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Guerre hispano-sud-américaine

La guerre hispano-sud-amĂ©ricaine, parfois Ă©galement « guerre du guano »[1], oppose l’Espagne aux rĂ©publiques du Chili, du PĂ©rou et, dans une moindre mesure, Ă  la Bolivie et Ă  l’Équateur. Le conflit commence en 1864 par l’occupation par l’Espagne des Ăźles Chincha et prend fin avec le traitĂ© de paix signĂ© Ă  Lima, le . Cette guerre est connue comme la guerre contre l’Espagne au Chili et au PĂ©rou, et en Espagne comme la guerre du Pacifique ou plutĂŽt premiĂšre guerre du Pacifique, le terme « guerre du Pacifique » se rĂ©fĂ©rant Ă©galement au conflit qui opposa le Chili au PĂ©rou et Ă  la Bolivie entre 1879 et 1883.

Guerre hispano-sud-américaine
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
La bataille de Callao sur une peinture péruvienne.
Informations générales
Date 1865-1866
Lieu Îles Chincha et cĂŽte pacifique de l'AmĂ©rique du Sud
Issue TraitĂ©s entre l'Espagne et le PĂ©rou (1879), la Bolivie (1879), le Chili (1883) et l'Équateur (1885)
Reconnaissance de l'indépendance du Pérou
Belligérants
Drapeau du Chili Chili
Drapeau du PĂ©rou PĂ©rou (Ă  partir de 1866)
Drapeau de la Bolivie Bolivie (Ă  partir de 1866)
Drapeau de l'Équateur Équateur (à partir de 1866)
Drapeau de l'Espagne Royaume d'Espagne
Commandants
Drapeau du Chili Juan Williams Rebolledo
Drapeau du PĂ©rou Mariano Ignacio Prado
Drapeau de l'Espagne José Manuel Pareja
Drapeau de l'Espagne Casto MĂ©ndez NĂșñez

Batailles

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Origines

Ce conflit a pour origine la guerre d’indĂ©pendance du PĂ©rou, qui se dĂ©roule de 1820 Ă  1824 et se termina par la bataille d’Ayacucho le et la capitulation d’Ayacucho.

Dettes péruviennes envers la « mÚre patrie »

Dans le texte de la capitulation, le PĂ©rou reconnaĂźt certaines dettes envers l’Espagne mais refuse ensuite Ă  les honorer tant que l’Espagne ne reconnaĂźt pas son indĂ©pendance. En 1864, l’Espagne, qui n’a toujours pas reconnu l’indĂ©pendance du PĂ©rou, entendait les rĂ©cupĂ©rer, sous la pression des dĂ©tenteurs de titres espagnols et pĂ©ruviens rĂ©sidant en Europe.

Situation politique au PĂ©rou et en Espagne

En , le marĂ©chal RamĂłn Castilla Marquezado termine son mandat de prĂ©sident de la RĂ©publique du PĂ©rou. AprĂšs les Ă©lections, le gĂ©nĂ©ral Miguel de San RomĂĄn accĂšde Ă  la prĂ©sidence mais meurt le , avant la fin de son mandat. Le marĂ©chal Castilla, puis le gĂ©nĂ©ral Pedro Diez Canseco, assurent successivement l’intĂ©rim. Toutefois, en vertu de la constitution pĂ©ruvienne, le gĂ©nĂ©ral Juan Antonio Pezet, en tant que vice-prĂ©sident, prend la tĂȘte de l’État le Ă  son retour de Paris.

En Espagne, l’UniĂłn liberal est au pouvoir sous le rĂšgne d’Isabelle II. Le gouvernement, prĂ©sidĂ© par le gĂ©nĂ©ral Leopoldo O'Donnell, est soucieux de poursuivre la politique expansionniste entamĂ©e lors de la dĂ©cennie prĂ©cĂ©dente et dĂ©cide donc d’envoyer une expĂ©dition maritime dans l’OcĂ©an Pacifique. L’Espagne est alors la quatriĂšme puissance navale dans le monde.

Expédition maritime espagnole dans le Pacifique

L’expĂ©dition a notamment pour objectif inavouĂ© de nĂ©gocier avec le gouvernement pĂ©ruvien pour rĂ©gler les comptes encore en suspens de l’époque coloniale. En fin , on dĂ©cide d’adjoindre Ă  l’expĂ©dition une mission scientifique, ComisiĂłn CientĂ­fica del PacĂ­fico, composĂ©e de trois zoologues, d’un gĂ©ologue, d’un botaniste et d’un anthropologue, accompagnĂ©s d’un taxidermiste et d’un dessinateur-photographe.

