Coupe rase
Les expressions « coupe rase », « coupe à blanc », « coupe blanche », « coupe totale » et « coupe à blanc-étoc » désignent, en sylviculture, un mode d'aménagement sylvicole passant par l'abattage de la totalité des arbres d'une exploitation forestiÚre. Cette coupe peut se faire par blocs, par bandes ou par parcelles.
Plusieurs types de coupes forestiĂšres sont pratiquĂ©s. Elles peuvent ĂȘtre divisĂ©es essentiellement en deux types : les coupes totales et les coupes partielles (avec notamment la coupe claire ou coupe d'Ă©claircie qui consiste Ă Ă©liminer les arbres en surnombre pour favoriser les arbres Ă maintenir), chacune ayant des variantes. Le type d'essence et l'objectif de production ou d'amĂ©nagement forestier dĂ©terminent finalement le traitement choisi.
Les coupes rases sont nécessaires lorsque l'on veut changer l'essence en place ou que l'on veut défricher. La méthode la plus opposée à la coupe rase est la coupe de jardinage adaptée à la « gestion en futaie jardinée ». Une méthode intermédiaire serait la culture du taillis sous futaie, gestion désuÚte. Les coupes de régénération en futaies réguliÚres s'appellent « coupes progressives » et ne sont pas des coupes rases.
ĂlĂ©ments de dĂ©finition
Ils varient selon les époques et les entités sylvicoles ou administratives. Par exemple :
- En Suisse, les forestiers parlent de coupe rase quand tous les arbres de plus de 8 cm de diamÚtre sont coupés dans un peuplement, sur au moins 0,5 hectare d'un seul tenant et si le rajeunissement préétabli (régénération naturelle, jeunes plants) représente moins de 30 % de la surface coupe. Le rajeunissement préétabli est estimé aprÚs la coupe et ne comprend que des plants viables[1]
- En France, l'IFN nuance entre « coupes fortes » (quand plus de 50 % de l'étage dominant est coupé) et « coupes rases », et selon l'objectif de la coupe (en distinguant les « coupes définitives de régénération naturelle » des « coupes de taillis » et des « coupes en attente de plantation depuis moins de 5 ans »)[2].
L'IFN parle de coupe « de grande taille » à partir de 25 ha « compte tenu de la sensibilité paysagÚre locale » ;Quand une coupe à blanc précÚde un changement d'affectation du sol, on parle plutÎt de « défrichement » (qui doit faire l'objet de procédures d'autorisation généralement plus difficiles et plus longues).
Coupes rases comme indicateur
Les coupes fortes (plus de 50 % de l'Ă©tage dominant) et les coupes rases (100 % de l'Ă©tage dominant) constituent l'un des indicateurs de gestion durable des forĂȘts suivis en France par l'IFN [2]. Cet indicateur est prĂ©cisĂ© pour toutes les « forĂȘts inventoriĂ©es disponibles pour la production » en rĂ©partissant les donnĂ©es pour trois catĂ©gories de statut de propriĂ©tĂ© : forĂȘts domaniales, autres forĂȘts publiques relevant du rĂ©gime forestier et privĂ©es, y compris quand il s'agit de peupleraies.
Figurent aussi dans cet inventaires les « accidents datant de moins de 5 ans »[2] ;
Ces indicateurs sont utilisĂ©s dans le cadre de l'Ă©valuation des impacts de la gestion sur la biodiversitĂ© forestiĂšre, mais prĂ©sentent aussi un intĂ©rĂȘt pour le paysage, les atlas des paysages les Ă©tudes hydrologiques, etc.[2].
- Les coupes rases : elles sont plus ou moins pratiquĂ©es selon les rĂ©gions (avec un rapport de 1 Ă 3) : pour la pĂ©riode 1980-1988, elles sont 3,6 fois plus utilisĂ©es en forĂȘt landaise que dans la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne française[2].
