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Hussein Dey

Hussein Dey ou Hussein ibn Hussein, nĂ© en 1764 dans l'Empire ottoman et mort en exil en 1838 Ă  Alexandrie, est un homme d'État, militaire, Ă©rudit religieux et commerçant algĂ©rien d'origine turque[1]. Il est le dernier dey d'Alger de 1818 Ă  1830 et le 16e roi indĂ©pendant d'Alger depuis la crĂ©ation de la fonction par Baba Ali.

Hussein Dey
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(tr) HĂŒseyin PaƟa
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Illustration.
Hussein Dey, gravure de Victor Duruy (1864).
Titre
Dey de la RĂ©gence d'Alger
(souverain du Royaume d'Alger)
–
(12 ans, 4 mois et 4 jours)
Prédécesseur Ali ben Ahmed
Successeur Abdication
Khodjet al-khil (ministre)
–
Biographie
Nom de naissance HĂŒseyin bin HĂŒseyin
Date de naissance 1764-1765
Lieu de naissance Smyrne ou Urla
(Empire ottoman)
Origine Turc
Date de décÚs
Lieu de décÚs Alexandrie
(Égypte)
Nationalité Algérien
Conjoint Lella Fatma bent Hassan-Pacha
Enfants Amina Hanem
El Hadj Omar
Nafissa Hanim
Une autre fille
Famille Caid Ismael (gendre)
Hadida Caid Ismael (petite-fille)
Hassan-Pacha (beau-pĂšre)
Ibrahim Agha (gendre)
Saleh Bey (gendre)
Profession Sultan
Religion Islam
Dey d'Alger

Biographie

Naissance, enfance et embarquement pour Alger

Hussein naĂźt dans l'Empire ottoman vers 1764 (le lieu exact de sa naissance est contestĂ© soit Urla, soit Smyrne). Issu d'un milieu aisĂ© et d'une famille de tradition militaire et religieuse, il s'engage comme canonnier aprĂšs des Ă©tudes brillantes en thĂ©ologie et une formation militaire Ă  Constantinople. Son caractĂšre entĂȘtĂ© lui vaut cependant des problĂšmes avec la hiĂ©rarchie militaire, et il fuit l'Empire ottoman pour rejoindre la RĂ©gence d'Alger[2]. Refuge traditionnel pour les personnes fuyant des pays Ă©trangers[3], celle-ci offrait un l'avantage d'ĂȘtre indĂ©pendante de facto de la Sublime Porte, dont elle ne reconnaissait que l'autoritĂ© symbolique dĂ©coulant du califat. Elle maintenait cependant des liens commerciaux et historiques avec l'Empire ottoman : ainsi, la milice d'Alger continue de recruter Ă  Smyrne pour faire face au manque d'effectifs et attirer les meilleurs talents ottomans[4]. Pour ces derniers, l'enrĂŽlement Ă  Alger est Ă©galement un dĂ©bouchĂ© idĂ©al : l'organisation de l'armĂ©e est, pour des raisons historiques, proche de celui qu'ils ont connu au sein de l'armĂ©e ottomane, et la course est synonyme d'enrichissement, d'accĂ©lĂ©ration de carriĂšre et d'opportunitĂ©s considĂ©rables. Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls puisque les renĂ©gats - nom donnĂ© par les EuropĂ©ens Ă  ceux des leurs qui rallient les corsaires barbaresques - sont Ă©galement un bassin de recrutement important, que ce soit sur la base de l'enrĂŽlement volontaire ou par la voie de l'esclavage.

C'est donc probablement Ă  partir de Smyrne que Hussein s'embarque pour Alger en 1782.

