Secret de la correspondance
Le secret de la correspondance est un droit au maintien du caractÚre privé et secret des correspondances.
Il s'applique aux correspondances dont l'expĂ©diteur pouvait attendre qu'elles bĂ©nĂ©ficient d'un minimum de confidentialitĂ©. En gĂ©nĂ©ral, il s'applique aux courriers postaux et aux courriers Ă©lectroniques. Une correspondance est en gĂ©nĂ©ral dĂ©finie comme toute relation par Ă©crit entre deux personnes identifiables, quâil sâagisse de lettres, de messages ou de plis ouverts ou fermĂ©s.
Il y a violation du secret de la correspondance lorsqu'une tierce personne prend connaissance, sans le consentement préalable de l'émetteur, d'un courrier à caractÚre privé.
En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, les Ătats ont des lois protĂ©geant le secret de correspondance, mais s'attribuent eux-mĂȘmes des exceptions (voir Ăcoute et Cabinet noir).
Sources de droit
Conseil de l'Europe
La Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales du rappelle en son article 8, « le droit au respect de la correspondance ».
Le , la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme (CEDH) sâest prononcĂ©e sur un cas opposant la Roumanie Ă l'un de ses citoyens, M. Bogdan BÄrbulescu (licenciĂ© en 2007 au motif quâil utilisait son adresse Ă©lectronique professionnelle pour des correspondances privĂ©es). Dans sa dĂ©cision, la Cour relĂšve notamment que lâarticle 8 de la Convention europĂ©enne des droits de l'homme sâapplique Ă toutes les correspondances, y compris professionnelles.
Toutefois, la CEDH a assoupli sa position lorsque le droit à la vie privée, à l'origine du secret de la correspondance, est en conflit avec le droit à un procÚs équitable[1] - [2].
Union européenne
Au sein de l'Union europĂ©enne, le secret de la correspondance est garanti par la directive europĂ©enne 97/66 du qui fait obligation aux Ătats membres de garantir, par leur lĂ©gislation, la confidentialitĂ© des communications passĂ©es par la voie des tĂ©lĂ©communications et dâinterdire « Ă toute autre personne que les utilisateurs, sans le consentement des utilisateurs concernĂ©s, dâĂ©couter, dâintercepter, de stocker les communications ou de les soumettre Ă quelque autre moyen dâinterception ou de surveillance, sauf lorsque ces activitĂ©s sont lĂ©galement autorisĂ©es ».
Belgique
En Belgique, l'inviolabilité du "secret des lettres" fait l'objet de l'article 29 de la Constitution belge.
Canada
Le terme « secret de la correspondance » n'est pas explicitement utilisĂ© dans les lois canadiennes ou quĂ©bĂ©coises. En revanche, la contenu de lettres privĂ©es peut ĂȘtre visĂ© par les protections confĂ©rĂ©es par la lĂ©gislation en matiĂšre de protection des renseignements personnels[3].
Il peut exister des limites légales au secret de la correspondance : par exemple, l'employeur peut surveiller les courriels et textos envoyés par l'employé, pour des motifs jugés raisonnables[4].
Une autre limite au secret de la correspondance est qu'en vue d'assurer la sĂ©curitĂ© des pĂ©nitenciers, les directeurs d'Ă©tablissement peuvent consulter les lettres des dĂ©tenus. Il y a toutefois des critĂšres Ă respecter lorsque cela concerne le secret professionnel de l'avocat, d'aprĂšs l'arrĂȘt Solosky c. La Reine[5].
France
En France, la violation du secret de la correspondance, qu'elle circule par voie postale ou par un réseau de télécommunications, est actuellement réprimée par les articles 226-15 et 432-9 du code pénal et par l'article L 33-1 du code des postes et des communications électroniques.
- Art. 226-15. â Le fait, commis de mauvaise foi, d'ouvrir, de supprimer, de retarder ou de dĂ©tourner des correspondances arrivĂ©es ou non Ă destination et adressĂ©es Ă des tiers, ou d'en prendre frauduleusement connaissance, est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Est puni des mĂȘmes peines le fait, commis de mauvaise foi, d'intercepter, de dĂ©tourner, d'utiliser ou de divulguer des correspondances Ă©mises, transmises ou reçues par la voie des tĂ©lĂ©communications ou de procĂ©der Ă l'installation d'appareils conçus pour rĂ©aliser de telles interceptions.
