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Nestor Makhno

Nestor Ivanovitch Makhno (ukrainien : ĐĐ”ŃŃ‚ĐŸŃ€ ІĐČĐ°ĐœĐŸĐČоч ĐœĐ°Ń…ĐœĐŸ), nĂ© le Ă  GouliaĂŻ PoliĂ© (ou HouliaĂŻpole) — ville de l'ouĂŻezd d'Aleksandrovsk du gouvernement de Iekaterinoslav, alors situĂ©e dans l'Empire russe — et mort le dans le 20e arrondissement de Paris (France), est un communiste libertaire[1] d'origine cosaque zaporogue, fondateur de l'ArmĂ©e rĂ©volutionnaire insurrectionnelle ukrainienne, qui, aprĂšs la rĂ©volution d'Octobre et jusqu'en 1921, combat Ă  la fois les « ArmĂ©es blanches » tsaristes contre-rĂ©volutionnaires et l'ArmĂ©e rouge bolchĂ©vique.

Nestor Makhno
Nestor Makhno en 1921.
Nestor Makhno en 1921.

Naissance
Gouliaï Polié (Empire russe)
DĂ©cĂšs
Paris 20e (France)
Origine Ukrainienne
Type de militance Action directe

Lutte armée

Cause défendue Communisme libertaire

Plateformisme

En 1898, à l'ùge de dix ans, il quitte l'école pour aller travailler chez un paysan. Il y apprend l'injustice, l'humiliation puis la révolte.

En 1906, Ă  l'Ăąge de dix-sept ans, et Ă  la faveur de la rĂ©volution russe de 1905, Makhno rejoint un groupe anarchiste local et s'implique dans des activitĂ©s d'« expropriations » au cours desquelles un gendarme est tuĂ©. Il est arrĂȘtĂ©, puis condamnĂ© Ă  mort en 1910. En raison de son jeune Ăąge, sa peine est commuĂ©e en peine Ă  perpĂ©tuitĂ©. Il est Ă©galement condamnĂ© aux travaux forcĂ©s puis est transfĂ©rĂ© Ă  la prison de la Boutyrka Ă  Moscou qui accueille les prisonniers politiques[2].

LibĂ©rĂ© en 1917 aprĂšs la rĂ©volution de FĂ©vrier, il rentre Ă  GouliaĂŻ PoliĂ© et participe Ă  l'organisation des comitĂ©s autonomes de paysans et d’ouvriers (soviets) et appelle Ă  la collectivisation des terres et des usines.

En 1918, les armĂ©es austro-hongroise et allemande, puis nationaliste ukrainienne et enfin l’ArmĂ©e des volontaires du gĂ©nĂ©ral DĂ©nikine et de Wrangel se livrent, successivement, au saccage de la rĂ©gion, voulant Ă©tablir leur propre pouvoir et rĂ©tablir les anciens propriĂ©taires. Makhno et ses compagnons parmi lesquels Maria Nikiforova organisent alors un mouvement de rĂ©sistance armĂ©e. Cet Ă©lan rĂ©volutionnaire est brisĂ© en mars 1918 par la signature du traitĂ© de Brest-Litovsk qui cĂšde l'Ukraine Ă  l'Allemagne et Ă  l'Autriche en Ă©change de la paix.

En 1919, les groupes de guĂ©rilla se transforment en une vĂ©ritable armĂ©e, l'armĂ©e rĂ©volutionnaire insurrectionnelle ukrainienne (dite « Makhnovchtchina »), qui compte jusqu'Ă  50 000 hommes. Pour combattre les ArmĂ©es blanches, il s'allie Ă  l'ArmĂ©e rouge qui se retourne finalement contre lui en 1920.

En 1921, vaincu, il fuit la Russie. ExpulsĂ© de plusieurs pays europĂ©ens, il s'installe finalement Ă  Paris en 1925, oĂč il travaille comme ouvrier chez Renault Ă  Boulogne-Billancourt.

En 1926, cherchant Ă  tirer les leçons de la dĂ©faite, il rĂ©dige avec cinq autres anarchistes russes en exil un projet de « Plate-forme organisationnelle de l’union gĂ©nĂ©rale des anarchistes » d'inspiration communiste libertaire. Voline et SĂ©bastien Faure s'y opposent et proposent, en rĂ©ponse, la synthĂšse anarchiste.

Il meurt le 25 juillet 1934 et est incinéré au cimetiÚre du PÚre-Lachaise en présence de centaines de personnes dont Voline qui prononce son éloge funÚbre.

Biographie

De l'enfance aux premiers combats

Nestor Makhno en 1906.

NĂ© Ă  GouliaĂŻ PoliĂ©, Nestor Makhno est le cinquiĂšme fils d’une famille d'anciens serfs, paysans pauvres d'Ukraine orientale, berceau des cosaques zaporogues[1]. Son pĂšre meurt alors qu'il n'a que dix mois[3]. Son enfance est marquĂ©e par une grande misĂšre[4]. DĂšs l'Ăąge de sept ans, il travaille comme berger[5] - [6]. À huit ans, il va Ă  l'Ă©cole l'hiver et travaille l'Ă©tĂ©. Il quitte dĂ©finitivement l'Ă©cole Ă  douze ans et est ouvrier agricole Ă  plein temps sur les terres de la noblesse et dans les fermes des koulaks, les paysans riches, souvent des colons allemands[3].

Il prend rapidement conscience de l'injustice dont les siens sont victimes. À l'Ăąge de treize ans, il assiste Ă  une correction musclĂ©e donnĂ©e par ses jeunes maĂźtres Ă  un garçon d'Ă©curie. Il court alors chercher de l'aide auprĂšs du premier garçon d'Ă©curie, Batko Ivan, qui se rue sur les deux hommes. Tous les employĂ©s demandent alors leur compte auprĂšs du propriĂ©taire qui prend peur. Cette premiĂšre rĂ©volte marque profondĂ©ment le jeune Makhno[7].

À l'ñge de dix-sept ans, il travaille, d'abord comme apprenti peintre, puis comme ouvrier dans une fonderie[3].

Illégalisme révolutionnaire et condamnation à mort

L'Union des laboureurs pauvres, le groupe de Gouliaï-Polié (Houliaïpole), 1er mai 1907. Nestor Makhno au premier rang à gauche au cÎté de Waldemar Antoni.

Pendant la RĂ©volution russe de 1905, il est actif localement Ă  HouliaĂŻpole (GouliaĂŻ-PoliĂ©), oĂč le rĂ©gime envoie un dĂ©tachement de gendarmes Ă  cheval, qui rĂ©prime les rassemblements populaires, fouette ceux qui sont pris dans les rues et bat les prisonniers Ă  coups de crosse[3].

À 16 ans, il rejoint l'« union des laboureurs pauvres »[8], un groupe de jeunes rĂ©volutionnaires qui se rĂ©clame du communisme libertaire[1] et s'oppose par l'action directe Ă  la terreur gouvernementale, notamment aux moyens des « expropriations »[9] et de la redistribution de biens confisquĂ©s aux riches[8]. Comme nombre d'anarchistes de l'Empire russe[10], ils veulent rĂ©pondre Ă  la rĂ©pression tsariste par la « Terreur noire »[11]. Ce groupe est animĂ© par Waldemar Antoni. D'origine tchĂšque, membre du « groupe des anarchistes-communistes d'EkatĂ©rinoslav », il arrivĂ© Ă  GouliaĂŻ-PoliĂ© aprĂšs le « dimanche sanglant » du 9 janvier 1905[12], en apportant Ă  ces jeunes faiblement cultivĂ©s les livres de Bakounine, Kropotkine et Proudhon ainsi que des livres de culture gĂ©nĂ©rale, dont l'astronomie qui les passionne[8] - [n 1]. En rĂ©action aux succĂšs de ce groupe, les koulaks et les pomiechtchiks (grands propriĂ©taires fonciers) crĂ©ent leur propre mouvement l'« Union des russes vĂ©ritables », sous la direction du commissaire de police de la Russie tsariste. Ils se trouvent un bouc Ă©missaire et guidĂ©s par leur slogan « tue le youpin, sauve la Russie » organisent des pogroms. l'Union des laboureurs pauvres combat ce mouvement et le dĂ©truit, « ce fut notre premiĂšre victoire » note Makhno dans ses MĂ©moires[8].

