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Bretonne Pie Noir

La Bretonne Pie Noir est une race bovine française. Définie à la fin du XIXe siècle, elle est constituée de petits bovins bretons ayant en commun leur couleur de robe pie noir. Sous le Second Empire, elle est la race bovine la plus répandue, non seulement en Bretagne, mais aussi dans toute la France. La Pie Noir est exportée à travers tout ce pays, ainsi que vers de nombreux autres. Son registre généalogique (herd-book) est créé en 1884. La Bretonne Pie Noir décline au milieu du XXe siècle, avec un effondrement d'effectifs durant les années 1950 et jusqu'en 1975, au point de frôler l'extinction. Différents éleveurs, fédérés notamment par le professeur de zootechnie Pierre Quéméré, se mobilisent en 1976 pour assurer sa préservation.

Bretonne Pie Noir
Vache Bretonne Pie Noir à l'écomusée de la Bintinais
Vache Bretonne Pie Noir à l'écomusée de la Bintinais
Région d’origine
RĂ©gion Bretagne Drapeau de la France France
Caractéristiques
Taille Petite
Robe Pie noir
Autre
Diffusion Régionale, race préservée
Utilisation Mixte

C'est une race bovine de petite taille, à vocation mixte, bien qu'historiquement orientée laitière et beurrière. Ses éleveurs sont souvent engagés dans une démarche d'agroécologie et de commercialisation en circuit court. La Bretonne Pie Noir reste une race à faible effectif. Ce bovin est notamment préservé à l'écomusée de la Bintinais, près de Rennes.

DĂ©nomination et sources

Vaches Bretonnes Pie Noir dans le Morbihan.

Le nom de cette race bovine est « Bretonne Pie Noir », avec initiales en majuscules et sans « e » à la fin de « noir », tant selon le site officiel de l'association de race[A 1] que d'après Pierre Quéméré, qui lui a consacré une monographie en 2006[1]. Elle est cependant appelée « Bretonne Pie-Noire » dans la première édition de son herd-book[2], et « Bretonne Pie Noire » dans la monographie d'Angèle Jacq, parue en 2002[3]. Dans les régions d'Auray et de Quimper, elle porte le nom local de « morbihannaise » ou de « bretonne pie de la lande »[4]. Elle est aussi nommée « race de Cornouaille »[5].

Le principal acteur de la sauvegarde de la Bretonne Pie Noir est Pierre Quéméré, fils d'un éleveur de cette race bovine et professeur de zootechnie à Beauvais[6] - [7]. C'est notamment lui qui a reconstitué l'histoire de la race au terme d'une enquête de terrain (menée en 1975 auprès de 230 éleveurs[S 1]), dans sa monographie parue en 2006[6].

Histoire

TĂŞte d'une Bretonne Pie Noir.

Il existe très peu de sources relatives au bétail breton jusqu'au XVIIe siècle[8]. Avant la Révolution française, la population bovine bretonne est très hétérogène, avec des couleurs de robe variées à l'échelle même d'une seule ferme, dont la robe pie noir[9] - [10].

Origines

Vaches et taureaux bretons dans l'article « Race bovine bretonne et ses dérivés » de Gustave Heuzé, 1856.

En 1789, M. de Francourt réalise le premier inventaire bovin de France, et y décrit la bretonne comme « très-petite », et propre à la Basse-Bretagne[11]. Les bœufs bretons sont décrits comme de robe pie rouge ou pie noir, avec de petits membres et une tête courte[12]. Ils donnent peu de suif et très peu de cuir d'après Francourt, mais il reconnaît néanmoins la qualité de leur viande[12] - [11]. Francourt termine en disant que cette espèce « ne mérite aucune sorte de considération »[11].

Ă€ partir de 1830, l'État français distribue des encouragements agricoles aux Ă©leveurs[13]. L'effectif bovin breton est de 1 400 000 tĂŞtes au milieu du XIXe siècle[4]. La Bretonne Pie Noir, pas encore reconnue officiellement, est vraisemblablement la race bovine française la plus importante en nombre sous le Second Empire[14].

