Transphobie
La transphobie est une aversion envers les personnes transgenres qui peut se traduire par l'expression d'une hostilitĂ© Ă leur Ă©gard. Elle peut se manifester par des violences physiques, verbales et des comportements discriminatoires. Elle peut ĂȘtre « institutionnelle » ou « relationnelle », directe ou indirecte. La transphobie n'est pas une opinion, mais un dĂ©lit.
Ătymologie
Le terme « transphobie » contient le prĂ©fixe « trans »[1] et le suffixe « phobie », qui dĂ©rive de phobos â du grec ancien ÏÏÎČÎżÏ / phĂłbos, « frayeur »[2] ou « crainte »[3]. En français, l'Ă©lĂ©ment formant « -phobie » exprime, d'aprĂšs le Centre national de ressources textuelles et lexicales une « Aversion »[4].
DĂ©finitions
La transphobie est définie Le Grand Dictionnaire terminologique de l'Office québécois de la langue française comme un « mépris, aversion ou haine manifestée ou ressentie envers les personnes trans ou perçues comme trans, associées à des préjugés à l'égard de la transitude »[5].
Le chercheur Arnaud Alessandrin distingue la transphobie directe de la transphobie indirecte[6]. Ces derniÚres relÚvent de transphobies relationnelles et englobent également les représentations et les mots utilisés au quotidien. La transphobie directe désigne les manifestations qui vont à l'encontre de la personne trans parce que son interlocuteur sait qu'elle est trans, tandis que la transphobie indirecte se base sur les représentations et stéréotypes de genre, sans que la transidentité de la personne soit connue[6]. à ces transphobies relationnelles s'ajoute la transphobie institutionnelle, qui désigne les difficultés spécifiques rencontrées par les personnes transgenres dans le cadre de leurs démarches administratives ou médicales[6].
Les mots anglais transperson, transphobia et cisgender entrent dans le dictionnaire de rĂ©fĂ©rence de la langue anglaise (Oxford English Dictionary) en 2013 et 2015. Les mots « trans » et « transphobie » font leur entrĂ©e dans le dictionnaire francophone Le Robert respectivement en 2019 et 2020[7]. Dans lâentrĂ©e « transphobie » du Dictionnaire de l'homophobie, la chercheuse GaĂ«lle Krikorian affirme que ce retard illustre de quelle façon le vocabulaire officiel hĂ©tĂ©rosexiste contribue Ă invisibiliser les personnes trans et les violences quâelles subissent.
Transphobie, cissexisme et cisgenrisme
Le cissexisme (tel que défini par Julia Serano ou Emmanuel Beaubatie) est une forme d'oppression qui cible l'identité de genre et qui établit comme innée et préférable la correspondance entre le genre et le sexe déterminé à la naissance[8].
Transphobie relationnelle
Selon Alessandrin, la transphobie relationnelle recouvre celle directe â rejet immĂ©diat de la transidentitĂ© â et celle indirecte â « mise en scĂšne des allants de soi cisgenres » (reprĂ©sentations comme la norme d'une identitĂ© correspondant Ă un sexe) â et « elle porte sur lâensemble des mots et des reprĂ©sentations quotidiennes dans un monde cisgenrĂ© »[9]. Des difficultĂ©s sont Ă©galement rencontrĂ©es dans la vie quotidienne en raison de pratiques de mĂ©genrage[10] (voir l'article MĂ©genrage#Personnes trans pour plus de dĂ©tails).
Violences physiques
Le Transgender Murder Monitoring Project surveille, collecte et analyse les annonces d'homicides de personnes trans ou de genres non-conformes, dans le monde entier[11] - [12].
Une méta-analyse publiée par l'OMS en 2017 montre que les personnes LGBT et tout particuliÚrement les personnes trans sont plus fréquemment victimes de violences physiques et sexuelles, les agressions étant motivées par la perception qu'a l'agresseur de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre[13].
Les violences sont souvent liées aux discriminations dont sont victimes les personnes trans : sans emploi ou en situation précaire, invisibles, travailleurs du sexe contre leur volonté, leur vulnérabilité en fait des cibles faciles pour les actes de violence comme par exemple en prison[14] - [15] - [16] - [17].