À la fin 1906 et en 1907, la rĂ©pression s'abat sur le groupe. Makhno est arrĂȘtĂ© et accusĂ© d'assassinats politiques, mais libĂ©rĂ© faute de preuves. En 1908, Ă  la suite de la dĂ©nonciation d'un informateur infiltrĂ© dans le groupe par la police, il est arrĂȘtĂ© et incarcĂ©rĂ©[3].

En mars 1910, Makhno et treize de ses camarades[11] sont jugés par un tribunal militaire. Il est condamné à la peine de mort par pendaison. En raison de son jeune ùge et des efforts de sa mÚre, la peine est commuée en réclusion à perpétuité[5] assortie de travaux forcés.

Il est incarcéré à la prison de Boutyrka, qui est, « à cette époque, une sorte d'université révolutionnaire »[14]. Il y étudie notamment Bakounine[15], Kropotkine et son concept de l'entraide. Il rencontre Piotr Archinov avec qui il parle beaucoup. En raison de son caractÚre peu conciliant, Makhno est réguliÚrement enchaßné et mis au cachot. Cette expérience explique sa haine des prisons et, plus tard, pendant la guerre civile, en entrant dans une ville nouvellement conquise, son premier geste est de libérer tous les prisonniers et de détruire la prison[3].

GrĂące Ă  la rĂ©volution de FĂ©vrier, le 2 mars 1917, aprĂšs huit ans et huit mois de prison, Makhno est libĂ©rĂ© en mĂȘme temps que tous les autres prisonniers politiques.

Le soviet de HouliaĂŻpole et la socialisation des terres

Fin mars 1917, il retourne Ă  HouliaĂŻpole oĂč il est bien accueilli. AprĂšs ses annĂ©es de prison, la souffrance, mais aussi l'Ă©tude, Makhno n'est plus un jeune militant inexpĂ©rimentĂ©, mais un anarchiste qui a Ă©prouvĂ© sa volontĂ© et forgĂ© des idĂ©es prĂ©cises sur la lutte rĂ©volutionnaire. TĂ©moin de l'attitude dominatrice des intellectuels[16], il ne croit pas en l'honnĂȘtetĂ© des hommes politiques[17]. Il retrouve ses anciens camarades et les convainc d'agir immĂ©diatement en organisant les paysans et les ouvriers. Favorisant la concertation et la conscientisation, au cours d'une multitude de rĂ©unions et d'Ă©lections furent discutĂ©s, entre autres, ce qu'Ă©taient une coopĂ©rative, une commune, une union, un dĂ©lĂ©guĂ©, le rĂŽle d'un soviet ou encore, ce que signifiait prendre les terres[8].

Le 29 mars 1917, une union professionnelle des ouvriers agricoles, l'Union des paysans[18], est fondée et les paysans refusent de payer le loyer aux propriétaires[5]. Makhno intervient également dans la grÚve victorieuse d'une usine appartenant à son ancien patron et dans l'organisation du syndicat local des charpentiers et des ouvriers métallurgistes dont il est nommé président[19].

Du 5 au 7 aoĂ»t, Ă  GouliaĂŻ PoliĂ©, une assemblĂ©e rĂ©gionale dĂ©cide de rĂ©organiser les syndicats paysans en un soviet des dĂ©lĂ©guĂ©s, paysans et travailleurs[3]. Makhno recrute une petite troupe de paysans armĂ©s et entreprend d’exproprier les aristocrates locaux et de distribuer les terres aux paysans pauvres[19]. Mais le projet est retardĂ© par l'opposition des propriĂ©taires fonciers et des koulaks qui s'organisent et font appel aux autoritĂ©s provisoires de Moscou. Le 29 aoĂ»t, en urgence alors que le gĂ©nĂ©ral Kornilov tente de prendre le pouvoir Ă  PĂ©trograd, le soviet de GouliaĂŻ PoliĂ© forme un ComitĂ© pour le salut de la rĂ©volution, dont Makhno est nommĂ© responsable. Le lendemain, ce comitĂ© dĂ©cide l'abolition des privilĂšges et de dĂ©sarmer les propriĂ©taires afin de prĂ©parer les expropriations et d'appliquer le dĂ©cret sur la terre tel qu'il avait Ă©tĂ© discutĂ© Ă  GouliaĂŻ PoliĂ© pendant des mois[8].

Le 25 septembre, le congrÚs des soviets et organisations paysannes convoque les grands propriétaires et les koulaks, munis de leurs titres de propriété (terre, élevage et équipement), qui sont saisis. Un inventaire est dressé et partagé de façon égalitaire[5], y compris avec les anciens propriétaires. La propriété fonciÚre est transformée en propriété sociale. Le principe veut que personne ne possÚde plus de terre qu'il n'est capable de cultiver seul, sans recourir à des salariés[3]. Cette action d'expropriation et de redistribution des terres, réalisée dans la concertation, anticipe l'autre décret sur la terre promulgué le 26 octobre 1917 et que le parti bolchévique arrivé au pouvoir imposera de façon violente[8].

Makhno veut construire un nouvel ordre social « oĂč il n'y aurait ni esclavage, ni mensonge, ni honte, ni divinitĂ©s mĂ©prisables, ni chaĂźnes, oĂč l'on ne pourrait acheter ni l'amour, ni l'espace, oĂč il n'y aurait que la vĂ©ritĂ© et la sincĂ©ritĂ© des hommes »[20].

Sur un territoire de deux millions et demi d'habitants affranchi de tout pouvoir Ă©tatique, les insurgĂ©s forment des communes agraires autonomes dotĂ©es des organes d'une dĂ©mocratie directe : soviets libres et comitĂ©s de base[1]. Les terres, les usines et les ateliers sont expropriĂ©s avant d'ĂȘtre collectivisĂ©s et pour certains autogĂ©rĂ©s. Des communes sont crĂ©Ă©es sur la base du volontarisme, de l'Ă©galitĂ© et la solidaritĂ©[7].

DĂ©ception Ă  Moscou

En 1918.

L'Ă©lan rĂ©volutionnaire ukrainien est brisĂ© en mars 1918 lorsque LĂ©nine signe le traitĂ© de Brest-Litovsk qui cĂšde l'Ukraine Ă  l'Allemagne et Ă  l'Autriche en Ă©change de la paix. L'Ukraine est occupĂ©e en moins de trois mois par les armĂ©es austro-allemandes. L'occupant fait revenir les propriĂ©taires et arrĂȘte les rĂ©volutionnaires.

Le congrÚs anarchiste de Taganrog, à la fin avril, décide d'organiser la guérilla par petites unités de cinq à dix combattants, de collecter des armes et de préparer un soulÚvement paysan généralisé. Il décide également l'envoi d'une délégation à Moscou, dont Makhno[3].

En juin 1918, Makhno est Ă  Moscou pour « consulter quelques vieux militants anarchistes sur les mĂ©thodes et les tendances Ă  suivre dans le travail libertaire rĂ©volutionnaire parmi les paysans de l’Ukraine »[21]. Il rencontre Piotr Archinov et Pierre Kropotkine dont il dit « avoir beaucoup apprĂ©ciĂ© certains conseils »[21].

En avril, la TchĂ©ka inflige une sĂ©vĂšre dĂ©faite au mouvement libertaire en l'expulsant de ses locaux, interdisant ses publications et emprisonnant les militants[21]. Pour Makhno, venant d'une zone oĂč les libertĂ©s de parole et d'organisation sont toujours vivantes, la faiblesse des anarchistes moscovites est un choc. Moscou lui apparaĂźt comme « la capitale de la rĂ©volution de papier », ne produisant que des rĂ©solutions et des slogans vides tandis que le parti bolchĂ©vik installe une dictature par la force et la fraude[3].

Un peu par hasard[3], il rencontre LĂ©nine au Kremlin. L'entretien porte « sur trois points : la mentalitĂ© des paysans en Ukraine ; les perspectives immĂ©diates pour ce pays et la nĂ©cessitĂ© pour les bolcheviks de crĂ©er une armĂ©e rĂ©guliĂšre (ArmĂ©e rouge) ; le dĂ©saccord entre le bolchevisme et l’anarchisme. Sa conversation, tout en prĂ©sentant un certain intĂ©rĂȘt, fut trop brĂšve et superficielle pour apporter quelque chose de vraiment important »[21] (voir la section Citations).

