Tutelle en France
En droit civil français, la tutelle est une mesure de protection et de représentation juridique prononcée par le juge des tutelles permettant la protection par un tuteur d'une personne majeure dont les capacités physiques ou mentales sont altérées, ou de mineurs qui ne sont pas protégés par l'autorité parentale (décÚs des parents ou retrait de l'autorité parentale).
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Protection des mineurs Protection des majeurs
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La tutelle est régie par les articles 390 à 413-8 du Code civil français pour les mineurs, et 440 à 476 pour les majeurs.
Le régime des tutelles a été modifié par la loi no 2007-308 du portant réforme de la protection juridique des majeurs entrée en vigueur le .
Il ne faut pas confondre la tutelle, mesure de protection judiciaire, et la tutelle administrative de droit public français, qui est une forme de pouvoir ou de contrÎle d'une personne morale de droit public ou d'un organe administratif sur une autre institution publique.
La tutelle aux mineurs
Les mineurs (la majoritĂ© civile en France est de 18 ans) doivent ĂȘtre placĂ©s sous une autoritĂ© qui assurera leur protection. Ainsi, leur capacitĂ© juridique est rĂ©duite du fait de leur jeune Ăąge. Par principe, ils sont placĂ©s sous l'autoritĂ© et la protection de leurs parents. Toutefois, lorsque l'autoritĂ© parentale est dĂ©faillante, s'ouvre une mesure de tutelle aux mineurs.
« La tutelle s'ouvre lorsque le pÚre et/ou la mÚre sont décédés ou se trouvent privés de l'exercice de l'autorité parentale.
Elle s'ouvre, aussi, à l'égard d'un enfant dont la filiation n'est pas légalement établie.
Il n'est pas dérogé aux lois particuliÚres qui régissent le service de l'aide sociale à l'enfance. »
â Article 390 du Code civil[1]
Ouverture de la tutelle aux mineurs
Ainsi, une mesure de tutelle s'applique à des mineurs qui ne sont pas protégés par l'autorité parentale, situation qui peut relever de trois cas :
- absence de filiation : les parents n'ont pas déclaré la naissance (voir : accouchement sous X) ;
- décÚs des parents ;
- retrait total de l'autoritĂ© parentale par le biais d'une condamnation pĂ©nale (art. 378 du Code civil) ou civile (art. 378-1 du Code civil) ; Ă noter que le retrait de l'autoritĂ© parentale d'un des parents n'empĂȘche pas l'autre d'exercer seul son autoritĂ©.
Organe décisionnaire : le conseil de famille
Le conseil de famille est composé d'un minimum de quatre membres, désigné par le juge des tutelles pour la durée de la mesure. Le juge des tutelles préside le conseil de famille. Le conseil de famille nomme le tuteur en son sein, sauf lorsque ce dernier a été désigné par testament par les parents décédés. Il désigne aussi le subrogé tuteur.
Le conseil de famille habilite le tuteur Ă accomplir les actes qui excĂšdent ses pouvoirs.
Enfin, le conseil de famille autorise certains actes particuliers, par exemple le mariage du mineur.
Organe exécutoire : le tuteur
Le tuteur est nommé au sein du conseil de famille (tutelle dative) s'il n'a pas été désigné dans le testament d'un des parents (tutelle testamentaire).
Le tuteur agit comme le représentant du mineur. Il gÚre le patrimoine du mineur, et s'occupe de sa personne.
Organes de surveillance : le juge des tutelles et le subrogé tuteur
Le subrogĂ© tuteur est nommĂ© par le conseil de famille, en son sein. Il remplit un rĂŽle de surveillance de la mission du tuteur, et remplace ce dernier en cas de vacance ou d'opposition d'intĂ©rĂȘts avec le mineur. Il reçoit du tuteur un compte de gestion et le transmet avec ses observations au directeur de greffe du tribunal judiciaire (pour les mineurs).
Le juge des tutelles prend les décisions concernant l'organisation de la tutelle. Il préside le conseil de famille, et en cas d'égalité, sa voix est prépondérante.
La tutelle aux majeurs
La majoritĂ© permet l'acquisition de la pleine capacitĂ© juridique. Toutefois, un majeur atteint d'une altĂ©ration de ses facultĂ©s peut ĂȘtre placĂ© sous mesure de protection (sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle).
