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Pierre Joseph Habert

Pierre Joseph Habert, nĂ© le Ă  Avallon dans l'Yonne et mort le Ă  MontrĂ©al, dans le mĂȘme dĂ©partement, est un gĂ©nĂ©ral français de la RĂ©volution et de l’Empire. AprĂšs avoir servi dans l'armĂ©e de 1792 Ă  1797, il sert en Irlande et en Égypte et obtient tous les grades jusqu'Ă  celui de colonel en 1802. Sous l'Empire, il commande un rĂ©giment d'infanterie pendant la campagne de 1805 contre l'Autriche. Lors des opĂ©rations en Prusse et en Pologne de 1806 Ă  1807, il se distingue Ă  IĂ©na, Golymin, Eylau et Heilsberg oĂč il est blessĂ© Ă  deux reprises.

Pierre Joseph Habert
Pierre Joseph Habert
Le général de division baron Pierre Joseph Habert.

Surnom « L'Ajax de l'armée de Catalogne »
Naissance
Avallon, Yonne
DĂ©cĂšs (Ă  51 ans)
Montréal, Yonne
Origine Drapeau du royaume de France Royaume de France
Arme Infanterie
Grade Général de division
AnnĂ©es de service 1792 – 1815
Conflits Guerres de la Révolution française
Guerres napoléoniennes
Distinctions Grand officier de la LĂ©gion d'honneur
Baron de l'Empire
Chevalier de Saint-Louis
Hommages Nom gravĂ© sous l'arc de triomphe de l'Étoile
(Pilier Ouest) : 36e colonne

Promu au grade de gĂ©nĂ©ral de brigade, Habert est envoyĂ© en Espagne oĂč il se forge une rĂ©putation sur les champs de bataille. AprĂšs avoir guerroyĂ© dans la pĂ©ninsule avec des fortunes diverses de 1808 Ă  1809, il passe sous les ordres du gĂ©nĂ©ral et futur marĂ©chal Suchet nommĂ© au commandement des troupes stationnĂ©es en Aragon. Une sĂ©rie de victoires quasi-ininterrompues s'ensuit alors : bien qu'il ne soit que brigadier, Habert se voit confier le commandement de la 3e division du corps de Suchet qu'il mĂšne au combat Ă  LĂ©rida, Tortose et Tarragone. ÉlevĂ© au grade supĂ©rieur, le gĂ©nĂ©ral conduit sa division au siĂšge de Valence ainsi qu'aux batailles de Sagonte, Castalla et Ordal. Il est surnommĂ© l'« Ajax de l'armĂ©e de Catalogne » pour sa dĂ©fense prolongĂ©e de Barcelone en 1814. Habert est rappelĂ© pendant les Cent-Jours pour commander une division au cours des batailles de Ligny et de Wavre mais il n'est pas prĂ©sent Ă  Waterloo. Son nom est inscrit sous l'arc de triomphe de l'Étoile Ă  Paris.

Biographie

La RĂ©volution et le Consulat

Fils de Henry Habert, marchand libraire Ă  Avallon[1], Pierre Joseph Habert entre au service comme volontaire le et est nommĂ© capitaine au 4e bataillon de l'Yonne. Il devient lieutenant-colonel en second le 3 du mĂȘme mois, puis chef de bataillon Ă  la 107e demi-brigade de bataille le 22 septembre 1794. Le jeune officier passe ensuite dans le 3e rĂ©giment de la brigade Ă©trangĂšre le 2 novembre 1796[2].

AprĂšs avoir fait toutes les campagnes de la RĂ©volution française et subi quelques mois de captivitĂ© en Grande-Bretagne Ă  la suite de la deuxiĂšme expĂ©dition d'Irlande en 1796, il passe en Égypte pour porter des dĂ©pĂȘches au gĂ©nĂ©ral en chef. Il se rend d'abord Ă  Alger pour remplir une mission auprĂšs du consul de France et arrive Ă  Alexandrie aprĂšs une traversĂ©e de quinze jours malgrĂ© la surveillance de la marine britannique. NommĂ© aide de camp du gĂ©nĂ©ral Jacques François Menou le 23 octobre 1800, Habert se distingue Ă  la bataille d'HĂ©liopolis et est nommĂ© chef de brigade Ă  titre provisoire par le gĂ©nĂ©ral Menou le 21 mars 1801. Il revient en France aprĂšs la capitulation d'Alexandrie et est confirmĂ© dans son grade de chef de brigade par arrĂȘtĂ© des consuls le 3 avril 1802. Fait commandant du 105e rĂ©giment d'infanterie de ligne Ă  Perpignan le 29 mai de la mĂȘme annĂ©e, il est fait chevalier de la LĂ©gion d’honneur le 22 dĂ©cembre 1803 puis officier de l'ordre le 14 juin 1804. Il occupe entretemps les fonctions de chef de brigade au camp de Bayonne, de Saintes et de Brest entre 1803 et 1805[2].