Makhno retourne en Ukraine car il souhaite libérer Gouliaï Polié. En septembre 1918, il s'associe avec Fedir Shchus, ancien matelot dirigeant un petit détachement de résistants. Malgré leur faible nombre (une douzaine à peine), ils entrent dans la ville, tirent sur l'occupant, et déclenchent le soulÚvement des habitants. Le village est libéré, ce sera le début de l'organisation de la libération de l'Ukraine coordonnée par Makhno[8], il est désormais surnommé « batko » (petit pÚre) du fait de ses qualités de commandement militaire[10] - [22] et de l'affection populaire.

Les blancs, les rouges et l'Armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne

Nestor Makhno, au centre, avec Fedir Shchus Ă  droite, 1919.

Un mois aprĂšs la RĂ©volution d'Octobre, l'arrivĂ©e au pouvoir des bolcheviks, qui ont comme mot d'ordre « la paix immĂ©diate », dĂ©bouche en dĂ©cembre sur l'armistice de Brest-Litovsk puis sur la paix signĂ©e en mars 1918. La Russie renonce Ă  sa souverainetĂ© sur plusieurs territoires et reconnaĂźt l'indĂ©pendance de l'Ukraine « grenier Ă  blĂ© et cƓur industriel de la Russie » qui est aussitĂŽt occupĂ©e par les armĂ©es austro-allemandes.

À cette occupation Ă©trangĂšre s'ajoute une guerre civile entre les bolchĂ©viks et les Blancs de DĂ©nikine. C'est dans ce cadre que se situe le soulĂšvement initiĂ© par Makhno qui aprĂšs avoir combattu les Allemands et les Blancs en Ukraine rĂ©siste au pouvoir centralisateur des bolchĂ©viks[23].

En 1919.
Drapeau de la Makhnovchtchina

.

Slogan : « Mort Ă  tous ceux qui s'opposent Ă  la libertĂ© des travailleurs ! ». En 1918, fort de son succĂšs Ă  GouliaĂŻ-PoliĂ©, sa rĂ©putation grandit. « BientĂŽt, Makhno devint le point de ralliement de tous les insurgĂ©s », Ă©crit Voline[24]. Makhno voit se rassembler autour de lui les autres dĂ©tachements de rĂ©sistants. En octobre, le plus important le rejoint, c'est celui du cheminot Viktor Belash, Makhno lui confie la responsabilitĂ© de fĂ©dĂ©rer cette armĂ©e composite[8] et d'en ĂȘtre le chef d'Ă©tat-major. Ainsi est crĂ©Ă©e l'ArmĂ©e rĂ©volutionnaire insurrectionnelle ukrainienne qui combat avec succĂšs les forces antisĂ©mites ukrainiennes de Petlioura ainsi que les armĂ©es blanches. L'armĂ©e insurrectionnelle paysanne pratique la tactique de la guĂ©rilla et est remarquablement mobile. Elle est organisĂ©e sur les bases, spĂ©cifiquement libertaires, du volontariat : tous les gradĂ©s sont Ă©lus par les soldats[25] et la discipline est librement consentie. Ces rĂšgles sont observĂ©es par tous[26].

AprÚs la victoire contre les Blancs, l'Armée rouge, qui a passé trois alliances tactiques temporaires avec Makhno[17], a désormais les mains libres et se retourne contre lui.

En août 1921, aprÚs des mois de combats acharnés contre les bolchéviques, Makhno quitte l'Ukraine et franchit la frontiÚre roumaine[27].

Pour les communistes libertaires, l'ArmĂ©e rĂ©volutionnaire insurrectionnelle ukrainienne est un symbole du combat pour un communisme non autoritaire. Sa dĂ©faite face Ă  l’ArmĂ©e rouge est celle du communisme non autoritaire face au communisme totalitaire Ă©tabli depuis 1918 par les Bolcheviques.

RĂ©alisations constructives

Selon La Voie vers la Liberté, organe du mouvement insurrectionnel[28] :

« La makhnovchtchina n'est pas l'anarchisme. L'armĂ©e makhnoviste n'est pas une armĂ©e anarchiste, elle n'est pas formĂ©e par des anarchistes. L'idĂ©al anarchiste de bonheur et d'Ă©galitĂ© gĂ©nĂ©rale ne peut ĂȘtre atteint Ă  travers l'effort d'une armĂ©e, quelle qu'elle soit, mĂȘme si elle Ă©tait formĂ©e exclusivement par des anarchistes. L'armĂ©e rĂ©volutionnaire, dans le meilleur des cas, pourrait servir Ă  la destruction du vieux rĂ©gime abhorrĂ©; pour le travail constructif, l'Ă©dification et la crĂ©ation, n'importe quelle armĂ©e, qui, logiquement, ne peut s'appuyer que sur la force et le commandement, serait complĂštement impuissante et mĂȘme nĂ©faste. Pour que la sociĂ©tĂ© anarchiste devienne possible, il est nĂ©cessaire que les ouvriers eux-mĂȘmes dans les usines et les entreprises, les paysans eux-mĂȘmes, dans leurs pays et leurs villages, se mettent Ă  la construction de la sociĂ©tĂ© anti-autoritaire, n'attendant de nulle part des dĂ©crets-lois. Ni les armĂ©es anarchistes, ni les hĂ©ros isolĂ©s, ni les groupes, ni la ConfĂ©dĂ©ration anarchiste ne crĂ©eront une vie libre pour les ouvriers et les paysans. Seuls les travailleurs eux-mĂȘmes, par des efforts conscients, pourront construire leur bien-ĂȘtre, sans État ni seigneurs. »

Communes libres

ParallÚlement à ses activités militaires, Makhno contribue à la création, sur une région de trois cents kilomÚtres de diamÚtre qui va de la mer Noire au Donbass[17], d'un embryon de société rurale libertaire fondée sur l'autogestion[29]. Durant plusieurs mois, les paysans ukrainiens eurent le sentiment de vivre - d'aprÚs les témoignages de l'époque - « sans aucun pouvoir politique »[29].

Groupe de combattants de la Makhnovchtchina.

Des communes libres s'auto-organisent sur les bases de l’entraide matĂ©rielle et morale, et des principes non autoritaires et Ă©galitaires. Chaque commune est dotĂ©e d’une superficie de terre correspondant Ă  ce que ses membres peuvent cultiver. MalgrĂ© une situation militaire difficile, trois congrĂšs rĂ©gionaux sont organisĂ©s le 23 janvier 1919, le 12 fĂ©vrier et le 10 avril 1920[30]. Ces congrĂšs, qui regroupent Ă  la fois des dĂ©lĂ©guĂ©s, des paysans et des soldats, ont pour fonction de coordonner les efforts pour la rĂ©alisation rapide des objectifs Ă©conomiques et sociaux que se fixent les masses paysannes. Le troisiĂšme congrĂšs rassemble les dĂ©lĂ©guĂ©s de 72 districts reprĂ©sentant plus de 2 millions d'hommes et de femmes. À la fin de ce congrĂšs tombe une dĂ©pĂȘche, signĂ©e Pavel Dybenko, commandant de la division bolchĂ©vique : le congrĂšs est dĂ©clarĂ© contre-rĂ©volutionnaire et ses organisateurs hors la loi[8].

Makhno est partisan de Soviets de travail libres[29] qui contrairement aux Soviets politiques des bolchĂ©viks, sont des organes d'auto-gouvernement qui encouragent les libertĂ©s d’expression, de parole, de presse et d’association[31].

Nabat

Par ailleurs, il développe des liens avec les forces militantes anarchistes qui se structurent.

La ConfĂ©dĂ©ration d'organisations anarchistes d'Ukraine est fondĂ©e en novembre 1918 Ă  Koursk. Le programme de Nabat peut se rĂ©sumer par le rejet des groupes privilĂ©giĂ©s (non-travailleurs), la mĂ©fiance envers tous les partis, la nĂ©gation de toute dictature (principalement celle d'une organisation sur le peuple), la nĂ©gation du principe de l'État, le rejet d'une pĂ©riode « transitoire » et l'auto-direction des travailleurs par des soviets libres.

En avril 1919, à Elizavetgrad, Nabat dénonce la mainmise des bolcheviks sur les soviets et l'organisation purement militariste de l'Armée rouge, elle se prononce pour une « armée de partisans révolutionnaires » du type Makhnovxhtchina[32].

