AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Gouvernements de l'Union libérale

Les gouvernements de l'Union libĂ©rale (en espagnol : gobiernos de la UniĂłn Liberal) constituent la troisiĂšme pĂ©riode du rĂšgne d'Isabelle II d’Espagne, comprise entre le Biennat progressiste (1854-1856) et la crise finale de la Monarchie isabelline (1863-1868). Comme son nom l’indique, il est caractĂ©risĂ© par la prĂ©sence au gouvernement de l’Union libĂ©rale du gĂ©nĂ©ral Leopoldo O'Donnell, Ă  l’exception d’un bref intervalle de gouvernements du Parti modĂ©rĂ©, entre 1856 et 1858. Le « gouvernement long » d’O'Donnell (1858-1863) constitue l’étape de plus grande stabilitĂ© politique du rĂšgne d’Isabelle II et est de fait le troisiĂšme gouvernement le plus long de l’histoire contemporaine de l’Espagne, aprĂšs le gouvernement absolutiste de Ferdinand VII et la dictature du gĂ©nĂ©ral Franco.

Origine du parti Union libérale

Le général Leopoldo O'Donnell.

L’origine de l’Union libĂ©rale remonte Ă  la rĂ©volution de 1854 en Espagne, au cours de laquelle les modĂ©rĂ©s « puritains » menĂ©s par O'Donnell s'unirent aux progressistes pour mettre fin au gouvernement du comte de San Luis qui, Ă  dĂ©faut d’une base parlementaire suffisante gouvernait par dĂ©cret avec le soutien exclusif de la reine Isabelle II. AprĂšs le triomphe de la rĂ©volution qui dĂ©boucha sur le Biennat progressiste (1854-1856), le nouveau gouvernement prĂ©sidĂ© par le gĂ©nĂ©ral progressiste Baldomero Espartero, avec O'Donnell au portefeuille clĂ© de la Guerre, il convoqua, conformĂ©ment Ă  son engagement, des Ă©lections Ă  CortĂšs constituantes, dont le principal objectif serait l’élaboration d’une nouvelle Constitution pour remplacer celle de 1845. Lors des Ă©lections, cĂ©lĂ©brĂ©es en octobre, le gouvernement appuya les candidatures dites d’« union libĂ©rale », qui obtinrent une large victoire avec environ 240 siĂšges, rassemblant les modĂ©rĂ©s « puritains », dont une figure prĂ©Ă©minente Ă©tait le jeune Antonio CĂĄnovas del Castillo, et les progressistes « tempĂ©rĂ©s » menĂ©s par Manuel Cortina. Une partie du Parti progressiste, les progressistes « purs » menĂ©s par Salustiano de OlĂłzaga, Pedro Calvo Asensio et le jeune PrĂĄxedes Mateo Sagasta, n’intĂ©grĂšrent pas l’union libĂ©rale et prĂ©sentĂšrent des candidatures sĂ©parĂ©es[1].

L’étape suivante dans le rapprochement entre modĂ©rĂ©s « puritains » et progressistes « tempĂ©rĂ©s » — qui commencĂšrent Ă  ĂȘtre dĂ©signĂ©s comme les « resellados », littĂ©ralement « rescellĂ©s, ceux qui changent de parti » —, fut la fondation en mars 1856 du Centre parlementaire, qui serait le noyau dont surgirait deux ans plus tard le parti Union libĂ©rale. Ce dernier rassembla les « puritains » comme RĂ­os Rosas, JoaquĂ­n Francisco Pacheco, Antonio CĂĄnovas del Castillo et Nicomedes Pastor DĂ­az et les progressistes « resellados » " Augusto Ulloa, Evaristo San Miguel, Manuel Cortina, Fernando Corradi, Vicente Sancho et le gĂ©nĂ©ral Juan Prim. Leur intention Ă©tait de former un parti dont la base sociale serait ancrĂ©e dans la classe moyenne et qui serait partisan d’une politique libĂ©rale et progressiste dans le cadre de la monarchie constitutionnelle, susceptible d’alterner au gouvernement avec un autre parti « conservateur »[2].

Contre-rĂ©volution de 1856 et premier gouvernement d’O'donnell

Le gĂ©nĂ©ral O'Donnell, encouragĂ© par le gĂ©nĂ©ral Serrano, profita de la conflictualitĂ© sociale des premiers mois de 1856 — Ă©meutes de subsistance en Castille, grĂšves en Catalogne, Ă©meutes contre les quintas (service militaire obligatoire) au Pays valencien) — pour faire un discours catastrophiste aux CortĂšs visant Ă  faire chuter le gouvernement progressiste du gĂ©nĂ©ral Espartero, au pouvoir depuis le dĂ©but du Biennat progressiste, avec O'Donnell lui-mĂȘme comme ministre de la Guerre. Il assura que les mouvements revendicatifs Ă©taient inspirĂ©s par « le principe du socialisme », motivĂ©s par des idĂ©es qui, « jusqu’alors inconnues en Espagne, s’infiltrent aujourd’hui dans nos masses » et qui se rĂ©sumaient dans le slogan « Guerre Ă  celui qui possĂšde ! ». Ainsi, il affirma que le gouvernement devait mettre fin Ă  ces « crimes » qui Ă©taient « les plus grands que l’on puisse commettre [
]; il s’agit seulement de l'attaque contre la famille, contre la propriĂ©tĂ©, contre ce qui existe de plus sacrĂ© dans la sociĂ©tĂ© »[3].

Étant donnĂ© que des membres de la Milice nationale avaient participĂ© aux dĂ©sordres, O'Donnell posa au gouvernement la question de son dĂ©sarmement et de s’en remettre Ă  l’armĂ©e pour mener la rĂ©pression. DĂ©but juillet 1856, le ministre du Gouvernement, Patricio de la Escorura, se rendit Ă  Valladolid pour juger sur place de la crise sociale et des actions rĂ©pressives des autoritĂ©s. Lorsqu’il revint Ă  Madrid le 9 juillet, il informa le prĂ©sident Espartero que les militaires avaient recours Ă  des mesures extrĂȘmes dans la rĂ©pression, soumettant des civils Ă  des conseils de guerre et en procĂ©dant Ă  des exĂ©cutions sommaires, ce qui l’amena Ă  proposer la destitution du ministre de la Guerre O'Donnell, qui en tant que tel en Ă©tait le responsable voire l’instigateur[4]. Il l’avertit Ă©galement qu’O'Donnell et Serrano conspiraient contre lui, et qu’il Ă©tait convaincu que les modĂ©rĂ©s se trouvaient derriĂšre les Ă©meutes de subsistance[5].

