Relations entre l'Algérie et la France
Les relations entre l'AlgĂ©rie et la France sont des relations internationales s'exerçant entre un Ătat d'Afrique du Nord, la RĂ©publique algĂ©rienne dĂ©mocratique et populaire, et un autre principalement europĂ©en, la RĂ©publique française. Elles sont structurĂ©es par deux ambassades, l'ambassade d'AlgĂ©rie en France et l'ambassade de France en AlgĂ©rie.
Relations entre l'Algérie et la France | |
Algérie France | |
Ambassades | |
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Ambassade d'Algérie en France | |
Adresse | 50, rue de Lisbonne Paris 75008 |
Ambassade de France en Algérie | |
Adresse | 25, chemin Abdelkader Gadouche, Hydra (Alger) |
Rencontres sportives | |
Football | 1 |
Rugby Ă XV | 1 |
Historique
Moyen Ăge et Ă©poque moderne
Le sultanat de Béjaïa (Bougie-Constantine, à peu prÚs indépendant dÚs 1294) aurait été la premiÚre entité à conclure un traité de commerce et de navigation avec la commune de Marseille puis avec le royaume d'Aragon vers 1300.
Le premier contact franco-ottoman renseigné concerne Zizim (1459-1495), fils du sultan ottoman Mehmed II et un prétendant au trÎne de l'empire ottoman contre son frÚre Bayézed II. Philippe de Commines relate que Bajazet II envoie une ambassade à Louis XI en 1483, alors que son frÚre est en résidence (1482-1488, entre autres au Prieuré hospitalier de Bourganeuf), en France, sous la protection des Hospitaliers, presque comme otage privilégié, et pour qu'il y reste en captivité.
La CĂŽte des Barbaresques dĂ©signe, pour les EuropĂ©ens, vers 1500, les cĂŽtes (principalement) mĂ©diterranĂ©ennes de l'Afrique du Nord, sous domination ottomane ou non. Les Barbaresques dĂ©signent les pirates et corsaires musulmans maghrĂ©bins et ottomans opĂ©rant depuis l'Afrique du Nord, basĂ©s principalement dans les ports d'Alger, de Tunis, de Tripoli, et de SalĂ©, et se livrant entre autres Ă la traite des ĂȘtres humains, ou traite des esclaves de Barbarie : traite orientale, razzias en Europe, esclavage dans le monde musulman, esclavage en Tunisie.
Les premiers contacts diplomatiquement documentĂ©s de l'Ă©poque moderne ont lieu dĂšs 1500, alors que l'AlgĂ©rie (Maghreb central) est de fait un vassal de l'Empire ottoman « (du fait) que la menace de lâimpĂ©rialisme mercantiliste espagnol serait toujours suspendue sur un Maghreb Ă©miettĂ© politiquement en tribus, en sultanats expirants ou mort-nĂ©s, en confĂ©dĂ©rations dâoligarchies marchandes se soupçonnant mutuellement »[1] : Arudj Barberousse, Khayr ad-Din Barberousse. La RĂ©gence d'Alger (1516-1830) est pour l'Empire ottoman dĂšs 1520 un eyalet, la "Cezayir-i Garp" (al-JazÄ'ir). La France signe un premier traitĂ© ou Capitulation avec lâEmpire ottoman en 1500, sous les rĂšgnes de Louis XII et du sultan Bajazet II[2] - [3], dans lequel le sultan d'Ăgypte fait des concessions aux Français et aux Catalans.
En 1536, François Ier et Soliman le Magnifique concluent une alliance militaire, Alliance franco-ottomane, et en conséquence, la France entre en contact avec les Barbaresques, tributaires de la Sublime Porte. Les trois siÚcles de coexistence relÚvent des relations commerciales, parfois adossées à des interventions militaires. En témoigne le succÚs financier de la Compagnie royale d'Afrique (1560-1793) et de quelques autres compagnies commerciales françaises.
Le troisiĂšme Ătat impliquĂ© est alors l'Espagne (Afrique espagnole, PrĂ©sides espagnols sur les cĂŽtes marocaines en MĂ©diterranĂ©e) : relations entre l'AlgĂ©rie et l'Espagne, conflits algĂ©ro-hispaniques. La monarchie espagnole exerce le contrĂŽle sur Oran (1509-1708, puis 1732-1792) et le port voisin de Mers el-KĂ©bir pendant une grande partie de la premiĂšre pĂ©riode moderne.
