Sexe en droit français
En droit français, le sexe dĂ©signe la mention du sexe dâune personne dans son Ă©tat civil, qui porte une conception propre au droit de ce quâest le sexe[1]. Il est traditionnellement apprĂ©hendĂ© par le traitement prĂ©torien et lĂ©gal de lâannulation de mariage pour impuissance, de la mention dâun troisiĂšme sexe pour les personnes intersexuĂ©es (ou, du moins, dâune mise en question du caractĂšre binaire du sexe), ou du changement de la mention du sexe pour les personnes transgenres ou intersexuĂ©es.
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Protection des mineurs Protection des majeurs
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Ătat du droit
La loi française ne dĂ©finit pas le sexe, mais prescrit sa mention sur lâacte de naissance[1] :
« Lâacte de naissance Ă©noncera le jour, lâheure et le lieu de la naissance, le sexe de lâenfant, les prĂ©noms qui lui seront donnĂ©s, le nom de famille, suivi le cas Ă©chĂ©ant de la mention de la dĂ©claration conjointe de ses parents quant au choix effectuĂ©, ainsi que les prĂ©noms, noms, Ăąges, professions et domiciles des pĂšre et mĂšre et, sâil y a lieu, ceux du dĂ©clarant. »
â Article 57 du Code civil[2]
LâInstruction gĂ©nĂ©rale relative Ă lâĂ©tat civil, dans le no 55 de la circulaire du [3], prĂ©cise quâune tolĂ©rance temporaire peut ĂȘtre accordĂ©e en cas dâincertitude :
« Si, dans certains cas exceptionnels, le mĂ©decin estime ne pouvoir immĂ©diatement donner aucune indication sur le sexe probable dâun nouveau-nĂ©, mais si ce sexe peut ĂȘtre dĂ©terminĂ© dĂ©finitivement, dans un dĂ©lai dâun ou deux ans, Ă la suite de traitements appropriĂ©s, il pourrait ĂȘtre admis, avec lâaccord du procureur de la RĂ©publique, quâaucune mention sur le sexe de lâenfant ne soit initialement inscrite dans lâacte de naissance »
La loi française prĂ©voit aussi la modification de la mention du sexe dans la section 2 bis du chapitre II du titre II du livre Ier du Code civil, intitulĂ©e « De la modification de la mention du sexe Ă lâĂ©tat civil ». Cette section a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e par la loi du « de modernisation de la justice du XXIe siĂšcle »[4] - [5] - [6]. Elle couvre les articles 61-5[7] Ă 61-8[8].
Lâacte de naissance, acte authentique, fait preuve du sexe et fonde la teneur de la mention du sexe dans la carte nationale dâidentitĂ©, le passeport, le numĂ©ro dâinscription au rĂ©pertoire des personnes physiques. La catĂ©gorisation en prison (articles D248[9] et R57-7-81[10] du Code de procĂ©dure pĂ©nale) a pu appliquer une autre dĂ©finition du sexe[11].
Annulation de mariage pour impuissance
« Tout en psychologie, notre droit matrimonial nâavait plus de place pour la donnĂ©e biologique, corporelle. Nul doute que le rĂ©alisme canonique ne lui ait inspirĂ© quelque horreur. Le corps humain nâapparait pour ainsi dire jamais dans le code civil : lâhomme y est personne, câest-Ă -dire pur esprit. »
â Carbonnier 1950, p. 331
Analysant lâĂ©volution de la conception du mariage et du sexe en droit français, la juriste et historienne du droit Marcela Iacub attribue[12] Ă lâĂ©volution de la jurisprudence concernant le mariage des impuissants un rĂŽle de marqueur dĂ©cisif dans la « conception spiritualiste du sexe ».
Dans lâAncien Droit
Dans lâAncien Droit, lâimpuissance Ă©tait un empĂȘchement dirimant au mariage : dans cette conception, les rapports sexuels Ă©taient nĂ©cessaires Ă la validitĂ© de lâunion. Les conceptions du mariage dĂ©terminant aussi ce que les juges sâautorisent pour vĂ©rifier la sexualitĂ© des Ă©poux[13], deux preuves de mĂ©decine lĂ©gale Ă©taient utilisĂ©es dans ce but :
- Dans la preuve dĂ©nommĂ©e « visite », on examinait la conformation anatomique des organes sexuels et lâon vĂ©rifiait les Ă©rections ainsi que lâouverture et la profondeur du vagin[14].
