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Château de Bricquebec

Le château de Bricquebec est un ancien château fort élevé sur motte, du Xe ou XIe siècle, entièrement reconstruit au XIVe siècle et remanié au XVIe siècle, dont les ruines se dressent sur le territoire de l'ancienne commune française de Bricquebec, dans le département de la Manche, en région Normandie. Il fut le centre de la baronnie de Bricquebec, et l'une des plus importantes places fortes des ducs de Normandie.

Château de Bricquebec
Le château et son donjon.
Présentation
Type
Fondation
Entre Xe siècle et XIe siècle
Style
Propriétaire
Ville de Bricquebec-en-Cotentin (d)
Patrimonialité
État de conservation
Localisation
Adresse
Coordonnées
49° 28′ 14″ N, 1° 37′ 57″ O
Carte

Il s'agit d'une ancienne demeure féodale construite vraisemblablement au XIe siècle[1], qui a subi depuis de nombreux remaniements et reconstructions. « Il brilla de tout son éclat au XIVe siècle »[1].

Les restes du château sont classés aux monuments historiques.

Localisation

Les vestiges du château sont situés au centre du bourg de Bricquebec, sur une butte, au sein de la commune nouvelle de Bricquebec-en-Cotentin, dans le département français de la Manche. Sa position, sur un plateau, lui permettait de contrôler un carrefour de voies de communication qui permettaient de contourner les marais du nord au sud et d'est en ouest, dominant un gué sur une petite rivière que les Vikings installés ici appelèrent Brikbekk (le « ruisseau de la pente » ou le « ruisseau du quai »[note 1]), contrôlant le passage d'un antique chemin allant de Valognes à la côte Est[3].

Historique

La création d'un premier château de bois sur motte dans la première moitié du Xe siècle, en 942[2], est généralement attribuée à Anslec, connu sous le nom de « Anslec de Bricquebec », petit-neveu de Rollon. Pour André Davy, il s'agirait d'Anslec (Lancelot), fils de Hrolf Turtain, prince danois, baron de Bastembourg, qui reçut la baronnie de Bricquebec des mains de Guillaume Longue-Épée, confisqué sur Rioulf après sa rébellion contre l'autorité ducale et sa défaite sous les murs de Rouen en 933, avec le titre de comte du Cotentin et les fiefs du vaincu. Une grande partie du Cotentin passa alors sous sa domination[4]. Anslec épousa Gerlotte, fille du comte de Blois, dont il eut Richard et Guillaume[5].

Richard Turtain (Turstin ou Toussaint) (° v. 945), baron de Bricquebec et Montfort-sur-Risle et du Rozel, épousa N. Aubere, avec qui il eut trois fils : Hugues le Barbu, seigneur du Rozel et Barneville, qui fonda la branche de Montfort, Richard qui épousa la fille unique de John de Mitford et créa la souche de ce nom, et Guillaume Ier (° v. 970-1010), baron de Bricquebec, vicomte du Cotentin, qui prit le nom de Bertran[5].

Le premier seigneur de Bricquebec attesté par les textes est Robert Ier Bertran[note 2], qui vers 1060 est l'auteur d'une donation conséquente en faveur de l'abbaye Saint-Ouen de Rouen, comprenant l'église de Bricquebec et d'autres des environs, et est témoin à la même période de plusieurs actes ducaux, et porte ponctuellement un titre vicomtal[6].

En 1172, Robert IV Bertran devait pour sa baronnie de Bricquebec le service de cinq chevaliers et détenait en propre le service de trente-trois chevaliers. Il décède avant , date à laquelle son héritage est confirmé à son fils aîné, Robert V Bertran. Ce dernier décèdera en 1202, et l'héritier de la baronnie étant mineur, dut attendre 1207 pour récupérer ses fiefs normands, confisqués par Philippe Auguste.

Le château et la baronnie restera la propriété de la famille Bertran jusqu'au XIVe siècle[7]. Au XIVe siècle Robert Bertran 8e du nom (c. 1273-1348) renforce considérablement ce premier château. C'est de cette période que date le donjon ainsi que l'enceinte et les nombreuses tours qui subsistent aujourd'hui[8].

