issues du contrĂ´le automatisĂ© Ă  1,04 milliard d'euros en hausse de 12 % par rapport Ă  celles prĂ©vues pour 2018, et retient l'hypothèse que la limitation de vitesse Ă  80 km/h entraĂ®nera un « doublement du nombre d'infractions enregistrĂ©es par les radars situĂ©s sur les routes concernĂ©es », le surcroĂ®t de recettes dĂ©gagĂ© par les 80 km/h devant financer la modernisation d'Ă©tablissements de santĂ© (26 millions d'euros au titre de 2019)[134].

Opposition des « Gilets jaunes » à la limitation de vitesse et dégradation des radars (2018-2019)

En , un mouvement social inĂ©dit, dit des Gilets jaunes, s'installe Ă  proximitĂ© d'un nombre important de rond-points sur les routes du rĂ©seau secondaire pour bloquer les automobilistes français. Une note de l'Institut des Politiques publiques identifie la fronde anti 80 km/h comme un prĂ©curseur de ce mouvement[135]. Selon l'Ă©conomiste Benoit Schmutz, l'un des auteurs de l'Ă©tude, « Les territoires qui se mobilisent le plus, sont les territoires qui ont connu une plus grande densitĂ© de routes qui sont passĂ©es Ă  une vitesse maximale de 80 km/h. Par ailleurs, si on se penche sur la distance entre le domicile et le travail, les territoires oĂą les salariĂ©s doivent parcourir une plus grande distance se sont le plus mobilisĂ©s »[136]. Le mouvement des Gilets jaunes affecte grandement les conditions de circulation[137]. En parallèle, un nombre important de radars automatiques sont dĂ©gradĂ©s et mis hors service[138];[139]. Enfin, le trafic routier, ainsi qu'une partie de l'Ă©conomie, sont perturbĂ©s dans de nombreuses rĂ©gions, certains automobilistes choisissant de reporter leurs dĂ©placements dans le temps ou vers d'autres moyens de transport.

Le communiquĂ© de la sĂ©curitĂ© routière paru le 28 mars 2019 fait Ă©tat de 253 personnes mortes en fĂ©vrier en France mĂ©tropolitaine, soit 17 % de plus qu’en fĂ©vrier 2018. Les accidents corporels augmentent pour leur part de 22, 3 %, et le nombre de blessĂ©s de 21, 5 %. Le communiquĂ© impute cette dĂ©gradation de la sĂ©curitĂ©, dĂ©jĂ  constatĂ©e en janvier 2019 (+3,9 %), Ă  la dĂ©gradation des radars fixes qui se traduit par un relâchement des comportements sur l’ensemble des rĂ©seaux. Sur les 3 275 radars automatiques en place au , 60 % auraient en effet Ă©tĂ© dĂ©gradĂ©s. Mais après les diffĂ©rentes dĂ©clarations non concordantes de l’augmentation importante d’infractions au droit des radars dĂ©gradĂ©s (qui ne flashent plus, mais continuent Ă  mesurer), il apparaĂ®t difficile d’imputer en totalitĂ© l’augmentation de cette accidentalitĂ© aux seuls radars dĂ©gradĂ©s[140].

Lors du grand débat en janvier 2019, le président de la République française Emmanuel Macron envisage la possibilité de permettre une augmentation de la limitation de vitesse à 90 km/h[141].

Bilan Ă  un an (juillet 2019)

Selon le Ministre de l’IntĂ©rieur, Christophe Castaner, intervenant lors de la sĂ©ance de clĂ´ture du CNSR de juillet 2019, la mesure aurait « permis d'Ă©pargner, selon les chiffres encore provisoires de l'ONISR, 206 vies humaines par rapport Ă  la moyenne sur cinq ans (2013 - 2017) : au deuxième semestre 2018 ce sont 125 vies Ă©pargnĂ©es sur les routes hors agglomĂ©ration et 81 au premier semestre 2019. Ces chiffres s'inscrivent dans un contexte de trafic routier en hausse, environ + 7 % entre 2013 et 2018.»[142].