Amériques
En 2000, la Commission contre les crimes de haine pour homophobie recensait Ă peu prĂšs quinze assassinats de personnes trans par mois au Mexique[18]. Des personnes trans sont arrĂȘtĂ©es arbitrairement au Venezuela en 2002, alors que par ailleurs d'autres personnes trans sont assassinĂ©s[19]. Amnesty International dĂ©nonce en 2005 les violences policiĂšres exercĂ©es sur des personnes trans aux Ătats-Unis[20]. L'espĂ©rance de vie des femmes transgenres est seulement de 35 ans aux Ătats-Unis[21]. Dix-neuf homicides auraient Ă©tĂ© commis contre des personnes transgenres aux Ătats-Unis en 2020[22]. La mĂȘme annĂ©e, d'aprĂšs les chiffres Ă©manant du FBI, les agressions violentes sur les trans sont plus souvent que les autres statistiquement assorties d'un viol. En 2020, 175 homicides sont commis sur des transgenres au BrĂ©sil[23]. Il est aussi question de "harcĂšlements en public" selon Rachel Levine, la secrĂ©taire dâĂtat Ă la santĂ© des Ătats-Unis en 2022[24].
Plus récemment suite à la Fusillade de Nashville ayant eu lieue le 27 mars 2023, il a été signalée une vague transphobe ou transphobie rampante dans toute l'Amérique[25]dont un tweet tendancieux de l'élue républicaine Marjorie Taylor Greene[26], les conservateurs profitant quant à eux de cet événement pour faire avancer en Amérique leur agenda politique[27].
Asie
Human Rights Watch dans un rapport de dénonce des violences sexuelles perpétrées par des acteurs étatiques et non étatiques syriens contre des hommes, des garçons, des femmes transgenres et des personnes non binaires, entraßnant de graves séquelles pour leur santé physique et mentale[28] - [29].
Europe
Une Ă©tude de l'Office for National Statistics, parue en , montre que 28 % des personnes transgenres ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© victimes d'un dĂ©lit en Grande-Bretagne. Elles prĂ©sentent deux fois plus de risque d'ĂȘtre victimes d'un crime ou d'un dĂ©lit au Royaume-Uni que celles qui ne le sont pas[30]. L'Ă©crivaine trans Torrey Peters est victime de transphobie Ă la suite de sa nomination au Women's Prize for Fiction de 2021. Une pĂ©tition soutenue par une lettre ouverte mentionne que ce choix « exprime avec force le fait que les femmes autrices ne sont pas dignes de notre propre prix et qu'il n'y a rien de mal Ă permettre aux hommes de s'approprier nos honneurs. » De son cĂŽtĂ©, le jury insiste sur la non-discrimination en matiĂšre d'identitĂ© de genre dans ses choix : « les femmes transgenres sont des femmes »[31] - [32].
En France, 85 % des personnes transgenres sont victimes de violences physiques ou d'autres formes de violence[33]. La ministre de l'Enseignement supĂ©rieur, FrĂ©dĂ©rique Vidal, affirme en 2019 qu'« il faut que chaque personne puisse utiliser le prĂ©nom qu'elle souhaite sur les listes d'appel et d'examen, ainsi que sur les cartes Ă©tudiantes ». Une quinzaine d'universitĂ©s ont dĂ©jĂ adoptĂ© cette mesure. Une lettre de la ministre est envoyĂ©e Ă l'ensemble des chefs d'Ă©tablissements de l'enseignement supĂ©rieur afin de les sensibiliser notamment Ă cette disposition[34]. Le ministĂšre de l'Ăducation nationale lance en 2019 une campagne de sensibilisation et de prĂ©vention intitulĂ©e : « CollĂšges et lycĂ©es engagĂ©s contre lâhomophobie et la transphobie : tous Ă©gaux, tous alliĂ©s »[35]. Afin de mieux sĂ©curiser la scolaritĂ© des Ă©lĂšves trans, un guide est mis Ă disposition du personnel. Ce dernier rappelle notamment les textes en vigueur[36]. Le changement de genre Ă l'Ă©tat civil avant la majoritĂ© de l'enfant n'est pas autorisĂ© mais le droit applicable permet au mineur, avec l'accord de ses parents ou reprĂ©sentants lĂ©gaux, de changer de prĂ©nom[37]. Une ligne tĂ©lĂ©phonique et un site web sont Ă la disposition des Ă©lĂšves ayant subi ou Ă©tĂ© tĂ©moins de violences homophobes ou transphobes[38].
La transphobie est dénoncée pour les prisons[39] - [40] - [41] car un décret prévoit que « Les hommes et les femmes sont incarcérés dans des établissements distincts »[42](voir aussi les aspects juridiques de la transidentité en France en milieu carcéral).
Traitement médiatique
Karine Espineira a étudié la représentation des trans dans les médias français, qu'on peut illustrer par le traitement du meurtre de MylÚne à Limoges en 2013 : publication dans les rubriques « faits divers », utilisation d'une terminologie pathologisante et ignorante (« travesti ») et mention presque systématique d'une identité masculine (mégenrage, utilisation du nom de naissance masculin)[43] - [44]. Et dans le cas du traitement des questions juridiques : importance donnée à la parole des médecins et ignorance des textes sur les droits humains (ONU, Conseil de l'Europe)[43].