Le château passe ensuite par mariage à la famille Paisnel à la suite du mariage, en 1345, de Jeanne Bertran l'aînée avec Guillaume VI Paisnel († 1361), chevalier et seigneur de Hambye[9].

En 1370, la garnison de la place est relativement faible et ne compte qu'un seul homme d'armes et quatorze servants[10]. Avant de perdre la place de Saint-Sauveur, un détachement Anglais tentera, sans succès, de s'emparer du château de Guillaume VII Paisnel, fils de Guillaume, baron du lieu. Les assaillants seront massacrés ou jetés dans les fossés lors de cette attaque[11] nocturne, qui à la faveur de l'obscurité avaient réussi à escalader les remparts[9]. La garnison aux ordres de son capitaine Huguenin des Bois, échanson de Charles V, en 1375, participera au siège et à la prise du château de Saint-Sauveur[9].

Au début du XVe siècle, Foulque IV Paynel († 1413), fils de Guillaume Paisnel l'aîné, baron de Hambye et de Bricquebec, seigneur de Chanteloup, de Moyon, de Créances, d'Apilly (Saint-Senier-sous-Avranches), du Merlerault et de Gacé, est un puissant seigneur de Normandie, chevalier banneret qui regroupe sous ses armes, quatre bacheliers et de dix à quatorze écuyers.

En 1418, le roi Henri V d'Angleterre après avoir conquis la Normandie, offre la place à Guillaume de la Pole, comte de Suffolk. Ses propriétaires légitimes, Louis d'Estouteville qui a épousé en 1415 l'héritière des Paynel, Jeanne Paynel de Moyon[12], fille de Nicol, s'enferment au Mont-Saint-Michel. En 1429, le comte de Suffolk est fait prisonnier à la bataille de Jargeau et pour payer sa rançon vend Bricquebec à Bertin de Entwistle, son lieutenant, qui abandonne, en 1449, le château sans combattre devant les troupes française et leur puissante artillerie[9].

Le château est restitué en 1450, après la bataille de Formigny, à Louis II d'Estouteville. Guillaume Dursus, seigneur de Lestre, entré, dès 1523, au service de Mme d'Estouteville sera capitaine de la place[13]. C'est à cette famille d'Estouteville que l'on doit la grande tour carrée de l'Horloge et qui rajoute un dernier étage au donjon[14].

En , venant de Coutances, le roi François Ier y séjourne avant de rallier Cherbourg le 28[15]. Adrienne d'Estouteville (1512-1560), petite-fille de Louis et dernière du nom, épouse le le comte de Vendôme, François de Bourbon, cousin du roi François Ier[9] - [12]. Un peu avant la moitié du XVIe siècle, les d'Estouteville abandonnent le vieux château comme résidence au profit du château des Galeries, qui vient d'être construit non loin, jugé plus confortable.

Par la suite le château et la baronnie passe par mariage aux OrlĂ©ans-Longueville. Marie d'OrlĂ©ans de Longueville cède, pour 350 000 francs, les terres de Bricquebec, d'Orglandes et de Blosville, Ă  son cousin le marĂ©chal de Matignon[16], et un peu avant la RĂ©volution, les terres de Bricquebec sont la possession de la famille de Montmorency. DĂ©jĂ  tombĂ© depuis longtemps en dĂ©crĂ©pitude, le château est pillĂ© et dĂ©vastĂ© Ă  cette pĂ©riode.

Le [16], Anne-Louise-Caroline de Goyon de Matignon, épouse du duc de Montmorency, Anne Charles François de Montmorency, vend le château à un particulier, M. Charles Lemarinel, qui rétrocèdera dix ans plus tard le donjon et la tour de l'Horloge, la salle des chevaliers en 1824, le chartrier et la vieille enceinte à la ville en 1831[12] - [14]. Le , la reine Victoria, avec son mari et trois de ses enfants, profitant d'un voyage à Cherbourg, vient à Bricquebec visiter le vieux château et dormir dans l'hôtel. En 1957, c'est le général Montgomery qui visite le château[17].