- En 1587[15] fut mise en place la preuve du « congrĂšs » (du latin congressus), oĂč les Ă©poux devaient accomplir le « devoir conjugal » devant ou Ă cĂŽtĂ© dâun groupe de mĂ©decins, chirurgiens et matrones. Par suite de scandales, le parlement de Paris abrogea le recours au congrĂšs le [16].
Le Code civil
Le Code civil abolit lâimpuissance comme empĂȘchement dirimant au mariage[15]. Elle Ă©tait encore retenue toutefois pour le dĂ©saveu de filiation lĂ©gitime, mais uniquement lorsquâelle Ă©tait accidentelle et perceptible par un examen extĂ©rieur. Lâarticle 313 interdisait expressĂ©ment dâinvoquer lâimpuissance naturelle pour le dĂ©saveu de paternitĂ© :
« Le mari ne pourra, en allĂ©guant son impuissance naturelle, dĂ©savouer lâenfant : il ne pourra le dĂ©savouer mĂȘme pour cause dâadultĂšre, Ă moins que la naissance ne lui ait Ă©tĂ© cachĂ©e, auquel cas il sera admis Ă proposer tous les faits propres Ă justifier quâil nâen est pas le pĂšre. »
â Article 313 ancien du Code civil[17]
Des demandes dâannulation de mariage continuĂšrent toutefois Ă voir le jour devant les tribunaux, mais, puisque le motif de lâimpuissance ne pouvait plus ĂȘtre directement invoquĂ©, en utilisant des arguments indirects :
- Lâargument de lâerreur sur la personne, cause de nullitĂ© prĂ©vue par les articles 146 et 180 du Code civil[18], mais longtemps sans succĂšs[19].
- Lâargument du dĂ©faut de diffĂ©rence des sexes, argĂŒant que pour ĂȘtre juridiquement traitĂ© comme homme ou femme il en fallait non seulement lâapparence anatomique, mais aussi lâaptitude Ă des rapports sexuels dits naturels ou normaux (sans aller jusquâĂ lâexigence dâĂȘtre capable de procrĂ©er, comme en droit italien)[20]. En tout Ă©tat de cause, depuis la loi du ouvrant le mariage aux couples de personnes de mĂȘme sexe[21], lâabsence de diffĂ©rence des sexes nâest plus une hypothĂšse dâempĂȘchement dirimant Ă mariage.
Lâargument de lâerreur sur la personne sâopposait aux intentions du lĂ©gislateur. En effet, Portalis avait dĂ©clarĂ© devant le Corps lĂ©gislatif, en exposant les motifs de la loi crĂ©ant le Code civil :
« Lâerreur en matiĂšre de mariage ne sâentend pas dâune simple erreur sur les qualitĂ©s, la fortune ou la condition de la personne Ă laquelle on sâunit : mais dâune erreur qui aurait pour objet la personne mĂȘme[22]. »
Lâargument du dĂ©faut de diffĂ©rence des sexes eut plus de succĂšs, sans lâemporter systĂ©matiquement[23]. La Cour dâappel de Caen jugeant notamment[24] le « que la possibilitĂ© de procrĂ©ation dâenfants et dâune cohabitation charnelle nâest pas absolument essentielle Ă lâexistence du mariage ; que cette possibilitĂ© fait souvent dĂ©faut, par exemple dans les unions in extremis et dans celle des vieillards dâun Ăąge trĂšs avancĂ© ».
LâarrĂȘt de 1903 et la conception spiritualiste du mariage
Fondamental fut lâarrĂȘt de la Cour de cassation du qui cassait un arrĂȘt de la cour dâappel de Douai. La cour dâappel avait annulĂ© un mariage pour absence de diffĂ©rence de sexe et erreur sur lâidentitĂ© sexuelle de lâĂ©pouse (celle-ci « nâayant ni vagin, ni ovaires [âŠ] bien quâelle possĂšde des seins et le clitoris »). Dans son arrĂȘt, la Cour de cassation Ă©tablissait que « le mariage ne peut ĂȘtre lĂ©galement contractĂ© quâentre deux personnes appartenant lâune au sexe masculin et lâautre au sexe fĂ©minin », et exigeait que « le sexe du chacun des Ă©poux soit reconnaissable et quâil diffĂšre de celui de lâautre conjoint », mais sans rentrer dans les dĂ©tails de lâintimitĂ© sexuelle :
« le dĂ©faut, la faiblesse ou lâimperfection de certains des organes caractĂ©ristiques du sexe sont sans influence possible sur la validitĂ© du mariage ; il peut en rĂ©sulter seulement un Ă©tat dâimpuissance naturelle ou accidentelle et le Code civil, Ă la diffĂ©rence de lâancienne lĂ©gislation et dans le but de prĂ©venir les incertitudes, les difficultĂ©s et les scandales de la preuve, nâa pas accordĂ© pour cette cause dâaction en nullitĂ© »
Si pour le procureur gĂ©nĂ©ral Manuel-Achille Baudouin cet arrĂȘt faisait du mariage « lâunion des Ăąmes et des volontĂ©s », consacrant ainsi la conception spiritualiste du mariage[25], un commentateur tel le juriste Albert Wahl se fit plus critique. Il souligne[26] que « câest bien Ă la validitĂ© du mariage entre personnes de sexe identique que conduirait cette trop belle idĂ©e que le mariage est lâunion des Ăąmes ».
