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Loi Justice et paix

La Loi Justice et Paix (en espagnol : Ley de Justicia y Paz), ou loi 975 de 2005, a Ă©tĂ© adoptĂ©e par le CongrĂšs colombien le , sous la prĂ©sidence d'Alvaro Uribe, dans le but d'entamer un processus lĂ©gal de dĂ©mobilisation des groupes armĂ©s illĂ©gaux. Elle concerne les membres de groupes armĂ©s, tant paramilitaires que de guĂ©rilla, potentiellement coupables de crimes graves et de crimes contre l'humanitĂ©, punissables en vertu du droit humanitaire international. Les combattants non coupables de tels crimes peuvent toujours ĂȘtre dĂ©mobilisĂ©s en vertu de la loi 728 de 2002.

Historique

En 2003, les Autodéfenses unies de Colombie (AUC) signent l'accord de Santa Fe de Ralito avec le gouvernement, et 18 000 commandants et membres de cette organisation paramilitaire cessent leur activité. Le gouvernement présente alors un projet de loi connu sous le nom « d'alternative pénale » bénéficiant aux groupes armés démobilisés, mais doit la retirer sous la pression nationale et internationale car elle ne prévoit pas la reconnaissance des crimes ni la réparation pour leurs victimes[1].

En 2005, aprÚs deux ans de débat au CongrÚs, une nouvelle Loi Justice et Paix est approuvée, et 30 000 combattants supplémentaires appartenant à 38 groupes paramilitaires sont démobilisés à partir de 2006.

Débats soulevés

Lors de sa rĂ©daction et de son adoption, le projet de loi est entre autres critiquĂ© par des organismes de dĂ©fense des droits humains, comme Amnesty international[2], et par l'Organisation des Nations unies. Ceux-ci la jugent trop gĂ©nĂ©reuse, les peines prĂ©vues pour les crimes graves Ă©tant de cinq Ă  huit ans, que les combattants dĂ©mobilisĂ©s reconnaissent eux-mĂȘmes ces crimes ou que l'État doive les prouver. Elle est Ă©galement critiquĂ©e pour la limitation de la pĂ©riode fixĂ©e pour les enquĂȘtes et pour le recueil de tĂ©moignages, permettant d'Ă©tablir des preuves. Les Nations unies, par la voix de leur porte-parole Michael FrĂŒhling, critiquent le fait que des aveux complets ne sont pas exigĂ©s dans le processus, qui se contente de recueillir une relation libre de leurs activitĂ©s criminelles par les combattants dĂ©mobilisĂ©s ; elles y voient un obstacle au dĂ©mantĂšlement complet du paramilitarisme et Ă  la rĂ©paration pour les victimes[3].

Le gouvernement colombien et les dĂ©fenseurs de la loi Justice et Paix font valoir qu'un certain Ă©quilibre doit ĂȘtre trouvĂ© entre les exigences de la justice et celles de la paix, ce qui suppose l'acceptation implicite d'une relative impunitĂ© dans le cadre d'un processus de nĂ©gociation. On fait Ă©galement valoir qu'il s'agit de la premiĂšre loi et du premier processus de dĂ©mobilisation Ă  imposer des peines aux combattants et aux chefs qui n'ont pas Ă©tĂ© vaincus, contrairement aux processus de dĂ©mobilisation prĂ©cĂ©dents avec les guĂ©rillas. Le ministre de l'IntĂ©rieur et de la Justice de l'Ă©poque, Sabas Pretelt, dĂ©clare aux mĂ©dias que le fait d'exiger des aveux complets pourrait constituer une violation de la constitution, un prĂ©venu n'Ă©tant pas tenu de s'incriminer lui-mĂȘme. Le procureur gĂ©nĂ©ral de la nation dĂ©clare que son service compte poursuivre toutes les activitĂ©s criminelles Ă©ventuelles qui ne seraient pas reconnues, tant contre ces crimes que contre ceux qui seraient ultĂ©rieurement commis par des combattants dĂ©mobilisĂ©s.

