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Innocent VI

Innocent VI, nĂ© Étienne Aubert Ă  Beyssac en Limousin en 1282 et mort le , est Ă©vĂȘque de Noyon et Ă©vĂȘque de Clermont, puis il fut le 199e pape de l’Église catholique Ă  Avignon de 1352 Ă  1362, succĂ©dant au pape ClĂ©ment VI (1342-1352).

Innocent VI
Image illustrative de l’article Innocent VI
Andrea di Bonaiuto, Innocent VI (1365), Florence, basilique Santa Maria Novella, détail de la fresque de la chapelle des Espagnols.
Biographie
Nom de naissance Étienne Aubert
Naissance
Beyssac (Limousin)
DĂ©cĂšs
Avignon
Pape de l'Église catholique
Élection au pontificat
Intronisation
Fin du pontificat
(9 ans, 8 mois et 25 jours)

Blason
.html (en) Notice sur www.catholic-hierarchy.org

Biographie

Sa famille

Le cardinal Étienne Aubert, futur Innocent VI.

Innocent VI est nĂ© dans le hameau des Monts, diocĂšse de Limoges, dans la future commune de Beyssac, dans le sud du Limousin. Le pĂšre d'Étienne Aubert, AdhĂ©mar Aubert (1265-1303), a pour nom sur les documents Ademarus Alberti de Pompador. Les Aubert rendent hommage Ă  la seigneurie toute proche de Pompadour. Nous ne connaissons de sa famille aux origines obscures que le grand-pĂšre, dĂ©jĂ  prĂ©nommĂ© Étienne et encore vivant en 1273. Mais la famille Aubert figure parmi les premiers bienfaiteurs de la Chartreuse de Glandier dĂšs 1220.

En 1352, Guillaume Aubert, neveu du pape, se porte acquéreur de la chùtellenie et du chùteau de Bré, prÚs de Lubersac, sur la commune de Coussac-Bonneval dans la Haute-Vienne.

Sa jeunesse

Étienne est toutefois issu d'une famille suffisamment aisĂ©e pour lui permettre de recevoir une formation de juriste. Il obtient un doctorat en droit canonique Ă  la facultĂ© de Toulouse et enseigne le droit civil dans cette facultĂ©[1]. Ce futur pape est tout d'abord avocat Ă  Limoges, puis devient juge-mage en la sĂ©nĂ©chaussĂ©e de Toulouse.

Sa carriÚre de prélat

Le futur pape Innocent VI est successivement archidiacre de Cambrai, de Brabant et de Souvigny en Basse-Auvergne, archiprĂȘtre de Laurac, dans le Lauragais et prieur de Rouvignac, en Languedoc[2].

NommĂ© prieur du prieurĂ© de Romette en 1332[3], Étienne est promu Ă  l'Ă©vĂȘchĂ© de Noyon, le . Jean-Pierre Besse prĂ©cise dans son livre Chantilly et Noyon : « Si le passage du futur pape Innocent VI sur le siĂšge Ă©piscopal de Noyon fut bref, il n'en honora pas moins grandement le diocĂšse de saint Éloi. »

Deux ans plus tard en 1340, il est appelĂ© au siĂšge de l'Ă©vĂȘchĂ© de Clermont d'Auvergne.

C'est un homme digne, vivant simplement, un homme de vie intĂ©rieure. Il considĂšre que la tĂąche des Ă©vĂȘques est de « s'Ă©lever sur la montagne de la contemplation » aprĂšs s'ĂȘtre exercĂ©s « sur le terrain de l'action »[2].

Le futur pape Innocent VI est aussi conseiller du roi Philippe VI de France et Pair de France, puis nommĂ© deux ans plus tard cardinal-Ă©vĂȘque d'Ostie.

Son pontificat

Armes d'Innocent VI sur l'Ă©glise San-Gines de Madrid.
Innocent VI, entourĂ© du cardinal Albornoz et de l'empereur Charles IV, Ă  ses pieds l'archevĂȘque Simone Saltarelli sermonne Michele da Cesena et Guillaume d'Ockham. DĂ©tail de la fresque d'Andrea di Bonaiuto (1365) dans la chapelle des Espagnols de la basilique Santa Maria Novella Ă  Florence.

Innocent VI est pape de 1352 à 1362. Il succÚde à Clément VI. Il est élu le et siÚge comme son prédécesseur à Avignon.