Description

Le château de Bricquebec construit pour l'essentiel aux XIIIe et XIVe siècles se présente sous la forme d'une enceinte assez bien conservée flanquée de tours rondes, hexagonales et quadrangulaires que domine un donjon découronné polygonal à onze côtés (ondécagonal) unique en Europe. La salle d'apparat (aula) d'époque Plantagenêts avec la chambre seigneuriale (camera), la tour maitresse (turris) et la chapelle canoniale (capella) qui complétait, formait un ensemble castral qui pouvait rivaliser avec les principaux châteaux ducaux. Après le donjon, la plus importante tour est la tour de l’Épine dont le rez-de-chaussée est occupé par des cachots, et surmontée par des étages d'habitation. Le château roman du Xe ou XIe siècle[18] entièrement reconstruit au XIVe[18] et remanié au XVIe siècle[18] offre « l'exemple le plus intéressant et le plus imposant d'architecture militaire du Moyen Âge en Cotentin[19] ».

L'organisation de la cour actuelle, selon un tracé ovalaire, qui maintient probablement dans ses grandes lignes l'assise de l'implantation primitive, comprend successivement en commençant par le front ouest et dans le sens des aiguilles d'une montre[3] :

  • le donjon ; placĂ© sur l'enceinte, sur le front occidental, Ă  la place d'une tour d'angle[note 3], il est construit au XIVe siècle sur une motte de terre en tronc de cĂ´ne de dix-huit mètres de hauteur et de cinquante mètres de diamètre[note 4], et a la forme d'un polygone Ă  onze cĂ´tĂ©s[note 5] avec aux angles des arĂŞtes chainĂ©es de pierre de taille. Il semble qu'il ait Ă©tĂ© construit lĂ  pour assurer la dĂ©fense de la porte d'entrĂ©e[1]. DivisĂ© en cinq niveaux et haut de 22,30 mètres avec un diamètre extĂ©rieur de dix mètres et des murs Ă©pais de 2,5 mètres[1], sa base prĂ©sente un fruit et il prend le jour par des baies datant des XVe et XVIe siècles[22]. Il comprend un caveau voĂ»tĂ© dont le diamètre n'est plus que de 5,63 m au niveau du sol[note 6], un rez-de-chaussĂ©e faisant office probablement de cuisine, deux Ă©tages, sĂ©parĂ©s par des planchers, servant d'appartements et chauffĂ©s par des cheminĂ©es, et au sommet un Ă©tage rĂ©servĂ© Ă  la garde, sous une voĂ»te d'arĂŞtes Ă  huit quartiers. Il ne subsiste aucun plancher, et l'on peut voir l'appareil primitif de la voĂ»te en petites pierres de taille. Au rez-de-chaussĂ©e on trouve des ouvertures profondes en cul-de-four qui se terminent par de longues et Ă©troites meurtrières. Les Ă©tages sont desservis par un escalier intĂ©rieur Ă  vis de 113 marches qui dĂ©bouche par un lanternon dressĂ© sur la plate-forme du donjon. Cette dernière Ă©tait protĂ©gĂ©e par un parapet crĂ©nelĂ© et une couronne de mâchicoulis, posĂ©s en encorbellement sur vingt-sept arcades cintrĂ©es, destinĂ©es au tir plongeant. Au centre de la plate-forme se dressait un pavillon circulaire surmontĂ© d'un toit pointu, aujourd'hui disparu[1]. C'est du cĂ´tĂ© ouest qu'un bourg castral s'est rapidement dĂ©veloppĂ©, au pied de la tour maitresse, alors qu'une basse-cour entourĂ©e de jardins et de parcs de chasse s'Ă©tendait vers l'est, sur un vaste terrain (l'actuelle place des Buttes et place Sainte-Anne)[24] ;