Les premiĂšres campagnes de l'Empire, 1805-1807

Le maréchal Pierre Augereau, commandant en chef le VIIe corps d'armée.

En aoĂ»t 1805, alors que vient de se former la TroisiĂšme Coalition, le 105e de ligne commandĂ© par Habert rejoint la division du gĂ©nĂ©ral Desjardin appartenant au VIIe corps du marĂ©chal Augereau[3]. AprĂšs avoir parcouru des centaines de kilomĂštres depuis Brest, les hommes d'Augereau ne participent pas au gros des opĂ©rations mais parviennent cependant Ă  acculer la division autrichienne de Jelačić prĂšs du lac de Constance[4]. Le 13 novembre, Jelačić doit se rendre avec ses 4 000 hommes Ă  la division Desjardin en prĂ©sence d'Augereau Ă  Dornbirn, dans le Vorarlberg. Les Autrichiens sont autorisĂ©s Ă  regagner la BohĂȘme Ă  condition de ne plus reprendre les armes contre la France pendant un an[5].

Au commencement de la campagne de Prusse en 1806, Habert et son 105e de ligne servent Ă  la brigade Lefranc au sein de la division du VIIe corps commandĂ©e par Desjardin[6]. Au cours de la bataille d'IĂ©na le 14 octobre 1806, la division Desjardin s'empare du village d'Isserstadt, perçant le centre-droit de la ligne prussienne et sauvant l'avant-garde du marĂ©chal Ney d'une situation prĂ©caire. Le 24 dĂ©cembre, Augereau rĂ©ussit Ă  franchir la Wkra en Pologne Ă  l'issue de la bataille de Czarnowo. Le marĂ©chal envoie d'abord la 2e division du gĂ©nĂ©ral Heudelet Ă  Sochocin pour tenter une traversĂ©e tandis que Desjardin fait de mĂȘme Ă  KoƂoząb. Se heurtant Ă  la division russe Barclay de Tolly, l'attaque d'Heudelet est repoussĂ©e mais celle de Desjardin rencontre plus de succĂšs. Pilonnant les Russes avec ses canons, ce dernier lance quelques compagnies d'Ă©lite Ă  l'assaut du pont partiellement dĂ©truit tandis que sa deuxiĂšme brigade sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Lapisse tombe sur le flanc des dĂ©fenseurs. Cet assaut combinĂ© livre le champ de bataille et six piĂšces d'artillerie aux Français[7].

Épisode de la bataille d'Heilsberg, le 10 juin 1807, par Richard Knötel. Habert est blessĂ© Ă  deux reprises au cours de cet engagement.

Habert dirige le 105e face aux Russes lors de la bataille de Golymin le 26 dĂ©cembre 1806[8]. La division Desjardin arrive sur le terrain la premiĂšre et accable un rĂ©giment d'infanterie ennemi, mais ce dernier reçoit des renforts et les Russes finissent par repousser Ă  leur tour les soldats de Desjardin. AprĂšs s'ĂȘtre ralliĂ©s, les Français retournent au combat et cette fois la 2e brigade n'est stoppĂ©e qu'Ă  50 pas des canons russes par des dĂ©charges de mitraille. La brigade recule alors sur environ 200 m et se forme en carrĂ©s en avant du village de Kaleczin. Les troupes russes font quant Ă  elles retraite durant la nuit[9].

Le 8 fĂ©vrier 1807, le 105e de ligne se trouve sur le champ de bataille d'Eylau. À 2 h de l'aprĂšs-midi, NapolĂ©on ordonne au marĂ©chal Augereau, souffrant, d'attaquer le flanc gauche des Russes avec son VIIe corps. Alors que le mouvement est en cours d'exĂ©cution, un Ă©pais brouillard s'abat subitement sur le champ de bataille et le corps d'Augereau, aveuglĂ© par la neige, vire trop Ă  gauche et se heurte au centre du dispositif russe. MitraillĂ© par une batterie de 70 piĂšces et submergĂ© par une contre-attaque de l'infanterie et de la cavalerie russes, le VIIe corps essuie des pertes considĂ©rables[10]. Le gĂ©nĂ©ral Desjardin, commandant la division Ă  laquelle appartient le 105e, est tuĂ©[11]. À l'issue de la bataille, le VIIe corps trop affaibli pour ĂȘtre reconstituĂ©, est dissous et ses Ă©lĂ©ments rĂ©partis dans les autres unitĂ©s françaises[12]. Habert est ensuite transfĂ©rĂ© Ă  la division Legrand du 4e corps de Soult. Il est blessĂ© de deux coups de feu, l’un Ă  la tĂȘte et l’autre Ă  l’épaule, Ă  la bataille d'Heilsberg le 10 juin, et le 11 juillet de la mĂȘme annĂ©e, il est fait commandeur de la LĂ©gion d'honneur[13].