La RĂ©gence d'Alger (1516-1830) est aussi l'Ă©poque des Ăchelles de Barbarie (comptoirs commerciaux europĂ©ens en terre d'islam (en Afrique du Nord)), dont le Bastion de France, La Calle, BĂŽne, Alger, Oran sont parmi les principales en AlgĂ©rie.
XIXe siĂšcle
L'entreprise coloniale française en AlgĂ©rie dĂ©bute en 1827, lorsque, pour des dĂ©saccords commerciaux, le Dey d'Alger, Hussein Dey, frappe le consul français envoyĂ© Ă sa rencontre : l'affaire de "l'Ă©ventail". En 1830, la France prend la dĂ©cision d'envahir le pays, soustrayant ainsi la rĂ©gence d'Alger Ă l'influence ottomane. L'Ătat d'Abdelkader (1832-1847), premier Ătat algĂ©rien moderne, avec l'aide de conseillers anglais, prussiens et polonais, est une rĂ©ponse Ă la dĂ©cadence du rĂ©gime des deys et du Diwan d'Alger. La longue conquĂȘte de l'AlgĂ©rie par la France (1830-1902) s'accompagne d'une colonie de peuplement afin d'Ă©tablir une AlgĂ©rie française (1830-1962), motivant plusieurs rĂ©voltes anti-coloniales.
XXe siĂšcle
En 1954, aprÚs les chocs des deux guerres mondiales, dans un contexte de ferveur nationaliste, et contre les positions de Messali Hadj, le Front de libération nationale, organisation paramilitaire, commence à cibler les pieds-noirs. Ainsi débute la guerre d'Algérie, connue en Algérie sous le nom de Révolution algérienne.
Les évÚnements d'Algérie entraßnent la chute de la QuatriÚme république, en 1958, à la suite de quoi est proclamée la constitution de la CinquiÚme république en France.
En 1962, le prĂ©sident de la RĂ©publique Charles de Gaulle conclut avec le Front de libĂ©ration nationale (FLN) les accords d'Ăvian, et l'indĂ©pendance de l'AlgĂ©rie est acquise par rĂ©fĂ©rendum.
Depuis l'indépendance algérienne
Les tensions entre les deux pays existent depuis des dĂ©cennies, et sont liĂ©es au passĂ© colonial et Ă la guerre dâindĂ©pendance algĂ©rienne (1954-1962). En France comme en AlgĂ©rie, cette histoire partagĂ©e est un sujet sensible pour une frange importante de la population[4]. Ces tensions sont accentuĂ©es par le fait que l'exaltation de la lutte anti-française comme seule et unique « rĂ©volution » a Ă©tĂ© longtemps la principale justification de la position du Front de libĂ©ration nationale (FLN) en tant que parti unique durant des dĂ©cennies[5] et de la mainmise de lâArmĂ©e nationale populaire sur les organismes dirigeants de la RĂ©volution et ensuite de lâĂtat[6]. Elle est une constante du discours officiel algĂ©rien, rĂ©guliĂšrement utilisĂ© pour disqualifier toute forme de contestation radicale[7]. TrĂšs longtemps, le pouvoir en AlgĂ©rie sâest lĂ©gitimĂ© par le recours Ă la sĂ©quence de la guerre dâindĂ©pendance contre la France et non par les urnes[8].
D'aprĂšs Jean-François Daguzan, il existe une « farouche volontĂ© française, qui dure depuis 1962, de ne jamais renoncer Ă cette coopĂ©ration si spĂ©ciale en dĂ©pit des avanies, voire des humiliations que la partie algĂ©rienne sait lui faire subir Ă date rĂ©guliĂšre et que les contrats Ă©conomiques nâexpliquent pas seulement. En effet, lâexistence dâune trĂšs forte communautĂ© algĂ©rienne ou dâorigine algĂ©rienne en France est le pivot de cette relation spĂ©ciale[9] ». Le gĂ©nĂ©ral De Gaule faisait preuve d'une rĂ©elle patiente Ă l'Ă©gard du nouvel Ătat considĂ©rant que l'AlgĂ©rie constituait la porte ouverte par laquelle devait passer la politique française vers le tiers monde[10].