Il subsiste de l'époque romane, affleurant au sommet de la motte, les probables vestiges, sous les fondements du donjon polygonale actuel rebâtie au tout début du XIVe siècle puis doublée et rehaussée au XVe siècle, d'une tour maitresse circulaire. Les parements conservés sur plusieurs assises de maçonnerie, qui débordent au nord et à l'est, ne présentent aucune connexion avec le donjon, excluant ainsi le fait qu'il puisse s'agir de simples fondations. Sa destruction pourrait coïncider avec la suppression du bas-côté de la grande aula romane consécutive à un incendie dont on peut voir les traces de rubéfaction à l'intérieur des combles et sur le fût des colonnes situées aux deux extrémités du bâtiment[25] ;
  • la tour de l'horloge (châtelet d'entrĂ©e) ; situĂ©e au centre du front ouest, haute de trois Ă©tages, reliĂ©s entre eux par un escalier tournant, chaque Ă©tage offrant une salle. C'est l'accès principal Ă  la forteresse et son sommet est surplombĂ© sur l'extĂ©rieur de mâchicoulis. Un musĂ©e d'histoire et de minĂ©ralogie y a aujourd'hui trouvĂ© place. La lourde poterne carrĂ©e Ă  contreforts percĂ©e d'une porte charretière Ă©troite et d'une porte piĂ©tonne Ă©tait sous la protection du donjon. Le châtelet, quasiment intacte, Ă©tait flanquĂ© d'une tour dont il subsiste des vestiges ;
  • le chartrier ; terminant le front ouest, c'est une tour carrĂ©e du XVe siècle[26], au rez-de-chaussĂ©e voĂ»tĂ© d'un triple faisceau d'arcades[27]. C'est dans cette tour qu'Ă©taient conservĂ©es les archives du seigneur du lieu, essentiellement ses titres de propriĂ©tĂ© ;
  • les deux tours polygonales ; elles flanquaient une poterne ouverte dans l'enceinte au nord. De chaque cĂ´tĂ© de la porte et accrochĂ©s Ă  la courtines on trouvait deux logis. Celui de gauche prĂ©sente au premier Ă©tage une cheminĂ©e sculptĂ©e et deux fenĂŞtres munies de bancs de pierre ;
  • les deux tours rondes ; la première terminant le front nord, la seconde se rattachait, sur le front oriental, Ă  la tour de l'Épine. On a construit entre elles, au XIXe siècle une habitation moderne ;
  • la grosse tour ronde ou tour de l'Épine. Elle forme la limite sud-est du mur d'enceinte. Intacte dans son gros Ĺ“uvre, elle est haute de deux Ă©tages, avec un diamètre extĂ©rieur de 12,80 mètres, elle a perdu ses voĂ»tes, ses planchers et son toit polygonal. Au rez-de-chaussĂ©e on trouve des cachots, et au-dessus deux Ă©tages d'habitation avec des vestiges de cheminĂ©e. Il subsiste un pan de la courtine qui assurait la liaison avec la tour ronde, percĂ© de deux fenĂŞtres gothiques encore en place ;
  • le bastion plat au centre du front sud ; rectangulaire il mesure 19,45 mètres de longueur pour une largeur de 4,63 mètres. Construit en saillie sur le mur d'enceinte, il est percĂ© de meurtrières et surmontĂ© d'un chemin de ronde. Il se relie Ă  la tour de l'Épine par une courtine intacte ;
  • un logis, dont il ne reste que très peu de vestiges, et qui Ă©tait reliĂ© au donjon par une courtine (disparue), et Ă©tait rythmĂ© par des arcades aveugles rappelant le logis du Mont-Saint-Michel ;

À l'intérieur de l'enceinte on trouvait dans la cour, du côté sud un logis qui s'étendait sur tout ce côté, de la motte à la tour de l'Épine :

