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Autodéfenses unies de Colombie

Les AutodĂ©fenses unies de Colombie (AUC, Autodefensas Unidas de Colombia) sont le principal groupe paramilitaire colombien, fondĂ© le sous l'Ă©gide de Carlos Castaño Ă  partir d'une unification des groupes paramilitaires prĂ©existants fondĂ©s Ă  l'initiative de l’armĂ©e, de propriĂ©taires terriens ou des cartels de drogue.

Autodefensas Unidas de Colombia
AUC
Image illustrative de l’article AutodĂ©fenses unies de Colombie

Idéologie Conservatisme
Anticommunisme
Objectifs Lutte contre les FARC et l'ELN, narcotrafic
Statut Officiellement autodissout depuis août 2006[1]
Fondation
Date de formation 18 avril 1997
Pays d'origine Drapeau de la Colombie Colombie
Actions
Mode opératoire Lutte armée, massacres
Victimes (morts, blessés) 150 000 morts (selon la justice colombienne)
Zone d'opération Drapeau de la Colombie Colombie
Période d'activité 1997-2006
Organisation
Chefs principaux Carlos Castaño (tué en 2004)
Salvatore Mancuso Gómez (emprisonné depuis 2008)
Membres 31 671 combattants ont participé au processus de démobilisation des AUC entre 2003 et 2006[1]
Financement Narcotrafic, entreprises privées
Groupe relié Águilas Negras
Bacrim
CONVIVIR
RĂ©pression
ConsidĂ©rĂ© comme terroriste par Canada, États-Unis, Union europĂ©enne
Conflit armé colombien

Les paramilitaires constituaient une force auxiliaire de l’armĂ©e colombienne « utilisĂ©e pour semer la terreur et dĂ©tourner les soupçons concernant la responsabilitĂ© des forces armĂ©es dans les violations des droits humains »[2]. Les AUC Ă©taient officiellement illĂ©gales et placĂ©es sur la liste des organisations terroristes du Canada, des États-Unis et de l'Union europĂ©enne. L'organisation est gĂ©nĂ©ralement tenue responsable par les ONG et organismes officiels de la grande majoritĂ© des crimes perpĂ©trĂ©s durant le conflit.

Constitution des AUC

Les paramilitaires se sont fĂ©dĂ©rĂ©s de 1994 Ă  1997 sous la banniĂšre des AUC, et affirmaient ĂȘtre une rĂ©action de la classe moyenne colombienne Ă  la violence dĂ©gradĂ©e des groupes de guĂ©rilla. Les AUC se dĂ©finissaient comme « un mouvement national politico-militaire, de caractĂšre anti-subversif, qui protĂšge l’État de droit, la libertĂ© Ă©conomique et l'Ă©quilibre social »[3]. Bien que le groupe ait incorporĂ© Ă  son discours un fondement idĂ©ologique en invoquant rĂ©guliĂšrement la dĂ©fense de la propriĂ©tĂ© privĂ©e et de la dĂ©mocratie, ses membres de base ne prĂ©sentaient habituellement qu'un faible degrĂ© de politisation et Ă©taient avant tout des mercenaires ; ils Ă©taient rĂ©munĂ©rĂ©s et pouvaient le plus souvent quitter le groupe lorsqu'ils le voulaient, ce qui explique pourquoi les AUC ont fini par dĂ©gĂ©nĂ©rer en organisation narco-criminelle avant d’imploser pour donner naissance Ă  plusieurs groupes se battant rĂ©guliĂšrement entre eux pour le contrĂŽle du trafic de drogue, plutĂŽt que de se reconstituer en parti politique aprĂšs leur dĂ©mobilisation.