Preuve de ces liens tissés entre Nabat et makhnovistes, en août 1919, Voline est nommé responsable du « Conseil militaire insurrectionnel » de la Makhnovchtchina[33].

Exil

AprÚs son arrivée à Paris en 1925.

Le , Makhno et 78 de ses partisans se rĂ©fugient en Roumanie, d'oĂč le commissaire du peuple aux Affaires Ă©trangĂšres d'URSS, Tchitcherine, tente vainement de le faire extrader et juger pour « activitĂ© terroriste » contre l'Ukraine.

« Il n’est plus le jeune rĂ©volutionnaire romantique de 1919. Il a vieilli et ressemble maintenant Ă  un chef de guerre. Cette mĂ©tamorphose Ă  contretemps ainsi qu’une balafre laissent augurer de la difficultĂ© Ă  s’intĂ©grer en terre inconnue, Ă  une vie civile pacifique qu’il n’a plus connue depuis 1906[17]. »

Il passe ensuite en Pologne oĂč il est incarcĂ©rĂ©, jugĂ© pour de prĂ©tendus forfaits accomplis en Ukraine contre les intĂ©rĂȘts de la Pologne, et acquittĂ©[21].

Il rejoint Dantzig et y est emprisonnĂ©. Il parvient Ă  s'Ă©vader, avec l’aide de ses camarades, gagne Berlin avant de s'installer Ă  Paris en 1925[21].

Synthétisme contre plateformisme

Nestor Makhno avant 1934.

En juin 1926, Ă  l'initiative de Nestor Makhno, Piotr Archinov et Ida Mett, le « Groupe des anarchistes russes Ă  l’étranger » publie en russe la « Plate-forme organisationnelle de l’union gĂ©nĂ©rale des anarchistes (projet) ». En octobre, Voline en termine la traduction et le texte paraĂźt en français aux Ă©ditions de la Librairie internationale[30].

La Plate-forme est composĂ©e de trois parties : une partie gĂ©nĂ©rale, sur le capitalisme et la stratĂ©gie pour le renverser ; une partie constructive, sur le projet communiste libertaire, et une partie organisationnelle, sur le mouvement anarchiste lui-mĂȘme[34].

La partie gĂ©nĂ©rale affirme que l’anarchisme n’est pas une « belle fantaisie ni une idĂ©e abstraite de philosophie », mais un mouvement rĂ©volutionnaire ouvrier. Elle propose une grille d’analyse reposant sur le matĂ©rialisme et la lutte des classes comme moteur de l’histoire. Dans une situation rĂ©volutionnaire, l’organisation anarchiste doit proposer une orientation « dans tous les domaines de la rĂ©volution sociale ». L’enjeu est de « relier la solution de ces problĂšmes Ă  la conception gĂ©nĂ©rale du communisme libertaire ».

La partie constructive propose un projet de sociĂ©tĂ© transitoire. La production industrielle suit le modĂšle des soviets fĂ©dĂ©rĂ©s. Pour ce qui est de la consommation et de la question agraire, la Plate-forme se dĂ©marque du « communisme de guerre » de LĂ©nine, qui consista Ă  spolier les campagnes pour nourrir les villes. Quant Ă  la dĂ©fense de la rĂ©volution, le modĂšle est celui de la Makhnovchtchina : « caractĂšre de classe de l’armĂ©e », « volontariat », « libre discipline », « soumission complĂšte de l’armĂ©e rĂ©volutionnaire aux masses ouvriĂšres et paysannes ».

Pour finir, la partie organisationnelle propose quatre « principes fondamentaux » pour une organisation anarchiste : l’unitĂ© thĂ©orique, l’unitĂ© tactique, la responsabilitĂ© collective et le fĂ©dĂ©ralisme.

Nestor Makhno et Alexandre Berkman Ă  Paris en 1927.

En 1927, il rencontre Alexandre Berkman[35].

En avril 1927, Voline et sept de ses amis publient un pamphlet de 40 pages « RĂ©ponse Ă  la Plate-forme ». Le ton en est polĂ©mique, les auteurs accusent les plate-formistes d'avant-gardisme et de vouloir « bolcheviser » l’anarchisme[17]. Chaque point de la Plate-forme y est dĂ©cortiquĂ© et rĂ©futĂ©. Le caractĂšre de classe de l’anarchisme est niĂ©, l’anarchisme Ă©tant Ă©galement une conception « humanitaire et individuelle ». La partie constructive est comparĂ©e au « programme de transition » lĂ©niniste. Les principes organisationnels sont assimilĂ©s Ă  de la discipline de caserne. MĂȘme la dĂ©fense de la rĂ©volution, inspirĂ©e de la Makhnovchtchina, est rĂ©prouvĂ©e. Les auteurs de la RĂ©ponse y voient la « crĂ©ation d’un centre politique dirigeant, d’une armĂ©e et d’une police se trouvant Ă  la disposition de ce centre, ce qui signifie, au fond, l’inauguration d’une autoritĂ© politique transitoire de caractĂšre Ă©tatique »[36].

Quelques semaines plus tard, Piotr Archinov publie « La réponse aux confusionnistes de l'anarchisme »[37].

En 1928, SĂ©bastien Faure et Voline Ă©laborent la synthĂšse anarchiste qui vise Ă  surmonter les divisions internes, tant thĂ©oriques qu’organisationnelles, du mouvement anarchiste[38]. Voline propose une synthĂšse des diffĂ©rents courants du mouvement existants Ă  l'Ă©poque : communiste libertaire, anarcho-syndicaliste, individualiste. D'aprĂšs Voline, ces courants sont apparentĂ©s et proches les uns des autres, ils n’existent qu'Ă  cause d’un malentendu artificiel. Il faut donc faire une synthĂšse thĂ©orique et philosophique des doctrines sur lesquelles ils reposent, aprĂšs quoi on pourra en faire la fusion et envisager la structure et les formes prĂ©cises d’une organisation reprĂ©sentant ces trois tendances[39].

La controverse entre synthĂ©tistes et plateformistes se poursuit jusqu’en 1931 : Ă  l’accusation de « bolchevisme » des uns, rĂ©pond celle de « dilettantisme » des autres.

Fin de vie dans la misĂšre

Arrivé à Paris en avril 1925, il est hébergé par des amis russes à Saint-Cloud, puis à Romainville. Sa famille s'installe, le 21 juin 1926, à Vincennes.

Physiquement diminuĂ©, atteint de tuberculose et couvert de cicatrices : « Son corps n’est que cicatrices et des morceaux de mitraille circulent sous sa peau », dit Louis Lecoin. En 1928, une intervention chirurgicale ne parvient pas Ă  le soulager des morceaux de mitraille.

Ne supportant pas d'ĂȘtre longtemps debout, il est pourtant contraint de travailler pour survivre. Il sera un moment aide-fondeur Ă  Vincennes, puis tourneur chez Renault Ă  Boulogne-Billancourt[40], tandis que sa compagne travaille dans une usine de chaussures Ă  Paris.

À Paris, Makhno retrouve Voline et d'autres exilĂ©s russes. Avec Piotr Archinov et Ida Mett, il forme le groupe Dielo Trouda.

Il entreprend la rĂ©daction de ses MĂ©moires avec l’aide d’Ida Mett. Le premier tome, La RĂ©volution russe en Ukraine, paraĂźt en 1927. Ses MĂ©moires, dont le rĂ©cit s'arrĂȘte en 1918, restent inachevĂ©s.

Le 16 mai 1927, il fait l'objet d'un ordre d'expulsion, qui n'est pas exécuté grùce à l'intervention de Louis Lecoin, sous réserve qu'il respecte une stricte neutralité politique.

En juillet, il rencontre Buenaventura Durruti et Francisco Ascaso à qui il affirme que les conditions d'une révolution libertaire sont plus propices en Espagne qu'en Russie parce qu'il y existe un prolétariat et une paysannerie de tradition révolutionnaire et que les anarchistes espagnols ont un sens de l'organisation qui manquait en Russie : « C'est l'organisation qui assure la réussite en profondeur de toutes les révolutions »[3].

Il vit dans la misĂšre. L’Union anarchiste communiste lance, le 6 avril 1929, dans Le Libertaire un appel Ă  « une solidaritĂ© de longue haleine en faveur de Makhno ».

