Nom de rĂšgne des papes
Le nom de rĂšgne des papes est adoptĂ© par le pape nouvellement Ă©lu Ă lâissue du conclave lorsque le doyen du CollĂšge des cardinaux[note 1] lui demande « Acceptez-vous votre Ă©lection canonique comme souverain pontife ? » (en latin Acceptasne electionem de te canonice factam in Summum Pontificem ?). Le conclave prend fin une fois que le souverain pontife a rĂ©pondu favorablement Ă cette question du doyen puis a choisi son nom de rĂšgne Ă la suite de la question « De quel nom voulez-vous ĂȘtre appelĂ© ? » (en latin Quo nomine vis vocari ?)
Le nom du nouveau pape est proclamé à la foule romaine par le cardinal protodiacre depuis le balcon central de la basilique Saint-Pierre au Vatican, selon la locution Habemus papam :
« Annuntio vobis gaudium magnum : habemus Papam, eminentissimum ac reverendissimum Dominum, Dominum [nom de baptĂȘme de lâĂ©lu], Sanctae Romanae Ecclesiae Cardinalem [nom de famille de lâĂ©lu], qui sibi nomen imposuit [nom voire nombre de rĂšgne de lâĂ©lu]. »
« Je vous annonce une grande joie : nous avons un Pape, le trĂšs Ă©minent et trĂšs rĂ©vĂ©rend Seigneur, Monseigneur [nom de baptĂȘme de lâĂ©lu], cardinal de la sainte Ăglise romaine [nom de famille de lâĂ©lu], qui sâest donnĂ© le nom de [nom voire nombre de rĂšgne de lâĂ©lu]. »
Ce nom de rĂšgne est dĂ©sormais le seul nom sous lequel sera dĂ©signĂ© le nouveau pape pendant toute la durĂ©e de son pontificat, câest-Ă -dire en principe, jusquâĂ la fin de sa vie. La coutume de changer de nom en montant sur le trĂŽne pontifical ne date pas des origines de la fonction pontificale, mais, en accordant les noms des papes modernes avec les anciens, en respectant une unitĂ© de style dans la nomenclature de tous les papes depuis les origines, elle contribue Ă sa maniĂšre Ă la pĂ©rennitĂ© de cette institution.
Le sens chrétien des changements de nom
Dans l'Ancien testament comme dans le Nouveau, les changements de nom sont des signes de conversion, d'élection par Dieu et d'attribution d'une mission nouvelle. Dans la Bible, Abram[1] devient Abraham, Jacob devient Israël, Simon devient Pierre et Saul devient Paul.
L'usage des changements de nom se dĂ©veloppe Ă partir du IIIe siĂšcle dans la tradition monastique. C'est Ă l'occasion de la profession des vĆux monastiques que le postulant reçoit, de son supĂ©rieur, un nouveau nom.
En Orient, chaque Ă©vĂȘque reçoit ainsi un nouveau nom, diffĂ©rent de son nom de baptĂȘme. Cette rĂ©ception a lieu gĂ©nĂ©ralement lors de la prise d'habit monastique. Le changement de nom des papes est une survivance en Occident de cette pratique qui est gĂ©nĂ©rale en Orient. Mais pour les papes d'Occident, le nom ne peut pas ĂȘtre reçu d'un supĂ©rieur puisqu'il est choisi in extremis, au moment mĂȘme oĂč celui qui le reçoit n'a plus de supĂ©rieur parmi ses contemporains.
Formes et variantes des noms des papes
Avant toute chose, il faut remarquer que les noms des papes varient dâune langue Ă lâautre, comme des noms communs. Il est dâusage de « traduire » ces noms par leur Ă©quivalent dans les langues vernaculaires, quand un Ă©quivalent au nom existe dans cette langue. Ainsi, un pape appelĂ© Ioannes en latin ou ÎÏÎŹÎœÎœÎ·Ï / IoĂĄnnis en grec est appelĂ© Jean en français, John en anglais, Giovanni en italien, Johannes en allemand, JĂĄnos en hongrois, Juan en espagnol, etc. Bien entendu, les noms citĂ©s dans cet article, sauf mention contraire, sont les noms en langue française.
Des noms et des langues
De telles « traductions », qui sont plutĂŽt des dĂ©formations et des adaptations phonĂ©tiques et grammaticales Ă travers les siĂšcles, ne sont pas toujours possibles. Certains noms rares gardent en français leur forme latine ou grecque, faute dâĂ©quivalent dans notre langue : Lucius, Hormisdas, Honorius, Donus, Sisinnius, etc.
Dans les langues des cultures non catholiques, les noms utilisĂ©s pour dĂ©signer les papes sont souvent empruntĂ©s Ă dâautres langues. En turc, il est dâusage de dĂ©signer les papes par leur nom français prĂ©cĂ©dĂ© du numĂ©ro et Jean-Paul II et BenoĂźt XVI sont appelĂ©s gĂ©nĂ©ralement ikinci Jean-Paul et onaltıncı BenoĂźt ; cependant lâanglais gagne du terrain, et on trouve de plus en plus souvent les formes ikinci John Paul et onaltıncı Benedict. On peut mĂȘme trouver des formes en latin ou en italien. De plus, ces formes sont parfois Ă©crites en respectant lâorthographe dâorigine, parfois Ă©crites phonĂ©tiquement Jan Pol, Benedikt...
La domination dâun Ătat, de sa culture, de sa langue, sur un autre Ătat influe forcĂ©ment sur les noms employĂ©s dans le pays dominĂ©, entre autres, sur le nom des papes. En azĂ©ri, langue trĂšs proche du turc, on utilise les noms russes et Jean-Paul II s'appelle ikinci Ä°oann Pavel, Ă comparer avec la forme russe ĐĐŸĐ°ĐœĐœ ĐĐ°ĐČДл ĐČŃĐŸŃĐŸĐč (Ioann Pavel vtoroĂŻ). En tagalog ou philippin, langue officielle des Philippines, les noms des papes sont identiques aux noms espagnols. Dans les pays du nord de lâEurope de tradition protestante, les noms latins des papes sont le plus souvent repris tels quels, mĂȘme si des Ă©quivalents existent dans la langue locale populaire. Cet usage a Ă©tĂ© introduit dans la traduction biblique de Martin Luther.
Des exceptions peuvent cependant ĂȘtre faites pour les prĂ©noms les plus usuels (Pierre, Alexandre, etc.) et lâorthographe de certains autres peut ĂȘtre altĂ©rĂ©e pour respecter lâorthographe de la langue (changement de c en k par exemple ; voyez les listes en nĂ©erlandais, en danois et en estonien). En revanche, les langues des pays orthodoxes ont des façons propres de dĂ©signer les saints de lâĂglise chrĂ©tienne antique et peuvent traduire la plupart des noms des papes.
De mĂȘme, le christianisme est implantĂ© de longue date dans certains pays arabes, les noms des saints orthodoxes et catholiques, et donc ceux des papes, existent en langue arabe. Ces noms sont parfois diffĂ©rents de leur Ă©quivalent dans la tradition musulmane : « Jean » se traduit en arabe par ÙÙŰÙÙۧ, yĆ«áž„annÄ si câest le nom dâun chrĂ©tien, donc d'un pape, mais les musulmans, seuls, appelleront ÙŰÙÛ yaáž„yÄ le prophĂšte saint Jean-Baptiste.
L'usage de « traduire » les noms propres, d'abord en grec et en latin, puis dans toutes les langues, est un usage ancien introduit par les clercs de toute l'Europe. Cette habitude qui s'est maintenue jusqu'au XXe siĂšcle tend Ă disparaĂźtre aujourd'hui quand il faut faire vite. Elle se maintient cependant au Vatican oĂč les services de communication prennent le temps de faire au mieux. Elle rĂ©pond aussi Ă une nĂ©cessitĂ© pratique : savoir nommer le pape correctement et sans dissonance en latin, en grec et dans toutes les autres langues oĂč messe est cĂ©lĂ©brĂ©e.