Des offensives importantes et la collaboration tacite des autoritĂ©s militaires leur ont permis de possĂ©der une forte influence dans de larges zones du pays au dĂ©but et au milieu des annĂ©es 2000, surtout dans le centre et le nord du pays, ainsi que dans l'ancienne zone dĂ©militarisĂ©e du CaguĂĄn[4]. Au cours de leur existence, les AUC ont eu des affrontements violents avec les FARC et l'ELN[5] et ont contribuĂ© Ă  l'affaiblissement de ces forces au cours des annĂ©es 2000. Toutefois leur stratĂ©gie militaire ne consistait gĂ©nĂ©ralement pas Ă  attaquer frontalement les groupes de guĂ©rilla – les combats entre guĂ©rilleros et paramilitaires Ă©taient peu frĂ©quents et se produisaient gĂ©nĂ©ralement Ă  l’initiative des premiers – mais Ă  semer la terreur parmi les populations civiles considĂ©rĂ©es comme leur base logistique [2].

Massacres de civils

ONG et organismes internationaux s'accordent pour attribuer aux paramilitaires l'essentiel des crimes du conflit armĂ© colombien. L'ONU leur impute 80 % des meurtres, contre 12 % pour les guĂ©rillas et 8 % pour les soldats du gouvernement [6]. En 2005, Amnesty international dĂ©clare que « la trĂšs grande majoritĂ© des assassinats politiques, disparitions de personnes et cas de tortures ont Ă©tĂ© perpĂ©trĂ©s par des paramilitaires soutenus par l’armĂ©e »[7]. La ComisiĂłn Colombiana de Juristas rapporte que pour l'annĂ©e 2000, 85 % des meurtres Ă  motivations politiques proviennent des paramilitaires et des forces armĂ©es gouvernementales.

La torture Ă©tait employĂ©e de maniĂšre systĂ©matique par les paramilitaires sur leurs victimes, et aboutissait au dĂ©cĂšs de la personne dans l’immense majoritĂ© des cas. ConceptualisĂ© suivant des codes prĂ©cis, son usage ne prĂ©sentait pas un caractĂšre spontanĂ©, il ne s'agissait pas de satisfaire d'Ă©ventuelles pulsions sadiques de ses auteurs mais de rĂ©pondre Ă  des objectifs rĂ©flĂ©chis. Pour obtenir des renseignements, des simulations de noyades, d’asphyxies et des Ă©lectrocutions Ă©taient privilĂ©giĂ©es. Lorsqu’il s'agissait de terroriser une communautĂ© paysanne ou indigĂšne, des individus Ă©taient dĂ©membrĂ©s Ă  la machette ou Ă  la tronçonneuse (la seconde option restait la plus courante et constituait une « signature »). La torture pouvait aussi ĂȘtre pratiquĂ©e sur des membres des groupes paramilitaires par mesure disciplinaire[8].

Pour faire disparaitre plus facilement leurs victimes, les AUC ont employĂ© dans certaines rĂ©gions de Colombie des fours crĂ©matoires. Des tĂ©moins racontent que les paramilitaires « tuaient des gens, les enterraient dans des fosses et les dĂ©terraient six mois plus tard pour les brĂ»ler tous en mĂȘme temps. Parfois, ils ouvraient les cadavres en deux, sortaient tout ce qu’il y avait dedans et, quand ils Ă©taient secs, les coupaient en petits morceaux. Une fois hachĂ©s menus, ils les jetaient dans le four. Ici, on appelait cet endroit ‘l’abattoir‘ ». Bien que ces fours aient principalement servi Ă  la disparition de cadavres, des personnes y ont Ă©galement Ă©tĂ© jetĂ©es vivantes[9] - [10]. Dans de plus rares cas des paramilitaires se sont livrĂ©s au cannibalisme[11].

Dans le cadre de leur démobilisation et du processus judiciaire qui en découle, les paramilitaires admettent leur responsabilité pour 30 000 assassinats et 68 000 actes de déplacements de populations. Ces chiffres se fondent néanmoins uniquement sur les aveux des démobilisés, et n'incorporent donc pas les victimes des paramilitaires tués ou toujours actifs. La justice colombienne évalue plutÎt à environ 150 000 morts l'action des AUC et des groupes paramilitaires antérieurs[12]. Ces milices sont aussi responsables de la grande majorité des 3,5 millions de déplacés par la guerre[13].