Une capacité d'intégration économique et sociale avérée

Tout jeune encore et Ă©tranger Ă  l'univers de la RĂ©gence, Hussein doit faire ses preuves. Il se rĂ©vĂšle rapidement ĂȘtre un excellent corsaire et gravit peu Ă  peu les Ă©chelons en Ă©tant Ă  la tĂȘte de navires de plus en plus importants[5]. Ses succĂšs lui permettent un certain enrichissement, qu'il a l'intelligence de rĂ©investir dans le commerce local, comme certains soldats avaient coutume de le faire pendant qu'ils Ă©taient dĂ©mobilisĂ©s. Il ouvre ainsi un commerce Ă  Alger spĂ©cialisĂ© dans la vente de diffĂ©rentes matiĂšres premiĂšres agricoles (blĂ©, tabac...), qui compte bientĂŽt de nombreux entrepĂŽts et annexes dans la ville[6]. En parallĂšle, il se construit une rĂ©putation d'Ă©rudit religieux, fort de sa formation Ă  Constantinople, et ses actes de charitĂ© ainsi que son autoritĂ© morale lui assurent rapidement une popularitĂ© solide au sein de la population maure d'Alger[7]

Un contexte favorable et une stratégie d'alliances fructueuses

Sa rĂ©ussite dans les affaires et sa renommĂ©e militaire n'auraient pas suffi Ă  lui ouvrir les portes de la vie politique algĂ©rienne si Hussein n'avait pas Ă©tĂ© dotĂ© d'un sens politique avisĂ© et n'avait pas Ă©tĂ© portĂ© par un contexte favorable. La vie intĂ©rieure de la RĂ©gence connaĂźt alors une pĂ©riode de stabilitĂ©, sous le long rĂšgne de Mohamed Ben Othmane, Ă  l'origine d'importantes rĂ©formes de l'administration. Le rĂ©gime politique en place connaĂźt Ă©galement une mutation importante alors que les recettes de la course baissent et que les relations avec l'Empire ottoman se tendent (notamment Ă  la faveur d'oppositions sur le dossier Ă©gyptien, la RĂ©gence d'Alger soutenant le camp français), le rĂ©gime tente de se stabiliser en rendant le pouvoir davantage hĂ©rĂ©ditaire[8]. Mohamed Ben Othmane prĂ©pare sa succession en nommant des membres de sa famille et de sa belle-famille au sein de la haute administration (khaznadji, Grands Écrivains, diplomatie...). Dans ce contexte, Hussein comprend qu'Ă©pouser une femme issue des grandes familles sera, plus que jamais, un gage d'ascension politique. Son importante fortune et son bilan militaire solide avaient dĂ©jĂ  fait de lui un proche conseiller de Mohamed Dey, mais c'est en Ă©pousant la fille de son neveu, la princesse Lalla Fatma[9], qu'il consolide sa position et devient rĂ©ellement membre de l'establishment politique, malgrĂ© le handicap que constituaient ses origines anatoliennes, et le fait qu'il ne soit pas nĂ© Ă  Alger (contrairement Ă  la majoritĂ© des hauts dignitaires).

Compenser le manque d'ancrage local par une alliance avec les familles puissantes du pays - alliance facilitĂ©e par sa fortune et sa renommĂ©e militaire - se rĂ©vĂšle ĂȘtre une stratĂ©gie payante. En 1795, Ă  la mort de Mohamed Dey, le Diwan d'Alger est, pour la premiĂšre fois depuis 1671, complĂštement Ă©cartĂ© de la succession du Dey, puisque c'est son fils adoptif et neveu Sidi Hassan, anciennement khaznadji (premier ministre), qui accĂšde au pouvoir[8] En 1795, Hussein se retrouve donc ĂȘtre le gendre de l'homme le plus puissant de la RĂ©gence d'Alger. Cette position enviable lui permet d'intĂ©grer l'administration dans laquelle il servira durant 23 ans, occupant une succession de postes Ă  hautes responsabilitĂ©s (imam du Dey, kodjet el-khil, Grand Ecrivain, khaznadji...).