L'association Trans Media Watch s'assure que les personnes trans et intersexes « sont traitĂ©es avec exactitude, dignitĂ© et respect par les mĂ©dias au Royaume-Uni ». En France, l'Association des journalistes LGBT a le mĂȘme objectif. Des associations francophones (Trans Inter Action en France et Genres pluriels en Belgique) ont rĂ©digĂ© des « chartes de respect » Ă destination des journalistes[45] - [46]. En France, l'hebdomadaire français Paris Match est condamnĂ© en 2018 pour avoir publiĂ© la photo du cadavre nu de Vanesa Campos[47] - [48], et le magazine Valeurs Actuelles attaquĂ© en justice en 2022 pour un couverture dĂ©nonçant un prĂ©tendu « dĂ©lire transgenre »[49]. Marie Cau porte plainte avec Mousse et STOP Homophobie contre Dora Moutot, militante TERF, pour injure publique. La premiĂšre est profĂ©rĂ©e dans une publication Instagram du , depuis supprimĂ©e, elle Ă©crit notamment :« ces gens sont des personnes malades, qui utilisent des techniques dignes du pire autoritarisme ». La seconde du dans l'Ă©mission Quelle Ă©poque , animĂ©e par LĂ©a SalamĂ©, en traitant Marie Cau« d'homme transfĂ©minin » et ajoute: « on est obligĂ©es de se mĂ©fier des personnes Ă pĂ©nis en tant que femme »[50].
La reprĂ©sentation des personnes trans, non binaires et intersexes sur lâĂ©dition francophone de wikipĂ©dia est jugĂ©e transphobe par certaines personnes qui consultent[51] - [52] - [53] ou contribuent[54] Ă l'encyclopĂ©die. La communautĂ© wikipĂ©dienne est trĂšs divisĂ©e sur les rĂšgles qui devraient rĂ©gir le choix du genre grammatical utilisĂ© dans les biographies de personnes trans, la mention de leur deadname, le choix de la photo ou plus gĂ©nĂ©ralement l'utilisation de l'Ă©criture inclusive[55] - [56] ; elle cherche Ă Ă©quilibrer un idĂ©al dâexhaustivitĂ©, le principe imposant de respecter les sources (quelquefois mal informĂ©es ou peu respectueuses) et les recommandations de rĂ©daction qui demandent de ne pas nuire aux personnes dont on Ă©crit la biographie[53] - [54]. Des prises de position considĂ©rĂ©es comme transphobes sont quelquefois publiĂ©es dans les espaces de discussion (et d'invectives) de l'encyclopĂ©die tels que « Le Bistro »[53] - [54].
Discriminations
Les personnes trans sont particuliĂšrement discriminĂ©es[57] - [58] - [59] - [60] - [61] - [62]. Selon l'association amĂ©ricaine Trevor Project, 78 % des personnes transgenres et des jeunes non-binaires ont dĂ©clarĂ© faire l'objet de discriminations en raison de leur identitĂ© de genre[63]. Il peut leur ĂȘtre difficile de trouver un emploi lorsque leur Ă©tat civil (mention du sexe sur leurs papiers d'identitĂ© ou numĂ©ro d'inscription au rĂ©pertoire des personnes physiques sur leur carte de sĂ©curitĂ© sociale) ne correspond pas Ă leur apparence[64]. Les diffĂ©rences entre les informations prĂ©sentes sur le CV et celles prĂ©sentes dans le numĂ©ro de sĂ©curitĂ© sociale ou le relevĂ© d'identitĂ© bancaire peuvent aussi compliquer l'embauche[65]. Des propos transphobes et/ou la dissimilation de leur Ă©tat prĂ©carisent leur situation professionnelle[66].