Premiers combats en Espagne, 1808-1809

Assaut contre Saragosse, par Janvier Suchodolski.

Habert est nommĂ© gĂ©nĂ©ral de brigade le 18 fĂ©vrier 1808 et est envoyĂ© en Espagne. Du 15 juin au 14 aoĂ»t, les Français entreprennent le premier siĂšge de Saragosse qui se solde par un Ă©chec[14]. Au dĂ©but des opĂ©rations, Habert dirige une brigade indĂ©pendante forte de 3 104 hommes composĂ©e des 1er et 2e bataillons polonais de la lĂ©gion de la Vistule (1 243 hommes), du 1er rĂ©giment supplĂ©mentaire de la lĂ©gion de rĂ©serve (1 030 hommes), du 4e bataillon du 15e rĂ©giment d'infanterie de ligne (411 hommes) et du 3e bataillon du 47e rĂ©giment d'infanterie de ligne (420 hommes)[15]. Au , Habert est Ă  la tĂȘte de la 1re brigade de la division du gĂ©nĂ©ral Grandjean appartenant au IIIe corps. Il a sous ses ordres quatre bataillons du 14e de ligne et un bataillon du 5e de ligne[16].

Du 19 dĂ©cembre 1808 au 20 fĂ©vrier 1809, le IIIe corps du marĂ©chal Moncey prend part au second siĂšge de Saragosse[17]. Le 21 dĂ©cembre, la brigade Habert s'empare des faubourgs sud-est de Saragosse et se rend maĂźtre du Monte Torrero. Un soldat servant sous les ordres d'Habert pendant le siĂšge dĂ©crit le gĂ©nĂ©ral comme un « personnage Ă  chevelure luxuriante et Ă  gros favoris d'un noir de jais, taillĂ© en athlĂšte, mais n'ayant guĂšre d'autre mĂ©rite qu'une audace extraordinaire »[18]. Une fois la ville prise, le IIIe corps, passĂ© sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Junot, prend aisĂ©ment le contrĂŽle de la vallĂ©e de l'Èbre mais doit faire face Ă  l'activitĂ© renouvelĂ©e des troupes rĂ©guliĂšres espagnoles et de la guĂ©rilla. La menace d'une guerre avec l'Autriche devenant de plus en plus sĂ©rieuse, NapolĂ©on effectue de larges ponctions dans les rangs des armĂ©es françaises servant en Espagne, ne laissant Ă  Junot que 15 000 hommes pour occuper l'Aragon[19].

Au mois de mai, Habert reçoit une rude introduction aux tactiques de la guĂ©rilla lorsque la milice espagnole du colonel Perena chasse la garnison française de MonzĂłn. DĂ©sireux de reconquĂ©rir la ville, Habert envoie un contingent d'environ 1 000 hommes formĂ© Ă  partir de ses compagnies d'Ă©lite et quelques cuirassiers traverser la riviĂšre Cinca en aval de MonzĂłn. Cependant, la Cinca entre en crue sans crier gare, piĂ©geant le dĂ©tachement sur la rive opposĂ©e. Avec le reste de ses forces, Habert tente de franchir le cours d'eau directement Ă  MonzĂłn mais les soldats de Perena repoussent tous ses assauts dans la journĂ©e du 16 mai. Les cuirassiers se jettent Ă  l'eau avec leurs montures et parviennent Ă  s'Ă©chapper mais les fantassins restĂ©s sur l'autre rive tombent Ă  court de munitions et doivent capituler le 19 mai[20] sous le regard impuissant du gĂ©nĂ©ral. À l'Ă©poque de cette affaire, Habert commande la 1re division du corps de Junot qui aligne 9 000 hommes et 12 canons ainsi que deux escadrons attachĂ©s du 13e rĂ©giment de cuirassiers. La troupe de Perena, estimĂ©e Ă  10 000 miquelets, capture quant Ă  elle trois compagnies de voltigeurs du 14e de ligne, les compagnies de grenadiers et de voltigeurs du 116e de ligne et peut-ĂȘtre encore d'autres unitĂ©s[21].

Le général Louis-Gabriel Suchet, commandant en chef le IIIe corps de l'armée d'Espagne.