Financement

Trafic de drogue

Selon Carlos Castaño, ancien chef paramilitaire, les AUC participent au trafic de drogue et en dirigent une partie[14]. Selon lui, 70 % des recettes des AUC provenaient du trafic de drogues[13]. En septembre 1997, l’Observatoire gĂ©opolitique des drogues de Paris affirmait que la majoritĂ© de la cocaĂŻne arrivant dans les ports espagnols, belges et hollandais provenait des zones cĂŽtiĂšres colombiennes contrĂŽlĂ©es par les AUC[14].

Entreprises privées

Plusieurs entreprises et multinationales ont apportĂ© leur contribution au financement des milices paramilitaires. Parmi elles, la multinationale Chiquita Brands International, plus connue sous le nom de United Fruit, a Ă©tĂ© condamnĂ© en mars 2007 par la justice amĂ©ricaine au versement d'une amende de 18,8 millions d'euros pour avoir financĂ© les AUC, alors dĂ©jĂ  inscrits sur la liste des « organisations terroristes Ă©trangĂšres » du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres des États-Unis [15] - [16]. Chiquita, via sa filiale colombienne Banadex S.A. a Ă©galement fourni des armes et des munitions aux AUC [17].

Outre Chiquita, 193 autres entreprises de production et d'exportation de bananes ont participĂ© au financement du paramilitarisme colombien. Elles auront versĂ© un total de 33 millions de dollars aux AUC et contribuĂ© Ă  la logistique d’importation clandestine d'armement[18].

Coca-Cola aurait aussi usé des paramilitaires pour éliminer des syndicalistes de ses usines [19].

EntraĂźnement, lutte et connexions

La discipline observée à l'intérieur des AUC comprend une obéissance absolue aux chefs. Ces derniers possÚdent le droit de mort sur leurs subordonnés et semblent pouvoir l'utiliser sans contrainte :

« Notre entraĂźnement a durĂ© un mois, parce que nous Ă©tions dĂ©jĂ  rĂ©servistes. On nous a appris l’importance de la fidĂ©litĂ© Ă  nos chefs, et surtout l’importance du silence que nous devions tenir sur tout ce que nous voyions ou entendions. Pour moi, ça n’a pas Ă©tĂ© difficile de m’adapter parce que je venais de quitter l’armĂ©e, mais les nouvelles rĂšgles Ă©taient dures. Notre instructeur Ă©tait trĂšs strict et ne pardonnait pas les erreurs. Une fois, ils chargĂšrent un nouveau compagnon d’une tĂąche pour laquelle il devait se lever Ă  trois heures du matin. Mais, il est restĂ© endormi et ne s’est pas levĂ©. Le commandant nous a tous rĂ©veillĂ©s et Ă  pas de loup nous a emmenĂ© lĂ  oĂč dormait le type. Quand nous sommes arrivĂ©s prĂšs de son lit, il lui a retirĂ© son pistolet et a ordonnĂ© Ă  l’un de nous qu’il le tue dans son sommeil. Ce dernier n’a pas rĂ©agi, peut ĂȘtre qu’il pensait que c’était une blague, et il n’a pas pris l’arme. Le commandant n’a pas rĂ©pĂ©tĂ© l’ordre, il a mis le canon sur la tempe du type endormi et il a tirĂ© sans sommation. Le sang Ă©claboussait son visage. Il est revenu vers nous, qui avions Ă©tĂ© effrayĂ©s, et sans trembler mit une balle dans la tĂȘte Ă  la personne qui n’avait pas pris le pistolet alors qu’il le lui avait ordonnĂ©. [20]»

En novembre 2001, une cargaison de 3117 kalachnikovs et 5 millions de cartouches à destination des AUC est déchargée au port de Turbo, en Colombie. La livraison a été réalisée par l'intermédiaire du trafiquant d'armes israélien Shimon Yenilek et avec l'aval du cartel mexicain de Sinaloa[21].