Une habilité politique qui explique sa longévité au sein de l'administration

Devenu haut dignitaire de la RĂ©gence, Hussein ne quittera plus le milieu politique, et ce malgrĂ© les importantes turbulences qui secouent la vie politique locale Ă  l'orĂ©e du XIXe siĂšcle. L'assassinat de Mustapha Pacha en 1805 marque la fin de la stabilitĂ© politique. En cinq ans, 3 deys se succĂšderont, et malgrĂ© les assassinats et les intrigues qui marquent chaque succession, Hussein arrive Ă  se maintenir au pouvoir, et sait se rendre indispensable[10]. Ses capacitĂ©s militaires prĂ©cieuses et sa bonne administration sont en effet nĂ©cessaires Ă  chacun des partis, Ă©tant donnĂ© la crise Ă©conomique et sociale sans prĂ©cĂ©dent que traverse la RĂ©gence (la guerre perdue en 1816 contre les AmĂ©ricains a un impact dĂ©sastreux sur la course, et une pĂ©riode de sĂ©cheresse entraĂźne Ă©galement une crise de l'agriculture, deuxiĂšme source de revenus du pays). C'est ainsi qu'en 1817, il fait partie d'un des rares proches d'Omar Agha Ă  ĂȘtre maintenu au pouvoir par Ali ben Ahmed.

En 1818, ce dernier, malade, le désigne comme successeur.

Une arrivée au pouvoir dans un contexte difficile

Hussein Dey arrive au pouvoir dans un contexte extrĂȘmement difficile[11]. Le dey prĂ©cĂ©dent avait dĂ©clarĂ© la guerre aux recrues turques de la Milice. Si la RĂ©gence d'Alger pouvait se permettre dans les annĂ©es 1780 de recruter Ă  l'Ă©tranger, la prospĂ©ritĂ© Ă©tant au rendez-vous, ce n'Ă©tait plus du tout le cas en 1818. Bien au contraire, la chute des recettes de la course exacerbait le mĂ©contentement des janissaires turcs, et le pouvoir politique craignait une rĂ©volte de leur part, qui pourrait ĂȘtre instrumentalisĂ©e par la Sublime Porte pour ramener le Royaume d'Alger dans son giron. AprĂšs une rĂ©pression sĂ©vĂšre qui fit prĂšs de 1200 morts, les derniers janissaires turcs avaient donc Ă©tĂ© expulsĂ©s sans mĂ©nagement en Turquie[12].

MalgrĂ© ses propres origines, Hussein Dey avait soutenu cette option, qui, bien qu'elle fermĂąt dĂ©finitivement la voie d'accĂšs par laquelle il Ă©tait lui-mĂȘme, en son temps, devenu algĂ©rien, se rĂ©vĂ©lait nĂ©cessaire pour prĂ©server l'Ă©quilibre politique, dĂ©jĂ  bien prĂ©caire, de la RĂ©gence[13]. Mais en 1818, ce problĂšme Ă©tait rĂ©glĂ©, et Hussein Dey devait Ă  prĂ©senter s'attaquer Ă  la crise Ă©conomique dans laquelle s'enlisait le pays et dĂ©tendre les relations avec les puissances europĂ©ennes. En guise d'apaisement, il affranchit ainsi de nombreux esclaves chrĂ©tiens[14], et pour faire face aux besoins Ă©conomiques, mobilisa tous les esclaves au service de l'Etat. Sur le plan social, il apporta Ă©galement un soutien financier aux diffĂ©rentes donations pieuses qui assuraient les besoins des populations indigentes, et tenta de limiter la corruption qui s'Ă©tait gĂ©nĂ©ralisĂ©e au cours des deux derniĂšres dĂ©cennies. Les charges de Beys (gouverneurs provinciaux) Ă©taient en effet devenues vĂ©nales : elles s'achetaient purement et simplement sans aucune considĂ©ration pour la compĂ©tence et le mĂ©rite des personnes qui y prĂ©tendaient. De plus, se sachant dĂ©pourvus de base locale, ces Beys incompĂ©tents essoraient la population, et en retiraient autant d'impĂŽts et de taxes qu'ils pouvaient, pour verser le plus d'argent possible Ă  Alger et conserver le soutien du Dey[15].