Le jour oĂč Habert assiste Ă  la capture de ses compagnies d'Ă©lite, le gĂ©nĂ©ral Louis-Gabriel Suchet arrive en Aragon pour remplacer Junot au commandement du IIIe corps. La bataille d'Alcañiz, qui se dĂ©roule le 23 mai 1809 et constitue le premier combat de Suchet en tant que commandant d'une force indĂ©pendante, se termine sur une dĂ©faite française face aux Espagnols du gĂ©nĂ©ral Blake. Avant le dĂ©but de l'action, Suchet a ordonnĂ© Ă  Habert de le rejoindre[22], mais ce dernier n'apparaĂźt pas sur l'ordre de bataille du 23 mai et c'est le gĂ©nĂ©ral Laval qui assure le commandement de la 1re division au cours de l'engagement[23].

Blake profite de sa victoire pour menacer Saragosse mais Suchet, ralliant ses troupes, l'affronte une nouvelle fois Ă  la bataille de MarĂ­a le 15 juin. Laval ayant Ă©tĂ© dĂ©tachĂ© avec une partie de ses troupes par le gĂ©nĂ©ral en chef afin de couvrir Saragosse, Habert est dĂ©signĂ© pour diriger le reste de la 1re division. Comptant sur l'arrivĂ©e prochaine de 3 000 soldats en renfort, Suchet se maintient sur la dĂ©fensive tout au long de la journĂ©e. À 16 h, alors que les renforts tant attendus dĂ©bouchent enfin sur le champ de bataille, le commandant français lance l'infanterie d'Habert et la cavalerie du gĂ©nĂ©ral Wathier sur le flanc droit de Blake. PercutĂ©e par cette double attaque, la ligne espagnole s'Ă©croule[24]. L'armĂ©e de Blake laisse 1 000 tuĂ©s et entre 3 000 Ă  4 000 blessĂ©s sur le terrain contre seulement 700 Ă  800 hommes pour les Français[25]. Deux jours plus tard, le gĂ©nĂ©ral espagnol dĂ©cide de disputer une nouvelle bataille prĂšs du village de Belchite. Suchet envoie la division Musnier Ă  l'assaut de l'aile gauche espagnole tandis qu'Habert est chargĂ© d'opĂ©rer de mĂȘme sur la droite. Alors que les troupes d'Habert viennent d'engager les hostilitĂ©s[26], l'artillerie française rĂ©ussit par chance Ă  faire exploser un caisson d'artillerie espagnol juste derriĂšre leur flanc droit et l'armĂ©e de Blake, prise de panique au bruit des dĂ©tonations, Ă©vacue le champ de bataille en dĂ©sordre. Les Français perdent environ 200 hommes contre des pertes dix fois supĂ©rieures pour leurs adversaires, qui abandonnent Ă©galement sur place 20 caissons de munitions[27].

Le temps des victoires, 1809-1812

AprĂšs avoir pacifiĂ© la vallĂ©e de l'Èbre, Suchet dĂ©tache Musnier dans le nord pour combattre la guĂ©rilla que Laval est Ă©galement chargĂ© de rĂ©duire dans la partie sud de l'Aragon. Pour le restant de l'annĂ©e 1809, le quotidien du IIIe corps est marquĂ© par des opĂ©rations de lutte anti-guĂ©rilla[28]. Un ordre de bataille de janvier 1810 rĂ©vĂšle qu'Habert commande la 3e division du corps de Suchet bien qu'il ne soit toujours que gĂ©nĂ©ral de brigade. Il a alors sous ses ordres 4 329 hommes rĂ©partis en sept bataillons[29]. À cette pĂ©riode, le roi d'Espagne Joseph Bonaparte insiste pour que Suchet mĂšne une expĂ©dition contre Valence. Se conformant aux ordres du souverain, le commandant du IIIe corps se prĂ©sente sous les murs de la ville le 6 mars mais doit se retirer aprĂšs seulement quatre jours de blocus. Suchet dĂ©cide alors de marcher sur LĂ©rida et ses troupes arrivent devant la citĂ© le 15 avril. Une colonne de secours espagnole est Ă©crasĂ©e le 23 dans la plaine de Margalef[30]. Les Français peuvent dĂšs lors mener Ă  bien leurs prĂ©paratifs et les opĂ©rations contre LĂ©rida dĂ©butent officiellement le 29 avril. Lors de ce siĂšge, la division Habert se compose du 5e lĂ©ger et du 116e de ligne Ă  deux bataillons chacun, de trois bataillons du 117e de ligne et de deux batteries d'artillerie Ă  pied. Le gouverneur de la place GarcĂ­a Conde capitule le 13 mai 1810 avec 7 000 soldats[31].

