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Utilisation des excreta

L'utilisation des excréments ou utilisation des excreta fait ici référence à l'utilisation des excréments animaux et/ou excréments humains, à savoir les matiÚres fécales (ou fÚces) et l'urine. Il s'agit de valoriser la matiÚre organique et les nutriments qu'ils contiennent naturellement sous des formes bioassimilables pour les plantes. On en fait des amendement ou des engrais en agriculture, jardinage, aquaculture ou activités horticoles. Des bouses de bovins notamment sont aussi utilisés comme combustible et comme matériau de construction ou depuis peu pour la production de protéines. Les caractéristiques (fertilisantes et bactériologiques notamment) des excreta varient considérablement selon leur origine (humain, animal herbivore, granivore, insectivore, omnivore ou carnivore) et sa préparation (dilué, séché, aseptisé, composé, en mélange ou non... issue de toilettes sÚches, de boues fécales ou d'épuration, sous forme de fiente ou en lisier ou fumier animal, etc.).

Récolte de poivrons (capsicum) cultivés avec du compost à base d'excréments dans un jardin expérimental en Haïti

En raison du risque de péril fécal, les excreta sont aujourd'hui soumis à des réglementations strictes. S'ils sont parfois assimilés à des matiÚres dangereuses, ils pourraient aussi potentiellement remplacer des engrais coûteux et polluants (ex : Mexique, Inde, Bangladesh, Ghana).

En 2006 l'OMS a produit des lignes directrices et un cadre montrant comment les excreta humains pourraient ĂȘtre utilisĂ©s en toute sĂ©curitĂ©, en suivant une approche Ă  barriĂšres multiples[1].

En Afrique les quantités théoriques de nutriments présents dans les excréments humains équivalent à la somme de engrais utilisés sur ce continent:16. La réutilisation pourrait améliorer les sols et la production alimentaire tout en offrant une alternative aux engrais chimiques, souvent inabordables pour les petits paysans.

Histoire

Gravure du 18e siÚcle présentant l'activité noctambule d'un nightman, John Hunt, entrepreneur collecteur et épandeur d'excreta humains à Londres.
Femme chinoise portant deux seaux d'excréments (1871)

L'utilisation d'excréments et d'urines comme engrais agricole est rapportée au moins depuis l'Antiquité dans une grande partie du monde[2] - [3]. Cet amendement était souvent considéré comme parmi les meilleurs pour la croissance des plantes et il existait diverses recettes de préparation.

En Attique le rĂ©seau d'Ă©gouts de l'ancienne AthĂšnes aboutissait Ă  un grand rĂ©servoir, d'oĂč les boues fĂ©cales et eaux grises Ă©taient acheminĂ©es vers la vallĂ©e de CĂ©phissus oĂč ils engraissaient les champs et jardins[4]

En Chine, au Japon et en Corée durant des siÚcles les excréments urbains étaient exportés vers les champs périphériques, parfois via un réseau de transport par canaux (Franklin Hiram King (en) a décrit ce systÚme dans son ouvrage "Farmers of Forty Centuries, or Permanent Agriculture in China, Korea, and Japan"[5]). En Asie du Sud-Est, les excréments étaient parfois directement déversés dans des mares ou étangs piscicoles pour doper la production d'algues et de microcrustacés alimentant les poissons.

Hong-Kong avait un autre euphĂ©misme pour dĂ©crire la rĂ©cupĂ©ration des excrĂ©ments :怒 ć€œ 驙 dĂ oyĂšxiāng , signifiant littĂ©ralement "vider le parfum nocturne". ; ces expressions ont Ă©tĂ© utilisĂ©es par quelques gĂ©nĂ©rations ayant vĂ©cu dans certaines parties de la Chine ou dans les Chinatowns crĂ©Ă©es hors de Chine, avant le dĂ©veloppement des infrastructures d'assainissement modernes, parfois jusqu'en 1960, et dans la pĂ©riode Post - Seconde Guerre mondiale par exemple Ă  Chinatown (Singapour) en particulier parce que les infrastructures d'assainissement endommagĂ©es par la bataille de Singapour aprĂšs l'occupation japonaise de Singapour ont mis longtemps Ă  ĂȘtre rĂ©parĂ©es. AprĂšs le dĂ©veloppement de l'Ă©conomie et du niveau de vie aprĂšs l'indĂ©pendance, le systĂšme de sol nocturne de Singapour n'est plus qu'une curieuse anecdote datant de l'Ă©poque de la domination coloniale, au moment du dĂ©veloppement de nouveaux systĂšmes. Durant la pĂ©riode Kuomintang en Chine continentale, et dans le Chinatown de Singapour, le ramasseur de "sol de nuit" arrivait gĂ©nĂ©ralement avec des seaux vides qu'il Ă©changeait contre des seaux pleins, offrant un service fonctionnant sur le mĂȘme principe que celui de la livraisons d'eau par des porteurs.
En Inde la collecte des boues fécales est encore localement réservée à la caste des intouchables. La gestion des boues de vidange constitue encore un défi en raison de ses implications sanitaires dans de nombreux pays en voie de développement[6].