  • un corps de logis, Ă  droite, dont il ne reste que peu de chose. Ă€ sa place, on a construit un bâtiment moderne. Des dessins du dĂ©but du XIXe siècle[note 7] montrent qu'un bâtiment se dĂ©veloppait jusqu'au pied de la motte supportant la tour maitresse. L'aspect de son parement externe ponctuĂ© de hauts contreforts plats supportant quatre travĂ©es d'ogives peuvent laisser suggĂ©rer un corps de galerie permettant de relier la aula romane et le donjon, bien qu'il ait Ă©tĂ© largement modifiĂ© au XVe siècle par le percement de nouvelles fenĂŞtres et l'ajout d'une tour d'escalier en vis[28] ;
  • une partie centrale qui prĂ©sente des vestiges romans, notamment deux portes dont l'une s'ouvrait sur la partie droite dĂ©truite du corps de logis, et qui devait se continuer vers la cour (pour se terminer par un perron ? devant l'ancien puits) ;
  • le logis seigneurial ; grande salle romane qui mesurait initialement 24 m de longueur sur environ 15 m de large[note 8]. Elle date du dĂ©but du XIIIe siècle[31] et est en partie conservĂ©. Sa pièce principale Ă©tait la salle des chevaliers. Elle a Ă©tĂ© converti en hĂ´tel de tourisme (hĂ´tel du vieux château). L'intĂ©rieur a subi une transformation totale[1]. La salle des chevaliers (salle du restaurant), vaste nef couverte sous charpente apparente, sĂ©parĂ©e en deux par deux gros piliers cylindriques surmontĂ©s de chapiteaux dĂ©corĂ©s de feuillages, a Ă©tĂ© un temps transformĂ©e en Ă©curie. Au devant se dressait une « salle » ou galerie qui s'ouvrait par quatre larges arcades de profil lĂ©gèrement brisĂ©, supportĂ©es par d'Ă©paisse colonnes Ă  chapiteaux ornĂ©s de dĂ©cors romans, oĂą sur l'un d'eux est figurĂ© une scène de chasse Ă  l'Ă©pervier[note 9]. Ă€ l'arrière du bâtiment, le mur gouttereau sud de près de m d'Ă©paisseur, qui formait initialement clĂ´ture de la haute cour, est percĂ© par trois grandes fenĂŞtres gothiques rĂ©parties entre quatre contreforts. Au centre de la salle, entre deux de ces fenĂŞtres, prenait place une cheminĂ©e dont seule l'ouverture de conduit, abritĂ©e dans un contrefort, est encore visible de nos jours depuis les combles. L'intĂ©rieur de l'Ă©difice devait ĂŞtre agrĂ©mentĂ© d'un dĂ©cor peint, comme le laisse Ă  penser les traces de polychromie subsistant dans l'Ă©brasement des baies. L'extrĂ©mitĂ© ouest de la grande salle qui est de plain-pied est prolongĂ©e par une travĂ©e supplĂ©mentaire bâtie sur deux niveaux. Au-dessus d'un rez-de-chaussĂ©e plafonnĂ©, on trouve une pièce haute — salle de retrait ou chambre de parement — qui avait ses murs tapissĂ©s d'arcatures en plein cintre. Un escalier droit intĂ©rieur fait communiquer la grande salle avec cette salle haute, et conduit Ă  une porte romane en plein cintre coiffĂ©e d'une archivolte et d'un larmier, reposant sur des colonnes Ă  chapiteaux vĂ©gĂ©taux, dĂ©rivĂ© de l'ordre corinthien, dont le dĂ©cor sculptĂ© peut ĂŞtre comparĂ© avec ceux de la nef de l'Ă©glise de Sainte-Mère-Église, ainsi qu'un rapprochement stylistique avec les sculptures de la nef et du narthex de la cathĂ©drale Saint-Pierre de Lisieux, Ă©difiĂ©s dans les annĂ©es 1160-1180 environ[32]. Depuis le palier de la porte romane du premier Ă©tage, on pouvait, par un Ă©troit escalier Ă  vis amĂ©nagĂ© dans l'Ă©paisseur du mur, accĂ©der Ă  un chemin de ronde courant au sommet du mur gouttereau sud de la salle. Ce mĂŞme escalier desservait Ă©galement un couloir voĂ»tĂ© conduisant Ă  des latrines situĂ©es dans un contrefort adossĂ© Ă  l'angle sud-ouest de l'Ă©difice ;
  • la maison manable ; flanquĂ©e d'une tourelle Ă  un angle, elle communiquait avec le logis principal et le bastion. C'est aujourd'hui une ruine. Selon E. Impey, elle communiquait avec la grande salle. Formant retour vers l'intĂ©rieur de la cour, la chambre seigneuriale (camera, constituait un bâtiment distinct, qui fut entièrement remaniĂ© au dĂ©but du XIVe siècle avec l'ajout d'un voĂ»tement, et est aujourd'hui complètement arasĂ© au niveau du sol. Il devait comporter au moins un Ă©tage d'habitation au-dessus d'un rez-de-chaussĂ©e semi enterrĂ© et plafonnĂ©[25] ;
  • la cave ou « crypte » du XIVe siècle, dans le prolongement nord de la salle des chevaliers. Elle constituait le rez-de-chaussĂ©e de la chambre seigneuriale et devait faire office de cellier. ComposĂ© de trois nefs, dont les voĂ»tes d'ogives Ă  fortes nervure reposent sur quatre rangĂ©es de piliers surmontĂ©s de chapiteaux ronds et octogonaux alternĂ©s, dĂ©limitant ainsi sept travĂ©es, dont la partie nord, Ă©ventrĂ©e, est aujourd'hui Ă  l'air libre[3]. La structure excavĂ©e qui subsiste forme un rectangle de 19,8 Ă— 8,2 m de superficie[25] ;
  • l'ancien puits ;
  • la chapelle canoniale dĂ©diĂ©e Ă  la Vierge. En 1456, elle Ă©tait qualifiĂ©e de « belle et honorable ». Disparue peu après la RĂ©volution française, elle apparaĂ®t sur les plans de la fin du XVIIIe siècle. Il subsistent plusieurs modillons romans conservĂ©s dans la cave de la tour dite du Chartrier qui sont censĂ©s provenir de l'ancienne chapelle[25].

