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Álvaro Uribe

Álvaro Uribe VĂ©lez, nĂ© le Ă  MedellĂ­n (Antioquia), est un homme d'État colombien de droite, prĂ©sident de la RĂ©publique de 2002 Ă  2010.

Álvaro Uribe
Illustration.
Álvaro Uribe en 2009.
Fonctions
SĂ©nateur de Colombie
–
(6 ans et 29 jours)
Élection 9 mars 2014
RĂ©Ă©lection 11 mars 2018
–
(8 ans)
Élection 9 mars 1986
RĂ©Ă©lection 11 mars 1990
Président de la République de Colombie
–
(8 ans)
Élection 26 mai 2002
RĂ©Ă©lection 28 mai 2006
Vice-président Francisco Santos Calderón
Prédécesseur Andrés Pastrana Arango
Successeur Juan Manuel Santos
Biographie
Nom de naissance Álvaro Uribe Vélez
Date de naissance
Lieu de naissance MedellĂ­n, Antioquia (Colombie)
Nationalité Colombienne
Parti politique Parti libéral (1977-2001)
Colombie d'abord (2001-2010)
Parti de la U (2010-2013)
Centre démocratique (2013-)
DiplÎmé de Université d'Antioquia
Profession Avocat
Religion Catholicisme romain

Signature de

Álvaro Uribe
Présidents de la République de Colombie

Sénateur de 1986 à 1994, il est élu président de la République en 2002 et réélu en 2006. Sa présidence est principalement marquée par sa lutte contre les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), des relations difficiles avec le Venezuela, et de nombreuses controverses afférentes à ses rapports, et à ceux de ses proches, avec le narcotrafic ou le paramilitarisme[1].

Fondateur et dirigeant du Centre dĂ©mocratique Ă  partir de 2013, il redevient sĂ©nateur en 2014, et continue Ă  exercer une influence importante sur la vie politique colombienne, notamment lors du rĂ©fĂ©rendum de 2016 sur l’accord de paix avec les FARC et lors de l’élection prĂ©sidentielle de 2018, qui voit la victoire de son candidat, IvĂĄn Duque.

Biographie

Famille et formation

Avocat de profession, Álvaro Uribe a Ă©tudiĂ© Ă  l'universitĂ© d'Antioquia avec des Ă©tudes de spĂ©cialisation en administration et en gestion Ă  l'Harvard University Extension School. Il a ensuite fait des Ă©tudes Ă  l'universitĂ© d'Oxford, oĂč il est nommĂ© Senior Associate Member at the Saint Antony's College en 1998.

Il est marié à Lina Moreno avec laquelle il a deux fils : Tomås et Jerónimo.

Son pĂšre, qui servait de prĂȘte-nom pour couvrir certaines activitĂ©s du Cartel de MedellĂ­n et entretenait possiblement une milice paramilitaire, a Ă©tĂ© assassinĂ© par les FARC en 1983 lors de l'assaut de son hacienda[2]. Il se rend immĂ©diatement sur les lieux, dans un hĂ©licoptĂšre appartenant Ă  Pablo Escobar[3]. Lui-mĂȘme survĂ©cut Ă  plusieurs attentats[4], dont un Ă  la voiture piĂ©gĂ©e lorsqu'il Ă©tait candidat Ă  la prĂ©sidence colombienne le , attentat qui a fait deux morts et une vingtaine de blessĂ©s.

PremiĂšres fonctions politiques

Uribe commence sa carriÚre politique avec le Parti libéral et est nommé en maire de Medellin par Belisario Betancur (les maires des grandes villes de Colombie étaient autrefois non élus). Cependant, il est destitué de sa fonction en , cinq mois seulement aprÚs sa nomination, pour avoir vraisemblablement participé à une réunion des cadres du Cartel de la ville avec Pablo Escobar, les frÚres Ochoa, Carlos Lehder et Gonzalo Gacha [3].

Il est ensuite sĂ©nateur, de 1986 Ă  1994, et gouverneur de la rĂ©gion d'Antioquia de 1995 Ă  1997. Il entreprend notamment depuis cette derniĂšre fonction de promouvoir et de mettre en Ɠuvre les CONVIVIR (milices privĂ©es assimilables Ă  des paramilitaires) qui seront nĂ©anmoins dĂ©clarĂ©es anticonstitutionnelles en 1996 et partiellement dĂ©sarmĂ©es, d'autres rejoignant les AutodĂ©fenses unies de Colombie (AUC)[5].

Président de la République

Il se retire du parti libĂ©ral en 2001 pour se prĂ©senter en candidat indĂ©pendant Ă  la prĂ©sidentielle de 2002. Il est Ă©lu dĂšs le premier tour le avec 53 % des voix et 48 % de taux de participation, ce qui tend Ă  montrer que la population est sĂ©duite par son langage de fermetĂ© Ă  l'Ă©gard des groupes armĂ©s illĂ©gaux et par sa volontĂ© affirmĂ©e de rĂ©tablir l'autoritĂ© de l'État sur l'ensemble du territoire Ă  travers une politique qualifiĂ©e de « sĂ©curitĂ© dĂ©mocratique ». Il est cependant soutenu par les paramilitaires, qui dans les zones rurales ont ordonnĂ© aux paysans de voter pour lui[6]. Son Ă©lection en fait le premier prĂ©sident Ă©lu sans Ă©tiquette de Colombie[7].

