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René Girard

René Girard, né le à Avignon et mort le à Stanford en Californie, est un anthropologue, historien et philosophe français.

René Girard
René Girard en 2007.
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
Nom de naissance
René Noël Théophile Girard
Nationalité
Formation
Activités
PĂšre
signature de René Girard
Signature

Ancien Ă©lĂšve de l'École des chartes, il part faire son doctorat aux États-Unis oĂč il passera toute sa carriĂšre. Il y enseigne d'abord la littĂ©rature. Il est professeur Ă  l'universitĂ© Johns-Hopkins de 1957 Ă  1980, puis Ă  l'universitĂ© Stanford de 1980 Ă  1995.

Il est le pÚre de la « théorie mimétique » qui, à partir de la découverte du caractÚre mimétique du désir, cherche à fonder une nouvelle anthropologie de la violence et du religieux. Partie de la littérature, dans Mensonge romantique et Vérité romanesque (1961), son analyse s'étend ensuite aux mythes fondateurs, aux rites sacrificiels et aux phénomÚnes de violences collectives et de persécutions, dans La Violence et le Sacré (1972).

Il est élu à l'Académie française en 2005.

Biographie

Il est nĂ© en Avignon le jour de NoĂ«l 1923[1]. Le pĂšre de RenĂ© Girard, Joseph Girard, avait une formation d'archiviste palĂ©ographe et a Ă©tĂ© conservateur du Palais des Papes ainsi que de la bibliothĂšque et du musĂ©e Calvet Ă  Avignon de 1906 Ă  1949 ; il Ă©tait de tendance anticlĂ©ricale et rĂ©publicaine. Sa mĂšre, qui fut la premiĂšre bacheliĂšre du dĂ©partement de la DrĂŽme, Ă©tait catholique. Il a comme deuxiĂšme et troisiĂšme prĂ©noms : NoĂ«l ThĂ©ophile, et est le deuxiĂšme garçon d'une famille de cinq enfants[2]. Il apprend Ă  lire seul Ă  l'Ăąge de six ans[3]. De 1943 Ă  1947, RenĂ© Ă©tudie Ă  l'École nationale des chartes Ă  Paris, dans la mĂȘme promotion que Henri-Jean Martin. Il soutient sa thĂšse d'archiviste palĂ©ographe sur La Vie privĂ©e Ă  Avignon dans la seconde moitiĂ© du XVe siĂšcle, sous la direction de Marcel Aubert et AndrĂ© Masson[4].

En 1947, en dĂ©pit des conseils de son ami RenĂ© Char, il part comme enseignant de français avec une bourse du gouvernement pour les États-Unis, oĂč il fera toute sa carriĂšre. Il s'y marie le , selon le rite mĂ©thodiste[2], avec Mlle Martha McCullough, bibliothĂ©caire, dont il aura trois enfants : Martin, Daniel et Marie[5]. Il obtient un doctorat d'histoire en 1950 Ă  l'universitĂ© de l'Indiana Ă  Bloomington avec une thĂšse intitulĂ©e American Opinion of France : 1940-1943. À l'universitĂ© de l'Indiana Ă  Bloomington, il commence Ă  enseigner la littĂ©rature, domaine qui assure sa rĂ©putation. Il devient professeur Ă  l'universitĂ© Duke (1952-1953), puis professeur assistant Ă  Bryn Mawr College (1953-1957). De 1957 Ă  1968, il enseigne Ă  l'universitĂ© Johns Hopkins de Baltimore, oĂč il cĂŽtoie Leo Spitzer, Georges Poulet et Jean Starobinski[6]. En , il y organise un colloque international sur Les Langages de la critique et les sciences de l'homme, qui rĂ©unit les plus grands noms de la critique française : Roland Barthes, Jacques Lacan, Lucien Goldmann, Jean Hyppolite, Paul de Man, Edward Said, Guy Rosolato, Nicolas Ruwet, Tzvetan Todorov et Jean-Pierre Vernant[7]. Alors que l'objectif de cette French Invasion Ă©tait de faire dĂ©couvrir le structuralisme aux universitaires amĂ©ricains, un philosophe jusqu'alors inconnu, Jacques Derrida, accapara l'attention avec une communication[8] qui eut pour effet de dynamiter le structuralisme et d'Ă©tablir la dĂ©construction comme la nouvelle thĂ©orie dominante, au grand dĂ©plaisir de Girard qui la qualifiera de « peste » pour les universitĂ©s amĂ©ricaines[9].

En 1968, Girard rejoint l'universitĂ© d'État de New York Ă  Buffalo, oĂč il enseigne jusqu'en 1975, aprĂšs quoi il retourne pour quatre ans Ă  Johns Hopkins (1976-1980), oĂč il se lie et collabore avec Michel Serres. RenĂ© Girard l'invite frĂ©quemment dans cette universitĂ©, et lorsqu'il va sur la cĂŽte ouest Michel Serres le suit[10].

Son premier livre est publiĂ© en 1961 : il s'agit de Mensonge romantique et VĂ©ritĂ© romanesque, oĂč il expose sa dĂ©couverte du dĂ©sir mimĂ©tique. Puis il commence Ă  rĂ©flĂ©chir aux aspects anthropologiques du mimĂ©tisme comportemental : la question du sacrifice. Ce sera l'objet de son livre le plus connu, La Violence et le SacrĂ©, paru en 1972. Sa thĂšse est assez mal reçue par la critique parce qu'elle remet en cause certains concepts fondamentaux de Freud et de LĂ©vi-Strauss[11]. Il prĂ©pare la troisiĂšme Ă©tape de son travail thĂ©orique dĂšs 1971. La relative incomprĂ©hension qu'a rencontrĂ©e La Violence et le sacrĂ© lui fait Ă©prouver la difficultĂ© de rendre ses idĂ©es accessibles[12]. Avec l'aide de Jean-Michel Oughourlian et de Guy Lefort, deux psychiatres français, il met au point l'ouvrage qui expose l'ensemble de sa pensĂ©e, y compris, pour la premiĂšre fois, le rĂŽle central qu'ont pour lui les textes bibliques. Ce livre, Des choses cachĂ©es depuis la fondation du monde, paru en 1978, est bien accueilli par le grand public français mais « reçu par un silence Ă  peu prĂšs total[12] » dans les milieux universitaires. MalgrĂ© cela, il poursuit sa recherche et prĂ©cise sa pensĂ©e dans de nombreux ouvrages. La mĂȘme annĂ©e, RenĂ© Girard sera reçu Franc-Maçon au sein de la Grande Loge nationale française[13].

Il poursuit sa carriĂšre universitaire Ă  Stanford, de 1980 jusqu'Ă  sa retraite en 1995. Il y dirige, avec Jean-Pierre Dupuy, le Program for interdisciplinary research, qui organise plusieurs colloques importants.