Cette situation Ă©tait Ă  l'origine d'un large mĂ©contentement, qui Ă©clata dĂšs l'arrivĂ©e au pouvoir de Hussein Dey, au Beylick de Constantine, contre le Bey Mustapha. ConfrontĂ© au soulĂšvement populaire, Hussein Dey jouera la carte de l'apaisement, en rĂ©voquant le Bey contestĂ© et en nommant Ă  sa place Ahmed Bey el-Mamelouk, chef respectĂ© d'une tribu de l'Est algĂ©rien. Il effectuera plusieurs remaniements par la suite, tout en maintenant invariablement Ahmed Bey, un autre homme intĂšgre issu d'une tribu de Petite-Kabylie, comme khalifa (premier ministre local). L'administration de la province Ă©tant ainsi corrigĂ©e, et la situation Ă©conomique s'amĂ©liorant Ă  partir du milieu des annĂ©es 1820, la colĂšre populaire est durablement dĂ©samorcĂ©e[16]. Hussein Dey ne parviendra cependant pas Ă  ĂȘtre aussi efficace dans d'autres provinces du Royaume, puisque le Beylik de l'Ouest reste enlisĂ© dans une corruption endĂ©mique.

Hussein Dey tente Ă©galement de pousser Ă  une application plus stricte des lois islamiques, ce qui n'est pas Ă©tonnant, Ă©tant donnĂ© sa formation religieuse initiale. Si le rĂŽle politique de la Milice est quasi-inexistant aprĂšs l'Ă©crasement des Janissaires, celui de la population l'est Ă©galement : dĂšs son arrivĂ©e au pouvoir, Hussein Dey suspend les sĂ©ances du Diwan, et les notables et anciens du pays ne sont plus consultĂ©s ; un des notables contemporains, Hamdane Khodja, tĂ©moigne mĂȘme : « Si l’on a un reproche Ă  lui faire [Hussein Dey], quant Ă  son gouvernement, c’est celui de n’avoir pas rĂ©tabli l’ancien divan afin de pouvoir dĂ©libĂ©rer sur les affaires majeures, et profiter des conseils que l’expĂ©rience et les lumiĂšres des anciens peuvent toujours prĂ©senter pour ĂȘtre suivis »[17]. Ce raidissement autoritaire, s'il s'explique par le contexte de crise et par une volontĂ© de renforcer l'autoritĂ© Ă©tatique, n'en est pas moins prĂ©judiciable Ă  la pertinence des dĂ©cisions qui sont prises, et conduisent le pouvoir Ă  un repli sur soi. Ainsi, revenus d'un voyage en France, des notables algĂ©rois alertent durant les annĂ©es 1820 sur l'ampleur du retard technologique et logistique dont souffre la Milice : aveuglĂ© par la rĂ©putation d'invulnĂ©rabilitĂ© d'Alger, Hussein Dey minimise et relativise[18]. SymptĂŽme de cet excĂšs de confiance, la RĂ©gence d'Alger se lance sans rĂ©flĂ©chir en 1827 dans la guerre d'indĂ©pendance grecque ; si l'indĂ©pendance de la GrĂšce (proie traditionnelle des corsaires algĂ©riens, malgrĂ© son appartenance Ă  l'Empire ottoman) menace bien les intĂ©rĂȘts de la RĂ©gence, le contexte Ă©tait plus que dĂ©favorable Ă  une telle intervention, qui Ă©puise les forces armĂ©es algĂ©riennes Ă  la veille de l'affrontement avec la France[19].

En matiĂšre de politique Ă©trangĂšre, la paix est signĂ©e avec les États-Unis, l'Empire britannique et la plupart des pays europĂ©ens, et les relations se dĂ©tendent avec l'Empire ottoman, aprĂšs des dĂ©cennies de crispation. Cependant, le dossier de la crĂ©ance de blĂ© continue de plomber les relations franco-algĂ©riennes, et malgrĂ© le traitĂ© de paix franco-algĂ©rien de 1801 qui stipulait que « la guerre n'est pas naturelle entre les deux Etats »[20], la situation se dĂ©tĂ©riore rapidement au cours des annĂ©es 1820.

Affaire de l'Ă©ventail

Le coup d'Ă©ventail.