O'Donnell entra alors dans un affrontement direct avec Escosura au sein du gouvernement. Le conflit fut prĂ©sentĂ© devant la reine, qui donna son appui Ă  O'Donnell et acepta la dĂ©mission d’Escosura, qui fut suivie de celle d’Espartero, qui s’étant senti dĂ©lĂ©gitimĂ© par Isabelle, mais allĂ©gua des problĂšmes de santĂ©. Par la suite, la reine nomma O'Donnell prĂ©sident du Conseil des ministres, ce dernier atteignant ainsi son objectif d’en finir avec le gouvernement progressiste. Sa nomination, publiĂ©e le 14 juillet 1856, fut accompagnĂ©e de la dĂ©claration de l’état de guerre dans toute l’Espagne, en prĂ©vision des rĂ©voltes des progressistes et des dĂ©mocrates, et de la rĂ©action d’Espartero lui-mĂȘme. De plus, le « coup contre-rĂ©volutionnaire » — comme le nomme Josep Fontana — s’était produit durant la pĂ©riode de suspension estivale des CortĂšs commencĂ©e le 1er juillet, la sanction royale de la nouvelle Constitution, dĂ©jĂ  terminĂ©e, ayant Ă©tĂ© laissĂ©e en suspens[5].

La premiĂšre rĂ©action se produisit le jour mĂȘme, le 14 juillet, dans l’aprĂšs-midi, lorsqu’un groupe de 83 ou 91 dĂ©putĂ©s (selon les sources) sur 350 se rĂ©unirent au CongrĂšs pour voter de façon quasi-unanime le censure du nouveau gouvernement, proposĂ©e par le dĂ©putĂ© progressiste et ancien ministre du Budget, Pascual Madoz, car cela signifiait l’introduction d’« une politique diamĂ©tralement opposĂ©e » Ă  ce que les CortĂšs avaient manifestĂ© jusqu’alors. Ne parvenant pas Ă  ĂȘtre reçus par la reine, ils s’enfermĂšrent dans l’hĂ©micycle oĂč ils passĂšrent la nuit du 14 au 15 juillet. C’est alors qu’O'Donnell ordonna le bombardement de l’édifice. Les miliciens qui dĂ©fendaient les accĂšs au palais des CortĂšs abandonnĂšrent leurs positions, et Ă  11 h 30 les 43 dĂ©putĂ©s qui avaient rĂ©sistĂ© jusqu’alors — 37 progressistes et 6 dĂ©mocrates — abandonnĂšrent le bĂątiment et rentrĂšrent chez eux[6][7].

À ce moment, tous Ă©taient en attente de la rĂ©action du gĂ©nĂ©ral Espartero, dont dĂ©pendait l’issue de la contre-rĂ©volution orchestrĂ©e par O'Donnell. Ce fut par exemple le cas de la Milice nationale, qui Ă©tait disposĂ©e Ă  rĂ©sister et Ă  se se placer sous les ordres d’Espartero. Mais le gĂ©nĂ©ral refusa d’assumer la direction du mouvement d’opposition — ce qu’il justifia en affirmant que cela mettrait en danger la monarchie d’Isabelle II elle-mĂȘme — et, aprĂšs avoir poussĂ© le cri « Vive l’indĂ©pendance nationale ! », se retira de la vie politique — « il s’enfuit », dirent certains de ses partisans dĂ©senchantĂ©s —. Ceci facilita la victoire de l’armĂ©e, qui prit les rues de Madrid et fit mĂȘme usage de l’artillerie pour Ă©craser la milice[8]. Dans la matinĂ©e du 16 juillet, la rĂ©sistance avait disparu, le gouvernement dĂ©crĂ©tait la dissolution du conseil municipal et de la dĂ©putation provinciale de Madrid, et ordonnait aux membres de la Milice nationale de remettre leurs armes[7]. Espartero, qui Ă©tait restĂ© cachĂ© Ă  Madrid, prit congĂ© de la reine le 3 aoĂ»t et partit pour sa rĂ©sidence de Logroño[8].

La rĂ©sistance la plus acharnĂ©e fut l’Ɠuvre des classes populaires de Barcelone, au cris de « Vive Espartero ! », ignorant que celui-ci n’allait pas intervenir. Le 18 juillet, les participations Ă  une manifestation furent mitraillĂ©s sur ordre du capitaine gĂ©nĂ©ral Zapatero. Le lendemain les barricades furent dressĂ©es et le dimanche 20 juillet l’armĂ©e et les insurgĂ©s combattirent rue par rue. La ville fut bombardĂ©e depuis le chateau de MontjuĂŻc. Le jour suivant, les soldats assaillirent les barricades Ă  la baĂŻonnette, appuyĂ©s par l’artillerie, et ils mirent fin Ă  la rĂ©bellion le 22. Le bilan final fit Ă©tat de 63 morts chez les militaires et plus de 400 civils, sans compter les victimes ultĂ©rieures des « rĂ©prĂ©sailles sauvages ». Le consul français Ă  Barcelone dit que les insurgĂ©s avaient poussĂ© des cris de « Mort Ă  la reine p
, aux gĂ©nĂ©raux O'Donnell et Zapatero ! Guerre totale et d'extermination des riches, des fabricants et des propriĂ©taires », mĂȘlĂ©s de « Vive le gĂ©nĂ©ral Espartero ! » et « Vive la rĂ©publique dĂ©mocratique et sociale ! »[8]. L’ampleur de la rĂ©pression dĂ©ployĂ©e Ă  Barcelone par le capitaine gĂ©nĂ©ral Zapatero amena le pĂ©riodique El Centro Parlamentario Ă  demander de mettre fin Ă  ce bain de sang « au nom de ce qu’il y a de plus sacrĂ©, au nom de la religion et de l’honneur national », et Ă  soutenir le lieu commun selon lequel « dans aucun pays civilisĂ© on ne fusille autant qu’en Espagne ». Le 31 juillet, le dernier foyer de rĂ©sistance au coup contre-rĂ©volutionnaire se rendait Ă  Saragosse[7].

Une fois tous les mouvements de rĂ©sistance rĂ©primĂ©s et Espartero retirĂ© de la scĂšne politique, le gouvernement d'O'Donnell dĂ©crĂ©ta la suppression de la Milice nationale, destitua conseils municipaux et dĂ©putations provinciales, et rĂ©prima la presse. Le 2 septembre 1856, il dĂ©clara dĂ©finitivement fermĂ©es par dĂ©cret royal les CortĂšs constituantes, alors que la nouvelle Constitution n’avait pas encore Ă©tĂ© proclamĂ©e. Finalement, un autre dĂ©cret royal rĂ©tablit la Constitution de 1845, modifiĂ©e par un acte additionnel qui libĂ©ralisait son contenu, et marqua la fin du Biennat progressiste[9].

Cependant, certains de ceux qui avaient appuyĂ© le coup contre-rĂ©volutionnaire d'O'Donnell considĂšrent ces mesures, notamment la reine Isabelle II elle-mĂȘme, qui dans un conseil des ministres cĂ©lĂ©brĂ© le 12 septembre exigea la suspension du dĂ©samortissement de Madoz. O’Donnell refusa, perdit la confiance de la Couronne et se vit contraint Ă  dĂ©missionner le 10 octobre, seulement trois mois aprĂšs la formation de son gouvernement. Deux jours plus tard, la reine nommĂ© le gĂ©nĂ©ral NarvĂĄez prĂ©sident du gouvernement. « Ainsi, la brĂšve Ă©tape d’O’Donnell Ă  la tĂȘte de l’exĂ©cutif (juillet-octobre 1856) servit finalement de transition entre le rĂ©gime progressiste dĂ©mis en juillet et le retour des modĂ©rĂ©s au pouvoir, Ă  la tĂȘte desquels se trouvait le dur gĂ©nĂ©ral NarvĂĄez »[10].