Le , RenĂ© Girard est Ă©lu Ă  l'AcadĂ©mie française au fauteuil 37, succĂ©dant au rĂ©vĂ©rend pĂšre Ambroise-Marie CarrĂ©, mort en . Il est reçu sous la Coupole le [14], Michel Serres, son ami de longue date, le qualifiant de « nouveau Darwin des sciences humaines » et Pierre Chaunu d'« Albert Einstein des sciences de l’homme »[15].

RenĂ© Girard meurt le Ă  Stanford[16], en Californie, Ă  l'Ăąge de 91 ans. Ses obsĂšques ont lieu le Ă  l'Abbaye de Saint-Germain-des-PrĂ©s, dans le VIe arrondissement, Ă  Paris, en prĂ©sence de Michel Serres, qui prononce avant la cĂ©rĂ©monie religieuse un discours en son hommage[17].

Pensée

CaractÚre mimétique du désir

RenĂ© Girard est professeur de littĂ©rature française aux États-Unis Ă  la fin des annĂ©es 1950 et cherche une nouvelle façon de parler de littĂ©rature. Au-delĂ  de la « singularitĂ© » des Ɠuvres, il cherche ce qu’elles ont de commun et s’aperçoit que les personnages crĂ©Ă©s par les grands Ă©crivains Ă©voluent dans une mĂ©canique de rapports prĂ©sente d'un auteur Ă  l'autre : « Seuls les grands Ă©crivains rĂ©ussissent la peinture de ces mĂ©canismes sans la fausser au bĂ©nĂ©fice de leur Moi : on tient lĂ  un systĂšme de rapports qui, paradoxalement ou plutĂŽt pas paradoxalement du tout, varie d'autant moins que les Ă©crivains sont plus grands[18]. » Il existerait donc bien des « lois psychologiques », comme le dit Marcel Proust. Ces lois, ou cette mĂ©canique, si bien dĂ©crites par les romanciers, RenĂ© Girard en dĂ©gage et formule clairement le fondement : le caractĂšre mimĂ©tique du dĂ©sir. Tel est le contenu de son premier livre : Mensonge romantique et VĂ©ritĂ© romanesque (1961). Selon Girard, tout dĂ©sir est l'imitation du dĂ©sir d'un autre. Loin d’ĂȘtre autonome (c'est l'illusion romantique), notre dĂ©sir est toujours suscitĂ© par le dĂ©sir qu'un autre — le modĂšle — a d'un objet quelconque. Le sujet dĂ©sirant attribue un prestige particulier au modĂšle : l'autonomie mĂ©taphysique ; il croit que le modĂšle dĂ©sire par lui-mĂȘme. Le rapport n’est pas direct entre le sujet et l’objet : il y a toujours un triangle[19]. À travers l’objet, c’est le modĂšle, que Girard appelle mĂ©diateur, qui attire ; c'est l'ĂȘtre du modĂšle qui est recherchĂ©. RenĂ© Girard qualifie le dĂ©sir de mĂ©taphysique dans la mesure oĂč, dĂšs lors qu'il est autre chose qu'un simple besoin ou appĂ©tit, « tout dĂ©sir est dĂ©sir d’ĂȘtre[20] », aspiration Ă  la plĂ©nitude ontologique attribuĂ©e au mĂ©diateur. En cela, contrairement au besoin, le dĂ©sir humain recĂšle un caractĂšre infini, au sens oĂč il ne peut jamais ĂȘtre vĂ©ritablement satisfait.

Médiation externe, médiation interne

La mĂ©diation est externe lorsque le mĂ©diateur du dĂ©sir est socialement hors d’atteinte du sujet, voire hors du monde rĂ©el comme l'est Amadis de Gaule pour Don Quichotte. Le hĂ©ros vit une sorte de folie qui reste cependant optimiste. La mĂ©diation est interne lorsque le mĂ©diateur est rĂ©el et au mĂȘme niveau que le sujet. Il se transforme alors en rival et en obstacle pour l’appropriation de l'objet, dont la valeur augmente Ă  mesure que la rivalitĂ© croĂźt. C’est l'univers des romans de Stendhal, Proust ou DostoĂŻevski, Ɠuvres particuliĂšrement Ă©tudiĂ©es dans Mensonge romantique et VĂ©ritĂ© romanesque.

Littérature

Croire Ă  l’autonomie de notre dĂ©sir c’est l’illusion romantique qui est Ă  la base de la plus large littĂ©rature. DĂ©couvrir la rĂ©alitĂ© du dĂ©sir, dĂ©voiler le mĂ©diateur, c’est ce que rĂ©alisent les grands romanciers comme ceux qui sont Ă©tudiĂ©s dans ce livre, c’est accĂ©der Ă  la vĂ©ritĂ© romanesque. C'est notamment Ă  travers l'exemple de l'Ă©volution de Proust que RenĂ© Girard dĂ©crit cette conversion romanesque nĂ©cessaire Ă  la vĂ©ritable grandeur littĂ©raire. Dans Jean Santeuil, premier roman (inachevĂ©) de Proust, l'Ă©crivain place son hĂ©ros dans la loge de Mme de Guermantes, arrivĂ©, heureux et triomphant. Dans À la recherche du temps perdu, Proust inverse son point de vue et place le narrateur dans le parterre obscur, contemplant avec aviditĂ© l'objet inaccessible de son dĂ©sir, la loge de Mme de Guermantes. Cette inversion, rĂ©vĂ©latrice de la vĂ©ritable nature du dĂ©sir, donne Ă  la scĂšne la profondeur et la grandeur littĂ©raire qui faisaient dĂ©faut Ă  la scĂšne correspondante de Jean Santeuil. En effet, l'expĂ©rience vĂ©ritable du dĂ©sir est celle du manque, de l'humiliation et de la diminution d'ĂȘtre, face Ă  un mĂ©diateur qui semble tout-puissant, quelle que soit la position objective occupĂ©e par le sujet. C'est en renonçant au rĂȘve romantique du triomphe et de la plĂ©nitude individuelle, tels qu'ils sont fantasmĂ©s dans la reprĂ©sentation que le sujet dĂ©sirant se fait de son mĂ©diateur, que Proust trouve l'inspiration qui lui permettra d'achever l'immense somme romanesque que constitue la Recherche. DĂ©jĂ  esquissĂ©e dans Mensonge romantique et VĂ©ritĂ© romanesque, l'analyse mimĂ©tique de l’Ɠuvre de Shakespeare est approfondie dans Les Feux de l'envie.

Métamorphoses du désir

À travers leurs personnages, ce sont nos comportements qui sont mis en scĂšne. Chacun tient absolument Ă  l’illusion de l’authenticitĂ© de ses dĂ©sirs ; les romanciers exposent implacablement toute la diversitĂ© des mensonges, dissimulations, manƓuvres – comme le « snobisme » des hĂ©ros proustiens – qui ne sont que les « ruses du dĂ©sir » pour Ă©viter de voir en face sa vĂ©ritĂ© : l’envie et la jalousie.