Dans une tentative d'accroĂźtre sa popularitĂ© parmi le peuple français, Charles X chercha Ă  renforcer le sentiment patriotique et dĂ©tourna le regard de sa politique intĂ©rieure en « luttant contre le dey »[21]. Cela a finalement conduit Ă  la conquĂȘte française de l'AlgĂ©rie.

Dans les annĂ©es 1790, la France avait contractĂ© l'achat de blĂ© pour l'armĂ©e française auprĂšs de deux marchands juifs d'Alger, M. Bacri et Boushnak, et Ă©tait en retard pour les payer. Ces marchands avaient eux-mĂȘmes des dettes envers le Dey et se prĂ©tendaient incapables de payer ces dettes jusqu'Ă  ce que la France paye les siennes. Le dey avait nĂ©gociĂ© sans succĂšs avec le consul de France, Pierre Deval, pour remĂ©dier Ă  cette situation, et il soupçonna Deval de collaborer avec les marchands contre lui, surtout quand le gouvernement français ne fit aucune provision pour rembourser les marchands en 1820. Alexandre, le neveu de Deval, consul Ă  BĂŽne, a plus tard irritĂ© le dey en fortifiant les entrepĂŽts français Ă  BĂŽne et La Calle, contre les termes d'accords antĂ©rieurs[22].

Le , Ă  l'occasion de la fin du Ramadan, Hussein Dey reçoit comme il est de coutume les vƓux des ambassadeurs musulmans et europĂ©ens Ă  la Casbah. De mauvaise humeur, il demande Ă  Deval des explications au sujet du non-remboursement des crĂ©ances par la France. Ce dernier lui rĂ©pondant avec ironie et mĂ©pris qu'il ne voyait pas de quelle crĂ©ance il parlait, le Dey s'emporte et frappe Deval avec son chasse-mouches[23]. Charles X instrumentalisa cet affront Ă  son reprĂ©sentant diplomatique, pour exiger d'abord des excuses de la part du Dey, et ensuite lancer un blocus contre le port d'Alger. Le blocus naval, qui avait pour but d'affaiblir militairement et Ă©conomiquement la RĂ©gence avant une Ă©ventuelle invasion, infligea de graves dommages Ă  une Ă©conomie dĂ©jĂ  dĂ©tĂ©riorĂ©e. Une pĂ©nurie de bois touche notamment la marine algĂ©rienne. En 1830, alors que la situation diplomatique ne s'amĂ©liore pas et aprĂšs le tir de plusieurs coups de canon contre un des navires du blocus, la France entame l'invasion d'Alger[24].

Invasion d'Alger (juin 1830)

Les plans de l'invasion, y compris le lieu du dĂ©barquement, Ă©taient connus de Hussein Dey grĂące Ă  un rĂ©seau d'espions implantĂ© Ă  Malte et Ă  Gibraltar[25]. Alors que le dĂ©barquement avait Ă©tĂ© estimĂ© imminent, Hussein Dey rĂ©unit un cercle de conseillers proches pour les consulter sur la stratĂ©gie Ă  adopter. Deux points de vus s'affrontent : Ahmed Bey, bey de Constantine, plaide pour laisser les Français dĂ©barquer et avancer Ă  l'intĂ©rieur de la RĂ©gence, qu'ils connaissent trĂšs mal ; aprĂšs quoi les forces algĂ©riennes les attaqueraient de part et d'autre, et empĂȘcheraient l'arrivĂ©e des renforts. A l'inverse, Ibrahim Agha, issu d'une famille de nobles locaux et gendre de Hussein Dey, plaide pour affronter les Français sur la plage mĂȘme, confiant dans la capacitĂ© algĂ©rienne Ă  en venir Ă  bout[26]. Comme c'est lui qui occupait alors le poste d'agha[12], ou chef des forces terrestres de la RĂ©gence, c'est son parti qui l'emporte.