Ainsi, selon l'IFN en France mĂ©tropolitaine 91 300 hectares ont chaque annĂ©e fait l'objet de coupes Ă blanc (pour la pĂ©riode comprise entre les 2 inventaires de 1980 et 1988) ; 23 000 has/an ont fait l'objet de coupes dĂ©finitives de rĂ©gĂ©nĂ©ration naturelle, et les coupes ayant l'impact visuel le plus fort ont touchĂ© 46 000 hectares/an : il s'agit des coupes rases suivies de plantation, des coupes de taillis et des coupes rases en attente. Durant la mĂȘme pĂ©riode, 14 000 hectares ont Ă©tĂ© dĂ©frichĂ©s par an (dont 12 700 has en forĂȘt privĂ©e)[2]
Pour la pĂ©riode 1980-1988, Ce sont 0,7 % de toute la forĂȘt qui ont Ă©tĂ© coupĂ©es Ă blanc chaque annĂ©e (en extrapolant, ce serait 7 % par dĂ©cennie et 70 % par siĂšcle Ă ce rythme, ce qui Ă©voque une tendance aux courtes rĂ©volutions)[2].
En huit ans (de 1980 à 1988), sur un total de 27 130 chantiers de coupes rases, l'IFN a compté 18 890 petites coupes rases (moins de 1ha), 860 coupes rases de 10 à 25ha et 150 coupes rases de 25 à 40ha, et 100 coupes rases de plus de 40 ha[2].
- Les coupes de grande taille (>25 ha) : pour 1980-1988, elles ont comptĂ© pour moins de 1 % du nombre de chantiers, mais leur impact visuel est proportionnellement bien plus important puisqu'elles ont couvert « 18 % de la surface annuelle des coupes finales de rĂ©gĂ©nĂ©ration et de taillis »[2]. Quatre coupes de plus de 40 ha ont Ă©tĂ© justifiĂ©es par un chablis (grand Sud-Ouest ; chablis de 1976-1977), un gel (1985 en rĂ©gion Centre et Normandie), des dĂ©pĂ©rissements de pins et hĂȘtres (dans l'Est aprĂšs 1984 et dans le Massif Central aprĂšs 1982)[2].
- En termes gĂ©ographiques : la coupe rase est la plus pratiquĂ©e par la sylviculture du pin maritime dans le Grand Sud-Ouest (1,1 % de la forĂȘt a Ă©tĂ© coupĂ©e Ă blanc chaque annĂ©e). C'est ensuite dans le Quart Nord-Ouest qu'elle est le plus utilisĂ© (0,8 % de la forĂȘt) puis lĂ oĂč l'industrie forestiĂšre s'est rĂ©cemment dĂ©veloppĂ©e (Massif Central : 0,6 %)[2]. Elle est moins utilisĂ©e dans les zones de tradition forestiĂšre oĂč la forĂȘt jardinĂ©e est plus courante (Est : 0,6 %) et encore moins dans la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne (0,3 %)[2].
Les gestionnaires privĂ©s (qui traitent 74 % de la forĂȘt de France) l'utilisent autant que la forĂȘt publique, mais avec des nuances concernant les suites donnĂ©es Ă la coupe (78 % des coupes dures ou rases sont des coupes finales de rĂ©gĂ©nĂ©ration et de taillis (la plaine) (1, 2, 3) contre 74 % en forĂȘt domaniale et 70 % dans les autres forĂȘts publiques)[2].
Perception des coupes rases par le public
Elle varie beaucoup selon la surface de la coupe, et selon sa visibilité dans le paysage.
Concernant les grandes coupes, dans le monde, les populations autochtones vivant en forĂȘt les considĂšrent gĂ©nĂ©ralement comme l'atteinte la plus grave qu'on puisse faire Ă la forĂȘt et une atteinte grave aux droits des peuples autochtones, surtout si elle est suivie d'une conversion en terrain agricole ou d'une mise en eau pour un grand barrage.
Dans les forĂȘts exploitĂ©es des pays riches, les promeneurs, usagers ou riverains des forĂȘts la considĂšrent souvent Ă©galement comme une atteinte dure Ă l'Ă©cosystĂšme forestier et au paysage, mĂȘme quand ils savent qu'elle sera suivie de plantations.