Tels personnages, fascinĂ©s par le mĂ©diateur, parant ce dernier de vertus surhumaines en mĂȘme temps qu’eux-mĂȘmes se dĂ©prĂ©cient, en font un dieu en faisant d’eux-mĂȘmes des esclaves, ceci dans une mesure d’autant plus grande que le mĂ©diateur leur fait obstacle. Certains, poussant cette logique, en viennent Ă  poursuivre les Ă©checs qui sont les signes les plus sĂ»rs de la proximitĂ© de l’idĂ©al auquel ils aspirent. C’est le masochisme qui peut se renverser en sadisme.

Critique de la psychanalyse

Dans La Violence et le SacrĂ©, RenĂ© Girard consacre un chapitre entier Ă  l'analyse critique des Ɠuvres de Freud. En analysant les versions successives de la thĂ©orie freudienne en cours d'Ă©laboration, RenĂ© Girard estime que Freud dans ses premiers ouvrages et aussi dans Totem et Tabou frĂŽle le concept de dĂ©sir mimĂ©tique, mais sans jamais le formaliser, et ceci au profit des concepts freudiens actuels.

Parce qu’il n’a pas perçu le caractĂšre mimĂ©tique du dĂ©sir et la dynamique de la rivalitĂ© mimĂ©tique qui en dĂ©coule, et pour donner une thĂ©orie du triangle conflictuel qu’il rencontre partout chez ses patients, Freud a postulĂ© le complexe d'ƒdipe. LĂ  oĂč la conception mimĂ©tique dĂ©tache le dĂ©sir de tout objet, Freud tient au dĂ©sir fondĂ© sur l’objet (la mĂšre). LĂ  oĂč elle fait de la violence une consĂ©quence de la rivalitĂ©, Freud doit supposer une conscience de la rivalitĂ© paternelle et de ses consĂ©quences meurtriĂšres. Cette invraisemblable conscience, chez un enfant, de vouloir possĂ©der sa mĂšre et tuer son pĂšre, oblige Freud Ă  introduire l’inconscient et le refoulement, et de proche en proche toutes ces « instances » et « instincts », comme autant d’hypothĂšses superflues. LĂ  oĂč, on l’a vu, la logique du dĂ©sir mimĂ©tique peut produire des conduites apparaissant comme recherches volontaires de l’échec, Freud doit par exemple postuler un « instinct de mort », alors que Girard estime que son concept de dĂ©sir mimĂ©tique permet de mieux expliquer et de rendre plus cohĂ©rentes les observations de la psychanalyse.

« Conversion »

Dans plusieurs de ses ouvrages (Quand ces choses commenceront, Anorexie et désir mimétique, etc.), René Girard a confessé que concevoir la théorie mimétique avait nécessité une « conversion ». Il n'évoque pas ici une conversion d'ordre religieux, mais une conversion du désir, qui doit comprendre son propre mimétisme et le mythe que constitue son « moi » autonome et romantique.

Cette « conversion » est Ă©galement requise de la part du lecteur, bien qu'elle ne puisse jamais ĂȘtre totale. Cet aspect « existentiel » de la rĂ©ception de l'Ɠuvre de Girard est souvent mis en valeur par ses lecteurs[21].

La Violence et le sacré

Sa « dĂ©couverte » du dĂ©sir mimĂ©tique amĂšne RenĂ© Girard Ă  s’interroger sur la violence, orientant ainsi son intĂ©rĂȘt dans le champ de l'anthropologie. Aristote avait remarquĂ© que l'homme Ă©tait l'espĂšce la plus apte Ă  l'imitation[22]. C'est ce qui explique les extraordinaires facultĂ©s d'apprentissage des humains, mais aussi la facilitĂ© avec laquelle la rivalitĂ© mimĂ©tique se dĂ©veloppe Ă  partir des conflits pour l'appropriation des objets. Cette rivalitĂ© Ă©tant contagieuse, la violence menace Ă  tout instant. Ceci doit avoir une incidence sur l’organisation des groupes humains. Pour Girard, « s’il y a un ordre normal dans les sociĂ©tĂ©s, il doit ĂȘtre le fruit d’une crise antĂ©rieure, il doit ĂȘtre la rĂ©solution de cette crise[23]. » Il entreprend de lire toute la littĂ©rature ethnologique et dĂ©bouche sur sa deuxiĂšme grande hypothĂšse : le mĂ©canisme victimaire ou mĂ©canisme de la victime Ă©missaire, Ă  l’origine du religieux archaĂŻque, qu’il expose dans son deuxiĂšme livre, La Violence et le sacrĂ© (1972).

Processus d’hominisation

La prĂ©vention du retour de cette crise terrifiante est une nĂ©cessitĂ© existentielle pour le groupe et on peut imaginer l’intense concentration qui se fait sur la victime qui l'a sauvĂ© : la premiĂšre attention non instinctuelle. Parce qu'ils veulent rester rĂ©conciliĂ©s, nos ancĂȘtres proto-humains s’attachent au maintien de cette paix miraculeuse en substituant Ă  la victime originaire, dans les rites, des victimes nouvelles. Les conditions sont remplies pour l'apparition du premier signifiant, le plus simple – une unitĂ© se dĂ©tachant sur une masse indiffĂ©renciĂ©e – Ă  travers la nĂ©cessitĂ© du choix d'une victime. Ce premier symbole, la victime, signifie tout d’abord tout ce qui est en rapport avec le mĂ©canisme rĂ©conciliateur : le sacrĂ©, qui a le caractĂšre d'une transcendance terrifiante Ă  la fois bĂ©nĂ©fique et malĂ©fique. On peut penser de mĂȘme que le premier monument fut une tombe : celle de la victime. Ce premier signifiant simple se diffĂ©rencie ensuite : « L’impĂ©ratif rituel ne fait qu’un avec la manipulation des signes, avec leur multiplication et, constamment, s’offrent alors de nouvelles possibilitĂ©s de diffĂ©renciation et d’enrichissement culturel[24]. » Ce qui Ă©merge et se dĂ©veloppe progressivement sur une pĂ©riode de centaines de milliers d’annĂ©es, c’est un nouveau mode de gestion de la violence, qui consiste Ă  la diffĂ©rer, c’est la substitution aux protections instinctuelles, de protections — interdits et rites — qu’on peut qualifier de culturelles, et l’élaboration parallĂšle de la pensĂ©e symbolique.