En 1929, avec sa famille, il est invité par le groupe anarchiste d'Aimargues dans le Gard. Galina Kouzmenko (1896-1978), sa compagne, et sa fille Lucie y restent un an.

Sa santĂ© se dĂ©grade, il est hospitalisĂ© le 16 mars 1934 Ă  l’hĂŽpital Tenon, Ă  Paris. Nestor Makhno meurt au matin du 25 juillet 1934. Le 28 juillet, il est incinĂ©rĂ© au cimetiĂšre du PĂšre-Lachaise, en prĂ©sence de plusieurs centaines de personnes, dont Voline qui prononce son Ă©loge funĂšbre. Ses cendres sont conservĂ©es au columbarium du PĂšre-Lachaise sous le no 6685[41] - [42].

Controverses

Accusation d'« antisémitisme »

Voline en 1919.
Aaron Baron en 1920.

En 1926, Makhno doit se défendre des accusations calomnieuses d'antisémitisme portées par le journal communiste L'Humanité et relayées par l'écrivain Joseph Kessel qui le dépeint en tyran antisémite dans sa nouvelle « Makhno et sa juive ». Intoxication des services secrets soviétiques ?

« [
] tout, jusqu’au nom des personnages, est recopiĂ© d'un Ă©crit publiĂ© par un officier blanc, Guerassimenko, accusĂ© d’espionnage en faveur des bolcheviks[24]. Kessel n’invente qu’un procĂ©dĂ© pour Ă©viter l’accusation de plagiat : un des amis de l’auteur aurait entendu le rĂ©cit de la bouche d’un immigrĂ© russe, Ă  l’issue d’une nuit fortement alcoolisĂ©e dans un bar de l’émigration blanche Ă  Paris
 »[17]. »

Makhno rĂ©pond : « Toute tentative de pogrom ou de pillage fut chez nous Ă©touffĂ©e dans l’Ɠuf. Ceux qui se rendirent coupables de tels actes furent toujours fusillĂ©s sur les lieux mĂȘmes de leurs forfaits. »[43]

Pour Voline[21] :

« Une diffamation particuliĂšrement ignoble fut lancĂ©e [
] contre le mouvement makhnoviste en gĂ©nĂ©ral et contre Makhno personnellement. Elle est rĂ©pĂ©tĂ©e par de nombreux auteurs de tous camps et par des bavards de tout acabit. Les uns la rĂ©pandent intentionnellement. D’autres [
] la rĂ©pĂštent, sans avoir le scrupule de contrĂŽler les « on-dit » et d’examiner les faits de plus prĂšs. [
] Nous pourrions couvrir des dizaines de pages en apportant des preuves massives, irrĂ©futables, de la faussetĂ© de ces assertions [
] raconter quelques actes de rĂ©pression spontanĂ©e exercĂ©e par Makhno lui-mĂȘme ou par d’autres makhnovistes, contre la moindre manifestation d’un esprit antisĂ©mite [
]. Notons sommairement quelques vĂ©ritĂ©s essentielles :

  1. Un rĂŽle assez important fut tenu dans l’armĂ©e makhnoviste par des rĂ©volutionnaires d’origine juive ;
  2. Quelques membres de la Commission d’éducation et de propagande furent des Juifs ;
  3. À part les nombreux combattants juifs dans les diverses unitĂ©s de l’armĂ©e, il y avait une batterie servie uniquement par des artilleurs juifs et un dĂ©tachement d’infanterie juif ;
  4. Les colonies juives d’Ukraine fournirent Ă  l’armĂ©e makhnoviste de nombreux volontaires ;
  5. D’une façon gĂ©nĂ©rale, la population juive, trĂšs nombreuse en Ukraine, prenait une part active et fraternelle Ă  toute l’activitĂ© du mouvement. Les colonies agricoles juives, dissĂ©minĂ©es dans les districts de Marioupol, de Berdiansk, d’Alexandrovsk, etc., participaient aux assemblĂ©es rĂ©gionales des paysans, des ouvriers et des partisans ; ils envoyaient leurs dĂ©lĂ©guĂ©s au Conseil rĂ©volutionnaire militaire rĂ©gional ;
  6. Les Juifs riches et rĂ©actionnaires eurent certainement Ă  souffrir de l’armĂ©e makhnoviste, non pas en tant que Juifs, mais uniquement en tant que contre-rĂ©volutionnaires, de mĂȘme que les rĂ©actionnaires non Juifs. »

Pour l'historien Elias Tcherikover (1881-1943), spécialisé dans les recherches sur les persécutions et sur les pogroms en Russie[21] :

« [
] sous rĂ©serve des tĂ©moignages exacts qui pourront m’arriver dans l’avenir : une armĂ©e est toujours une armĂ©e, quelle qu’elle soit. Toute armĂ©e commet, fatalement, des actes blĂąmables et rĂ©prĂ©hensibles [
] L’armĂ©e makhnoviste ne fait pas exception Ă  cette rĂšgle. Elle a commis, elle aussi, des actes rĂ©prĂ©hensibles [
] Mais [
] dans l’ensemble, l’attitude de l’armĂ©e de Makhno n’est pas Ă  comparer avec celle des autres armĂ©es qui ont opĂ©rĂ© en Russie pendant les Ă©vĂ©nements de 1917-1921. Je puis vous certifier deux faits, d’une façon absolument formelle.

  1. Il est incontestable que parmi toutes ces armĂ©es, y compris l’ArmĂ©e rouge, c’est l’armĂ©e de Makhno qui s’est comportĂ©e le mieux Ă  l’égard de la population civile en gĂ©nĂ©ral et de la population juive en particulier. J’ai lĂ -dessus de nombreux tĂ©moignages irrĂ©futables. La proportion des plaintes justifiĂ©es contre l’armĂ©e makhnoviste, en comparaison avec d’autres, est de peu d’importance.
  2. Ne parlons pas des pogroms soi-disant organisĂ©s ou favorisĂ©s par Makhno lui-mĂȘme. C’est une calomnie ou une erreur. Rien de cela n’existe. Quant Ă  l’armĂ©e makhnoviste comme telle, j’ai eu des indications et des dĂ©nonciations prĂ©cises Ă  ce sujet. Mais, jusqu’à ce jour au moins, chaque fois que j’ai voulu contrĂŽler les faits, j’ai Ă©tĂ© obligĂ© de constater qu’à la date indiquĂ©e aucun dĂ©tachement makhnoviste ne pouvait se trouver au lieu indiquĂ©, toute l’armĂ©e se trouvant loin de lĂ . Cherchant des prĂ©cisions, j’établissais ce fait, chaque fois, avec une certitude absolue : au lieu et Ă  la date du pogrome, aucun dĂ©tachement makhnoviste n’opĂ©rait ni ne se trouvait dans les parages. Pas une fois je ne pus constater la prĂ©sence d’une unitĂ© makhnoviste Ă  l’endroit oĂč un pogrom juif eut lieu. Par consĂ©quent le pogrom ne fut pas l’Ɠuvre des makhnovistes. »

De son cÎté, Paul Avrich écrit, à propos de l'antisémitisme présumé de Makhno, que tous les camps l'ont accusé de persécutions et de pogroms antisémites. Cependant, ces affirmations sont basées sur des rumeurs ou des calomnies et restent non prouvées[44]. Avrich note que nombre de militants d'origine juive, comme Voline et Aron Baron, ont été actifs dans la Commission culturelle-éducation. Mais la grande majorité des combattants d'origine juive, qui ont formé une partie significative de l'armée, se sont battus dans des détachements spécifiques d'artillerie ou d'infanterie aux cÎtés des Ukrainiens, des Russes et d'autres nationalités.

Par ailleurs, le Comité central de l'organisation sioniste Merkaz qui a réguliÚrement rendu compte des pogroms organisés par les Blancs, les nationalistes ou l'Armée rouge, n'a jamais porté la moindre accusation contre Makhno. Aujourd'hui, l'Encyclopaedia Judaica lui rend justice[45].

La réalisatrice HélÚne Chùtelain précise : « La légende construite par la propagande soviétique en fait un anarchiste-bandit-antisémite contre-révolutionnaire ; pour ceux de Gouliaïpolié, il défend au contraire la liberté et les pauvres, et les journaux makhnovistes montrent qu'il a aussi défendu les Juifs »[46].