En Europe, plusieurs rĂ©gions (Flandre notamment, ou rĂ©gion parisienne) en utilisaient de grandes quantitĂ©s. Les anglophones parlaient parfois de sol de nuit (night soil, euphĂ©misme dĂ©signant les excrĂ©ments humains recueillis relativement frais et non diluĂ©s dans de l'eau[7], ou Ă  partir des Ă©gouts, puisards, fosses et latrines, qui pouvaient ĂȘtre transportĂ©s (de nuit souvent) hors des villes et vendus comme engrais. Dans la banlieue parisienne on produisait, non sans nuisances odorantes, une poudrette qui permettait 3 rĂ©coltes maraĂźchĂšres par an.

Enjeux

Parmi les enjeux de l'utilisation d'excreta aseptisés ou sécurisés en agriculture, jardinage ou sylviculture ou pisciculture, figurent la soutenabilité de la gestion des déchets et de l'assainissement (c'est la derniÚre étape de la chaßne d'assainissement, qui commence par la collecte des excréments (au moyen de toilettes) et se poursuit avec le transport et le traitement jusqu'à l'élimination ou la réutilisation[8]). Elle est centrale dans l'approche d'un assainissement écologique et est l'une des conditions d'une économie circulaire moins gaspilleuse de ressources.

Valeur agronomique

Comparaison du champ d'épinards avec (à gauche) et sans compost (à droite), expériences à la ferme SOIL à Port-au-Prince (Haïti)

Outre de l'eau et de la MatiĂšre organique (ressource prĂ©cieuse pour restaurer ou entretenir la qualitĂ© des sols), Les fĂšces et urines sont riches en nutriments d'intĂ©rĂȘt pour les plantes : l'Azote, le Phosphore, le soufre et le Potassium. Ils contiennent aussi divers oligoĂ©lĂ©ments directement bioassimilables par les plantes, et dans des proportions rĂ©pondant gĂ©nĂ©ralement Ă  leurs besoins.

Les excréments d'herbivores contiennent en outre une microflore réputée propice au systÚme racinaire et à la mycorhization des plantes (utilisés en pralinage pour les plantations d'arbre par exemple).
Dans certains contexte la teneur en eau des urines leur donne une valeur supplĂ©mentaire, mais elles doivent nĂ©anmoins ĂȘtre diluĂ©es et les eaux grises sont quantitativement plus importantes (rĂ©utilisation ou recyclage des eaux usĂ©es).
Il existe un certain nombre de «fertilisants dérivés des excréments» dont les propriétés et les caractéristiques fertilisantes varient: urine, matiÚres fécales sÚches, matiÚres fécales compostées, boues de vidange, boues d'épuration et fumier.

Comparaison avec d'autres engrais :

  • Les excrĂ©ments sont des engrais polyvalents et trĂšs bioassimilables, gratuits ou peu couteux, et pouvant ĂȘtre utilisĂ©s en boucles courtes. Les engrais organiques sont riches en composĂ©s carbonĂ©s rĂ©duits ; s'ils sont dĂ©jĂ  partiellement oxydĂ©s comme dans le compost, les minĂ©raux fertilisants sont adsorbĂ©s sur les produits de dĂ©gradation (acides humiques), etc. Ils prĂ©sentent donc un effet de libĂ©ration lente et sont gĂ©nĂ©ralement moins rapidement lessivĂ©s[9]. Mais ils prĂ©sentent - s'ils sont mal utilisĂ©s - des risques sanitaires et peuvent ĂȘtre source de gĂȘne olfactive. Alors que l'urbanisation se dĂ©veloppe, c'est une source qui s'Ă©loigne des zones cultivĂ©es. Le fumier animal (lisier notamment) dans un contexte d'Ă©levages gĂ©ants Ă  grand nombre d'animaux, peut poser problĂšme quand il n'y a plus assez de terres pour l'Ă©pandage Ă  proximitĂ© et Ă  cause d'une teneur excessive en polluants ou rĂ©sidus d'antibiotiques et d'antiparasitaires.
  • Les engrais minĂ©raux quant Ă  eux sont coĂ»teux, plus polluants dans leur cycle de vie, et souvent plus lessivables. Ils ont une mauvaise empreinte carbone et/ou sont fabriquĂ©s Ă  partir de pĂ©trole et de mines. Les minerais phosphatĂ©s contiennent des mĂ©taux lourds problĂ©matiques tels que cadmium et uranium, qui peuvent contaminer la chaĂźne alimentaire[10]. Les mines de phosphate commencent en outre Ă  s'Ă©puiser.