The National Transgender Discrimination Project indique que lâinfection par le VIH Ă©tait quatre fois plus frĂ©quente dans la population trans que dans la population gĂ©nĂ©rale et estime que cela montre les effets d'une marginalisation sociale et Ă©conomique[67]. Une fois en poste, l'accĂšs aux vestiaires de l'entreprise peut ĂȘtre refusĂ© par les autres salariĂ©s du mĂȘme sexe[68]. Quinze grands groupes dont IBM se sont cependant constituĂ©s en rĂ©seau dâentreprises afin de partager les bonnes pratiques de sensibilisation et dâinclusion[69]. IBM prĂ©sente ses excuses en 2020 pour avoir licenciĂ© une femme trans en 1968 d'un de ses sites basĂ© en Californie. Elle reçoit un prix dâexcellence pour son « travail de pionniĂšre » dans le domaine informatique[70]. LâAssociation nationale des DRH de France publie un guide spĂ©cifique pour les manageurs[69]. La fondation Gendertalent est crĂ©Ă©e aux Pays-Bas en 2016 afin de faciliter l'insertion des personnes transgenres dans le monde du travail. Lâagence pour l'emploi Ambar, crĂ©Ă©e en 2019 grĂące Ă l'initiative et au financement de la ville de Madrid, est dĂ©diĂ©e aux personnes trans. Elle est Ă©galement chargĂ©e de sensibiliser et d'assurer une mĂ©diation avec les entreprises afin de promouvoir et faciliter leur insertion professionnelle[71]. L'association L'Autre cercle chargĂ©e de promouvoir une meilleure inclusion des personnes LGBT+ au travail, a fait signer en ce sens une charte Ă 137 entreprises. Cependant, 41 % des gays, bi et personnes transgenres hommes ayant une apparence dite « fĂ©minine » ont subi des moqueries ou essuyĂ© des insultes sur leur lieu de travail selon les rĂ©sultats du deuxiĂšme baromĂštre rĂ©alisĂ© par l'organisme publiĂ©s en 2020[72]. Les trans profitent de la Pride de Zurich de 2022 afin de communiquer sur leurs difficultĂ©s rencontrĂ©es dans leur environnement professionnel et familial. Ils souhaitent Ă©galement ĂȘtre reconnues comme des personnes Ă part entiĂšre, ne pas ĂȘtre rĂ©duites Ă leur seule identitĂ© trans. Des questions parfois trop intimes les incommodent[73].
L'Argentine rĂ©serve 1 % des emplois aux personnes trans dans la fonction publique d'Ătat[74]. Cependant, une personne trans sur deux vit dans la prĂ©caritĂ© malgrĂ© les mesures adoptĂ©es. Beaucoup sont contraintes de se prostituer[75].
Plus gĂ©nĂ©ralement, les personnes en cours de transition peuvent susciter le rejet lors de toutes sortes de dĂ©marches. Ainsi, en matiĂšre dâaccĂšs aux soins, la majoritĂ© des transgenres prĂ©fĂšre Ă©viter de se soigner plutĂŽt que d'ĂȘtre confrontĂ©es Ă la transphobie du personnel mĂ©dical[76].
Si des lois contre la discrimination sont adoptĂ©es dans la CommunautĂ© europĂ©enne[77], de tels dispositifs lĂ©gislatifs n'existent pas encore dans plusieurs pays. LâAssemblĂ©e parlementaire du Conseil de l'Europe constate avec inquiĂ©tude en 2019 que ces problĂšmes d'accĂšs Ă lâemploi sont aggravĂ©s par des discriminations fondĂ©es sur des motifs tels (âŠ) lâidentitĂ© de genre (âŠ) et invite les Ătats membres Ă prendre des mesures gĂ©nĂ©rales afin de promouvoir lâaccĂšs Ă lâemploi des groupes dĂ©favorisĂ©s dans ce domaine, et des mesures visant Ă inciter les employeurs, tant publics que privĂ©s, Ă Ă©liminer toute forme de discrimination de leurs processus de recrutement[78]. En France en 2021, 80 % des personnes qui sâidentifient comme transgenres dĂ©clarent avoir Ă©tĂ© la cible de discrimination et/ou de violence[79].
Les discriminations sont liĂ©es aux prĂ©jugĂ©s sur les personnes trans, qui subissent notamment l'homophobie par confusion entre transidentitĂ© et homosexualitĂ© (voir : dĂ©nigrement trans). Elles peuvent aussi consister en un refus de prendre en compte l'identitĂ© de genre de ces personnes, mĂȘme au sein des minoritĂ©s sexuelles ou dans les milieux militants. Des fĂ©ministes non-mixtes / non inclusives ont ainsi exclu des femmes parce qu'elles avaient Ă©tĂ© assignĂ©es homme Ă la naissance[80] - [81] - [82]. Par ailleurs, des personnes trans ont pu subir un rejet de la part d'homosexuels qui ne les considĂ©raient pas comme des hommes ou des femmes Ă part entiĂšre (qu'ils soient MtF ou FtM)[83] - [84].
Transphobie institutionnelle
La transphobie institutionnelle relÚve des lois qui rendent la situation des personnes trans précaire et ne facilitant pas leur parcours de transition. Elle a un aspect juridique et médical, et impact le quotidien des personnes trans[9] - [85].