Ambiguïté de certains noms
MĂȘme dans les listes « officielles » en latin il peut arriver que certains noms diffĂ©rents mais de consonance ou de sens voisins aient Ă©tĂ© confondus a posteriori, occasionnant des simplifications ou des erreurs. Ainsi, les trois premiers papes Sixte de lâAntiquitĂ© semblent avoir portĂ© le nom grec de Xystos qui signifie Ă©tymologiquement « lisse », ou peut-ĂȘtre le prĂŠnomen (prĂ©nom latin) Sextus signifiant « sixiĂšme (nĂ©) ». Les deux ont Ă©tĂ© confondus en un nom unique, Sixtus, et ce nom a ensuite Ă©tĂ© repris par deux autres papes durant la Renaissance.
Le mĂȘme « mĂ©lange » sâest produit pour des raisons de consonance pour les « Martin » et les « Marin » (voir plus bas). Cette confusion est cependant perçue aujourdâhui comme une erreur et les deux noms, maintenant considĂ©rĂ©s comme distincts, suivent chacun leur numĂ©rotation propre.
De 615 Ă 618 a rĂ©gnĂ© un pape nommĂ© en latin Deusdedit, ce qui signifie exactement « Dieu a donnĂ© ». De 672 Ă 675 a rĂ©gnĂ© un autre pape dont le nom latin Adeodatus signifie sensiblement la mĂȘme chose. On a pris lâhabitude depuis de considĂ©rer ces deux noms comme des variantes du mĂȘme, et dâappeler ces deux papes dans les listes en latin Adeodatus primus et Adeodatus secundus. Ces noms sont le plus souvent francisĂ©s en AdĂ©odat Ier et AdĂ©odat II, mais dans certaines listes, le premier est parfois appelĂ© « DieudonnĂ© » et le second « AdĂ©odat ». On trouve aussi parfois les formes « DieudonnĂ© Ier » et « DieudonnĂ© II ».
Le cas du troisiĂšme pape, appelĂ© « Clet » ou « Anaclet » selon les sources, est dĂ©taillĂ© Ă lâarticle Anaclet.
Histoire
Noms des premiers papes
On ne sait pas grand-chose des premiers papes, et le peu quâon en sait se rĂ©duit bien souvent Ă leur nom.
On pense gĂ©nĂ©ralement que les premiers papes nous sont connus sous leur vrai nom. Rien ne permet de lâaffirmer, vu la pauvretĂ© des sources. D'aprĂšs lâĂvangile selon Matthieu, lâapĂŽtre Pierre Ă©tait nommĂ© « Simon fils de Jonas » avant que le Christ ne le renomme par une phrase qui, pour les catholiques, fonde Ă©galement lâinstitution de la papautĂ© qui lui est confiĂ©e :
- « Ïáœș Δጶ Î ÎÏÏÎżÏ, Îșα᜶ áŒÏ᜶ ÏαÏÏáż Ïáż ÏÎÏÏáŸł ÎżáŒ°ÎșÎżÎŽÎżÎŒÎźÏÏ ÎŒÎżÏ ÏᜎΜ áŒÎșÎșληÏÎŻÎ±Îœ. »
- « Tu es Petrus, et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam. » (Vulgate)
- « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bĂątirai mon Ăglise. »
De ses successeurs immĂ©diats, on ne sait pas grand-chose. Il y a un certain flou dans la liste des premiers papes, selon les sources, en particulier sur les dates de leur rĂšgne et sur le nom et la place chronologique du pape Anaclet que dâautres appellent « Clet ».
Les premiers papes pouvaient ĂȘtre dâorigine juive, latine, grecque, ou originaires du Moyen-Orient, dâAfrique du Nord ou de toute autre partie de lâEmpire romain ; pourtant, les noms qui nous sont parvenus dâeux sont presque toujours latins ou grecs, langues officielles de lâEmpire. On peut penser que ces noms sont des traductions de leur nom originel, ou bien que ces personnes Ă©tant des citoyens romains sans ĂȘtre forcĂ©ment ethniquement des latins avaient un nom usuel dans leur langue et un nom officiel en grec ou latin. Certains dâentre eux avaient peut-ĂȘtre mĂȘme dĂ©jĂ eu lâoccasion de changer de nom en entrant en religion bien avant de devenir pape. Les noms latins qui nous sont restĂ©s sont indiffĂ©remment des prĂŠnomina, des nomina ou des cognomina, câest-Ă -dire des prĂ©noms, des noms de famille ou des surnoms, sans quâon en sache la raison.
Seuls deux noms de papes sont dâorigine hĂ©braĂŻque, mais ils sont tirĂ©s du Nouveau Testament et ils apparaissent trĂšs tardivement, Ă une Ă©poque oĂč le christianisme est dĂ©jĂ tout Ă fait sĂ©parĂ© du judaĂŻsme. Ces noms sont « Jean » (en 523, du prophĂšte saint Jean-Baptiste) et « Zacharie » (en 741, de saint Zacharie, pĂšre du prĂ©cĂ©dent). Enfin, seuls deux papes semblent avoir portĂ© un nom germanique : Landon, au Xe siĂšcle et François en 2013, bien que ce dernier ait choisi un prĂ©nom qui possĂšde une origine partagĂ©e germanique et latine. Par ailleurs Landon est Ă©galement le dernier pape avant François Ă©galement (si on excepte Jean-Paul Ier dont le nom de rĂšgne rend hommage Ă ses deux prĂ©dĂ©cesseurs immĂ©diats) Ă porter un nom inĂ©dit ; aprĂšs lui, les papes porteront toujours un nom portĂ© par au moins un de leurs prĂ©dĂ©cesseurs et bien vite apparaĂźtra lâhabitude du changement systĂ©matique de nom.
Les premiers papes furent presque tous considĂ©rĂ©s comme saints jusquâau VIe siĂšcle. De ce fait, les noms sous lesquels ils sont connus devinrent par la suite des prĂ©noms de baptĂȘme pour les gĂ©nĂ©rations suivantes, et beaucoup sont encore donnĂ©s de nos jours.
Origine du changement de nom des papes
Le premier cas attestĂ© de changement de nom est un dĂ©nommĂ© Mercurius, Ă©lu pape en 533, qui, pour ne pas rĂšgner sous le nom dâun dieu paĂŻen, a pris le nom de Jean II[2]. Cela sâest reproduit lorsquâun homme portant le nom dâun dieu ou dâun empereur paĂŻen Ă©tait Ă©lu : en 955, un dĂ©nommĂ© Octavien est devenu pape sous le nom de Jean XII[3].
En 983, Pierre Campanora devint pape sous le nom de Jean XIV. La raison cette fois-ci Ă©tait quâil ne voulait pas quâil y eĂ»t un autre pape Pierre que saint Pierre lâapĂŽtre et premier pape. Les quelques autres Pierre qui accĂ©deront Ă la papautĂ© changeront toujours de nom pour cette raison.
Peu aprĂšs, dĂšs 996, fut Ă©lu le premier pape dâorigine germanique, Bruno de Carinthie. Lui succĂ©da en 999 le premier pape français, Gerbert dâAurillac. Tous deux portaient des prĂ©noms germaniques tout Ă fait Ă©trangers Ă la tradition papale (malgrĂ© un prĂ©cĂ©dent, Landon qui portait aussi un prĂ©nom germanique bien quâĂ©tant originaire dâItalie). Ils en changĂšrent donc et devinrent respectivement GrĂ©goire V et Sylvestre II. Ă cette Ă©poque, les prĂ©noms germaniques Ă©taient dĂ©jĂ trĂšs rĂ©pandus, et pas seulement en pays germaniques. DĂ©sormais, tous ceux qui en portaient changĂšrent de nom en devenant pape. Les seules exceptions ne concernent que des antipapes du XIe siĂšcle qui ne nous sont connus que sous leur nom germanique dâorigine : Thierry et Albert.
Pour toutes ces raisons, la nĂ©cessitĂ© de changer de nom concernait dĂ©jĂ la plupart des papes Ă la fin du Xe siĂšcle, mais cette coutume sâĂ©tablit dĂšs lors pour tous les papes, quel que soit leur nom dâorigine. On y trouva une signification symbolique : le nouveau pape nâest plus le mĂȘme homme quâavant son avĂšnement et son nom ne saurait ĂȘtre le mĂȘme. CâĂ©tait donner une importance nouvelle Ă cet avĂšnement, bien quâil nâait jamais Ă©tĂ© reconnu comme un sacrement au mĂȘme titre que lâordination dâun prĂȘtre ou la consĂ©cration dâun Ă©vĂȘque.