Sources

Ce sont :

  • les foyers individuels, ruraux Ă  urbains (les excreta humains Ă©taient autrefois communĂ©ment rĂ©coltĂ©s Ă  domicile pour ĂȘtre utilisĂ©es au jardin ou dans l’agriculture) ;
  • certains Ă©tablissement collectifs (Ă©cole, collĂšges, lycĂ©es, universitĂ©, habitats groupĂ©s
) ;
  • les Ă©levages agricoles ;
  • les systĂšmes systĂšmes d'assainissement, de plus en plus conçus pour une rĂ©cupĂ©ration sĂ»re et efficace de ces dĂ©chets qui sont aussi des ressources. Le risque microbien diminue mais une partie du carbone et de l'azote a Ă©tĂ© perdue lors du traitement, qui par ailleurs augmente le risque d'apports en mĂ©taux lourds, mĂ©talloĂŻdes et polluants organiques. Les eaux usĂ©es comprennent de l'eau, des nutriments, de la matiĂšre organique et un certain contenu Ă©nergĂ©tique. La rĂ©utilisation des excrĂ©ments s'intĂ©resse aux nutriments et aux matiĂšres organiques alors que la rĂ©utilisation des eaux usĂ©es se concentre sur la teneur en eau.

L'urine humaine peut ĂȘtre facilement collectĂ©e via des urinoirs sans eau, des toilettes sĂšches Ă  sĂ©paration d'urine (UDDT) ou des toilettes Ă  dĂ©tournement d'urine[11].

Engrais dérivés d'excreta

Urine

Application d'urine sur un champ prĂšs de Bonn, Allemagne, au moyen d'un tuyau flexible prĂšs du sol
Plants de basilic: Les plants de droite ne sont pas fertilisĂ©s avec de l'urine, ceux de gauche le sont (dans le mĂȘme sol pauvre en nutriments)
Application de l'urine sur les aubergines au cours d'une étude complÚte sur le terrain de l'application d'urine à l'Université Xavier, aux Philippines

L'urine est principalement composée d'eau, et d'azote (essentiellement sous forme d'urée), avec un peu de potassium dissous et d'autres minéraux[12]. Plus le bol alimentaire contenait de protéines plus l'urine contient d'urée. Plus de 70 % de l'azote et plus de 50% du potassium retrouvé les eaux usées provient des urines (moins de 1 % du volume total). Selon les principes de l'assainissement écologique (ecosan), utiliser l'urine "boucle le cycle des flux de nutriments agricoles" (closing the cycle of agricultural nutrient flows).

Dans le monde, l'utilisation des eaux usées brutes ou de boues de vidange a été courant tout au long de l'histoire, mais l'application d'urine séparée aux cultures semble avoir été rare. C'est un usage qui se développe[13].
L'apport d'urine pure est à proscrire : outre de mauvaises odeurs, il serait source de phytotoxicité par apport excessif d'ammoniac et d'acidification voire de salinisation et d'eutrophisation [14]. Le dosage dépend de la durée et fréquence des apports, du sol et des besoins et de la tolérance à la salinité de la plante, de l'ajout d'autres composés fertilisants et de la quantité de pluie ou d'autres types d'irrigation[15].

L'urine doit ĂȘtre diluĂ© dans de l'eau (avec un rapport de 1:5 pour les cultures annuelles cultivĂ©es en container avec un milieu de culture frais chaque saison, ou avec un ratio de 1:8 pour un usage plus gĂ©nĂ©ral), il peut ĂȘtre versĂ© au pied de la plante, ou appliquĂ© sur le sol comme engrais[16] - [17]. L'effet fertilisant de l'urine s'est avĂ©rĂ© comparable Ă  celui des engrais azotĂ©s commerciaux[18] - [19].

Souvent la récupération d'urine pour en faire un engrais consomme moins d'énergie si elle est faite en amont (plutÎt qu'à partir d'usines de traitement des eaux usées que lorsqu'elle est utilisée directement comme ressource d'engrais)[20] - [21].

Risques et Limitations : Comme pour un engrais chimique, la présence d'azote excédentaire dans le sols doit limiter l'usage ou les doses d'apport d'urine[16]. En zone sÚche et/ou salinisée, il faut aussi tenir compte des sels inorganiques (tels que le chlorure de sodium) qu'apporte aussi l'urine via le systÚme rénal.
Sauf cas particulier (saturnisme, contamination accidentelle ou médicamenteuse), les taux de métaux lourds tels que le plomb, le mercure et le cadmium de l'urine sont inférieurs à ceux des boues d'épuration (aussi utilisées comme engrais)[22]. L'urine d'un patient victime d'une infection urinaire ou sous médicament est à éviter par précaution, et car pouvant contenir des résidus pharmaceutiques (polluants pharmaceutiques persistants dans l'environnement)[14].
le risque d'eutrophisation est à considérer, notamment en bordure de zone humide ou prÚs milieux dont la richesse écologique est liée à l'oligotrophie du sol.