Relations entre les makhnovistes et les colons mennonites

Les communautés allemandes et mennonites en Ukraine considéraient Makhno comme un instigateur de banditisme paramilitaire contre des fermiers innocents, et un « monstre inhumain dont le chemin est littéralement trempé de sang »[47]. Il est constamment désigné comme un terroriste ou un bandit dans la littérature mennonite.

À l'Ăąge de 11 ans, Makhno avait commencĂ© Ă  travailler comme bouvier sur le domaine Janzen Ă  Silberfeld. C'est ici qu'il a commencĂ© Ă  dĂ©velopper une haine pour les classes dirigeantes. Dans ses MĂ©moires, il Ă©crit :

« À cette Ă©poque, je commençais Ă  Ă©prouver de la colĂšre, de l'envie et mĂȘme de la haine envers le propriĂ©taire [Janzen] et surtout envers ses enfants - ces jeunes fainĂ©ants qui me dĂ©passaient souvent bien soignĂ©s et sains. J'Ă©tais sale et habillĂ© de chiffons, pieds nus et je puais le fumier aprĂšs avoir nettoyĂ© l'Ă©table des veaux[48]. »

Makhno a travaillé aussi à l'usine Kroeger appartenant à un mennonite à Gouliaï-Polié.

Tout au long de la guerre civile, Mahkno et ses troupes ont attaqué de nombreuses colonies et propriétés allemandes et mennonites dans l'oblast de Katerynoslav. Les grandes propriétés rurales des mennonites étaient des cibles importantes en raison de leur richesse et de la proximité de Gouliaï-Polié[49]. La colonie de Schönfeld, adjacente à la région de Gouliaï-Polié, était unique en ce sens qu'elle se composait principalement de propriétés mennonites à travers une vaste zone. Les colonies mennonites étaient visées par Makhno car, en tant que propriétaires de fermes et de domaines prospÚres, elles étaient considérées comme des koulaks - des fermiers aisés qui exploitaient le travail de la paysannerie environnante, principalement ukrainienne. Les Ukrainiens étaient traditionnellement engagés par les mennonites riches comme domestiques et ouvriers agricoles.

Alors que leurs croyances religieuses ne leur permettaient pas de servir dans l'armée du tsar, de nombreux mennonites avaient aidé l'effort de guerre russe en accomplissant un service national dans des rÎles non combattants, notamment dans les unités forestiÚres et médicales. Les origines allemandes des mennonites ont également servi à enflammer des sentiments négatifs pendant la période de la révolution, car de nombreux makhnovistes avaient des familles qui avaient souffert sous l'occupation germano-austro-hongroise en 1918. Le propre frÚre de Makhno, Emelian - un ancien combattant de guerre handicapé - a été assassiné et la maison de sa mÚre a été brûlée par les occupants allemands.

Les mennonites eux-mĂȘmes, dĂ©pouillĂ©s de leurs richesses et de leurs biens pendant la rĂ©volution, embrassĂšrent l'occupant qui promettait de les rĂ©tablir en tant que propriĂ©taires terriens. Des mennonites ont accompagnĂ© des dĂ©tachements punitifs contre la paysannerie, ce qui a grandement contribuĂ© Ă  l'amertume croissante entre mennonites et Ukrainiens. En octobre 1918, les forces austro-hongroises et les « colons allemands » incendiĂšrent le village pro-makhnoviste de Bolche-NikholaĂŻevka et assassinĂšrent beaucoup de ses habitants. Makhno a rĂ©pondu par une violente campagne de reprĂ©sailles contre les colonies et les domaines allemands / mennonites. En mĂȘme temps, Makhno exprimait son opposition au massacre aveugle des colons et Ă©tablissait des « rĂšgles de base » pour l'occupation des colonies[50].

À l'hiver 1918-1919, la plupart des habitants de la colonie de Schönfeld s'Ă©taient rĂ©fugiĂ©s dans la relative sĂ©curitĂ© de la colonie de Molotschna. Sous l'occupation allemande, les mennonites avaient Ă©tĂ© encouragĂ©s Ă  former des unitĂ©s d'autodĂ©fense (Selbstschutz). Les jeunes mennonites Ă©taient entraĂźnĂ©s et armĂ©s sous la surveillance d'officiers allemands. Rompant avec prĂšs de quatre siĂšcles de pacifisme, l'approbation tacite du Selbstschutz fut donnĂ©e par la direction mennonite Ă  la confĂ©rence de Lichtenau [30 juin-2 juillet 1918][51]. DestinĂ© exclusivement Ă  la dĂ©fense de la colonie, avec l'arrivĂ©e de l'ArmĂ©e des volontaires du gĂ©nĂ©ral blanc Anton DĂ©nikine, le Selbstschutz fut progressivement entraĂźnĂ© dans des opĂ©rations offensives contre Makhno. Plus tard pendant la guerre civile, des mennonites ont Ă©galement formĂ© des bataillons ethniques au sein de l'ArmĂ©e blanche. Le Selbstschutz a d'abord rĂ©ussi Ă  protĂ©ger leurs communautĂ©s contre les partisans de Makhno, mais il a Ă©tĂ© dĂ©bordĂ© une fois que les anarchistes se sont alliĂ©s avec l'ArmĂ©e rouge, qui Ă©tait entrĂ©e en Ukraine en fĂ©vrier 1919[52]. Les mennonites de la colonie de Molotschna Ă©taient sous occupation makhnoviste-rouge commune jusqu'Ă  ce que les Blancs franchissent le front sud en mai 1919. AprĂšs l'attaque dĂ©vastatrice de Makhno sur l'arriĂšre-garde de Denikine en septembre-octobre 1919, les colonies mennonites se retrouvent sous occupation makhnoviste. L'annĂ©e 1919 a vu le plus grand nombre de mennonites tuĂ©s - environ 827 ou 67 % de tous les dĂ©cĂšs de la guerre civile mennonite. La grande majoritĂ© d'entre elles s'est produite entre octobre et dĂ©cembre. Pendant cette pĂ©riode, d'importants massacres ont eu lieu Ă  Eichenfeld (Yazykovo), Blumenort (Molotschna), Steinfeld, Ebenfeld (Borozenko) et MĂŒnsterberg (Zagradovka) alors qu'ils Ă©taient sous le contrĂŽle administratif des makhnovistes. La colonie de Chortitza a Ă©galement subi un grand nombre de morts et de vols.

MalgrĂ© le dĂ©bat et l'enquĂȘte en cours sur la culpabilitĂ© personnelle de Makhno dans les massacres, il n'y a actuellement aucune preuve qu'il ait Ă©tĂ© prĂ©sent ou qu'il ait sanctionnĂ© ces actions. Selon les recherches de Peter Letkemann, 3 336 mennonites russes, soit trois pour cent de leur population totale, sont morts entre 1914 et 1923. Quatre-vingt-seize pour cent de ces dĂ©cĂšs sont survenus en Ukraine[52].

Accusation de « banditisme »

Makhno, au centre, en noir, en 1919.
MĂ©moires et Ă©crits : 1917-1932, Éditions Ivrea, 2009.

« Pour Trotski, il est clair que le rĂ©tablissement du front ukrainien dĂ©pend « de la suppression de l’anarcho-rĂ©publique indĂ©pendante de GouliaĂŻ-PolĂ©, de l’établissement de l’unitĂ© du pouvoir soviĂ©tique, de l’unitĂ© de l’armĂ©e. Cette « Realpolitik » de centralisation Ă©tait difficile Ă  diffuser Ă  cause de la popularitĂ© de Makhno. Ce problĂšme fut rĂ©solu grĂące Ă  une innovation terminologique. Le « banditisme » devient la dĂ©signation de tous les groupes armĂ©s autonomes. PlutĂŽt que de troupes irrĂ©guliĂšres, les autoritĂ©s soviĂ©tiques parlent de « bandes », et donc de « bandits ». Or, comme en français, le mot suggĂšre moins le membre d’une bande qu’un brigand, un voleur, voire un assassin. L’écrasement de ces bandes est ainsi lĂ©gitimĂ© sans que cela prenne un caractĂšre politique[17]. »

Et Voline de poursuivre :

« Il va de soi, enfin, que les bolcheviks connaissaient parfaitement la diffĂ©rence entre le mouvement insurrectionnel et les bandes armĂ©es sans foi ni morale. Mais cette confusion servait Ă  merveille leurs desseins et, en « hommes d’État expĂ©rimentĂ©s », ils l’exploitaient dans leur intĂ©rĂȘt[21]. »

Une prétendue disparition de ses Mémoires

Dans son livre Souvenirs sur Nestor Makhno, Ida Mett Ă©crit : « Galina Kouzmenko [
] AprĂšs la mort de Makhno, elle est devenue la femme de Voline et ensemble avec ce dernier, elle avait commis la plus grande saletĂ© morale : tous deux, ils ont dĂ©robĂ© d'en dessous l'oreiller mortuaire de Makhno son journal intime et l'ont fait disparaĂźtre. Or, ce journal, Makhno l'avait Ă©crit durant toute sa vie en Ă©migration et y donnait son avis sur ses camarades d'idĂ©e et sur leur activitĂ©. »[53].

