Dora Moutot
Dora Moutot, née le , est une blogueuse, influenceuse, polémiste et militante féministe française, qui défend une approche biologique et reproductiviste (basée sur la capacité à procréer) de la définition de femme, selon une conception conservatrice de la division des rÎles genrés au sein de la société.
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Ăcrivaine, polĂ©miste, blogueuse, militante, journaliste |
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Ces positions essentialistes lui valent notamment une forte opposition de militants trans et d'autres féministes, qui la rattachent au mouvement TERF.
Biographie
Formation
Elle est diplÎmée de l'université des arts de Londres en 2012 et de l'Institut français de la mode en 2016[1].
La Gazette du mauvais goût
En 2009[2], Dora Moutot crée le blog La Gazette du mauvais goût[3], dans lequel elle répertorie « tout ce qui est bizarre, excentrique, insolite, trash, marginal, folklorique. » Dans Libération, elle explique sa motivation : « J'aime bien ce qui ne va pas ensemble, du genre le glauque et le super princesse façon Disney. J'aime bien le kitsch, la dentelle rose⊠Alors quand je faisais mes études de stylisme, on me disait que j'avais mauvais goût »[4].
Projet Webcam Tears
En fĂ©vrier 2012, elle crĂ©e le blog et projet artistique Webcam Tears[5] - [6], compilant des vidĂ©os de personnes se filmant en pleurs avec leur webcam[7] - [8]. Le projet artistique fait lâobjet dâune critique dans le livre de Zoe Alderton, The Aesthetics of Self-Harm: The Visual Rhetoric of Online Self-Harm Communities (« L'esthĂ©tique de l'automutilation : la rhĂ©torique visuelle des communautĂ©s d'automutilation en ligne »)[9]. Dans le New York Magazine, elle parle de ce projet en ces termes : « Ă une Ă©poque oĂč montrer des organes gĂ©nitaux sur Internet n'est plus choquant, les larmes sont une nouvelle forme de pornographie »[10].
Autres activités
En juin 2013, elle remporte le prix Google-Le Monde pour son blog hĂ©bergĂ© sur la plateforme de blogs du Monde[7] - [11]. En dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e, elle est nommĂ©e Ă la cĂ©rĂ©monie satirique des GĂ©rard de la tĂ©lĂ©vision pour sa participation en tant que chroniqueuse Ă l'Ă©mission Comment ça va bien ![12].
En 2014, elle cofonde avec Sophie Pinchetti le webzine The Other, dédié aux sous-cultures et aux cultures alternatives[7].
Elle a écrit pour divers médias en ligne comme Vice et a été rédactrice en chef adjointe de Konbini[7] - [13].
Sexualité féminine sur les réseaux sociaux
Le 23 aoĂ»t 2018, Dora Moutot crĂ©e le compte Instagram « Tâas joui ? », dĂ©diĂ© Ă Ă©duquer sur la sexualitĂ© fĂ©minine. Le compte relaie des tĂ©moignages de femmes critiquant les performances sexuelles de leurs partenaires masculins[13]. Le compte connait un certain succĂšs sur les rĂ©seaux sociaux, totalisant prĂšs de 600 000 abonnĂ©s en aoĂ»t 2021, et devenant une vitrine pour la critique des rapports hĂ©tĂ©rosexuels traditionnels[14]. Toujours au sujet de la sexualitĂ© fĂ©minine et de la domination masculine dans les rapports sexuels hĂ©tĂ©rosexuels, elle publie en 2021 le livre MĂąle-baisĂ©es[15].