Son premier gouvernement comprend treize ministĂšres. Il compte six femmes, qui occupent notamment les postes clĂ©s de la DĂ©fense et des Affaires Ă©trangĂšres. Soutenu par un « Plan Colombie » financĂ© par les États-Unis, Uribe poursuit la politique entreprise sous son prĂ©dĂ©cesseur AndrĂ©s Pastrana donnant prĂ©sĂ©ance au renforcement militaire sur tout autre aspect de la politique gouvernementale. Pour mettre en Ɠuvre ce programme de « sĂ©curitĂ© dĂ©mocratique », le budget de la DĂ©fense est fortement rehaussĂ© grĂące Ă  un impĂŽt nouvellement instaurĂ© qui lui est entiĂšrement destinĂ© et par le gel des salaires des fonctionnaires. 30 000 soldats professionnels sont ainsi recrutĂ©s et un rĂ©seau de surveillance citoyenne d'un million de personnes est constituĂ©[8]. Cette deuxiĂšme mesure suscite des critiques de l'opposition, qui considĂšre qu'il s’agit d'une politique de dĂ©lation de grande envergure et s'inquiĂšte des Ă©ventuelles bavures qui pourraient en dĂ©couler. Par ailleurs la Colombie s'endette graduellement d'annĂ©e en annĂ©e ; alors que la dette colombienne s'Ă©levait Ă  52 % du PIB en 2003, elle atteint 72 % de son PIB en 2010[9].

Álvaro Uribe et George W. Bush en 2007.

Sous son autoritĂ© le gouvernement colombien fait procĂ©der Ă  une restructuration de l’économie, notamment par le biais de privatisations et de fermetures d’hĂŽpitaux publics[10].

Les Ă©lections parlementaires (Chambre des reprĂ©sentants et SĂ©nat) du donnent Ă  la coalition favorable au prĂ©sident Álvaro Uribe une majoritĂ© absolue au SĂ©nat (61 siĂšges sur 102) ainsi qu'Ă  la Chambre des reprĂ©sentants (91 siĂšges sur 166). Le premier tour de l'Ă©lection prĂ©sidentielle, qui a lieu le et qui est marquĂ© par un taux de participation de l'ordre de 44 %, voit sa rĂ©Ă©lection avec 62,2 % des voix, face au candidat du PĂŽle DĂ©mocratique Alternatif (PDA - gauche), Carlos Gaviria DĂ­az (es) qui obtient 22 % des voix, et au candidat officiel du parti libĂ©ral, Horacio Serpa qui obtient prĂšs de 12 % des voix[11]. Il est ainsi devenu le premier prĂ©sident colombien depuis un siĂšcle Ă  ĂȘtre rĂ©Ă©lu pour un second mandat (jusqu'Ă  sa rĂ©vision en 2004 la constitution colombienne n'accordait l'exercice que d'un seul mandat prĂ©sidentiel), ainsi que le prĂ©sident le mieux Ă©lu de l'histoire de son pays. Ces Ă©lections ont mis en lumiĂšre l'affaiblissement des deux partis « historiques » du bipartisme colombien. En 2002 comme en 2006 le Parti conservateur n'a d'ailleurs pas prĂ©sentĂ© de candidats, prĂ©fĂ©rant se situer dans le sillage du prĂ©sident sortant ; le Parti libĂ©ral est quant Ă  lui apparu comme l'un des grands perdants de l'Ă©lection prĂ©sidentielle de 2006[8].

Álvaro Uribe se distingue de la plupart de ses homologues sud-amĂ©ricains par son soutien inconditionnel Ă  la politique Ă©trangĂšre amĂ©ricaine, il rĂ©agit ainsi favorablement Ă  l'invasion de l'Irak en 2003 et s'oppose Ă  une reconnaissance diplomatique officielle de la Palestine par la Colombie[12]. Un traitĂ© de libre-Ă©change est signĂ© avec le gouvernement George Bush en 2006 et est rapidement suivi d'un accord de coopĂ©ration militaire pour permettre Ă  l'armĂ©e amĂ©ricaine d'utiliser sept bases militaires en Colombie[13]. Il s'associe aux États-Unis dans la guerre contre le terrorisme et poursuit le « plan Colombie » contre la culture de la coca. Ce plan prĂ©voit notamment l'aspersion par voie aĂ©rienne d'herbicide (glyphosate) pour dĂ©truire les champs de coca.

Politique de sécurité intérieure

Álvaro Uribe tient une ligne dure contre les Forces armĂ©es rĂ©volutionnaires de Colombie (FARC, organisation armĂ©e d'extrĂȘme-gauche), refusant le dialogue et prĂ©fĂ©rant miser sur une solution exclusivement militaire pour achever le conflit. Pour Ă©craser la guĂ©rilla , il s'appuie notamment sur les paramilitaires des AutodĂ©fenses unies de Colombie (AUC, extrĂȘme-droite), qui fonctionnent comme une force auxiliaire de l'armĂ©e gouvernementale «utilisĂ©e pour semer la terreur et dĂ©tourner les soupçons concernant la responsabilitĂ© des forces armĂ©es dans la violation des droits humains lors du conflit», indique Amnesty International. Ces paramilitaires sont tenus responsables par l'ONU de 80 % des crimes et massacres perpĂ©trĂ©s durant le conflit, contre 12 % pour les guĂ©rillas et 8 % pour l'armĂ©e[14]. Dans le cadre du programme Justicia y Paz, Álvaro Uribe propose en 2006 une quasi-amnistie des AUC et obtient que 30 000[15] des membres de ces milices dĂ©posent les armes[16].