Ainsi, en France une enquĂȘte du CREDOC (1995-1996) a portĂ© sur l'opinion concernant lâenvironnement et la forĂȘt, 31 % des sondĂ©s ont dit trouver les coupes rases trop nombreuses[3]. C'Ă©tait le second motif de reproche fait Ă la gestion forestiĂšre, aprĂšs un entretien insuffisant des forĂȘts (59 %). Et 22 % des personnes interrogĂ©es ont Ă©galement critiquĂ© l'impact de la sylviculture sur paysages (5e motif de reproche)[3].
Durant les annĂ©es 2000, la contestation des coupes rases par les citoyens ne faiblit pas. De mĂȘme, les Ă©lus locaux, par exemple dans le Parc naturel rĂ©gional du Morvan, souhaitent vivement rĂ©guler ces pratiques. Ces souhaits sont relayĂ©s par l'association « CanopĂ©e ForĂȘts Vivantes » et le collectif « SOS ForĂȘts » qui lance en juin 2020, une campagne nationale contre les coupes rases en forĂȘt[4].
Surface concernée en France
MalgrĂ© le manque de statistiques, chaque annĂ©e et de maniĂšre relativement constante depuis une vingtaine d'annĂ©es, environ 1% de la surface de forĂȘt française serait concernĂ©e par cette pratique[5] - [3]. La surface moyenne affectĂ©e est gĂ©nĂ©ralement faible (moins de 4 hectares, 5-6 hectares pour certaines essences dans les Landes)[6].
Impacts, avantages et inconvénients
Il n'y a pas de consensus sur les impacts de cette méthode ni sur son coût global lorsqu'il est comparé à ce que coûterait une gestion en futaie jardinée, hétérogÚne et mélangée dans un contexte équivalent des points de vue biogéographique et de contraintes liées au relief et à la desserte des parcelles.
Avantages
Les pratiquants de la coupe Ă blanc apprĂ©cient sa facilitĂ© de mise en Ćuvre et de dĂ©bardage grĂące Ă la mĂ©canisation des opĂ©rations. Elle facilite une rationalisation des travaux d'entretien en permettant un reboisement facilitĂ© sur un sol plus facile Ă prĂ©parer et dĂ©barrassĂ© des obstacles, ainsi que la gestion future des arbres alignĂ©s et groupĂ©s en parcelles. Par ailleurs :
- Le maintien de bandes boisées sur les lisiÚres de coupes à blanc permet d'atténuer les impacts paysagers, ce qui est obligatoire au Canada. De plus, ces coupes, si elles ne sont pas trop vastes, peuvent jouer le rÎle de clairiÚres artificielles offrant un habitat de substitution à certaines espÚces des milieux ouverts. Des études ont montré que la faune des milieux ouverts colonise rapidement les coupes rases, mais hormis pour quelques espÚces (engoulevent en Europe par exemple), il s'agit souvent d'espÚces ubiquistes, résistantes et non menacées, avec un impact sur les oiseaux nicheurs forestier variant selon l'ùge et la taille de la trouée créée par la coupe rase[7] ;
- Dans les forĂȘts Ă©quiennes de rĂ©sineux en plaine (par exemple de pins maritimes dans les Landes de Gascogne), les coupes rases amĂ©liorent le paysage en crĂ©ant un effet mosaĂŻque qui ouvre des vues diverses, sur les parcelles avoisinantes voire souvent sur un horizon plus lointain ;
- Cette méthode est réputée pour permettre la gestion forestiÚre financiÚrement la plus avantageuse, à court ou moyen terme.
- Les coupes rases peuvent ĂȘtre utilisĂ©es pour aider Ă rĂ©gĂ©nĂ©rer des espĂšces dans certaines forĂȘts (tremble et pin gris). La coupe Ă blanc peut Ă©galement entraĂźner une augmentation de la diversitĂ© des plantes vasculaires[8].
