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Mort de Vanesa Campos

La mort de Vanesa Campos est la mort d'une travailleuse du sexe trans, Ă©trangĂšre en situation irrĂ©guliĂšre, abattue Ă  l'Ăąge de 36 ans, au bois de Boulogne Ă  Paris dans la nuit du 16 au , aprĂšs s'ĂȘtre opposĂ©e Ă  un groupe d'hommes armĂ©s d'un rĂ©volver volĂ© Ă  un policier.

Mort de Vanesa Campos
Vanesa Campos.
Vanesa Campos.

Fait reproché Homicide
Chefs d'accusation Meurtre en bande organisée
Vols en réunion avec dégradations (vol aggravé)
Complicité de meurtre
Association de malfaiteurs
Vol de l'arme du crime
Ville Paris
Lieu Bois de Boulogne (16e arrondissement de Paris)
Nature de l'arme Arme Ă  feu et armes blanches
Type d'arme Revolver, cutters, couteaux, bĂątons
Date
Nombre de victimes 2
Jugement
Date du jugement

Le crime intervient dans un contexte de montĂ©e de l'insĂ©curitĂ© au bois de Boulogne, consĂ©quence de la rĂ©cente loi « visant Ă  renforcer la lutte contre le systĂšme prostitutionnel », qui pĂ©nalise les clients et force les prostituĂ©es Ă  se retrancher dans les profondeurs du bois, oĂč elles sont Ă  l'abri de la police mais Ă  la merci de gangs mafieux.

Les suspects sont arrĂȘtĂ©s entre aoĂ»t 2018 et en France et en Allemagne. Neuf hommes sont jugĂ©s aux assises Ă  partir du . Deux d’entre eux sont condamnĂ©s en premiĂšre instance Ă  vingt-deux ans de rĂ©clusion criminelle pour meurtre en bande organisĂ©e, les autres Ă©copent de trois Ă  six ans d’emprisonnement. Les peines sont nettement rĂ©duites en appel en mars 2023, les deux principaux accusĂ©s Ă©copant alors de 14 ans et 17 ans de rĂ©clusion criminelle. Un dixiĂšme accusĂ© comparait devant le tribunal des enfants.

Biographie de la victime

Vanesa Campos à son départ de Lima vers Paris.

Vanesa Campos naßt le à Cayaltí (es), un village du district éponyme (es), au nord du Pérou. Elle y grandit puis quitte la maison de ses parents qui ne comprenaient pas sa transidentité[1], et devient l'amie de Karen, qui lui apprend à se défendre. Elles rejoignent toutes les deux la capitale[2]. En 2012, aprÚs que l'Argentine adopte une loi permettant un changement d'état civil sur simple déclaration, Karen et Vanesa Campos partent pour Buenos Aires[1]. Mais en Argentine, la police est particuliÚrement cruelle envers les personnes trans. Vanesa déménage la premiÚre en Europe.

Elle s'installe Ă  Paris en 2016, sans titre de sĂ©jour, avec l'objectif de gagner assez d'argent pour acheter une maison Ă  sa mĂšre veuve et isolĂ©e[2]. Elle vit alors avec deux collĂšgues dans un deux-piĂšces de la porte de Clignancourt, dans le 18e arrondissement de Paris[1]. À partir de septembre 2016, elle se prostitue chaque nuit Ă  proximitĂ© de la route du PrĂ© Catelan dans le bois de Boulogne, dans une zone occupĂ©e par la petite communautĂ© des trans d’AmĂ©rique latine, qui ne sont pas sous la coupe de proxĂ©nĂštes[1]. Son salaire est dĂ©risoire, mais elle arrive Ă  envoyer un peu d'argent chaque mois Ă  sa mĂšre, son frĂšre et ses deux sƓurs[2].