Michel Ragon, dans son roman La mémoire des vaincus met en scÚne cette situation[54] : « Ils ont trouvé le manuscrit sous l'oreiller du mort et l'ont brûlé ». Cette version est cependant peu plausible, Makhno ayant abandonné la rédaction de son autobiographie en 1927.

Citations

Rencontre avec LĂ©nine

En juin 1918, Makhno rencontre LĂ©nine au Kremlin. Il rend compte de cet entretien dans ses MĂ©moires :

« « Je vous considĂšre, camarade, comme un homme ayant le sens des rĂ©alitĂ©s et des nĂ©cessitĂ©s de notre Ă©poque. S’il y avait en Russie ne fĂ»t-ce qu’un tiers d’anarchistes tels que vous, nous, communistes, serions prĂȘts Ă  marcher avec eux Ă  certaines conditions et Ă  travailler en commun dans l’intĂ©rĂȘt de l’organisation libre des producteurs. » À cet instant, je sentis sourdre en moi un sentiment de profonde estime pour LĂ©nine, alors que rĂ©cemment encore j’avais la conviction qu’il Ă©tait responsable de l’anĂ©antissement des organisations anarchistes de Moscou, ce qui avait Ă©tĂ© le signal de l’écrasement de celles-ci dans beaucoup d’autres villes. Et dans mon for intĂ©rieur, j’eus honte de moi-mĂȘme. [
] « Nous connaissons les anarchistes aussi bien que vous. Pour la plupart, ils n’ont aucune notion du prĂ©sent, ou en tout cas, ils s’en soucient trĂšs peu ; or le prĂ©sent est si grave que n’y pas penser ou ne pas prendre position d’une maniĂšre positive vis-Ă -vis de lui est pour un rĂ©volutionnaire plus qu’honteux. La majeure partie des anarchistes a leurs pensĂ©es tournĂ©es vers l’avenir et lui consacrent leurs Ă©crits, sans chercher Ă  comprendre le prĂ©sent : et cela aussi nous sĂ©pare d’eux. [
] Oui, oui, les anarchistes sont forts par les idĂ©es qu’ils se font de l’avenir dans le prĂ©sent, ils n’ont pas les pieds sur terre ; leur attitude est lamentable et cela parce que leur fanatisme dĂ©pourvu de contenu fait qu’ils sont sans liens rĂ©els avec cet avenir. »[55] »

En guise de bilan

Abel Paz rapporte l'entretien avec Buenaventura Durruti et Francisco Ascaso en 1927, oĂč Makhno revient sur l'expĂ©rience ukrainienne :

« Notre commune agraire Ă©tait la cellule vivante, Ă©conomique et politique de notre systĂšme social. Ces communautĂ©s n'Ă©taient pas basĂ©es sur l'Ă©goĂŻsme individuel mais reposaient sur des principes de solidaritĂ© communautaire, locale et rĂ©gionale. Ainsi, de la mĂȘme maniĂšre que les membres d'une communautĂ© se sentaient solidaires entre eux, les communautĂ©s se fĂ©dĂ©raient entre elles. Notre pratique, en Ukraine, dĂ©montra que le problĂšme paysan avait des solutions diffĂ©rentes de celles qu'imposait le bolchevisme. Si notre pratique s'Ă©tait Ă©tendue au reste du pays, on n'aurait pas vu se crĂ©er la nĂ©faste division entre la campagne et la ville, on aurait Ă©vitĂ© les annĂ©es de famine et de luttes inutiles entre paysans et ouvriers. Et, ce qui est plus important, la rĂ©volution aurait crĂ» et se serait dĂ©veloppĂ©e selon des voies trĂšs diffĂ©rentes. On a dit, contre notre systĂšme que, s'il a pu se soutenir, c'Ă©tait parce qu'il se basait sur des assises seulement paysannes. Ce n'est pas vrai. Nos communautĂ©s Ă©taient mixtes, agricoles-industrielles et mĂȘme quelques-unes d'entre elles seulement industrielles. Tous, nous Ă©tions Ă  la fois combattants et travailleurs. L'assemblĂ©e populaire Ă©tait l'organisme dĂ©terminant et, dans la vie militaire, c'Ă©tait le ComitĂ© de guerre composĂ© par les dĂ©lĂ©guĂ©s de tous les dĂ©tachements guĂ©rilleros. Il s'agissait, en somme, de faire participer tout le monde Ă  l'Ɠuvre collective, d'empĂȘcher la naissance d'une caste dirigeante qui monopolise le pouvoir. Et nous l'avons obtenu. Parce que nous avons rĂ©ussi et que nous Ă©tions un dĂ©menti aux pratiques bureaucratiques bolcheviques, Trotsky, trahissant le pacte entre l'Ukraine et le pouvoir bolchevique, envoya l'ArmĂ©e rouge pour nous combattre. »

La « Makhnovchtchina »

Selon Alexandre Skirda[56], c'est le mouvement de masse conduit, entre autres par Nestor Makhno, qui a Ă©tĂ© nommĂ© Makhnovchtchina (en cyrillique ĐœĐ°Ń…ĐœĐŸĐČŃ‰ĐžĐœĐ°) et non simplement l'armĂ©e insurrectionnelle. Ce « terme dont le suffixe amplificateur [« -chtchina (-Ń‰ĐžĐœĐ°) » — dĂ©signant un groupe, mouvement ou une idĂ©ologie —] peut ĂȘtre semi-pĂ©joratif en russe » provient de la propagande bolchĂ©viks[57] et servait Ă  calomnier Ă  la fois le « chef » des armĂ©es mais aussi l'ensemble du mouvement insurrectionnel ukrainien. Il fut nĂ©anmoins utilisĂ© par les insurgĂ©s dont Nestor Makhno Ă©tait le « premier de cordĂ©e » (celui qui allait en premier au combat) avant de l'ĂȘtre par les historiens du mouvement ou ceux de la Russie soviĂ©tique.

En français, on retrouve ce terme sous diverses orthographes : Makhnovchtchina, Makhnovschina ou Makhnovtchina. Il peut désigner selon l'auteur, soit le mouvement libertaire soit l'armée insurrectionnelle soit les deux à la fois.

Hommages

Makhnovchtchina

La chanson Makhnovchtchina[58] a Ă©tĂ© Ă©crite en l’honneur de l'armĂ©e rĂ©volutionnaire insurrectionnelle ukrainienne par le parolier français Étienne Roda-Gil sur la musique du chant soviĂ©tique Les Partisans.

En raison des multiples variations de traductions en français, cette chanson s'écrit de trois maniÚres différentes :

  1. Makhnovchtchina[59]. Elle est présente, avec cette orthographe, sur un album live de René Binamé ;
  2. Makhnovschina[60]. Elle est présente, avec cette orthographe, sur l'album 71-86-21-36[61] de René Binamé (paroles modifiées) ainsi que sur l'album de 1994, Pour en finir avec le travail[62] (réédité en 2008 sous le nom Les chansons radicales de mai 68) ;
  3. Makhnovtchina[63]. Elle figure, avec cette orthographe, sur le Split Bérurier Noir/Haine Brigade[64], sur l'album Contrechants
 de ma mémoire[65] de Serge Utgé-Royo. Elle figure également sur les albums des groupes Barikad et Muckrackers et est chantée par l'espérantiste JoMo.
Paroles

Refrain
Makhnovchtchina, Makhnovchtchina
Tes drapeaux sont noirs dans le vent
Ils sont noirs de notre peine
Ils sont rouges de notre sang

Couplet 1
Par les monts et par les plaines
Dans la neige et dans le vent
A travers toute l'Ukraine
Se levaient nos partisans

Couplet 2
Au printemps les traités de Lénine
Ont livré l'Ukraine aux Allemands
A l'automne la Makhnovchtchina
Les avait jetés au vent

Couplet 3
L'armée blanche de Denikine
Est entrée en Ukraine en chantant
Mais bientĂŽt la Makhnovchtchina
L'a dispersée dans le vent

Couplet 4
Makhnovchtchina, Makhnovchtchina
Armée noire de nos partisans
Qui combattait en Ukraine
Contre les rouges et les blancs

Couplet 5
Makhnovchtchina, Makhnovchtchina
Armée noire de nos partisans
Qui voulait chasser d'Ukraine
A jamais tous les tyrans

Autres chansons

Timbre poste ukrainien, 2008.