Inconvénients
Les détracteurs de l'exploitation par coupe rase lui reprochent divers impacts environnementaux négatifs, dont :
- une perturbation anormale et brutale de l'écosystÚme forestier (faune[7], flore, fonge, systÚmes épiphytiques, flore microbienne du sol) ; notamment due à la disparition de l'effet-tampon microclimatique de la canopée, les chocs thermiques et le vent étant trÚs exacerbés sur les coupes rases, ce qui semblent favorable à une moindre résilience écologique et aux attaques d'insectes[9], alors qu'une partie de la faune du sol (notamment celle qui vit en surface ou dans la couche la plus superficielle du sol forestier) peine à se reconstituer (Les impacts semblent faibles pour les Enchytraeidae ou les collemboles, mais sont encore nettement mesurables pour les macroarthropodes 10 ans aprÚs la coupe (50 % de perte par rapport au sol témoin[10]) ;
- Un impact nĂ©gatif sur les nutriments et le puits de carbone stockĂ© dans le sol (jusquâĂ 30 %) et la partie aĂ©rienne de l'Ă©cosystĂšme forestiers [alors que lâĂ©vitement des coupes rases (dans le cas d'une « Sylviculture IrrĂ©guliĂšre, Continue et Proche de la Nature » ou SICPN), est donc trĂšs favorable au stockage du carbone, car Ă©vitant le lessivage et/ou la minĂ©ralisation de la matiĂšre organique du sol induites par les coupes rases. La SICPN permet aussi de conserver plus de carbone dans le vieux bois mort debout et dans les autres bois morts sur pied ou au sol][11] ;
- Par le choc climatique qu'elle crĂ©e, la coupe rase accroĂźt le risque d'une mauvaise rĂ©gĂ©nĂ©ration des essences prĂ©cieuses, ce qui justifie une rĂ©gĂ©nĂ©ration artificielle coĂ»teuse et gĂ©nĂ©rant elle-mĂȘme d'autres risques, notamment liĂ©s Ă la perte de diversitĂ© gĂ©nĂ©tique et Ă l'absence de sĂ©lection naturelle des plants introduits et des risques sanitaires, alors que mĂȘme le chĂȘne peut se rĂ©gĂ©nĂ©rer dans une forĂȘt gĂ©rĂ©e sans coupe rase[12] ;
- compaction, et parfois érosion des sols, ce qui est défavorable à une bonne régénération naturelle et au bon ancrage des arbres plantés[13] - [14] ;
- en fonction de la qualité du sol, du degré de pente et de facteurs climatiques, cette pratique forestiÚre peut conduire à une modification profonde et brutale des mécanismes de ruissellement et du cycle de l'eau, pouvant provoquer une érosion et dégradation des couches superficielles du sol, riches en nutriments, qui se traduit par une pollution ou dégradation des cours d'eau localement et en aval ;
- la construction de routes forestiĂšres sur des versants abrupts provoque une augmentation du dĂ©pĂŽt de sĂ©diments fins sur le gravier des frayĂšres, l'impact le plus important des exploitations forestiĂšres sur les bassins hydrographiques abritant des salmonidĂ©s[15]. L'apport excessif et irrĂ©gulier de limons dans le cours des riviĂšres provoque de plus une instabilitĂ© des zones propices Ă lâĂ©tablissement des frayĂšres[16].
- une dégradation des sols par le passage d'engins lourds (abatteuse, débardeur, débusqueur) sur la parcelle mise à nu[17] ;
- un impact sur les amphibiens, dont les salamandres[18] ;
- en cas d'incendie, la régénération post-incendie se fait mieux, et avec plus de biodiversité quand il n'y a pas eu de coupes rases avant le passage du feu[19] ;
- la coupe rase encourage et facilite un « traitement rĂ©gulier » de futaies monospĂ©cifiques et Ă©quiennes, jugĂ© dĂ©favorable Ă l'expression de toute la diversitĂ© Ă©cologique des forĂȘts, en ne permettant pas au cycle sylvigĂ©nĂ©tique normal et complet de s'accomplir (car il nĂ©cessite le maintien d'un nombre suffisant d'arbres sĂ©nescents et de trĂšs vieux et gros arbres, sources durables et diffuses de bois-mort[11]) ;
- la coupe rase semble favoriser la diffusion d'espÚces invasives, d'autant plus que la trouée dans la canopée est vaste ou mise en connexion avec d'autres[20].