JusquâĂ la fin du XIIe siĂšcle approximativement, on Ă©tait considĂ©rĂ© comme pape non pas dĂšs lâinstant de lâĂ©lection comme câest le cas aujourdâhui, mais Ă partir de lâintronisation (appelĂ©e plus tard « couronnement »). Celle-ci Ă©tait indispensable pour plusieurs raisons, en particulier parce quâil fallait attendre lâassentiment de lâempereur, mais aussi parce que de nombreux Ă©lus nâĂ©taient pas Ă©vĂȘques, ni mĂȘme prĂȘtres et devaient donc ĂȘtre ordonnĂ©s avant toute prise de fonction. Le pape GrĂ©goire VII Ă©lu en 1073 insistait encore sur le fait que câest lâintronisation qui fait le pape. En raison de situations politiques souvent chaotiques, certains papes Ă©lus mirent beaucoup de temps avant dâĂȘtre intronisĂ©s, parfois plus dâun an. LâĂ©vĂȘque Guibert de Ravenne, dĂ©signĂ© pape (mais aujourdâhui considĂ©rĂ© comme antipape) par lâempereur en 1080, ne put ĂȘtre intronisĂ© Ă Rome quâen 1084 : pendant ces quatre annĂ©es, il ne se considĂ©ra lui-mĂȘme que comme un « pape Ă©lu » et non un pape en exercice. Il ne choisit son nom de rĂšgne, ClĂ©ment III, quâau moment de son intronisation. On peut donc supposer que si ses deux successeurs immĂ©diats, les antipapes Thierry et Albert, nâont pas changĂ© de nom, câest tout simplement parce quâils nâont pas Ă©tĂ© intronisĂ©s, ou bien que leur intronisation clandestine nâa pas laissĂ© de trace historique du nom quâils choisirent.
Depuis 996, seuls deux papes ont conservĂ© leur prĂ©nom dâorigine : Adrian Florensz Dedal est devenu Adrien VI en 1522 et Marcello Cervini est devenu Marcel II en 1555. Giuliano della Rovere aurait peut-ĂȘtre souhaitĂ© en faire autant en 1503, mais le nom de Julien nâavait jamais Ă©tĂ© portĂ© par un pape avant lui. Il se contenta donc de Jules, nom dĂ©jĂ portĂ© une fois, et devint le pape Jules II. Ă lâĂ©poque de Landon, la papautĂ© Ă©tait confisquĂ©e par quelques familles romaines, dont celle des ThĂ©ophylactes, et les noms qui en sortaient Ă©taient bien peu variĂ©s. Quand peu aprĂšs le changement de nom devint un usage, tous les papes respectĂšrent le principe de reprendre un nom dĂ©jĂ portĂ© avant eux par au moins un pape, jusquâĂ François en 2013 (le cas de Jean-Paul Ier en 1978 est particulier, car il choisit ce prĂ©nom pour se placer dans la continuitĂ© de ses deux prĂ©dĂ©cesseurs, les papes Jean XXIII et Paul VI. Il fut de ce fait le premier pape Ă porter un nom double)[3].
Signification du nom de rĂšgne
Le nom de rĂšgne choisi par un nouveau pape peut avoir mille significations, et la raison du choix de beaucoup dâentre eux nous est inconnue. Le nouveau pape peut choisir de rendre hommage Ă un saint en particulier, Ă un parent ou Ă un prĂ©dĂ©cesseur, voire Ă une Ă©glise oĂč il a officiĂ©. Et, pourquoi pas, Ă plusieurs personnes Ă la fois portant le mĂȘme prĂ©nom.
Lorsque Gerbert dâAurillac devint le pape de lâan 1000, il choisit le nom de Sylvestre II en rĂ©fĂ©rence Ă Sylvestre Ier, pape sous lâempereur Constantin Ier qui reconnut le christianisme comme religion de lâEmpire romain. De nombreux papes choisirent en rĂ©fĂ©rence un lointain et glorieux prĂ©dĂ©cesseur, par exemple GrĂ©goire Ier ou LĂ©on Ier, au dĂ©triment des noms de prĂ©dĂ©cesseurs plus immĂ©diats, parfois avec la volontĂ© de redorer la fonction papale victime des rĂšgnes prĂ©cĂ©dents. En particulier, aprĂšs la pĂ©riode de grande dĂ©cadence de la papautĂ© du Xe siĂšcle Ă la premiĂšre moitiĂ© du XIe siĂšcle, oĂč les noms les plus portĂ©s Ă©taient Jean, BenoĂźt, LĂ©on et Ătienne, vint une pĂ©riode de rĂ©forme appelĂ©e gĂ©nĂ©ralement rĂ©forme grĂ©gorienne en rĂ©fĂ©rence Ă GrĂ©goire VII, bien quâelle sâamorçùt avant le rĂšgne de celui-ci. En rĂ©action avec les papes de la pĂ©riode prĂ©cĂ©dente, de nombreux prĂ©noms dâanciens papes furent exhumĂ©s, et la liste des papes de 1046 Ă 1145 montre un nombre impressionnant de noms suivis du numĂ©ral II. Ces prĂ©noms (ainsi que celui de GrĂ©goire) furent rĂ©employĂ©s au siĂšcle suivant, puis encore ensuite, dâoĂč une nouvelle sĂ©rie des mĂȘmes noms suivis du numĂ©ral III, puis IV, avant que ce systĂšme se dĂ©lite de lui-mĂȘme Ă la « gĂ©nĂ©ration V ». Les turpitudes de la pĂ©riode des ThĂ©ophylactes Ă©tant oubliĂ©es, les prĂ©noms Jean et BenoĂźt revinrent Ă la mode. En revanche, LĂ©on dut attendre encore quelques siĂšcles avant de rĂ©apparaĂźtre, et Ătienne ne fut jamais rĂ©utilisĂ©, peut-ĂȘtre en raison du problĂšme de numĂ©rotation liĂ© Ă ce nom.
Durant la pĂ©riode du Grand Schisme dâOccident, les papes de Rome, dâAvignon et de Pise choisirent des prĂ©noms bien distincts. AprĂšs la rĂ©unification de la papautĂ©, les papes choisirent dans un premier temps dâexclure les noms des papes des trois anciennes obĂ©diences et exhumĂšrent des noms tombĂ©s en dĂ©suĂ©tude, le premier dâentre eux choisissant son nom en seule rĂ©fĂ©rence au saint du calendrier au , jour de son Ă©lection : saint Martin de Tours. Il devint le pape Martin V.
Ă la pĂ©riode de la Renaissance, de nombreux prĂ©noms diffĂ©rents furent employĂ©s, certains habituels, dâautres anciens et tombĂ©s en dĂ©suĂ©tude, sans autre limite que de choisir toujours un prĂ©nom dĂ©jĂ portĂ© au moins une fois. Certains allĂšrent jusquâĂ conserver leur prĂ©nom de baptĂȘme : Adrien VI, Marcel II et, avec une altĂ©ration minime, Jules II. Un autre abrĂ©gea son nom de famille : le cardinal Piccolomini devint le pape Pie II. Rodrigo Borgia choisit de sâappeler Alexandre VI en rĂ©fĂ©rence avouĂ©e Ă Alexandre le Grand de MacĂ©doine ; la Renaissance permettant les rĂ©fĂ©rences Ă lâAntiquitĂ© paĂŻenne.
Certains Ă©lus reprirent tout simplement le nom dâun prĂ©cĂ©dent pape membre de leur famille. Si Pie III Ă©tait le neveu de Pie II, Honorius IV Ă©tait le petit-neveu dâHonorius III et LĂ©on XI le petit-neveu de LĂ©on X.