Depuis 2011, la Fondation Bill-et-Melinda-Gates fournit des systÚmes d'assainissement (issus de la recherche) qui récupÚrent les nutriments dans l'urine[23].

PrĂ©venir la crise du phosphore : utiliser le phosphore des excreta permet d'attĂ©nuer la pĂ©nurie imminente (dite « pic du phosphore Â») due au fait que la plupart des gisements connus de phosphate ont Ă©tĂ© entiĂšrement exploitĂ©s, ce qui menace la sĂ©curitĂ© alimentaire mondiale[24].

Excréments

Chou cabus cultivé dans un compost à base d'excréments (à gauche) et sans amendements de sol (à droite), SOIL en Haïti

Les matiÚres fécales séchées issues des toilettes sÚches, ou de toilettes à séparation d'urine (UDDT), aprÚs le traitement, augmentent la productivité des sols, grùce aux effets fertilisants de l'azote, du phosphore, du potassium, mais aussi par leur apport en carbone organique qui va notamment nourrir des champignons coprophiles bénéfiques pour le sol et le plantes.

Le compostage des excrĂ©ments : des sciures et des dĂ©chets de cuisine biologiques sont souvent ajoutĂ©s aux excrĂ©ments destinĂ© au compost, qui aura potentiellement les mĂȘmes usages qu'un compost dĂ©rivĂ© d’autres dĂ©chets organiques (dont parfois boues d’épuration, biodĂ©chets municipaux). Un facteur limitant peut ĂȘtre des restrictions lĂ©gales liĂ©es aux agents pathogĂšnes potentiellement prĂ©sents dans le compost. L'utilisation d'un tel compost longuement maturĂ© dans son propre jardin est gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©e comme sĂ»r ; c'est d'ailleurs la principale destination des issues de toilettes Ă  compostage, les mesures d'hygiĂšne restant de rigueur pour la manipulation des matiĂšres et du compost (pour toutes les personnes qui y sont exposĂ©es), par ex. porter des gants et des bottes. Dans les toilettes sĂšches sans rĂ©cupĂ©ration d'urine, l'urine peut ĂȘtre absorbĂ©e sur de la sciure fine, ce qui empĂȘche les odeurs, et enrichira le compost. L'urine peut contenir jusqu'Ă  90 % de l'azote, jusqu'Ă  50 % du phosphore et jusqu'Ă  70 % du Potassium prĂ©sent dans les excreta humains[25]. Le compost de toilettes Ă  compostage ne dĂ©tournant pas l'urine contient gĂ©nĂ©ralement tout le panel des nutriments nĂ©cessaire aux plantes et au sol, et il est le plus bioassimilable[26].

Les boues de vidange ; dĂ©finies comme "provenant des technologies d’assainissement in situ, ne provenant pas d'un Ă©gout", elles proviennent par exemple des latrines Ă  fosse, de blocs sanitaires sans Ă©gout, de fosses septiques. Diverses mĂ©thodes permettent de les utiliser en agriculture : dĂ©shydratation, Ă©paississement, sĂ©chage (dans les lits de sĂ©chage des boues), compostage, granulation, digestion anaĂ©robie.

Eaux usĂ©es municipales ou agro-industrielles AprĂšs une Ă©puration soignĂ©e, ces eau rĂ©cupĂ©rĂ©e ont perdu une grande partie de leur valeur agronomique. Elles peuvent ĂȘtre recyclĂ©es pour l'irrigation, des rĂ©utilisations industrielles, le rĂ©approvisionnement des cours d'eau naturels, des plans d'eau et des aquifĂšres et autres utilisations de l'eau potable et non potable. Ces applications se concentrent gĂ©nĂ©ralement sur l'aspect de l'eau, et non sur leur contenu en nutriments et matiĂšre organique, qui est au centre de la "rĂ©utilisation des excrĂ©ments". Lorsque les eaux usĂ©es sont rĂ©utilisĂ©es en agriculture, leur teneur en Ă©lĂ©ments nutritifs (azote et phosphore) peut ĂȘtre utile pour une application supplĂ©mentaire d'engrais. Les travaux de l’Institut international de gestion de l'eau et d’autres organisations ont abouti Ă  des directives sur la maniĂšre dont la rĂ©utilisation des eaux usĂ©es municipales en agriculture pour l’irrigation et l’application d’engrais peut ĂȘtre mise en Ɠuvre en toute sĂ©curitĂ© dans les pays Ă  faible revenu[27]