Selon Josep Fontana la maniĂšre dont la reine fit connaĂźtre aux intĂ©ressĂ©s sa dĂ©cision de changer le gouvernement — en choisissant le gĂ©nĂ©ral modĂ©rĂ© NarvĂĄez comme partenaire dans une danse au palais et non o’Donnell, Ă©pisode qui fut nommĂ© « crise du rigodon » — illustre l’« extrĂȘme dĂ©gradation » de la politique espagnole et le Ă  quel point « sa condition de monarchie constitutionnelle » Ă©tait devenue « fictive »«_[el]extremo_de_degradaciĂłn_[a_que]_habĂ­a_llegado_la_polĂ­tica_española,_y_hasta_[que]_punto_era_ficticia_su_condiciĂłn_de_monarquĂ­a_constitucional_»_11-0">[11].

« Biennat modéré » (1856-1858)

Gouvernement de NarvĂĄez

Le gĂ©nĂ©ral RamĂłn MarĂ­a NarvĂĄez forma un gouvernement clairement rĂ©actionnaire qui intĂ©grait des membres du Parti modĂ©rĂ©, dont certains avaient participĂ© Ă  la rĂ©volution de 1854 mais qui l’avaient finalement reniĂ©e, comme Pidal et CĂĄndido Nocedal. C’était prĂ©cisĂ©ment l’intention du gouvernement — revenir Ă  la situation antĂ©rieure au Biennat progressiste —, ce qui rapidement se rĂ©vĂ©la impossible[12]. Des modĂ©rĂ©s ultra-conservateurs faisaient Ă©galement parti du cabinet, dont un ancien carliste, le gĂ©nĂ©ral Urbiztondo. On dit alors que les membres les plus rĂ©actionnaires du gouvernement avaient Ă©tĂ© imposĂ©s Ă  NarvĂĄez par la reine elle-mĂȘme, encouragĂ©e par la camarilla clĂ©ricale menĂ©e par le pĂšre Claret[13].

L’une des premiĂšres dĂ©cisions du nouveau gouvernement fut de rĂ©tablir pleinement la Constitution de 1845, qui avait Ă©tĂ© en vigueur au cours de la DĂ©cennie modĂ©rĂ©e (1844-1854)[12], ainsi que la suspension du dĂ©samortissement — comme l’avait exigĂ© la reine et qui avait constituĂ© le principal motif de la chute d’O’Donnell — et le rĂ©tablissement de la legislation restrictive des modĂ©rĂ©s sur la presse et les municipalitĂ©s. Le Concordat de 1851 avec l’Église catholique fut Ă©galement restaurĂ©[13].

AprĂšs avoir gouvernĂ© par dĂ©cret pendant plusieurs mois, NarvĂĄez considĂ©ra que le moment Ă©tait venu de rĂ©tablir la normalitĂ© constitutionnelle — « les apparences du constitutionnalisme » selon Josep Fontana — et convoqua des Ă©lections pour le 25 mars 1857 en reprenant la loi Ă©lectorale de 1846 — le nombre d’électeurs fut de nouveau rĂ©duit Ă  environ 100 000 et les districts uninominaux restaurĂ©s —. La manipulation du scrutin par le gouvernement fut scandaleuse et les modĂ©rĂ©s obtinrent une majoritĂ© Ă©crasante qui laissa les progressistes pratiquement sans reprĂ©sentation, si bien que ces derniers n’eurent de cesse de dĂ©noncer la fraude Ă©lectorale — comme le fait que des citoyens imaginaires avaient votĂ© ou le recours Ă  la violence de certains gouverneurs civils pour assurer le triomphe du candidat soutenu par le gouvernement ; un Ă©lecteur progressiste affirma : « on m’a fait sortir de mon district sur ordre du gouverneur civil, sous la menace de me conduire au cachot si je ne sortais pas » —[14].

L’élection de MartĂ­nez de la Rosa, ĂągĂ© de 70 ans, au poste de prĂ©sident du CongrĂšs des dĂ©putĂ©s et du marquis de Viluma comme prĂ©sident du SĂ©nat, partisans de la charte octroyĂ©e (es) du Statut royal de 1834, fut la premiĂšre preuve de la politique ultra-conservatrice qu’allait suivre le gouvernement. La confirmation dĂ©finitive en fut faite le 17 juillet 1857, lors de l’approbation par les CortĂšs d’une loi qui rĂ©formait la Constitution dans un sens rĂ©actionnaire, Ă©tant donnĂ© qu’elle dĂ©clarait sĂ©nateurs hĂ©rĂ©ditaires les membres de la grandesse d'Espagne et rĂ©tablissait le majorat, aboli 20 ans auparavant durant la rĂ©volution libĂ©rale. Tout indiquait que l’on souhaitait revenir Ă  l’Ancien RĂ©gime. Le retour en arriĂšre fut complĂ©tĂ© par une loi sur la presse portĂ©e par Nocedal qui qualifiĂ©e d’« emprisonnement de l’imprimerie » — et qui incluait Ă©galement la censure des Ɠuvres littĂ©raires en Ă©tablissant un « censeur spĂ©cial de romans » —[14].

Au cours du mĂȘme mois de juillet 1857, les CortĂšs approuvĂšrent une loi des Bases qui permit quelques mois plus tard la promulgation de la loi sur l’Instruction publique promue par le ministre de l’Équipement (« Fomento ») Claudio Moyano — connue pour cette raison sous le nom de loi Moyano —, qui allait devenir la loi fixant le cadre lĂ©gal du systĂšme Ă©ducatif espagnol durant plus d'un siĂšcle. La loi autorisait les collĂšges religieux, qui allaient connaĂźtre un grand dĂ©veloppement, et en application du Concordat de 1851 fut concĂ©dĂ© Ă  l’Église le droit d’inspecter les enseignements donnĂ©s aussi bien dans les Ă©coles publiques que privĂ©es, afin de vĂ©rifier qu’ils Ă©taient bien conformer avec la doctrine catholique[15].

Sur le plan des infrastructures, au cours du gouvernement NarvĂĄez et les deux gouvernements modĂ©rĂ©s qui lui succĂ©dĂšrent furent achevĂ©es deux chantiers publics d’importance, le canal de la droite de l'Èbre (es) et le canal d'Isabelle II, et le rĂ©seau tĂ©lĂ©graphique connut un dĂ©veloppement important. De plus, le premier recensement de la population de l’histoire de l'Espagne fut rĂ©alisĂ© en 1857[16].

La mĂȘme annĂ©e se produisit une grave crise de subsistance, provoquĂ©e par la raretĂ© et la chertĂ© du blĂ©, qui se traduisit dans une forte augmentation de la conflictualitĂ© sociale, particuliĂšrement en Andalousie. Le gouvernement la combattit en faisant des importations massives de cĂ©rĂ©ales et, surtout, en ayant recours Ă  la rĂ©pression, autorisant les capitaines gĂ©nĂ©raux et la police Ă  mener des rĂ©pressions et dĂ©tentions arbitraires ; les autoritĂ©s militaires chargĂ©es de la rĂ©pression agirent sans discernement, fusillant des centaines de personnes. Cette politique fut dĂ©noncĂ©e y compris par la bourgeoisie catalane, qui dĂ©clara que « le principe d’autoritĂ© n’est pas la crainte du sabre, mais le respect de la loi »[17][16].

