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Prise de LĂ©rida

Le siège de LĂ©rida (de son vrai nom Lleida en catalan) se dĂ©roule le et du 29 avril au 14 mai 1810, dans le cadre de la guerre d'indĂ©pendance espagnole. Il oppose l'armĂ©e française d'Aragon commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Louis-Gabriel Suchet Ă  la garnison espagnole du major-gĂ©nĂ©ral Jaime GarcĂ­a Conde. Les opĂ©rations se soldent par une victoire française et GarcĂ­a Conde doit se rendre avec les 7 000 soldats qui lui restent.

Siège de Lérida (1810)
Description de cette image, également commentée ci-après
Jean-Charles-Joseph Rémond, Siège de Lerida par le général Suchet, le 14 mai 1810, 1836, château de Versailles.
Informations générales
Date 23 avril ; 29 avril — 14 mai 1810
Lieu LĂ©rida, Espagne
Issue Victoire française
Commandants
Louis-Gabriel SuchetEnrique José O'Donnell
Jaime GarcĂ­a Conde (en)
Forces en présence
13 000 hommes
30 canons
CondĂ© : 8 000 hommes, 105 canons
O'Donnell : 7 Ă  8 000 hommes, 6 canons
Pertes
LĂ©rida : 1 000 tuĂ©s ou blessĂ©s
Margalef : 100 à 120 tués ou blessés
LĂ©rida : 8 000 tuĂ©s, blessĂ©s ou prisonniers, 105 canons
Margalef : 3 000 Ă  3 500 tuĂ©s, blessĂ©s ou prisonniers, 3 canons

Guerre d'indépendance espagnole

Batailles

Campagne d'Aragon et de Catalogne (1809-1814)
CoordonnĂ©es 41° 36′ 50″ nord, 0° 37′ 32″ est
GĂ©olocalisation sur la carte : Catalogne
(Voir situation sur carte : Catalogne)
Siège de Lérida (1810)
GĂ©olocalisation sur la carte : Espagne
(Voir situation sur carte : Espagne)
Siège de Lérida (1810)

Après avoir tentĂ© sans succès de s'emparer de Valence au mois de mars, Suchet dĂ©cide de concentrer ses efforts sur LĂ©rida et ses troupes arrivent devant la citĂ© Ă  la mi-avril. Ayant appris qu'une armĂ©e espagnole dirigĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Enrique JosĂ© O'Donnell tente de porter secours aux assiĂ©gĂ©s, Suchet l'intercepte le 23 avril dans la plaine de Margalef et la met en dĂ©route avec de lourdes pertes. Cet affrontement est suivi d'un siège en règle de la place dans lequel Suchet utilise des mĂ©thodes brutales afin d'accĂ©lĂ©rer les opĂ©rations. Le 13 mai 1810, GarcĂ­a Conde capitule avec les 7 000 survivants de la garnison. La chute de LĂ©rida marque la première Ă©tape d'une impressionnante sĂ©rie de victoires dans les sièges menĂ©s par l'armĂ©e d'Aragon de 1810 Ă  1812.

Contexte

En janvier 1810, le IIIe corps d'armĂ©e français opère en Espagne sous le commandement du gĂ©nĂ©ral de division Louis-Gabriel Suchet. Ce dernier a sous ses ordres trois divisions d'infanterie dirigĂ©es respectivement par les gĂ©nĂ©raux Laval, Musnier et Habert. La 1re division du gĂ©nĂ©ral Laval comprend 4 290 soldats rĂ©partis en six bataillons ; la 2e division de Musnier compte 7 173 hommes pour 11 bataillons ; quant Ă  la division Habert, elle aligne sept bataillons pour un total de 4 329 hommes. Le gĂ©nĂ©ral de brigade AndrĂ© Joseph Boussart dirige la cavalerie du corps forte de 1 899 sabres et organisĂ©e en deux rĂ©giments inhabituellement bien dotĂ©s en effectifs, un de cavalerie lĂ©gère et un autre de cavalerie lourde. Le IIIe corps dispose Ă©galement de 1 287 artilleurs, sapeurs et autres dĂ©tachements de troupes auxiliaires, portant le total des forces de Suchet Ă  23 140 hommes dont 4 162 en garnison[1].