Le principal commandant des AUC, Carlos Castaño, a assurĂ© en 2001 que « les pressions de la communautĂ© internationale peuvent influencer le haut commandement, mais, sur le terrain, personne ne pourra jamais diviser des frĂšres unis contre un mĂȘme ennemi. Je n’ai pas Ă  craindre l’armĂ©e parce qu’elle ne peut rien me faire ». Le rapport de la Commission des droits de l'homme des Nations unies, rĂ©alisĂ© en 2001, confirme : « Le bureau a Ă©tĂ© tĂ©moin de dĂ©clarations des autoritĂ©s de l’armĂ©e indiquant que le mouvement paramilitaire n’attente pas Ă  l’ordre constitutionnel et que, par consĂ©quent, l’armĂ©e n’a pas Ă  le combattre (
). En revanche, les militaires mĂšnent des opĂ©rations d’envergure contre les guĂ©rillas, dans lesquelles ils dĂ©ploient des ressources humaines et logistiques Ă©normes (
). GĂ©nĂ©ralement, l’attaque contre les groupes paramilitaires ne fait l’objet que de faibles escarmouches, rĂ©quisitions ou dĂ©tentions individuelles et sporadiques. » Castaño reconnait Ă©galement entretenir des relations amicales avec le haut clergĂ© catholique et une partie des dirigeants politiques. Il ajoute que « les AmĂ©ricains ont tolĂ©rĂ© » les groupes paramilitaires[22].

Lors d'une rĂ©union secrĂšte tenue Ă  Santa FĂ© de Ralito, le 23 juillet 2001, plusieurs maires, sĂ©nateurs, chefs d’entreprise et gouverneurs scellĂšrent une alliance avec les chefs des AUC afin de permettre une « refondation de la patrie » au nom d’un « nouveau contrat social » basĂ© sur le « droit Ă  la propriĂ©tĂ© »[23].

Activités au Venezuela

Les paramilitaires commencent Ă  opĂ©rer au Venezuela au dĂ©but des annĂ©es 2000, mais les raisons prĂ©cises de leur prĂ©sence dans le pays restent assez mĂ©connues. Plusieurs journalistes et officiels du gouvernement vĂ©nĂ©zuĂ©lien estiment que certaines composantes de l'opposition ont fait appel aux services des paramilitaires aprĂšs l’échec du coup d’État d'avril 2002. Pour d'autres, les paramilitaires se seraient dĂ©placĂ©s au Venezuela sur des motivations pĂ©cuniaires, en raison de l’emplacement stratĂ©gique du pays pour l'exportation de cocaĂŻne.

« Javier », un commandant du « Bloc catatumbo » des AUC dĂ©sormais actif au Venezuela, explique recevoir des contrats pour Ă©liminer « des personnes qui posent problĂšme en occupant des terres ou celles qui appuient le plus grand guĂ©rillero d’AmĂ©rique du Sud, celui qui se trouve au Palais de Miraflores »[20]. Salvatore Mancuso, ex-chef militaire des AUC, reconnait Ă©galement aprĂšs sa dĂ©mobilisation avoir Ă©tĂ© contactĂ© par des hommes politiques et militaires vĂ©nĂ©zuĂ©liens pour organiser un putsch contre Hugo ChĂĄvez[24].

Ces activitĂ©s seront surtout mĂ©diatisĂ©es en 2004, lorsque plus de 150 paramilitaires sont capturĂ©s dans la propriĂ©tĂ© d'une figure locale de l'opposition. Ils se prĂ©paraient Ă  provoquer des troubles armĂ©s et ainsi dĂ©stabiliser le gouvernement. Ils auraient Ă©galement envisagĂ© d'assassiner le prĂ©sident Hugo Chavez [25]. En dĂ©cembre 2015, l'un des principaux ex-chefs paramilitaires est arrĂȘtĂ© au Venezuela[26].