Le , la France et l'AlgĂ©rie signent un accord visant Ă rĂ©pondre aux besoins de main-d'Ćuvre nĂ©cessaires Ă l'accĂ©lĂ©ration de la croissance Ă©conomique française[11]. Cet accord dĂ©finit les conditions de circulation, de sĂ©jour et de travail des algĂ©riens en France.. Cet accord prĂ©voit notamment des dispositions plus favorables aux ressortissants algĂ©riens pour sâĂ©tablir sur le sol français que les dispositions de droit commun. La principale diffĂ©rence crĂ©Ă©e par cet accord est que les algĂ©riens Ă©tablis en France ne se voient pas dĂ©livrer un titre de sĂ©jour, contrairement aux autres ressortissants Ă©trangers, mais un « certificat de rĂ©sidence », qui peut ĂȘtre dâun an ou de dix ans. Celui-ci leur permet dâaller et venir librement entre la France et lâAlgĂ©rie durant sa validitĂ©.
Les ressortissants algĂ©riens bĂ©nĂ©ficient Ă©galement de la libertĂ© dâĂ©tablissement pour exercer une activitĂ© de commerçant ou une profession indĂ©pendante. Cet accord est dĂ©savantageux pour les Ă©tudiants algĂ©riens en ce qui concerne les facilitĂ©s de sĂ©jour en France[12] - [13]et il a Ă©tĂ© rĂ©visĂ© en 1985, 1994 et 2001, mais les principes qui le fondent ont toujours Ă©tĂ© maintenus[14] - [15].
La France comme l'Algérie se rencontrent depuis 1990 dans le cadre du Dialogue 5+5 et sont membres depuis 2008 de l'Union pour la Méditerranée. L'Algérie n'est pas membre de l'Organisation internationale de la francophonie et bien que le français y soit couramment parlé, seuls l'arabe classique et, depuis 2016, tamazight y sont reconnus comme langues officielles.
En AlgĂ©rie, la fin du « parti-unique » en 1989 pour le FLN ne met pas fin Ă la rhĂ©torique politique anti-française, le principal parti d'opposition, le Front islamique du salut (FIS), s'appropriant le discours nationaliste, durcissant la thĂ©matique contre le « parti de la France » et se posant comme le gardien de la « puretĂ© nationale » algĂ©rienne. De perpĂ©tuelles accusations d'« ingĂ©rence » et de « complot » sont prononcĂ©s Ă l'Ă©gard d'intellectuels ou d'hommes politiques français[8]. Peu Ă peu, dans la perception algĂ©rienne, la question de repentance sâimpose progressivement comme une revendication mĂ©morielle majeure devant ĂȘtre satisfaite avant la signature de tout « traitĂ© dâamitiĂ© » avec la France[16].
Durant la guerre civile algĂ©rienne, le Groupe islamique armĂ© (GIA) s'en prend rĂ©guliĂšrement aux ressortissants français. La dĂ©cennie est notamment marquĂ©e par l'assassinat en aoĂ»t 1994 de trois gendarmes et de deux agents consulaires Ă Alger, par la prise d'otages du vol Air France 8969 en dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e[8], par l'assassinat des moines de Tibhirine et par lâinscription de lâAlgĂ©rie sur une « liste noire » des pays Ă haut risque terroriste[16].
Années 2000-2010
Le couple Abdelaziz Bouteflika-Jacques Chirac fonctionne de façon harmonieuse en dĂ©pit d'un mauvais dĂ©part dĂ» aux conditions de l'Ă©lection du prĂ©sident algĂ©rien. Entre les deux chefs dâĂtat, existait une solide entente qui contribue Ă dissiper certains malentendus empoisonnant de façon cyclique la coopĂ©ration entre les deux pays. Avec sa politique de « casser les tabous », Bouteflika sâest trĂšs vite engagĂ© dans une politique de normalisation avec la France. De son cĂŽtĂ©, Chirac, qui cohabitait avec Lionel Jospin, Ă©tait convaincu de la nĂ©cessitĂ© de relancer la coopĂ©ration avec lâAlgĂ©rie[16].