LâarrĂȘt de 1958 et lâerreur sur la personne
Les et , le tribunal civil de Grenoble applique pour la premiĂšre fois la notion dâerreur sur la personne dans le cas dâun mariage avec un impuissant, permettant lâannulation du mariage.
Marcela Iacub remet cet arrĂȘt dans le contexte historique depuis lâarrĂȘt Berthon du [27], fondamental dans la doctrine de lâerreur sur la personne : si Ă lâĂ©poque de lâarrĂȘt Berthon il Ă©tait nĂ©cessaire que lâerreur ait portĂ© sur lâidentitĂ© civile, un siĂšcle plus tard, par lâĂ©volution jurisprudentielle, lâerreur pouvait avoir portĂ© sur une seule qualitĂ© jugĂ©e « dĂ©terminante ».
LâarrĂȘt de la cour de Grenoble de 1958 valide lâimpuissance comme la cause dâune erreur dĂ©terminante portant sur une qualitĂ© substantielle de la personne, viciant le consentement au mariage, car elle ne peut ĂȘtre Ă©cartĂ©e que lorsque lâun des Ă©poux connaissait lâinaptitude de lâautre[28].
Ainsi, Ă partir de cette jurisprudence, lâaptitude Ă des relations sexuelles « normales » est devenue une qualitĂ© essentielle dâune personne. DâoĂč une transformation du sens attribuĂ© au mariage : « Les juges de Grenoble ont transformĂ© la nature volontaire et intellectuelle du mariage en une union ânormaleâ des corps et des chairs »[29].
Cette jurisprudence sera consacrĂ©e par la loi du portant rĂ©forme du divorce[30], qui modifie lâalinĂ©a 2 de lâarticle 180 du Code civil pour lâĂ©largir aux « qualitĂ©s essentielles de la personne » :
« Sâil y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualitĂ©s essentielles de la personne, lâautre Ă©poux peut demander la nullitĂ© du mariage. »
â Article 180 du Code civil[31]
Pour Marcela Iacub, la thĂ©orie de lâerreur dĂ©terminante nâa Ă©tĂ© quâun subterfuge technique pour transformer la nature du mariage qui, du modĂšle consensuel et intellectuel Ă©tabli par le Code civil, a acquis celle dâun modĂšle charnel et sexuel[32].
Le questionnement de la dualité du sexe
Lâexistence de cas dâintersexuation, connus de longue date, nâa longtemps pas fait obstacle Ă lâintĂ©gration, par le droit français, de lâensemble de la population dans les deux seules options dâun sexe fĂ©minin ou masculin[33]. Lâhistorien du droit David Deroussin note que si les juristes du XVIe et XVIIe siĂšcles participent Ă la dĂ©diabolisation de lâhermaphrodisme, ils ne suivent pas pour autant les enseignements dâAmbroise ParĂ© qui tendent Ă dĂ©passer la binaritĂ© sexuelle[34]. Cette classification binaire Ă©tant renforcĂ©e au XVIIIe siĂšcle, mĂȘme si la dĂ©claration royale du [35] nâimpose pas la mention du sexe dans les registres paroissiaux[34]. Au XIXe siĂšcle, lâhistorienne Gabrielle Houbre note[36] la demande de Pierre Garnier en 1885 de rĂ©former lâarticle 57 du Code civil pour permettre une suspension de la mention du sexe dans lâacte de naissance, mais en 1886 Charles Debierre va plus loin en proposant une nouvelle version de lâarticle 57 subordonnant lâaction de lâofficier dâĂ©tat civil au diagnostic mĂ©dical et permettant de sursoir Ă la mention du sexe jusquâĂ la pubertĂ© (« 15 Ă 18 ans »). Le professeur de mĂ©decine lĂ©gale Alexandre Lacassagne prĂ©voit la possibilitĂ© dâun sexe neutre, et, en attendant un examen mĂ©dical Ă la demande de la personne intĂ©ressĂ©e ou « au commencement de la 20e annĂ©e », la mention « S. D. (sexe douteux) »[37].