Processus de démobilisation

À l'origine du fait paramilitaire Ă©tait le droit octroyĂ© par l’État colombien aux propriĂ©taires terriens d’assembler des « milices d'autodĂ©fenses » (dĂ©cret 3398; 1965) . L’armĂ©e gouvernementale n'Ă©tait en effet pas en mesure de couvrir la totalitĂ© du territoire, et des portions reculĂ©es du pays offraient en consĂ©quence un terreau favorable sur lequel se dĂ©velopper pour les guĂ©rillas. Sous cet angle, le Plan Colombie, propulsĂ© en 2001, constitue le facteur essentiel de la dĂ©mobilisation des paramilitaires. Il offre Ă  l'armĂ©e colombienne la possibilitĂ© de soutenir seule l’effort de guerre contre les FARC et l'ELN grĂące Ă  un renforcement significatif de ses effectifs et du matĂ©riel placĂ© Ă  sa disposition. Dans cette nouvelle donne, les paramilitaires ne sont non seulement plus indispensables, mais deviennent au contraire encombrants de par leur prĂ©sence sur les listes des organisations terroristes dressĂ©es par les États-Unis et l'Union europĂ©enne. Certains Ă©lus dĂ©mocrates du CongrĂšs se montrent rĂ©ticents Ă  apporter un soutien d'une aussi grande ampleur Ă  une armĂ©e compromise avec des groupes classĂ©s terroristes.

Ainsi, peu aprĂšs son investiture comme prĂ©sident de la Colombie, Alvaro Uribe fait dĂ©buter des nĂ©gociations avec les AUC, pour lesquelles sont dĂ©militarisĂ©s 370 kmÂČ du dĂ©partement de CĂłrdoba. Toutefois, Ă  la diffĂ©rence des prĂ©cĂ©dentes nĂ©gociations effectuĂ©es avec les guĂ©rillas, celles-ci ne portent pas sur des thĂšmes sociaux et politiques. Elles ne concernent que les dĂ©limitations et conditions de l'impunitĂ© partielle accordĂ©e aux futurs dĂ©mobilisĂ©s. Les paramilitaires ne constituent effectivement pas des acteurs indĂ©pendants du conflit colombien, animĂ©s de revendications politiques qui leur seraient propres, mais s'apparentent davantage Ă  une force auxiliaire de l’armĂ©e colombienne. ThĂ©oriquement clandestins et illĂ©gaux, ils accomplissent la partie la plus sombre de la guerre de contre-insurrection : l'Ă©puration de la sociĂ©tĂ© civile des bases sociales de la guĂ©rilla. Une « guerre sale » que ne pourrait assumer une armĂ©e rĂ©guliĂšre sans porter trop sĂ©rieusement atteinte Ă  l’image du pays et du gouvernement[27] - [28].

Loi « Justice et paix » et démobilisation

Pour permettre la dĂ©mobilisation des forces paramilitaires dans un cadre lĂ©gal, gouvernement et parlement colombiens Ă©laborent la loi Justice et Paix, mise en application Ă  partir de 2005, qui comprend une large impunitĂ© (les peines ne peuvent excĂ©der huit ans de prison, mais trĂšs peu de condamnations seront prononcĂ©es) accordĂ©e aux ex-miliciens sous condition d’aveux exhaustifs. Le processus de dĂ©sarmement et de dĂ©mobilisation s'Ă©tend principalement de 2003 Ă  2006 et voit effectivement la dĂ©sagrĂ©gation consentie de la plupart des diffĂ©rentes unitĂ©s paramilitaires, Ă  l'exception du « Bloque Metro » qui devient alors la cible d'une offensive conjointe des autres groupes AUC et finit exterminĂ©. Outre cet Ă©pisode fratricide, les dĂ©saccords entre chefs paras sur les modalitĂ©s de la dĂ©mobilisation entrainent d'autres purges sanglantes et voient notamment l’assassinat de Carlos Castano, principal fondateur et dirigeant de la milice. PostĂ©rieurement Ă  leurs redditions, des chefs de milices seront extradĂ©s sur demande des États-Unis et condamnĂ©s pour trafic de drogue.