Les boues d'Ă©puration : dites « Biosolids (en) Â» une fois sĂ©chĂ©es, elles sont souvent utilisĂ©es comme amendement ou engrais, mais avec des controverses (dont aux États-Unis et en Europe) en raison des polluants chimiques qu'elles contiennent souvent (mĂ©taux lourds, perturbateurs endocriniens, microplastiques et polluants environnementaux pharmaceutiques persistants.
Northumbrian Water, au Royaume-Uni, utilise deux usines de biogaz pour produire ce que la sociĂ©tĂ© appelle une "oo power" - en utilisant des boues d'Ă©puration pour produire de l'Ă©nergie afin de gĂ©nĂ©rer des revenus. La production de biogaz a rĂ©duit ses dĂ©penses d’électricitĂ© d’avant 1996 de 20 millions de livres sterling soit environ 20 %. Severn Trent et Wessex Water ont Ă©galement des projets similaires[28].

Lixiviats issus de la mĂ©thanisation AprĂšs digestion anaĂ©robie, le lixiviat a perdu beaucoup de carbone. Mais il reste de l'azote et du phosphore rĂ©cupĂ©rable (sous forme de struvite) utilisable comme engrais (par exemple, la sociĂ©tĂ© canadienne Ostara Nutrient Recovery Technologies commercialise un procĂ©dĂ© de prĂ©cipitation chimique contrĂŽlĂ©e du phosphore dans un rĂ©acteur Ă  lit fluidisĂ©, rĂ©cupĂ©rant la struvite sous forme de pastilles Ă  partir du flux de dĂ©shydratation des boues. Ce produit cristallin est vendu aux secteurs de l’agriculture, du turf et des plantes ornementales comme engrais sous la marque dĂ©posĂ©e "Crystal Green"[29].

Fientes, fumier et lisiers : Les excréments animaux sont utilisés depuis des siÚcles comme engrais agricoles et des jardins. Ils améliorent l'activité microbienne du sol, sa structure (agrégation) et sa fertilité ; l'apport en oligo-éléments améliore aussi la nutrition des plantes.
Ces engrais ayant une odeur ammoniaquée particuliÚrement désagréable (en particulier le lisier de l'élevage porcin intensif), ils sont de plus en plus injectés directement dans le sol, ce qui diminue la libération de l'odeur. Le fumier des porcs et des bovins est généralement répandu dans les champs à l'aide d'un épandeur de fumier. Plus pauvre en apports protéiques, le compost ou le fumier d'herbivore a une odeur plus douce que celui de carnivores ou d'omnivores[30], sauf s'il a subi un début de fermentation anaérobie, source d'odeur désagréable, posant problÚme dans certaines régions agricoles trÚs habitées. Les fientes de volaille sont nocifs pour les plantes tant qu'elles sont fraßches, mais sont un engrais précieux aprÚs une période de compostage.
Du fumier composté et mis en sac est commercialement vendu au détail comme amendement du sol[31].

PĂ©ril FĂ©cal (Risques sanitaires)

Les jardiniers de Fada N'Gourma au Burkina Faso appliquent des excréments secs aprÚs les avoir mélangé avec d'autres engrais organiques (fumier d'ùnesse, fumier de vache) et des sols fertiles purs, et aprÚs avoir mûri pendant 2 à 4 mois supplémentaires.

Les excreta peuvent aisĂ©ment ĂȘtre contaminĂ©s par les dĂ©jections de personnes infestĂ©es, notamment en contexte d'Ă©pidĂ©mie, d'inondation ou de crise sanitaire.

La lutte contre le péril fécal passe alors par des mesures importantes et souvent coûteuses. On remarquera que les pays développés ont été capables de réduire trÚs fortement l'incidence des maladies d'origine fécale par ces mesures d'hygiÚne[32].

La transmission des maladies se fait par voie digestive, directement par les mains sales ou indirectement par l'eau ou les aliments souillés de matiÚres fécales[33].

Parmi les principales maladies liées au péril fécal, on retrouve les maladies véhiculées par des virus[34] - [32] :

ou les bactéries[34] - [32] :

On trouve Ă©galement certains champignons comme le genre Enterocytozoon.

Parmi les principaux parasites transmis on compte[34] - [32] :

Les kystes sont des moyens de protection de parasites pouvant parfois résister et rester viables plus de 20 ans[35] - [36].

La Corée du Nord utilise encore des excréments humains comme engrais. Ces excréments ne sont pas traités et sont utilisés en agriculture. Un déserteur nord-coréen est retrouvé avec une "quantité énorme" de parasites dans le corps, possiblement liée à l'usage des excréments humain comme engrais[37].