PrĂšs de 500 otages ont Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s par des opĂ©rations de police en deux ans, et le nombre d'homicides est passĂ© de 28 700 Ă  18 000 de 2002 Ă  2005[17]. Les FARC ont progressivement Ă©tĂ© rĂ©duites et repoussĂ©es. En outre, plusieurs de ses chefs ont Ă©tĂ© tuĂ©s par l'armĂ©e en 2008 et de nombreux militants ont dĂ©sertĂ©. Le , il lance l'OpĂ©ration Jaque qui permet la libĂ©ration de plusieurs otages des FARC dont Ingrid Betancourt. C'est pour lui une victoire personnelle Ă  plus d'un titre car il parvient Ă  faire libĂ©rer la cĂ©lĂšbre otage, et ceci tout en restant jusqu'au bout sur sa position de refus de toute nĂ©gociation avec l'organisation rebelle. Cette politique semble toutefois s’essouffler passĂ© 2008, oĂč les attaques se font plus nombreuses. En 2010, les pertes de l’armĂ©e sont supĂ©rieures Ă  celles de 2002, quand Álvaro Uribe avait pris ses fonctions[18]. AprĂšs le retrait d'Uribe en 2010, le gouvernement colombien, menĂ© par l'ancien ministre Juan Manuel Santos, reconnait que les guĂ©rilleros ne sont plus sur la dĂ©fensive et rĂ©Ă©value leur nombre Ă  la hausse. Selon les donnĂ©es officielles publiĂ©es par l’armĂ©e colombienne, 5 000 militaires ont Ă©tĂ© tuĂ©s et 16 000 blessĂ©s dans les combats avec les FARC entre 2002 et 2010[19].

Ces efforts contre la guĂ©rilla ont Ă©tĂ© accompagnĂ©s d'un prix humanitaire Ă©levĂ©. Depuis les annĂ©es 1980, 6 200 000 personnes ont Ă©tĂ© victimes de dĂ©placements forcĂ©s, dont plus de la moitiĂ© durant les annĂ©es de prĂ©sidence d'Álvaro Uribe. En 2011, aprĂšs son passage Ă  la tĂȘte du pays, la Colombie Ă©tait devenue le pays au monde comptabilisant le plus grand nombre de dĂ©placĂ©s internes devant le Soudan et l'Irak[20] - [21].

Pour amĂ©liorer ses rĂ©sultats en matiĂšre de lutte contre la guĂ©rilla, l'armĂ©e colombienne a procĂ©dĂ© Ă  des exĂ©cutions massives de civils, prĂ©sentĂ©s comme des rebelles tuĂ©s au combat. Si des exactions de ce genre existaient dĂ©jĂ  auparavant, le phĂ©nomĂšne s'est gĂ©nĂ©ralisĂ© Ă  partir de 2002, encouragĂ© par les primes versĂ©es aux soldats et par une impunitĂ© quasi-absolue[22] - [23]. Le scandale, dit des faux positifs, Ă©clate en 2008. La justice colombienne reconnait en 2021 au moins 6 402 civils exĂ©cutĂ©s par l’armĂ©e colombienne entre 2002 et 2008 afin d’ĂȘtre prĂ©sentĂ©s fallacieusement comme des membres des guĂ©rillas[24] - [25].

En 2010 une fosse commune contenant 2 000 cadavres est découverte à proximité d'une base militaire, dans le département du Meta. Il s'agit de la plus grande fosse commune découverte à ce jour en Amérique du Sud[26].

430 syndicalistes ont Ă©tĂ© assassinĂ©s entre 2002 et 2008. Ce chiffre est toutefois moins Ă©levĂ© qu'autrefois, dans les annĂ©es 1980 et 1990, mais la Colombie conserve son statut de pays le plus dangereux au monde malgrĂ© un taux de syndicalisation trĂšs faible (moins de 5 %) probablement directement imputable Ă  ces multiples assassinats et Ă  la terreur qu'ils inspirent[27]. Selon un rapport d’Amnesty International de 2008 les paramilitaires restent les principaux responsables, mais l'armĂ©e et la police seraient tout de mĂȘme Ă  l'origine de 43 % des meurtres[28].

Manifestation des indigĂšnes

En , 45 000 indigĂšnes colombiens se rassemblent pour manifester contre la politique d'Uribe. Ce dernier les condamne, car ils ne coopĂšrent pas avec le gouvernement. Ceux-ci se sentent en fait pris entre les feux croisĂ©s des AUC, du FARC et de l'armĂ©e gouvernementale. Une vidĂ©o diffusĂ©e sur CNN a montrĂ© des militaires visant les manifestants avec des tirs de fusil et abattre trois indigĂšnes. Uribe, qui a d'abord niĂ© ces faits, doit finalement les admettre face Ă  l'Ă©vidence des informations de la chaĂźne amĂ©ricaine[29] - [30]. Quelques semaines plus tard l'un des meneurs du mouvement de protestation est abattu Ă  un barrage militaire, dans ce qui semble avoir Ă©tĂ© une tentative de l'armĂ©e de prĂ©senter sa mort sous forme de faux positifs[31].

Rapports avec le Venezuela

Álvaro Uribe et le président Lula en 2009.

Álvaro Uribe est une personnalitĂ© politique de droite fermement pro-amĂ©ricaine, alors que le prĂ©sident du Venezuela voisin, Hugo ChĂĄvez, mĂšne une politique Ă©conomique orientĂ©e Ă  gauche et attaque verbalement l’interventionnisme militaire des États-Unis. L’antinomie de leurs politiques respectives entrainent de vives frictions diplomatiques entre les deux pays tout au long de la premiĂšre dĂ©cennie du vingt-et-uniĂšme siĂšcle. Le gouvernement colombien accuse rĂ©guliĂšrement les autoritĂ©s vĂ©nĂ©zuĂ©liennes de permettre l'action des rebelles colombiens, pour cause d'affinitĂ©s idĂ©ologiques avec des mouvements insurgĂ©s bolivariens, alors que le gouvernement vĂ©nĂ©zuĂ©lien accuse Uribe et son gouvernement d’Ɠuvrer Ă  la dĂ©stabilisation du Venezuela en favorisant les activitĂ©s des paramilitaires Ă  la frontiĂšre et en offrant un appui Ă  l'opposition anti-gouvernementale, notamment en recevant certains de ses leaders ou en permettant Ă  des acteurs du coup d’État de 2002 de vivre en Colombie malgrĂ© les enquĂȘtes portĂ©es Ă  leur encontre par la justice vĂ©nĂ©zuĂ©lienne.