La loi prévoit également des compensations financiÚres pour les victimes ou leurs familles, qui seront délivrées en fonction de la nature du préjudice subi (meurtres, viols, déplacements forcés, enrÎlements d'enfants soldats, etc) [29].

Critiques et limites de la loi

Beaucoup d'ONG et d'associations de dĂ©fenses des droits des victimes ont soulignĂ© le caractĂšre injuste de la loi. OĂč, aprĂšs des annĂ©es d'assassinats, de viols et de crimes en tous genres, les paramilitaires se voyaient proposer des bourses censĂ©es favoriser leurs rĂ©insertion. Par ailleurs, la dĂ©mobilisation ne s'est effectuĂ©e qu'avec un trĂšs faible degrĂ© de surveillance. Alors que le nombre de paramilitaires ne s'Ă©levait pas au-delĂ  de 15 000 pour les estimations les plus Ă©levĂ©es, ils seront plus de 35 000 Ă  « rendre les armes ». Il semble Ă  ce sujet que de nombreux simples criminels de droits commun aient Ă©galement bĂ©nĂ©ficiĂ© des faveurs accordĂ©es par la loi en matiĂšre d'impunitĂ© et d'aides financiĂšres, et ce avec la complaisance de responsables gouvernementaux soucieux de produire rapidement des rĂ©sultats [30] - [31].

Un autre aspect nĂ©gatif, qui en ce qui le concerne interpelle rĂ©guliĂšrement l'actualitĂ©, est la rĂ©organisation d'environ 20 % des dĂ©mobilisĂ©s dans des groupes nĂ©o-paramilitaires[32]. QualifiĂ©s de « Bacrim » (Bandes criminelles Ă©mergentes) par les autoritĂ©s pour insister sur l'absence de connivences entre eux et les forces de l’État, ainsi que sur leurs existences qu’elles affirment dĂ©pourvues de connotations politiques et uniquement motivĂ©es par le trafic de drogue, ces groupes n'en Ă©voquent pas moins les paramilitaires sous bien des angles. Ils poursuivent une permanente campagne d'assassinats de syndicalistes et de militants de gauche, bien que sans doute moins intensive que du temps des AUC, et se sont trouvĂ©s impliquer dans de sanglantes confrontations armĂ©es avec des mouvements guĂ©rilleros[33].

Enfin, la dĂ©mobilisation affecte aussi grandement les institutions de l’État colombien. D'une part, la classe politique (plus du tiers des parlementaires et de nombreuses figures politiques locales), dont les accointances avec les paramilitaires sont dĂ©voilĂ©es ouvertement, entraĂźnant le scandale de la parapolitique, et d'autre part, l'armĂ©e, qui pour contrebalancer les effets dommageables de la dislocation de ses auxiliaires paramilitaires dans la lutte contre-insurrectionnelle se voit encouragĂ©e Ă  produire plus de rĂ©sultats qu'auparavant, et assassine pour ce faire des milliers de « faux positifs »[34].

Voir aussi

Bibliographie

  • Colombie. DerriĂšre le rideau de fumĂ©e. Histoire du terrorisme d’État, Hernando Calvo Ospina, Le Temps des cerises, 2008.
  • Sur les eaux noires du fleuve, Maurice Lemoine, Éditions Don Quichotte, 2013.
  • Extra pure, Roberto Saviano, Gallimard, 2014.

Filmographie

  • Qui a tirĂ© sur mon frĂšre ?, de German GutiĂ©rrez, avec l’Office national du film du Canada, 2005, 95 minutes.
  • ImpunitĂ©, de Juan JosĂ© Lozano et Hollman Morris, 2010, 85 minutes.