Chute de NarvĂĄez et gouvernements d’Armero et d'IstĂșriz

Le gouvernement de NarvĂĄez chuta en octobre 1857, un an aprĂšs sa formation, non pas Ă  cause de la conflictualitĂ© sociale mais d'une intrigue de palais. À ce moment, l'amant de la reine Ă©tait Enrique PuigmoltĂł (es), un jeune officer du gĂ©nie valencien, dont les relations avec NarvĂĄez n’étaient semble-t-il pas trĂšs bonnes, Ă©tant donnĂ© qu’il avait dit que les jours du « vieil espadon » Ă©tait comptĂ©s, et que NarvĂĄez avait refusĂ© d'accĂ©der Ă  la demande de la reine de le promouvoir. Une rumeur courut Ă©galement, selon laquelle NarvĂĄez s’était affrontĂ© Ă  l’épĂ©e avec le roi consort François d'Assise de Bourbon dans l'antichambre de la reine lorsque ce dernier prĂ©tendit entrer dans ses appartements. Il semble que le dĂ©tonateur final fut la prĂ©tention de la reine de former un gouvernement sans prĂ©sident, dans lequel les ministres traiteraient directement avec elle, qui en serait la prĂ©sidente virtuelle. Lorsqu'elle consulta quelques figures politiques Ă  propos de ce changement, ces derniers lui dĂ©conseillĂšrent de le mettre en Ɠuvre, si bien que la reine destitua NarvĂĄez et nomma Ă  sa place le gĂ©nĂ©ral Francisco Armero, personnage sans poids ni soutien politique[18].

Le gouvernement d’Armero dura Ă  peine trois mois Ă©tant donnĂ© qu’il fut renversĂ© par les votes des dĂ©putĂ©s modĂ©rĂ©s menĂ©s par Bravo Murillo, qui jouissaient de la majoritĂ© aux CortĂšs, tout juste aprĂšs l’ouverture de celles-ci. Au cours de ce « fugace gouvernement » naquit le 28 novembre 1857 « celui qui allait devenir Alphonse XII, fruit plus que probable de la relation d'Isabelle avec PuigmoltĂł : le sixiĂšme des douze enfants de la reine et le seul mĂąle qui survĂ©cut »[19].

Au gĂ©nĂ©ral Armero succĂ©da le vĂ©tĂ©ran politique Javier IstĂșriz, ĂągĂ© de 77 ans, qui nĂ©gocia avec Bravo Murillo le soutien des modĂ©rĂ©s aux CortĂšs. Toutefois, Ă  cause de l’opposition d’IstĂșriz Ă  la demande de son ministre du Gouvernement Posada Herrera de dissoudre le Parlement et de convoquer de nouvelles Ă©lections, avec des listes Ă©lectorales volontairement altĂ©rĂ©es, ce gouvernement ne dura que six mois, dĂ©missionna le 30 juin 1858 et la reine fit de nouveau appel Ă  O'Donnell pour prendre la tĂȘte de l’exĂ©cutif, mettant ainsi un terme au biennat modĂ©rĂ©[19].

Le « gouvernement long » d’O'Donnell (1858-1863)

Construction du Pont des Français (es) à Madrid (tableau de Charles Clifford de 1859).

Le gouvernement formĂ© par O’Donnell Ă©tait composĂ© de membres du parti Union libĂ©rale, qu’il avait lui-mĂȘme fondĂ© et dont le principal idĂ©ologue fut JosĂ© Posada Herrera, qui occupa le portefeuille clĂ© du Gouvernement (GobernaciĂłn). Ce gouvernement dura quatre ans et demi (du 30 juin 1858 au 17 janvier 1863), ce qui fait de lui « le plus durable de l’histoire contemporaine espagnole, seulement dĂ©passĂ© par l’absolutiste de Ferdinand VII de 1825 et par ceux dictatoriaux du gĂ©nĂ©ral Franco »[20].

Le gouvernement dĂ©fit immĂ©diatement l’Ɠuvre rĂ©actionnaire du « biennat modĂ©rĂ© » antĂ©rieur. Il purgea les listes Ă©lectorales des erreurs intentionnelles qui avaient Ă©tĂ© introduites afin de porter prĂ©judice aux progressistes et nomma certains des siens membres sĂ©nateurs, comme les gĂ©nĂ©raux San Miguel et Prim, qui rejoignirent finalement l’Union libĂ©rale ; il rĂ©tablit dans son intĂ©gritĂ© la Constitution de 1845 ; il relança la vente des « biens nationaux » en dĂ©samortissement. Il exclut nĂ©anmoins de cette derniĂšre les bien ecclĂ©siastiques afin d’éviter les protestations des Ă©vĂȘques espagnols et la rupture avec le Saint SiĂšge, et maintint la loi sur le presse trĂšs restrictive de Nocedal[21], « mais en lui donnant une interprĂ©tation plus tolĂ©rante » qui permit l’existence de pĂ©riodiques dĂ©mocrates comme La DiscusiĂłn y El Pueblo ou carlistes, como La RegeneraciĂłn, La Esperanza et El Pensamiento Español. Il ne rĂ©tablit pas l'Acte additionnel de la Constitution de 1845 introduit en 1856 par le premier gouvernement O'DonnellEl_desinterĂ©s_por_establecer_un_marco_polĂ­tico_propio..._resulta_revelador_de_una_actitud_desdeñosa_hacia_la_polĂ­tica_que_se_corresponde,_asimismo,_con_el_Ă©nfasis_[[technocratie|tecnocrĂĄtico]]_en_la_modernizaciĂłn_econĂłmica''»_22-0">[22].

Le 31 octobre 1858 furent cĂ©lĂ©brĂ©es des Ă©lections Ă  CortĂšs qui donnĂšrent la majoritĂ© Ă  l'Union libĂ©rale grĂące Ă  l’intense travail de propagande menĂ© par Posada Herrera — le progressiste « pur » OlĂłzaga l'appela ironiquement le « Grand Électeur » —[23], bien qu’il permĂźt aux progressistes « purs » qui n'avaient pas intĂ©grĂ© l'Union libĂ©rale, menĂ©s par Salustiano de OlĂłzaga, Pascual Madoz et le jeune PrĂĄxedes Mateo Sagasta, d’obtenir un rĂ©sultat digne, ainsi que deux dĂ©putĂ©s dĂ©mocrates et un carliste — le Valencien Antonio Aparisi Guijarro —. Les modĂ©rĂ©s virent leur prĂ©sence considĂ©rablement rĂ©duite et restĂšrent sans leader parlementaire car Bravo Murillo avait dĂ©cidĂ© de la vie politique[21]. Selon Juan Francisco Fuentes, cette majoritĂ© au Parlement crĂ©a un « cercle vertueux » de stabilitĂ© politique et la Couronne fut maintenue relativement Ă  l’écart des intrigues politiques[23].