Selon une colocataire, « elle ne rougissait jamais quand on lui demandait ce qu’elle faisait dans la vie »[2]. NotifiĂ©e d'une obligation de quitter le territoire français, elle aurait pourtant pu ĂȘtre rĂ©gularisĂ©e pour raisons de santĂ©[3]. Elle est sportive et engagĂ©e dans des associations, notamment Acceptess-T[4]. Selon la directrice de cette association Giovanna Rincon, Vanesa Campos tient Ă  aider les plus faibles, n'hĂ©sitant pas Ă  monter « au front pour dĂ©fendre ses amies et collĂšgues de travail » dans des situations tendues au bois de Boulogne[4]. Une amie la dĂ©crit comme « une sacrĂ©e grande gueule qui n’avait peur de rien »[2]. L'enquĂȘte montre qu'elle avait hĂ©bergĂ© plusieurs mois l'un des hommes qui sera jugĂ© pour son meurtre, alors qu'il se retrouvait Ă  la rue[5].

Faits

Plaque commémorative de la place du Griffon (Lyon).

Le meurtre de Vanesa Campos s'inscrit dans un contexte de montĂ©e de la criminalitĂ© au bois de Boulogne[1] - [4]. Un groupe organisĂ© constituĂ© d'hommes rackette les prostituĂ©es et leurs clients[6]; pendant l'Ă©tĂ© 2018, leurs descentes sont quotidiennes[1] - [7]. Vanesa Campos alerte la police Ă  l'occasion d'une ronde, mais celle-ci, faute de preuve, ne rĂ©agit pas[1] - [4] : « c’était toujours la mĂȘme histoire. Ils nous demandaient leur identitĂ© mais nous ne la connaissons pas. Nous avions beau ĂȘtre les plus prĂ©cises possible dans la description, la police n’écoutait pas. AprĂšs tout, nous ne sommes que des putes. Qui se soucie vraiment de nous ? »[2]. Des tĂ©moignages montrent en effet que les policiers raillent et humilient les prostituĂ©es trans et en situation irrĂ©guliĂšre, plutĂŽt que de les secourir[1] - [7]. Les prostituĂ©es en situation irrĂ©guliĂšre n'osent pas se plaindre au commissariat, de peur d'ĂȘtre expulsĂ©es[2].

Vanesa Campos met en place un signal de ralliement Ă  utiliser en cas de danger et distribue des bombes lacrymogĂšnes[1]. Elle embauche un garde du corps nommĂ© TakarĂ© B.[8] - [9], lui aussi en situation irrĂ©guliĂšre, qui, le , arrive Ă  faire fuir l'un des assaillants. Le 9 aoĂ»t[9], ce dernier fracture une voiture d'un policier sorti pour aller Ă  la rencontre d’une prostituĂ©e et y vole un rĂ©volver mm[10] - [6]. Le , vers 23 heures, les hommes reviennent en nombre et attaquent le garde du corps. Vanesa Campos se retrouve seule face Ă  eux et appelle Ă  l'aide en criant « ÂĄChicas todas! »[7] - [6]. L'un des hommes lui tire dans la poitrine, puis tire plusieurs coups en l'air. Ils s'acharnent sur elle armĂ©s de cutters, de couteaux, de bĂątons et d'une arme de poing[11], avant de prendre la fuite en voiture[1]. À 23h30, les collĂšgues de Vanesa Campos la retrouvent allongĂ©e dans une mare de sang[2] - [7]. Les pompiers, arrivĂ©s sur place 30 minutes plus tard, ne parviennent pas Ă  la rĂ©animer[1] - [2].

Son corps a Ă©tĂ© rapatriĂ© Ă  CayaltĂ­[2]. Bien que son Ă©tat civil n’ait pas Ă©tĂ© modifiĂ©, Ă  la demande de sa mĂšre, c’est bien le prĂ©nom Vanesa qui est mentionnĂ© sur sa tombe. Un petit mĂ©morial lui rend hommage au bois de Boulogne[1] - [12].

RĂ©actions

Vanesa Campos Ă  Paris.

Le lendemain du meurtre, l'indiffĂ©rence est quasi gĂ©nĂ©rale[13] - [2] - [14]. La presse mĂ©genre la victime en Ă©voquant de sources policiĂšres le meurtre d'« un prostituĂ© travesti »[15] - [16], une façon de « tuer une deuxiĂšme fois Vanesa », selon Komitid[17]. En comparant les rĂ©actions aux meurtres de Vanessa Campos et d’autres femmes trans (notamment MylĂšne en 2005 Ă  Marseille et MylĂšne en 2013 Ă  Limoges), Karine Espinera note en 2020 que le mĂ©genrage, la rĂ©vĂ©lation du morinom et l’étalage de dĂ©tails sordides sont les ingrĂ©dients classiques d’une analyse en termes de faits divers et du « mauvais traitement mĂ©diatique » des personnes trans assassinĂ©es[18]. Une source policiĂšre dĂ©clare mĂȘme au Parisien que Vanessa Campos a « eu le tort » de s'interposer pour dĂ©fendre son client[11].