Leurs visites respectives Ă Paris en juin 2000 et Ă Alger en mars 2003 sâefforcent de mettre en place un processus de refondation des relations bilatĂ©rales qui est marquĂ© notamment par la rĂ©ouverture du consulat et du centre culturel français dâAlger en 2000, la signature de la DĂ©claration dâAlger par les deux chefs dâĂtat en 2003 et lâorganisation de lâAnnĂ©e de lâAlgĂ©rie en France[16].
La reconnaissance par la France de la guerre dâindĂ©pendance algĂ©rienne et lâouverture des archives militaires françaises permettent de franchir un seuil, ce dont lâAlgĂ©rie prend acte[16]. NĂ©anmoins, lâespoir dâune refondation des rapports entre les deux pays est trĂšs vite altĂ©rĂ© par les aveux dâanciens officiers français admettant avoir participĂ© Ă la torture en AlgĂ©rie. En mĂȘme temps, la fermetĂ© de la position algĂ©rienne constituait une aubaine pour les adversaires de la normalisation des relations algĂ©ro-françaises. La loi du 23âŻfĂ©vrier 2005 qui reconnaĂźt le rĂŽle positif de la colonisation, notamment en Afrique du Nord, met fin Ă cette lune de miel entre lâAlgĂ©rie et la France au moment mĂȘme oĂč les diplomates s'employaient Ă un rapprochement. La loi est publiquement dĂ©noncĂ©e le par le prĂ©sident algĂ©rien, qui la qualifie de « cĂ©citĂ© mentale confinant au nĂ©gationnisme et au rĂ©visionnisme »[17]. Une de ses consĂ©quences est le report sine die de la signature du traitĂ© d'amitiĂ© qui avait Ă©tĂ© nĂ©gociĂ© entre les deux pays (qui n'a toujours pas Ă©tĂ© signĂ©) et ensuite le dĂ©pĂŽt par un groupe de dĂ©putĂ©s algĂ©riens du parti El Islah d'une proposition de loi incriminant la colonisation[18].
Rejetant toute idĂ©e de repentance, Nicolas Sarkozy se dĂ©marque de la position de Jacques Chirac, en souhaitant mettre lâaccent sur les projets concrets de coopĂ©ration bilatĂ©rale. De son cĂŽtĂ© Abdelaziz Bouteflika persiste dans son exigence de demander un mea culpa Ă la France. En raison de ces divergences, la pĂ©riode 2005-2010 se solde par la rĂ©surgence des dossiers qui fĂąchent et lâĂ©clatement de crises cycliques entre les deux pays, lesquelles atteignent leur point culminant en 2010 avec une proposition de loi criminalisant le colonialisme français et la vive polĂ©mique quâelle suscite[16]. Le ministre des Affaires Ă©trangĂšres, Bernard Kouchner, dĂ©clare alors que les relations algĂ©ro-françaises ne pourront ĂȘtre normales tant que la gĂ©nĂ©ration de lâindĂ©pendance sera encore au pouvoir en AlgĂ©rie ce qui provoque un nouveau tollĂ© au sein d'une partie de la classe politique algĂ©rienne et de certains mĂ©dias[16].
Au cours de l'Ă©tĂ© 2009, le rebondissement de l'affaire des sept moines trappistes assassinĂ©s en 1996, qui voit François Buchwalter, un gĂ©nĂ©ral en retraite qui Ă©tait attachĂ© militaire Ă lâambassade de France Ă Alger au moment des faits, soutenir que c'est l'armĂ©e algĂ©rienne qui aurait commis « une bavure » ayant coĂ»tĂ© la vie aux sept moines, trouble Ă nouveau le climat politique entre la France et l'AlgĂ©rie[16]. Enfin, l'inscription par la France dĂ©but 2010 de l'AlgĂ©rie sur la liste des pays Ă risques pour la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure est perçue par les autoritĂ©s algĂ©riennes comme une offense[16].