D'autres populations bovines bretonnes, notamment la Pie rouge des plaines et l'Armoricaine, sont croisées avec la Durham[15]. En réaction à la mauvaise perception de ces croisements, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, certains éleveurs reviennent à une « sélection dans l'indigénat », tandis que le concept de race se précise[8] - [11]. L'un des pionniers de cette sélection est Pierre Bellamy, qui publie en 1857 l'ouvrage La Vache bretonne, utile au riche, providence du pauvre[11]. D'après François de Beaulieu, il a « beaucoup contribué à la renommée de la race en soulignant qu'on pouvait l'améliorer sans la croiser avec d'autres races »[16]. Bellamy identifie clairement la Bretonne Pie Noir en la différenciant de la race de Quimper, plus grande et plus forte[16]. Sous le nom de « vache bretonne », un spécimen appartenant à « M. Allier père » participe au concours universel de reproducteurs de Paris en 1855, et remporte le premier prix de sa catégorie[17]. En 1862, une enquête agricole permet de déterminer que la vache bretonne est présente dans 54 départements français[18].

Création du registre généalogique

Dessin en couleurs d'une vache noir et blanc, vue de profil
Vache bretonne d'après le Journal d'agriculture pratique, de jardinage et d'économie domestique, 1888.

L'inspecteur gĂ©nĂ©ral agricole Henri Cochon de Lapparent envoie en 1882 une note au prĂ©fet du Morbihan, proposant la crĂ©ation d'un registre gĂ©nĂ©alogique (herd-book) pour la Bretonne Pie Noir[18] - [19]. Le prĂ©fet sollicite 2 000 francs de subventions auprès du conseil gĂ©nĂ©ral du Morbihan[19]. Le , le projet de herd-book est approuvĂ© par la sociĂ©tĂ© d'agriculture de Vannes[19]. Le conseil gĂ©nĂ©ral du Finistère et plusieurs sociĂ©tĂ©s d'agriculture apportent aussi leur soutien financier[20].

Ce registre est ouvert en 1884[21] ou 1885[18] - [5], par une société des éleveurs créée à Vannes[5], dans un contexte conflictuel[22] où de nombreuses autres races bovines françaises disposent déjà du leur[11]. Des conflits entre républicains et aristocrates traditionnalistes influencent en effet le contexte de cette ouverture[23]. Seuls les animaux de robe pie noir sont autorisés à l'inscription[20].

En 1886, il y a 310 inscriptions[24] - [23], puis 1 034 animaux sont inscrits dans ce registre l'annĂ©e suivante[23] - [25]. Environ deux tiers des propositions d'inscription sont refusĂ©es, ce qui tĂ©moigne d'une volontĂ© de crĂ©er et sĂ©lectionner une race bien caractĂ©risĂ©e[23] - [25]. Le berceau de race est dĂ©fini Ă  cette Ă©poque, sur la base d'une ligne allant de la presqu'Ă®le de Crozon jusqu'Ă  PloĂ«rmel, en incluant le pays de Vannes et la presqu'Ă®le de Rhuys[23]. Les inscriptions ralentissent cependant les annĂ©es suivantes, et cessent en 1889, en raison de l'exportation des meilleurs sujets et de « la lourdeur des tournĂ©es d'inspection »[23] - [25]. Le herd-book reste en sommeil jusqu'en 1919, malgrĂ© l'organisation rĂ©gulière de concours qui rencontrent un grand succès[26].