En 2004, 153 paramilitaires colombiens sont capturĂ©s au Venezuela en compagnie de plusieurs hauts officiers et accusĂ©s de prĂ©parer un coup d'État contre le gouvernement de ChĂĄvez[32].

En 2008, un bombardement opĂ©rĂ© par l’armĂ©e colombienne du territoire Ă©quatorien pour dĂ©truire un campement de la guĂ©rilla, sans que les autoritĂ©s Ă©quatoriennes n'en aient Ă©tĂ© prĂ©alablement averties, entraine une sĂ©rieuse crise diplomatique. L’Équateur dĂ©nonce une violation de sa souverainetĂ© territoriale par la Colombie, tandis que le Venezuela dĂ©nonce Ă©galement les agissements du gouvernement Uribe Ă  l'encontre des pays frontaliers. Par la suite, les deux prĂ©sidents se sont rencontrĂ©s et se sont officiellement rĂ©conciliĂ©s.

D'anciens responsables du DAS - service de renseignement colombien - ont dĂ©clarĂ© devant la Cour suprĂȘme de justice, dans le cadre du procĂšs sur les Ă©coutes illĂ©gales, avoir espionnĂ© des officiels Ă©quatoriens et vĂ©nĂ©zuĂ©liens aprĂšs la crise de 2008, confirmant ainsi des informations parues dans la presse plusieurs annĂ©es auparavant. Le gouvernement colombien nie la vĂ©racitĂ© de ces agissements[33] - [34].

En , quelques jours avant le dĂ©part de la prĂ©sidence d'Álvaro Uribe et l'investiture de Juan Manuel Santos, Ă©clate une crise diplomatique entre la Colombie et le Venezuela. Hugo ChĂĄvez rompt en effet toutes relations avec la Colombie, aprĂšs la prĂ©sentation auprĂšs de l'Organisation des États amĂ©ricains de documents (images satellites, coordonnĂ©es GPS, photos) qui visent Ă  prouver la prĂ©sence de 1 500 guĂ©rilleros sur le sol vĂ©nĂ©zuĂ©lien, ce qui est rĂ©futĂ© avec vigueur par Caracas. Estimant Álvaro Uribe « capable de n’importe quoi », Hugo ChĂĄvez ordonne le dĂ©ploiement de forces armĂ©es le long de leur frontiĂšre commune pour prĂ©venir d'Ă©ventuelles attaques aĂ©riennes contre le sol vĂ©nĂ©zuĂ©lien. Le prĂ©sident colombien conteste ces accusations et dĂ©clare : « La Colombie a eu recours aux voies du droit international et va continuer Ă  faire appel Ă  ces mĂ©canismes pour que soient adoptĂ©s des instruments contraignant le gouvernement vĂ©nĂ©zuĂ©lien Ă  remplir l'obligation de ne pas donner refuge Ă  des terroristes colombiens »[35] - [36].

Chuzadas et libertés de la presse

Dans les derniĂšres annĂ©es de prĂ©sidence d'Uribe, un scandale d'Ă©coutes illĂ©gales connu sous le nom de « Chuzadas (es) » vient interpeller la presse nationale. EffectuĂ©es par les services secrets, ces Ă©coutes ont concernĂ© des dizaines de journalistes, magistrats, hommes politiques d'opposition ou reprĂ©sentants d'ONG, dont plusieurs ont Ă©galement fait l'objet de menaces de mort visant Ă  les contraindre Ă  abandonner leurs activitĂ©s. Des ONG europĂ©ennes figuraient aussi sur la liste des entitĂ©s ciblĂ©es, avec apparemment pour objectif de les discrĂ©diter. AprĂšs qu'il a Ă©tĂ© reconnu que ces Ă©coutes Ă©taient commanditĂ©es depuis le palais Nariño, le prĂ©sident Uribe a niĂ© en ĂȘtre Ă  l'origine et son secrĂ©taire privĂ©, Bernardo Moreno, a Ă©tĂ© condamnĂ© en justice [37] - [38] - [39].

Selon les classements établis annuellement par Reporters sans frontiÚres (RSF) en matiÚre de liberté de presse,la Colombie a été rétrogradée de la 114e à la 145e place mondiale entre 2002 et 2010, tandis que la note que lui attribue l'ONG, traduisant l'indice de répression, est passée de 40,83 à 51,50 (0,00 correspondant à une liberté absolue) entre les dates concernées. RSF s'inquiÚte notamment du fait que plusieurs journalistes, comme Carlos Lozano, le directeur du journal communiste Voz, ou Daniel Coronell, directeur de Noticias Uno, aient été sujets à des menaces de mort, parfois suivies de tentatives d'assassinats, aprÚs avoir été publiquement dénoncés par le président comme des sympathisants des Farc en raison de critiques exprimées contre le gouvernement.

Popularité

Álvaro Uribe en 2008.