Les associations d’automobilistes et notamment le Comité indépendant d'évaluation de l'efficacité de la mesure contestent ce constat. Ils incriminent la méthode de calcul du bilan qui n’est pas la même que d’habitude, faisant en effet référence à la moyenne des années 2013 et 2017 dans leur intégralité de janvier à décembre - soit les moins bonnes en matière de mortalité routière-, et non la période à cheval sur 2017 et 2018 et celle courant entre juillet 2018 et le [143].

Bilan tronqué à 20 mois

Le bilan à deux ans aurait dû être fait de juillet 2018 à juillet 2020 ou éventuellement de janvier 2019 à décembre 2020.

Toutefois, en 2020, apparait en France le [144], la pandémie de Covid-19 avec de nombreuses conséquences tant sanitaires, qu'économiques, sociales, sociétales et environnementales. À la mi-mars 2020, afin de stopper la diffusion exponentielle du coronavirus et pour réduire le plus possible le nombre de personnes atteintes et donc de morts, la population est confinée à domicile et tous les lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays sont fermés. Les mesures de confinement sont levées entre la mi-mai et la mi-juillet. Puis, avec une nouvelle augmentation du nombre de cas, un nouveau confinement est décrété en novembre. Ces périodes de confinement ont pour conséquence une spectaculaire baisse du trafic routier tant dans les grandes agglomérations que sur les axes interurbains[145] - [146].

Compte tenu de cette baisse du trafic au 1er semestre 2020, le Centre d'Ă©tudes et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilitĂ© et l'amĂ©nagement (Cerema), mandatĂ© en avril 2020 par le DĂ©lĂ©guĂ© interministĂ©riel Ă  la sĂ©curitĂ© routière pour faire l’évaluation Ă  deux ans, est amenĂ© Ă  rĂ©duire la pĂ©riode d’évaluation aux 18 mois après la mise en Ĺ“uvre de la mesure, soit de juillet 2018 Ă  dĂ©cembre 2019. Le document d’évaluation, publiĂ© en juillet 2020, fait ainsi Ă©tat d’une baisse très significative du nombre de tuĂ©s sur le rĂ©seau concernĂ© (12 %), correspondant Ă  une baisse de 331 tuĂ©s sur 18 mois et 349 sur 20 mois si les deux premiers mois de 2020 sont pris en compte[147]. Les conclusions du rapport sont logiquement reprises par le Ministère de l'IntĂ©rieur et diffĂ©rents mĂ©dias sous le titre « 349 vies Ă©pargnĂ©es sur 20 mois »[148].

Certains élus ou commentateurs sont plus sceptiques. Pour Patrick Septiers, le président (UDI) du conseil départemental de Seine-et-Marne, en cours de retour à 90 km/h, cette moyenne nationale n'a pas de sens : « Je pense que chaque département est spécifique, on ne peut pas appliquer des statistiques nationales à des opérations locales »[149]. La presse automobile rappelle l'objectif d'Edouard Philippe qui était d'épargner « 300 à 400 vies par an ». Certains usagers contredisent les affirmations du Cerema sur les temps de trajet, ou signalent que « les camions collent les voitures, car les routiers roulent au régulateur de vitesse GPS (soit 80 réels), des camions doublant parfois des voitures » ou que « de longues files de conducteurs se forment, parfois interminables, avec des camions »[150].

Déconcentration de la réglementation de la vitesse

Lors du Grand débat national début 2019, le président de la République ouvre la voie vers un possible aménagement. Répondant à des maires qui critiquent la limitation de la vitesse à 80 km/h, il déclare lors de sa première intervention au Grand Bourgtheroulde : « Il faut ensemble que l’on trouve une manière plus intelligente de [la] mettre en œuvre. Il n’y a pas de dogme » ;

Cette proposition d'augmenter la VMA à 90 km/h sur les routes départementales les mieux aménagées et les plus sûres, même sans séparateur central est à son tour critiquée par la Ligue contre la violence routière qui juge cette mesure contraire « à la connaissance scientifique » et à l'argument d'Emmanuel Barbe selon lequel « C’est sur les plus belles routes qu’on se tue le plus » selon une étude menée en 2018 de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière[151] - [152].