Au dĂ©but du XXe siècle, trois races bovines sont caractĂ©risĂ©es en Bretagne : la Bretonne Pie Noir, la Froment du LĂ©on et l'Armoricaine[21]. L'Armoricaine correspond aux anciennes populations de la Bretonne qui ont Ă©tĂ© croisĂ©es avec la Durham[S 2]. La Bretonne Pie Noir est la race la plus nombreuse, avec plus de 700 000 tĂŞtes rĂ©pertoriĂ©es en 1900[5] - [23], pour 500 000 avant la Première Guerre mondiale, ce qui la place au rang des grandes races bovines fançaises[27]. Elle est prĂ©sente sur des concours, organisĂ©s tant en Bretagne qu'en dehors[28]. L'unicitĂ© de la robe se gĂ©nĂ©ralise, les Ă©leveurs choisissant des reproducteurs correspondant au standard de la race[27]. La sociĂ©tĂ© d'Ă©leveurs se reconstitue en 1919, poursuivant la sĂ©lection sur standard et sur contrĂ´le laitier[23]. La Bretonne Pie Noir reste la race bovine dominante en Bretagne jusque durant les annĂ©es 1950[S 3].

DĂ©clin et sauvegarde

Vache bretonne dans le Nouveau Larousse illustré, vers 1900.

La Bretonne Pie Noir dĂ©cline particulièrement durant les annĂ©es 1960 et 1970, sous l'influence croissante de races plus productives[S 1], telles que la Normande et la Holstein[S 4]. Un nombre croissant d'Ă©leveurs et d'organismes agricoles la jugent non-adaptĂ©e aux systèmes de production laitiers modernes, en particulier des jeunes agriculteurs, en raison de sa petite taille et de difficultĂ©s d'approvisionnement croissants pour renouveler les troupeaux[S 3]. Son dĂ©clin est anticipĂ© dès les annĂ©es 1900, les Ă©volutions agricoles ne favorisant plus le pâturage sauvage du bĂ©tail sur des terres ingrates[29]. Ă€ partir du dĂ©but des annĂ©es 1950, l'arrivĂ©e de la race Frisonne accompagne la transformation de l'Ă©levage vers l'intensification[23]. Le remplacement de la Bretonne Pie Noir est facilitĂ© du fait que les deux races partagent la mĂŞme couleur de robe noire et blanche[23]. En 1960, l'effectif de la Bretonne Pie Noir est de 430 000 tĂŞtes[23]. La rĂ©gression des races locales est constatĂ©e dès 1962 par certains spĂ©cialistes et vĂ©tĂ©rinaires, puis en 1971 par la SociĂ©tĂ© d'ethnozootechnie nouvellement crĂ©Ă©e[6]. Durant un colloque en 1974, la SociĂ©tĂ© d'ethnozootechnie prĂ©dit l'extinction de la Bretonne Pie Noir[7].

En 1975, l'ingĂ©nieur agricole Pierre QuĂ©mĂ©rĂ©, dont le père Ă©lève cette race bovine, s'alarme de sa disparition[7]. Il ne reste en effet qu'environ 15 000 femelles[S 1], gĂ©nĂ©ralement âgĂ©es et dispersĂ©es entre plusieurs zones[23] - [A 2]. La projection des courbes de naissances prĂ©voit l'extinction de la Bretonne Pie Noir aux alentours de 1980[23].

Une assemblée générale de la Société des éleveurs de Bretonne Pie Noir, en sommeil depuis 1963, est convoquée le à Quimperlé[30] - [A 2]. Elle rassemble aussi de jeunes éleveurs[30]. L'initiative est cependant critiquée par le syndicat des éleveurs de bovins de race Holstein, qui qualifie les porteurs d'une demande de subvention du Conseil général d'« écolo-folklo-passéistes », et réclame cet argent pour ses propres usages[30]. Quéméré parvient cependant à convaincre le ministère de l'agriculture de soutenir le plan de sauvegarde[31].