Histoire
La coupe rase est le mode d'exploitation des coupe de taillis en vigueur depuis l'ordonnance de 1669[21]. AprĂšs la PremiĂšre Guerre mondiale, les coupes sont plus rapides, sur des parcelles plus grandes, avec beaucoup moins de main d'Ćuvre, grĂące Ă l'apparition d'engins motorisĂ©s capables de se dĂ©placer en forĂȘt : engins Ă chenilles dans un premier temps, dĂ©veloppĂ©s Ă partir des techniques utilisĂ©es pour les chars d'assaut lors de la PremiĂšre Guerre mondiale.
La coupe rase est ensuite devenue usuelle en AmĂ©rique du Nord et en Europe, dans les plaines d'abord, notamment lors de l'exploitation de peuplements rĂ©sineux monospĂ©cifiques comme le massif landais et de peupleraies, car ce mode d'exploitation est le plus adaptĂ© aux nombreuses contraintes liĂ©es Ă l'exploitation des forĂȘts conduites en futaies Ă©quiennes et monospĂ©cifiques. Elle a ensuite servi de modĂšle en zone tropicale pour les plantations d'hĂ©vĂ©as, puis de palmier Ă huile.
Elle reste toutefois frĂ©quent dans des pays aux grandes ressources forestiĂšres et Ă faible densitĂ© de population comme la Finlande, le Canada, les Ătats-Unis, et de plus en plus souvent avec des moyens mĂ©caniques uniquement adaptĂ©s Ă des arbres de petit diamĂštre (combinĂ©s d'abattage + matĂ©riel de dessouchage). En zone tropicale et en forĂȘt primaire (BrĂ©sil, Bassin du Congo, IndonĂ©sie⊠) : l'intervention humaine (bĂ»cheron) reste importante, mais des monocultures secondaires font l'objet de traitement mĂ©canisĂ©.
En Allemagne, le mouvement contre la coupe rase et la rĂ©gĂ©nĂ©ration artificielle remonte au milieu du XIXe siĂšcle. Les tentatives de gestion des forĂȘts d'une maniĂšre plus naturelle se rapportent Ă©galement en partie Ă des systĂšmes de sĂ©lection plus anciens utilisĂ©s dans certaines parties de la France, de l'Allemagne, de l'Autriche et de la SlovĂ©nie, et le systĂšme de futaie jardinĂ©e (« Plenterwald ») pratiquĂ© dans certaines parties de la Suisse. Au XXe siĂšcle, le dĂ©bat a Ă©tĂ© enrichi par le mouvement « Dauerwald » et, plus tard, par des discussions sur l'imitation des rĂ©gimes de perturbations naturelles dans la gestion forestiĂšre[22].
LĂ©gislation
Pour différentes raisons, un nombre croissant de pays ont au XXe siÚcle légiféré sur les tailles maximales autorisées pour les coupes à blanc ou coupes dures.
Ă titre d'exemple :
- En Suisse, la coupe rase est interdite par la loi fĂ©dĂ©rale sur les forĂȘts depuis 1876, en rĂ©action Ă un siĂšcle dâexploitation massive des forĂȘts de montagne qui a engendrĂ© de terribles inondations). Une ordonnance prĂ©cise quâune telle intervention soumet le sol « aux conditions Ă©cologiques des terrains dĂ©couverts ou provoque des inconvĂ©nients graves pour la station ou les peuplements voisins » [23]. De plus en 1991, la loi forestiĂšre souligne que « les coupes rases et toutes les formes dâexploitation dont les effets pervers peuvent ĂȘtre assimilĂ©s Ă ceux des coupes rases sont inadmissibles ».