Suchet exploite ce premier succÚs en mettant le siÚge devant Mequinenza. La ville et sa forteresse sont investies sur un coup de bluff par les troupes françaises le 15 mai. AprÚs avoir creusé une nouvelle route en direction des hauteurs, l'armée impériale installe ses canons à portée de la place et commence le bombardement du chùteau[32]. Le commandant espagnol capitule avec un millier d'hommes le 5 juin. La 3e division d'Habert a participé aux opérations[33]. Suchet se fixe ensuite comme nouvel objectif la prise de la ville de Tortose, située à un emplacement stratégique contrÎlant le passage sur l'Èbre inférieur entre Barcelone et Valence. Le IIIe corps parvient à isoler la cité mais, face à l'activité de la guérilla et des troupes réguliÚres espagnoles tant en Aragon qu'en Catalogne, il n'est pas en mesure d'entamer un siÚge en rÚgle avant plusieurs mois. Suchet parvient finalement à rassembler son artillerie lourde tandis que le VIIe corps du maréchal Macdonald arrive le 10 décembre pour couvrir l'opération[34].

Le siĂšge de Tarragone en 1811, par Jean-Charles-Joseph RĂ©mond.

Le siĂšge de Tortose dĂ©bute le 16 dĂ©cembre 1810[35]. Suchet mĂšne les opĂ©rations avec vigueur et, le 2 janvier 1811, obtient la reddition du gĂ©nĂ©ral Conde de Alacha Lilli et de sa garnison (bien que certains soldats espagnols aient rĂ©ussi Ă  s'Ă©chapper). La division Habert est laissĂ©e sur place pour assurer la dĂ©fense de la ville pendant que Suchet s'attache Ă  consolider ses acquis[36]. Sur les 7 179 dĂ©fenseurs espagnols, 1 400 ont Ă©tĂ© tuĂ©s ou blessĂ©s et 3 974 faits prisonniers. Les pertes françaises se montent Ă  environ 400 hommes. La division Habert a exactement la mĂȘme composition que lors du siĂšge de LĂ©rida Ă  l'exception du 116e de ligne, transfĂ©rĂ© Ă  la division Harispe et remplacĂ© par trois bataillons du 16e rĂ©giment d'infanterie[35]. Le gĂ©nĂ©ral s'empare peu aprĂšs du fort de Balaguer et des onze canons qui s'y trouvent, action pour laquelle Suchet demande son Ă©lĂ©vation au grade de divisionnaire[37].

S'Ă©tant vu promettre le bĂąton de marĂ©chal en Ă©change de la prise de Tarragone, Suchet arrive en vue de cette derniĂšre ville le 3 mai 1811[38]. L'organisation de la division Habert n'a pas changĂ©e depuis LĂ©rida. Le siĂšge de Tarragone commence le 5 mai et dure jusqu'au 29 juin[39]. Les Français rĂ©ussissent Ă  prendre le fort de l'Olivo le 29 mai et repoussent le lendemain une contre-attaque espagnole dirigĂ©e sur ce point. En dĂ©pit d'une rĂ©sistance acharnĂ©e, les assiĂ©geants se rendent maĂźtres un Ă  un des forts protecteurs entourant la ville. Le 21 juin, les forces de Suchet pĂ©nĂštrent dans la ville basse et s'en emparent, puis trois colonnes de soldats français lancent un assaut contre la ville haute le 28 juin. Galvanisant ses hommes, Habert mĂšne une charge furieuse contre les dĂ©fenseurs, brisant toute rĂ©sistance et capturant le commandant espagnol Juan Senen de Contreras[40]. Les fantassins français deviennent incontrĂŽlables et massacrent de nombreux soldats espagnols sans dĂ©fense. Les tĂ©moignages anglais et espagnols affirment en outre que plus de 4 000 civils ont Ă©tĂ© victimes de ce carnage. Ces assertions sont contestĂ©es par les Français qui, tout en reconnaissant que leurs troupes ont perdu Ă  ce moment-lĂ  tout sens de la discipline, nient le fait qu'elles aient tuĂ© des personnes autres que des individus en armes. ConformĂ©ment Ă  sa promesse, NapolĂ©on Ă©lĂšve Suchet Ă  la dignitĂ© de marĂ©chal d'Empire[41]. Ce siĂšge a coĂ»tĂ© Ă  l'armĂ©e française 4 300 morts ou blessĂ©s mais ces pertes sont largement infĂ©rieures Ă  celles essuyĂ©es par les Espagnols : 14 000 Ă  15 000 hommes, dont 8 000 prisonniers[39].

Le général Habert au combat, par Jean-Hilaire Belloc.