Risque toxicologique et pharmaceutiques

Le risque toxicologique ou écotoxicologique, si les excreta sont contaminés par les toxines (métaux lourds, métalloïdes, radionucléïdes, perturbateurs endocriniens, polluants organiques, résidus de médicaments...). Dans le cas de produits non biodégradables, il s'agira d'éviter que les contaminants entrent dans la chaine de collecte. En zone ou contexte de risques, des analyses physicochimiques périodiques sont utiles (mais ont un prix).

Les excrĂ©ments humains et animaux peuvent contenir des rĂ©sidus d'hormones, d'antibiotiques et d'antiparasitaires (ivermectine par exemple) pouvant thĂ©oriquement affecter la microfaune du sol, polluer l'eau, voire entrer dans la chaĂźne alimentaire via les cultures fertilisĂ©es. Ils ne sont pas actuellement totalement Ă©liminĂ©s par les stations d'Ă©puration classiques, et peuvent contaminer des eaux usĂ©es domestiques[38]. Ces rĂ©sidus sont pour beaucoup mieux dĂ©gradĂ©s dans le sol que dans les systĂšmes aquatiques. Certains mĂ©dicaments contiennent des mĂ©taux toxiques non dĂ©gradables, par exemple en chimiothĂ©rapie avec le cisplatine ; les excreta de malades ne doivent pas ĂȘtre utilisĂ©s sur des cultures alimentaires, ni traitĂ©s dans les mĂȘmes filiĂšres (notamment en cas de cholĂ©ra).

Gestion des risques

L'OMS recommanderait de gérer les risques par une approche unique (dite One Health).

L'utilisation non réglementée et peu sûre d'excréments est fréquente, notamment dans les pays en développement. Sous l'égide de l'ONU et de l'UNESCO, l'OMS a produit en 2006 un cadre explicatif (voir ci-dessous)[11].

Concept de "barriÚre multiple pour une utilisation sûre en agriculture" de l'urine

Ce concept a été validé et repris en 2006, par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans ses Directives sur la réutilisation en toute sécurité des eaux usées et des eaux grises (il est aussi utilisé dans l'industrie agroalimentaire et pour l'approvisionnement en eau).

Issu des approches HACCP et des recherches conduites sur la maniĂšre de rĂ©utiliser en toute sĂ©curitĂ© l'urine et les excrĂ©ments en toute sĂ©curitĂ© dans l'agriculture, notamment en SuĂšde depuis les annĂ©es 1990, ce concept repose sur la constitution et le respect de barriĂšres multiples (une pour chaque Ă©tape et source de risque), pour prĂ©venir la propagation de parasites et d'agents pathogĂšnes. Le degrĂ© de traitement requis pour sĂ©curiser des engrais Ă  base d'urine dĂ©pend de plusieurs facteurs dont chacun doit ĂȘtre pris en compte et associĂ© Ă  une "barriĂšre". Il s'agira par exemple de choisir des modes de collecte, de stockage et de transport sĂ©curisĂ©es, de choisir des cultures appropriĂ©es, de mĂ©thodes d’exploitation appropriĂ©es, de mĂ©thodes d’application de l'engrais sans risque, en s'appuyant aussi sur l’éducation, la formation des parties prenantes[39].

Elimination des agents pathogĂšnes

En zone d'habitat dense, en complĂ©ment des rĂšgles de bases d'hygiĂšne, il est souvent avantageux de mutualiser les moyens et de confier au niveau communautaire (plutĂŽt qu'au niveau de chaque mĂ©nage) la gestion de ce risques, par exemple via par une hygiĂšnisation par un compostage thermophile, une maturation de 1,5 Ă  2 ans, un traitement chimique Ă  l’ammoniac (produit Ă  partir de l’urine) inactivant les parasites et pathogĂšnes, un l’assainissement solaire (en zone tropicale), un stockage sĂ©curisĂ© pour sĂ©chage et traitement ultĂ©rieur, etc[40] - [41].

En amont un prĂ©traitement de la matiĂšre fĂ©cale issue des toilettes sĂšches Ă  sĂ©paration d'urine (urine-diverting dry toilets - UDDT) est le sĂ©chage (au niveau des toilettes elles-mĂȘmes (facilitĂ© par la collecte sĂ©parĂ©e de l'urine qui peut ĂȘtre temporairement stockĂ©e au niveau du mĂ©nage) ; L'eau est ainsi moins gaspillĂ©e, et le risque de diffusion de pathogĂšne vers les puits, nappes ou eaux de surface est diminuĂ©.
En aval, la gestion peut ĂȘtre :

  • semi-centralisĂ©e, par exemple avec un compostage de quartier ; ou
  • entiĂšrement centralisĂ©, dans les usines de traitement des eaux usĂ©es et les usines de traitement des boues d'Ă©puration.