Le religieux archaĂŻque apparaĂźt comme la forme originelle de la culture, ce qu'avait pressenti Durkheim. Il permet de comprendre le besoin de victimes sacrificielles : « Les sacrifices sanglants sont des efforts pour refouler et modĂ©rer les conflits internes des communautĂ©s archaĂŻques en reproduisant aussi exactement que possible, aux dĂ©pens des victimes substituĂ©es Ă  la victime originelle, des violences rĂ©elles qui, dans un passĂ© non dĂ©terminable mais pas mythique du tout, avaient rĂ©ellement rĂ©conciliĂ© ces communautĂ©s, grĂące Ă  leur unanimitĂ©[25]. » Le besoin de victimes sacrificielles permet Ă  son tour d’expliquer la domestication des animaux comme rĂ©sultat fortuit de l’acclimatation d’une rĂ©serve de victimes[26], ou l'agriculture.

Texte biblique comme science de l’homme

Dans Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978), René Girard aborde pour la premiÚre fois le christianisme et la Bible.

Les Évangiles se prĂ©sentent apparemment comme n’importe quel rĂ©cit mythique, avec une victime-dieu lynchĂ©e par une foule unanime, Ă©vĂ©nement remĂ©morĂ© ensuite par les sectateurs de ce culte par le sacrifice rituel – symbolique celui-lĂ  – eucharistique. Le parallĂšle est parfait sauf sur un point : la victime est innocente. Le rĂ©cit mythique est construit sur le mensonge de la culpabilitĂ© de la victime en tant qu'il est rĂ©cit de l’évĂ©nement vu dans la perspective des lyncheurs unanimes. C’est la « mĂ©connaissance » indispensable Ă  l’efficacitĂ© de la violence sacrificielle.

La « bonne nouvelle » Ă©vangĂ©lique affirme clairement l'innocence de la victime, devenant ainsi, en s'attaquant Ă  la « mĂ©connaissance », le germe de la destruction de l'ordre sacrificiel sur lequel repose l'Ă©quilibre des sociĂ©tĂ©s. DĂ©jĂ  l'Ancien Testament montre ce retournement des rĂ©cits mythiques dans le sens de l'innocence des victimes (Abel, Joseph, Job, Suzanne
) et les HĂ©breux ont pris conscience de la singularitĂ© de leur tradition religieuse. Avec les Évangiles, c’est en toute clartĂ© que sont dĂ©voilĂ©es ces « choses cachĂ©es depuis la fondation du monde » (Matthieu 13, 35), la fondation de l'ordre du monde sur le meurtre, dĂ©crit dans toute sa cruautĂ© et sa violence dans le rĂ©cit de la Passion.

La rĂ©vĂ©lation est d'autant plus claire que le texte entier est un savoir sur le dĂ©sir et la violence, depuis la mĂ©taphore du serpent allumant le dĂ©sir d’Ève au paradis jusqu’à la force prodigieuse du mimĂ©tisme qui entraĂźne le reniement de Pierre au moment de la Passion. RenĂ© Girard explicite des expressions bibliques comme « scandale » qui signifie la rivalitĂ© mimĂ©tique, l’obstacle que constitue le rival, ou Satan qui symbolise le processus mimĂ©tique tout entier depuis la rivalitĂ© jusqu’à la rĂ©solution victimaire, fondatrice d’un nouvel ordre. Dans les Évangiles, le Dieu de violence a entiĂšrement disparu. Personne n’échappe Ă  sa responsabilitĂ©, l’envieux comme l’enviĂ© : « Malheur Ă  celui par qui le scandale arrive ». Reprenant la formule de Simone Weil, RenĂ© Girard Ă©crit : « Avant d’ĂȘtre une thĂ©orie de Dieu, une thĂ©ologie, les Évangiles sont une “thĂ©orie de l’homme”, une anthropologie[27]. »

Question de la foi

RenĂ© Girard est croyant depuis sa conversion au catholicisme intervenue Ă  l’époque oĂč il prĂ©parait son premier livre. Mais il a dĂ©veloppĂ© son Ɠuvre de façon rigoureuse — « Aucun appel au surnaturel ne doit rompre le fil des analyses anthropologiques[28] » — et a toujours affirmĂ© que la thĂ©orie mimĂ©tique doit ĂȘtre jugĂ©e Ă  l’aune de sa puissance explicative et de sa simplicitĂ©. Son Ɠuvre peut ĂȘtre caractĂ©risĂ©e comme une « anthropologie Ă©vangĂ©lique » dans la mesure oĂč, pour lui, la thĂ©orie mimĂ©tique ressort telle quelle des textes bibliques et Ă©vangĂ©liques[29] qui « permettent de rĂ©soudre des Ă©nigmes que la pensĂ©e moderne n'a jamais rĂ©solues, au premier chef celle du religieux archaĂŻque qui ne fait qu'un avec l'Ă©nigme du fondement social[30] ».

Paul Valadier dans la revue Etudes exprime sa rĂ©ticence Ă  l'Ă©gard de cette thĂ©orie qui assimilerait Ă  ses yeux la foi Ă  une Ă©vidence scientifique, dans un commentaire de Celui par qui le scandale arrive : « Au reproche fait jadis d’avoir affaire Ă  une gnose nouvelle maniĂšre (le salut viendrait de la connaissance du mĂ©canisme victimaire) ou Ă  du pĂ©lagianisme, Girard oppose maintenant que l’entrĂ©e dans l’intelligence de sa thĂ©orie suppose une conversion (p. 99), et mĂȘme une grĂące. Mais comment concilier cette rectification avec l’affirmation maintenue que la thĂ©orie est scientifique et relĂšve – ou relĂšvera bientĂŽt – de l’évidence? On voit mal comment la foi pourrait Ă©chapper au registre de la libre adhĂ©sion, qui est tout autre que la dĂ©couverte d’un mĂ©canisme victimaire, mĂȘme s’il faut, en effet, quelque courage pour admettre que ce mĂ©canisme concerne chacun d’entre nous[31]. »

À propos de la folie de Nietzsche

Pour Girard, Nietzsche compte parmi ceux qui ont le mieux compris ce qui se joue dans la rĂ©vĂ©lation chrĂ©tienne et son pouvoir de subversion de l'ordre sacrificiel que Nietzsche rĂȘve de voir renaĂźtre au prix d'une extrĂȘme tension. Il voit dans la violence de ce refus une source de la folie dans laquelle il sombrera.