L’expĂ©dition part de Cadix le et est formĂ©e par les navires de la marine espagnole ResoluciĂłn (es), Triunfo (es), Vencedora (es) et Covadonga (es), sous le commandement du contre-amiral Luis HernĂĄndez PinzĂłn (es).

L’escadre espagnole arrive au port chilien de ValparaĂ­so le . L’Espagne a reconnu l'indĂ©pendance du Chili dans les annĂ©es 1840, et les deux pays ont des relations diplomatiques. L’expĂ©dition est bien reçue par les autoritĂ©s locales, quitte le Chili en juillet en direction du nord et arrive au port de Callao, au PĂ©rou, le . Bien qu’il n’y ait pas de relations diplomatiques entre les deux pays, le gĂ©nĂ©ral Juan Antonio Pezet autorise son entrĂ©e dans le port. Les Espagnols sont bien accueillis et font des dĂ©marches pour obtenir le paiement de la dette de l’indĂ©pendance.

Incident de Talambo

Alors que l’escadre espagnole est partie de Callao depuis le 27 juillet, la veille de l’anniversaire de l’indĂ©pendance du PĂ©rou, Ă  destination de San Francisco, on apprend qu’un incident avait Ă©clatĂ© le 4 aoĂ»t dans l’hacienda de Talambo, entre Trujillo et Chiclayo, dans le nord du PĂ©rou. Un affrontement entre des paysans et le propriĂ©taire de l’hacienda s’est soldĂ© par la mort d’un colon espagnol. L’incident sert de prĂ©texte aux Espagnols de l’expĂ©dition pour revenir Ă  Callao le 13 novembre. Les Espagnols protestent auprĂšs du gouvernement pĂ©ruvien et exigent des excuses et des rĂ©parations. Pour le PĂ©rou, il ne s’agit que d’une affaire privĂ©e, qui est du ressort de la justice pĂ©ruvienne.

Début des hostilités

Prise des Ăźles Chincha

Les Ăźles productrices de guano Ă  Chincha, PĂ©rou. .

Afin qu’une intervention militaire dans une ancienne colonie ne soit pas perçue internationalement de maniĂšre nĂ©gative, l’Espagne envoie d’abord au PĂ©rou Eusebio Salazar y Mazarredo (es) avec le titre de « commissaire spĂ©cial et extraordinaire de la reine », qui a Ă©tĂ© attribuĂ© au temps des colonies aux inspecteurs qui les visitent. Salazar est chargĂ© aussi d’exiger le paiement des dettes pĂ©ruviennes datant de l’indĂ©pendance. Il arrive avec son escadre Ă  Callao le et demande Ă  ĂȘtre reçu par la chancellerie.

Pour le gouvernement pĂ©ruvien, c’est une provocation dĂ©libĂ©rĂ©e de l’Espagne : il ne reconnaĂźt pas le titre du « commissaire » et la mission qui lui Ă©tait confiĂ©e. Salazar n’est reçu nulle part Ă  titre officiel.

Le nombre de soldats espagnols est insuffisant pour prendre Callao, et l’escadre espagnole sort donc de cette rade, fait route au sud vers les Ăźles Chincha et s’en empare. Le drapeau pĂ©ruvien est amenĂ© et le drapeau espagnol fut hissĂ© le . Les PĂ©ruviens et les Pascuans, qui extraient le guano sur l’üle, sont expulsĂ©s vers le continent. Les Ăźles Chincha constituent une ressource financiĂšre trĂšs importante pour le gouvernement pĂ©ruvien Ă  cause du gisement de guano et est donc une monnaie d’échange valable pour les Espagnols.

L’escadre espagnole soumet Ă©galement au blocus maritime les principaux ports pĂ©ruviens, ce qui a pour effet de dĂ©sorganiser le commerce et suscite la dĂ©sapprobation dans toute l’AmĂ©rique latine. Les Espagnols attendent peu de rĂ©sistance de la part du PĂ©rou, dont ils jugent nĂ©gligeable la valeur militaire. Pendant le blocus, les Espagnols perdent le Triunfo, qui est dĂ©truit par un incendie accidentel.

Réaction du président du Pérou

HĂ©sitant, le gĂ©nĂ©ral Juan Antonio Pezet entre en nĂ©gociations avec les Espagnols. Les journaux de l’époque le comparent Ă  un nouvel Atahualpa, critiquant sa faiblesse. Il est toutefois vrai que Pezet sait que le PĂ©rou ne dispose pas d’une bonne marine de guerre, la Marine pĂ©ruvienne ayant seulement la frĂ©gate Amazonas (es) et des goĂ©lettes Tumbes (es) et Loa (es). L’escadre espagnole lui paraĂźt donc invincible.