La gestion prĂ©sidentielle d'Álvaro Uribe jouit d'une large approbation populaire. Selon la revue Semana et le journal « El Tiempo », en , Uribe a battu le record d'acceptation populaire en Colombie avec 80 % [40] - [41]. De mĂȘme, le journal français Le Monde indique que pour l'immense majoritĂ© de ses compatriotes, il est « le meilleur prĂ©sident que la Colombie ait jamais eu »[42]. Pour l'annĂ©e 2003, il avait dĂ©jĂ  atteint une popularitĂ© de 70 % selon la revue de presse Latin Reporters[43].

La forte popularitĂ© du prĂ©sident Uribe est due Ă  plusieurs raisons : les rĂ©ussites en matiĂšre Ă©conomique et de sĂ©curitĂ©. Au cours de ses mandats l'Ă©conomie colombienne s'est dĂ©veloppĂ©e au rythme de 4,3 % de croissance annuelle moyenne, estime la Banque mondiale. Ce taux, apprĂ©ciable, est nĂ©anmoins infĂ©rieur Ă  la moyenne latino-amĂ©ricaine qui s'Ă©tablissait Ă  5,5 % ; et le chĂŽmage conserve un niveau relativement Ă©levĂ© : oscillant entre 11 et 12 % durant l'essentiel (2005 Ă  2010) des annĂ©es de pouvoir d'Uribe, le taux de chĂŽmage colombien surpasse assez nettement ceux du Venezuela, de l'Équateur, du PĂ©rou ou autres voisins de la Colombie[44]. Le fait que deux millions de Colombiens aient manifestĂ© contre la violence en est un atout important pour Uribe, le premier prĂ©sident Ă  avoir fait de la lutte contre-insurrectionnelle son objectif primordial. Le premier aussi Ă  avoir neutralisĂ© une partie des paramilitaires, y compris dans les rangs de son parti et de l'État[45] - [46].

Cependant, s'agissant de la popularitĂ© d'Álvaro Uribe, ses opposants mettent en doute la fiabilitĂ© des sondages rĂ©alisĂ©s sur la question. En effet, la famille du vice-prĂ©sident Francisco Santos et du ministre de l'intĂ©rieur Juan Manuel Santos est l'actionnaire principal du journal El Tiempo qui publie les enquĂȘtes de popularitĂ© [47]. Ces derniĂšres, comme pour tous sondages en Colombie, ne sont d'ailleurs rĂ©alisĂ©es qu'auprĂšs des habitants des plus grandes villes et ne comprennent donc pas l'opinion des populations rurales, les plus affectĂ©es par la guerre et la pauvretĂ©. Le journaliste Maurice Lemoine, ancien rĂ©dacteur en chef du Monde diplomatique, souligne Ă©galement que la popularitĂ© du prĂ©sident ne se retrouve pas dans les urnes, oĂč le taux d'abstention Ă©volue entre 50 et 80 % du corps Ă©lectoral[48]. Fin 2021, sa popularitĂ© de Uribe est tombĂ©e au plus bas depuis 25 ans avec 19 % d'opinions favorables contre 67% de dĂ©favorables[49].

AprÚs la présidence

Álvaro Uribe cĂšde le pouvoir en 2010, aprĂšs que la Cour suprĂȘme de Colombie, sur fond de suspicions d'achats de parlementaires pour obtenir leurs votes, lui a refusĂ© de faire modifier une nouvelle fois la Constitution pour lui permettre de briguer un troisiĂšme mandat prĂ©sidentiel[50].

Son ancien ministre de la DĂ©fense nationale, Juan Manuel Santos, est Ă©lu Ă  sa succession. NĂ©anmoins, les relations entre les deux hommes se dĂ©tĂ©riorent significativement aprĂšs que le nouveau prĂ©sident colombien a acceptĂ© la proposition des FARC d’impulser de nouvelles nĂ©gociations de paix. Uribe qualifie son ancien ministre de « traĂźtre » et constitue avec ses partisans le parti Centre dĂ©mocratique pour combattre activement les nĂ©gociations. Il affirme Ă©galement que les guĂ©rilleros forceraient la population Ă  voter pour Santos[51]. De son cĂŽtĂ©, aprĂšs plusieurs agressions dont ont Ă©tĂ© victimes ses partisans, Santos dĂ©clare que le Centre dĂ©mocratique est un mouvement d’extrĂȘme droite nĂ©o-nazi[52]. Le commandant des FARC, Timoleon JimĂ©nez, lui propose de mettre de cĂŽtĂ© « fiertĂ©s et haines » et de le rencontrer pour « discuter de l'avenir du pays »[53]

Álvaro Uribe retrouve son siÚge au Sénat lors des élections générales de 2014. Il mÚne la campagne du « non » à la ratification par référendum du traité de paix de La Havane entre les FARC et le gouvernement[54]. Finalement, le « non » l'emporte de justesse (50,2 % des voix) sur fond de forte abstention.

Lors de l’élection prĂ©sidentielle de 2018, le candidat issu de son parti, IvĂĄn Duque, l’emporte au second tour sur le candidat de gauche, Gustavo Petro[55]. Álvaro Uribe est depuis lors considĂ©rĂ© comme le vĂ©ritable homme fort de la Colombie. Le chef de l’État IvĂĄn Duque, moquĂ© par ses dĂ©tracteurs comme la « marionnette d’Uribe », Ă©tait presque inconnu avant son Ă©lection, remportĂ©e grĂące Ă  l’aura de l’ex-prĂ©sident. Son groupe parlementaire domine le CongrĂšs bicamĂ©ral, grĂące Ă  des alliances avec d’autres partis de droite[6].