GaĂ«lle Krikorian note dans lâentrĂ©e « transphobie » du « dictionnaire de lâhomophobie » que la soumission des trans au pouvoir mĂ©dical et au pouvoir juridique illustre une forme dâinstitutionnalisation de la transphobie[85].
Giovanna Rincon, porte-parole de la FĂ©dĂ©ration trans et intersexes, explique aussi que la transphobie institutionnelle cautionne la transphobie du quotidien[86]. Les personnes trans y sont exposĂ©es dans de nombreuses situations (Ă©cole, famille, etc.) ou Ă lâoccasion dâactes simples ou administratifs : faire renouveler une carte dâidentitĂ© ou un titre de sĂ©jour, aller chercher un colis Ă la poste[87], obtenir des soins[88] - [89], Ă l'occasion de palpations corporelles de sĂ©curitĂ© avant l'embarquement dans un aĂ©roport par une personne d'un autre genre[90]. Un animateur de la BBC Radio 1 dĂ©nonce une « transphobie subtile et profondĂ©ment enracinĂ©e » et invite Ă utiliser Ă lâantenne les pronoms et prĂ©noms du genre des prĂ©sentateurs et des artistes.
L'association professionnelle mondiale pour la santé des personnes transgenres (WPATH) a publié en 2017 un communiqué affirmant que chaque frein à la reconnaissance du genre d'une personnes trans (cela vaut aussi si elle est mineure ou incarcérée) met en danger sa santé physique et mentale[91].
Dans la plupart des 74 pays oĂč l'homosexualitĂ© est interdite, les personnes transgenres sont elles aussi visĂ©es, indĂ©pendamment de leur orientation sexuelle. Les sanctions pouvant aller jusqu'Ă la peine de mort dans 13 Ătats[92].
Juridique
Le fait que le changement dâĂ©tat civil est conditionnĂ© Ă la stĂ©rilisation (en France jusqu'en 2016[93] - [94] - [95] - [96] - [97] - [98] - [99] - [100] - [101] et encore dans de nombreux autres pays) montre que la personne trans est considĂ©rĂ©e comme une « menace »[85]. Françoise Sironi estime que câest « probablement pour que lâhĂ©tĂ©rosexualitĂ© reste le seul rĂ©gime acceptable, dans lequel une grossesse puisse avoir lieu »[102]. Pau Credo Walters, dans lâentrĂ©e « StĂ©rilisation forcĂ©e » de la « TransyclopĂ©die », considĂšre que ces systĂšmes mĂ©dicaux-lĂ©gaux ont pour fonction de « marquer et punir les transgressions de genre »[103]. Le Conseil de l'Europe a adoptĂ© le une rĂ©solution garantissant le droit des personnes transgenres Ă obtenir « des documents officiels reflĂ©tant lâidentitĂ© de genre choisie, sans obligation prĂ©alable de subir une stĂ©rilisation ou dâautres procĂ©dures mĂ©dicales comme une opĂ©ration de conversion sexuelle ou une thĂ©rapie hormonale »[104]. Le Conseil de l'Europe s'indigne une nouvelle fois des stĂ©rilisations forcĂ©es des personnes trans (entre autres groupes de personnes particuliĂšrement ciblĂ©s) en 2013[105] et en 2015[106]. L'Organisation des Nations unies s'est prononcĂ©e en 2015 contre la stĂ©rilisation forcĂ©e des personnes trans[107].
En France, un rapport de la Haute AutoritĂ© de santĂ© de 2010[108] relĂšve que la situation des personnes trans est « confuse », « inĂ©galitaire », comprenant des « risques dâarbitraire », et « manquant dâun cadre juridique minimum »[109]. Le , l'identitĂ© sexuelle a Ă©tĂ© reconnue comme critĂšre de discrimination par la lĂ©gislation française[110]. La Commission nationale consultative des droits de l'homme a publiĂ© le un avis proposant notamment la dĂ©judiciarisation partielle de la procĂ©dure de changement d'Ă©tat-civil, la dĂ©connexion entre la procĂ©dure mĂ©dicale et judiciaire ainsi que le remplacement de l'expression « identitĂ© sexuelle » par « identitĂ© de genre »[111]. La loi de modernisation de la justice du XXIe siĂšcle du a en effet modifiĂ© la procĂ©dure de changement d'Ă©tat civil (mais sans la dĂ©judiciariser) et remplacĂ© l'expression « identitĂ© sexuelle » par « identitĂ© de genre », notamment dans la liste des critĂšres de discrimination[112].