Il veut gagner du temps et s’empresse d’envoyer le colonel Francisco Bolognesi Cervantes en Europe pour faire l’acquisition de navires et autres matĂ©riels de guerre. Le PĂ©rou prend commande des navires HuĂĄscar, Independencia, UniĂłn et AmĂ©rica construits aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. Les deux derniers navires parviennent Ă  l’heure sur le thĂ©Ăątre des opĂ©rations, mais les deux premiers n’arrivent qu'aprĂšs la fin du conflit.

Le nouveau premier ministre espagnol, RamĂłn MarĂ­a NarvĂĄez, n’est pas d’accord avec les prises de dĂ©cision unilatĂ©rales de l’amiral PinzĂłn sur le terrain et le fait remplacer par le vice-amiral JosĂ© Manuel Pareja (es), ancien ministre de la Marine. Ce dernier est nĂ© au PĂ©rou, et son pĂšre a participĂ© aux combats lors de la guerre d’indĂ©pendance du Chili. TrĂšs vite, cependant, NarvĂĄez changea d’opinion et envoie quatre autres navires de guerre en renfort pour la flotte du Pacifique : le Blanca (es), le Berenguela (es), le Villa de Madrid et la frĂ©gate cuirassĂ©e Numancia.

L’amiral Pareja arrive au PĂ©rou en et entame immĂ©diatement des nĂ©gociations diplomatiques avec le gĂ©nĂ©ral Manuel Ignacio de Vivanco, reprĂ©sentant spĂ©cial du prĂ©sident du PĂ©rou.

Traité Vivanco-Pareja

Les nĂ©gociations entamĂ©es par Pezet et Vivanco Ă©chouent devant les exigences espagnoles. Le , l’escadre espagnole entame le blocus de Callao et donne un dĂ©lai de 24 heures pour que les PĂ©ruviens acceptent ses conditions. Toujours en proie au doute sur les possibilitĂ©s militaires de son pays alors que la flotte espagnole venait d’ĂȘtre renforcĂ©e par de puissantes unitĂ©s, Pezet signe sans tarder le traitĂ© Vivanco-Pareja sur le navire espagnol Villa de Madrid le .

Le traitĂ© reconnaĂźt le commissaire Salazar y Mazarredo et accorde Ă  l’Espagne une indemnisation de 3 millions de pesos au titre des dĂ©penses occasionnĂ©es Ă  l’escadre espagnole dans le Pacifique. Ce traitĂ© humiliant pour le PĂ©rou est repoussĂ© par le CongrĂšs pĂ©ruvien. Il sera opposĂ© de plus par l’empereur français, NapolĂ©on III, qui envoie ensuite en secret appui et armement au prĂ©sident Mariano Ignacio Prado.

Guerre civile au PĂ©rou

De nombreuses personnalitĂ©s dans le pays s’opposent Ă  cet accord, notamment le vice-prĂ©sident Francisco Diez Canseco. Le marĂ©chal RamĂłn Castilla, alors prĂ©sident du SĂ©nat et reprĂ©sentant le dĂ©partement de Moquegua, proteste vivement. Dans une Ăąpre discussion avec Pezet, qui est venu Ă  la chambre pour expliquer la situation, Castilla dĂ©nonce la faiblesse du gouvernement, frappe le prĂ©sident Pezet et lui casse la mĂąchoire. Furieux, ce dernier fait exiler Castilla en Europe en .

Soulùvement d’Arequipa

La mĂšche allumĂ©e par le marĂ©chal RamĂłn Castilla se propage dans d’autres rĂ©gions du pays. Le , Ă  Arequipa, le colonel Mariano Ignacio Prado se soulĂšve.

Comme l’escadre espagnole menace Ă©galement le Chili, Prado pense que la stabilitĂ© juridique de toutes les anciennes colonies de l’Espagne en AmĂ©rique du Sud est en danger. C’est pourquoi, alors qu’il se trouvait dans la province de Chincha en route pour Lima, il reçoit des dĂ©lĂ©guĂ©s chiliens avec qui il coordonne les actions Ă  mener pour dĂ©fendre la souverainetĂ© du PĂ©rou et du Chili.