Le même mois, Suchet envisage de monter une opération contre les forteresses espagnoles de Lérida et Mequinenza. Cependant, des ordres lui parviennent qui lui enjoignent de se porter directement contre Valence. Le roi Joseph Bonaparte est à ce moment en pleine conquête de l'Andalousie et croit les forces espagnoles aux abois. Suchet doit obéir à contrecœur aux ordres du roi et son armée atteint les faubourgs de Valence le 6 mars 1810. Dépourvu de l'artillerie nécessaire à un siège et faisant face à une résistance espagnole déterminée, le général français doit se retirer après un blocus de seulement quatre jours. De retour en Aragon, Suchet passe quelques semaines à réduire les bandes de guérilleros espagnols avant de se préparer à marcher sur Lérida[2].

L'armĂ©e commandĂ©e par Suchet arrive en vue de LĂ©rida le 15 avril 1810[2]. Le commandant français dispose pour cette opĂ©ration de 13 000 soldats organisĂ©s en 18 bataillons et de huit escadrons soutenus par 30 pièces d'artillerie. La 2e division de Musnier se compose des 114e, 115e et 121e de ligne forts de trois bataillons chacun, de deux bataillons polonais de la lĂ©gion de la Vistule et de deux batteries d'artillerie Ă  pied. La 3e division du gĂ©nĂ©ral Habert est Ă©galement prĂ©sente avec le 5e lĂ©ger et le 116e de ligne Ă  deux bataillons chacun ainsi que le 117e de ligne Ă  trois bataillons et deux batteries d'artillerie Ă  pied. La cavalerie de Boussart qui accompagne est formĂ©e du 4e rĂ©giment de hussards et du 13e rĂ©giment de cuirassiers auxquels vient s'ajouter une batterie d'artillerie Ă  cheval. En face, la forteresse de LĂ©rida est Ă©quipĂ©e de 105 canons et dĂ©fendue par une garnison espagnole de 8 000 hommes (dont 350 artilleurs) aux ordres du major-gĂ©nĂ©ral Jaime GarcĂ­a Conde[3]. Cet officier gĂ©nĂ©ral a dĂ©jĂ  participĂ© activement au conflit en Ă©tant notamment parvenu, au mois de septembre 1809, Ă  ravitailler la place de GĂ©rone assiĂ©gĂ©e par les troupes françaises en se frayant un passage Ă  travers leurs lignes[4].

Combat de Margalef

Alors que ses troupes encerclent LĂ©rida, Suchet apprend qu'une colonne espagnole sous les ordres du gĂ©nĂ©ral Enrique JosĂ© O'Donnell s'apprĂŞte Ă  secourir la place. Pour intercepter cette dernière, le gĂ©nĂ©ral français dĂ©tache la division Musnier qui, après plusieurs heures de vaines recherches, finit par rebrousser chemin pour bivouaquer Ă  km de LĂ©rida dans la soirĂ©e du 22 avril. L'armĂ©e d'O'Donnell, Ă©chappant Ă  toute vigilance, a Ă©tabli son campement Ă  proximitĂ©, sans que Suchet soit informĂ© de sa prĂ©sence[2]. Selon Digby Smith, les forces espagnoles se montent Ă  7 000 soldats, dont 300 cavaliers et six canons[3], mais l'historien David Gates estime plutĂ´t leur effectif Ă  8 000 hommes[5]. La division Musnier (5 500 hommes), allĂ©gĂ©e du 121e de ligne, a cependant avec elle les 4e rĂ©giment de hussards et 13e rĂ©giment de cuirassiers, soit 500 cavaliers au total[3].