Un programme de sauvegarde est entrepris ; il s'agit du premier plan de sauvetage menĂ© pour une race bovine en France[A 3] - [S 1] - [6]. Ce plan est acceptĂ© en 1976 par 46 Ă©leveurs, qui dĂ©tiennent ensembles 277[30] ou 311[S 2] - [7] vaches sur les 15 000 qui subsistent, dispersĂ©es sur les 5 dĂ©partements bretons[S 2]. Ces Ă©leveurs acceptent le principe d'un Ă©levage conservatoire et d'accouplements raisonnĂ©s afin d'empĂŞcher l'extinction de la Bretonne Pie Noir[32] - [7]. Ce plan est notamment soutenu par une ferme conservatoire au Menez-Meur[4]. Vers 1980, la quasi-totalitĂ© des Pie Noir recensĂ©es sont inscrites dans le plan de conservation de la race[A 2] ; c'est Ă  la mĂŞme Ă©poque que de jeunes Ă©leveurs de Bretonne Pie Noir rĂ©cemment installĂ©s re-mettent en valeur une recette de lait fermentĂ© traditionnel de Bretagne, le laezh tĂ©o (gros lait)[A 4]. Une enquĂŞte est menĂ©e en 1992 : les Ă©leveurs exclusivement conservatoires ne reprĂ©sentent plus que 30 % de la totalitĂ© des Ă©leveurs ; une moitiĂ© d'Ă©leveurs est activement investie dans la dĂ©fense de la race, les 20 % qui restent sont des amateurs ou amateurs passionnĂ©s[S 5].

En 1993, la marque « Gwell » est créée pour valoriser le gros lait de Bretonne Pie Noir[A 4].

En 1990, le parc naturel régional d'Armorique s'engage lui aussi dans la préservation de cette race[30], à travers le recrutement d’un technicien chargé de suivre le programme de sauvegarde[A 4].

Depuis le XXIe siècle

Vue de profil d'une vache Bretonne Pie Noir appartenant Ă  l'Ă©leveur Ronan Le Palud.

Un nouveau programme de sauvegarde gĂ©nĂ©tique est adoptĂ© en 2003 : il vise Ă  mieux optimiser les accouplements de manière Ă  limiter la consanguinitĂ© et Ă  augmenter la frĂ©quence des gènes rares[A 4]. En 2005, l'effectif est de 1 300 animaux, dont 1 000 femelles[A 2].

Depuis 2003, les Ă©leveurs de Bretonne Pie Noir se sont associĂ©s au mouvement Slow Food[33]. La race est ainsi rĂ©pertoriĂ©e dans la base de donnĂ©es de l'Arche du goĂ»t[5]. En 2006[30] ou 2008[A 4], la sociĂ©tĂ© d'Ă©leveurs prend le nom d'Union Bretonne Pie-Noir (UBPN), pour se mettre en conformitĂ© avec la loi d'orientation agricole. Fin 2016, les effectifs de la race sont d'environ 2 000 tĂŞtes, rĂ©parties chez une cinquantaine d'Ă©leveurs selon le mĂ©dia La France agricole[P 1], ou de 3 500 animaux, dont 2 600 femelles, Ă©levĂ©s par 450 propriĂ©taires, selon QuĂ©mĂ©rĂ©[A 2].

La Bretonne Pie Noir est mise à l'honneur lors du Salon international de l'agriculture de 2017 : son égérie est en effet une représentante de la race, une vache nommée « Fine »[P 2]. Elle provient de la ferme des Sept chemins située à Plessé, en Loire-Atlantique[P 1]. Fine est de nouveau présente au Salon de l'agriculture de 2022[34].

Pendant la crise de l'élevage laitier conventionnel en 2015 et 2016, une enquête menée auprès d'une trentaine d'éleveurs de BPN conclut à un niveau de satisfaction au niveau de leur métier supérieur à celui des autres éleveurs[A 2]. La Fédération des races de Bretagne (créée en 2011) commande une étude des qualités de la viande et du lait de la Bretonne Pie Noir à l'INRAE sur trois ans, dont les résultats, soulignant ces qualités par comparaison aux races bovines industrielles, sont publiés en 2022[P 3] - [P 4]. Fabien Le Coïdic, un éleveur qui a vécu trois ans de batailles judiciaires pour s'installer en bio avec des Bretonne Pie Noir à Adainville (Yvelines), est médiatisé en février 2023 en raison de l'agribashing qu'il subit de la part des habitants de cette commune[P 5] - [P 6].