MĂ©dicale
Le médecin psychiatre Harry Benjamin introduit le terme « transsexuel » en 1953[113]. En 1980, le troisiÚme Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) décrit le trouble appelé « transsexualisme », devenu « trouble de l'identité de genre » (« gender identity disorder ») dans le DSM IV et « dysphorie de genre » dans le DSM V[114]. Certains psychiatres vont jusqu'à considérer la transidentité comme une psychose[115].
Depuis les annĂ©es 1950, des personnes trans, comme Christine Jorgensen, demandent Ă la mĂ©decine de les aider Ă changer dâapparence. L'apparence, la prise d'autonomie[116] et dans certains pays le changement d'Ă©tat civil de la personne trans sont suspendus aux dĂ©cisions prises par (ou dans le meilleur des cas, avec) les mĂ©decins. Cependant, Amnesty International considĂšre que lâĂ©valuation de la transidentitĂ© par les Ă©quipes mĂ©dicales françaises implique des protocoles « longs et humiliants »[117], et la psychologue clinicienne Françoise Sironi a dĂ©crit la « maltraitance thĂ©orique » induite par certaines dĂ©marches thĂ©rapeutiques inadĂ©quates[102] - [118] ; elle Ă©voque en prenant lâexemple de Colette Chiland lâhostilitĂ© de certains de ses confrĂšres Ă lâĂ©gard des personnes trans qui les consultent, hostilitĂ© « liĂ©e Ă un rejet moral de mĂȘme nature que le racisme, [appelĂ©] transphobie », qui relĂšve de « contre-transferts haineux ou effrayĂ©s (âŠ) face au vĂ©cu insolite de leurs patients »[102]. Le psychiatre reste la pierre angulaire de la prise en charge mĂ©dicale des personnes trans[119], alors qu'il est devenu banalement admis (y compris par l'Association amĂ©ricaine de psychiatrie[120]) que les transidentitĂ©s ne sont pas des troubles mentaux. L'Association amĂ©ricaine de psychologie insiste quant Ă elle sur le fait que c'est la transphobie et non pas la transidentitĂ© en tant que telle, qui peut ĂȘtre source de mal-ĂȘtre[121].
Le champ lexical de la souffrance est omniprĂ©sent dans le discours mĂ©dical : « tous souffrent » selon la psychiatre Colette Chiland[122]. Ă cette idĂ©e que la souffrance est caractĂ©ristique de la transidentitĂ©, Judith Butler oppose que « sâentendre dire que votre vie genrĂ©e vous condamne Ă une vie de souffrance est en soi inexorablement blessant. Câest une parole qui pathologise et la pathologisation fait souffrir »[123].
Les principes de Yogyakarta refusent la classification psychiatrique de la transidentitĂ©[124] et ses « Annotations de jurisprudence sur les Principes de Jogjakarta » dĂ©noncent le fait que le diagnostic comme maladie mentale de l'identitĂ© sexuelle diffĂ©rente de son sexe biologique ait causĂ© les maltraitances mĂ©dicales. Le rapport annuel sur les droits fondamentaux dans l'Union europĂ©enne adoptĂ© en 2018 encourage les Ă©tats membres Ă dĂ©pathologiser entiĂšrement le parcours de changement d'Ă©tat civil des personnes trans et à « empĂȘcher que la variance de genre dans lâenfance ne devienne une nouvelle pathologie dans la classification internationale des maladies »[125]. En France, le Programme dâactions gouvernemental contre les violences et les discriminations commises Ă raison de lâorientation sexuelle ou de lâidentitĂ© de genre, publiĂ© en 2012 par le ministĂšre des Droits des femmes, affirmait que « la France soutiendr[ait] les efforts visant Ă obtenir une dĂ©classification du « transsexualisme » de la liste des maladies mentales Ă©tablie par lâorganisation mondiale de la santĂ© (OMS)[126] ».
Le terme « transsexualisme » a disparu de la classification internationale des maladies à l'occasion de la rédaction de sa 11e version ; il fait désormais partie d'un vocabulaire psychiatrique obsolÚte[127] - [128].