Plusieurs chansons en langue russe font rĂ©fĂ©rence Ă  Makhno ; au moins deux portent le titre de Bat'ka Makhno (БатьĐșĐ° ĐœĐ°Ń…ĐœĐŸ, « Petit pĂšre Makhno »), l'une interprĂ©tĂ©e notamment par le groupe LioubĂš, l'autre par le groupe Kontra (Valery Goguine).

Bandes dessinées

Entre 2019 et 2021, Les Humanoïdes associés éditent la bande dessinée Le vent des libertaires[66], librement inspirée de la vie de Nestor Makhno. Elle existe en deux tomes séparés ou en un volume unique (intégrale).

Entre 2020 et 2021, Bruno Loth et les Ă©ditions La boĂźte Ă  bulles publient les deux volumes de l'ouvrage Viva l'anarchie ! : la rencontre entre Makhno et Durruti[67] - [68] qui retrace la rencontre entre Buenaventura Durruti et Nestor Makhno.

Publications

Archives

Ouvrages

  • MĂ©moires [seul paru]. Fac-similĂ© de l'Ă©dition originale, 1927 : mars 1917 - avril 1918, Paris, Ressouvenances, , 360 p. (ISBN 2-84505-027-5).
  • MĂ©moires et Ă©crits : 1917-1932 (trad. Alexandre Skirda), Paris, Ivrea, , 558 p. (ISBN 978-2-8518-4286-2, prĂ©sentation en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • ƒuvres de Nestor Makhno, Éditions la BibliothĂšque Digitale, 2013, notice, (ISBN 9791021303133).
  • Nestor Makhno (trad. Alexandre Skirda), La Lutte contre l’État et autres rĂ©cits : 1925-1932, Jean-Pierre Ducret, , 145 p.
  • L'anarchisme et notre Ă©poque : suivi du « Manifeste de l'armĂ©e insurrectionnelle d'Ukraine » et autres textes, L'Esprit du temps, , 145 p. (ISBN 978-2847955354)[69]. Recueil prĂ©cĂ©dĂ© (prĂ©face) de la nĂ©crologie que Lucille Pelletier, militante anarchiste française Ă©crivit en 1934 dans la revue libertaire, La RĂ©votution prolĂ©tarienne, en hommage Ă  Nestor Makhno.

Sur Makhno

  • Souvenirs sur Nestor Makhno, Ida Mett, Paris, Allia, 2022, 48 p.

Articles

Notes et références

Notes

  1. Zouïtchenko, membre actif, raconte : « Nous avions des leçons presque tous les jours, au cours desquelles Antoni nous faisait faire connaissance avec les travaux de Proudhon, Stirner, Bakounine, Kropotkine, avec l'économie politique, l'histoire culturelle et l'histoire générale, l'astronomie, les origines de la terre et de la vie, les origines de l'homme, etc. On faisait la critique de la réforme agraire de Stolypine qui détruisait ce qui restait des obchtchinis. Nous nous sentions proches des slogans « A bas l'autocratie » et « Le Travail régnera sur le monde » et n'avions aucun doute quant à leur justesse[13]. »

Références

  1. Makhno 2010.
  2. (en) « Nestor Makhno », sur Spartacus Educational (consulté le )
  3. Makhno, Nestor, 1889-1934, libcom, texte intégral
  4. L'ÉphĂ©mĂ©ride anarchiste : notice biographique
  5. Pascal Nurnberg, Ukraine 1917/1923 : Nestor Makhno et l'Armée insurrectionnelle d'Ukraine, Le Monde libertaire, été 1972, p. 17-19, texte intégral.
  6. (en) « Nestor Makhno: the man and the myth », sur libcom.org (consulté le )
  7. Skirda 2005.
  8. HĂ©lĂšne ChĂątelain film documentaire Nestor Makhno, un paysan d’Ukraine
  9. Michel Ragon 2008.
  10. CĂ©dric Gras, Anthracite (Roman), Paris, Stock, , 335 p. (ISBN 978-2-234-07978-6), p. 28,135
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Annexes

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Bibliographie

  • (fr+en) Les archives Nestor Makhno : Textes sur Nestor Makhno et la Makhnovischina par Voline, Ida Mett, Piotr Archinov etc. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Viktor BĂ©lach et Alexandre BĂ©lach (trad. du russe par François Wagenere, prĂ©f. Alexandre Gulyayev), Les routes de Nestor Makhno : Manuscrit du chef d'Ă©tat-major de l'ArmĂ©e RĂ©volutionnaire Insurrectionnelle d'Ukraine [« Đ”ĐŸŃ€ĐŸĐłĐž ĐĐ”ŃŃ‚ĐŸŃ€Đ° ĐœĐ°Ń…ĐœĐŸ »], Éditions Acratie,‎ , 845 p. (ISBN 978-2-909899-72-5)
Travaux universitaires
  • Éric Aunoble, La figure de Nestor Makhno, ou les tribulations d'un hĂ©ros rĂ©volutionnaire, in Korine Amacher, Le Retour des hĂ©ros. La reconstitution des mythologies nationales Ă  l'heure du postcommunisme, Éditions Academia-Bruylant, 2010, texte intĂ©gral.
  • HĂ©lĂšne ChĂątelain, « Nestor Makhno. Les images et les mots », in CinĂ©ma engagĂ©, cinĂ©ma enragĂ©, L'homme Et La SociĂ©tĂ© (revue internationale de recherche et de synthĂšse en sciences sociales) no 127-128, L'Harmattan, 1998 (lire en ligne).
  • Dandois B.. L'Anarchisme ici et lĂ , hier et aujourd'hui, in Le Mouvement social, Revue belge de philologie et d'histoire, 1976, vol. 54, no 2, p. 736 persee.fr.
  • Ferro Marc. Alexandre Skirda, Nestor Makhno, le Cosaque de l'anarchie, Annales. Économies, SociĂ©tĂ©s, Civilisations, 1985, vol. 40, no 4, p. 855 persee.fr.
  • Index des publications recensĂ©es. In: Annales. Économies, SociĂ©tĂ©s, Civilisations. 40e annĂ©e, N. 6, 1985. p. 21-27 persee.fr.
  • Loez AndrĂ©. Mayer A .J., Les furies. Violence, vengeance, terreur aux temps de la RĂ©volution française et de la RĂ©volution russe. In: Politix. Vol. 15, no 60. QuatriĂšme trimestre 2002. p. 233-238 persee.fr.
  • Ouvrages reçus en 2003-2004. In: Revue des Ă©tudes slaves, Tome 75, fascicule 3-4, 2004. p. 633-649 persee.fr.
  • Stites Richard. Utopias of time, space, and life in the Russian Revolution. In: Revue des Ă©tudes slaves, Tome 56, fascicule 1, 1984. L'utopie dans le monde slave. p. 141-154 persee.fr.
Essais
Articles
Bandes dessinées
Film documentaire
Série télévisée
  • Les Neuf Vies de Nestor Makhno est une sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e russe en 12 Ă©pisodes tournĂ©e en 2007 par le rĂ©alisateur NikolaĂŻ Kaptan. La sĂ©rie traite des principaux Ă©vĂšnements de la vie de Nestor Makhno tout en modifiant certains passages pour donner un caractĂšre romancĂ© au film.
Émission radiophonique
  • Eric Aunoble, Makhno, le paysan anarchiste d'Ukraine, France Inter, 8 novembre 2017, Ă©couter en ligne.
Makhnovchtchina
Folklore cosaque
Iconographie

Articles connexes

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