Description

Taureau Breton Pie Noir.

La Bretonne Pie Noir est reconnue par tous les auteurs du XIXe siècle comme une race autochtone et naturelle[21]. De toutes les races bovines bretonnes, elle est la moins influencée par des croisements extérieurs[27].

Certains auteurs, notamment André Sanson, évoquent une parenté de la Bretonne Pie Noir avec la Kerry irlandaise, en raison de sa petite taille[S 2]. Une étude du polymorphisme et de la distance génétique, publiée en 1990, la rattache plutôt aux races bovines de l'Est, comme la Vosgienne, la Montbéliarde, la Pie rouge de l'Est, l'Abondance et la Tarine[S 2] - [35]. Elle est aussi relativement proche de la Jersiaise[35].

Taille et poids

Tête et cornes d'une Bretonne Pie Noir exposée à Pontivy en 2017.

Elle est prĂ©sentĂ©e comme la plus petite race bovine française[5] - [A 4]. C'est donc un bovin de petite taille. La hauteur au garrot est de 117 cm en moyenne[A 4]. Chez le mâle, la taille moyenne est de 123 cm.

Le poids moyen adulte de la vache est de 350 Ă  450 kg[32]. Le taureau pèse en moyenne 600 kg[A 4], avec une fourchette allant de 550 Ă  750 kg[5].

Morphologie

Pis d'une Bretonne Pie Noir à l'écomusée de la Bintinais.

La tête est petite et fine, dotée d'un profil rectiligne, d'un front et de naseaux étroits[5]. L'encolure est mince ; les cornes sont de longueur moyenne, en forme de lyre ou de croissant, et de couleur blanche avec les pointes sombres[4] - [5].

Le tronc est long, et le corps est droit[5]. La poitrine est profonde et bien descendue[5]. Le bassin est large, la croupe horizontale[5]. La queue est à la fois large et fine, généralement dépourvue de forme de crosse[5].

Robe

La robe est généralement pie noir (tachetée noire et blanche)[A 4] - [5]. Les couleurs sont vives et la ligne de démarcation entre le blanc et la couleur sont bien tranchées[16]. Plus rarement, les robes pie gris (glazik, en breton) et pie rouge sont représentées[A 4] - [5].

Les muqueuses (mufle) sont noires[5].

Tempérament et entretien

Vache Bretonne Pie Noir à l'écomusée de la Bintinais.

La Bretonne Pie Noir a généralement de bons aplombs, solides et qualiteux[A 4] ; certains troupeaux peuvent marcher sur de longues distances[36]. Elle est historiquement adaptée à l'agriculture bretonne sur des terres pauvres à vocation céréalière, permettant de valoriser des sols marginaux[S 2] ; cette adaptation au milieu est mise en valeur via la communication officielle sur cette race[S 6].

Le vêlage est réputé facile, la Pie Noir disposant aussi de bonnes qualités maternelles[A 4] - [A 2]. D'après Quéméré, la race est sexuellement précoce et fait preuve d'une bonne fertilité[A 2].

Elle est particulièrement rustique, les vaches étant réformées à l'âge moyen de 12 ans, contre une moyenne de 6 ans chez la Prim'Holstein[5]. Elle résiste bien aux différentes maladies et aux amplitudes thermiques[A 4]. Sa longévité atteint 20 ans[A 2].

SĂ©lection

GĂ©nisse Bretonne Pie Noir.

L'Union des éleveurs de Bretonne Pie Noir (UBPN) est l'association nationale chargée de la sélection et de la conservation de la race ; elle compte 140 adhérents en 2021[P 7]. Depuis 2016, la Bretonne Pie Noir est reconnue officiellement par le Ministère de l'agriculture comme race bovine mixte[7].