Envergure
Les rĂ©sultats publiĂ©s en 2011 dâune enquĂȘte de l'organisation amĂ©ricaine National Center for Transgender Equality (en) auprĂšs de 6 450 personnes trans illustrent les conditions de vie dramatiques des personnes trans aux Ătats-Unis, dont certains aspects seraient des consĂ©quences de la transphobie dont elles font l'objet[129] - [67]. La mĂȘme association consacre des rapports aux personnes transgenres noires[130], latinos, asio-amĂ©ricaines ou ocĂ©ano-amĂ©ricaines, montrant que ces populations sont particuliĂšrement touchĂ©es par les discriminations. 15 % des personnes sondĂ©es vivent dans une extrĂȘme pauvretĂ©, avec un revenu infĂ©rieur Ă 10 000 $ par an (comparĂ© Ă 4 % de la population totale des Ătats-Unis). 41 % des personnes interrogĂ©es ont tentĂ© de se suicider (contre 1,6 % de la population gĂ©nĂ©rale). 80 % des personnes qui exprimaient leur transidentitĂ© Ă lâĂ©cole y ont Ă©tĂ© harcelĂ©es, 35 % y ont subi des violences physiques. Le taux de chĂŽmage des trans est deux fois supĂ©rieur Ă celui dans la population gĂ©nĂ©rale (quatre fois en ce qui concerne les personnes trans non blanches). 74 % des rĂ©pondants ont Ă©tĂ© discriminĂ©s dans leur travail[131], 19 % dans le cadre de lâaccĂšs au logement, 53 % dans un commerce, 19 % dans un cadre mĂ©dical[132]. 57 % ont Ă©tĂ© rejetĂ©s par leurs familles. Pour les personnes interrogĂ©es qui avaient transitionnĂ©, 41 % nâavaient toujours pas de documents dâidentitĂ© en accord avec leur identitĂ© de genre.
En 2013, l'agence des droits fondamentaux de l'Union europĂ©enne a rĂ©alisĂ© une enquĂȘte auprĂšs de 97 000 personnes de l'Union europĂ©enne et de la Croatie[133] - [134] - [135] ; parmi les 6 700 personnes trans qui ont rĂ©pondu, 3 sur 10 ont dĂ©clarĂ© avoir Ă©tĂ© victimes de violence ou de menaces de violence Ă plus de trois reprises au cours de l'annĂ©e Ă©coulĂ©e. Un rapport de cette mĂȘme agence datĂ© de 2014 rĂ©vĂšle que les personnes trans sont frĂ©quemment victimes de violations de leurs droits fondamentaux. Discrimination, violence et harcĂšlement sont tous vĂ©cus Ă un niveau plus Ă©levĂ© que pour les autres personnes interrogĂ©es : lesbiennes, gays ou bisexuels. La peur amĂšne certaines personnes transgenres Ă Ă©viter de se rendre dans certains lieux et Ă cacher ou masquer leur vĂ©ritable identitĂ© de genre. L'agence relĂšve aussi le manque actuel de sensibilisation du public Ă la rĂ©alitĂ© de leur identitĂ© et de leur vie alors qu'il pourrait ĂȘtre amĂ©liorĂ© et contribuer Ă protĂ©ger, Ă promouvoir les droits fondamentaux, Ă faire avancer les normes sociales et les convictions et in fine Ă amĂ©liorer leur vie[136].
D'aprĂšs les rĂ©sultats dâune enquĂȘte rĂ©alisĂ©e en France en 2014, l'immense majoritĂ© des personnes trans ont Ă©tĂ© victimes de transphobie, mais « plus de 96 % des personnes ayant subi des comportements transphobes n'ont pas portĂ© plainte »[137] - [43].
Une Ă©tude intitulĂ©e « Ătre une personne transgenre en Belgique » dont les rĂ©sultats sont publiĂ©s en 2018 montre que les discriminations sont tout aussi prĂ©gnantes que lors de la premiĂšre Ă©tude menĂ©e 10 ans auparavant[57]. L'Institut pour l'Ă©galitĂ© des femmes et des hommes note dĂ©but 2019 la hausse continue des discriminations basĂ©es sur le genre en Belgique[58].
Il rĂ©sulte d'une Ă©tude rĂ©alisĂ©e en 2020 par lâUniversitĂ© de lâOregon que les hommes transgenres vivant dans les zones rurales du Massachusetts et du Rhode Island reconnues pour ĂȘtre politiquement conservatrices vivent davantage de stress en lien avec leur identitĂ© transgenre[138].
Impact
Sur les proches
La transphobie subie par les personnes trans a également des répercussions sur leurs proches. John B. Kelly, frÚre de Grace Kelly, en tombant amoureux d'une femme trans, Rachel Harlow, est victime d'un rejet de sa famille et d'une partie de l'opinion de la ville de Philadelphie (Pennsylvanie). Il n'est pas réélu conseiller municipal alors qu'il envisageait de devenir maire[139].
PĂ©nalisation de la transphobie
Dans certains pays, y compris l'AmĂ©rique du Nord et les pays europĂ©ens, certaines formes de violence Ă l'encontre des personnes transgenres peuvent ĂȘtre approuvĂ©es tacitement lorsque les procureurs et les jurys refusent d'enquĂȘter, de poursuivre ou de condamner les individus les ayant frappĂ© ou tuĂ© (actuellement, dans certaines parties de l'AmĂ©rique du Nord et en Europe)[140] - [141] - [142].