Des contingents issus des beyliks d'Oran, de Constantine, du Titteri et de Dar El Soltane sont mis à disposition d'Ibrahim Agha, à qui est confiée la responsabilité exclusive de riposter à l'invasion. Le , trente-quatre mille soldats français débarquent à Sidi Ferruch. Le début des combats est favorable, les Algériens infligeant 14 pertes humaines et de nombreuses pertes matérielles à l'armée française, et ne comptant aucune perte humaine malgré d'importants dégùts matériels. Confiant, Ibrahim Agha n'avait mobilisé dans un premier temps que 10 000 hommes sur les 40 000 mis à sa disposition. Cependant, rapidement, les combats tournent à la défaveur des Algériens ; l'armement ancien et mal au point des soldats les handicape lourdement, et l'armée algérienne est trÚs vite mise en déroute[27].

AprĂšs trois semaines de combat, les Français dĂ©barquent Ă  Alger. Hussein Dey envoie une dĂ©lĂ©gation pour nĂ©gocier avec les Français. La reddition Ă©tant dĂ©sormais inĂ©vitable, une convention de paix est signĂ©e. Les Français s'engagent Ă  respecter les habitants, leurs biens et leur religion et Ă  ne pas porter atteinte Ă  leur dignitĂ© et Ă  celles de leurs femmes. Hussein Dey, sa famille et ses biens sont Ă©galement garantis d'ĂȘtre protĂ©gĂ©s. En Ă©change, le contrĂŽle du port, de la Casbah et de la ville elle-mĂȘme sont cĂ©dĂ©s aux Français. Ce sont les dĂ©buts de la domination française en AlgĂ©rie. La chute de l'Etat central n'est cependant pas totale : le Beylik de l'Est reste en place et oppose une rĂ©sistance farouche Ă  l'armĂ©e française jusqu'en 1839 ; Ă  l'Ouest, l'Emir Abdelkader rĂ©cupĂšre le territoire de l'ancien Beylik et la moitiĂ© de la ville d'Alger, et ne dĂ©pose les armes qu'en 1847. La France ne conquerra la totalitĂ© du territoire de la RĂ©gence que plusieurs dĂ©cennies aprĂšs la chute d'Alger, aprĂšs des affrontements qui dĂ©ciment tant la population que les troupes coloniales.

Exil

Le [28], Hussein Dey quitte Alger avec sa famille[29] : son Ă©pouse principale, Lalla Fatma, fille de Sidi Hassan Pacha, et trois concubines, son frĂšre et son neveu, trois de ses filles dont deux sont mariĂ©es (les deux gendres, Ibrahim Agha et Kaid IsmaĂ«l sont respectivement commandant des troupes et ministre de la marine). Il emmĂšne aussi sa suite, un total de 110 personnes des deux sexes (dont son Ă©conome, son trĂ©sorier, des janissaires et ses esclaves et eunuques). Hussein rĂ©clame 30 000 sequins (270 000 fr) comme Ă©tant sa pleine propriĂ©tĂ©, disant qu'il les a laissĂ©s Ă  la Casbah. Le comte de Bourmont ordonne aussitĂŽt de les lui remettre et l'autorise Ă  enlever les armes, meubles, Ă©toffes et tapisseries qu'il dĂ©sire conserver. Hussein Dey et sa suite embarquent sur le navire français Jeanne d'Arc et arrivent Ă  Naples le [30]. Le , il se fixe Ă  Livourne et y demeure trois ans.

Mais accusĂ© d'intriguer pour favoriser un soulĂšvement de la population algĂ©rienne et d'entretenir un rĂ©seau d'espions en Europe et en Afrique du Nord, il est exilĂ© Ă  Alexandrie pour ĂȘtre placĂ© sous la stricte surveillance de MĂ©hĂ©met Ali, alliĂ© de la France. Il y meurt Ă  une date qui n'est pas connue avec prĂ©cision, mais qui se situerait autour de 1838[31].

Vie privée

De l'union entre Hussein Dey et son Ă©pouse Lalla Fatma naĂźtront plusieurs enfants :

  • Nafissa (NĂ©fissa) (Ă©pouse du Caid Ismael)[32] (parfois orthographiĂ©e Nefeessa Hanem)[33]

Dont la fille Hadida Caid Ismael ou sƓur Aurelia est morte en 1929 en Italie Ă  la tĂȘte de l'orphelinat de San Giuseppe, Cascano, Caserte au nord de Naples[34].