Une des tĂąches principales du « gouvernement long » fut la modernisation et la professionnalisation de l’appareil d’État avec la crĂ©ation du corps des ingĂ©nieurs en foresterie, la rĂ©gulation des carriĂšres judiciaires et des corps enseignants Ă©tablis dans la loi Moyano ou la promulgation de la loi sur les hypothĂšques de 1861 et celle du notariat de 1862. En 1860, l’administration civile de l'État comptait environ 30 000 fonctionnaires et l’ArmĂ©e et la Marine environ 50 000 militaires professionnels[24].

Politique extérieure et coloniale

DĂšs le discours de la Couronne Ă  l’ouverture de la lĂ©gislature des CortĂšs le 1er dĂ©cembre il fut fait mention des trois entreprises impĂ©riales qu’allait entreprendre le nouveau gouvernement : la menace qui pesait sur le Mexique, qui serait attaquĂ© si le paiement de la dette n’était pas satisfait, l’avertissement au sultan du Maroc de respecter le « pavillon espagnol » et la participation de l’Espagne au corps expĂ©ditionnaire que la France allait envoyer en Cochinchine — la partie mĂ©ridionale de l’actuel Vietnam —, sous le prĂ©texte de mettre fin aux attentats dont les missionnaires Ă©taient victimes[25]. Deux autres opĂ©rations extĂ©rieures furent Ă©galement menĂ©es : la rĂ©incorporation de Saint Domingue Ă  la Couronne espagnole en 1861 — qui ne dura que jusqu’en 1865 — et l’intervention militaire au PĂ©rou connu sous le nom de guerre du Pacifique, entre 1862 et 1864, un an avant la fin du « gouvernement long » d’O'Donnell[26].

Cette intense activitĂ© Ă  l’extĂ©rieur Ă©tait plus motivĂ©e par des questions de prestige que de dĂ©fense d’intĂ©rĂȘts nationaux qui se seraient vus menacĂ©s. Selon Juan Francisco Fuentes, la guerre de CrimĂ©e et la guerre de SĂ©cession nord-amĂ©ricaine ouvrirent Ă  l’Espagne l’« opportunitĂ© de sortir de son isolement international des derniĂšres dĂ©cennies en participant, comme partenaire de second ordre, Ă  la rĂ©solution de quelques uns des lointains conflits dans lesquels on sentit que les intĂ©rĂȘts occidentaux Ă©taient concernĂ©s »[26].

Tableau d’Antoine Morel-Fatio sur la capture de SaĂŻgon par les forces expĂ©ditionnaires françaises et espagnoles le 18 fĂ©vrier 1859.

L’historien Juan Francisco Fuentes fait le bilan suivant de ces expĂ©ditions[27] :

« Les expĂ©ditions de ces annĂ©es n’atteignirent ni l’objectif immĂ©diat des conquĂȘtes territoriales qu’elles se proposaient, ni celui plus ambitieux d’incorporer l’Espagne dans le jeu de la politique internationale en pleine transition vers un modĂšle colonial mis Ă  jour et, par consĂ©quent, dans un moment clĂ© de nouvelle « distribution des cartes » entre les puissances europĂ©ennes. La politique extĂ©rieure de l’Union libĂ©rale eut de plus un effet pervers sur le modĂšle colonial en vigueur Ă  Cuba, Porto Rico et les Philippines, dĂ©jĂ  sĂ©vĂšrement mis Ă  mal par la crise de l'Ă©conomie esclavagiste due Ă  la guerre de SĂ©cession amĂ©ricaine. Le coĂ»t dĂ©sorbitant des expĂ©ditions de ces annĂ©es se rĂ©vĂ©la lĂ©thal pour le maintien de la prĂ©sence coloniale espagnole outre-mer. »

Guerre de Cochinchine (1858-1862)

La guerre de Cochinchine consista pour l'Espagne en l’envoi d’un contingent d’environ 1 600 soldats, dans leur majoritĂ© philippins, qui partit de Manille sous le commandement du colonel Palanca pour appuyer l’invasion de la Cochinchine par l’armĂ©e française.

L’implication de l’Espagne dans une expĂ©dition militaire qui obĂ©issait aux intĂ©rĂȘts français de pĂ©nĂ©trer en Indochine et dans laquelle aucun intĂ©rĂȘt vital espagnol n'Ă©tait en jeu se devait au fait que c’était la France qui donnait les rĂšgles en matiĂšre d'Ă©conomie, de culture et Ă©galement, dans une large mesure dans la politique extĂ©rieure. Bien que l’expĂ©dition espagnole en Cochinchine « pĂ»t se justifier par la proximitĂ© des Philippines et par les intĂ©rĂȘts coloniaux espagnols en ExtrĂȘme-Orient, le principal motif de cet Ă©pisode fut l’intĂ©rĂȘt de NapolĂ©on III Ă  poser les bases d’une pĂ©nĂ©tration coloniale française dans le sud-est asiatique »[28].

Le prĂ©texte donnĂ© Ă  l’invasion fut l'assassinat de plusieurs prĂȘtres catholiques — dont un Ă©vĂȘque espagnol —. Son principal Ă©vĂ©nement fut la prise de SaĂŻgon par les troupes franco-espagnoles. Quatre ans plus tard, le 5 juin 1862, la guerre prit fin avec la signature d’un traitĂ© de paix de la France avec le roi de l’Annam auquel l’Espagne ne participa pas[27]. En consĂ©quence du traitĂ©, la France commença sa pĂ©nĂ©tration coloniale en Indochine avec la concession de trois provinces, tandis que l’Espagne ne reçut qu’une indemnisation Ă©conomique et quelques droits commerciaux, mais aucun territoire, alors qu’une des aspirations espagnoles Ă©tait l'obtention d'un port d’oĂč envoyer les Coolies chinois Ă  Cuba en rĂ©gime de semi-esclavage[25].


« Guerre d’Afrique » (1859-1860)

El general Prim en la Guerra de África (« Le GĂ©nĂ©ral Prim dans la guerre d’Afrique »), tableau de Francisco Sans Cabot.

La Guerre hispano-marocaine (1859-1860) — connue en espagnol comme la Guerra de África, « guerre d’Afrique » — consista en l’invasion du sultanat du Maroc sous prĂ©texte de l’« outrage au pavillon espagnol par les hordes sauvages » prĂšs de Ceuta. Bien que l’on dĂźt qu’il s’agissait de « se rĂ©tablir dans ses fertiles comarques de nos colonies perdues », les vĂ©ritables raisons de l'expĂ©dition coloniale furent d’ordre interne. D’une part, comme le remarque un observateur de l’époque, en finir avec les « intrigues courtisanes » qui mettaient le gouvernement en danger — « alors O’Donnell inventa la guerre d'Afrique, guerre injuste car les malheureux Maures satisfaisaient toutes nos demandes, y compris de pendre les pauvres diables, ce qui avait Ă©tĂ© la cause du conflit ; mais il Ă©tait nĂ©cessaire de distraire la cour ultramondaine avec la guerre contre les infidĂšles, qui par leur retard et leur pauvretĂ© Ă©taient vaincus facilement, et de cette maniĂšre la gloire militaire rendre le gouvernement fort et tuait les intrigues courtisanes » — et en finir avec la menace des pronunciamiento de certains chefs militaires « en cherchant des dĂ©rivatifs aux ambitions militaires » sous forme de promotions, de dĂ©corations et de titres nobiliaires, y compris la grandesse d'Espagne — O’Donnell lui-mĂȘme obtint le titre de duc de TĂ©touan —. Quoi qu’il en soit, la guerre hispano-marocaine fut un grand succĂšs pour le gouvernement et accrut son soutien populaire, suscitant une grande vague de patriotisme, frĂŽlant avec le racisme, dans tout le pays, avec la collaboration de l’Église qui encouragea les soldats « Ă  ne pas revenir sans avoir dĂ©truit l’islamisme, dĂ©truit les mosquĂ©es et plantĂ© la croiz dans tous les alcazars »[29].