Habert est nommĂ© gĂ©nĂ©ral de division le 25 juin 1811 et fait baron de l'Empire le 18 juillet[42]. Un rapport datĂ© du 15 juillet 1811 en provenance du corps de Suchet — qui a pris le nom d'« armĂ©e d'Aragon » — indique que la division Habert se compose Ă  cette pĂ©riode de 4 433 hommes en onze bataillons. RĂ©organisĂ©e en prĂ©vision de l'expĂ©dition contre Valence au mois de septembre, la 3e division est formĂ©e des brigades Montmarie (2 119 hommes) et Bronikowski (1 340 hommes)[43]. Le 23 septembre, Suchet se prĂ©sente sous les murs de l'imposante forteresse de Sagonte et lance de façon prĂ©maturĂ©e deux assauts qui sont repoussĂ©s par la garnison. Dans le mĂȘme temps, Blake arrive Ă  proximitĂ© de la ville Ă  la tĂȘte d'une colonne de secours. Le 25 octobre, le gĂ©nĂ©ral espagnol livre aux Français la bataille de Sagonte. Le marĂ©chal Suchet dĂ©ploie la division Habert sur le flanc gauche, accoudĂ©e Ă  la mer. Les troupes françaises, bien que deux fois infĂ©rieures en nombre Ă  celles de leurs adversaires, mettent rapidement en dĂ©route l'aile gauche de Blake mais les unitĂ©s placĂ©es au centre et Ă  droite du dispositif espagnol continuent de se battre avec vaillance. Habert est de son cĂŽtĂ© contraint de refuser sa gauche pour Ă©viter d'ĂȘtre bombardĂ© depuis la mer par les canonniĂšres ennemies. AprĂšs un rĂ©sistance fĂ©roce, le centre espagnol craque et fuit le champ de bataille. Habert pousse sa division en avant pour barrer la route aux fuyards Ă  hauteur du village de Puzol, mais le rĂ©giment espagnol des gardes wallonnes, au prix de lourdes pertes, tient les fantassins français Ă  distance et permet au reste de l'armĂ©e de faire retraite. L'armĂ©e d'Aragon inflige Ă  ses adversaires une perte d'environ 6 000 hommes hors de combat contre seulement 1 000 tuĂ©s ou blessĂ©s dans ses rangs. À la vue de cette cinglante dĂ©faite de l'armĂ©e de secours, les 2 500 dĂ©fenseurs du chĂąteau de Sagonte hissent le drapeau blanc[44].

Fort de cette victoire, Suchet peut dĂ©sormais reporter son attention sur Valence. Son armĂ©e aligne alors cinq divisions d'infanterie aux ordres des gĂ©nĂ©raux Musnier, Harispe, Habert, Palombini et CompĂšre ainsi qu'une division de cavalerie commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Boussart[45]. À cet ensemble s'ajoutent deux divisions d'infanterie dirigĂ©es par les gĂ©nĂ©raux Reille et Severoli. Au total, le marĂ©chal a 33 000 hommes sous ses ordres[46]. Dans le courant du mois de dĂ©cembre, la division Habert est renforcĂ©e de la brigade napolitaine forte d'un rĂ©giment d'infanterie et d'un petit contingent de cavalerie[47]. Pour attaquer Valence, Suchet planifie un double enveloppement, prĂ©voyant avec le gros de ses forces regroupĂ©es Ă  l'intĂ©rieur des terres de contourner l'aile gauche de Blake tandis que le gĂ©nĂ©ral Habert est chargĂ© de briser le flanc droit espagnol entre Valence et la mer. Pendant que quelques contingents rĂ©duits continuent d'occuper les Espagnols de front, la manƓuvre en tenaille imaginĂ©e par Suchet se referme sur la ville le 25 dĂ©cembre 1811. Habert accomplit sa mission avec succĂšs en bousculant les troupes espagnoles d'Obispo sur la droite alors que Suchet submerge l'aile gauche du dispositif ennemi. Les unitĂ©s placĂ©es sur les flancs espagnols parviennent Ă  s'enfuir mais la majeure partie de l'armĂ©e de Blake est obligĂ©e de se rĂ©fugier dans la ville oĂč elle capitule le 8 janvier 1812[48]. Les Français comptent 2 000 victimes mais leurs adversaires dĂ©plorent la perte de 4 011 tuĂ©s ou morts de maladie ainsi que 16 270 prisonniers et 374 canons pris. Seuls 7 071 soldats espagnols ont Ă©chappĂ© au dĂ©sastre[49].

DerniĂšres campagnes

La bataille de Castalla, le 13 avril 1813, Ă  laquelle participe la division Habert.