Les écarts de plus de 500 ans entre deux noms de rÚgne consécutifs
Noms des papes | Ăcart | Fin du prĂ©cĂ©dent pontificat | DĂ©but du pontificat suivant |
---|---|---|---|
Pie Ier et Pie II | env. 1 303 ans | env. 155 | 1458 |
Marcel Ier et Marcel II | 1 246 ans | 309 | 1555 |
Jules Ier et Jules II | 1 151 ans | 352 | 1503 |
Sixte III et Sixte IV | 1 031 ans | 440 | 1471 |
Clément Ier et Clément II | env. 949 ans | env. 97 | 1046 |
Alexandre Ier et Alexandre II | env. 946 ans | env. 115 | 1061 |
Calixte Ier et Calixte II | env. 897 ans | env. 222 | 1119 |
Lucius Ier et Lucius II | 890 ans | 254 | 1144 |
Urbain Ier et Urbain II | env. 858 ans | env. 230 | 1088 |
Victor Ier et Victor II | env. 856 ans | env. 199 | 1055 |
Innocent Ier et Innocent II | 713 ans | 417 | 1130 |
CĂ©lestin Ier et CĂ©lestin II | 711 ans | 432 | 1143 |
Paul Ier et Paul II | 697 ans | 767 | 1464 |
Sylvestre Ier et Sylvestre II | 664 ans | 335 | 999 |
Damase Ier et Damase II | 633 ans | 384 | 1047 |
Jean XXII et Jean XXIII | 624 ans | 1334 | 1958 |
GĂ©lase Ier et GĂ©lase II | 622 ans | 496 | 1118 |
Ce tableau montre les Ă©carts de plus de 500 ans entre deux noms de rĂšgne consĂ©cutifs. La plupart du temps, ces Ă©carts sont entre le premier pape qui choisit un nouveau nom et le second qui choisit le mĂȘme. Sur un Ă©cart de plus de 500 ans, il n'y a que les Sixte et les Jean qui ne sont pas premier et deuxiĂšme porteur du nom.
La pietas
Mais depuis que les papes changent de nom au moment de leur accession au pontificat, la raison la plus souvent invoquée pour un changement de nom est une référence à un prédécesseur pas trop lointain envers lequel le nouvel élu entend exprimer sa gratitude pour des raisons personnelles. On a appelé cette coutume pietas, ce qui signifie la piété en latin[3].
De plus en plus souvent, des papes nouvellement Ă©lus choisirent le nom du pape qui les avait fait cardinaux, ou grĂące auquel ils Ă©taient montĂ©s en grade dans la hiĂ©rarchie. Ainsi ClĂ©ment XIV avait Ă©tĂ© nommĂ© cardinal par ClĂ©ment XIII, lui-mĂȘme fait cardinal par ClĂ©ment XII, lui-mĂȘme fait cardinal par ClĂ©ment XI. ClĂ©ment X avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© crĂ©Ă© cardinal par son prĂ©dĂ©cesseur immĂ©diat ClĂ©ment IX.
Dâautres hommages sont plus subtils, certains Ă©lus honorant la mĂ©moire dâun pape ayant aidĂ© leur famille ou, dans lâautre sens, dont la famille avait permis leur Ă©lection. Alexandre VIII fut Ă©lu grĂące Ă lâinfluence dĂ©terminante du cardinal Flavio Chigi, neveu du pape Alexandre VII (les deux Alexandre avaient par ailleurs Ă©tĂ© nommĂ©s cardinaux le mĂȘme jour). La systĂ©matisation de ce systĂšme Ă partir du XVIe siĂšcle a conduit Ă un grand appauvrissement des noms de papes et, de fait, les quatorze papes qui se sont succĂ©dĂ© de 1644 Ă 1774 nâont portĂ© que quatre prĂ©noms diffĂ©rents.
Le nom Pie
Ă ClĂ©ment XIV succĂ©da en 1775 le pape Pie VI. Lâhistoire de ce nom (dont l'Ă©tymologie vient du latin Pius signifiant « pieux »[4]) au dĂ©part insignifiant mais promis Ă un grand avenir mĂ©rite dâĂȘtre dĂ©taillĂ©e dâun bout Ă lâautre car c'est un bon exemple pour montrer comment et pourquoi un nom se transmet Ă travers les siĂšcles.
- Pie Ier : Du premier pape appelĂ© Pie, on ne sait pratiquement rien, sinon quâil rĂ©gna pendant quinze ans vers 140â155 Ă lâĂ©poque de la Rome paĂŻenne. Comme tous les papes de cette Ă©poque, il est considĂ©rĂ© comme un saint et un martyr. Le succĂšs de ce nom chez les papes modernes ne sâexplique donc pas par lâexemplaritĂ© de ce pape, contrairement Ă GrĂ©goire le Grand ou LĂ©on le Grand, premiers de leur nom. Le nom de Pie resta dans un oubli profond et Ă©chappa mĂȘme aux papes de la rĂ©forme grĂ©gorienne, qui en releva tant dâautres.
- Pie II : Jusquâau jour de 1458 oĂč fut Ă©lu Enea Silvio Piccolomini, Ă la fois homme dâĂglise, poĂšte et Ă©rudit.
- Pie III : Le fils de la sĆur de Pie II devint pape en 1503. Il devait tout Ă son oncle, de son nom de famille, Piccolomini, qui nâĂ©tait pas le sien Ă sa naissance, Ă son blason et son chapeau de cardinal. Il choisit tout naturellement de s'appeler Pie III, mais il mourut vingt-six jours plus tard sans marquer grandement les esprits des gĂ©nĂ©rations suivantes.
- Pie IV : Le choix du nom de Pie IV, un MĂ©dicis sans lien de parentĂ© avec lâillustre famille du mĂȘme nom, Ă©lu en 1559, est plus problĂ©matique. Peut-ĂȘtre a-t-il voulu porter un nom qui sâopposerait Ă celui de son prĂ©dĂ©cesseur Paul IV dont il fera condamner et exĂ©cuter les neveux et emprisonner leurs proches... On observe dâailleurs Ă cette pĂ©riode un parallĂ©lisme entre la progression des Pie et des Paul. Il est possible que le nom de Pie, Pio en italien, Ă©tait alors vu comme une alternative au nom tabou Pierre, Pietro en italien ; saints Pierre et Paul Ă©tant considĂ©rĂ©s comme les fondateurs du christianisme Ă Rome et de la papautĂ©.
- Pie V : Son successeur immĂ©diat, Michele Ghisleri, Ă©lu en 1566 reprit le mĂȘme nom et devint Pie V, ce qui peut paraĂźtre surprenant quand on sait quâil Ă©tait un protĂ©gĂ© de la famille de Paul IV et a vĂ©cu le pontificat de Pie IV dans la disgrĂące. Câest cependant le neveu de ce dernier, saint Charles BorromĂ©e, qui le fera Ă©lire ; ce choix entre donc tout Ă fait dans la catĂ©gorie des pietas. Il continua Ă©nergiquement lâĆuvre de rĂ©forme et de reconquĂȘte catholique dĂ©cidĂ©e par le concile de Trente, tant sur les protestants que sur les musulmans : il finança la flotte catholique coalisĂ©e qui Ă©crasa les Turcs Ă la bataille de LĂ©pante, premiĂšre victoire importante des chrĂ©tiens sur les Ottomans. Pour cela et pour sa piĂ©tĂ© et son rigorisme, il sera canonisĂ©, devenant un exemple moral pour les papes futurs... mais aucun pape ne lui rendra lâhommage personnel dâune pietas et le nom de Pie sera dĂ©laissĂ© pendant deux cents ans.
- Pie VI : Et câest donc en 1775 que fut Ă©lu Giovanni Angelo Braschi qui, aprĂšs une sĂ©rie Ă©talĂ©e sur cent trente ans de quatorze papes appelĂ©s tous Innocent, Alexandre, ClĂ©ment ou BenoĂźt, choisit de sâappeler Pie VI. Prenant les rĂ©alisations de Pie V en modĂšle, il entendait rendre Ă la papautĂ© son conservatisme combatif et la sortir de sa modĂ©ration envers les idĂ©es des LumiĂšres et ce quâon allait bientĂŽt appeler le modernisme. Mais son rĂšgne fort long se termina paradoxalement par la RĂ©volution française, lâinvasion de ses Ătats et la proclamation de la RĂ©publique romaine. Il fut dĂ©portĂ© en France et mourut en exil Ă Valence en 1799. Les rĂ©volutionnaires pensaient et espĂ©raient que ce serait le dernier pape de lâhistoire...