Ouverture de la tutelle aux majeurs
« Toute personne dans l'impossibilitĂ© de pourvoir seule Ă ses intĂ©rĂȘts en raison d'une altĂ©ration, mĂ©dicalement constatĂ©e, soit de ses facultĂ©s mentales, soit de ses facultĂ©s corporelles de nature Ă empĂȘcher l'expression de sa volontĂ© peut bĂ©nĂ©ficier d'une mesure de protection juridique prĂ©vue au prĂ©sent chapitre.
S'il n'en est disposĂ© autrement, la mesure est destinĂ©e Ă la protection tant de la personne que des intĂ©rĂȘts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois ĂȘtre limitĂ©e expressĂ©ment Ă l'une de ces deux missions. »
â Article 425 du Code civil[2]
Ainsi, contrairement Ă une tutelle aux mineurs, la tutelle aux majeurs n'est pas automatique, mais doit ĂȘtre demandĂ©e, soit par la famille, soit par des services sociaux ou par le procureur.
Dispositions communes aux mesures de protection
Tout d'abord, la loi no 2007-308 du [3] rappelle que les mesures de protections judiciaires doivent respecter trois principes fondamentaux : la subsidiarité, la nécessité et la proportionnalité.
Ensuite, le Code civil aux articles 415 et suivants[4] prĂ©voit des conditions communes aux mesures de protection. Ainsi, les personnes majeures et les mineurs Ă©mancipĂ©s peuvent recevoir la protection de leur personne et de leurs biens que leur Ă©tat ou leur situation rend nĂ©cessaire. Cette nĂ©cessitĂ© s'explique par l'impossibilitĂ© pour une personne de pourvoir seule Ă ses intĂ©rĂȘts en raison d'une altĂ©ration, mĂ©dicalement constatĂ©e, soit de ses facultĂ©s mentales, soit de ses facultĂ©s corporelles de nature Ă empĂȘcher l'expression de sa volontĂ©.
Le Code civil prĂ©voit que cette protection est instaurĂ©e et assurĂ©e dans le respect des libertĂ©s individuelles, des droits fondamentaux et de la dignitĂ© de la personne. Elle a pour finalitĂ© l'intĂ©rĂȘt de la personne protĂ©gĂ©e, et doit favoriser, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci. La mesure doit alors ĂȘtre proportionnĂ©e et individualisĂ©e en fonction du degrĂ© d'altĂ©ration des facultĂ©s personnelles de l'intĂ©ressĂ©. S'il n'en est disposĂ© autrement, cette mesure est destinĂ©e Ă la protection tant de la personne que des intĂ©rĂȘts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois ĂȘtre limitĂ©e expressĂ©ment Ă l'une de ces deux missions.
Il appartient au juge des tutelles et au procureur de la République d'exercer une surveillance générale des mesures de protection.
La demande d'ouverture de la mesure peut ĂȘtre prĂ©sentĂ©e au juge par la personne qu'il y a lieu de protĂ©ger ou, selon le cas, par son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidaritĂ© ou son concubin, Ă moins que la vie commune ait cessĂ© entre eux, ou par un parent ou un alliĂ©, une personne entretenant avec le majeur des liens Ă©troits et stables, ou la personne qui exerce Ă son Ă©gard une mesure de protection juridique.
Elle peut ĂȘtre Ă©galement prĂ©sentĂ©e par le procureur de la RĂ©publique soit d'office, soit Ă la demande d'un tiers.
à noter que le juge des tutelles ne peut plus se saisir d'office depuis la loi no 2007-308 du portant réforme de la protection juridique des majeurs[5].
La demande est accompagnĂ©e, Ă peine d'irrecevabilitĂ©, d'un certificat circonstanciĂ© rĂ©digĂ© par un mĂ©decin choisi sur une liste Ă©tablie par le procureur de la RĂ©publique. Le coĂ»t de ce certificat est fixĂ© par dĂ©cret en Conseil d'Ătat[6]. Pour l'application du dernier alinĂ©a de l'article 426 du Code civil[7] et de l'article 431 du Code civil[8], le mĂ©decin spĂ©cialiste peut solliciter l'avis du mĂ©decin traitant de la personne qu'il y a lieu de protĂ©ger.
Le juge statue, une fois la personne entendue ou appelĂ©e. L'intĂ©ressĂ© peut ĂȘtre accompagnĂ© par un avocat ou, sous rĂ©serve de l'accord du juge, par toute autre personne de son choix.