Dans un communiqué[19], le STRASS et Acceptess-T déclarent[2] - [20]:

« Nous avons en nous cette Ă©trange impression que nos morts ne suscitent aucune Ă©motion. Pour nous, il n’y a jamais de deuil national. Il n’y a jamais de commĂ©moration officielle. [
] Les assassinats de femmes trans travailleuses du sexe n’ont rien de rare. [
] Nos morts sont normalisĂ©es. Une pute qui meurt c’est un peu comme un personnage de jeu vidĂ©o qu’on tue, ce n’est pas grave. C’est un peu comme une blague sexiste, on en rit, puis on passe Ă  autre chose. »

Le porte parole du STRASS Thierry Schaffauser ajoute que « si un gay du Marais avait été agressé, il y aurait eu une réaction »[14].

Une cĂ©rĂ©monie intime est organisĂ©e une semaine aprĂšs le meurtre, le jeudi , sur les lieux du drame et un hommage associatif le jour suivant[2] - [21], qui attire enfin l'attention de la presse : le 24 aoĂ»t, quelques centaines de personnes proches de la victime (300 selon Le Monde[22]) participent Ă  une marche blanche allant de la porte Dauphine Ă  Paris au lieu du meurtre, en sa mĂ©moire. Elles demandent justice pour toutes les victimes d’agressions[23] - [24] et dĂ©noncent le « silence assourdissant » des mĂ©dias[25]. Aux cris de « Trans assassinĂ©es, État complice ! » et « ArrĂȘtez nos agresseurs, pas nos clients ! », les associations prĂ©sentes demandent l’abrogation des lois de rĂ©pression et de criminalisation de la prostitution de 2003 et de 2016, responsables de l'augmentation de la violence dans les lieux de prostitution[24] - [26] - [27] - [28] - [22] - [29] - [30]. D'autres rassemblements ont lieu en France le mĂȘme jour, Ă  Lille et Ă  Lyon[7].

L'absence de rĂ©action au sein du gouvernement est Ă©galement dĂ©noncĂ©e[25]. MarlĂšne Schiappa, la secrĂ©taire d’État chargĂ©e de l’ÉgalitĂ© entre les femmes et les hommes, et porteuse de la loi contre les violences sexuelles et sexistes[31], est interpelĂ©e le par le dĂ©putĂ© RaphaĂ«l GĂ©rard (LREM)[4]. Elle ne rĂ©agit qu'une semaine plus tard pour adresser « ses sincĂšres condolĂ©ances aux proches de la victime »[2] - [32], dĂ©clarant que « toutes les femmes doivent ĂȘtre protĂ©gĂ©es des violences sexistes et sexuelles, toutes ces violences doivent ĂȘtre condamnĂ©es »[33].

L'hebdomadaire français Paris Match publie dĂ©but septembre la photo du cadavre dĂ©nudĂ© de Vanesa Campos[34] ; en rĂ©action, Acceptess-T finance un billet d'avion pour faire venir sa sƓur Ă  Paris, met son avocat Antoine Landon Ă  sa disposition et se porte partie civile Ă  ses cĂŽtĂ©s. Ils obtiennent que le magazine soit condamnĂ© Ă  payer 12 000 â‚Ź de dommages et intĂ©rĂȘts Ă  la sƓur de la victime[35] - [36].

Le , la mobilisation se poursuit avec une nouvelle marche organisée à Paris[37] - [38], la presse étrangÚre commence à relayer l'affaire, annonçant l'arrestation de suspects[39] - [12] - [40] - [41] - [42] - [43] - [20].

Une cinquantaine de personnes participent à un rassemblent un an aprÚs le meurtre, en 2019. Une amie de Vanesa Campos déclare « Nous allons continuer la lutte, pas seulement pour Vanesa mais pour toutes celles qui travaillent ici, les personnes trans et les personnes LGBTI » et la co-présidente d'Acceptess-T promet : « Nous ne baisserons pas les bras. Nous ne nous reposerons pas jusqu'à ce que les meurtriers soient condamnés » [44] - [45] - [46] - [47].