La Loi d'orientation des mobilités, promulguée le 26 décembre 2019, autorise finalement les collectivités gestionnaires de réseaux routiers qui le souhaitent à augmenter la limitation de vitesse de 80 km/h à 90 km/h sur les sections de routes hors agglomération à double-sens sans séparateur central[153]. L'article L. 3221-4 du code général des collectivités territoriales comprend désormais la mention suivante[154] :

« Le président du conseil départemental ou, lorsqu'il est l'autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale peut fixer, pour les sections de routes hors agglomération relevant de sa compétence et ne comportant pas au moins deux voies affectées à un même sens de circulation, une vitesse maximale autorisée supérieure de 10 km/ h à celle prévue par le code de la route. Cette décision prend la forme d'un arrêté motivé, pris après avis de la commission départementale de la sécurité routière, sur la base d'une étude d'accidentalité portant sur chacune des sections de route concernées. »

Le , le gouvernement envoie une circulaire aux préfets de France chargés de présider la Commission départementale de sécurité routière pour définir des conditions communes permettant de relever la vitesse maximale sur les routes à 90 km/h[155].

Départements développant le 90 km/h

Selon l’Argus.fr, au , quatre départements ont adopté une limitation à 90 km/h sur la totalité de leur réseau secondaire : Allier, Corrèze, Creuse et Cantal. LA Lozère l'a fait sur 87% de son réseau. D'autres départements n'ont adopté cette mesure que sur moins de 35% de leur réseau routier départemental : Orne, Sarthe, Côte-d’Or, Haute-Marne, Seine-et-Marne, Haute-Loire et Charente, Loiret, Jura, Loir-et-Cher, Hautes-Alpes, Indre-et-Loire. Quinze départements reviennent aux 90 km/h sur moins de 10 % de leur réseau. 37 départements restent aux 80 km/h[156].

En fait, 12 départements ont finalisé leurs relèvements au cours du premier semestre de l’année 2020 ; 15 départements ont finalisé leurs relèvements au cours du second semestre de 2020 ; 10 départements ont finalisé leurs relèvements au cours du premier semestre de 2021[157]

Le premier juillet 2021, environ 33 428 kilomètres de routes de 37 dĂ©partements, surtout Ă  dominante rurale et avec une faible densitĂ© de population, ont vu leur vitesse maximale revenir Ă  90 km/h, selon un rapport du Ministère de l'IntĂ©rieur au Parlement datant de septembre 2021[157]. Les conseils dĂ©partementaux Ă©voquent surtout la nĂ©cessitĂ© de « fluidifier le trafic et remĂ©dier Ă  l'augmentation des files d'accumulation de vĂ©hicules, notamment derrière les poids lourds, gĂ©nĂ©rant des prises de risque lors des dĂ©passements », et de « diminuer les temps de parcours pour lutter contre l'enclavement des territoires »[157].

Officiellement, les effets du retour aux 90 km/h sur la mortalité routière ont été mesurés de façon très hétérogène, empêchant d'en dresser le bilan[158] - [159], dans un contexte ou d'autres facteurs ont pu influer (covid, gilets jaunes, vandalisme des radars, météo, etc).

Ile de France (2021-)

En Ile de France l’extension des limitations de vitesse est envisagée.

Zone 30 sur la totalité de Paris intra-muros

Le programme de campagne d’Anne Hidalgo pour les municipales de 2020 comportait un grand nombre de mesures visant à transformer profondément l’espace public de la capitale, dont une concernant l'extension de la zone 30 sur la totalité de Paris intra-muros, une limite déjà appliquée sur 60 % du territoire communal. Comme l’y autorise la loi de 2015, un maire peut désormais prendre des mesures de limitation de vitesse sur des périmètres larges, au-delà de ceux des anciennes zones 30. Comme pour la plupart des mesures envisagées, la maire de Paris a souhaité recourir à une démarche de consultation citoyenne via le web qui s’est tenu du 27 octobre au [160]. Le rapport d’enquête sera publié sur le site dédié[161]. La démarche fait toutefois l'objet d'oppositions tant sur le fond que sur la forme[162].

50 km/h sur le Périphérique parisien ?