Le 23 avril, la division espagnole d'avant-garde du major-général Miguel Ibarrola Gonzáles entre en contact avec les troupes françaises du général Harispe dans le secteur est de Lérida. Harispe, malgré son infériorité numérique, parvient à contenir les assaillants espagnols jusqu'à l'arrivée de la division Musnier. Celle-ci se lance à la poursuite d'Ibarrola qui a promptement replié ses hommes. Malgré une tentative pour enrayer l'avancée des Impériaux à hauteur du hameau de Margalef, les Espagnols sont chargés de flanc par le 13e cuirassiers : la division Ibarrola se désintègre alors sous les coups des cavaliers bardés de fer, qui sabrent également les fuyards. Tandis que la déroute d'Ibarrola est consommée, le général O'Donnell surgit à son tour sur le champ de bataille avec sa deuxième division. À la vue du désastre, il ordonne immédiatement le repli, ce qui n'empêche pas les cuirassiers français de tailler en pièces son arrière-garde[6].

La journĂ©e se solde par un sĂ©vère bilan pour les Espagnols : environ 500 tuĂ©s ou blessĂ©s, 2 500 prisonniers, trois canons et quatre drapeaux. Les Français ont quant Ă  eux perdu 100 hommes, tous du 13e rĂ©giment de cuirassiers. L'infanterie française, bien que prĂ©sente, n'a pris aucune part Ă  la bataille[3]. De son cĂ´tĂ©, Gates fait Ă©tat de 3 000 prisonniers espagnols et Ă©value les pertes françaises Ă  120 hommes[5].

Le siège

Plan du siège de Lérida en 1810.
L'artillerie française de la ligne en action, 1812, par Carle Vernet.

Après cette victoire, Suchet peut commencer l'investissement de Lérida. Une sommation est faite aux assiégés mais la réponse de Garcia Condé est négative[5]. La ville est protégée à l'ouest par la Sègre et dispose d'une tête de pont sur le côté est de la rivière. Lérida est également entourée par deux collines, une au nord couronnée par une citadelle et une autre au sud sur laquelle se dresse le fort Garden et deux redoutes. La muraille nord entre la citadelle et la Sègre est particulièrement vulnérable. Suchet décide de poster la division Musnier et le gros de sa cavalerie sur la rive est pour prévenir une éventuelle intervention espagnole de l'extérieur. Dans le même temps, les troupes du général Habert se déploient sur la rive opposée et prennent place sous les murs nord et ouest de Lérida. Un pont temporaire sur la Sègre relie les deux contingents[7]. Les opérations débutent formellement le 29 avril 1810[3]. Suchet fait acheminer son train de siège et dès le 7 mai, les premiers tirs sont dirigés sur la ville[5].

Face aux canons de Suchet, les défenses de Lérida se révèlent insuffisantes[5]. Les pièces françaises prennent les bastions de Carmen et de Magdalena sous leur feu et leur causent de sérieux dommages. Après six jours de bombardement intense, une brèche est ouverte dans les murailles. Simultanément, les Français partent à l'attaque des fortifications de la colline sud. Ils sont repoussés une première fois mais finissent par prendre les deux redoutes dans la nuit du 12 au 13 mai. Plus tard dans la journée, plusieurs colonnes d'assaut françaises se ruent sur la brèche et s'en emparent, puis enlèvent une seconde ligne de défense érigée par les défenseurs en arrière de la brèche. García Conde ordonne alors à ses soldats de se replier dans la citadelle[7].

Sans Ă©tat d'âme, Suchet ordonne Ă  ses troupes de conduire la population civile sous les murs du château[5]. Les personnes qui tentent de rĂ©sister sont immĂ©diatement assassinĂ©s par les soldats français[7]. Après que le commandant espagnol ait autorisĂ© les non-combattants Ă  pĂ©nĂ©trer Ă  l'intĂ©rieur du fort, le gĂ©nĂ©ral français fait bombarder le château Ă  coups de mortiers et d'obusiers[5]. La plupart des 500 civils espagnols morts au cours du siège sont tuĂ©s Ă  ce moment-lĂ [7]. TĂ©tanisĂ© Ă  la vue du massacre que les obus français provoquent chez les civils comme chez les soldats[5], GarcĂ­a Conde capitule dans la matinĂ©e du 14 mai[7]. La reddition livre 7 000 prisonniers aux Français. Sur l'ensemble du siège, la garnison espagnole a perdu 1 700 tuĂ©s ou blessĂ©s. Parmi les trophĂ©es français figurent six gĂ©nĂ©raux, 307 officiers et 105 pièces d'artillerie. Le corps de Suchet compte pour sa part 1 000 tuĂ©s ou blessĂ©s environ[3]. Les vainqueurs libèrent en outre des geĂ´les de LĂ©rida 33 officiers français de l'armĂ©e de Catalogne[8]. Les prises de guerre comprennent aussi 1 500 000 cartouches, dix drapeaux et d'importantes quantitĂ©s de poudre. Le mĂŞme jour, Suchet Ă©crit Ă  NapolĂ©on : « les Aigles triomphantes de Votre MajestĂ© planent sur la ville et les redoutables châteaux de Lerida »[9].