Suites judiciaires

EnquĂȘte

GrĂące aux tĂ©moignages des collĂšgues et amies de Vanesa Campos, et Ă  l'exploitation de vidĂ©os de surveillance de la RATP, la police identifie les assaillants[1] - [48]. Lundi , cinq personnes ĂągĂ©es de 16 Ă  30 ans sont mises en examen et placĂ©es en dĂ©tention provisoire pour « meurtre commis en bande organisĂ©e » et « vols en rĂ©union avec dĂ©gradations »[49] - [50] - [51] - [52] - [43]. Un tĂ©moin anonyme dĂ©nonce le chef de bande aux enquĂȘteurs, qui le placent sur Ă©coute ; cet homme de 25 ans est arrĂȘtĂ© Ă  son domicile et rejoint en prison cinq autres suspects[1]. Neuf des dix suspects sont interpelĂ©s en un mois. Ce sont des hommes entre 16 et 30 ans. Au moins deux d'entre eux[1] - [53] sont mineurs isolĂ©s et auraient dĂ» ĂȘtre pris en charge par l'aide sociale Ă  l'enfance au moment des faits, plutĂŽt que livrĂ©s Ă  eux-mĂȘmes. Mahmoud Kadri, dĂ©signĂ© par les suspects comme Ă©tant le tireur[53], est identifiĂ© fin 2018 en Allemagne grĂące Ă  trois mois de traque et un mandat d'amener europĂ©en[1]. Il y est interpellĂ© en janvier 2019 avant d'ĂȘtre extradĂ© vers la France[54] - [55] - [56] - [57] - [58]. En mai 2019, l'arme du crime est retrouvĂ©e dans le bois[53] - [48].

Dans son rĂ©quisitoire dĂ©finitif du , le parquet de Paris explique que les accusĂ©s ont organisĂ© « une expĂ©dition punitive »[59] - [60]. Selon la dĂ©cision du juge d’instruction chargĂ© du dossier, Mahmoud Kadri nĂ© en 1997 en Égypte, Ali A., 24 ans, et Karim Ibrahim, 28 ans, maintenus en dĂ©tention provisoire, sont accusĂ©s d’avoir utilisĂ© respectivement une arme Ă  feu, un couteau et une matraque contre Vanesa Campos[61].

ProcĂšs en premiĂšre instance

Trois des neuf hommes sont jugĂ©s devant la cour d'assises de Paris Ă  partir du mardi 11 janvier 2022[8] - [62] - [63], pour « meurtre en bande organisĂ©e »[61]. Ils encourent la perpĂ©tuitĂ©. Cinq autres sont jugĂ©s lors du mĂȘme procĂšs pour « association de malfaiteurs en vue de la commission d'un crime ». Un dernier accusĂ© est jugĂ© uniquement pour le vol du pistolet du policier[5] - [48] - [64].

La mĂšre et la sƓur de Vanesa Campos assistent au procĂšs[8], qui est dĂšs son premier jour Ă©maillĂ© de nombreux incidents, notamment des insultes profĂ©rĂ©es par les prĂ©venus en direction des parties civiles et d'autres prĂ©venus[65] - [66] - [67]. Les parcours de vie des prĂ©venus, mineurs isolĂ©s Ă©trangers devenus majeurs sans papiers en France, sont marquĂ©s par la migration (via la Libye et l’Italie dans le cas de Mahmoud Kadri), l'extrĂȘme pauvretĂ©, la violence et la dĂ©linquance[68].