État supposé vers l'an mille

Selon une reconstitution et dessin de Frédéric Scuvée : « Au milieu de la grande forêt dans la vallée du Bec se dressait un éperon rocheux. On aplanit son sommet par une étroite motte de terre, pour recevoir un logis en bois qu'entourait une clôture de rondins. Au pied de celle-ci on trouve une cour circulaire entourée d'un fossé (douve) et d'un talus renforcé d'une palissade en bois. Une tour de bois protège l'accès de la cour vers le ruisseau, une autre tour protège la porte sur une plus grande enceinte (actuelle place Sainte-Anne et des Buttes) légèrement fortifiée par un talus et d'épais réseaux d'épineux. Au pied de la motte, la route vers la mer traverse un gué aménagé, auprès d'un moulin à eau. Au nord, par l'antique route du château et du fisc de Brix. À droite, un chemin forestier se dirige vers le village de Bricquebec, à peu de distance. La grande enceinte servait de refuge pour les populations rurales dispersées dans la forêt. La petite enceinte ou basse-cour était surtout réservée au seigneur et à ses proches, serviteurs, hommes d'armes… Le château protégeait un important croisement de voies de communications. »[33].

Honneur de Bricquebec

L'honneur de Bricquebec (du Xe au début du XIIIe siècle), que treize familles se partageaient, se situe dans la moitié nord-ouest du Cotentin. Il comprend, outre le chef-lieu, quinze paroisses formant d'une part, un noyau important et homogène entre Bricquebec et la côte ouest du Cotentin comprenant dix paroisses, et d'autre part, quelques fiefs isolés situés au sud-est de Bricquebec. Les paroisses autour du noyau de Bricquebec sont : Magneville, Les Perques, Le Vrétot, Sénoville, Quettetot, Saint-Germain-le-Gaillard, Pierreville, le Rozel, Sottevast et Sotteville. Au nord-ouest, Vauville ; au sud, Canville-la-Rocque, Picauville, Blosville et Brucheville[34].