Il mÚne une politique d'économie aprÚs les fastes de son prédécesseur et de la cour pontificale. Entre autres réformes, il ordonne à tous les prélats et autres bénéficiers de se retirer chacun dans leurs bénéfices et d'y résider sous peine d'excommunication.

Ce pape veut lever des dĂ©cimes en France, mais cela lui est refusĂ©. Le royaume de France, dĂ©solĂ© par les guerres malheureuses avec les Anglais, est bien loin de pouvoir fournir des sommes d'argent importantes. Il en fait autant en Allemagne et donna des dispenses Ă  ses lĂ©gats pour accorder des bĂ©nĂ©fices, moyennant finances, aux prĂȘtres, Ă©vĂȘques ou autres prĂ©lats[4].

C'est un grand rĂ©formateur mais souvent brutal : il rappelle les ordres religieux Ă  l'observation de leurs rĂšgles, brise les rĂ©sistances en recourant Ă  la force, emprisonne et condamne au bĂ»cher pour venir Ă  bout des fidĂšles observants des prĂ©ceptes du Poverello d'Assise et des BĂ©guins qui vĂ©nĂšrent la mĂ©moire de leur inspirateur, Pierre de Jean Olivi. On raconte mĂȘme que les bĂ»chers sont si nombreux en Languedoc, Provence et Italie que sainte Brigitte de SuĂšde blĂąme sĂ©vĂšrement Innocent VI[5].

Innocent VI fait fortifier Avignon, enceinte toujours visible de nos jours.

L'humaniste italien PĂ©trarque en marque toute son indignation dans une lettre qu'il Ă©crit Ă  NĂ©rico Furli, son ami. Écrivant Ă  l'empereur Charles IV du Saint-Empire lui-mĂȘme, il lui dit : « Je ne sais ce que tu as promis par serment au pape qui t'a fermĂ© le chemin de Rome. Tu fuis comme si tu avais volĂ© le diadĂšme. Sur quoi, il s'Ă©crie : O infamie ! ĂŽ traitĂ© honteux ! [
] »[4].

Innocent VI fonde la chartreuse Notre-Dame-du-val-de-BĂ©nĂ©diction Ă  Villeneuve-les-Avignon en 1356[6]. Il la fait dĂ©corer de fresques par Matteo Giovanneti, mais en 1358, il est obligĂ© de vendre argenterie et bijoux personnels pour permettre Ă  l'Église de survivre.

Il tente de ramener la papautĂ© Ă  Rome, et pour cela, il envoie le cardinal Gil Álvarez Carrillo de Albornoz, archevĂȘque de TolĂšde, en Italie, afin de pacifier les États pontificaux, ce qu'il fait brillamment. Il essaie de recouvrer le patrimoine de l'Église en Italie, mais malgrĂ© les efforts de son lĂ©gat le cardinal Albornoz, il Ă©choue en partie.

Il vit en assez bon accord avec les puissances temporelles. Cependant le portrait que Pierre Ozarius en a laissĂ© dans sa Chronique, n'est pas avantageux. On lui reproche comme Ă  ClĂ©ment VI d'avoir trop favorisĂ© ses parents[1], « mais avec cette diffĂ©rence que les siens lui font honneur et qu'il n'en fut pas de mĂȘme de ceux de ClĂ©ment VI »[7].

Innocent VI a d'ailleurs toutes les qualitĂ©s d'un bon pape. C'est aussi un homme ami des lettres et des lettrĂ©s, de mƓurs rĂ©guliĂšres et Ă©conome dans sa maison, qualitĂ©s assez rares parmi les pontifes de cette Ă©poque. C'est aussi un ami de la justice, plein de charitĂ©[7].

Les malheurs de la France excitent vivement sa sensibilitĂ©. Il la cache si peu que les Anglais aprĂšs la bataille de Poitiers en font des plaisanteries. Le pĂšre Berthier cite que celle-ci n'est, selon lui, ni spirituelle ni dĂ©cente : « Le pape, disent-ils, est devenu français, mais JĂ©sus-Christ est tout Anglais
 »[7].

Il est nĂ©anmoins pour beaucoup dans la signature du traitĂ© de BrĂ©tigny, signĂ© le prĂšs de Chartres, entre Édouard III d'Angleterre et Jean II le Bon. Cet accord permet une trĂȘve de neuf ans dans la guerre de Cent Ans.