Les versions de ce qui s'est passĂ© le soir du meurtre sont plus nombreuses que les accusĂ©s, certains d'entre eux ayant fait Ă©voluer leur version au cours de l'instruction et mĂȘme au cours de l’audience[69] - [70] - [71] - [72]. Mahmoud Kadri est dĂ©signĂ© par l’ensemble de ses coaccusĂ©s comme celui ayant tirĂ©, mais il se dĂ©fend en affirmant ĂȘtre le bouc Ă©missaire du groupe[73] et accuse Karim Ibrahim, considĂ©rĂ© par des tĂ©moins comme le meneur de la bande et dont l'ADN a Ă©tĂ© retrouvĂ© sur une matraque sur la scĂšne de crime[8]. Celui-ci affirme qu'il s'agissait d'une dĂ©monstration de force pour effrayer le garde du corps et pas d'une expĂ©dition punitive[74], mais des tĂ©moins l'auraient entendu dire la veille du crime: « demain, elles vont voir »[8]. Mahmoud Kadri et Karim Ibrahim se sont tous deux dits « dĂ©solĂ©s » de la mort de Vanesa Campos[75].

L'avocat gĂ©nĂ©ral requiert vingt ans de prison contre Mahmoud Kadri pour « meurtre en bande organisĂ©e », quinze ans contre Karim Ibrahim pour « complicitĂ© de meurtre » et « vol aggravĂ© », et cinq ans d’emprisonnement contre le reste des accusĂ©s[70] - [71]. Le , Mahmoud Kadri et Karim Ibrahim sont condamnĂ©s Ă  vingt-deux annĂ©es de rĂ©clusion criminelle[76] - [72], Aymen Dib et Karim Aboubeisha, Ă  six ans d’emprisonnement, et les autres accusĂ©s Ă©copent de peines allant de trois Ă  cinq ans d’emprisonnement[72]. Ils font appel[75] - [77].

Le jeune homme qui a participĂ© Ă  l'expĂ©dition, ĂągĂ© de 15 ans au moment des faits, devait comparaĂźtre devant le tribunal pour enfants[61]. Rami M., l’un des trois accusĂ©s comparaissant libres sous contrĂŽle judiciaire, ne s’est pas prĂ©sentĂ© Ă  l’audience et fait l'objet d'un mandat d’arrĂȘt, il devait ĂȘtre jugĂ© ultĂ©rieurement[78].

Appel

Mahmoud Kadri, 25 ans, et Karim Ibrahim, 30 ans, qui s'Ă©taient renvoyĂ©s la responsabilitĂ© du tir mortel pendant le premier procĂšs en janvier 2022, et trois autres hommes condamnĂ©s en premiĂšre instance pour association de malfaiteurs et pour le vol de l’arme du crime sont jugĂ©s en appel en mars 2023[79] - [80]. Mahmoud Kadri, que ses co-accusĂ©s dĂ©signent comme auteur du tir, dĂ©ment Ă  nouveau fermement et accuse Karim Ibrahim[81]. Les peines sont nettement rĂ©duites : 14 ans et 17 ans ferme de rĂ©clusion pour les deux principaux accusĂ©s ; l'un des trois autres accusĂ©s d'association de malfaiteurs et du vol de l'arme du crime est acquittĂ©, les deux derniers Ă©copent de trois ans d'emprisonnement dont un avec sursis et de cinq ans dont deux avec sursis[82].

Répercussions dans le débat sur la pénalisation de la prostitution

Le meurtre de Vanesa Campos relance le dĂ©bat sur la pĂ©nalisation de la prostitution[22] - [20] - [83] - [84] - [85]. En 2016, Ă  l'initiative de la ministre des droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem, trĂšs opposĂ©e Ă  la prostitution qu'elle estime ĂȘtre nĂ©cessairement forcĂ©e, le parlement a aboli le dĂ©lit de racolage et a introduit pour la premiĂšre fois dans l'histoire de la lutte contre la prostitution en France la pĂ©nalisation des clients[1] - [86]: selon la loi « visant Ă  renforcer la lutte contre le systĂšme prostitutionnel », « l’achat d’un acte sexuel » est puni de 1 500 â‚Ź d'amende[87], 3 750 â‚Ź en cas de rĂ©cidive[6] - [42].