FĂ©minisme essentialiste et reproductiviste
A partir des années 2020, Dora Moutot adopte des positions progressivement de plus en plus iconoclaste à l'endroit des mouvances féministes contemporaines. Son principal grief est la primauté, selon elle, de la « théorie du genre ». Ainsi, elle se définit comme « critique du genre » et « femelliste »[16], terme qu'elle utilise pour décrire le courant féministe essentialiste dont elle se revendique. Selon elle, l'idée principale à défendre est que les femmes ont des besoins spécifiques basés sur leur biologie, permettant de sortir les femmes transgenre du groupe social des femmes, en raison notamment de l'absence d'organes reproducteurs féminins et de cycles hormonaux féminins. Elle défend aussi un retour à la nature et à la fécondité traditionnelle, privée de contraception et orientée sur la capacité reproductive de ce qu'elle considÚre comme des « vraies femmes ». Elle critique, en outre, la notion d'identité de genre, affirmant que la génétique et la biologie constituent des critÚres suffisants et que les autodéfinitions et affirmations identitaires ne devraient pas faire l'objet d'une reconnaissance sociale et politique[17] - [18].
Controverse et prises de position contre la transidentité
En fĂ©vrier 2020, elle cosigne une tribune intitulĂ©e « Trans : suffit-il de sâautoproclamer femme pour pouvoir exiger dâĂȘtre considĂ©rĂ© comme telle ? », sâopposant Ă lâinclusion des personnes transgenres au sein du mouvement fĂ©ministe. La tribune, originellement publiĂ©e dans Le HuffPost, est dĂ©publiĂ©e puis republiĂ©e sur le site internet de Marianne[19].
Son engagement contre la reconnaissance sociale et lĂ©gale de la transidentitĂ© passe notamment par un activisme auprĂšs des Ă©lus. Le 6 dĂ©cembre 2021, Dora Moutot incite ainsi ses abonnĂ©s Instagram Ă mener une campagne de lobbying auprĂšs du SĂ©nat afin de faire supprimer la mention dâidentitĂ© de genre dâun texte de loi visant Ă lâinterdiction des thĂ©rapies de conversion. Cet appel provoque l'envoi de plus d'une centaine d'exemplaires d'un mĂȘme mail type aux sĂ©nateurs examinant la loi. La veille du vote, elle affirme avoir Ă©tĂ© reçue avec Anissia Docaigne-Makhroff par la ministre MarlĂšne Schiappa afin de prĂ©senter un dossier de « ressources au sujet des problĂ©matiques sur lâidĂ©ologie dâidentitĂ© de genre »[20].
En avril 2022, elle adopte progressivement des positions critiques envers les principales conquĂȘtes du fĂ©minisme contemporain, elle qualifie ainsi la contraception d'« excision psychique » pour les femmes[17].
En juillet 2022, aprĂšs que le polĂ©miste masculiniste canadien Jordan Peterson a niĂ© l'existence du patriarcat et appelĂ© les hommes à « s'endurcir » pour combattre leur « fĂ©minisation », elle rejette la qualification de masculiniste qui lui est attribuĂ©e par des fĂ©ministes : cela serait selon elle une « nigaude Ă©tiquette pour le disqualifier sans mĂȘme regarder vraiment ce qu'il fait. » Elle affirme que Peterson est « un des seuls mecs qui expliquait aux hommes comment avoir des valeurs »[17].
En aoĂ»t 2022, Dora Moutot et Marguerite Stern, autre reprĂ©sentante revendiquĂ©e du femellisme, signent une tribune adressĂ©e Ă la PremiĂšre ministre Ălisabeth Borne publiĂ©e dans Marianne dans laquelle elles sâopposent Ă une affiche du Planning familial reprĂ©sentant un homme enceint, qui reprend selon elles « un vocabulaire utilisĂ© par les militants transactivistes »[21]. Selon Mediapart, le texte de cette tribune est « trĂšs majoritairement relayĂ© par des militant·es, organes de presse ou personnalitĂ©s dâextrĂȘme droite »[22]. Ă la suite de cette tribune, M. Stern et D. Moutot sont reçues par les dĂ©putĂ©es LREM Caroline Yadan et Aurore BergĂ©. D'autres Ă©lus LREM s'indignent de ces invitations, comme Pierre Karleskind et RaphaĂ«l GĂ©rard[21].