En dehors des préoccupations françaises et romaines, Innocent doit faire face à la menace des grandes compagnies, dans le sud du royaume, et plus particuliÚrement en Languedoc. C'est pour cette raison qu'il fait fortifier Avignon d'une enceinte, toujours visible de nos jours[1].

En décembre 1360, la Compagnie des Tard-venus prend Pont-Saint-Esprit situé à une cinquantaine de kilomÚtres au nord d'Avignon. Le pape négocie encore leur départ à prix d'or.

Il a fondé à Toulouse pour 24 boursiers le collÚge de Saint-Martial. Il accorda à la faculté de théologie de cette ville tous les privilÚges dont jouissait l'université de Paris, sujet de jalousie pour celle-ci qui tùcha de s'y opposer en disant que jusqu'alors les papes n'avaient égalé aucune université à celle de Paris[8].

La fin de sa vie

Innocent VI meurt le à Avignon et est inhumé à Villeneuve-les-Avignon dans la chartreuse Notre-Dame-du-Val-de-Bénédiction[9].

Ses obsĂšques sont cĂ©lĂ©brĂ©es avec plus de pompe que celles de son prĂ©dĂ©cesseur, mais le cĂ©rĂ©monial ne change pas. Elles durent neuf jours, le temps de la neuvaine, selon l'usage Ă©tabli. Le corps est d'abord exposĂ© durant deux jours, du 12 au , dans la grande chapelle du palais des papes Ă  Avignon ; il y est veillĂ© la nuit par une garde d'honneur et dans la journĂ©e des prĂȘtres cĂ©lĂšbrent des messes pour le repos de l'Ăąme du pape dĂ©funt. Le 14, le cercueil est alors transportĂ© Ă  la cathĂ©drale Notre-Dame des Doms d'Avignon ; Ă  dater de ce jour commence la neuvaine. Le ont lieu les funĂ©railles solennelles pour le transport du cercueil de Notre-Dame des Doms Ă  la chartreuse Notre-Dame-du-Val-de-BĂ©nĂ©diction Ă  Villeneuve-lĂšs-Avignon, lieu oĂč Innocent VI avait demandĂ© Ă  ĂȘtre inhumĂ©. DĂšs le mois de dĂ©cembre 1361, il avait chargĂ© Bertrand Nogayrol, son architecte, de lui Ă©difier un monument et un mausolĂ©e qui avait Ă©tĂ© placĂ© dans la chapelle de la Sainte-TrinitĂ©.

Pour ces obsĂšques ont lieu les mĂȘmes distributions d'argent que pour son prĂ©dĂ©cesseur, aux ordres mendiants et aux hĂŽpitaux, de robes noires aux fonctionnaires pontificaux. La dĂ©coration semble avoir Ă©tĂ© la mĂȘme, ayant fait l'objet des mĂȘmes achats de drap cendal (de soie) blanc, rouge et noir. Les frais furent supĂ©rieurs Ă  ceux des obsĂšques de ClĂ©ment VI[10].

Notes et références

  1. France Dictionnaire encyclopédique, par Philippe Le Bas, p. 583.
  2. Étienne Aubert, Ă©lu pape sous le nom d'Innocent VI
  3. Joseph Jouglar, Romette et son prioré.
  4. Les crimes des papes, depuis S. Pierre jusqu'Ă  Pie VI; par Louis de La Vicomterie de Saint-Samson, Louis Marie Prudhomme, p. 393.
  5. Innocent VI, pape d'Avignon
  6. Fondation de la chartreuse du Val de Bénédiction.
  7. Louis Mayeul, Dictionnaire universel, historique, critique, et bibliographique, Chaudon, p. 29.
  8. RenĂ© François Rohrbacher, Histoire universelle de l'Église Catholique, Auguste-Henri Dufour, p. 373.
  9. histoire de la chartreuse du Val-de-Bénédiction, Villeneuve-lÚs-Avignon, Gard.
  10. Les funérailles de Clément VI et d'Innocent VI d'aprÚs les comptes de la Cour Pontificale.