  • une fille (Ă©pouse de Ibrahim Agha qui perdit la bataille de StaouĂ©li le )[35]
  • Amina Hanim, nĂ©e en 1819 (Ă©pouse d'un dĂ©nommĂ© Salah Bey[36]
  • El Hadj Omar[32] (El Hadj Omar Hanefi Pacha ou Omar Bey)[37] (Ou El Hadj Omar ben Hadj Hussein)[38]

HĂ©ritage

Une commune de la wilaya d'Alger ainsi que son district sont nommés en son hommage. L'équipe de foot Nasr Athletic Hussein Dey y est basée.

Notes et références

  1. Charles Warée, Les étrangers à Paris, Paris, , 525 p. (lire en ligne), p. 28 :
    « Le premier AlgĂ©rien qui mit le pied sur la terre de France et vint contempler les splendeurs de la civilisation dans le centre majestueux l'oĂč elles rayonnent sur l'univers, fut ce grand philosophe pratique, ce ThĂ©mistocle barbaresque qu'un coup de chasse-mouches, dĂ©sormais aussi cĂ©lĂšbre que le fameux coup de bĂąton d'Eurybiade, prĂ©cipita au bas du trĂŽne. Vers le milieu de juin 1831 dĂ©barqua sur la place VendĂŽme, Ă  l'hĂŽtel de Londres, l'ancien souverain de la rĂ©gence algĂ©rienne... »
  2. Raph Uwechue, Africa today., Africa Books Ltd, (ISBN 0-903274-16-7 et 978-0-903274-16-6, OCLC 24930584, lire en ligne)
  3. Jenny Gu et Philip Bourne, « Bookcast - Structural Bioinformatics 2nd Edition Gu & Bourne (Eds.) », sur SciVee, (consulté le )
  4. « Affaires Ă©trangĂšres. Correspondance reçue du consulat d'Alger (1642-1792) », sur FranceArchives (consultĂ© le ) : « L'intensitĂ© du jeu diplomatique est sous-tendue par l'importance des relations Ă©conomiques. Elles se manifestent Ă  travers les activitĂ©s commerciales de la Compagnie d'Afrique dans ses concessions du Bastion de France Ă  La Calle et de ses comptoirs de BĂŽne, Stora et Collo, l'installation de succursales des principales maisons de commerce de Marseille ou Ă  travers l'affrĂštement constant de bĂątiments français par les AlgĂ©riens pour TĂ©touan, SalĂ©, Mogador, Tunis, Alexandrie et, trĂšs rĂ©guliĂšrement, vers Smyrne pour y embarquer des recrues. »
  5. Stephen Estry, Histoire d'Alger: de son territoire et de ses habitants, Paris, (lire en ligne)
  6. Aperçu historique et statistique sur la régence d'Alger, intitulé en arabe : "Le Miroir" ; par sidy Hamdan-Ben-Othman-Khoja,... Traduit de l'arabe par H.... D........., (lire en ligne), p. 145
  7. Ibid, (lire en ligne), p. 161
  8. Mahfoud Kaddache, L'Algérie des Algériens, , 786 p. (ISBN 978-9961-9662-1-1)
  9. Henri Klein, Les feuillets D'Alger - Villa Yusuf, Comité vieil Alger, (lire en ligne), p. 239
  10. Aperçu historique et statistique sur la régence d'Alger, intitulé en arabe : "Le Miroir" ; par sidy Hamdan-Ben-Othman-Khoja,... Traduit de l'arabe par H.... D........., (lire en ligne), p. 134 :
    « Tout le monde fut Ă©tonnĂ© de ce que Hussein, qui avait Ă©tĂ© l’un des favoris d'Omar et son iman, recevait tant d’honneurs de la part d’Ally Pacha... »