Assignation à résidence

Le , Álvaro Uribe annonce sur Twitter que la Cour suprĂȘme de la Colombie a ordonnĂ© sa mise en dĂ©tention dans le cadre d'une enquĂȘte pour subornation de tĂ©moins et fraude[56]. Il est alors assignĂ© Ă  rĂ©sidence Ă  El Uberrimo, sa vaste hacienda de la rĂ©gion de Cordoba, dans le nord de la Colombie. Aux quelque 300 soldats et policiers spĂ©cialement affectĂ©s Ă  sa sĂ©curitĂ© s’ajoutent des dizaines de gardiens de l’Institut national pĂ©nitentiaire[57] - [6].

Outre cette affaire, l'ancien prĂ©sident colombien est mis en cause dans une cinquantaine de procĂ©dures judiciaires concernant ses relations avec les ex-paramilitaires et sa complicitĂ© dans divers massacres[58]. Dans les affaires l’impliquant, une dizaine de tĂ©moins clĂ©s ont Ă©tĂ© assassinĂ©s[6]. Il dĂ©missionne le 18 aoĂ»t de son poste de sĂ©nateur afin que son cas soit remis Ă  la justice ordinaire qu’il sait lui ĂȘtre plus favorable[59].

Le chef de l’État, Ivan Duque, a affirmĂ© croire « en l’innocence et l’honorabilitĂ© d’Alvaro Urib e» et appelĂ© la justice Ă  le remettre en libertĂ©[60]. Le prĂ©sident amĂ©ricain Donald Trump a aussi apportĂ© son soutien Ă  Alvaro Uribe, fĂ©licitant sur Twitter ce «hĂ©ros » et « alliĂ© dans la lutte contre le castrochavisme ». Il bĂ©nĂ©ficie du soutien des principaux mĂ©dias, largement en sa faveur dans le traitement de l’affaire[6].

Son assignation à résidence est levée deux mois plus tard, le 11 octobre 2020, sans toutefois que la justice ne se soit prononcée sur le fond de l'affaire.

Controverses

Relations avec le commerce de drogue

Dans un document officiel classĂ© « sans vĂ©rification finale », datant de 1991 et rendu par la Defense Intelligence Agency (DIA), Álvaro Uribe figure au numĂ©ro 82 d'une liste comportant les noms des plus importants trafiquants de drogue recensĂ©s en Colombie. Uribe y est dĂ©crit comme collaborateur du Cartel de MedellĂ­n et ami intime de Pablo Escobar ; il est Ă©galement accusĂ© de possĂ©der des intĂ©rĂȘts financiers dans des entreprises se livrant au trafic de drogue et aurait aidĂ© le cartel en ce qui concerne les lois sur l'extradition[61]. Dans la mĂȘme liste apparaissent Pablo Escobar, Carlos Castaño et d'autres personnalitĂ©s colombiennes[62]. Álvaro Uribe ne s'est jamais exprimĂ© ouvertement en dĂ©faveur de ces lois mais a fait reculer le vote de ladite loi aprĂšs les Ă©lections nationales de 1990, et s'est « attaquĂ© Ă  toutes les formes du traitĂ© d'extradition ». La publication de ce document a entraĂźnĂ© une intense controverse et des explications du dĂ©partement d'État amĂ©ricain qui a rejetĂ© l'information au motif que le document a Ă©tĂ© Ă©tabli « sans vĂ©rification finale exigĂ©e »[63]. L'information a Ă©tĂ© qualifiĂ©e comme incomplĂšte et comportant des erreurs par des organismes d'État des États-Unis[64] - [65]. Le rapport a nĂ©anmoins Ă©tĂ© jugĂ© suffisamment fiable pour ĂȘtre utilisĂ© lors de procĂšs contre des narcotrafiquants qui y Ă©taient mentionnĂ©s[66] - [2].

En 2002, alors que se produisait la campagne prĂ©sidentielle, Fernando Garavito Pardo (es), journaliste du quotidien El Espectador, rĂ©alise une enquĂȘte redĂ©coupĂ©e en cinq parties concernant les accointances supposĂ©es entre le candidat Uribe et les milieux paramilitaires et narcotrafiquants. DĂšs la diffusion de la premiĂšre enquĂȘte, le journaliste est ciblĂ© par des menaces de mort et est contraint de quitter la Colombie. Les enquĂȘtes suivantes n'ont pas Ă©tĂ© diffusĂ©es [2].

Le , Clarín, quotidien argentin, a publié un article de Pablo Biffi intitulé « les liens d'Uribe »[67]. Le journaliste y cite comme source certains moyens de communication pour suggérer d'éventuelles relations illégales, dans le passé, entre Álvaro Uribe, le Cartel de Medellín et les paramilitaires[68].

L’accusation concernait notamment des permis accordĂ©s par Uribe (environ 200) – lorsqu’il Ă©tait directeur de l’aĂ©ronautique colombienne - Ă  des avions du narcotrafiquant Pablo Escobar. L'ambassade de Colombie en Argentine a indiquĂ© qu'Uribe avait dĂ©jĂ  rĂ©pondu aux mĂȘmes accusations depuis le , dans une entrevue accordĂ©e au journal colombien El Espectador. Il avait alors clarifiĂ©[68] :

« Lorsque j’étais directeur de l'AĂ©ronautique colombienne, aucune dĂ©marche ne pouvait ĂȘtre traitĂ©e sans que celle-ci ne satisfasse deux conditions : le certificat de stupĂ©fiants Ă©tabli par le MinistĂšre de la Justice colombienne et l'approbation de la Brigade de la Juridiction. En outre, toute autorisation d'opĂ©ration aĂ©rienne requĂ©rait une audition publique (...) Il est trĂšs facile de se rendre aux archives pour voir quelles autorisations ont Ă©tĂ© accordĂ©es durant cette pĂ©riode, et d'Ă©tablir la liste des irrĂ©guliĂšres. »

— Álvaro Uribe, CommuniquĂ© de presse samedi 24 fĂ©vrier 2007, [68]

Álvaro Uribe a en effet rencontrĂ© Pablo Escobar, Ă  une Ă©poque oĂč, en Colombie, ce type de rencontre avec les dirigeants politiques de son dĂ©partement Ă©tait chose courante[68]. De trĂšs nombreux politiciens colombiens recevaient effectivement un financement des cartels de drogue, ce qui produira notamment le scandale du « ProcĂšs 8000 » en 1996. Cependant, alors que ce dernier concernait le Cartel de Cali, Uribe aurait lui Ă©tĂ© affiliĂ© au Cartel de MedellĂ­n.