Au Québec
Le programme de Lutte contre lâhomophobie et la transphobie fĂ»t instaurĂ© en 2011. Depuis son instauration, il acquit 4,1 millions de dollars[143]. Cette lutte contre lâhomophobie et la transphobie unit plusieurs parties politiques sur certaine question ce qui prouve lâimportante de cette lutte au sein du gouvernement.
Le 10 novembre 2021, le ministre du gouvernement du QuĂ©bec Simon Jolin-Barette modifie son projet de loi sur lâidentitĂ© de genre afin de facilitĂ© le changement dâidentitĂ© aux personnes qui en ont le besoin[144]. Neuf jours aprĂšs cette modification, le ministre fera un appel de projet pour les annĂ©es suivante pour le programme de Lutte contre lâhomophobie et la transphobie[143]. TrĂšs engagĂ© dans cette cause, le ministre Jolin-Barette dĂ©clare que «[ce] dixiĂšme appel de projets permettra de concrĂ©tiser plusieurs initiatives portĂ©es par des organismes Ćuvrant auprĂšs des communautĂ©s LGBTQâŠÂ» Les projets les plus importants quâil surveillera seront les projets de sensibilisation Ă la diversitĂ© sexuelle et de genre en milieu jeunesse, le renforcement du milieu communautaire engagĂ© dans la lutte contre lâhomophobie et la transphobie en rĂ©gion.
En France
La loi de modernisation de la justice du XXIe siĂšcle du a fait apparaĂźtre l'« identitĂ© de genre » dans les critĂšres de discrimination[77]. La loi du [145] - [146] fait de la transphobie une circonstance aggravante applicable Ă lâensemble des crimes ou des dĂ©lits punis dâune peine dâemprisonnement[147] - [148]:
Lâarticle 132-77 du Code pĂ©nal prĂ©voit en effet que cette circonstance aggravante sâapplique lorsqu'un « crime ou un dĂ©lit est prĂ©cĂ©dĂ©, accompagnĂ© ou suivi de propos, Ă©crits, images, objets ou actes de toute nature qui soit portent atteinte Ă lâhonneur ou Ă la considĂ©ration de la victime ou dâun groupe de personnes dont fait partie la victime Ă raison de son [âŠ] identitĂ© de genre vraie ou supposĂ©e, soit Ă©tablissent que les faits ont Ă©tĂ© commis contre la victime pour lâune de ces raisons. » Les quatre agresseurs ĂągĂ©s de 22 Ă 36 ans d'une femme transgenre Ă NĂźmes dans la nuit du 18 au sont condamnĂ©s entre 6 et 10 mois de prison. Cette derniĂšre est rouĂ©e de coups et subit de multiples insultes Ă caractĂšre homophobe[149].
Par ailleurs, un dĂ©cret du [150] Ă©tend la contravention de « provocation non publique Ă la discrimination, Ă la haine ou Ă la violence Ă lâĂ©gard dâune personne ou dâun groupe de personnes » aux situations dans lesquelles ce groupe est dĂ©fini par son identitĂ© de genre (article R.âŻ625-7 du code pĂ©nal[151]). Il crĂ©e Ă©galement des contraventions de diffamation (article R. 625-8[152]) et dâinjure (R. 625-8-1[153]) non-publiques commises envers une personne ou un groupe de personnes dĂ©finis par un ou plusieurs critĂšres, parmi lesquels lâidentitĂ© de genre.
L'injure publique en raison de l'identité de genre est prévu par l'article 33 alinéa 4 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse[154].
Journées
Journée internationale de lutte contre l'homophobie et la transphobie
En 2009, le comité IDAHO qui coordonne la Journée mondiale de lutte contre l'homophobie et la transphobie a lancé une campagne qui avait pour mot d'ordre : « Refusons la transphobie, Respectons l'identité de genre ». Le texte a été signé par diverses personnalités parmi lesquelles trois prix Nobel[155], et par 300 associations issues de 75 pays à travers le monde[156].
La mĂȘme annĂ©e, la « JournĂ©e mondiale de lutte contre l'homophobie » du devient « JournĂ©e mondiale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie ». Cependant, Karine Espineira estime que l'inscription de la transphobie Ă la suite de l'homophobie dans le nom de cette journĂ©e mondiale de lutte est ambivalente : elle fait courir un risque d'invisibilisation Ă la JournĂ©e du souvenir trans[157].
Journée du souvenir trans
La Journée du souvenir trans, en anglais Transgender Day of Remembrance (TDoR), commémore chaque année, le , les personnes trans assassinées pour motif transphobe.
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Articles connexes
Liens externes
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