  11. Aperçu historique et statistique sur la régence d'Alger, intitulé en arabe : "Le Miroir" ; par sidy Hamdan-Ben-Othman-Khoja,... Traduit de l'arabe par H.... D........., (lire en ligne), p. 141 :
    « Pendant son rĂšgne [Hassan Pacha] avait eu l’intention de rĂ©tablir l’ordre et la discipline, car Ă  son avĂšnement au pouvoir il avait trouvĂ© le gouvernement dans un dĂ©sordre difficile Ă  dĂ©peindre. D’anciens abus existaient depuis un grand nombre d’annĂ©es, et pour parvenir Ă  extirper le mal et opĂ©rer une cure radicale dans le gouvernement de la rĂ©gence, il aurait fallu que le sort en ordonnĂąt autrement et que son rĂšgne fĂ»t d'une plus longue durĂ©e. »
  12. P. Boyer, « Agha », EncyclopĂ©die berbĂšre, no 2,‎ , p. 254–258 (ISSN 1015-7344, DOI 10.4000/encyclopedieberbere.915, lire en ligne, consultĂ© le )
  13. Pierre Boyer, « Le problĂšme Kouloughli dans la rĂ©gence d'Alger », Revue des mondes musulmans et de la MĂ©diterranĂ©e, vol. 8, no 1,‎ , p. 79–94 (DOI 10.3406/remmm.1970.1033, lire en ligne, consultĂ© le )
  14. Comment l'Algérie devint française (1830-1848) de Georges Fleury
  15. Aperçu historique et statistique sur la régence d'Alger, intitulé en arabe : "Le Miroir" ; par sidy Hamdan-Ben-Othman-Khoja,... Traduit de l'arabe par H.... D........., (lire en ligne), p. 131 :
    « A cette Ă©poque, celui qui voulait ĂȘtre nommĂ© bey n’avait qu’à s’adresser aux parents de cet Ahmed Pacha, auxquels ils promettaient de l’argent. Ces charges Ă©taient vĂ©nales, et cette vĂ©nalitĂ© convenait aux hommes du pouvoir dont les exactions Ă©taient au-dessus des lois. Cet ordre de choses a durĂ© jusqu’à l’évĂ©nement qui vint frapper la ville de Constantine. »
  16. Ibid, (lire en ligne), p. 132
  17. Aperçu historique et statistique sur la régence d'Alger, intitulé en arabe : "Le Miroir" ; par sidy Hamdan-Ben-Othman-Khoja,... Traduit de l'arabe par H.... D........., (lire en ligne), p. 162
  18. Abla Gheziel, « Trois rĂ©actions « algĂ©riennes » sur l’avenir de l’AlgĂ©rie, 1830-1834 », Insaniyat / Ű„Ù†ŰłŰ§Ù†ÙŠŰ§ŰȘ. Revue algĂ©rienne d'anthropologie et de sciences sociales, nos 65-66,‎ , p. 187–210 (ISSN 1111-2050, DOI 10.4000/insaniyat.14862, lire en ligne, consultĂ© le )
  19. Merouche Lemnouar, « « Chapitre 18 : Marine et raĂŻs dans le reflux », dans : Recherches sur l’AlgĂ©rie Ă  l'Ă©poque ottomane. II. La course, mythes et rĂ©alitĂ©s », Histoire du Maghreb, Éditions BouchĂšne,‎ , p. 269 (lire en ligne) :
    « En 1827 à Navarin, 6 navires d'Alger sur 8 ont été détruits ou endommagés. »
  20. « TraitĂ© de paix avec Alger », sur www.1789-1815.com (consultĂ© le ) : « Le gouvernement français et la rĂ©gence d'Alger reconnaissent que la guerre n'est pas naturelle entre les deux États, et qu'il convient Ă  la dignitĂ©, comme aux intĂ©rĂȘts de l'un et de l'autre, de reprendre leurs anciennes liaisons. »
  21. (en) L. Carl Brown, Salah Zaimeche, Keith Sutton et Abdel Kader Chanderli, « Algeria », History,‎ (lire en ligne)
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