Renversement de Pezet

Prado arriva aux portes de Lima avec une armĂ©e de 10 000 soldats, l’armĂ©e de Pezet ne comptant que 8 000 soldats. Francisco Diez Canseco reste avec une garnison dans le palais du Gouvernement, et Pezet sort Ă  la rencontre de Prado en marchant jusqu’à LurĂ­n (es), mais il n’y a pas d’affrontement.

Trompant la vigilance des troupes de Pezet, les forces rebelles tentent d’entrer dans Lima par la porte de Guadalupe mais sont repoussĂ©es par une alerte de la caserne de Santa Catalina. Elles entrent alors par la porte de San SimĂłn. Sans rencontrer beaucoup de rĂ©sistance, elles parviennent jusqu’à la place principale de Lima. Elles y livrent une dure bataille contre la garnison du palais du Gouvernement. La bataille du dure jusqu’à 10 heures. Les troupes fidĂšles Ă  Pezet se rendent seulement aprĂšs avoir perdu les trois quarts de leurs effectifs. Les portes du Palais s’ouvrent et une foule dĂ©cidĂ©e y pĂ©nĂštre, principalement pour le piller.

Démission du président du Pérou

Pezet veut reprendre le palais du Gouvernement, mais il ne peut se rĂ©soudre Ă  attaquer Lima. De plus, il y a eu beaucoup de dĂ©fections au sein de ses troupes. Avec ses derniers fidĂšles, il gagne d’abord Callao et s’établit dans l’hacienda Concha, entre Lima et Callao. C’est lĂ  qu’il capitule le . Pezet et ses plus proches collaborateurs se rĂ©fugient sur le navire britannique Shear Water, ancrĂ© Ă  Callao. Quelques jours plus tard, il embarque avec sa famille en direction de l’Angleterre.

Dictature de Prado

Prado est entrĂ© Ă  Lima, et le vice-prĂ©sident Pedro Diez Canseco a pris le pouvoir mais briĂšvement puisque dĂšs le , sous la pression d’assemblĂ©es populaires et par dĂ©cision de l’armĂ©e pĂ©ruvienne, le colonel Mariano Ignacio Prado assume de facto la prĂ©sidence de la RĂ©publique avec le titre de « chef suprĂȘme de la Nation ». C’est lui qui noue l’alliance dĂ©fensive avec le Chili, qui a entretemps dĂ©clarĂ© la guerre Ă  l’Espagne.

DĂ©claration de guerre du Chili Ă  l’Espagne

Depuis 1864 et la prise des Ăźles Chincha, les sentiments antiespagnols n’ont fait que croĂźtre dans d’autres pays de l’AmĂ©rique du Sud comme la Bolivie, le Chili et l’Équateur. À l’évidence, les Espagnols n’avaient ni l’intention ni la force ni les ressources pour conquĂ©rir leurs anciennes colonies, mais le PĂ©rou et ses voisins nourrissent des inquĂ©tudes sur le risque de rĂ©tablissement de l’Empire espagnol sous une autre forme. Il n’est donc pas surprenant que lorsque le Vencedora fait relĂąche dans un port chilien pour s’approvisionner, le prĂ©sident chilien JosĂ© JoaquĂ­n PĂ©rez Mascayano dĂ©clare que le charbon est une fourniture de guerre et ne peut ĂȘtre vendu Ă  une nation belligĂ©rante. Pour les Espagnols, cet embargo Ă©tait la preuve du manque de neutralitĂ© chilienne. Deux vapeurs pĂ©ruviens ont en effet quittĂ© le port de ValparaĂ­so avec des armes et des volontaires chiliens qui sont partis combattre au PĂ©rou. En consĂ©quence, l’amiral Pareja adopte une ligne dure et exige des sanctions Ă  l’encontre du Chili, plus sĂ©vĂšres encore que celles qui avaient Ă©tĂ© imposĂ©es au PĂ©rou. Il fait route vers le Chili avec une partie de son escadre limitĂ©e Ă  4 navires, pendant que le Numancia et le Covadonga restent devant Callao.

Le , Pareja arrive Ă  ValparaĂ­so sur son vaisseau-amiral, le Villa de Madrid, et exige que le drapeau espagnol soit saluĂ© par 21 coups de canon. Il a choisi Ă  dessein le jour prĂ©cĂ©dant l’anniversaire de l’indĂ©pendance du Chili (18 septembre) pour prĂ©senter cette exigence. Les Chiliens refusent, et la rĂ©ponse dĂ©finitive du prĂ©sident chilien est la dĂ©claration de guerre Ă  l’Espagne, approuvĂ©e par le CongrĂšs chilien le .