Comité intergouvernemental de haut niveau
Sous la présidence de François Hollande
En 2012, le prĂ©sident de la RĂ©publique algĂ©rienne dĂ©mocratique et populaire, Abdelaziz Bouteflika, et le prĂ©sident de la RĂ©publique française, François Hollande, signent la dĂ©claration d'Alger sur l'amitiĂ© et la coopĂ©ration entre la France et l'AlgĂ©rie. Ă cette occasion, deux comitĂ©s sont mis en place : le comitĂ© intergouvernemental de haut niveau et le comitĂ© Ă©conomique franco-algĂ©rien. Les ministres chargĂ©s des Affaires Ă©trangĂšres et de lâĂconomie de chaque pays se rencontrent rĂ©guliĂšrement.
Les relations franco-algériennes sont généralement jugées meilleures sous la présidence de François Hollande que sous celle de Nicolas Sarkozy[21]. En juin 2015, Le Figaro observe : « Basée sur le pragmatisme, la relation tissée entre Paris et son ancienne colonie dans le domaine de la défense a atteint des niveaux d'intimité jamais vus depuis l'indépendance[21] ». La France et l'Algérie font en effet front commun contre un ennemi commun, le terrorisme islamiste[21].
L'Algérie et la France s'intéressent vivement à la guerre du Mali. Des consultations algéro-françaises sur le Mali et le Sahel ont eu lieu à Alger en 2017. Afin de combattre le terrorisme au Sahel et de tarir ses sources de financement, la France et l'Algérie échangent leurs analyses, partagent leur expertise et coordonnent leurs opérations dans le cadre offert par une commission mixte.
Sous la présidence d'Emmanuel Macron
En accord avec les déclarations d'Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017 sur la colonisation française en Algérie, le huitiÚme président de la République française manifeste à l'Algérie sa volonté d'avancer ensemble sur la question mémorielle. Emmanuel Macron appelle également à davantage d'ouverture dans l'économie algérienne, et annonce le 6 décembre 2017 sa volonté de créer un fonds bilatéral d'investissement. Sous sa présidence, la France et l'Algérie concluent également et ratifient une convention d'entraide judiciaire et un accord permettant aux jeunes professionnels algériens de travailler en France et aux jeunes Français d'effectuer des Volontariats internationaux en entreprise (VIE) en Algérie[22].
NĂ©anmoins, lors de l'Ă©lection prĂ©sidentielle algĂ©rienne en 2019, le discours anti-français demeure un « fonds de commerce Ă©lectoral ». MĂȘme si, pour la premiĂšre fois, aucun candidat Ă la prĂ©sidentielle n'a combattu pendant la guerre de LibĂ©ration, l'exĂ©cutif comme le Hirak rivalisent de vĂ©hĂ©mence dans le dĂ©nigrement anti-français pour ranimer la flamme nationaliste[23].
Par la suite, le président algérien Abdelmadjid Tebboune félicite la décision de la France de restituer les crùnes de 24 moudjahidine décapités par les forces françaises lors de la colonisation de l'Algérie[24]. Dans un entretien accordé le à France 24, le président algérien voit en cette restitution l'occasion d'aller « loin dans l'apaisement, dans le rÚglement du problÚme de la mémoire »[25].
MalgrĂ© les Ă©changes directs qu'il a eus avec Emmanuel Macron Ă ce sujet, Abdelmadjid Tebboune est contraint de s'aligner, le , par la voix d'Abdelmajid Chikhi, son « conseiller pour la mĂ©moire nationale », sur les positions du chef d'Ătat-Major SaĂŻd Chengriha. D'aprĂšs Jean-Pierre Filiu, ce dernier est soucieux de relancer la guerre des mĂ©moires pour conforter un statu quo favorable depuis la fin de la guerre d'AlgĂ©rie aux gĂ©nĂ©raux algĂ©riens, et ce a contrario des revendications du Hirak, dont l'une des exigences est celle d'un gouvernement pleinement civil, Ă©mancipĂ© de la tutelle militaire[7]. Moins d'un mois plus tard, Abdelmadjid Chikhi, directeur des Archives nationales, prĂ©sentĂ© comme Ă©tant un « homme proche du rĂ©gime des gĂ©nĂ©raux », affirme Ă nouveau que la France, aprĂšs 1830, a « Ă©liminĂ© les personnes qui lisaient et Ă©crivaient. Il s'en est suivi [sic] l'Ăšre du pillage »[26].