Le , le tribunal de grande instance de Tours a Ă©tĂ© saisi dâune demande de mention dâun sexe neutre. Constatant que la personne Ă lâorigine de la demande est intersexuĂ©e, et que « ni les mĂ©decins, ni lâentourage de M. X, pas plus que lui-mĂȘme, ne peuvent affirmer que le sexe masculin que lâofficier dâĂ©tat civil a mentionnĂ© Ă sa naissance corresponde Ă une rĂ©alitĂ© quelconque, pas plus dâailleurs que ne lâaurait Ă©tĂ© le sexe fĂ©minin », il dĂ©clarait « prendre simplement acte de lâimpossibilitĂ© de rattacher en lâespĂšce lâintĂ©ressĂ© Ă tel ou tel sexe et de constater que la mention qui figure sur son acte de naissance est simplement erronĂ©e ». En se fondant sur lâarticle 8 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme, le tribunal a ordonnĂ© Ă lâĂ©tat civil de la mairie de Tours de modifier lâacte de naissance du requĂ©rant afin dây apposer la mention « sexe neutre »[38].
Le , en chambres rĂ©unies, la cour dâappel dâOrlĂ©ans a infirmĂ© cette dĂ©cision[38]. En fondant sa dĂ©cision sur le mĂȘme article 8 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme, elle a toutefois reconnu aux personnes intersexuĂ©es le droit dâobtenir « que leur Ă©tat civil ne mentionne aucune catĂ©gorie sexuelle »[39]. Par son arrĂȘt 16-17.189 du , la premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation française a rejetĂ© le pourvoi formĂ© contre lâarrĂȘt de la cour dâappel, affirmant que « la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de lâĂ©tat civil, lâindication dâun sexe autre que masculin ou fĂ©minin »[40] - [41]. Le , la Cour europĂ©enne des droits de l'homme ne constate pas Ă ce sujet une violation de lâarticle 8 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme[42] - [43].
Historique du changement de la mention du sexe
Si des modifications de la mention du sexe Ă lâĂ©tat civil sont obtenues avant 1975 dans des tribunaux de grande instance[44], la Cour de cassation se prononce pour la premiĂšre fois sur le changement de la mention du sexe Ă lâĂ©tat civil par un arrĂȘt du , en le refusant, au nom dâun principe, invoquĂ© lui aussi pour la premiĂšre fois[45], de lâindisponibilitĂ© de lâĂ©tat des personnes :
« attendu quâaprĂšs avoir relevĂ©, sans dĂ©naturer le rapport dâexpertise, que Aubin sâest dĂ©libĂ©rĂ©ment soumis Ă un traitement hormonal, puis, hors de France, Ă une intervention chirurgicale qui ont entrainĂ© la modification artificielle des attributs de son sexe, la cour dâappel a dĂ©cidĂ©, Ă bon droit, que le principe de lâindisponibilitĂ© de lâĂ©tat des personnes, au respect duquel lâordre public est intĂ©ressĂ©, interdit de prendre en considĂ©ration les transformations corporelles ainsi obtenues »
â Cass. 1re civ., 16 dĂ©cembre 1975, pourvoi no 73-10.615, Bull. civ. 1975, no 374, p. 312[46]
Cette jurisprudence restera constante jusquâen 1992[47] - [48] - [49] - [50] :
« quâil nâĂ©tait pas admissible quâun individu puisse se prĂ©valoir dâartifices provoquĂ©s par lui-mĂȘme pour prĂ©tendre avoir changĂ© de sexe, ce qui serait violer la rĂšgle de lâindisponibilitĂ© de lâĂ©tat des personnes »
â Cass. Ass. plĂ©n., , pourvoi no 91-11.900, Bull. civ. 1992, no 13, p. 27[51]
En 1992, aprĂšs la condamnation de la France par la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme[52], elle opĂšre un revirement de jurisprudence et accepte que le sexe ne soit pas immuable :
« le principe du respect dĂ» Ă la vie privĂ©e justifie que son Ă©tat civil indique dĂ©sormais le sexe dont elle a lâapparence, le principe de lâindisponibilitĂ© de lâĂ©tat des personnes ne faisant pas obstacle Ă une telle modification »
â Cass. Ass. plĂ©n., , pourvoi no 91-11.900, Bull. civ. 1992, no 13, p. 27[53]