Leopoldo O'Donnell, rĂ©cemment nommĂ© premier ministre d'Espagne en remplacement de NarvĂĄez, ordonne Ă  l’amiral Pareja de battre en retraite, qui fait fi de ces ordres venus de la mĂ©tropole. N’ayant pas de troupes pour tenter un dĂ©barquement, il dĂ©cide d’imposer un blocus aux principaux ports chiliens, mais pour maintenir un blocus total des cĂŽtes chiliennes, Pareja aurait eu besoin d’une flotte bien plus importante que celle dont il disposait. Le blocus du port de Valparaiso fait tout de mĂȘme subir tellement de pertes Ă©conomiques au Chili et aux intĂ©rĂȘts Ă©trangers que les navires de guerre neutres des États-Unis et du Royaume-Uni Ă©mettent officiellement une protestation.

Pendant ce temps, les deux seuls navires de guerre du Chili sont envoyĂ©s Ă  ChiloĂ©. Il s’agit de la corvette Esmeralda (es) et du vapeur MaipĂș (es), sous le commandement du capitaine de frĂ©gate Juan Williams Rebolledo (es).

Sur le plan diplomatique, le Chili cherche Ă  former une alliance avec le PĂ©rou pour former une escadre combinĂ©e pouvant tenir tĂȘte aux Espagnols en mer, mais le PĂ©rou est toujours en pleine rĂ©volution, et mĂȘme sa marine de guerre est divisĂ©e entre partisans et opposants au gouvernement en place. Par la suite, le ministre plĂ©nipotentiaire Domingo Santa MarĂ­a parvient Ă  persuader le colonel Mariano Prado, le chef des rĂ©volutionnaires, d’envoyer Ă  ChiloĂ© les navires qui lui sont fidĂšles Ă  condition que les navires chiliens viennent Ă  la rencontre de leurs alliĂ©s pĂ©ruviens.

Le capitaine Williams reçoit l’ordre de quitter ChiloĂ© en direction des Ăźles Chincha pour faire jonction avec l’escadre pĂ©ruvienne, puis de revenir au sud avec cette derniĂšre Ă  partir du , mais il ne rencontre personne au point de rendez-vous. Il dĂ©cide de partir pour Chilca (es), au sud de Lima, avec l’Esmeralda et envoie le MaipĂș Ă  Pisco Ă  la rencontre de la flotte pĂ©ruvienne. À Chilca, les chiliens trouvent la frĂ©gate Amazonas et les corvettes UniĂłn et AmĂ©rica, mais les commandants pĂ©ruviens ont maintenant dĂ©cidĂ© d’attendre l’issue de la rĂ©volution en cours dans leur pays avant d’envisager toute collaboration contre l’Espagne. Williams doit se rĂ©soudre au retour aprĂšs cette expĂ©dition inutile.

L’éventualitĂ© d’un regroupement entre les forces navales pĂ©ruviennes et chiliennes n’échappant pas aux Espagnols, la goĂ©lette Virgen de Covadonga quitta Callao le 10 octobre et est affectĂ©e au blocus de Coquimbo.

Combat naval de Papudo

La corvette chilienne Esmeralda.

Le capitaine Williams fait escale Ă  Lota pour s’approvisionner en charbon et est informĂ© de ces derniers Ă©vĂ©nements. Il dĂ©cide d’attaquer le Virgen de Covadonga avec l’Esmeralda et appareille en direction du nord le . Le 24 novembre, la corvette Esmeralda mouille Ă  Tongoy (es), toujours Ă  la recherche d’informations. Williams apprend alors que la frĂ©gate Reina Blanca (es) relĂšve la goĂ©lette Virgen de Covadonga sur le blocus de Coquimbo et que cette derniĂšre lĂšve l’ancre pour aller bloquer San Antonio. L’Esmeralda part donc se poster Ă  un passage entre Coquimbo et ValparaĂ­so pour intercepter la Covadonga.

Le matin du 27 novembre, les Chiliens aperçoivent ce navire et dĂ©cident de l’attaquer. BĂ©nĂ©ficiant de l’effet de surprise, ils l’endommagent suffisamment pour le tenir Ă  leur merci.

À l’issue de ce combat, la corvette chilienne capture la goĂ©lette Covadonga avec son Ă©quipage et la correspondance de guerre de l’amiral Pareja. Ce dernier, se jugeant atteint dans son honneur, met fin Ă  ses jours Ă  bord de son navire. Le commandement de la flotte espagnole du Pacifique est alors confiĂ© au commandant Casto MĂ©ndez NĂșñez (es), qui est promu contre-amiral.