Parmi ses paroisses, cinq ont été dépendantes, dans la première moitié du XIIe siècle, d'autres honneurs avant d'être tenues au début du XIIIe siècle comme relaté dans les Scripta de feodis par celui de Bricquebec. Il s'agit des paroisses de Sottevast et Orlonde (Canville-la-Roque) tenues par Néhou, Saint-Germain-le-Gaillard et Pierreville tenues par Saint-Sauveur, et enfin de Blosville tenue par l'honneur de La Haye[34].

Baronnie de Bricquebec

La baronnie de Bricquebec s'Ă©tend sur les paroisses de : Bricquebec, SĂ©noville, Saint-Martin-du-Mesnil, Quettehot, Canville-la-Roque, le Rozel, Brucheville. Elle annexera les baronnies d'Orglandes et de Blosville.

La baronnie possédait de nombreux fiefs à travers la Normandie : Auderville, Brucheville, Gréville, Magneville, Sottevast, Roncheville, Honfleur, Darneville, Sahus-en-Caux, la terre du Molay, Sénoville, Belval, Varenguebec, etc.

Relève également de la baronnie les terres de : la Vente aux Saulniers ; des Petits Prés ; du Piqueret ; du Bigard ; du Quesnay ; de l'Oraille (L'Étang-Bertrand - au trans du pont Durand)

Protection aux monuments historiques

Les restes du château sont classés au titre des monuments historiques par liste de 1840[35].

Possesseurs

Liste non exhaustive.

  • Ansleck (v. 942)
  • Thurstin de Bastembourg (v. 975)
  • Famille Bertran
    • Guillaume Ier Bertran († 1010), fils du prĂ©cĂ©dent
    • Guillaume II Bertran
    • Robert Bertran Ier († 1082)
    • Robert Bertran II († 1138), fils du prĂ©cĂ©dent
    • Robert Bertran IV († 1194)
    • Robert Bertran VII († v. 1307)
    • Robert Bertran VIII († 1348)
    • Guillaume Bertran (1348-1352)
  • Famille Paynel (XIVe siècle, par mariage)
    • Guillaume VI Paisnel, Ă©poux de Jeanne Bertran l'ainĂ©e
    • Guillaume VII Paisnel, fils du prĂ©cĂ©dent
    • Foulques IV Paisnel († 1413), fils du prĂ©cĂ©dent
    • Nicol Paisnel
  • Intermède Anglais
  • Famille d'Estouteville
    • Louis II d'Estouteville (1450), Ă©poux de Jeanne Paisnel et fille de Nicol
    • Jean d'Estouteville, fils du prĂ©cĂ©dent
    • Guyon d'Estouteville
    • Adrienne d'Estouteville
  • François de Bourbon (1534), Ă©poux de la prĂ©cĂ©dente
  • Marie de Bourbon Saint-Pol (1556-1562)
  • Charles-Auguste Goyon de Matignon
  • Mme de Longueville (1596)
  • Marie-Thomas de Matignon (v. 1745)
  • Montmorency-Luxembourg (1784-1814)
  • Ville de Bricquebec

Visite

Les extérieurs du château sont en accès libre. Le Pays d'Art et d'Histoire du Clos du Cotentin organise des visites guidées ainsi que des animations notamment en été.

  • Donjon et remparts vus de l'extĂ©rieur.
    Donjon et remparts vus de l'extérieur.
  • La maison moderne entre les deux tours polygonales.
    La maison moderne entre les deux tours polygonales.
  • HĂ´tel du vieux château (ancien logis seigneurial).
    Hôtel du vieux château (ancien logis seigneurial).
  • Remparts ouest vu de l'intĂ©rieur avec la tour de l'Horloge.
    Remparts ouest vu de l'intérieur avec la tour de l'Horloge.
  • Pyramide de la mĂ©moire.
    Pyramide de la mémoire.
  • La cave voĂ»tĂ©e du XIVe siècle.
    La cave voûtée du XIVe siècle.