Peu aprĂšs leur victoire Ă  Valence, les troupes françaises poussent en direction d'Alicante et Habert prend la ville de DĂ©nia oĂč il trouve 66 canons et 40 000 cartouches[50]. Toutefois, Suchet tombe malade et ne peut Ă©chafauder de nouvelles opĂ©rations[51]. Affaibli par l'Ă©tendue mĂȘme de ses conquĂȘtes, le marĂ©chal doit basculer sur la dĂ©fensive pendant l'annĂ©e 1812[52]. Au dĂ©but de l'annĂ©e 1812, Habert obtient un congĂ© en France et transmet le commandement de sa division au gĂ©nĂ©ral Montmarie[53]. À la mi-automne, Habert est rentrĂ© et la 3e division aligne sept bataillons pour un total de 4 975 soldats[54]. Des Ă©vĂ©nements majeurs se dĂ©roulent ailleurs en Espagne Ă  cette pĂ©riode, notamment la dĂ©faite française Ă  la bataille des Arapiles le 22 juillet et le siĂšge de Burgos entrepris par Wellington. Le roi Joseph a dĂ» abandonner Madrid pour un temps et trouver refuge auprĂšs de Suchet Ă  Valence, mais il parvient finalement, avec l'aide du marĂ©chal Soult, Ă  reprendre le contrĂŽle de la capitale[55].

La division Habert est engagĂ©e lors de la bataille de Castalla le 13 avril 1813. Au cours de l'affrontement, Suchet ordonne Ă  la division du gĂ©nĂ©ral Robert d'attaquer le flanc gauche de l'armĂ©e anglo-espagnole, aux ordres du gĂ©nĂ©ral Murray. SimultanĂ©ment, le marĂ©chal demande Ă  Habert de contenir Murray sur le centre et charge Boussart, le commandant de sa cavalerie, de se contenter d'observer l'aile droite adverse. La division Harispe forme la rĂ©serve. L'assaut menĂ© par Robert Ă©choue et Habert reçoit l'ordre de se replier sous la protection d'Harispe[56]. Durant cette bataille, Habert n'a plus sous son commandement que 2 722 hommes en quatre bataillons[57] : le 14e de ligne est Ă  deux bataillons et les 16e et 117e de ligne Ă  un seul bataillon[58]. À l'Ă©poque du siĂšge de Tarragone en juin 1813, la division Habert a Ă©tĂ© renforcĂ©e et compte Ă  prĂ©sent six bataillons pour un total de 4 120 hommes[59]. La bataille de Vitoria le 21 juin, qui s'achĂšve sur une Ă©crasante dĂ©faite des troupes françaises commandĂ©es par Joseph, contraint Suchet Ă  Ă©vacuer Valence et l'Aragon et Ă  se replier en Catalogne[60].

Le 13 septembre 1813 a lieu le combat du col d'Ordal, au cours duquel Habert dirige la 3e division (composĂ©e des 14e, 16e et 117e de ligne Ă  deux bataillons chacun). Suchet attaque de nuit les positions anglo-espagnoles insuffisamment gardĂ©es et inflige une sĂ©vĂšre dĂ©faite Ă  ses adversaires[61]. À la fin de l'annĂ©e 1813, Habert prend la tĂȘte de la 4e division du corps de Suchet qui aligne quatre bataillons pour un total de 3 975 hommes[62]. Le gĂ©nĂ©ral est Ă©levĂ© au grade de commandeur de l’ordre de la RĂ©union par dĂ©cret impĂ©rial du 25 novembre 1813[63]. NapolĂ©on ayant largement puisĂ© dans les effectifs du marĂ©chal pour dĂ©fendre l'est de la France menacĂ© par les armĂ©es coalisĂ©es, Suchet voit ses troupes rĂ©duites Ă  17 000 soldats. ForcĂ© d'Ă©vacuer une grande partie de la Catalogne, le gĂ©nĂ©ral en chef laisse Habert Ă  Barcelone en qualitĂ© de gouverneur[64]. Ce dernier dĂ©fend la ville avec intrĂ©piditĂ© face Ă  30 000 soldats anglo-espagnols soutenus par une escadre britannique, ce qui lui vaut d'ĂȘtre surnommĂ© l'« Ajax de l'armĂ©e de Catalogne »[65]. Il ne rend la ville que le 28 mai 1814, bien aprĂšs l'abdication de NapolĂ©on[66], et seulement avec une « profonde rĂ©ticence »[67].

Maison du général Habert à Montréal, dans l'Yonne.