« Entre Dionysos et JĂ©sus, il n'y a « pas de diffĂ©rence quant au martyr », autrement dit les rĂ©cits de la Passion racontent le mĂȘme type de drame que les mythes, c'est le « sens » qui est diffĂ©rent. Tandis que Dionysos approuve le lynchage de la victime unique, JĂ©sus et les Évangiles le dĂ©sapprouvent. Les mythes reposent sur une persĂ©cution unanime. Le judaĂŻsme et le christianisme dĂ©truisent cette unanimitĂ© pour dĂ©fendre les victimes injustement condamnĂ©es, pour condamner les bourreaux injustement lĂ©gitimĂ©s. Cette constatation simple mais fondamentale, si incroyable que cela paraisse, personne ne l'avait faite avant Nietzsche, pas un chrĂ©tien ne l'avait faite ! Sur ce point prĂ©cis, par consĂ©quent, il faut rendre Ă  Nietzsche l'hommage qu'il mĂ©rite. Au-delĂ  de ce point hĂ©las, il ne fait que dĂ©lirer. (
)[32] »

Achever Clausewitz : René Girard, penseur de l'apocalypse

En 2007, RenĂ© Girard inaugure une nouvelle Ă©tape de ses recherches et de sa pensĂ©e avec Achever Clausewitz[33]. Dans ce livre d’entretiens avec BenoĂźt Chantre, il analyse l’histoire contemporaine et ses conflits Ă  l’aune du traitĂ© De la guerre de Carl von Clausewitz, restĂ© connu pour la formule : « La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. » En effet, le stratĂšge prussien parle volontiers de « duel », d’« action rĂ©ciproque » ou de « montĂ©e aux extrĂȘmes ». Pour RenĂ© Girard, c’est le signe que Clausewitz a compris mieux qu’aucun de ses contemporains ce qui s’était jouĂ© avec les guerres napolĂ©oniennes : la rivalitĂ© mimĂ©tique entre la France et l’Allemagne nourrit une montĂ©e aux extrĂȘmes de la violence qui aboutira Ă  une vision de la guerre comme anĂ©antissement de l’adversaire, destruction de l’autre, perçu comme le diffĂ©rent et qui est pourtant l’identique, le gĂ©mellaire, contre lequel lutter par une « guerre absolue », un duel qui semble la continuation, avec les moyens de la guerre moderne et Ă  une plus vaste Ă©chelle, du sacrifice originel du frĂšre jumeau[34]. Contre la lecture rationaliste de Raymond Aron, qui ne voit qu’un concept dans la « guerre absolue » et qui pose la politique comme moyen de rĂ©solution des conflits[35], RenĂ© Girard achĂšve Clausewitz en ce sens qu’il pousse la logique du traitĂ© De la guerre jusqu’à son terme : du dĂ©but du XIXe siĂšcle jusqu’au dĂ©but du XXIe siĂšcle, de la bataille d'IĂ©na aux attentats du 11 septembre 2001, l’histoire s’est accĂ©lĂ©rĂ©e[36] et la violence a engendrĂ© toujours plus de violence. Achever Clausewitz affirme que « l’apocalypse est une menace rĂ©elle aujourd’hui, et au niveau de la planĂšte[37] » : parce que l’humanitĂ© d'aujourd’hui a les moyens techniques et technologiques de dĂ©truire toute vie sur la planĂšte, tant la violence s’est intensifiĂ©e. Pour RenĂ© Girard toutefois, il s’agit aussi de comprendre l'« apocalypse » dans son sens Ă©tymologique et Ă©vangĂ©lique de « rĂ©vĂ©lation ». L’apocalypse est ce qui rĂ©vĂšle aux hommes leur propre violence sans limites. En s’appuyant sur la tradition prophĂ©tique, le penseur de la thĂ©orie mimĂ©tique affirme que la Bible et les prophĂštes nous montrent dĂ©jĂ  que le Messie, par son sacrifice, est celui qui rĂ©vĂšle l’innocence des boucs Ă©missaires et la violence Ă  l'origine de toute sociĂ©tĂ© humaine[38]. Mais le message chrĂ©tien n’aurait pas Ă©tĂ© compris par la modernitĂ©, moment oĂč la violence se dĂ©chaĂźne puisque nul mythe ni sacrifice ne peuvent plus la contenir[39]. Et RenĂ© Girard d’en appeler Ă  l'eschatologie Ă  l’horizon de laquelle se profilent, soit le choix d’une apocalypse destructrice, soit « l'avĂšnement du Royaume[40]. »

Sources de sa pensée


Si la théorie du désir mimétique présente une originalité incontestable, il est néanmoins possible de repérer, dans l'histoire de la pensée économique et philosophique, des auteurs dont René Girard s'est inspiré ou qui présentent des traits communs de réflexion avec sa pensée.

Tout d'abord, la thĂ©orie de la consommation ostentatoire dĂ©veloppĂ©e par Thorstein Veblen est citĂ©e par RenĂ© Girard dans Mensonge romantique et vĂ©ritĂ© romanesque en ce qu'elle montre que la quĂȘte effrĂ©nĂ©e pour les objets de luxe exprime la rivalitĂ© entre voisins, membres d'une mĂȘme catĂ©gorie sociale. Plus l'autre est ressenti comme semblable Ă  soi, plus le besoin de se distinguer au moyen d'un objet de luxe est forte.

En outre, sa thĂ©orie de la rivalitĂ© mimĂ©tique par laquelle les hommes deviennent des dieux les uns pour les autres et la ressemblance Ă  une sorte de guerre de tous contre tous rappelle le LĂ©viathan de Thomas Hobbes. En effet, l'Ă©galitĂ© fondamentale entre les hommes qui empĂȘche une domination de s'exercer entraĂźne une guerre de tous contre tous. Face Ă  cette Ă©galitĂ© qui tue, le contrat invente la diffĂ©rence qui sauve, explique Thomas Hobbes. Il y a lĂ  une inspiration commune avec RenĂ© Girard, pour qui la ressemblance et la comparaison permanente des uns avec les autres (rendues possibles par l'absence de toute diffĂ©rence assez puissante pour les tenir Ă  distance les uns des autres) est le moteur des rivalitĂ©s entre individus.

De façon générale, la pensée de René Girard s'apparente aux pensées pour lesquelles le conflit entre individus est au fondement de la réalité sociale qui le médiatise et le transforme sans jamais l'abolir. La complémentarité est une source de conflit et non ce qui peut aboutir à une coopération.

La lutte pour la reconnaissance de soi analysĂ©e par Alexandre KojĂšve dans son ouvrage Introduction Ă  la lecture de Hegel prĂ©sente des similitudes frappantes avec la thĂ©orie du dĂ©sir mimĂ©tique. KojĂšve distingue effectivement le dĂ©sir animal, qui porte sur un objet qui est dĂ©truit ou transformĂ© Ă  l'occasion de la satisfaction de ce dĂ©sir (par exemple le fait de manger une pomme), du dĂ©sir proprement humain, qui est dĂ©sir d'ĂȘtre dĂ©sirĂ©, c'est-Ă -dire reconnu par l'autre.

Des points communs peuvent ĂȘtre Ă©galement trouvĂ©s entre son anthropologie mimĂ©tique et les Lois de l'imitation pensĂ©es par Gabriel Tarde.

DĂ©veloppements

RenĂ© Girard n’a cessĂ© dans ses livres suivants de revenir sur ses analyses pour les approfondir et les prĂ©ciser.