- Pie VII : Mais ils se trompaient. Le conservatisme et la fin tragique de Pie VI firent de lui un quasi-martyr pour les catholiques. Câest tout naturellement que son successeur, Ă©lu en 1800 Ă Venise occupĂ©e par les troupes autrichiennes, choisit de devenir le pape Pie VII. Lui aussi devait ĂȘtre dĂ©portĂ© de Rome par les Français. Il dut couronner NapolĂ©on empereur, puis sâopposa Ă lui. LâEmpire vaincu, la RĂ©volution enterrĂ©e, il put regagner Rome oĂč il rĂ©gna encore de nombreuses annĂ©es.
- De Pie VIII Ă Pie XII : La trĂšs grande longĂ©vitĂ© de ces deux rĂšgnes et les Ă©vĂ©nements qui les marquĂšrent â vus comme la lutte de lâordre universel chrĂ©tien contre la RĂ©volution athĂ©e et les « idĂ©es modernes » â firent que ce nom allait rester trĂšs Ă la mode chez les papes et, de 1774 Ă 1958, sur onze papes, sept ont portĂ© le nom de Pie. Il sâagit de la plus grande frĂ©quence dâun nom sur une pĂ©riode aussi longue dans toute lâhistoire de la papautĂ©, surpassant la pĂ©riode de 955 Ă 1033 oĂč, sur quinze papes, sept se nommaient Jean.
Il y eut donc Pie VI en 1775, Pie VII en 1800, Pie VIII en 1829, Pie IX en 1846, Pie X en 1903, Pie XI en 1922 et Pie XII en 1939. La rĂ©fĂ©rence au combat et Ă la philosophie de Pie V et Pie VI nâest naturellement pas la seule raison de cette Ă©tonnante sĂ©rie, dont un des moteurs est une fois encore la pietas. Il faut dâailleurs observer que Pie VII, Pie VIII et Pie IX (au dĂ©but de son rĂšgne) Ă©taient beaucoup moins conservateurs que les deux papes de cette Ă©poque qui ne sâappelaient pas Pie : LĂ©on XII et GrĂ©goire XVI. En revanche, la fin du pontificat de Pie IX, puis ceux de Pie X, Pie XI et Pie XII le sont peut-ĂȘtre davantage que ceux de LĂ©on XIII et BenoĂźt XV, mais cette apprĂ©ciation est plutĂŽt subjective. - La fin des Pie ? : La controverse sur lâattitude de Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale et la rupture avec le passĂ© provoquĂ©e par le concile Vatican II sous le rĂšgne de son successeur ont soudain dĂ©modĂ© le prĂ©nom de Pie, associĂ© non seulement avec lâidĂ©e dâun pape conservateur et passĂ©iste, mais aussi avec toute la pĂ©riode de lutte entre lâĂglise et la sĂ©cularisation du monde moderne. Pie XII lui-mĂȘme (qui ne croyait pas Ă la prophĂ©tie de saint Malachie) disait quâil serait probablement le dernier pape Pie[5]. Il nâest dâailleurs pas innocent que le nom de Pie XIII ait Ă©tĂ© repris de nos jours par un pseudo-pape sĂ©dĂ©vacantiste.
Les papes contemporains
- Jean XXIII. Ălu Ă la succession de Pie XII le , Angelo Roncalli choisit le nom de Jean XXIII, exhumant ainsi un nom qui nâavait plus Ă©tĂ© portĂ© depuis des siĂšcles, et nâhĂ©sitant pas Ă reprendre le nom et le numĂ©ro dâun antipape dont la lĂ©gitimitĂ© a parfois Ă©tĂ© mise en doute. Il plaçait ainsi son pontificat sous le signe de saint Jean, le moins synoptique des Ă©vangĂ©listes, ne se rĂ©fĂ©rant plus Ă un prĂ©dĂ©cesseur, mais directement Ă un saint des premiers temps de la chrĂ©tientĂ©. Mais ce nom Ă©tait aussi celui de son pĂšre, Giovanni, Ă qui il a voulu rendre hommage.
- Paul VI. Giovanni Battista Montini est Ă©lu pape le . Il se rĂ©fĂšre lui aussi Ă un apĂŽtre en choisissant le nom de Paul VI, Ă©voquant Paul de Tarse. Des commentateurs ont prĂ©tendu quâil ne pouvait pas sâappeler Jean XXIV en continuation de lâĆuvre de son prĂ©dĂ©cesseur parce que Jean Ă©tait dĂ©jĂ son prĂ©nom de baptĂȘme...
Les papes suivants ont repris lâhabitude de rendre hommage Ă leurs prĂ©dĂ©cesseurs rĂ©cents :
- Jean-Paul Ier. Jean-Paul Ier fait explicitement rĂ©fĂ©rence Ă ses deux prĂ©dĂ©cesseurs immĂ©diats : Jean XXIII et Paul VI, respectivement initiateur et continuateur du concile Vatican II dont les travaux ont modernisĂ© l'Ăglise catholique. Ce choix laisse donc penser qu'Albino Luciani, le nouvel Ă©lu, entendait poursuivre la politique de modernisation accomplie par ces derniers. On a aussi pu voir dans le nom Jean-Paul un hommage Ă la ville de Venise dont Luciani Ă©tait l'Ă©vĂȘque et oĂč une basilique porte le nom de Saints-Jean-et-Paul (San Zanipolo). Son rĂšgne trĂšs bref (33 jours) ne permit que dâesquisser un style nouveau.
- Jean-Paul II. AprĂšs la mort subite et inattendue de Jean-Paul Ier, un successeur semblable Ă©tait attendu. Le journal Le Monde n'hĂ©sitait ainsi pas Ă titrer le « Ă la recherche de Jean-Paul II ». Et de fait, le 16 octobre, le cardinal WojtyĆa fut Ă©lu et câest ce nom-lĂ quâil choisit, une rumeur voulant que les cardinaux le dissuadĂšrent de son choix initial de s'appeler Stanislas Ier, nom inĂ©dit Ă consonance trop Ă©trangĂšre[3].
- BenoĂźt XVI. En optant pour le nom BenoĂźt XVI, Joseph Ratzinger a lui-mĂȘme dĂ©clarĂ© qu'il s'agissait d'une double rĂ©fĂ©rence Ă saint BenoĂźt de Nursie et au pape BenoĂźt XV qui avait exhortĂ© Ă la paix durant la PremiĂšre Guerre mondiale.
- François. Ălu pape le , le cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio choisit quant Ă lui un nom totalement inĂ©dit : François. Les premiers commentaires font allusion Ă la double rĂ©fĂ©rence Ă saint François d'Assise et Ă saint François Xavier.
Numérotation des papes
Origine
Lorsque tous les papes portaient des noms diffĂ©rents, il nây avait pas de problĂšme de confusion dans les listes. En lâan 257, Sixte, quâon appelle aujourdâhui Sixte II, Ă©tait le premier pape Ă porter un nom dĂ©jĂ utilisĂ©. Cela se reproduisit de plus en plus souvent, jusquâen 913 oĂč Landon fut le dernier pape Ă porter un nom inĂ©dit jusqu'Ă Jean-Paul Ier.
Ă partir de PĂ©lage II (579â590), pour distinguer deux papes du mĂȘme nom ayant rĂ©gnĂ© lâun peu aprĂšs lâautre, on adjoignit le mot junior au second. Puis, lorsquâil y eut trois papes du mĂȘme nom, on ajouta secundus junior... Pour Ă©viter les confusions occasionnĂ©es par ce systĂšme compliquĂ©, on commença occasionnellement, dĂšs GrĂ©goire III (731â741), Ă ajouter un numĂ©ro au nom du pape, mais cette coutume ne fut la rĂšgle sur les documents officiels quâĂ partir du Xe siĂšcle[3]. Cette coutume est donc Ă peu prĂšs contemporaine du changement systĂ©matique de nom des papes. Ă partir de LĂ©on IX (1049â1054), le numĂ©ro apparaĂźt aussi sur les bulles pontificales (sceaux) et sur lâAnneau du pĂȘcheur.