L’invasion commença en novembre 1859 avec une armĂ©e mal Ă©quipĂ©e, mal prĂ©parĂ©e et mal dirigĂ©e, et avec des provisions alimentaires trĂšs dĂ©ficientes, ce qui explique que sur les prĂšs de 8 000 morts espagnols, les deux tiers ne moururent pas sur le champ de bataille mais furent victimes de cholĂ©ra ou d’autres maladies. MalgrĂ© cela, les victoires se succĂ©dĂšrent lors des batailles de Castillejos, de TĂ©touan et de Wad-Ras qui furent magnifiĂ©es par la presse en Espagne. La paix fut signĂ©e le 26 avril 1860 et fut qualifiĂ©e dans une certaine presse de « petite [paix] pour une grande guerre », sous-entendant qu’O’Donnell aurait dĂ» conquĂ©rir le Maroc — on ignorait alors le piĂštre Ă©tat dans lequel se trouvait l’armĂ©e espagnole aprĂšs la bataille de Wad Ras et que le gouvernement espagnol s’était engagĂ© avec le Royaume-Uni Ă  ne pas occuper Tanger ni aucun territoire qui mette en pĂ©ril sa domination du dĂ©troit de Gibraltar —. O’Donnell s’excusa en disant que l’Espagne Ă©tait appelĂ©e « Ă  dominer une grande partie de l’Afrique », mais que l’entreprise requĂ©rrait « au moins vingt ou vingt-cinq ans ». TĂ©touan resta occupĂ©e jusqu’en 1862, lorsque fut rĂ©alisĂ© le paiement de 100 millions de rĂ©aux — initialement 200 millions, qui furent plus tard revus Ă  la baisse —. Les deux autres concessions du Maroc furent un traitĂ© commercial qui bĂ©nĂ©ficia finalement plus Ă  la France et au Royaume-Uni, et la concession du territoire d’Ifni, au sud du Maroc, qui ne serait occupĂ© que 70 ans plus tard, aprĂšs la pacification du Maroc par la France[30].

Expédition militaire au Mexique

La troisiĂšme opĂ©ration de nature coloniale eut pour cible le Mexique, dont le prĂ©sident prĂ©sidĂ© par Benito JuĂĄrez avait annoncĂ© la suspension des paiements de la dette extĂ©rieure, ce qui affectait surtout la France, le Royaume-Uni et l’Espagne. Les gouvernements de ces trois pays signĂšrent la convention de Londres le 31 octobre 1861 qui dĂ©finit le cadre de la mise en place d’une « expĂ©dition militaire franco-britannico-espagnole au Mexique » qui dĂ©barqua Ă  Veracruz Ă  la fin de 1861. « L’Espagne envoya dans la zone 6 000 hommes commandĂ©s par l’omniprĂ©sent gĂ©nĂ©ral Prim, qui partirent en dĂ©cembre du port de La Havane et occupĂšrent la ville cĂŽtiĂšre de Veracruz et la forteresse de San Juan de UlĂșa. Les Espagnols comme les Britanniques respectĂšrent leur engagement de maintenir leur prĂ©sence sur le littoral mexicain et d’éviter de s’immiscer dans les problĂšmes internes »[31].

C’est pour cette raison que lorsque NapolĂ©on III annonça que l’intention de la France Ă©tait d'abattre la rĂ©publique mexicaine et Ă©tablir Ă  sa place le Second Empire mexicain dirigĂ© par l’archiduc Maximilien d’Autriche, les troupes britanniques et espagnoles se retirĂšrent. Pour l’Espagne, la dĂ©cision fut prise par le gĂ©nĂ©ral Prim sans consultation du gouvernement madrilĂšne prĂ©sidĂ© par O’Donnell ni le capitaine gĂ©nĂ©ral de Cuba, le gĂ©nĂ©ral Serrano, ce que tous deux critiquĂšrent durement, sans que cela soit rendu public en raison du soutien que reçut Prim de la reine, qui pensait que le trĂŽne du Mexique devait Ă©choir Ă  un membre de sa famille[32].

Opération à Saint-Domingue

La quatriĂšme entreprise coloniale ne figurait pas dans le programme initial du gouvernement car elle fut le rĂ©sultat d’une demande inespĂ©rĂ©e prĂ©sentĂ©e en 1861 par le gouvernement de Saint-Domingue de rĂ©intĂ©grer la Couronne espagnole, qui fut acceptĂ©e par le gouvernement O’Donnell le 16 mai, Ă©tant donnĂ©s les rapports favorables reçus par le capitaine gĂ©nĂ©ral de Cuba, Francisco Serrano, qui affirmaient que la position de l’Espagne dans les Antilles s’en trouverait renforcĂ©e. Cette demande insolite Ă©tait due Ă  la crise interne que traversait le pays et la crainte du gouvernement dominicain d’ĂȘtre annexĂ© par le voisin HaĂŻti, qui occupait la moitiĂ© occidentale de l’üle. Une nouvelle organisation espagnole fut immĂ©diatement organisĂ©e pour Saint-Domingue[33].

Toutefois la rĂ©incorporation du territoire Ă  la Couronne s’avĂ©ra ruineuse car, encouragĂ©s par les États-Unis, le nombre de Dominicains opposĂ©s Ă  celle-ci augmenta « Ă  mesure que l’on voyait que l'occupation espagnole n’apportait pas la prospĂ©ritĂ© attendue/ Une insurrection contre les occupants [commencĂ©e en 1863 et qui trĂšs vite dĂ©riva en une guerre ouverte] finit par entraĂźner l’annulation de la rĂ©incorporation en mai 1865, face Ă  la frustration de la reine »[34].

La dĂ©cision de dĂ©roger le dĂ©cret d’annexion fut prise par le gouvernement de NarvĂĄez, qui souhaitait trancher un problĂšme hĂ©ritĂ© des temps de l’Union libĂ©rale[33].

Guerre du Pacifique

Gravure représentant le bombardement de Valparaíso, le 31 mars 1866.