La race BPN suit un plan de sauvegarde génétique[A 5]. Il inclut l'envoi d'un taureau choisi pour ses capacités à conserver les lignées dans un centre d'insémination artificielle, ainsi que l'envoi d'un « plan d'accouplement » à chaque propriétaire de vaches, qui leur fournit le nom du taureau le plus compatible avec chacune de leurs vaches, en fonction de sa génétique et dans le but de limiter la consanguinité[A 5].

Aptitudes et utilisation

Fine, vache Bretonne Pie Noir de 6 ans, égérie du salon international de l'agriculture de 2017.

La Bretonne Pie Noir (BPN) est devenue un symbole de l'agriculture familiale et de l'agroécologie[30] - [A 2]. C'est désormais une race mixte, donc à double aptitude viande et lait, mais elle est historiquement plutôt orientée laitière-beurrière[A 2]. La BPN est appréciée pour sa facilité de vêlage sans assistance[A 2].

La vache est généralement nourrie toute l'année à l'herbe et au foin, parfois complémentée avec des betteraves et du chou[5], ce qui rend son mode d'élevage économe en intrants[A 2]. Les fermes d'élevage de Bretonne Pie Noir dégagent en moyenne quatre fois moins de dioxyde de carbone (CO2) que la moyenne nationale française des fermes de races bovines allaitantes ; bien qu'elles soient loin de la neutralité carbone, elles polluent beaucoup moins que des fermes d'élevage industriel[P 4].

Caractérisation des éleveurs

Les éleveurs de BPN peuvent être des professionnels, tirant l'essentiel de leurs revenus de cet élevage, ou des amateurs (retraités ou pluriactifs) ; la majorité sont des néo-ruraux qui ont exercé précédemment un autre métier, avec un niveau de formation plus élevé que la moyenne des éleveurs[A 2]. Une majorité d'éleveurs a une autre activité principale que l'élevage de la BPN[S 7].

La plupart sont partisans, et souvent militants de l'agroécologie[A 2]. La notion de race locale est mobilisée de façon importante dans leur choix d'élevage ; elle peut renvoyer tant au comportement des animaux qu'à leur adaptation au territoire, à l'absence de sélection spécialisée, à leur adaptation à des systèmes d'élevage économes, ou même à leur dimension patrimoniale[S 7]. Une autre caractéristique des éleveurs de BPN est une distinction forte avec les éleveurs dits conventionnels, ce qui les a obligés à mettre en place leurs propres marchés pour leurs produits laitiers et carnés, en fidélisant une clientèle et en développant des gammes de produits variées[S 8] : ces éleveurs sont généralement aussi des producteurs de produits laitiers transformés, avec une vente directe ou en circuit court, notamment sur les marchés[A 2] - [S 7].

L'élevage est surtout représenté par de petites exploitations, avec des quotas laitiers faibles[A 2]. La moitié sont en agriculture biologique[A 2]. Nathalie Couix et ses collègues concluent dans leur article (Cahiers Agricultures) à une « ré-adoption de la race, localement, dans une Bretagne où les systèmes intensifs demeurent dominants »[S 3]. Par ailleurs, environ un tiers des membres de l'UBPN lors de son Assemblée générale de 2014 ont une exploitation agricole située hors de la Bretagne[S 3].

Lait et produits laitiers

Tomes de Rhuys, fromages Ă  base de lait de Bretonne Pie Noir.

La Bretonne Pie Noir donne environ 3 070 kg de lait par lactation[A 4]. La composition de son lait est proche de celle de la Normande, mais plus riche, avec une bonne richesse en matière grasse (taux butyreux de 44 g/l) et en protĂ©ines (34 g/l)[S 2] - [S 9] - [7]. Ce lait est aussi plus riche en acides gras essentiels, et plus digeste que celui de la Prim'Holstein et de la Normande[P 4].

Le lait de Bretonne Pie Noir est facile à transformer en fromage (il est « fromageable »)[P 4]. La palette de produits laitiers fabriqués à partir de ce lait est large : du lait cru à la tomme en passant par le beurre, la crème, le lait ribot, les fromages frais ou affinés, et les yaourts[A 2] - [A 4] - [7].