En octobre 2022, Dora Moutot publie un manifeste « femelliste »[16] qui entend « s'opposer aux législations qui effacent le sexe au profit de la notion d'identité de genre »[23]. Elle lance, avec Marguerite Stern, une plateforme en ligne visant à porter « les voix des femmes qui n'osent pas s'opposer au transgenrisme dans le débat public »[23]. Elles réaffirment que ce qu'elles qualifient d'« idéologie transgenre » est « dangereuse pour la jeunesse car elle nie les réalités biologiques »[23].
Complotisme et critique du « lobby trans »
Parmi ses nombreuses prises de position en rapport avec la transidentitĂ©, Dora Moutot affirme Ă plusieurs reprises que des « milliardaires transhumanistes » « financent » un « lobby trans », partageant notamment les thĂšses de la blogueuse amĂ©ricaine Jennifer Bilek, qui dĂ©nonce des milliardaires qui auraient « infiltrĂ© la communautĂ© gay » afin de « convaincre les personnes cisgenres qu'elles doivent transitionner, avec pour but ultime de [âŠ] mettre l'humanitĂ© en esclavage en fusionnant homme et machine »[17].
Conséquences
En raison de ses prises de position jugĂ©es transphobes et de sa proximitĂ© supposĂ©e avec des figures de l'extrĂȘme droite, Dora Moutot dit ĂȘtre victime de harcĂšlement de masse ; plusieurs marques annulent leurs partenariats avec elle[24].
Sensibilisation sur la CBCG et naturopathie
Dora Moutot est atteinte de la colonisation bactĂ©rienne chronique de l'intestin grĂȘle (CBCG) depuis 2009 et entreprend plusieurs projets afin de sensibiliser au sujet de cette maladie. Elle traite ses symptĂŽmes avec un rĂ©gime naturopathique[25].
En juin 2019, elle publie le livre Ă fleur de pet, dans lequel elle raconte son expĂ©rience avec la CBCG[25]. Elle anime Ă©galement un compte Instagram dĂ©diĂ© aux maladies intestinales[26]. En novembre 2020, elle sort la web-sĂ©rie Comment jâai hackĂ© mes intestins, centrĂ©e sur le CBCG. Elle est diffusĂ©e sur Arte.tv, TV5 Monde et France.tv Slash[27]. D'aprĂšs L'Express, Moutot y fait la promotion de traitements non conventionnels[28].
Controverses et critiques
Controverse autour d'une plaisanterie sur l'Ătat islamique
En 2020, Dora Moutot publie une plaisanterie sur Instagram Ă propos de l'Ătat islamique et de la pandĂ©mie de Covid-19 dans laquelle elle se demande si les membres de lâEI se rĂ©jouissent du port du masque, assimilĂ© au hidjab.
Des internautes lâaccusent dâislamophobie et de fĂ©minisme blanc, voire la cyberharcĂšlent. En rĂ©action Ă la vague de harcĂšlement, elle porte plainte pour cyberharcĂšlement et diffamation. Elle reçoit le soutien du mouvement fĂ©ministe Femen[29].
Accusations de transphobie
Son compte Instagram « Tâas joui ? » est critiquĂ© par des militants transgenres lui reprochant de ne pas inclure les personnes transgenres ou lâaccusant de transphobie[29]. En rĂ©action Ă ces critiques, elle rĂ©pond que les femmes cisgenres nâont « pas la mĂȘme biologie et donc pas tout Ă fait le mĂȘme vĂ©cu, ni les mĂȘmes problĂ©matiques que les trans » et critique un « terrorisme de gauche » et une « bien-pensance » prĂ©gnants au sein du fĂ©minisme[30].
En septembre 2021, sept autrices se retirent dâun salon du livre fĂ©ministe, aprĂšs avoir appris la prĂ©sence de Dora Moutot et Marguerite Stern Ă ce salon, en raison de leurs propos qu'elles jugent transphobes[31].