Les papes ayant rĂ©gnĂ© avant lâadoption de cette numĂ©rotation ont Ă©tĂ© numĂ©rotĂ©s a posteriori, par commoditĂ©. Les papes portant un nom jamais rĂ©utilisĂ© depuis nâont pas Ă©tĂ© numĂ©rotĂ©s puisque câest inutile ; cependant, quand en 1978 Albino Luciani, devenu pape, a choisi de porter un prĂ©nom inĂ©dit, le premier depuis Landon (913â914), il a portĂ© le numĂ©ro Ier de son vivant[6], suivant en cela lâusage moderne des rois europĂ©ens (voir par exemple Louis-Philippe Ier, Michel Ier ou Juan Carlos Ier) : il est devenu le pape Jean-Paul Ier avant mĂȘme quâil y ait eu un pape Jean-Paul II. François est ostensiblement revenu Ă l'usage ancien[7].
Les antipapes antĂ©rieurs Ă lâadoption de cette coutume nâont gĂ©nĂ©ralement pas Ă©tĂ© numĂ©rotĂ©s a posteriori, exceptions faites de FĂ©lix II â qui, bien que nâĂ©tant pas considĂ©rĂ© comme pape lĂ©gitime, a longtemps Ă©tĂ© pris par erreur pour un saint et, Ă ce titre, est longtemps restĂ© sur les listes â et des antipapes Boniface VII et Jean XVI, ce qui a provoquĂ© des erreurs dans la numĂ©rotation des papes postĂ©rieurs portant les mĂȘmes noms... Ă moins que leur numĂ©rotation a posteriori nâait Ă©tĂ© faite que pour justifier ces erreurs.
Les antipapes postĂ©rieurs Ă lâadoption de la numĂ©rotation ont adoptĂ© en tout point cette coutume puisquâils se considĂ©raient comme des papes lĂ©gitimes. Mais nâĂ©tant pas reconnus par lâĂglise, leur nom et numĂ©ro ont Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s comme toujours disponibles et, quand un pape lĂ©gitime plus rĂ©cent reprenait le mĂȘme nom, il reprenait le numĂ©ro avec. Pendant le Grand Schisme dâOccident, par exemple, des antipapes appelĂ©s ClĂ©ment VII, BenoĂźt XIII, Jean XXIII, ClĂ©ment VIII ont rĂ©gnĂ©, ce qui nâa pas empĂȘchĂ© plus tard les papes lĂ©gitimes ClĂ©ment VII, ClĂ©ment VIII, BenoĂźt XIII et Jean XXIII de porter Ă leur tour les mĂȘmes noms et numĂ©ros.
Anomalies de numérotation
Si lâon observe la liste des papes la plus admise, on constate quelques anomalies dans la numĂ©rotation de certains noms. La plupart sont dues Ă des antipapes un temps considĂ©rĂ©s comme lĂ©gitimes, mais dâautres sont de simples erreurs.
- Boniface VII, BenoĂźt X et Alexandre V :
- Comme nous venons de le voir, lâĂglise catholique romaine considĂšre le rĂšgne des antipapes comme nul et non avenu et le numĂ©ro dâun antipape est en principe repris plus tard si un pape choisit le mĂȘme nom de rĂšgne. Les noms et numĂ©ros de trois antipapes nâont cependant pas Ă©tĂ© repris : Boniface VII, BenoĂźt X et Alexandre V. AprĂšs eux, les papes lĂ©gitimes portant les mĂȘmes noms se sont appelĂ©s Boniface VIII, BenoĂźt XI et Alexandre VI. La raison premiĂšre est qu'Ă l'Ă©poque oĂč ces papes durent choisir leur nom de rĂšgne, la validitĂ© du pontificat de leurs prĂ©dĂ©cesseurs n'Ă©tait pas toujours clairement Ă©tablie et les listes de papes lĂ©gitimes diffĂ©raient de celles que nous connaissons aujourd'hui.
- FĂ©lix II :
- De la mĂȘme façon, FĂ©lix II est aujourdâhui considĂ©rĂ© comme antipape. FĂ©lix III et FĂ©lix IV ne portaient pas de numĂ©ro de leur vivant, lâhabitude de numĂ©roter les papes datant de bien aprĂšs leur rĂšgne, et leur numĂ©ro leur a Ă©tĂ© attribuĂ© plus tard. Il est peut-ĂȘtre prĂ©fĂ©rable dâappeler ces derniers papes lĂ©gitimes respectivement FĂ©lix II et FĂ©lix III comme le font d'ailleurs certaines listes, mais le fait quâil y a eu plus tard un antipape explicitement appelĂ© FĂ©lix V incite, pour l'instant, Ă conserver les noms de FĂ©lix III et FĂ©lix IV ; ce qui n'interdit en rien Ă un hypothĂ©tique futur pape de choisir le nom de rĂšgne de FĂ©lix IV et de trancher dĂ©finitivement la question.
- Jean XVI et Jean XX :
- Le premier est le nom dâun antipape, mais il nây a eu ni pape ni antipape du nom de Jean XX. Quand en 1276, Pedro JuliĂŁo est devenu pape et a choisi le nom de Jean, ses prĂ©dĂ©cesseurs du mĂȘme nom Ă©taient dĂ©jĂ fort nombreux, et mal numĂ©rotĂ©s selon les diffĂ©rentes listes divergentes publiĂ©es Ă lâĂ©poque. Certaines comptaient pour valables des antipapes, dont celui quâon appelle aujourdâhui Jean XVI, une autre comptait deux fois Jean XIV comme deux personnes distinctes. Et Pedro JuliĂŁo devint, par erreur, Jean XXI au lieu de Jean XIX ou Jean XX.
- Alexandre V et Jean XXIII :
- Alexandre V Ă©tait un pape de Pise de 1409 Ă 1410 durant le Grand Schisme dâOccident. LâillĂ©gitimitĂ© des papes de Pise faisait encore dĂ©bat en 1492, quand Rodrigue Borgia fut Ă©lu pape. Il choisit de s'appeler Alexandre VI.
- Si le nom de lâautre pape de Pise, Jean XXIII (Baldassarre Cossa, 1410â1415) a Ă©tĂ© repris par Jean XXIII (Angelo Giuseppe Roncalli, 1958â1963), câest quâaprĂšs cinq siĂšcles et demi la polĂ©mique a pu sâĂ©teindre. Pourtant le choix de reprendre le numĂ©ro XXIII et d'invalider dĂ©finitivement l'antipape fut loin de faire l'unanimitĂ©. Au moment de l'Ă©lection, la plupart des encyclopĂ©dies et dictionnaires mentionnait encore les antipapes Alexandre V et Jean XXIII comme des papes valides. Les journaux qui s'amusaient Ă Ă©numĂ©rer les noms possibles du futur pape citaient plus volontiers Jean XXIV que Jean XXIII. AprĂšs l'Ă©lection, certains historiens de l'Ăglise ont continuĂ© de dire que ce choix Ă©tait une erreur.
- Martin II et Martin III :
- Il nây a eu ni papes, ni antipapes des noms de Martin II et Martin III. Câest en 1281, lorsque Simon de Brion devenu pape a choisi le nom de Martin que lâerreur a Ă©tĂ© commise : on a considĂ©rĂ© Ă tort que le prĂ©nom Marin Ă©tait le mĂȘme que Martin et on a listĂ© les papes Marin Ier et Marin II comme Martin II et Martin III respectivement. Simon de Brion est ainsi devenu Martin IV. Lâerreur a plus tard Ă©tĂ© rectifiĂ©e pour les deux Marin, mais la mauvaise numĂ©rotation de Martin IV, et plus tard de Martin V, est restĂ©e.
- Ătienne IX ou Ătienne X ?