La visite du Premier ministre français Jean Castex en AlgĂ©rie (censĂ©e dĂ©buter le ) est annulĂ©e avec un prĂ©avis de trois jours, officiellement pour raison sanitaire, mais plusieurs Ă©vĂ©nements prĂ©cĂ©dant la visite pourraient avoir jouĂ© un rĂŽle dans ce report. Le ministre algĂ©rien du Travail et de la SĂ©curitĂ© sociale, El Hachemi DjaĂąboub, lançait devant le SĂ©nat une virulente attaque contre la France, qualifiĂ©e d'« ennemi traditionnel et Ă©ternel » ; le mĂȘme jour, La RĂ©publique en Marche, parti d'Emmanuel Macron, annonçait ouvrir une antenne politique Ă Dakhla, dans le Sahara occidental, un territoire rĂ©clamĂ© par le Maroc, un geste « qui ne pouvait qu'ĂȘtre mal interprĂ©tĂ© » par le gouvernement algĂ©rien qui, dans le passĂ©, a soutenu les revendications du Front Polisario[4].
En septembre, Emmanuel Macron dĂ©cide de diviser par deux le nombre de visas dĂ©livrĂ©s pour l'AlgĂ©rie et le Maroc en prenant 2020 comme annĂ©e de rĂ©fĂ©rence, la raison Ă©tant les chiffres extrĂȘmement bas des expulsions des ressortissants algĂ©riens et marocains. Pour ce qui concerne l'AlgĂ©rie, entre janvier et juillet 2021, les prĂ©fets ont ordonnĂ© 7 731 obligations de quitter le territoire français dont seulement 22 ont Ă©tĂ© effectives, soit un peu plus de 0,2 %. Cette situation s'explique notamment par le fait que l'AlgĂ©rie refuse de dĂ©livrer des laissez-passer consulaires, un document indispensable pour qu'une expulsion soit rĂ©alisĂ©e[27]. Quelques jours aprĂšs, le ministĂšre algĂ©rien des affaires Ă©trangĂšres convoque l'ambassadeur de France en AlgĂ©rie pour protester contre cette dĂ©cision, l'ambassadeur François Gouyette se voyant notifiĂ© d'« une protestation formelle du gouvernement algĂ©rien[28]. Au sujet des chiffres avancĂ©s par la France, Abdelmadjid Tebboune affirme que « Moussa Darmanin a bĂąti un gros mensonge » soutenant quâ« il n'y a jamais eu 7 000 (AlgĂ©riens Ă expulser) »[29]. Or le ministĂšre de l'IntĂ©rieur maintient le chiffrage, prĂ©cisant que les « 94 cas » mis en avant par l'AlgĂ©rie visent les ressortissants signalĂ©s comme islamistes radicaux[30].
Le 30 septembre 2021, Emmanuel Macron reçoit des jeunes issus de familles qui ont intimement vĂ©cu la guerre dâAlgĂ©rie, et fait Ă cette occasion des dĂ©clarations qui provoquent des rĂ©actions indignĂ©es du pouvoir algĂ©rien. Il dĂ©nonce notamment une « histoire officielle totalement rĂ©Ă©crite qui ne sâappuie pas sur des vĂ©ritĂ©s » mais sur « un discours qui, il faut bien le dire, repose sur une haine de la France ». Il estime que « la nation algĂ©rienne post-1962 sâest construite sur une rente mĂ©morielle ». Il dĂ©crit le systĂšme algĂ©rien comme « fatiguĂ© ». AprĂšs avoir rappelĂ© son ambassadeur Ă Paris le 2 octobre 2021, l'AlgĂ©rie, par la voie d'un communiquĂ© de la prĂ©sidence de la RĂ©publique, exprime « son rejet catĂ©gorique de l'ingĂ©rence inadmissible dans ses affaires intĂ©rieures que constituent lesdits propos »[31] - [32]. Le 3 octobre, l'AlgĂ©rie interdit le survol de son territoire par des avions militaires français[33].
Enfin, le 10 octobre 2021, la presse relate que « le retour de l'ambassadeur d'AlgĂ©rie en France ne se fera qu'Ă la condition du « respect total de l'Ătat algĂ©rien » par Paris »[34].
La célébration franco-française de la répression policiÚre du constitue le genre d'initiative unilatérale recherchée par Alger sans que pour autant les relations bilatérales normales se rétablissent[35].