Le juge peut toutefois, par décision spécialement motivée et sur avis du médecin mentionné à l'article 431 du Code civil[9], décider qu'il n'y a pas lieu de procéder à l'audition de l'intéressé si celle-ci est de nature à porter atteinte à sa santé ou s'il est hors d'état d'exprimer sa volonté.
Pour ĂȘtre opposable aux tiers, le jugement doit ĂȘtre mentionnĂ© en marge de l'acte de naissance de la personne protĂ©gĂ©e (article 493-2 du Code civil[10]) et la dĂ©cision est mentionnĂ©e au rĂ©pertoire civil.
Toutes les personnes qui peuvent ouvrir une tutelle peuvent la contester par un recours devant la Cour d'appel ayant compétence dans le ressort territoriale (avant la loi no 2007-308 du 5 mars 2007[3], ce recours se faisait devant le tribunal de grande instance).
Dispositions particuliĂšres de la tutelle aux majeurs
« La mesure est proportionnée et individualisée en fonction du degré d'altération des facultés personnelles de l'intéressé. »
â Article 428 in fine du code civil[11]
« La tutelle n'est prononcée que s'il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante. »
â Article 440 in fine du code civil[12]
Les autres rĂ©gime de protection des majeurs doivent avoir Ă©tĂ© envisagĂ©s et Ă©liminĂ©s. Ni la curatelle simple ou renforcĂ©e[13] ou la sauvegarde de justice[14] ne doivent ĂȘtre suffisantes.
Les effets d'une tutelle aux majeurs
« Les pouvoirs du tuteur d'un enfant mineur ou les pouvoirs du tuteur d'un majeur en tutelle sont identiques et, dans les deux cas, la tutelle est organisĂ©e de la mĂȘme maniĂšre[15]. »
Si rien n'est prévu dans l'ordonnance du Juge des tutelles, la protection du majeur s'entend à la fois aux biens et à la personne (article 425 du Code Civil).
La protection de la personne
S'agissant de la protection de la personne, elle est prévue aux articles 457-1 à 463. Ces derniers prévoient globalement trois types d'actes touchant à la sphÚre de la protection de la personne :
- les actes strictement personnels de l'article 458 du Code civil que le majeur accomplit seul ; l'article impose une liste non exhaustives d'actes strictement personnels : la déclaration de naissance d'un enfant, sa reconnaissance, les actes de l'autorité parentale relatifs à la personne d'un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d'un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant. Elle choisit notamment son lieu de résidence et a le droit d'entretenir librement des relations personnelles. Le juge statue en cas de difficulté ;
- les décisions personnelles ordinaires de l'article 459 du Code civil alinéa 1 prises par le majeur seul ;
- les décisions personnelles touchant à l'intégrité personnelle ou à l'intimité de la vie privée (article 459 du Code civil alinéa 2), qui nécessitent l'intervention du mandataire judiciaire ; toutefois, la personne chargée de la protection du majeur ne peut, sans l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l'intégrité corporelle de la personne protégée ou à l'intimité de sa vie privée.
D'autres dispositions sont éparpillées dans le Code civil :
- le mariage doit ĂȘtre autorisĂ© par le juge des tutelles, de mĂȘme pour la conclusion d'un PACS ;
- le divorce par consentement mutuel lui est interdit de mĂȘme que le divorce pour acceptation du principe de la rupture (art.249-4 c.civ). Pour les autres cas de divorce, une demande peut ĂȘtre formĂ©e en son nom par le tuteur. Si une demande de divorce est formĂ©e par le conjoint, l'action est exercĂ©e contre le tuteur (art. 249-1 c.civ).
La protection des biens
Globalement, les pouvoirs du tuteur du majeur sont identiques Ă ceux du tuteur du mineur.
Dans les trois mois de l'ouverture de la tutelle, le tuteur doit faire procéder à un inventaire des biens et le transmettre au directeur de greffe du tribunal d'instance. Idem s'agissant du compte de gestion, rendu annuellement, assorti de toutes les piÚces justificatives.
La personne est représentée par le tuteur dans tous les actes de la vie civile. Globalement, le tuteur effectue seul les actes de conservation et d'administration; s'agissant des actes de disposition, l'autorisation du juge des tutelles est nécessaire. à noter que depuis le décret no 2008-1484 du 22 décembre 2008, la distinction entre les différents types d'actes est beaucoup plus claire.