Notes

  1. (es) Colombie (AUC), Albert Caramés et Vicenç Fisas, Escole de Cultura de Pau - Agence Espagnole de Coopération Internationale
  2. Amnesty international, Démobilisation des paramilitaires : réel désarmement ou simple poudre aux yeux ?,
  3. « Colombia Libre - Autodefensas Campesinas de Córdoba y Urabå, ACCU » [archive du ], (consulté le )
  4. Carte des fronts des AUC, Commission Nationale de RĂ©paration et RĂ©conciliation
  5. (es) Mueren 39 paramilitares en combate guerrillero, El Siglo de TorreĂłn,
  6. « COLOMBIA: International Criminal Court Scrutinises Paramilitary Crimes | Inter Press Service », sur www.ipsnews.net (consulté le )
  7. « Document », sur www.amnesty.org (consulté le )
  8. « Manual de tortura paramilitar » (consulté le )
  9. « Pour les paramilitaires, tout devait disparaßtre », sur Courrier international, (consulté le )
  10. « Les paramilitaires avaient aussi leurs fours crématoires dans l'Antioquia », sur www.lapluma.net (consulté le )
  11. « Canibalismo paramilitar », sur www.semana.com
  12. Grupo Copesa, « Fiscalía colombiana cifra en 150 mil las víctimas por violencia de paramilitares | Mundo | LA TERCERA », sur www.latercera.com (consulté le )
  13. Philippe Dufort (Université du Québec), Paramilitarisme et scandale de la parapolitique en Colombie, La Chronique des Amériques, octobre 2007, no 17
  14. « Les paramilitaires au cƓur de l'État colombien », Le Monde diplomatique, avril 2003
  15. « Colombie : la banane Chiquita s'est payé les paras », sur Libération.fr (consulté le )
  16. « Les mauvaises fréquentations des firmes étrangÚres », sur Courrier international, (consulté le )
  17. (es) Banana 'para-republic', Semana, 17 mars 2007
  18. bogotapost, « Fiscalía: Financing paramilitaries is crime against humanity », sur The Bogotå Post, (consulté le )
  19. « Coca-Cola accusé d'assassinat syndical », sur Libération.fr (consulté le )
  20. « Offensive paramilitaire au Venezuela », sur BELLACIAO - FR (consulté le )
  21. François Pilet, Marie Maurisse et Aliaume Leroy, SwissLeaks : HSBC abritait l’argent du crime, lemonde.fr, 4 mars 2015.
  22. Hernando Calvo Ospina, « Les paramilitaires au cƓur du terrorisme d'Etat colombien », sur Le Monde diplomatique,
  23. Laurence Mazure, « L'extradition, outil de normalisation du para-Etat colombien », sur Le Monde diplomatique,
  24. El Pais S.A., « Las sorprendentes revelaciones del ex paramilitar Salvatore Mancuso », sur www.elpais.com.co (consulté le )
  25. « Rapatriements, paramilitarisme et contrebande : le malaise de la frontiĂšre colombo-vĂ©nĂ©zuĂ©lienne », sur Atlantico.fr (consultĂ© le )
  26. « Colombie: un ex-paramilitaire accusĂ© de massacres arrĂȘtĂ© au Venezuela », sur 45eNord.ca, (consultĂ© le )
  27. Hernando Calvo Ospina, Colombie, derriĂšre le rideau de fumĂ©e. Histoire du terrorisme d’État, Le Temps des Cerises, , 400 p.
  28. « RISAL.info - Les paramilitaires au cƓur du terrorisme d'État colombien », sur risal.collectifs.net (consultĂ© le )
  29. lefigaro.fr, « Comment Bogota a démobilisé ses paramilitaires », sur Le Figaro (consulté le )
  30. « En Colombie, la comédie de la démobilisation des paramilitaires », sur Libération.fr (consulté le )
  31. « Colombia Info : - Un ex chef paramilitaire colombien accuse Uribe », sur www.educweb.org (consulté le )
  32. « Désaccords de paix en Colombie », sur www.medelu.org,
  33. El Pais S.A., « Quince muertos en Cauca por enfrentamientos entre Farc y 'Los Rastrojos' » (consulté le )
  34. « Des gĂ©nĂ©raux accusĂ©s de crimes contre l’humanitĂ© », LeCourrier,‎ (lire en ligne)

Liens externes

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