ContrĂŽles

Des analyses physicochimiques, biochimiques et observations au microscope, outre des observations visuelles et les odeurs permettent de vĂ©rifier certains paramĂštres. Des Ɠufs d'helminthes sont souvent utilisĂ©s comme organisme indicateur, car ces organismes comptent parmi les plus difficiles Ă  dĂ©truire par la plupart des processus de traitement.
Les contrÎles sont à adapter à l'approche à barriÚres multiples (qui autorise par ex. des niveaux de traitement plus faibles à une étapie, s'ils sont combinés avec d'autres obstacles post-traitement le long de la chaßne d'assainissement[11].

Aspects environnementaux

  • Dans certains contextes (mĂ©dicaux, gĂ©ographiques, accidentels ou industriels) des excrĂ©ments risquent d'ĂȘtre contaminĂ©s par des mĂ©taux toxiques, des polluants organiques persistants, ou des radionuclĂ©ides, tous susceptibles d'ĂȘtre bioaccumulĂ©s dans les cultures et le rĂ©seau trophique. Seules les analyses physicochimiques peuvent le confirmer. Il faut les interprĂ©ter au regard du type de sol et du contexte, car par exemple, plus le sol est acide, plus les mĂ©taux y seront mobiles et bioassimilables, et le complexe argilohumique peut contribuer Ă  fixer certains de ces toxiques dans le sol.
  • un usage inadĂ©quat de l'urine (trĂšs riche en azote) peut libĂ©rer une quantitĂ© excessives de nitrates, des sels trĂšs solubles et donc facilement lessivables, susceptibles de rapidement polluer les eaux superficielles ou souterraines, au dĂ©triment de la santĂ© et de l'environnement[42] - [43]. Les applications doivent ĂȘtre dosĂ©es en fonction des besoins des plantes et Ă©chelonnĂ©es dans le temps pour Ă©viter une lixiviation vers les eaux souterraines et l'eutrophisation des eaux de surface[44] - [45] - [46]. Des niveaux de nitrate supĂ©rieurs Ă  10 mg/L (10 ppm) dans les eaux souterraines peuvent provoquer le «syndrome du bĂ©bĂ© bleu» (mĂ©thĂ©moglobinĂ©mie acquise)[47].
    Un excĂšs de nutriment (nitrates en particulier) peut fragiliser certaines cultures, et dĂ©grader les habitats naturels via via l'eutrophisation voire une dystrophisation (qui favoriseront quelques espĂšces « nitrophiles Â» au dĂ©triment de la biodiversitĂ© et des espĂšces rares).

Autres usages (non fertilisant) des excréments

Parmi ces usages figuraient ou figurent :

  • l'utilisation de bouses de yack ou de vache comme matĂ©riau isolant traditionnel de construction. L'addition de matiĂšres fĂ©cales (jusqu'Ă  20 % en poids sec) dans des briques d'argile n'altĂšre pas significativement leur qualitĂ©.
  • l'utilisation d'excrĂ©ments sĂ©chĂ©s comme combustibles : Des recherches en Ouganda et au SĂ©nĂ©gal ont montrĂ© qu'il est viable d'utiliser des matiĂšres fĂ©cales sĂšches pour la combustion dans l'industrie, aprĂšs sĂ©chage (au moins 28 % de "solides secs")[48] ;
  • le tannage de peaux (autrefois)
  • une technique de trempage de mĂ©taux (autrefois)
  • certains usages mĂ©dicinaux traditionnels (aujourd'hui jugĂ©s Ă  risque) correspondant Ă  la pharmacie excrĂ©mentielle (de)[49]
  • la production de protĂ©ines, (via des installations pilotes alimentant des larves d'une mouche (Hermetia illucens, susceptible de nourrir des poulets en Afrique du Sud, ou des poissons...
  • RĂ©cupĂ©ration de mĂ©taux prĂ©cieux, par exemple au Japon Ă  partir d'eaux usĂ©es et de boues d'Ă©puration. Aux États-Unis, l'USGS a calculĂ© que les boues d'Ă©puration gĂ©nĂ©rĂ©es par 1 million de personnes contenaient 13 millions de dollars de mĂ©taux prĂ©cieux[50].
  • la production d'hydrogĂšne Ă  partir d'urine, Ă  l'Ă©tude[51] - [52] - [53]. L'urine contient plus de molĂ©cules d'hydrogĂšne que l'eau, et elles y sont moins Ă©troitement liĂ©e aux autres atomes ; par Ă©lectrolyse, plus d’hydrogĂšne est produit avec moins d’énergie[54].
  • la production de biogaz par digestion anaĂ©robie de boues fĂ©cales et/ou lisiers. Le biogaz peut ensuite ĂȘtre Ă©purĂ© en biomĂ©thane et injectĂ© dans le rĂ©seau ou utilisĂ© comme biocarburant[55].) Des micromĂ©thanieurs et de petites usines de biogaz sont utilisĂ©es dans de nombreux pays, dont le Ghana et le ViĂȘt Nam[56] et beaucoup d'autres[57]. Des systĂšmes centralisĂ©s de plus grande taille se dĂ©veloppent aussi, dont avec de grands digesteurs anaĂ©robies traitant les eaux usĂ©es et les boues d'Ă©puration.
  • production d'Ă©lectricitĂ© ; Ă  partir de la combustion d'excrĂ©ments et/ou de boues d'Ă©puration sĂ©chĂ©es, ou plus souvent Ă  partir du biogaz[58] - [59] - [60].