- Ătienne, prĂȘtre Ă©lu pape en 752, est mort immĂ©diatement aprĂšs, avant dâavoir Ă©tĂ© ordonnĂ© Ă©vĂȘque. Comme Ă cette Ă©poque le pape Ă©tait avant tout Ă©vĂȘque de Rome, câĂ©tait l'ordination et non lâĂ©lection qui marquait le dĂ©but du pontificat. Cet Ătienne a donc Ă©tĂ© dĂšs l'origine exclu des listes. Ses sept premiers successeurs du mĂȘme nom ne portaient pas de numĂ©ro de leur vivant, mais ont Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s rĂ©troactivement comme Ătienne II jusquâĂ Ătienne VIII. Lorsquâun nouvel Ătienne a Ă©tĂ© Ă©lu en 1057, aprĂšs lâadoption de la numĂ©rotation, il sâest naturellement appelĂ© Ătienne IX.
- Ă partir du XVIe siĂšcle, on commença Ă considĂ©rer le pape-Ă©lu Ătienne comme un pape lĂ©gitime ; il a donc fallu l'appeler Ătienne II et renumĂ©roter les Ătienne suivants dâĂtienne III Ă Ătienne X... bien que ce dernier sâappelĂąt Ătienne IX de son vivant. Mais Ă compter de lâĂ©dition de 1961 de l'Annuario pontificio qui sert de facto de liste officielle, cet Ătienne II a une nouvelle fois Ă©tĂ© supprimĂ©, et les Ătienne suivants ont de nouveau Ă©tĂ© numĂ©rotĂ©s de II Ă IX. Dans les listes officieuses, on peut trouver les deux numĂ©rotations, un certain flou rĂšgne.
- Le mĂȘme problĂšme aurait pu se poser avec un autre pape Ă©phĂ©mĂšre, CĂ©lestin II, pour des raisons assez semblables, mais son exclusion de la liste nâa jamais fait dĂ©bat (quitte Ă le qualifier abusivement dâantipape). La numĂ©rotation des papes Ă©tant dĂ©jĂ courante Ă son Ă©poque, le pape CĂ©lestin suivant sâappela tout naturellement lui aussi CĂ©lestin II. Quant Ă lâautre pape Ă©phĂ©mĂšre, GrĂ©goire XI, son Ă©lection nâest peut-ĂȘtre quâune lĂ©gende et son numĂ©ro, bien sĂ»r, a Ă©tĂ© repris par le pape GrĂ©goire XI lĂ©gitime.
Tableau synoptique des noms de papes utilisés
De Pierre Ă François, la liste de lâAnnuario pontificio compte 266 papes. Toutefois, elle compte trois fois BenoĂźt IX qui a Ă©tĂ© Ă©lu pape une premiĂšre fois Ă lâĂąge de 12 ou 20 ans selon les sources, puis a Ă©tĂ© dĂ©trĂŽnĂ©, est redevenu pape, a vendu sa charge Ă GrĂ©goire VI, est redevenu encore pape, a une nouvelle fois Ă©tĂ© chassĂ©, puis a Ă©tĂ© excommuniĂ© et, selon une lĂ©gende sans fondement historique, se serait fait moine pour expier ses fautes.
De mĂȘme, la liste compte comme lĂ©gitimes Ă la fois LĂ©on VIII et BenoĂźt V qui ont pourtant rĂ©gnĂ© en mĂȘme temps et Ă©taient rivaux. Elle exclut en revanche les papes dâAvignon et les papes de Pise qui, durant le Grand Schisme dâOccident Ă©taient rivaux des papes de Rome.
Liste actuelle
En prenant en compte ces bizarreries, il y a 266 papes légitimes, dont les noms se répartissent de la façon suivante :
Liste en 1500
Liste en 1000
Jean | Ier | II | III | IV | V | VI | VII | VIII | IX | X | XI | XII | XIII | XIV | XV |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Ătienne | Ier | II | III | IV | V | VI | VII | VIII | |||||||
LĂ©on | Ier | II | III | IV | V | VI | VII | VIII | |||||||
BenoĂźt | Ier | II | III | IV | V | VI | VII | ||||||||
Boniface | Ier | II | III | IV | V | VI | |||||||||
Grégoire | Ier | II | III | IV | V | ||||||||||
FĂ©lix | Ier | â | III | IV | |||||||||||
Sixte | Ier | II | III | ||||||||||||
Adrien | Ier | II | III | ||||||||||||
Serge | Ier | II | III | ||||||||||||
Anastase | Ier | II | III | ||||||||||||
PĂ©lage | Ier | II | |||||||||||||
Adéodat (ou Dieudonné) | Ier | II | |||||||||||||
EugĂšne | Ier | II | |||||||||||||
Théodore | Ier | II | |||||||||||||
Marin | Ier | II | |||||||||||||
Agapet | Ier | II | |||||||||||||
Sylvestre | Ier | II | |||||||||||||
Pierre | |||||||||||||||
Lin | |||||||||||||||
Anaclet (ou Clet) | |||||||||||||||
Clément | |||||||||||||||
Ăvariste | |||||||||||||||
Alexandre | |||||||||||||||
TĂ©lesphore | |||||||||||||||
Hygin | |||||||||||||||
Pie | |||||||||||||||
Anicet | |||||||||||||||
SĂŽter | |||||||||||||||
ĂleuthĂšre | |||||||||||||||
Victor | |||||||||||||||
ZĂ©phyrin | |||||||||||||||
Calixte | |||||||||||||||
Urbain | |||||||||||||||
Pontien | |||||||||||||||
AntĂšre | |||||||||||||||
Fabien | |||||||||||||||
Corneille | |||||||||||||||
Lucius | |||||||||||||||
Denys | |||||||||||||||
Eutychien | |||||||||||||||
CaĂŻus (ou GaĂŻus) | |||||||||||||||
Marcellin | |||||||||||||||
Marcel | |||||||||||||||
EusĂšbe | |||||||||||||||
Miltiade | |||||||||||||||
Marc | |||||||||||||||
Jules | |||||||||||||||
LibĂšre | |||||||||||||||
Damase | |||||||||||||||
Sirice | |||||||||||||||
Innocent | |||||||||||||||
Zosime | |||||||||||||||
CĂ©lestin | |||||||||||||||
Hilaire | |||||||||||||||
Simplice | |||||||||||||||
GĂ©lase | |||||||||||||||
Symmaque | |||||||||||||||
Hormisdas | |||||||||||||||
SilvĂšre | |||||||||||||||
Vigile | |||||||||||||||
Sabinien | |||||||||||||||
Honorius | |||||||||||||||
SĂ©verin | |||||||||||||||
Martin | |||||||||||||||
Vitalien | |||||||||||||||
Donus | |||||||||||||||
Agathon | |||||||||||||||
Conon | |||||||||||||||
Sisinnius | |||||||||||||||
Constantin | |||||||||||||||
Zacharie | |||||||||||||||
Paul | |||||||||||||||
Pascal | |||||||||||||||
Valentin | |||||||||||||||
Nicolas | |||||||||||||||
Formose | |||||||||||||||
Romain | |||||||||||||||
Landon |
Liste en lâan 500
Durées par nom de pape
à ce jour, le nom représentant la durée la plus longue de pontificats est Pie avec 158 années suivi par Grégoire avec 22 ans de moins. Le tableau ci-aprÚs indique le nombre et la durée totale des pontificats pour les principaux noms de papes :
# | Nom | Pontificats | Durée | Moyenne |
---|---|---|---|---|
1 | Pie | 12 | 158 années | 13 années |
2 | Grégoire | 16 | 136 années | 8 années |
3 | Jean | 21 | 126 années | 6 années |
4 | Innocent | 13 | 114 années | 8 années |
5 | Benoßt | 15 | 107 années | 7 années |
6 | Léon | 13 | 100 années | 7 années |
7 | Clément | 14 | 93 années | 6 années |
Choix des noms depuis le Xe siĂšcle
Chaque pape est thĂ©oriquement tout Ă fait libre de choisir nâimporte quel nom de rĂšgne. Toutefois, depuis 913 et l'Ă©lection de Landon, les Ă©lus avaient pris l'habitude de choisir les noms parmi ceux dĂ©jĂ utilisĂ©s par leurs prĂ©dĂ©cesseurs. Le premier pape Ă©lu Ă avoir rompu cette tradition en optant pour un nom inĂ©dit fut Jean-Paul Ier en 1978, il opta cependant pour un composĂ© de deux noms prĂ©cĂ©demment employĂ©s (ce qui fut Ă©galement une innovation en la matiĂšre). 35 ans plus tard, en 2013, François rompit Ă©galement avec cette tradition en optant aussi pour un nom inĂ©dit.