Notes et références

Notes

  1. Bricbekk en danois ce qui veut dire « ruisseau qui dévale »[2].
  2. Son lignage est antérieurement établi sur la Basse-Seine et dans le pays d'Auge.
  3. Cette disposition du donjon sur l'enceinte, et non au cœur de la forteresse comme à Caen ou Château-Gaillard, fut répandue à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle par Philippe Auguste, qui après sa conquête de la Normandie l'a appliquée en construisant des donjons à plan circulaire, à Rouen, Gisors, Verneuil, Lillebonne[20].
  4. La rue bordant cette motte, et limitée par une rangée de maisons, épouse l'emplacement initial des fossés[21].
  5. Le donjon de Bricquebec du XIIIe siècle reprend le plan polygonal du donjon de Robert de Bellême à Gisors (1097) qui n'a été que peu employé sinon à Cardiff et Carentan (aujourd'hui disparu) au XIIe siècle[20].
  6. En 1890, lors du dĂ©blaiement entreprit par la municipalitĂ©, on dĂ©couvrit dans cette pièce cinq boulets de pierre dits « bedaine » dont quatre d'environ 22 cm de diamètre et d'un poids de quinze kilos[23].
  7. Notamment un dessin de Charles de Gerville de 1822, représentant le logis disparu, conservé aux Archives départementale de la Manche.
  8. La salle fut bien étudié par Edward Impey[29] - [30].
  9. Les ouvertures ont été repercées à une époque ultérieure.

Références

  1. P. Lebreton, Bricquebec et ses environs, impr. Hippolyte Cazenave, Bricquebec, 1902.
  2. Guy Le Hallé (préf. Hervé Morin, photogr. Yves Buffetaut), Châteaux forts de Basse-Normandie, t. II, Louviers, Ysec Éditions, , 160 p. (ISBN 978-284673-215-4), p. 80-82 (Bricquebec).
  3. Georges Bernage, « La presqu'île du Cotentin - Bricquebec », dans La Normandie médiévale : 10 itinéraires, Éditions Heimdal, coll. « La France Médiévale », , 174 p. (ISBN 2-902171-18-8), p. 23.
  4. Davy 2014, p. 78.
  5. André Davy, Les barons du Cotentin, Condé-sur-Noireau, Éditions Eurocibles, coll. « Inédits et introuvables du patrimoine Normand », , 319 p. (ISBN 978-2-91454-196-1), p. 59.
  6. Deshayes 2022, p. 29.
  7. « Notice n°IA50000051 », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  8. « Secrets de châteaux et manoirs - Cotentin - Saint-Lô - Coutances », La Presse de la Manche, no Hors-série,‎ , p. 61 (ISBN 979-1-0937-0115-8).
  9. Bernard Beck, Châteaux forts de Normandie, Rennes, Ouest-France, , 158 p. (ISBN 2-85882-479-7), p. 98.
  10. Beck 1986, p. 78.
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  28. Deshayes 2022, p. 32.
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  34. Florence Delacampagne, « Seigneurs, fiefs et mottes du Cotentin (Xe – XIIe siècle) : Étude historique et topographique », dans Archéologie médiévale, t. 12, (lire en ligne sur Persée.), p. 186.
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Voir aussi

Bibliographie

  • « Le château de Bricquebec », Vikland, no 13, 1979.
  • Jean Barbaroux, 120 Châteaux et Manoirs en Cotentin, Bayeux, Éditions Heimdal, , 112 p. (ISBN 978-2-9021-7157-6), p. 80.
  • Julien Deshayes, « Le château de Bricquebec », Moyen Ă‚ge, no 131,‎ novembre-dĂ©cembre 2022, janvier 2023, p. 28-33 (ISSN 1276-4159).
  • Michel HĂ©bert et AndrĂ© Gervaise, Châteaux et manoirs de la Manche, CondĂ©-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, , 176 p. (ISBN 978-2-84706-143-7), p. 47-49.
  • Charles-Laurent Salch, Dictionnaire des châteaux et des fortifications du Moyen Ă‚ge en France, Strasbourg, Éditions Publitotal, , 28e Ă©d. (1re Ă©d. 1979), 1304 p. (ISBN 2-86535-070-3, OCLC 1078727877).

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