Suites

Pour Suchet, la prise de LĂ©rida marque le dĂ©but d'une remarquable sĂ©rie de victoires. Un jour après la chute de la ville, le IIIe corps met ainsi le siège devant Mequinenza qui capitule le 5 juin 1810[5] - [10]. Le siège de Tortose s'achève le 2 janvier 1811 par la capitulation du gĂ©nĂ©ral Conde de Alacha Lilli, livrant aux Français 3 974 prisonniers, 182 canons et neuf drapeaux[10] - [11]. En mai 1811, Suchet poursuit sur sa lancĂ©e en se portant Ă  l'assaut de Tarragone. Lors d'un assaut gĂ©nĂ©ral français de grande ampleur le 28 juin, le gĂ©nĂ©ral Contreras est capturĂ© et sa garnison anĂ©antie. Pour cette victoire, NapolĂ©on Ă©lève Suchet Ă  la dignitĂ© de marĂ©chal d'Empire[12] - [13].

Le 25 octobre 1811, Ă  l'issue de la bataille de Sagonte, dont Suchet ressort une nouvelle fois vainqueur, la forteresse de Sagonte hisse le drapeau blanc[14]. Cette suite ininterrompue de succès est couronnĂ©e par la prise de Valence qui se rend le 9 janvier 1812 avec le capitaine gĂ©nĂ©ral JoaquĂ­n Blake y Joyes et 16 270 soldats espagnols[15] - [16]. Peu après, les forteresses de DĂ©nia et de PenĂ­scola se soumettent Ă  leur tour, faisant de Suchet le maĂ®tre de toute la province de Valence[17].

Notes et références

  1. Gates 2002, p. 495.
  2. Gates 2002, p. 290.
  3. Smith 1998, p. 342.
  4. Gates 2002, p. 169.
  5. Gates 2002, p. 291.
  6. Gates 2002, p. 290-291.
  7. (en) J. Rickard, « Siege of Lerida, 15 April-14 May 1810 », sur historyofwar.org, (consulté le ).
  8. Hulot 2013, p. 1585.
  9. Bergerot 1986, p. 115.
  10. Smith 1998, p. 343.
  11. Gates 2002, p. 292 Ă  295.
  12. Smith 1998, p. 365.
  13. Gates 2002, p. 296 Ă  301.
  14. Gates 2002, p. 3147 Ă  322.
  15. Smith 1998, p. 373 et 374.
  16. Gates 2002, p. 322 Ă  324.
  17. Gates 2002, p. 325.

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Bernard Bergerot, Le MarĂ©chal Suchet, Tallandier, coll. « Bibliothèque napolĂ©onienne », , 267 p. (ISBN 2-235-01686-3). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • FrĂ©dĂ©ric Hulot, Les grands marĂ©chaux de NapolĂ©on : Berthier, Davout, Jourdan, MassĂ©na, Murat, Ney, Soult, Suchet, Paris, Pygmalion, , 1706 p. (ISBN 978-2-7564-1081-4). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) David Gates, The Spanish Ulcer : A History of the Peninsular War, Londres, Pimlico, , 557 p. (ISBN 0-7126-9730-6). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Digby Smith, The Napoleonic Wars Data Book, Londres, Greenhill, , 582 p. (ISBN 1-85367-276-9). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
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