- Art. 432-9. â Le fait, par une personne dĂ©positaire de l'autoritĂ© publique ou chargĂ©e d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou Ă l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prĂ©vus par la loi, le dĂ©tournement, la suppression ou l'ouverture de correspondances ou la rĂ©vĂ©lation du contenu de ces correspondances, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Est puni des mĂȘmes peines le fait, par une personne visĂ©e Ă l'alinĂ©a prĂ©cĂ©dent ou un agent d'un exploitant de rĂ©seau ouvert au public de communications Ă©lectroniques ou d'un fournisseur de services de tĂ©lĂ©communications, agissant dans l'exercice de ses fonctions, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prĂ©vus par la loi, l'interception ou le dĂ©tournement des correspondances Ă©mises, transmises ou reçues par la voie des tĂ©lĂ©communications, l'utilisation ou la divulgation de leur contenu.
S'inspirant du droit Ă un procĂšs Ă©quitable dĂ©fendu par la CEDH, les juridictions françaises ont elles aussi assoupli leurs positions avec la notion de droit de la preuve, qui permet par exemple aux Ă©poux en instance de divorce d'utiliser des courriers ou SMS reçus. La Cour de Cassation a rappelĂ© en 2009 qu'« il est admis depuis longtemps que le secret des correspondances cĂšde en matiĂšre de divorce devant la nĂ©cessitĂ© de prouver des faits qui, par leur nature mĂȘme, sont souvent intimes »[2]. Cet amĂ©nagement du droit de la preuve s'applique aussi dans le cadre des relations entre salariĂ© et employeur[2].
En ce qui concerne des diffamations émises à l'égard d'un tiers dans une correspondance, et la possibilité d'utiliser cette correspondance comme prouvant une diffamation publique ou privée, la Cour de Cassation a émis deux solutions différentes en fonction des circonstances[6].
Un article de Ban Prison donne d'autres informations sur les dérogations légales au secret de la correspondance en prison[7].
Suisse
En Suisse, le secret de correspondance est consacrĂ© Ă l'article 13 de la Constitution fĂ©dĂ©rale, qui dispose que « toute personne a droit au respect de sa correspondance et des relations quâelle Ă©tablit par la poste et les tĂ©lĂ©communications »[8]. Le Code pĂ©nal suisse sanctionne, sur plainte, la violation illĂ©gale du secret de la correspondance par une amende (pouvant aller jusqu'Ă 10 000 francs[9])[10].
La censure postale en temps de guerre
MalgrĂ© la reconnaissance officielle du secret des lettres, et ce par tous les rĂ©gimes, la censure occultant des correspondances avait Ă©tĂ© pratiquĂ©e dans toute l'Europe, depuis l'ouverture des postes royales aux particuliers, jusqu'Ă la fin du rĂšgne de NapolĂ©on III ou le dĂ©but de la TroisiĂšme RĂ©publique. (cf. Cabinet noir). Depuis cette Ă©poque, la censure postale n'en a pas moins Ă©tĂ© rĂ©tablie en temps de guerre par les diffĂ©rents belligĂ©rants, au nom de leur intĂ©rĂȘt national. Mais alors, elle l'a Ă©tĂ© de façon ouverte, avec apposition sur les plis contrĂŽlĂ©s de diverses marques de censure et bandes de fermeture (cf. Histoire postale, DonnĂ©es gĂ©nĂ©rales).
Notes et références
- Françoise Champeaux, « La Cour de cassation réduit le contrÎle de proportionnalité en matiÚre de droit à la preuve », sur actualitesdudroit.fr, (consulté le )
- « Admissibilité des modes de preuve », sur courdecassation.fr (consulté le )
- Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, RLRQ, P-39.1
- Radio-Canada. « Mon employeur a-t-il le droit de lire mes courriels ». 29 avril 2021. En ligne. page consultée le 2022-05-17
- [1980] 1 RCS 821
- Cour de cassation, France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 mai 2019, 18-85246, (lire en ligne)
- « >Ban Public - Le portail d'information sur les prisons », sur prison.eu.org (consulté le )
- Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) du (état le ), RS 101, art. 13 al. 1.
- Code pénal suisse (CP) du (état le ), RS 311.0, art. 106 al. 1.
- Code pénal suisse (CP) du (état le ), RS 311.0, art. 179 al. 1.
Voir aussi
Article connexe
Bibliographie
- EugÚne Vaillé, Le Cabinet noir, Paris, P.U.F., 1950.
- Professeur Yves Maxime Danan, Histoire postale et libertés publiques, L.G.D.J., Paris, 1965.