Aspects Ă©conomiques

L'utilisation des excréments est plus ou moins rentable selon les contextes et les enjeux retenus. Les expressions « économie de l'assainissement » (sanitation economy) et « ressources de toilette » (toilet ressources) ont été récemment introduits pour notamment décrire le potentiel commercial de filiÚres valorisant les matiÚres fécales humaines ou l'urine.

Vente de compost

L'ONG SOIL (Sustainable Organic Integrated Livelihoods) en HaĂŻti a commencĂ© en 2006 Ă  construire des toilettes sĂšches Ă  sĂ©paration d'urine et Ă  composter les dĂ©chets produits Ă  des fins agricoles[61]. Les deux installations de traitement des dĂ©chets de compostage de SOIL transforment actuellement plus de 20 000 gallons (75 708 litres) d’excrĂ©ments humains en compost organique de qualitĂ© agricole chaque mois[62]. Le compost produit dans ces installations est vendu aux agriculteurs, aux organisations, aux entreprises et aux institutions du pays pour aider Ă  financer les opĂ©rations de traitement des dĂ©chets du SOIL[63]. Les cultures cultivĂ©es avec cet amendement comprennent Ă©pinards, poivrons, le sorgho, maĂŻs, etc. Chaque lot de compost produit est soumis Ă  un test de dĂ©pistage de l’organisme indicateur E. coli afin d’assurer la destruction complĂšte de l’agent pathogĂšne au cours du processus de compostage thermophile[64].

Aspects culturels et sociétaux

MalgrĂ© la promotion gĂ©nĂ©rale d'une Ă©conomie circulaire et le soutien de l'OMS, des freins sociopsychologiques, culturels et parfois rĂ©glementaires restent Ă  lever car dans les pays riches et les classes dirigeantes, ce qui concerne les excrĂ©ments semble encore tabou ou gĂȘnant, et ailleurs le sujet est rarement pleinement intĂ©grĂ© dans la politique et le discours public et social.

Les réglementations relatives à l'utilisation d'excréments humaines et/ou animaux peuvent entraver la production et l'exportation ou l'importation de produits agricoles ainsi produits[65]. Mais les retours d'expérience montrent que réviser la législation est nécessaire mais ne suffit pas ; il est important d'impliquer le "paysage institutionnel" et tous les acteurs, via des processus parallÚles à tous les niveaux de gouvernance, du niveau national au local ; des stratégies adaptées à différents pays, contextes et cultures sont nécessaires ; ainsi qu'un appui à de nouvelles politiques sur le sujet.

A titre d'exemple : dans le district de Tororo (est de l’Ouganda), confrontĂ© Ă  une grave dĂ©gradation des sols - les petits exploitants agricoles utilisent maintenant la fertilisation Ă  l'urine, peu coĂ»teuse, Ă  faible risque et ayant significativement amĂ©liorĂ© leurs rendements. Les normes sociales et les perceptions culturelles ont Ă©tĂ© un frein, qui doit ĂȘtre reconnu, mais qui a finalement Ă©tĂ© levĂ©[66].

RĂ©glementations

Utilisation d'urine en agriculture biologique en Europe

L'Union europĂ©enne (UE) autorise uniquement l'utilisation d'urine sĂ©parĂ©e Ă  la source dans l'agriculture conventionnelle au sein de l'UE, mais pas encore dans l'agriculture biologique. C’est une situation que de nombreux experts agricoles, en particulier en SuĂšde[67], souhaiteraient voir changer. Cette interdiction pourrait Ă©galement rĂ©duire les possibilitĂ©s d'utilisation de l'urine comme engrais dans d'autres pays, lorsqu''ils souhaitent exporter leurs produits agricoles vers l'UE.

Les matiĂšres fĂ©cales dĂ©shydratĂ©es des UDDT aux États-Unis

Aux États-Unis, la rĂ©glementation de l'EPA rĂ©git la gestion des boues d'Ă©puration, mais n'a pas compĂ©tence sur les sous-produits des toilettes sĂšches Ă  sĂ©paration d'urine (urine-diversion dry toilet - UDDT). La surveillance de ces matĂ©riaux incombe aux États[68] - [69].

Voir aussi

Articles connexes

Références

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