Álvaro Uribe a Ă©galement fait rĂ©fĂ©rence aux accusations selon lesquelles lui-mĂȘme et son pĂšre, Alberto Uribe Sierra, Ă©taient proches de la famille Ochoa – groupe de narcotrafiquants du Cartel de MedellĂ­n - et qui affirmaient que son extradition avait Ă©tĂ© demandĂ©e par le gouvernement amĂ©ricain, comme il est rapportĂ© dans les Cavaliers de la CocaĂŻne, de Fabio Castillo. Uribe a dĂ©clarĂ© qu'il avait demandĂ© au Procureur gĂ©nĂ©ral, Ă©lu par le SĂ©nat, d’étudier les dĂ©nonciations que contient ce livre. Il a soulignĂ© que les recherches effectuĂ©es sur son activitĂ© politique ont abouti Ă  la conclusion qu'il y Ă©tait toujours transparent[68].

En ce qui concerne la relation avec les Ochoa, Uribe a dit que :

« Ce qui nous unissait n'Ă©tait pas le trafic de drogue mais les chevaux. Quand j'Ă©tais enfant, la passion Ă©questre Ă©tait un motif de fiertĂ© dans le dĂ©partement d’Antioquia. Elle n’avait aucune des connotations qu'elle a postĂ©rieurement acquises. Mon pĂšre et Fabio Ochoa Ă©taient amis et rivaux Ă  cette Ă©poque. Mes frĂšres et moi-mĂȘme prenions part Ă  des foires Ă©quines en concourant contre ses fils durant les annĂ©es 60 et 70. C'Ă©tait un monde sain, fait de propriĂ©tĂ©s, de « tiple », d'eau-de-vie fine et de poĂ©sie. Ensuite, par des circonstances connues, chaque famille a pris des chemins diffĂ©rents. MalgrĂ© cela, et bien que mon pĂšre ait Ă©tĂ© assassinĂ© par les FARC, il y a dĂ©jĂ  19 ans, la lĂ©gende de l'amitiĂ© entre mon pĂšre et monsieur Fabio Ochoa est restĂ©e dans l'air. »

— Alvaro Uribe en fĂ©vrier 2002, [68]

En 2012, Dolly Cifuentes Villa et Ana MarĂ­a Uribe Cifuentes, respectivement belle-sƓur et niĂšce de l'ancien prĂ©sident, sont extradĂ©es vers les États-Unis pour trafic de cocaĂŻne en relation avec le Cartel de Sinaloa[69].

La parapolitique

Álvaro Uribe en 2004.

Lors de l’élection prĂ©sidentielle de 2002, Álvaro Uribe aurait bĂ©nĂ©ficiĂ© de l'aide des paramilitaires, qui auraient intimidĂ© la population afin de le faire Ă©lire[70]. Il Ă©tait Ă©galement considĂ©rĂ© par Carlos Castaño (n°1 de la milice paramilitaire AUC) comme Ă©tant « l'homme le plus proche de notre philosophie » des candidats Ă  la prĂ©sidence[71].

Une vidéo le montre apparaitre aux cÎtés d'un chef paramilitaire du Magdalena Medio, en [72]. Salvatore Mancuso (n°2 de la milice paramilitaire AUC) revendique aprÚs son extradition avoir rencontré plusieurs fois Uribe lorsque ce dernier était gouverneur d'Antioquia et participé à sa campagne présidentielle en 2002. Les anciens sénateurs Miguel de La Espriella (es) et Eleonora Pineda (es), qui avaient durant cette période été de proches collaborateurs du candidat Uribe et entretenaient parallÚlement des relations avec les AUC, affirment que le futur président était informé du soutien que lui procuraient les paramilitaires[73].

Depuis 2006, le « scandale de la parapolitique » Ă©clabousse une grande partie de la classe politique libĂ©rale et conservatrice. La ministre des Affaires Ă©trangĂšres, MarĂ­a Consuelo AraĂșjo, a Ă©tĂ© contrainte de dĂ©missionner en fĂ©vrier, Ă  la suite des rĂ©vĂ©lations accusant son pĂšre et son frĂšre d'ĂȘtre en liaison avec les paramilitaires. 63 congressistes ont Ă©tĂ© identifiĂ©s par la Cour suprĂȘme de justice dans le scandale de la parapolitique, dont 32 sont aujourd'hui en dĂ©tention[74]. En , l'ancien sĂ©nateur Mario Uribe Escobar (es), cousin germain du prĂ©sident Uribe, qui a dĂ» dĂ©missionner en 2007 de son poste de sĂ©nateur en raison de ses liens avec les paramilitaires[75], est dĂ©tenu Ă  la prison de Bogota[74]. Mario Uribe est le cofondateur du parti Colombia Democratica, dont la totalitĂ© des Ă©lus au Parlement sont aujourd'hui emprisonnĂ©s[76].