Le gros lait (lait fermenté) de Bretonne Pie Noir a fait l'objet d'une marque déposée, c'est le « gwell »[A 4] - [S 10]. Ce produit permet aux éleveurs de mieux valoriser l'élevage de leur race bovine[S 10]. Une proposition d'Appellation d'origine protégée (AOP), première proposition d'AOP sur un produit laitier breton, est portée par la ferme du Gros Chêne de Betton[P 8].

Viande

Sa viande est également réputée pour ses qualités bouchères, décrite comme « savoureuse, juteuse, tendre et persillée avec de bons acides gras »[A 4]. L'alimentation des bovins à l'herbe et au foin donne de meilleures qualités gustatives à sa viande, avec une odeur de grillé et d'herbe[P 4]. La carcasse est de petit gabarit, ce qui facilite sa découpe et la vente directe[S 7].

Gestion conservatoire

De par ses caractéristiques rustiques, la race est bien adaptée aux milieux humides et est donc utilisée pour maintenir des prairies humides ouvertes avec une mosaïque d'habitats sans avoir recours à des machines ou à des interventions manuelles[A 6].

Diffusion de l'Ă©levage

Bretonne Pie Noir à l'écomusée de la Bintinais.

La Bretonne Pie Noir est considĂ©rĂ©e comme une race locale Ă  petits effectifs[S 6], dans un contexte oĂą 75 % des bovins Ă©levĂ©s en Bretagne sont des Prim'Holstein[S 4]. Son berceau de race comprend le sud-Finistère et le Morbihan[A 4]. En 2020, le cheptel compte environ 2 500 femelles Ă©levĂ©es par 450 Ă©leveurs, dont 70 sont des agriculteurs professionnels[30] - [7]. Bien que ce nombre reste très faible, la race a Ă©tĂ© « rĂ©-adoptĂ©e » dans sa rĂ©gion originelle[S 7]. Cette race bovine est notamment conservĂ©e Ă  l'Ă©comusĂ©e de la Bintinais, situĂ© tout près de Rennes[A 7]. En 2002, la BPN est prĂ©sente dans 19 dĂ©partements de France[S 2].

Historiquement, des vaches bretonnes correspondant Ă  la Pie Noir ont Ă©tĂ© exportĂ©es vers d'autres rĂ©gions françaises et dans de nombreux pays, particulièrement la Grande-Bretagne sous le Second Empire[14]. La reine Victoria reçoit en 1856 un taureau nommĂ© Tom Puce et une vache nommĂ©e Rosa Bonheur, au Royal Show de Chelmsford[14]. Ces bovins sont essentiellement acquis par des familles anglaises riches qui s'adonnent Ă  l'Ă©levage laitier comme passe-temps[14]. La race est aussi acquise en Italie, en Espagne, au Portugal, en Yougoslavie, au BrĂ©sil, au Chili, et dans l'empire colonial français de l'Ă©poque (Madagascar, Maroc, AlgĂ©rie, La RĂ©union)[14]. Entre 1900 et 1939, QuĂ©mĂ©rĂ© estime les exportations annuelles Ă  une moyenne de 30 000 tĂŞtes[14]. Les exportations vers le sud-ouest se rĂ©duisent après 1950[37].

La Bretonne Pie Noir influence significativement trois autres races : la Bordelaise, la Pie Noir de Meknès, et la Canadienne[37].

Dans la culture

Gravure d'une vache vue de profil.
Vache bretonne dans Le tour de la France par deux enfants de George Bruno, Ă©dition de 1904.

La plus vieille représentation connue d'une vache de type pie noir est un tableau de Jacques Raymond Brascassat intitulé Vache bretonne, peint en 1830[10].

André et Julien Volden, dans le livre de lecture courante Le Tour de la France par deux enfants de G. Bruno, rencontrent une « vache bretonne » au cours de leur périple, en arrivant en France[A 8].