Le 15 octobre 2022, dans l'Ă©mission Quelle Ă©poque !, sur France 2, elle qualifie le journaliste Hanneli Escurier de « femme transidentifiĂ©e » et la femme politique Marie Cau, premiĂšre maire transgenre de France, d'« homme transfĂ©minin », lui refusant la qualitĂ© de femme et affirmant : « Pour moi, Marie Cau, câest un homme. » Marie Cau lui reproche, en retour, d'ĂȘtre transphobe, suivie par JĂ©rĂ©my Ferrari, qui l'accuse de tenir un discours de haine[32]. Lors de cette mĂȘme Ă©mission, elle prĂ©tend que les femmes trans seraient dangereuses pour les autres femmes au sein des Ă©tablissements pĂ©nitenciers, notamment Ă la suite de viols. 20 Minutes estime qu'il s'agit d'« une gĂ©nĂ©ralitĂ© infondĂ©e » et qualifie ces propos de transphobes[33]. Son invitation par France 2 est critiquĂ©e par le site Madmoizelle[16].
Conséquences judiciaires
En fĂ©vrier 2023, Ă la suite des propos de Dora Moutot de 2022 sur Hanneli Escurier et Marie Cau, les deux personnes concernĂ©es ainsi que les associations LGBT Mousse et STOP Homophobie portent plainte contre la militante pour « injures publiques envers une personne Ă raison de son identitĂ© de genre » et « provocation publique Ă la haine ou Ă la violence Ă lâĂ©gard dâun groupe[34]. »
Dora Moutot organise Ă cette occasion une cagnotte sur la plateforme Leetchi pour contribuer Ă ses frais de justice ; cette cagnotte atteint le plafond des 15 000 ⏠en environ 24 heures, que Moutot montera ensuite Ă 20 000 ⏠puis Ă 25 000 âŹ. AprĂšs que de nombreuses personnes se sont adressĂ©es Ă Leetchi pour demander l'annulation de la cagnotte, la plateforme rĂ©pond qu'elle est dans l'incapacitĂ© de le faire tant qu'un jugement en dĂ©faveur de Moutot ne sera pas rendu[35].
ProximitĂ© avec l'extrĂȘme droite
Ă la suite de la tribune publiĂ©e en fĂ©vrier 2020 dans Marianne, des mĂ©dias comme Mediapart (selon lequel la tribune a Ă©tĂ© « trĂšs majoritairement relayĂ©[e] par des militant·es, organes de presse ou personnalitĂ©s dâextrĂȘme droite »[22]), LibĂ©ration[18] ou ArrĂȘt sur images[17] considĂšrent qu'il existe une proximitĂ© entre Dora Moutot et l'extrĂȘme droite â « mĂȘme involontairement », prĂ©cise ArrĂȘt sur images[17]. Entre autres, LibĂ©ration cite son passage dans des mĂ©dias tels que Sud Radio ou L'Incorrect et son rapprochement avec Thierry Casasnovas, anti-avortement[18].
Promotion des pseudo-sciences
D'aprÚs L'Express, Dora Moutot fait la promotion de traitements non conventionnels à propos de la CBCG[28]. En août 2022, Moutot apporte son soutien au naturopathe Thierry Casasnovas, surveillé par la Miviludes[17].
Publications
- Ă fleur de pĂȘt : le 1er livre sur la maladie des hyperballonnĂ©s qui ont le microbiote Ă lâenvers, Guy TrĂ©daniel Ăditeur, , 356 p. (ISBN 2813219819)
- MĂąle-baisĂ©es : le livre qui dĂ©nonce le patriarcat sous les draps, Guy TrĂ©daniel Ăditeur, , 442 p. (ISBN 978-2-8132-2537-5)
Références
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- « Tous les goûts sont-ils permis ? », sur liberation.fr, .
- (en) « The Radical Potential Of A Woman Crying In Public », sur huffpost.com, .
- (en) « Hereâs Why The Webcam Tears Project Collects Videos Of People Crying On Camera », sur graziadaily.co.uk, .
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- (en) Zoe Alderton, The Aesthetics of Self-Harm: The Visual Rhetoric of Online Self-Harm Communities, , p. 97.
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