Le Bouc émissaire (1982) analyse entre autres les textes de persécution du XIIIe siÚcle accusant les juifs d'infanticide, d'empoisonnement, etc., comme les mythes. Le caractÚre fallacieux des accusations est une évidence pour tous dans le cas de ces textes mais pourquoi pas dans celui des mythes ?

Quand ces choses commenceront (1994) est un entretien avec Michel Treguer oĂč l’on trouve de nombreux Ă©lĂ©ments autobiographiques.

Dans Celui par qui le scandale arrive (2001), Girard revient, notamment, sur la dĂ©licate question du sacrifice qu'il avait cru pouvoir Ă©carter dans l’interprĂ©tation de la Passion du Christ.

Prolongements de sa pensée dans les sciences

Sciences expérimentales

La thĂ©orie du dĂ©sir mimĂ©tique de RenĂ© Girard constitue un exemple rare d'une thĂ©orie en sciences humaines qui a devancĂ© de nouvelles dĂ©couvertes en sciences expĂ©rimentales de plusieurs dĂ©cennies[41] - [42] - [43]. Des chercheurs en psychologie clinique comme Andrew Meltzoff[44] qui ont travaillĂ© sur le rapport entre imitation et intention et des neurologues comme Vittorio Gallese, chercheur italien qui a dĂ©couvert les neurones miroirs avec Giacomo Rizzolatti, ont commencĂ© Ă  s'intĂ©resser Ă  la thĂ©orie mimĂ©tique[45]. Dans un article paru dans le volume « Mimesis and Science », Meltzoff a lui-mĂȘme soulignĂ© cet accord[46]. Gallese a affirmĂ© que l'anthropologie de Girard constitue « un cadre de dĂ©part idĂ©al pour favoriser une approche interdisciplinaire de l'Ă©tude de l'intersubjectivitĂ© humaine[47]. »

Meltzoff a soulignĂ© la nouveautĂ© fĂ©conde de l'approche de Girard qui voit Ă©galement dans l'imitation une source potentielle de rivalitĂ© et de violence[48]. De mĂȘme Simon de Keukelaere a mis en exergue cet apport de la thĂ©orie mimĂ©tique qui « a d'Ă©normes consĂ©quences pour notre comprĂ©hension de l'homme. La mimĂšsis devient - du coup - fort paradoxale : elle peut ĂȘtre source d'empathie, de conformisme, mais aussi de rivalitĂ©[49]. »

Le neuropsychiatre et psychologue Jean-Michel Oughourlian poursuit les travaux de René Girard autour de la théorie du désir mimétique[50]. Dans Un mime nommé désir (Grasset 1982), Oughourlian utilise la théorie girardienne (rivalité mimétique, priorité du désir) pour étudier des phénomÚnes de psychopathologie comme l'obsession et l'hystérie.

Sciences Ă©conomiques

La théorie de la rivalité mimétique et de la violence qui fonde la société ont inspiré des auteurs comme Michel Aglietta et André Orléan pour qui la monnaie n'est pas seulement un instrument technique mais une institution qui permet de canaliser la violence de la société.

RĂ©ception critique

RenĂ© Girard est un auteur reconnu aux États-Unis, oĂč ses thĂ©ories sont enseignĂ©es et commentĂ©es, comme en Australie. De plus, son Ă©lection Ă  l’AcadĂ©mie française en 2005 a contribuĂ© Ă  faire connaĂźtre son « hypothĂšse mimĂ©tique ». Il n’échappe cependant pas aux analyses critiques. La plus sĂ©vĂšre est celle que propose l’universitaire français anti-religieux RenĂ© Pommier dans son ouvrage RenĂ© Girard : un allumĂ© qui se prend pour un phare (KimĂ©, 2010). Pommier analyse les diffĂ©rentes thĂ©ories de Girard, Ă  commencer par celle du dĂ©sir mimĂ©tique, qui, selon lui, « est un postulat sĂ©duisant mais absurde », ou encore celle qui fait naĂźtre la violence de la contagion du dĂ©sir. Fiction selon Pommier, qui voit dans les sentiments de peur ou de haine « des facteurs autrement plus probables ». Pour le rite du sacrifice, Pommier avance que Girard n’a pas compris les anthropologues. La lecture Ă  laquelle il s'est livrĂ© de la mythologie grecque et de l’Ancien Testament n’est pas Ă©pargnĂ©e non plus; il ne s'agirait que d'un « dĂ©lire interprĂ©tatif ». Enfin Pommier dĂ©nonce l’« autocĂ©lĂ©bration » qui caractĂ©riserait l'acadĂ©micien[51].

ƒuvre

Essais

  • Paris, Histoire de la gastronomie française, 1954
  • Mensonge romantique et VĂ©ritĂ© romanesque, Paris, Grasset, 1961. (ISBN 2-01-278977-3)
  • DostoĂŻevski : du double Ă  l’unitĂ©, Paris, Plon, 1963. (repris dans Critique dans un souterrain en 1976)
  • La Violence et le SacrĂ©, Paris, Grasset, 1972. (ISBN 2-01-278897-1)
  • Critique dans un souterrain, Lausanne, L'Âge D'Homme, 1976. (ISBN 2-253-03298-0)
  • Des choses cachĂ©es depuis la fondation du monde, (ISBN 2-253-03244-1) [Recherches associant Ă  l'auteur Jean-Michel Oughourlian et Guy Lefort], Paris, Grasset, 1978
  • Le Bouc Ă©missaire, Paris, Grasset, 1982 (ISBN 2-253-03738-9).
  • La Route antique des hommes pervers, Paris, Grasset, 1985 (ISBN 2-253-04591-8).
  • Shakespeare : les feux de l'envie, Paris, Grasset, 1990
  • Je vois Satan tomber comme l'Ă©clair, Paris, Grasset, 1999
  • Celui par qui le scandale arrive, Paris, DesclĂ©e de Brouwer, 2001 (ISBN 2-220-05011-4) [comprend trois courts essais et un entretien avec Maria Stella Barberi]
  • La Voix mĂ©connue du rĂ©el, Paris, Grasset, 2002. (ISBN 2-253-13069-9)
  • Le Sacrifice, Paris, BibliothĂšque Nationale de France, 2003. (ISBN 2-7177-2263-7)
  • Dieu, une invention ?, Ivry-sur-Seine, Ă©ditions de L'Atelier, 2007, avec AndrĂ© Gounelle et Alain Houziaux, (ISBN 2-7082-3922-8)
  • De la violence Ă  la divinitĂ©, Paris, Grasset, 2007. (ISBN 2-246-72111-3)
  • La Conversion de l'art, 2008, Paris, Flammarion, 2008 (ISBN 978-2-35536-016-9) [est accompagnĂ© d'un DVD], rĂ©Ă©dition: Champs-Flammarion, 2010
  • Anorexie et dĂ©sir mimĂ©tique, Paris, L'Herne, 2008. (ISBN 2-85197-863-2)
  • Christianisme et modernitĂ©, avec Gianni Vattimo, Paris, Champs-Flammarion, 2009 (ISBN 978-2-0812-2281-6)
  • GĂ©omĂ©tries du dĂ©sir, Paris, L'Herne, 2011 (ISBN 978-2-85197-922-3).