Élargissement du conflit

DĂ©claration de guerre du PĂ©rou et de l’Équateur Ă  l’Espagne

Le gĂ©nĂ©ral Diez Canseco, qui dirige le PĂ©rou depuis le dĂ©but de , tente, tout comme son prĂ©dĂ©cesseur, Pezet, d’éviter la guerre avec l’Espagne, mais cette position allait causer sa chute. À la fin du mois, le gĂ©nĂ©ral Mariano Ignacio Prado, chef du mouvement nationaliste et belliciste, l’avait renversĂ©. Le nouveau pouvoir affiche immĂ©diatement sa solidaritĂ© avec le Chili et son intention de dĂ©clarer la guerre contre l’Espagne pour l’honneur national.

Le , le Chili et le PĂ©rou signent une alliance contre l’Espagne. Le CongrĂšs pĂ©ruvien ratifie cette alliance le , et le PĂ©rou dĂ©clare la guerre Ă  l’Espagne le . Une escadre pĂ©ruvienne, commandĂ©e par le capitaine Lizardo Montero et composĂ©e des vapeurs Amazonas et ApurĂ­mac (es), est formĂ©e pour rejoindre la flotte chilienne.

L’Équateur rejoint l’alliance le et dĂ©clare la guerre Ă  l’Espagne le mĂȘme jour. La Bolivie, dirigĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Mariano Melgarejo, suit le mouvement le . Ainsi, tous les ports de la cĂŽte pacifique de l’AmĂ©rique du Sud sont interdits Ă  la flotte espagnole. L’Argentine et le BrĂ©sil refusent de rejoindre l’alliance puisqu'ils sont dĂ©jĂ  engagĂ©s dans la guerre de la Triple Alliance. Les PĂ©ruviens fortifient Callao avec l’artillerie expĂ©diĂ©e d’Europe par Bolognesi. Les navires UniĂłn et AmĂ©rica, qui sont achetĂ©s en Europe, arrivent par le dĂ©troit de Magellan. Le capitaine de vaisseau Manuel Villar (es) est nommĂ© chef de l’escadre pĂ©ruvienne renforcĂ©e, composĂ©e des navires Amazonas, ApurĂ­mac, AmĂ©rica et UniĂłn. Ces navires doivent rejoindre les vaisseaux chiliens Esmeralda et Covadonga Ă  ChiloĂ© et y attendre les navires cuirassĂ©s HuĂĄscar et Independencia avant d’entreprendre des actions contre la flotte espagnole. Le , les frĂ©gates ApurĂ­mac et Amazonas sont dĂ©jĂ  parties pour le sud. Les corvettes UniĂłn et AmĂ©rica appareillent Ă  leur tour 44 jours plus tard. Le capitaine de vaisseau chilien Juan Williams Rebolledo restae au commandement de la flotte alliĂ©e. L’Amazonas, le meilleur des navires pĂ©ruviens, s’échoue en cours de route le Ă  la pointe Quilque et est perdu.

Combat naval d’Abtao

La goélette Covadonga, prise aux Espagnols par les Chiliens.

Les navires de la flotte alliĂ©e mouillent dans le golfe d’Ancud, prĂ©cisĂ©ment dans la baie d'Abtao, une Ăźle de l'archipel de Calbuco sur la rive nord du canal de Chacao. Juan Williams Rebolledo a amĂ©nagĂ© une base navale Ă  Abtao dans deux criques de l’üle. Cette base est dĂ©fendue par de l’artillerie, et il a prĂ©vu d’y installer un chantier de rĂ©paration pour les navires des alliĂ©s.

L’amiral espagnol NĂșñez veut rĂ©cupĂ©rer la goĂ©lette Covadonga. Le 10 et le , les frĂ©gates Villa de Madrid (es) et Blanca partent de ValparaĂ­so Ă  sa recherche.

Le , les frĂ©gates espagnoles sont repĂ©rĂ©es au large d’Abtao et affrontent les quatre navires alliĂ©s. Le combat consiste en un duel d’artillerie Ă  distance, sans rĂ©sultats dĂ©cisifs. Les Espagnols se retirent vers ValparaĂ­so sans avoir pu rĂ©cupĂ©rer la Covadonga.

AprĂšs cet affrontement, l’escadre espagnole fait une deuxiĂšme tentative pour dĂ©truire l’escadre alliĂ©e, cette fois avec la participation des frĂ©gates blindĂ©es Numancia et Blanca, mais le capitaine de vaisseau, Juan Williams Rebolledo, a envisagĂ© cette hypothĂšse et jugĂ© prĂ©fĂ©rable d’évacuer la base d’Abtao vers le canal de Huito, en face de Calbuco, qui offre un refuge plus sĂ»r et plus difficile d’accĂšs.