Annexes

Chroniques contemporaines

  • J. Froissart, Chroniques, texte et notes de Kervyn de Lettenhove, Bruxelles (t. IV Ă  VIII), 1868.
  • J. Froissart, Chroniques, texte et notes de SimĂ©on LucĂ©, Paris (t. IV Ă  VIII), 1873-1874
  • J. Le Bel, Chronique de Jean le Bel (1326-1361), texte et notes de J. Viard et E. Deprez, t. I et II, vol. 1, 1326-, vol. 2, -1361, SociĂ©tĂ© de l’Histoire de France, Paris, 1904-1905
  • (it) G. Villani, puis M. Villani et F. Villani, Cronica e Istorie Fiorentine, Florence, 1823.

Études gĂ©nĂ©rales

  • (la) É. Baluze, Vitae paparum Avenionensium, sive collectio actorum veterum, vol. I et II. Paris, 1693.
  • J. F. FornĂ©ry, Histoire ecclĂ©siastique et civile du ComtĂ© Venaissin et de la ville d’Avignon, Avignon, 1741.
  • Tessier, Histoire des souverains pontifes qui ont siĂ©gĂ© dans Avignon, Avignon, 1774.
  • J. B. Christophe, Histoire de la papautĂ© pendant le XIVe siĂšcle avec des notes et des piĂšces justificatives, t. I & II, Paris, 1853.
  • J. B. Joudou, Histoire des souverains pontifes qui ont siĂ©gĂ© Ă  Avignon, Avignon, t. I et II, 1855.
  • Guillaume Mollat, Les papes d’Avignon (1305 – 1378), Limoges, 1949.
  • Y. Renouard, La papautĂ© Ă  Avignon, Paris, 1954.
  • B. Guillemain, La cour pontificale d’Avignon (1309–1376). Étude d’une sociĂ©tĂ©, Paris, 1962.
  • D. Paladilhe, Les papes en Avignon, Paris, 1975.
  • B. Guillemain, Les papes d’Avignon (1309–1376), Paris, 1998.
  • HervĂ© Aliquot, Cyr Harispe, Avignon au XIVe siĂšcle. Palais et dĂ©cors, Éditions École Palatine, 2006, 144 p. (ISBN 2-9522477-1-4).

Études particuliùres

  • A. Cherest, L’ArchiprĂȘtre, Ă©pisodes de la guerre de Cent Ans au XIVe siĂšcle, Paris, 1879.
  • M. Faucon, PrĂȘts faits aux rois de France par ClĂ©ment VI, Innocent VI et le comte de Beaufort, BibliothĂšque de l’école des chartes, t. XL, p. 570–578, 1879.
  • A. Coville, « Arnaud de Cervole », in L’armĂ©e Ă  travers les Ăąges, 2e sĂ©rie, Paris, 1900.
  • E. DĂ©prez, « Les funĂ©railles de ClĂ©ment VI et d’Innocent VI d’aprĂšs les comptes de la Cour pontificale », in MĂ©langes d’archĂ©ologie et d’histoire, vol. 20, nos 1-20, 1900.
  • L. H. Labande, « L’occupation de Pont-Saint-Esprit par les Grandes Compagnies (1360–1361) », Revue historique de Provence, t.3, 1901.
  • Louis Bruguier-Roure, « Un prĂ©tendant au trĂŽne de France dans la vallĂ©e du RhĂŽne en 1360 : le roi Gianinno di Francia », MĂ©moires de l’AcadĂ©mie du Vaucluse, t. VI, 1906.
  • R. Michel, La construction des remparts d’Avignon au XIVe siĂšcle, CongrĂšs archĂ©ologique de France, 1909.
  • G. Biscaro, Les relations des Visconti de Milan avec l’Église. L’archevĂȘque Jean, ClĂ©ment VI et Innocent VI, Archivio storico lombardo, 1919-1928.
  • E. Vincent, « Les tombeaux des papes limousins d’Avignon », Bulletin de la SociĂ©tĂ© archĂ©ologique et historique du Limousin, 1950.
  • P. Gasnault et M. H. Laurent, Innocent VI (1352-1362). Lettres secrĂštes et curiales, publiĂ©es ou analysĂ©es d’aprĂšs les registres des archives vaticanes, Paris, 1959.
  • J. GlĂ©nisson et G. Mollat, Correspondance des lĂ©gats et vicaires gĂ©nĂ©raux : Gil Albornoz et Androin de la Roche (1353-1367), Paris, 1964.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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