La Bretonne Pie Noir, avec d'autres races locales bretonnes, est mise à l'honneur pendant l'exposition « Races bretonnes : une histoire bien vivante », visible à l'écomusée de la Bintinais en 2023[P 9].

Notes et références

Références d'ouvrages non-académiques

Références scientifiques

  1. Quéméré et al. 2002, p. 221.
  2. Quéméré et al. 2002, p. 222.
  3. Couix et al. 2016, p. 5.
  4. Couix et al. 2016, p. 2.
  5. C. Henry, Bilan de 15 ans de sauvegarde de la race Bretonne Pie Noir, MĂ©moire Inst. Sup. Agr. de Beauvais, , 78 p..
  6. Couix et al. 2016, p. 1.
  7. Couix et al. 2016, p. 3.
  8. Couix et al. 2016, p. 3 ; 5.
  9. Catherine Hurtaud, Sophie Brégeron, R. Chaabouni et C. Morinière, « Caractérisation du lait des races laitières bretonnes : les vaches Bretonne Pie-Noir et Froment du Léon, la chèvre des Fossés », Rencontres autour des Recherches sur les Ruminants (3R), Paris,‎ , p. 2 (lire en ligne Accès libre [PDF], consulté le ).
  10. Marie-Noelle Madec, Anne-Sophie Bage, Victoria Chuat et Lucas von Gastrow, « Caractérisation et conservation de la diversité bactérienne d’un lait fermenté traditionnel breton, le Gwell en lien avec la préservation d’une race locale de vache, la Bretonne Pie Noir », Le Lait, vecteur de développement » 3. RENCONTRES INTERNATIONALES, Institut National de Recherche Agronomique (INRA). UMR UMR INRA / AgroCampus Rennes : Science et Technologie du Lait et de l'œuf (1253),‎ (lire en ligne Accès libre [PDF], consulté le ).

Références de presse

  1. Tanguy Dhelin, « Une bretonne pie noir égérie de l’édition de 2017 », La France agricole, (consulté le ).
  2. Tanguy Dhelin, « Fine, une égérie symbole de la renaissance de la bretonne pie noir », La France agricole, (consulté le ).
  3. Delphine Van Hauwaert, « Agriculture. Élevage, goût… Les races bretonnes passées à la loupe », Ouest-France,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. Stéphane Jézéquel, « Le lait et la viande des races bretonnes, qualité prouvée ! », Le Télégramme, (consulté le ).
  5. Juliette Moreau Alvarez, « Yvelines: un agriculteur reçoit une lettre d'intimidation de ses voisins opposés à son élevage de vaches », sur BFM TV, (consulté le ).
  6. Elisabeth Gardet et Auguste Canier, « Yvelines : l’éleveur bio jugé indésirable dans le village découvre une lettre d’intimidation dans son salon », sur leparisien.fr, Le Parisien, (consulté le ).
  7. « L’Union des Bretonnes pie noir, une association pour la sauvegarde et la promotion de la race », Le Télégramme, (consulté le ).
  8. Agnès Cussonneau, « La Bretonne pie noir valorisée par des élèves de la MFR de Fougères », Paysan Breton, (consulté le ).
  9. Agnès Cussonneau, « Mise en lumière des races bretonnes », Paysan Breton, (consulté le ).

Références associatives et web

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Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

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  • [Dubois 2017] Philippe Jacques Dubois, Toutes les vaches de France : d'hier, d'aujourd'hui et de demain, Delachaux et Niestle, (ISBN 978-2-603-02456-0 et 2-603-02456-6, OCLC 1005230863, lire en ligne)
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  • [QuĂ©mĂ©rĂ© et al. 2002] (en) P. QuĂ©mĂ©rĂ©, H. Larroque, J. Colleau, C. Wagner et Sergent, « Gestion gĂ©nĂ©tique de la race bovine Bretonne Pie-Noire: bilan et perspectives », Productions Animales, vol. 15, no 3,‎ (lire en ligne Accès libre [PDF], consultĂ© le ). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
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