Un pape qui dĂ©cide de choisir un nom encore jamais portĂ© n'est thĂ©oriquement dĂ©signĂ© avec lâadjectif Ier que pour Ă©viter toute confusion, lorsque l'un de ses successeurs utilise le mĂȘme nom que lui. Cette rĂšgle ne fut pas respectĂ©e lors de l'Ă©lection de Jean-Paul Ier, en effet le cardinal protodiacre le prĂ©senta Ă la foule sous le nom de Ioannes Paulus I (Ioannes Paulus Primi) et non sous celui Ioannes Paulus[6]. Ce ne fut pas le cas, par exemple, pour l'Ă©lection de François.
Depuis 996, seul deux papes Ă©lus ont choisi de conserver leur prĂ©nom de baptĂȘme : ainsi, Adriaan Florensz est devenu Adrien VI en 1522 et Marcello Cervini est devenu Marcel II en 1555[8].
Une rumeur prĂ©tend que le jour de son Ă©lection, Karol WojtyĆa aurait voulu choisir le nom de Stanislas Ier en souvenir de Stanislas de SzczepanĂłw, saint patron protecteur de son pays natal, la Pologne. Mais, les cardinaux lâen dissuadĂšrent car ce nom Ă©tait inĂ©dit et Ă©tranger aux traditions du nom de rĂšgne. On ne sait si cette histoire est vĂ©ridique ou une simple lĂ©gende.
Noms portés depuis le XIVe siÚcle
Depuis le XIVe siÚcle, période qui connut le grand schisme d'Occident, les 73 souverains pontifes qui se sont succédé, depuis la mort de Boniface VIII en 1303, jusqu'à l'avÚnement de François, seul nom utilisé jusqu'ici une seule fois depuis plus de sept siÚcles, en 2013, ont seulement opté pour 21 noms différents, qui sont par ordre alphabétique :
- Adrien (1 fois avec Adrien VI)
- Alexandre (3 fois de Alexandre VI Ă Alexandre VIII)[note 2]
- BenoĂźt (6 fois de BenoĂźt XI Ă BenoĂźt XVI)[note 2]
- Boniface (1 fois avec Boniface IX)[note 2]
- Calixte (1 fois avec Calixte III)[note 2]
- Clément (10 fois de Clément V à Clément XIV)[note 2]
- EugĂšne (1 fois avec EugĂšne IV)
- François (1 fois avec François)
- Grégoire (6 fois de Grégoire XI à Grégoire XVI)[note 2]
- Innocent (8 fois de Innocent VI Ă Innocent XIII)[note 2]
- Jean (2 fois avec Jean XXII et Jean XXIII)[note 2]
- Jean-Paul (2 fois avec Jean-Paul Ier et Jean-Paul II)
- Jules (2 fois avec Jules II et Jules III)
- LĂ©on (4 fois de LĂ©on X Ă LĂ©on XIII)
- Marcel (1 fois avec Marcel II)
- Martin (1 fois avec Martin V)
- Nicolas (1 fois avec Nicolas V)[note 2]
- Paul (5 fois de Paul II Ă Paul VI)
- Pie (11 fois de Pie II Ă Pie XII)
- Sixte (2 fois avec Sixte IV et Sixte V)
- Urbain (4 fois de Urbain V Ă Urbain VIII)[note 2]
Les noms portés jusqu'au XIIIe siÚcle
Noms utilisés plusieurs fois par ordre alphabétique:
- Adéodat (ou Dieudonné) (dernier : Adéodat II au VIIe siÚcle)
- Agapet (dernier : Agapet II au Xe siĂšcle)
- Anastase (dernier : Anastase IV au XIIe siĂšcle)[note 2]
- CĂ©lestin (dernier : CĂ©lestin V au XIIIe siĂšcle)[note 2]
- Damase (dernier : Damase II au XIe siĂšcle)
- Ătienne (dernier : Ătienne IX au XIe siĂšcle)
- FĂ©lix (dernier : FĂ©lix IV au VIe siĂšcle)[note 2]
- GĂ©lase (dernier : GĂ©lase II au XIe siĂšcle)
- Honorius (dernier : Honorius IV au XIIIe siĂšcle)[note 2]
- Lucius (dernier : Lucius III au XIIe siĂšcle)
- Marin (dernier : Marin II au Xe siĂšcle)
- Pascal (dernier : Pascal II au XIIe siĂšcle)[note 2]
- PĂ©lage (dernier : PĂ©lage II au VIe siĂšcle
- Serge (dernier : Serge IV au XIe siĂšcle)
- Sylvestre (dernier : Sylvestre III au XIe siĂšcle)[note 2]
- Théodore (dernier : Théodore II au IXe siÚcle)[note 2]
- Victor (dernier : Victor III au XIe siĂšcle)[note 2]
Aux 37 noms cités précédemment qui furent utilisés au moins deux fois, plusieurs d'entre eux ont également été adoptés par des antipapes ou des papes « autoproclamés »[note 3] y compris parmi les 43 autres noms utilisés une seule fois jusqu'au XIIIe siÚcle, comme :
- Anaclet (avec Anaclet II[note 2] au XIIe siĂšcle)
- Constantin (avec Constantin II[note 2] au VIIIe siĂšcle)
- Lin (Linus II, pape « autoproclamé » de la mouvance sédévacantiste)
- Pierre (Pierre II, plusieurs papes « autoproclamés » de la mouvance sédévacantiste[note 3])
à ces noms, on peut ajouter ceux portés chacun une seule fois par des antipapes : Albert, Christophe (ou Christophore), Dioscore, Eulalien, Hippolyte, Laurent, Novatien, Philippe, Thierry (ou Théodoric) et Ursin.
Les sĂ©dĂ©vacantistes, minoritĂ© coupĂ©e de l'Ăglise au sein du courant traditionaliste, ont Ă©galement utilisĂ© « Emmanuel » et « Michael ».
Notes
- Ou le sous-doyen lorsque le doyen est élu pape en 2005, ou le plus ancien cardinal, quand le doyen et le sous-doyen ne sont plus autorisés à participer au conclave en raison de leur ùge.
- Ces noms ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© portĂ©s dans le passĂ© par des antipapes. Les noms et numĂ©ros ont Ă©tĂ© rĂ©utilisĂ©s par des papes lĂ©gitimes, Ă lâexception de ceux de FĂ©lix II, Jean XVI, Boniface VII, BenoĂźt X et Alexandre V dont on a discutĂ© plus haut.
- Ces derniers nâĂ©tant reconnus par aucun Ătat
Références
- GenĂšse 17,5.
- Michel Dubost et Stanislas Lalanne, Théo, Fleurus, , p. 91.
- Delphine de MallevoĂŒe, « Pourquoi les papes changent-ils de nom ? », sur lefigaro.fr, .
- Le prénom « Pie » sur nominis.
- Jean Guitton, Un siĂšcle, une vie, Paris 1988.
- Vidéo de l'élection de Jean-Paul Ier en 1978 sur You Tube.
- « Ce sera pape François, tout court », sur liberation.fr, (consulté le ).
- Pourquoi les papes changent-ils de nom ? - Article du Figaro du 13 février 2013.
Bibliographie
- Philippe Levillain (sous la direction de), Dictionnaire historique de la Papauté, Fayard, 2003, 1776 p. (ISBN 2-213-61857-7)
- Jean-Anne Chalet, Le dernier pape, Pygmalion, 1977
Articles connexes
Liens externes
- « Papocryphes » (consultĂ© le ), archivĂ© sur Wikiwix Un site sarcastique mais trĂšs documentĂ© sur les noms des antipapes modernes, des papes imaginaires ou des papes d'Ćuvres de fiction.