La Cour constitutionnelle, le 18 mai 2006, pose des conditions sur plusieurs articles de la loi et dĂ©clare inconstitutionnels les articles conduisant Ă  l’inefficacitĂ© des enquĂȘtes et ne prĂ©voyant pas de proportionnalitĂ© des peines. Elle dĂ©clare que « ceux qui bĂ©nĂ©ficient de la loi doivent en respecter pleinement les rĂ©solutions, comme la reconnaissance complĂšte des crimes, la rĂ©paration pour les victimes et la vĂ©ritĂ©, et ne pas rĂ©cidiver », contrairement au projet de loi soumis par le gouvernement et adoptĂ© par le CongrĂšs, oĂč la reconnaissance complĂšte n'Ă©tait pas une exigence et oĂč les crimes commis aprĂšs la dĂ©mobilisation ne pouvaient retirer le bĂ©nĂ©fice de la loi pour les dĂ©mobilisĂ©s[4].

Human Rights Watch salue l'arrĂȘt de la Cour comme un correctif rĂ©solvant plusieurs des problĂšmes graves et des lacunes du projet soumis[5].

Portée de la loi

Les avantages accordés par la Loi Justice et Paix le sont pour les crimes commis avant la date de promulgation de la loi, par des membres de groupes armés illégaux, dans le cadre du processus de paix. En avril 2009, au cours du deuxiÚme mandat d'Álvaro Uribe, le gouvernement présente un projet de loi qui aurait permis aux membres des groupes encore en armes d'en bénéficier. Mais le projet n'a été débattu qu'une seule fois et a été enterré au CongrÚs.

Selon Frank Pearl, Haut Commissaire pour la Paix durant le second mandat d'Uribe, on pense initialement que les nĂ©gociations seront finalisĂ©es pour le 25 juillet 2005, mais ce ne sera pas le cas. Entre cette date et l'annĂ©e suivante, 25 000 paramilitaires et 25 des 37 fronts existants sont dĂ©mobilisĂ©s. « Au dĂ©but, il n'y avait aucune difficultĂ©, explique Frank Pearl, car l'interprĂ©tation juridique Ă©tait que la loi Justice et Paix couvrait les crimes que les gens avaient commis jusqu'au jour de leur dĂ©mobilisation, et cette interprĂ©tation a Ă©tĂ© en vigueur pendant environ deux ans ». Mais la Cour suprĂȘme de justice Ă©tablit une jurisprudence invalidant ce point de vue, en soulignant ce que l'article 72 de la loi sur la justice et la paix stipule : « elle ne s'appliquera qu'aux actes survenus avant son entrĂ©e en vigueur et est applicable Ă  partir de la date de sa promulgation (25 juillet 2005) ».

Au début de l'année 2009, le nombre de combattants démobilisés s'élÚve à prÚs de 50 000, dont environ 32 500 issus des groupes paramilitaires, 15 000 des FARC et 2 500 de l'ELN[6].

Application de la loi et extraditions

Le 13 mai 2008, certains des commandants dĂ©mobilisĂ©s des AUC sont extradĂ©s aux États-Unis pour rĂ©pondre des accusations de trafic de drogue devant les tribunaux de ce pays. La dĂ©cision du gouvernement d'autoriser leur extradition est fondĂ©e sur le fait qu'ils continuent Ă  mener une activitĂ© criminelle depuis la prison.

Mais pour la journaliste Laurence Mazure, « l’extradition permet de ne pas rĂ©pondre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanitĂ©, de ne pas rĂ©vĂ©ler les noms des complices et, surtout, de ne rien divulguer des structures Ă©conomiques mises en place derriĂšre des façades juridiques « lĂ©gales ». Elle dispense, au passage, d’avoir Ă  payer des compensations aux familles des victimes »[7].

Références

  1. « Procesos de Justicia y Paz », sur web.archive.org, (consulté le )
  2. « COLOMBIE - Le texte de loi « Justice et paix » profitera aux responsables d'atteintes aux droits (...) », sur amnesty.be, (consultĂ© le ).
  3. VerdadAbierta.com, « ¿Qué nos dejan 10 años de justicia y paz? », sur www.verdadabierta.com (consulté le )
  4. (es) « Corte Constitucional de Colombia condiciona aplicación de la Ley de Justicia y Paz - Wikinoticias », sur es.wikinews.org (consulté le )
  5. « Colombia: Al Corregir Ley de Desmovilización, Corte Evita Abusos Futuros (Human Rights Watch, 19-7-2006) », sur web.archive.org, (consulté le )
  6. Noticias Caracol. «VAN 50 000 PARAS Y GUERRILLEROS DESMOVILIZADOS»
  7. Laurence Mazure, « L'extradition, outil de normalisation du para-Etat colombien », sur Le Monde diplomatique,

Sources

Voir aussi

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