Les associations dĂ©noncent la responsabilitĂ© des acteurs politiques dans la mort de Vanesa Campos[88] - [22] - [26] - [89] - [33] - [90]. Selon les travailleurs du sexe, les consĂ©quences de la loi sont nombreuses et nĂ©fastes : les prostituĂ©es sont contraintes d'accepter des clients et des pratiques Ă  risque qu'elles refusaient auparavant ; elles doivent se cacher pour prĂ©server l'anonymat des clients, ce qui les rend plus vulnĂ©rables ; les clients sont plus menaçants et demandent des rapports non protĂ©gĂ©s et des tarifs plus bas[83] - [1] - [46] - [47] - [91], voire violent les prostituĂ©es[92] - [93]. Selon un rapport d’évaluation de la loi de 2016, datant de juillet 2020, Vanesa Campos aurait « Ă©tĂ© forcĂ©e de se dĂ©placer dans un endroit du bois de Boulogne dangereux, oĂč personne ne travaillait jusqu’à cette date »[94]. Selon une enquĂȘte menĂ©e par deux associations auprĂšs de 589 travailleuses du sexe, 88 % d'entre elles sont opposĂ©es Ă  la loi, et 78 % ont constatĂ© une baisse de leurs revenus et une prĂ©carisation[83] - [95]. Une prostituĂ©e quinquagĂ©naire dĂ©clare au Monde en 2018 que « depuis deux ans, un nouveau phĂ©nomĂšne d’agressions en sĂ©rie fait surface, qui n’existait pas auparavant », pendant que Giovanna Rincon tonne[22]: « la loi est Ă  100 % responsable de la mort de Vanesa. »

L'association Acceptess-T est partie civile pendant le procĂšs en janvier 2021. Sa directrice Giovanna Rincon veut qu'il permette de rendre visible la situation des travailleuses du sexe : « elles ont besoin de gagner leur vie et ont intĂ©riorisĂ© le fait qu’elles Ă©taient contraintes Ă  prendre des risques pour survivre. (...) Ce qui est arrivĂ© Ă  Vanesa est le rĂ©sultat de la rĂ©pression accrue depuis 2016 »[8] - [74]. Elle explique pendant le procĂšs que Vanesa Campos est l'une de ces nombreuses « victimes collatĂ©rales » d'une « transphobie systĂ©mique » et de lois « rĂ©pressives »[96], qui l'ont poussĂ©e Ă  travailler dans un endroit encore plus dangereux : « les filles se cachent pour leur sĂ©curitĂ© et celle du client. Vanesa Ă©tait dans un lieu sans Ă©clairage, celui le plus en retrait du bois »[9]. L'association, qui recueille entre trois et dix tĂ©moignages par semaine de personnes trans victimes de violences[9], appelle Ă  nouveau Ă  changer la loi : « il est urgent d’accompagner notre communautĂ© et de lui donner la possibilitĂ© de travailler en sĂ©curitĂ© »[97]. L'avocate du Mouvement du Nid, lui aussi partie civile, estime au contraire que « la violence est inhĂ©rente Ă  la prostitution. (...) Le procĂšs du meurtre de Vanesa Campos ne doit pas ĂȘtre celui de la loi de 2016, qu’il faut au contraire renforcer »[94] - [98]. Pendant l'audience, Giovanna Rincon lui rĂ©pond: « la profession du travail du sexe est une rĂ©sistance. Pendant que nous cherchons Ă  manger, vous faites des rapports »[9]. D'anciennes collĂšgues de Vanesa Campos interviennent pour dĂ©crire le « climat de terreur » que les voleurs avaient instaurĂ© au bois de Boulogne les annĂ©es prĂ©cĂ©dant le meurtre, la relative accalmie pendant les six mois qui l'ont suivi, avec une prĂ©sence policiĂšre accrue, puis la reprise des vols : « tout a recommencĂ© comme avant depuis »[67].

Quelques jours avant le verdict, Amnesty International publie un rapport décrivant la politique abolitionniste Irlandaise, et dénonçant la plus grande précarisation et une surexposition aux violences qui résulte de la stratégie de pénalisation des clients[99]. Les conclusions confirment celles d'une étude précédente d'Amnesty International sur la situation en NorvÚge et celle de Médecins du Monde pour le cas français.

D'autres prostituées sont attaquées à Paris dans les mois qui suivent la mort de Vanessa Campos, notamment Jessyca Sarmiento au bois de Boulogne en 2020, et une autre femme au bois de Vincennes en 2022[100].

Documentaires

Littérature

  • Claire LĂ©ost, De nulle part les oiseaux surgissent, LattĂšs, (ISBN 978-2-7096-7184-2), roman inspirĂ© de l'assassinat de Vanesa Campos[101].

Références

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