Le chef d'état-major algérien, Saïd Chengriha, se rend en visite en France en janvier 2023, la premiÚre visite de ce genre depuis 2006[36].
DĂ©but 2023 ont lieu Ă nouveau de vives tensions entre Paris et Alger autour des visas et des laissez-passer consulaires. En fĂ©vrier 2023, lâAlgĂ©rie dĂ©cide, en effet, de ne plus dĂ©livrer aucun laissez-passer consulaire Ă la France, documents qui sont indispensables Ă lâexpulsion de « clandestins indĂ©sirables ». Elle agit en rĂ©torsion Ă lâaffaire Amira Bouraoui, une gynĂ©cologue militante du mouvement du Hirak qui avait manifestĂ© son opposition Ă lâex-prĂ©sident algĂ©rien Abdelaziz Bouteflika. Sous le coup d'une interdiction de sortie du territoire national (ISTN) aprĂšs avoir Ă©tĂ© condamnĂ©e dans son pays, elle avait pu rejoindre la France car elle bĂ©nĂ©ficie de la nationalitĂ© française. Selon Le Figaro, la presse algĂ©rienne se dĂ©chaĂźne, dĂ©nonçant une opĂ©ration « barbouzarde », certains titres avançant que la Direction gĂ©nĂ©rale de la sĂ©curitĂ© extĂ©rieure (DGSE) aurait pu jouer un rĂŽle dans cette « exfiltration »[37].
En mars 2023, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune déclare que l'ambassadeur algérien en France rappelé depuis un mois et demi suite à l'affaire Amira Bouraoui, serait « possiblement de retour » à Paris[38].
En juin 2023, l'Algérie déclare qu'elle a appris avec « choc et consternation la disparition brutale et tragique du jeune Nahel » et que le pays suit l'affaire avec « une trÚs grande attention » tout en ajoutant que l'Algérie fait confiance au gouvernement français pour assumer son devoir de protection et de sécurité des ressortissants algériens sur le territoire français[39].
Données économiques
La chambre de commerce et d'industrie algéro-française organise les relations commerciales, industrielles et technologiques entre les deux pays. La France et ses entreprises soutiennent l'Algérie dans son projet de réindustrialisation.
La France est l'un des plus importants partenaires Ă©conomiques de l'AlgĂ©rie. En 2014, la France est le deuxiĂšme fournisseur de l'AlgĂ©rie, aprĂšs la Chine[40] et absorbe plus de 22 % des exportations françaises en Afrique. Les principaux produits importĂ©s en AlgĂ©rie sont les produits pharmaceutiques, les cĂ©rĂ©ales, les voitures et les carburants[41] - [42]. CMA-CGM est en tĂȘte sur le marchĂ© maritime algĂ©rien. En dĂ©pit dâune hausse rĂ©guliĂšre du montant annuel dâexportation, la part de marchĂ© française a Ă©tĂ© divisĂ©e par plus de deux entre 2000 (alors Ă 24 %) et 2020. LâAlgĂ©rie reste, en 2020, le 1er marchĂ© des entreprises françaises en Afrique et le 20e au niveau mondial[42].
L'Algérie est le premier partenaire commercial de la France en Afrique[22].
Les importations françaises de biens algĂ©riens s'Ă©lĂšvent Ă 4,195 milliards d'euros en 2019 et sont composĂ©es Ă 95 % dâhydrocarbures (pĂ©trole brut, gaz naturel et carburants). Elles Ă©voluent largement en fonction du cours du baril de pĂ©trole. En 2019, la France est devenue le 1er client de lâAlgĂ©rie (3e en 2018), consĂ©quence dâune hausse de ses achats de pĂ©trole brut et de carburants (en volume)[42].
En 2020, l'ambassade de France estime Ă prĂšs de 450 le nombre dâentreprises et dâentrepreneurs français implantĂ©s en AlgĂ©rie, employant environ 40 000 salariĂ©s et gĂ©nĂ©rant plus de 100 000 emplois indirects[42]. La France serait Ă©galement le 1er investisseur hors hydrocarbures, les entreprises françaises Ă©tant prĂ©sentes dans les secteurs des transports, de l'automobile, de l'agroalimentaire, de la banque/assurance, de la pharmacie et des hydrocarbures[42]. En 2016, le stock dâIDE (Investissement direct Ă©tranger) français en AlgĂ©rie Ă©tait Ă©valuĂ© Ă 2,15 milliards d'euros[43].