Álvaro Uribe a rĂ©vĂ©lĂ©, le , Ă  la radio privĂ©e Caracol, qu'une enquĂȘte avait Ă©tĂ© ouverte contre lui dans le cadre de l’investigation sur le massacre d’Aro de 1997 au cours duquel 15 paysans accusĂ©s d’aider les guĂ©rilleros des FARC avaient Ă©tĂ© tuĂ©s par les paramilitaires avec l’aide de l’armĂ©e colombienne[74]. Les autoritĂ©s locales, dont Alvaro Uribe qui occupait Ă  l'Ă©poque le poste de gouverneur rĂ©gional, avaient Ă©tĂ© alertĂ©es de l’imminence du massacre et sont accusĂ©es d'avoir abandonnĂ© la population aux paramilitaires. Uribe aurait par la suite tentĂ© d’empĂȘcher le dĂ©roulement de l’enquĂȘte[77].

L'ordinateur de Jorge 40, chef du Bloc nord des AUC, le groupe paramilitaire d'extrĂȘme-droite, dĂ©couvert dans le cadre du scandale de la parapolitique, a rĂ©vĂ©lĂ© l'existence de fraudes Ă©lectorales commises au profit d'Uribe en 2002 et en 2006[78]. Selon des dĂ©clarations de Rafael GarcĂ­a, ancien chef du service informatique du DAS , Jorge Noguera, l'ancien chef du DAS aujourd'hui sous les verrous, aurait, dĂ©but 2006, remis une liste comportant les noms de 24 dirigeants syndicaux au Bloc Nord des AUC, dirigĂ© par Jorge 40[79]. Plusieurs des personnes figurant sur la liste ont Ă©tĂ© tuĂ©es, menacĂ©es ou soumises Ă  un processus judiciaire arbitraire[79].

En , son frÚre, Santiago Uribe, fait l'objet d'une arrestation par la police pour sa collaboration avec le groupe paramilitaire Los Doce Apostoles (Les douze apÎtres) qui se livrait à des assassinats de délinquants et de sympathisants supposés de la guérilla[80]. Des témoins sont assassinés ou menacés[81].

Divers

AprĂšs son dĂ©part du pouvoir, les deux responsables successifs de la sĂ©curitĂ© de la Casa de Narino (demeure des prĂ©sidents colombiens en exercice) en fonction durant ses mandats, sont inquiĂ©tĂ©s par la justice. L'un, le gĂ©nĂ©ral Mauricio Santoyo, est extradĂ© vers les États-Unis oĂč il est condamnĂ© Ă  12 ans de prison pour trafic de drogue, et le second, le gĂ©nĂ©ral Flavio Buitrago, est arrĂȘtĂ© sur des accusations de blanchiments d'argent et de liens avec le narcotrafic[82].

Des syndicalistes de mines d'or Ă  SĂ©govia accusent l'ancien prĂ©sident du vol de leurs mines. Les origines de l'affaire remontent en 1979, oĂč les propriĂ©taires des mines, les actionnaires amĂ©ricains et britanniques de la multinationale Frontino Gold Mines, dĂ©cident de se retirer de Colombie et cĂšdent les mines aux travailleurs en lieu et place d'annĂ©es de salaires impayĂ©es. Mais le gouvernement colombien, censĂ© communiquer la nouvelle aux employĂ©s de ces mines (qui n'avaient aucunement Ă©tĂ© consultĂ©s par la Frontino), maintient le document relatif Ă  la transaction secret. Durant les annĂ©es qui suivent elles seront administrĂ©es par diffĂ©rents gĂ©rants locaux, dont le paramilitaire « Le macaque (es) ». NĂ©anmoins, des syndicalistes parviennent en 2000 Ă  retrouver le document et entament une procĂ©dure judiciaire pour le faire reconnaitre par l’État. Ils se trouvent alors confrontĂ©s au prĂ©sident Alvaro Uribe qui fait casser toutes les dĂ©cisions de justice favorables aux travailleurs, extrade Macaco vers les États-Unis, place les mines sous contrĂŽle de l’État, et s'entoure sur ce dossier d'une Ă©quipe de quatre conseillers dont trois sont d'anciens proches du paramilitaire. Finalement, les mines sont vendues Ă  une multinationale nouvellement crĂ©Ă©e, dont on retrouve parmi sa direction Mario Pacheco, ancien directeur de campagne d'Uribe ; HernĂĄn MartĂ­nez (es), ministre des Mines sous Uribe ; ainsi que MarĂ­a Consuelo AraĂșjo, qui Ă©tait ministre de la Culture sous Uribe[83] - [84].

Son ministre de l'Agriculture AndrĂ©s Felipe Arias (en fuite aux États-Unis), qui avait un temps Ă©tĂ© envisagĂ© comme son successeur Ă  la prĂ©sidence, est condamnĂ© en 2014 Ă  17 ans de prison pour des dĂ©tournements de fonds lorsqu'il travaillait au gouvernement[85]. Les anciens ministres Sabas Pretelt (IntĂ©rieur et Justice) et Diego Palacio (SantĂ©) sont condamnĂ©s l'un et l'autre Ă  6 ans et 8 mois de prison pour corruption en 2015[86]. Un ancien secrĂ©taire du prĂ©sident, Alberto VelĂĄsquez, est condamnĂ© Ă  5 ans pour la mĂȘme affaire[86]. Dans le cadre du scandale de corruption international Odebrecht, les anciens membres du gouvernement Óscar IvĂĄn Zuluaga (ministre des Finances)[87] et Gabriel GarcĂ­a (sous-ministre des Transports)[88] sont mis en cause par la justice en 2017.

Notes et références

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Voir aussi

Articles connexes

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