Le gĂ©nĂ©ral Habert est fait chevalier de l'ordre de Saint-Louis par ordonnance du 13 aoĂ»t 1814. Mis en non-activitĂ© le , il est fait grand officier de la LĂ©gion d'honneur le 29 juillet de la mĂȘme annĂ©e. Il commande le 22 mars 1815 la 2e division, puis la 18e division d’infanterie du 3e corps d’observation Ă  partir du 6 avril[63]. RalliĂ© Ă  NapolĂ©on pendant les Cent-Jours, Habert est ensuite appelĂ© au commandement de la 10e division d’infanterie du 3e corps de l’armĂ©e du Nord sous le gĂ©nĂ©ral Vandamme. Cette division comprend les 22e, 34e, 70e et 88e rĂ©giments d'infanterie de ligne[68]. Il se distingue avec ses troupes le 16 juin 1815 au cours de la bataille de Ligny, oĂč il prend Ă  deux reprises le village de Saint-Amand dĂ©fendu par les Prussiens[63].

Lors de la bataille de Wavre le 18 juin, Vandamme, sans attendre les ordres du marĂ©chal Grouchy, ordonne Ă  Habert d'attaquer la ville. Ses troupes chassent rapidement les tirailleurs prussiens du village d'Aisemont, sur la Dyle. Habert lance ensuite une forte colonne d'infanterie Ă  l'assaut du pont, couverte par deux batteries de 12 livres Ă©tablies de chaque cĂŽtĂ© de la route. Les Français mĂšnent trois assauts successifs sur la position, mais chaque tentative se solde par un Ă©chec et 600 hommes sont mis hors de combat[69]. Habert lui-mĂȘme est griĂšvement blessĂ© d’un coup de feu au bas-ventre. Mis en non-activitĂ© le , il est compris comme disponible dans le cadre de l'Ă©tat-major gĂ©nĂ©ral de l'armĂ©e le 30 dĂ©cembre 1818 et est admis Ă  la retraite le [63]. Il meurt dans sa maison de MontrĂ©al le 19 mai 1825 d'une blessure de guerre mal soignĂ©e et est enterrĂ© dans le cimetiĂšre de MontrĂ©al[70] oĂč son tombeau en Ă©tat d'abandon existe encore de nos jours[71]. Son nom est inscrit sur l'arc de triomphe de l'Étoile, cĂŽtĂ© Ouest[63].

Il Ă©pouse Ă  Paris, le jeudi 9 mai 1816, Aline Belloc (1793-1872), fille d'Hilaire Belloc Ă©picier et Jeanne Henriette Belzons[72]. De ce couple naĂźtront: Henri Hilaire Habert (1817-1829), Baron Habert - Jeanne-Mathilde Habert, Ă©pouse Herbelin (1818-1904), artiste peintre, et Marie Habert (ca.1821-ca.1900)[73]

Armoiries

Figure Nom du baron et blasonnement
Armes du baron Pierre Joseph Habert et de l'Empire, lettres patentes du , grand officier de la LĂ©gion d'honneur

CoupĂ© au I, d’azur Ă  trois pyramides soutenues d’argent, ouvertes et maçonnĂ©es de sable, surmontĂ©es de deux Ă©toiles Ă  six rais d’or ; au II, de gueules chargĂ© Ă  dextre d’une tour donjonnĂ©e de trois tourelles d’argent, battue en brĂšche Ă  senestre et senestrĂ©e d’un lion d’or, contre-rampant, armĂ© d’une Ă©pĂ©e haute d’argent, la tour chargĂ©e d’un Ă©cu : de gueules Ă  cinq pals d’argent Ă  la plante de chanvre brochante du mĂȘme ; au franc-quartier des barons militaires[74]

Notes et références

  1. Henri Forestier, L'Yonne au XIXe siÚcle, vol. 2, Archives départementales de l'Yonne / Imprimerie L'Universelle, (lire en ligne), p. 694.
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  9. Petre 1976, p. 109 et 110.
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  72. Hilaire Belloc et Jeanne Belzons sont également les parents de Jean-Hilaire Belloc (1786-1866), artiste peintre marié le 2 juin 1821 à Paris, avec Louise Swanton (1796-1881), femme de Lettres - Mélanie Belloc 1790-ca.1875, mariée en 1810 avec Pierre Thomas Le Roy de Boisaumarié (1773-1837), baron de Boisaumarié, et Jeanne Jenny Belloc (1811-1889), mariée le 10 février 1842 avec Gabriel Bibron (1805-1848), zoologiste
  73. Geneanet par Alain Garric et Yvan Chauvire
  74. Jean-Pierre Bibet, « Habert (Pierre) - Général de division - Montréal (Yonne) », sur lesapn.forumactif.fr (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

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  • Alain Pigeard, « Les siĂšges de Saragosse (1808-1809) », Gloire & Empire, Le Livre chez vous, no 22,‎ , p. 5 Ă  71 (ISSN 1774-8054). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
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