Enfin, 440 000 retraités touchent une pension française en Algérie[43].
L'ambassadeur algérien revient à Paris début janvier 2022[44].
Ăducation et culture
En 2015, 22 000 étudiants algériens étudient en France, ce qui représente 90 % des étudiants algériens poursuivant leurs études à l'étranger[43].
Domaine judiciaire
Une convention d'extradition entre l'AlgĂ©rie et la France[45] est promulguĂ©e en mars 2021 (pour la France) et en mai 2021 (pour l'AlgĂ©rie). Selon cette convention, les parties « sâengagent Ă se livrer rĂ©ciproquement, selon les rĂšgles et sous les conditions Ă©tablies par (cette) convention, les personnes poursuivies ou condamnĂ©es par leurs autoritĂ©s judiciaires compĂ©tentes ». Elle stipule que « lâextradition est refusĂ©e si lâinfraction pour laquelle elle a Ă©tĂ© demandĂ©e est considĂ©rĂ©e par la partie requise comme une infraction politique ou connexe Ă une infraction politique. ». Elle contient Ă©galement une garantie de non-application de la peine de mort en AlgĂ©rie, pays oĂč elle n'est pas abolie.
Données démographiques
La France est le pays qui accueille la plus importante diaspora algérienne (entre 2 et 5 millions d'individus), loin devant l'Espagne (64 000 à 300 000), qui occupe la deuxiÚme position.
Entre 2000 et 2013, 840 000 AlgĂ©riens ont quittĂ© le pays portant le nombre d'AlgĂ©riens expatriĂ©s Ă 1 770 000 en 2013. 82 % des Ă©migrĂ©s algĂ©riens se trouvent en France. Cette Ă©migration a pour consĂ©quence une « hĂ©morragie grave dans l'encadrement et les Ă©lites universitaires »[46]. Elle touche Ă©galement les mĂ©decins : selon le prĂ©sident du Conseil de lâordre des mĂ©decins, entre 500 et 1 000 mĂ©decins algĂ©riens s'exileraient annuellement, notamment en France oĂč le conseil de l'ordre des mĂ©decins français recense, en 2021, 15 000 mĂ©decins algĂ©riens[47].
Santé
Les faiblesses du systÚme de soin en Algérie ont pour conséquence la venue de nombreux Algériens pour se faire soigner notamment en France. Ce sentiment qu'il existe deux « collÚges » pour les soins est renforcé par l'habitude prise par les dirigeants algériens de se faire soigner à l'étranger. Les fréquents séjours du président Bouteflika dans des hÎpitaux en France ou en Suisse pour des soins sont perçus comme la preuve de l'échec de la réforme sanitaire[48].
En 2018, la dette cumulĂ©e par les ressortissants algĂ©riens, estimĂ©e Ă 29 millions dâeuros, auprĂšs de l'Assistance publique - HĂŽpitaux de Paris (AP-HP) est de loin la plus importante parmi les patients Ă©trangers. Les patients en provenance d'AlgĂ©rie sont en effet les plus nombreux Ă ĂȘtre accueillis Ă l'AP-HP (2 400 en 2014). L'AP-HP a Ă©tĂ© confrontĂ©e Ă des problĂšmes rĂ©currents de recouvrement auprĂšs de la CNAS (la Caisse nationale des assurances sociales des travailleurs salariĂ©s algĂ©rienne). Pour cette raison, un texte est votĂ© par l'AssemblĂ©e nationale prĂ©voyant que les patients algĂ©riens dont la prise en charge en France est dĂ©jĂ fixĂ©e, rĂšglent leurs soins Ă l'avance[49].
Missions diplomatiques résidentes
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- Consulat d'Algérie à Grenoble.
Bibliographie
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- Charles White, op.cit. p. 147
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- Madjid Zerrouky, « LâEnigme algĂ©rienne », les chroniques sans concession dâun ancien ambassadeur de France Ă Alger, lemonde.fr, 19 mars 2022