NĂșñez trouve Abtao vide et poursuit sa route au sud. Il repĂšre la fumĂ©e des navires alliĂ©s Ă  Huito mais refuse de s’y aventurer devant les difficultĂ©s Ă  manƓuvrer en cas de combat dans cet espace restreint.

Bombardement de ValparaĂ­so

La situation de la flotte espagnole devient difficile. Quatre pays sont officiellement en guerre, la flotte alliĂ©e recevra le renfort de deux unitĂ©s importantes (le Monitor Huascar et l’Independencia) et la logistique (charbon, vivres etc.) ne suit pas. Enfin, le blocus maritime avec un nombre trop faible de vaisseaux ne donne pas les rĂ©sultats escomptĂ©s. Le commandant de la flotte espagnole a reçu l’ordre du gouvernement espagnol de bombarder ValparaĂ­so et Callao jusqu’à ce que la goĂ©lette Covadonga soit rĂ©cupĂ©rĂ©e, puis de retourner en Espagne. Le 27 mars, NĂșñez fait savoir au gouverneur de ValparaĂ­so qu’il bombardera la ville dans quatre jours. AprĂšs d’ultimes et vaines tractations par l’intermĂ©diaire des britanniques et des amĂ©ricains, il ordonne le bombardement de ValparaĂ­so au matin du et cause de grands dommages au port. Il n’y a pas de victimes, la population s’étant mise Ă  l’abri et les bombardements ayant visĂ© principalement les bĂątiments publics.

Combat naval du 2 mai 1866

Batterie péruvienne dans le port de Callao, le .

MĂ©ndez NĂșñez fait ensuite route vers Callao, le port le mieux dĂ©fendu de l’AmĂ©rique du Sud. Le gouvernement pĂ©ruvien attend toujours le renfort des navires commandĂ©s en Europe. En attendant, la marine et l’armĂ©e sont chargĂ©es de l’organisation des dĂ©fenses du port. Une cinquantaine de canons sont regroupĂ©s dans diverses batteries, et tous les hommes sont mobilisĂ©s. Les Ă©trangers se portent volontaires dans les brigades de pompiers et les postes de secours. NĂșñez rejoinit l’üle San Lorenzo Ă  bord du Numancia le et annonce le jour suivant au corps diplomatique Ă  Lima qu’il bombardera Callao dans quatre jours. En rĂ©alitĂ©, l’affrontement n’a lieu que le . Pendant plusieurs heures, les Espagnols bombardent les positions pĂ©ruviennes, qui rĂ©pliquent avec quelques succĂšs.

Retraite de l’escadre espagnole

En fin de journĂ©e, les Espagnols se retirent sur l’üle San Lorenzo, qu’ils quittent le , les uns en direction du cap Horn, les autres vers la PolynĂ©sie et l’ocĂ©an Indien. L’Espagne estime avoir atteint son objectif, qui Ă©tait de punir le PĂ©rou et non de l’envahir. Le PĂ©rou revendique cette victoire puisque les Espagnols ont battu en retraite.

Fin de la guerre

Un accord d’armistice est signĂ© le , Ă  Washington, DC, pour une durĂ©e indĂ©finie entre l’Espagne, la Bolivie, le Chili, l’Équateur et le PĂ©rou.

L’Espagne reconnaĂźt l’indĂ©pendance du PĂ©rou en 1880, Ă©tablit des relations diplomatiques et signe un traitĂ© de paix et d’amitiĂ© dĂ©finitif la mĂȘme annĂ©e. La paix dĂ©finitive entre l’Espagne et le Chili est signĂ©e en 1883 Ă  Lima aprĂšs la fin de l’occupation chilienne.

Conséquences

La guerre contre l’Espagne marque pour ses anciennes colonies d’AmĂ©rique du Sud la consolidation de leur indĂ©pendance, pour le PĂ©rou la rĂ©cupĂ©ration des Ăźles Chincha et pour le Chili des pertes Ă©conomiques importantes. Quelques annĂ©es aprĂšs l'accord d'armistice, les marines chilienne et pĂ©ruvienne, qui ont combattu ensemble et renforcĂ© leurs flottes face Ă  face aux Espagnols, s’affrontent au cours d’une autre guerre du Pacifique.