MalgrĂ© ce revirement de jurisprudence[54], le principe prĂ©tendu de lâindisponibilitĂ© de lâĂ©tat des personnes nâest pas conçu comme abrogĂ©, mais simplement comme redĂ©fini. GĂ©rard Cornu Ă©crit Ă ce sujet :
« Par consolation (illusoire ou non), le substratum clinique et lâencadrement mĂ©dical peuvent cependant ĂȘtre vus comme les donnĂ©es scientifiques, objectives et extĂ©rieures au patient, qui vont prĂ©cisĂ©ment accrĂ©diter le caractĂšre non volontaire (non purement volontaire) du changement de sexe. Le sexe dâarrivĂ©e est un sexe de conviction, enracinĂ© dans le psychisme, non un sexe dâĂ©lection, de convenance, de caprice ou dâemprunt. Le transsexuel nâagit pas, il « est agi », il subit et câest prĂ©cisĂ©ment pourquoi, dans la logique de cette vision, le transsexualisme Ă©chappe au principe de lâindisponibilitĂ© de lâĂ©tat des personnes. Le principe existe, mais il est sauf. Il nâest pas offensĂ©. »
â Cornu 2007, p. 262
Deux arrĂȘts du ont confirmĂ© que la Cour de cassation continuait Ă tenir pour valide ce principe[55] - [56]. Toutefois, le DĂ©fenseur des droits recommandant au gouvernement, dans une dĂ©cision-cadre du , de mettre en place une procĂ©dure dĂ©clarative rapide et transparente comme « Ă©tant la seule procĂ©dure totalement respectueuse des droits fondamentaux des personnes trans, tels que garantis notamment par lâarticle 8 de la CEDH », prĂ©cise :
« En lâĂ©tat actuel du droit, rien ne fait obstacle Ă ce quâun officier dâĂ©tat civil modifie lâĂ©tat civil dâune personne puisque le principe de lâindisponibilitĂ© de lâĂ©tat de personnes â ou plus concrĂštement, lâimmutabilitĂ© â nâest pas un principe absolu auquel le lĂ©gislateur ne peut dĂ©roger. »
â DĂ©fenseur des droits 2017, p. 13
Dâautre pays ont mis en place une telle procĂ©dure, comme avec la loi argentine no 26.743 de 2012[57] - [58] - [59], la loi danoise no 752 de 2014[60] - [61], la loi maltaise no 70 de 2015[62] - [63], la loi irlandaise de 2015[64] - [65] ou la loi norvĂ©gienne no 71 (2015-2016)[66] - [67], et la dĂ©cision-cadre du DĂ©fenseur des droits fait explicitement rĂ©fĂ©rence aux lĂ©gislations danoise, maltaise et irlandaise pour les pays europĂ©ens et aux lĂ©gislations argentine, colombienne et quĂ©bĂ©coise pour les pays tiers[68].
La loi du de modernisation de la justice du XXIe siĂšcle[4], par son article 56.II, a ajoutĂ© au Code civil les articles 61-5 Ă 61-8, crĂ©ant une nouvelle section « De la modification de la mention du sexe Ă lâĂ©tat civil » :
« Toute personne majeure ou mineure Ă©mancipĂ©e qui dĂ©montre par une rĂ©union suffisante de faits que la mention relative Ă son sexe dans les actes de lâĂ©tat civil ne correspond pas Ă celui dans lequel elle se prĂ©sente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification.
Les principaux de ces faits, dont la preuve peut ĂȘtre rapportĂ©e par tous moyens, peuvent ĂȘtre :
- Quâelle se prĂ©sente publiquement comme appartenant au sexe revendiquĂ© ;
- Quâelle est connue sous le sexe revendiquĂ© de son entourage familial, amical ou professionnel ;
- Quâelle a obtenu le changement de son prĂ©nom afin quâil corresponde au sexe revendiquĂ©. »
â Article 61-5 du Code civil[69]
« Le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande. »
â Article 61-6 du Code civil[70]
La procĂ©dure a Ă©tĂ© affirmĂ©e durant les dĂ©bats parlementaires[71] â formant ainsi lâintention du lĂ©gislateur[72] â comme dĂ©mĂ©dicalisĂ©e, et cette exigence a Ă©tĂ© consacrĂ©e par lâarticle 61-6. Toutefois, la procĂ©dure reste judiciarisĂ©e. Le mĂ©canisme juridique utilisĂ© est celui de la possession dâĂ©tat (qui sert Ă constater un fait social), crĂ©ant ainsi une possession dâĂ©tat de sexe.