Publications universitaires

  • (en) To Double Business Bound: Essays on Literature, Mimesis, and Anthropology, 1978. Johns Hopkins University Press. (ISBN 0-8018-3655-7).
  • (en) Violent Origins: Walter Burkert, RenĂ© Girard, and Jonathan Z. Smith on Ritual Killing and Cultural Formation, 1987. Stanford University Press. (ISBN 0-8047-1518-1).
    • traduit en français en 2011 : Sanglantes origines : entretiens avec Walter Burkert, Renato Rosaldo et Jonathan Z. Smith. (ISBN 978-2-0812-4935-6).
  • (en) Oedipus unbound : selected writings on rivalry and desire, 2004. Stanford University Press. (ISBN 0-8047-4780-6).
  • (en) Mimesis and theory : essays on literature and criticism, 1953-2005, sous la direction de Robert Doran, 2008. Stanford University Press. (ISBN 0-8047-5580-9).

Livres d'entretiens

  • Quand ces choses commenceront
, Paris, ArlĂ©a, 1994. [entretiens avec Michel Treguer].
  • Les origines de la culture, Paris, DesclĂ©e de Brouwer, 2004 (ISBN 2-220-05355-5) [entretiens avec Pierpaolo Antonello et JoĂŁo CĂ©sar de Castro Rocha, suivis d’une rĂ©ponse Ă  RĂ©gis Debray concernant les critiques Ă©mises par ce dernier dans Le feu sacrĂ© (2003)].
  • VĂ©ritĂ© ou foi faible : dialogue sur christianisme et relativisme, 2006. [VeritĂ  o fede debole : dialogo su cristianesimo e relativismo, avec Gianni Vattimo, a cura di P. Antonello, Transeuropa Edizioni, Massa].
  • Achever Clausewitz : entretiens avec BenoĂźt Chantre, Paris, Carnets Nord, 2007 (ISBN 2-35536-002-2), rĂ©Ă©dition: Paris, Grasset, 2022
  • Conversations with RenĂ© Girard: Prophet of Envy, 2020 (ISBN 978-1350075160), ed. Cynthia L. Haven, Bloomsbury Academic (232 p.)

Distinctions

DĂ©corations

Prix

Films

Notes et références

  1. Christine Orsini, René Girard, Humensis, coll. « Que sais-je ? »,
  2. Site de Ruggiero del Ponte
  3. Marie-Dominique LeliÚvre, Book émissaire, Libération, 4 janvier 2003.
  4. Chronique de l'École des chartes et des archivistes-palĂ©ographes, 1948, p. 186.
  5. Biographie René Girard, Who's Who in France
  6. Bret McCabe, René Girard and the mysterious nature of desire, Hub, Johns Hopkins, 8 août 2018.
  7. Cynthia L. Haven, «The French Invasion», The Quarterly Conversation, 11 décembre 2017.
  8. «La structure, le signe et le jeu dans le discours des sciences humaines», publié dans L'écriture et la différence.
  9. CitĂ© par Cynthia L. Haven, qui prĂ©cise toutefois que Girard « although dismayed by the deconstructive frenzy Derrida wrought, clearly had respect for his colleague as well. In particular, he wrote and spoke admiringly of Derrida’s early essay, “Plato’s Pharmacy”, which anticipated his own insights in some respects»
  10. Le philosophe et académicien Michel Serres est mort.
  11. Guillaume Sire, « RenĂ© Girard (1923-2015). N’achevez pas RenĂ© Girard », HermĂšs, La Revue, no 75,‎ , p. 192 Ă  195 (lire en ligne).
  12. Les origines de la culture, Paris, Desclée de Brouwer, p. 51-53.
  13. Jean-Pierre Servel, Grand Maßtre de la GLNF, « Rencontres Lafayettes, "Autour de René Girard, des fondements de la violence à la fraternité", Conférence du 22 mars 2017 », sur http://franc-macons.centerblog.net, (consulté le )
  14. Discours de réception et réponse de Michel Serres
  15. « René Girard : un allumé qui se prend pour un phare », Note de lecture de Jacques Van Rillaer reprenant le titre d'un ouvrage de René Pommier peu favorable aux théories de Girard, SPS no 295, avril 2011.
  16. Jean Birnbaum, « Mort de RenĂ© Girard, anthropologue et thĂ©oricien de la « violence mimĂ©tique » », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consultĂ© le )
  17. AcadĂ©mie française, « Hommage Ă  M. RenĂ© Girard en l’église Saint-Germain-des-PrĂ©s » (consultĂ© le ).
  18. Quand ces choses commenceront
, Arléa p. 32.
  19. Montrer ce triangle n'est pas l'apanage des seules Ɠuvres « sĂ©rieuses », au contraire il est plus explicite dans des Ɠuvres satiriques et comiques, puisque c'est aussi le fameux triangle de vaudeville : le mari, la femme et l'amant (l'une objet, les deux autres l'un modĂšle et l'autre imitateur-dĂ©sirant), le spectacle de la rivalitĂ© crĂ©ant le malaise qui arme la rĂ©ponse sous forme de rire.
  20. Quand ces choses commenceront, Arlea p. 28.
  21. François Hien, « Hommage à René Girard », sur www.causeur.fr, (consulté le )
  22. Poétique, 4, 1448 b.
  23. Quand ces choses commenceront, Arlea, p. 29.
  24. Des choses cachées, Le livre de poche, p. 144.
  25. Je vois Satan tomber comme l'Ă©clair, Paris, Grasset, 1999, p. 126.
  26. Voir l'article sur les Aïnous, Une explication de la domestication. Le rituel de l'ours de ce peuple est commenté par Girard sur ce point.
  27. Je vois Satan tomber comme l'éclair, Desclée de Brouwer, p. 77.
  28. Je vois Satan tomber comme l'éclair, Desclée de Brouwer, p. 295.
  29. Celui par qui le scandale arrive, Desclée de Brouwer, p. 85.
  30. Quand ces choses commenceront, Arlea, p. 140.
  31. Valadier Paul,« RenĂ© Girard revisitĂ© », Études, 2002/6 Tome 396, p. 773-777, p. 776.
  32. Je vois Satan tomber comme l’éclair, 1999, p. 267-268
  33. René Girard, Achever Clausewitz, 2007, Flammarion, « Champs essais », 2011, 414 p.
  34. Ibid., « La montĂ©e aux extrĂȘmes », p. 25-65.
  35. Ibid., p. 33-34.
  36. Ibid., p. 209.
  37. Ibid., p. 55.
  38. Ibid., p. 188.
  39. Ibid., p. 149 et 202.
  40. Ibid., p. 149 et 215.
  41. Simon de Keukelaere, « Des dĂ©couvertes rĂ©volutionnaires en sciences cognitives. Les paradoxes et dangers de l'imitation »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?), Belgique, universitĂ© de Gand, (traduit du nĂ©erlandais par l'auteur)
  42. "In contrast to previous generations of scientific thought, Girard's mimetic theory hypothesizes a primordial role for imitation in the genesis of human culture, cognition, and sociality. From a developmental perspective, my research corroborates and elaborates this claim." (Andrew N. Meltzoff, « Imitation, gaze, and intentions », in Mimesis and violence (2011), p. 68.) René Girard a publié son premier livre en 1961 alors que les découvertes de Meltzoff, Gallese, Rizzolati, Trevarthen et autres viennent en effet deux, trois décennies plus tard.
  43. "What makes Girard's insights so remarkable is that he not only discovered and developed the primordial role of psychological mimesis (...) during a time when imitation was quite out of fashion, but he did so through investigation in literature, cultural anthropology, history... The parallels between Girard's insights and the only recent conclusions made by empirical researchers concerning imitation (in both development and the evolution of species) are extraordinary." Garrels, Scott R. (2006), "Imitation, Mirror Neurons and Mimetic Desire: Convergence between the Mimetic Theory of René Girard and Empirical Research on Imitation", Contagion: Journal of Violence, Mimesis and Culture, 12-13: 68.
  44. Imitation, Mirror Neurons, and Mimetic Desire : Convergence between the Mimetic Theory of René Girard and Empirical Research of Imitation de Scott R. Garrels
  45. Scott R. Garrels, Mimesis and Science, East Lansing, Michigan University Press, , 266 p. (ISBN 978-1-61186-023-8, lire en ligne)
  46. "My research suggets that infants may be "natural Girardians", at least with regard to two principle philosophical claims in his writing. First, imitation operates prior to language and other formal symbolic skills, and in turn is a primary precondition for their genesis; second, imitation extends beyond mere surface gestures and behaviors to underlying goals, desires, or intentions." (Andrew N. Meltzoff, « Imitation, Gaze, and Intentions », in Mimesis and Violence (2011), p. 68.)
  47. (en) Gallese Vittorio, « The two sides of Mimesis », Journal of Conciousness Studies, vol. 16, no 4,‎ , p. 21 (lire en ligne).
  48. (en) Andrew N. Meltzoff, « Imitation, Gaze, and Intentions », Mimesis and Violence,‎ , p. 70.
  49. « Automates intelligents : "Des découvertes révolutionnaires en sciences cognitives : les paradoxes et dangers de l'imitation." Par Simon de Keukelaere »
  50. Jean-Michel Oughourlian, GenÚse du désir, 2007, Paris, Carnets Nord.
  51. René Girard et les joies du bashing, Nicolas Journet, Sciences humaines, 15 juin 2011
  52. « Documentaire "RenĂ© Girard, la vĂ©ritĂ© mimĂ©tique" », LA VIE - revue hebdomadaire,‎ , page 106 - Article sur le documentaire "RenĂ© Girard, la vĂ©ritĂ© mimĂ©tique" (lire en ligne AccĂšs payant)