La cinquiĂšme et derniĂšre opĂ©ration coloniale dĂ©boucha sur la guerre du Pacifique, qui se dĂ©roula aprĂšs la perte du pouvoir par O’Donnell. Le conflit commença Ă  l’étĂ© 1862, lorsque le gouvernement espagnol envoya sur les cĂŽtes du PĂ©rou, qui n’avait pas de relations diplomatiques avec l’Espagne et avec qui il existait un contentieux relatif Ă  des dettes non acquittĂ©es remontant au temps de l’indĂ©pendance, une escouade avec une mission Ă  la fois scientifique et diplomatique. Au dĂ©nommĂ© « incident de Talambo (es) », au cours duquel mourut un colon espagnol, l’escouade rĂ©pondit par une dĂ©monstration de force et des troupes espagnoles dĂ©barquĂšrent sur les Îles Chincha pĂ©ruviennes le 14 avril 1864, oĂč elles hissĂšrent le drapeau espagnol — Ă  ce moment, O'Donnell n’était plus Ă  la tĂȘte du gouvernement depuis plus d’un an —. Le PĂ©rou reçut la solidaritĂ© des rĂ©publiques hispano-amĂ©ricaines voisines du Chili, de Bolivie et d’Équateur, qui se sentaient Ă©galement menacĂ©e par la prĂ©sence de la flotte espagnole dans le Pacifique, et entre dĂ©cembre 1865 et mars 1866 les quatre pays dĂ©clarĂšrent la guerre Ă  l’Espagne. Les principales actions guerriĂšres furent le bombardement de ValparaĂ­so sur les cĂŽtes du Chili le 31 mars 1866 et la bataille de Callao dĂ©but mai. Quelques jours plus tard, le 10 mai, l’escouade rentrait en Espagne sans qu’il y eĂ»t un vainqueur clair et laissant une crise diplomatique ouverte avec les pays hispano-amĂ©ricains belligĂ©rants, qui resta irrĂ©solue durant deux dĂ©cennies. Le gouvernement espagnol reconnut la rĂ©publique du PĂ©rou en 1880 et signa un traitĂ© de paix avec le Chili en 1883[35].

DĂ©composition de l’Union libĂ©rale et chute d’O’Donnell

DĂ©but 1860, en pleine guerre hispano-marocaine, fut mise au jour une obscure conjuration carliste qui prĂ©tendait par un coup de force mettre sur le trĂŽne d’Espagne le comte de MontemolĂ­n, prĂ©tendant sous le titre de « Charles VI » et fils de Charles Marie Isidore de Bourbon, avec qui le conflit de succession avait commencĂ©. Le roi consort François d'Assise de Bourbon et d’importantes figures de la cour, de la noblesse, de l’Église, de l’ArmĂ©e et du monde des affaires, cherchant la rĂ©unification des deux branches des Bourbon d'Espagne, Ă©taient impliquĂ©s dans le complot[36].

L’opĂ©ration, dirigĂ©e par le capitaine gĂ©nĂ©ral des BalĂ©ares, Jaime Ortega y Olleta, consista en un dĂ©barquement le 2 avril 1860 Ă  Sant Carles de la RĂ pita d’un contingent militaire de 3 600 hommes, 50 chevaux et 4 piĂšces d’artillerie provenant de Palma oĂč il avait Ă©tĂ© formĂ©. Comme l’avait prĂ©dit RamĂłn Cabrera depuis Londres, le dĂ©barquement carliste de Sant Carles de RĂ pita fut un Ă©chec cuisant car dĂšs que les soldats se rendirent compte de l’objet de leur dĂ©placement ils refusĂšrent de combattre l’armĂ©e de la reine et que les soulĂšvements carlistes attendus dans toute la PĂ©ninsule ne se produisirent pas. Les militaires qui dirigeaient l’opĂ©ration tentĂšrent de se cacher mais ils furent dĂ©tenus par la Garde civile. Le gĂ©nĂ©ral Ortega fut arrĂȘtĂ© Ă  Calanda (province de Teruel) et amenĂ© Ă  Tortosa oĂč il fut fusillĂ©. En revanche les deux princes carlistes qui avaient participĂ© Ă  l’opĂ©ration furent libĂ©rĂ©s Ă  Tortosa aprĂšs renoncĂ© Ă  leurs prĂ©tendus droits Ă  la Couronne — ils se rĂ©tractĂšrent tout juste arrivĂ©s saufs en France —. Les listes des conjurĂ©s qui avaient travaillĂ© avec le gĂ©nĂ©ral Ortega « qui rĂ©vĂ©laient l’ampleur de la conjuration, disparurent » car l’on prĂ©fĂ©ra oublier cet incident[37]. L’échec de la tentative d’Ortega ouvrit une grave crise interne dans le carlisme[38].

En juin 1861 commença le soulĂšvement de Loja (es) qui s’étendit au reste de la province de Grenade ainsi qu’aux provinces de Malaga et de Cordoue. Le soulĂšvement fut menĂ© par un vĂ©tĂ©rinaire de Loja aux idĂ©es rĂ©publicaines et qui parvint Ă  mobiliser environ l10 000 paysans qui furent Ă  l'origine d’une vague de troubles, avec occupation et rĂ©partitions de terres et affrontements avec la Garde civile et l'ArmĂ©e. C’est ainsi que la question des dures conditions de vie des cinq millions de journaliers andalous et d'autres rĂ©gions dominĂ©es par le latifundium surgit au premier plan de la vie politique. Selon Juan Francisco Fuentes, « Le soulĂšvement paysans qui se dĂ©roula dans les provices de Malaga, Grenade et Cordoue en juin-juillet 1861 peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme le point de dĂ©part d'un long cycle historique de conflits sociaux dans les campagnes andalouses »[39].

En dĂ©cembre 1861, le leader du Parti progressiste dĂ©nonça devant les CortĂšs l’influence de la camarilla clĂ©ricale de la reine — menĂ©e par Sor Patrocinio (es) et Ă  laquelle s’était jointe le pĂšre Claret, nouveau confesseur de la reine, et dont faisait Ă©galement partie le nouveau « favori » de celle-ci Miguel Tenorio — qu’il accusait d’exercer une Ă©norme influence sur le gouvernement d’O’Donnell, empĂȘchant par exemple la reconnaissance par l’Espagne du royaume d'Italie car il Ă©tait en conflit avec le pape de Rome, et d’ĂȘtre responsable du fait que les progressistes soient exclus du gouvernement par la Couronne. Son discours s’acheva avec une phrase cĂ©lĂšbre : « Il y a des obstacles traditionnels qui s’opposent Ă  la libertĂ© de l’Espagne »«_Hay_obstĂĄculos_tradicionales_que_se_oponen_a_la_libertad_de_España._»_40-0">[40]

À partir de 1861, la cohĂ©sion interne du parti qui soutenait le gouvernement O’Donnell commença Ă  s’affaiblir en raison du manque d’une claire base idĂ©ologique, ses actions Ă©tant essentiellement basĂ©es sur la communautĂ© d’intĂ©rĂȘts. la signature en 1861 du traitĂ© de Londres par lequel l’Espagne s’engageait dans l’expĂ©dition du Mexique avec le Royaume-Uni et la France avait dĂ©jĂ  suscitĂ© un vif dĂ©bat au Parlement sur la constitutionnalitĂ© de l’accord dans lequel certains dĂ©putĂ©s de l’Union libĂ©rale n’avaient pas soutenu le gouvernement. Le fractionnement du parti gouvernemental apparut Ă©galement lorsque fut votĂ©e le 16 dĂ©cembre 1861 une motion de confiance au gouvernement Ă  laquelle environ 80 dĂ©putĂ©s refusĂšrent d’apporter leur soutien, parmi lesquels un des fondateurs de l’Union libĂ©rale, l’ancien ministre RĂ­os Rosas, qui comme les autres unionistes dissidents critiquaient le style personnaliste du gouvernement d’O’Donnell. Peu Ă  peu ce groupe s’élargit Ă  des figures importants au sein du parti comme Antonio CĂĄnovas del Castillo, Alonso MartĂ­nez ou le gĂ©nĂ©ral Concha[38]. D’autres personnalitĂ©s se joignirent au secteur critiques, comme Alejandro Mon et les anciens progressistes « resellados » menĂ©s par Manuel Cortina et le gĂ©nĂ©ral Prim, qui finirent par rĂ©intĂ©grer les rangs du Parti progressiste[41].