Une autre mesure concernant la circulation à Paris est la limitation à 50 km/h du Boulevard périphérique de Paris[163], une mesure visant à lutter plus efficacement contre la pollution aux particules fines et les nuisances sonores engendrées par cette voie, selon un rapport publié en 2019 par la Mairie de Paris[164].

Chronologie simplifiée

Le tableau chronologique ci-après reprend les grandes dates de fixation des maxima de vitesse autorisés.

Année Autoroutes Routes à deux chaussées séparées par un terre-plein central Autres routes
189312 km/h, dans Paris et dans les lieux habités ; 20 km/h possible en rase campagne
1921Suppression de toute limitation
196260 km/h en agglomération, avec relèvement possible à 80 km/h dans certaines traverses sur les grands itinéraires
1969Limitation Ă  90 km/h pour les jeunes conducteurs
1972100 km/h
1973120 km/h[165]90 km/h[165]
1974 (mars)140 km/h[166]120 km/h[166]90 km/h[166] - [167]
1974 (novembre)130 km/h[167]110 km/h[167]
1982110 km/h par temps de pluie100 km/h par temps de pluie80 km/h par temps de pluie
1985Nouvelles dispositions pour les plus de 10 tonnes
199050 km/h en agglomération - création de la notion de zone 30 à 30 km/h
199250 km/h en cas de visibilitĂ© infĂ©rieure Ă  50 mètres
199380 km/h sur le Boulevard périphérique de Paris
2008Création de la zone de rencontre à 20 km/h
201470 km/h sur le Boulevard périphérique de Paris[168].
2015 Art. L. 2213-1-1. du code général des collectivités territoriales : le maire peut, par arrêté motivé, fixer pour tout ou partie des voies de l’agglomération ouvertes à la circulation publique une vitesse maximale autorisée inférieure à celle prévue par le code de la route.
2018 80 km/h hors agglomération ()
90 km/h hors agglomération sur les routes sans terre-plein central comportant au moins deux voies affectées à un même sens de circulation
2020 Pour certains départements, retour de la limitation à 90 km/h hors agglomération

Notes et références

Notes

  1. Arrêté du 29 octobre 1962.
  2. Une convention est un traité multilatéral (voir https://www.oecd-nea.org/law/nlbfr/documents/203_233_Accordsbilaterauxetmultilateraux.pdf)
  3. Données ONISR 2010 limitées aux accidents de jour ayant impliqué un véhicule léger sur routes départementales ou nationales bidirectionnelles

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  12. Usages et usagers de la route (1860-2008) – partie 1, p. 183
  13. Usages et usagers de la route (1860-2008) – partie 1, p. 237
  14. Usages et usagers de la route (1860-2008) – partie 1, p. 238
  15. Usages et usagers de la route (1860-2008) – partie 1, p. 243
  16. Usages et usagers de la route (1860-2008) – partie 1, p. 242
  17. Usages et usagers de la route (1860-2008) – partie 1, p. 239
  18. Usages et usagers de la route (1860-2008) – partie 1, p. 248
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Voir aussi

Bibliographie

Ouvrages ayant servi à la rédaction de l'article Document utilisé pour la rédaction de l’article.

  • Anne Kletzlen, Automobile et la loi - comment est ne le code de la route, L'harmattan, coll. « Logiques Sociales », (ISBN 273849224X).
  • Jean Orselli, « Aux origines du code de la route (1842 - 1921) », Pour mĂ©moire, vol. 1,‎ , p. 32-45 (lire en ligne, consultĂ© le )
  • Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article Jean Orselli, Usages et usagers de la route : pour une histoire de moyenne durĂ©e (1860-2008), Paris, UniversitĂ© Paris 1 PanthĂ©on-Sorbonne, , 2744 p. (lire en ligne)
  • Etienne Faugier, L’économie de la vitesse : l’automobilisme et ses enjeux dans le dĂ©partement du RhĂ´ne et la rĂ©gion de QuĂ©bec (1919-1961), QuĂ©bec, UniversitĂ© de Laval (QuĂ©bec), , 599 p. (lire en ligne)

Articles connexes

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