Voir aussi

Bibliographie

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  • Mark Anspach, ƒdipe mimĂ©tique, Paris, L'Herne, 2010.
  • Pascal Coulon, RenĂ© Girard, l'impensable violence, Paris, Germina, 2012.
  • BenoĂźt Chantre, Les Derniers jours de RenĂ© Girard, Paris, Grasset, 2016
  • Paul Dumouchel (Ă©d.), Violence et vĂ©ritĂ© – Actes du colloque de Cerisy, Paris, Grasset, 1985.
  • Jean-Pierre Dupuy et Paul Dumouchel, L'Enfer des choses, Paris, Le Seuil, 1979.
  • Jean-Pierre Dupuy et Michel Deguy (dir.), RenĂ© Girard et le problĂšme du mal, Paris, Grasset, 1982.
  • (en) Chris Fleming, RenĂ© Girard: Violence and Mimesis, Cambridge, Polity, 2004.
  • (en) Scott R. Garrels, « Imitation, Mirror Neurons, and Mimetic Desire: Convergence between the Mimetic Theory of RenĂ© Girard and Empirical Research on Imitation », in Contagion: Journal of Violence, Mimesis, and Culture, vol. 12-13 (2006), p. 47-86.
  • (en) Roland J. Golsan, RenĂ© Girard and Myth, New York-Londres, Garland Publishing, 1993.
  • Éric Haeussler, Des figures de la violence – Introduction Ă  la pensĂ©e de RenĂ© Girard, Paris, L'Harmattan, 2005.
  • Denis Huisman (dir.), Dictionnaire des philosophies, Paris, PUF, 1984, p. 1040-1044.
  • François Lagarde, RenĂ© Girard ou la christianisation des sciences humaines, New York, Peter Lang, 1994.
  • Alexandre LazaridĂšs, « Shakespeare. Les Feux de l’envie », Jeu, no 64,‎ , p. 202–205 (lire en ligne)
  • GĂ©rard Leclerc « In memoriam RenĂ© Girard » hommage de GĂ©rard Leclerc paru dans Royaliste page 9, .
  • Christine Orsini, La PensĂ©e de RenĂ© Girard, Paris, Retz, 1986.
  • Christine Orsini, RenĂ© Girard, Coll. "Que sais-je", PUF, 2018
  • Bernard Perret, Penser la foi chrĂ©tienne aprĂšs RenĂ© Girard, Paris, ArtĂšge, 2018.
  • RenĂ© Pommier, Être girardien ou ne pas ĂȘtre. Shakespeare expliquĂ© par RenĂ© Girard, KimĂ©, 2013.
  • RenĂ© Pommier, "Piques et polĂ©miques" (cinq chapitres sur RenĂ© Girard), KimĂ©, 2017.
  • Charles Ramond, Le Vocabulaire de Girard, Ellipses Marketing, 2005.
  • Dietmar Regensburger, Bibliography of RenĂ© Girard (1923-2015). In The Bulletin of the Colloquium on Violence and Religion vol. 73 (August 2022).
  • StĂ©phane Vinolo, RenĂ© Girard : du mimĂ©tisme Ă  l'hominisation, la violence « diffĂ©rente », Paris, L'Harmattan, 2005.
  • StĂ©phane Vinolo, RenĂ© Girard : ÉpistĂ©mologie du SacrĂ©, en VĂ©ritĂ© je vous le dis, Paris, L'Harmattan, 2007.

Liens externes

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