Forces navales comparées

Espagne

Frégates blindées
  • Numancia – construction en 1863, tonnage 7 500 tonnes, vitesse 12 nƓuds, armement 34 canons de 200 mm, Ă©quipage 620 hommes. À l’époque un des plus puissants navires de guerre du monde. Premier navire cuirassĂ© Ă  effectuer un tour du monde
Frégates à vapeur
  • Villa de Madrid (es) — construction en 1862, tonnage 4 478 tonnes, vitesse 15 nƓuds, armement 30 canons de 200 mm, 14 canons de 160 mm, 2 canons de 120 mm plus 2 obusiers de 150 mm et 2 canons de 80 mm pour les opĂ©rations de dĂ©barquement.
  • ResoluciĂłn (es) – construction en 1861, tonnage 3 100 tonnes; vitesse 11 nƓuds, armement 20 canons de 200 mm, 14 canons de 160 mm, un canon de 220 mm sur tourelle, 2 obusiers de 150 mm, 2 canons de 120 mm et 2 canons de 80 mm pour les opĂ©rations de dĂ©barquement.
  • Triunfo (es) – construction en 1861, tonnage 3 100 tonnes, vitesse 11 nƓuds, armement 20 canons de 200 mm, 14 canons de 160 mm, un canon sur tourelle de 220 mm et 2 obusiers de 150 mm, 2 canons de 120 mm et deux canons de 80 mm pour les opĂ©rations de dĂ©barquement. Ce navire fut perdu dans un incendie accidentel au tout dĂ©but de la guerre.
  • Almansa (es) – construction en 1864, tonnage 3 980 tonnes, vitesse 12 nƓuds, armement 30 canons de 200 mm, 14 canons de 160 mm et 2 canons de 120 mm plus 2 obusiers de 150 mm et 2 canons de 80 mm guns pour les opĂ©rations de dĂ©barquement. Ce navire arriva dans le Pacifique en , peu de temps avant la bataille de Callao.
  • Reina Blanca (es) – tonnage 3 800 tonnes, armement 68 canons.
  • Berenguela (es) – tonnage 3 800 tonnes, armement 36 canons.
Goélette
  • Covadonga (es) – construction en 1864, tonnage 445 tonnes, vitesse 8 nƓuds, armement 2 canons sur tourelle de 200 mm guns sur les cĂŽtĂ©s et 1 canon sur tourelle de 160 mm en proue. Navire capturĂ© par les Chiliens en 1865.
Corvette
  • Vencedora (es) – construction en 1861, tonnage 778 tonnes, vitesse 8 nƓuds, armement 2 canons sur tourelle de 200 mm et 2 canons de 160 mm.
Transports
  • Marques de la Victoria - 3 canons
  • Paquete del Maule – pris aux Chiliens
  • Consuelo
  • Mataure

PĂ©rou

Frégates
  • Amazonas (es) – construction en 1852, tonnage 1 743 tonnes, vitesse 9,43 nƓuds, armement 6 canons de 68 livres, 10 canons de 32 livres, 1 canon de 84 livres, 1 canon de 12 livres, 16 canons de 32 livres
  • ApurĂ­mac (es) – construction en 1854, tonnage 1 666 tonnes, vitesse 7 nƓuds, armement 12 canons de 32 livres, 8 canons de 68 livres
  • AmĂ©rica – construction en 1863 aux chantiers Dubigeon de Nantes (France) en 18, tonnage 2 016,66 tonnes, vitesse 13,7 nƓuds, armement 12 canons rayĂ©s de 68 livres (162 mm), 1 canon de 9 livres. Initialement construit pour la flotte confĂ©dĂ©rĂ©e.
  • UniĂłn – construction en 1863 aux chantiers Dubigeon de Nantes (France) en 18, tonnage 2 016,66 tonnes , vitesse 13,7 nƓuds, armement 12 canons rayĂ©s de 68 livres (162 mm), 1 canon de 9 livres.
Goélettes

Chili

Corvette
  • Esmeralda (es) – construction en 1854 en Angleterre, tonnage 854 tonnes, vitesse 8 nƓuds, armement 20 canons de 32 livres
Goélettes
  • Covadonga (es) – navire pris aux Espagnols (voir plus haut)
  • MaipĂș (es) – Construction en 1855, tonnage 450 tonnes, vitesse 8 nƓuds, armement 1 canon de 68 livres et 4 canons de 32 livres

Notes et références

  1. Jean-Baptiste Serier, Les barons du caoutchouc, Karthala, coll. « Économie et dĂ©veloppement », , 194 p. (ISBN 978-2-84586-029-2, lire en ligne), p. 56.

Voir aussi

Articles connexes

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