La procĂ©dure de changement de la mention du sexe a Ă©tĂ© dĂ©taillĂ©e par le dĂ©cret du [5], qui a modifiĂ© lâarticles 1055-5[73] et crĂ©Ă© les articles 1055-6[74] Ă 1055-8[75] du Code de procĂ©dure civile.
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
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- Maryvonne Blondin et Corinne Bouchoux, « Variations du développement sexuel : lever un tabou, lutter contre la stigmatisation et les exclusions », sur Sénat,
- Christian Byk, « Quelle place pour un « troisiĂšme sexe » en droit positif ? Le droit français Ă lâaune du droit comparĂ© », dans Bernard Beignier, Pascale Deumier, Hugues Fulchiron, Virginie Larribaut-Terneyre, MĂ©langes en lâhonneur du professeur Claire Neirinck, Paris, LGDJ, (ISBN 978-2-7110-2289-2), p. 171-192
- Camille Caldini, « Cinq questions sur la reconnaissance dâun âsexe neutreâ Ă lâĂ©tat civil », sur France Info,
- Marie-France Callu et Pierre Chatelain, « Aspects mĂ©dico-juridiques des dĂ©fauts du dĂ©veloppement sexuel Ă la naissance », dans François Vialla, Bruno Py, Julie Leonard, MĂ©langes en lâhonneur de GĂ©rard MĂ©meteau, Paris, LEH Ădition, (ISBN 978-2-84874-591-6)
- Yasmina Cardoze, « Ătat civil, permis de conduire, carte vitale⊠: les personnes trans dans les galĂšres administratives », Komitid,â (lire en ligne)
- Marie-XaviĂšre Catto, « De la neutralitĂ© biologique Ă la masculinitĂ© juridique : Note sur la qualification de la Cour dâappel dâOrlĂ©ans, le 22 mars 2016 », Revue des droits et libertĂ©s fondamentaux,â (lire en ligne)
- Marie-XaviĂšre Catto, « La mention du sexe Ă lâĂ©tat civil », dans StĂ©phanie Hennette-Vauchez, Marc Pichard et Diane Roman, La loi et le genre, Paris, CNRS Ăditions, (ISBN 978-2-271-08207-7), p. 29-47
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- Gérard Cornu, Droit civil : Introduction au droit, Paris, Montchrestien, coll. « Domat droit privé », , 13e éd., 277 p. (ISBN 978-2-7076-1551-0, présentation en ligne)
- DĂ©fenseur des droits, « Avis du DĂ©fenseur des droits nÂș 17-04 »,
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- Gabrielle Houbre, « Un âsexe indĂ©terminĂ©â ? : lâidentitĂ© civile des hermaphrodites entre droit et mĂ©decine au XIXe siĂšcle », Revue d'histoire du XIXe siĂšcle, no 48,â , p. 63-75 (DOI 10.4000/rh19.4656)
- Gabrielle Houbre, « âUn individu d'un genre mal dĂ©fini.â Lâhermaphrodisme dans les procĂšs en nullitĂ© de mariage (France, XIXe siĂšcle) », Rue Descartes, no 95,â , p. 80-107 (DOI 10.3917/rdes.095.0080)
- Marcela Iacub, Le crime était presque sexuel : et autres essais de casuistique juridique, Paris, Flammarion, coll. « Champs », (ISBN 978-2-08-080055-8), chap. 3 (« Le mariage des impuissants »), p. 101-124
- Alexandre Lacassagne, Les Actes de lâĂ©tat civil : Ă©tude mĂ©dico-lĂ©gale de la naissance, du mariage, de la mort, Lyon, A. Storck, coll. « BibliothĂšque scientifique de lâavocat et du magistrat », (OCLC 14779284, lire en ligne)
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- Shanon Mathy, La pertinence de la binaritĂ© des sexes Ă lâĂ©tat civil (MĂ©moire de Master), UniversitĂ© Jean-Moulin-Lyon-III, (lire en ligne)
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