Vers le mĂȘme moment commencĂšrent Ă  Ă©merger les dĂ©nonciations de corruption. CombinĂ©es Ă  la pression de NapolĂ©on III pour que le gouvernement condamne la conduite du gĂ©nĂ©ral Prim qui avait ordonnĂ© unilatĂ©ralement le retrait du contigent espagnol dans l’expĂ©dition du Mexique, elles finirent par provoquer une crise de gouvernement Ă  la mi-janvier 1863[42].

DĂ©but mars 1863, O’Donnell demanda Ă  la reine la dissolution des CortĂšs, qui Ă©taient ouvertes depuis 4 ans, afin de disposer d’un parlement plus favorable en mettant fin Ă  la dissidence qui Ă©tait apparue au sein de l’Union libĂ©rale[41]. Mais Isabelle II refusa, notamment en raison de l’opposition du gouvernement Ă  ce que la reine mĂšre Marie-Christine de Bourbon revienne en Espagne. O’Donnell prĂ©senta alors sa dĂ©mission, qui fut acceptĂ©e par la reine, marquant la fin du « gouvernement long » de l’Union libĂ©rale[42]. La reine nomma le marquis de Miraflores nouveau prĂ©sident du gouvernement, avec quoi le Parti modĂ©rĂ© faisait son retour Ă  la tĂȘte de l’exĂ©cutif[43].

Bilan

Selon Josep Fontana:[44]

« O'Donnell avait apportĂ© au pays quelques annĂ©es d’une relative paix intĂ©rieure, bien que d’une politique extĂ©rieure agitĂ©e. Sur la vague ascendante du cycle Ă©conomique il sembla vivre une Ă©tape de prospĂ©ritĂ©, alimentĂ©e par une fiĂšvre spĂ©culative qui annonçait un dĂ©sastre prochain. Les budgets furent discutĂ©s et votĂ©s Ă  cette Ă©poque, ce qui Ă©tait insolite dans l’histoire financiĂšre espagnole, mais le gouvernement dĂ©pensa allĂšgrement les revenus abondants qu’avait produit le dĂ©samortissement civil et finit avec des dĂ©ficits en hausse et des millions supplĂ©mentaires de dette. Les moyens furent dĂ©pensĂ©s en aventures coloniales stĂ©riles comme celle de Conchinchine, du Maroc, du Mexique ou de Saint-Domingue, et Ă  construire des casernes et des couvents, pas des routes et des canaux. »

Notes et références

  1. Fontana 2007, p. 272-273.
  2. Vilches 2001, p. 54.
  3. Fontana 2007, p. 283-284.
  4. Fuentes 2007, p. 191-192.
  5. Fontana 2007, p. 284.
  6. Fontana 2007, p. 284-285.
  7. Fuentes 2007, p. 193.
  8. Fontana 2007, p. 285-286.
  9. Fontana 2007, p. 287.
  10. Fuentes 2007, p. 195.
  11. «_[el]extremo_de_degradación_[a_que]_había_llegado_la_política_española,_y_hasta_[que]_punto_era_ficticia_su_condición_de_monarquía_constitucional_»-11" class="mw-reference-text">Fontana 2007, p. 287. « [el]extremo de degradación [a que] había llegado la política española, y hasta [que] punto era ficticia su condición de monarquía constitucional »
  12. Fontana 2007, p. 287-288.
  13. Fuentes 2007, p. 196.
  14. Fontana 2007, p. 288.
  15. Fuentes 2007, p. 196-197.
  16. Fuentes 2007, p. 197.
  17. Fontana 2007, p. 295-296.
  18. Fontana 2007, p. 296-297.
  19. Fontana 2007, p. 297.
  20. Fontana 2007, p. 297-298.
  21. Fontana 2007, p. 298.
  22. El_desinterés_por_establecer_un_marco_político_propio..._resulta_revelador_de_una_actitud_desdeñosa_hacia_la_política_que_se_corresponde,_asimismo,_con_el_énfasis_[[technocratie|tecnocråtico]]_en_la_modernización_económica''»-22" class="mw-reference-text">Fuentes 2007, p. 203. «El desinterés por establecer un marco político propio... resulta revelador de una actitud desdeñosa hacia la política que se corresponde, asimismo, con el énfasis tecnocråtico en la modernización económica»
  23. Fuentes 2007, p. 203.
  24. Fuentes 2007, p. 204.
  25. Fontana 2007, p. 299.
  26. Fuentes 2007, p. 215.
  27. Fuentes 2007, p. 220.
  28. Fuentes 2007, p. 219-220.
  29. Fontana 2007, p. 299-301.
  30. Fontana 2007, p. 301-302.
  31. Fuentes 2007, p. 217.
  32. Fontana 2007, p. 303-304.
  33. Fuentes 2007, p. 218.
  34. Fontana 2007, p. 304.
  35. Fuentes 2007, p. 218-219.
  36. Fontana 2007, p. 302.
  37. Fontana 2007, p. 302-303.
  38. Fuentes 2007, p. 221.
  39. Fuentes 2007, p. 214.
  40. «_Hay_obståculos_tradicionales_que_se_oponen_a_la_libertad_de_España._»-40" class="mw-reference-text">Fontana 2007, p. 305-306. « Hay obståculos tradicionales que se oponen a la libertad de España. »
  41. Vilches 2001, p. 59.
  42. Fontana 2007, p. 306.
  43. Fuentes 2007, p. 222.
  44. Fontana 2007, p. 306-307.

Annexes

Bibliographie

  • (es) Josep Fontana, Historia de España, vol. 6 : La Ă©poca del liberalismo, Barcelone-Madrid, CrĂ­tica/Marcial Pons, (ISBN 978-84-8432-876-6)
  • (es) Juan Francisco Fuentes, El fin del Antiguo RĂ©gimen (1808-1868). PolĂ­tica y sociedad, Madrid, SĂ­ntesis, (ISBN 978-84-975651-5-8)
  • (es) Jorge Vilches (es), Progreso y libertad : el Partido Progresista en la revoluciĂłn liberal española, Madrid, Alianza Editorial, (ISBN 84-206-6768-4)
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.