Le tutélaire est représenté en Justice par le tuteur; il peut faire des donations, assisté ou représenté, avec l'autorisation du juge des tutelles.
Le majeur peut faire seul son testament avec l'autorisation du juge des tutelles. Par contre, il peut le révoquer seul.
Fin de la tutelle
La tutelle prend fin à la mort du majeur ou en cas de jugement de mainlevée de la tutelle.
Statistiques
Selon une estimation de 2008, 750 000 personnes étaient en France sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice au [16]. Le dispositif de suivi statistique a été renforcé avec la loi de 2007, et les données sont réguliÚrement publiées par le ministÚre des affaires sociales[17], ou celui de la justice[18]. Fin 2014, il y avait un peu moins de 680 000 majeurs sous protection judiciaire, dont 365 000 sous tutelle (54 %) et 313 000 sous curatelle. Les personnes sous tutelle ont en moyenne 64 ans et celles sous curatelle prÚs de 10 ans de moins. Les femmes sont légÚrement majoritaires parmi la population des majeurs protégés, mais sont particuliÚrement surreprésentées au sein des personnes sous tutelle de plus de 80 ans[18].
Notes et références
- Article 390 du Code civil, sur LĂ©gifrance
- Article 425 du Code civil, sur LĂ©gifrance
- Voir la loi no 2007-308 du 5 mars 2007 sur LĂ©gifrance.
- Voir la section 2, « Des dispositions communes aux majeurs protégés », (articles 415 et suivants du Code Civil) sur Légifrance.
- Voir la loi no 2007-308 du portant réforme de la protection juridique des majeurs sur Légifrance.
- Article 217-1 du Code de procédure pénale sur Légifrance.
- Article 426 du Code civil sur LĂ©gifrance.
- article 431 du Code civil sur LĂ©gifrance.
- Article 431 du Code civil sur LĂ©gifrance.
- Article 493-2 du Code civil sur LĂ©gifrance.
- Article 428 in fine du code civil, sur LĂ©gifrance
- Article 440 in fine du code civil, sur LĂ©gifrance
- Article 472 du Code civil sur LĂ©gifrance.
- Articles 433 Ă 439 du Code civil, sur LĂ©gifrance.
- Serge Braudo et Alexis Baumann, « Définition de Tutelle », in Dictionnaire de droit privé.
- Paskall Genevois-Malherbe, Les majeurs protĂ©gĂ©s en France : dĂ©nombrement, caractĂ©ristiques et dynamique dâune sous-population mĂ©connue. DĂ©mographie., UniversitĂ© Montesquieu - Bordeaux IV, (lire en ligne), p. 554-555
- « La DGCS dresse un bilan statistique sur la protection juridique des majeurs | Espace ressources Protection juridique des majeurs », sur protection-juridique.creaihdf.fr (consulté le )
- Thibault Cruzet et Marie Lebaudy, « 680 000 majeurs sous protection judiciaire fin 2014 », Infostat Justice,â (ISSN 1252-7114, lire en ligne)
Bibliographie
- Anne Caron-Deglise, Frederic Arbellot et Nathalie Peterka, Droit des tutelles, protection judiciaire des majeurs et des mineurs, Ăditions Dalloz
- Olivier Chomono, La tutelle pour les Nuls, Ă©ditions First
- Défenseur des droits, La protection juridique des personnes vulnérables, Paris, Défenseur des droits, , 84 p. (lire en ligne)
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Service-Public.fr, le site officiel de l'administration française, Protection juridique des personnes : Tutelle des majeurs, Tutelle des mineurs
- http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-vote/loi-du-5-mars-2007-portant-reforme-protection-juridique-majeurs.html réforme de 2007
- http://www.tutelleauquotidien.fr/Proteger-au-quotidien-proteger-la-Personne/majeur-protege-tutelle-curatelle-charte-des-droits-et-libertes.html Majeur protégé Charte des droits et liberté
- www.la-curatelaire.fr Patrimoine de la personne vulnérable
Décret no 2008-1276 du 5 décembre 2008 relatif à la protection juridique des mineurs et des majeurs et modifiant le code de procédure civile
- Associations et sites d'information privés
- www.unaf.fr Union Nationale des Associations Familiales