- En Belgique, il existe une surface maximale aux coupes rases ;
- En Allemagne, le land de RhĂ©nanie-du-Nord-Westphalie a en 1995 interdit par dĂ©cret toute coupe rase de plus de 1 hectare en forĂȘt privĂ©e, (sauf dĂ©rogation pouvant ĂȘtre accordĂ©e dans le cadre d'une loi votĂ©e en 1995)[3]. La lĂ©gislation est encore plus restrictive Ă l'Ă©gard de la forĂȘt publique ; la coupe ne doit pas dĂ©passer 0,3 hectare en forĂȘt domaniale (dĂ©cret de 1991). Ă la fin du XXe siĂšcle, presque tous les lands ont votĂ© une lĂ©gislation plus restrictive sur la surface maximale des coupe[3] ;
- Au Royaume-Uni, toute coupe de plus de 5 m3 de bois nĂ©cessite une licence octroyĂ©e par la Forestry Commission, ou un plan de gestion validĂ© par cette mĂȘme commission[3] ;
- En Autriche, depuis 1975 (avec amendements en 1987), la loi interdit les coupes de 0,5 hectare n'ayant pas fait l'objet d'une autorisation spéciale. Et toute coupe de plus de 2 hectares est interdite ;
- En France, le cadre rĂšglementaire principal est le code forestier, mais dans certains cas, une coupe (rase ou non) peut ĂȘtre interdite ou nĂ©cessiter une dĂ©claration ou une autorisation. Ces cas se rĂ©fĂšrent au code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts (en cas d'avantages fiscaux cf. par ex. : "rĂ©gime Monichon" ; rĂ©duction de lâISF, etc.), le code de l'environnement ou encore le code de l'urbanisme pour des cas particuliers (aire protĂ©gĂ©e, forĂȘt de protection, travaux publics, etc. De plus, « toute coupe rase de plus de 1 hectare, dans tout massif de plus de 2,5 hectares, doit ĂȘtre suivie d'une reconstitution (par plantation ou rĂ©gĂ©nĂ©ration naturelle) dans les 5 ans ». Dans le cas de coupes nĂ©cessitant des mesures compensatoires (Ă la suite d'une enquĂȘte publique) la surface Ă reboisĂ©e peut ĂȘtre le double, quadruple voire plus, selon l'importance Ă©cologique et patrimoniale des parcelles dĂ©truites.
Ă la fin du XXe siĂšcle, les impacts Ă©cologiques et paysagers rĂ©els ou supposĂ©s sont un des premiers reproches faits au forestiers (cf EnquĂȘte CREDOC)[3].
En 1996-1997, alors mĂȘme que l'Inventaire forestier national (IFN) prĂ©parait un bilan chiffrĂ©[3], la Direction de lâEspace rural et de la ForĂȘt du ministĂšre de l'agriculture commandait une Ă©tude bibliographique sur les impacts des coupes rases[3], qui a servi prĂ©parer une Ă©valuation publiĂ©e en 1999 dans la Revue forestiĂšre[3]. Selon C Barthod, la France et la Finlande ont prĂ©fĂ©rĂ© ne pas lĂ©gifĂ©rer et faire confiance en la « grande capacitĂ© des acteurs forestiers Ă prendre conscience des impacts de leurs dĂ©cisions et Ă adapter en consĂ©quence leurs choix sylvicoles »[3].
En Bourgogne, l'association Autun Morvan Ecologie [24] a lancĂ© en 2003 un groupement forestier ouvert Ă la souscription (le GFSFM[25]) afin d'acquĂ©rir des forĂȘts feuillues dans le Morvan pour freiner l'enrĂ©sinement de la rĂ©gion et pour sauver la forĂȘt de la coupe rase. Ce groupement forestier gĂ©rait en 2011 prĂšs de 170 hectares en Morvan.
En juillet 2020 une proposition de loi interdisant les coupes rases de plus de 2 hectares est déposée par la députée Mathilde Panot.
Chartes, labels
En France, l'Ă©cosociolabel FSC (Forest Stewardship Council) les interdit sauf sur de trĂšs petites surfaces et s'il y a rĂ©gĂ©nĂ©ration naturelle privilĂ©giĂ©e, sauf pour lâĂ©corĂ©gion des Landes de Gascogne oĂč le seuil est portĂ© Ă 25 ha compte-tenu du contexte environnemental, social et Ă©conomique particulier de cette rĂ©gion.
D'autres labels recommandent aux forestiers de les éviter ou de réduire leurs superficies.
Limitation des impacts des coupes rases
Quelques dispositions permettent d'en limiter les impacts négatifs :
- la programmation Ă©cologiquement pertinente des dates de coupe et de dĂ©bardage. Par exemple, hors des pĂ©riodes de reproduction, et quand le sol est gelĂ©, dans les pays oĂč cela est possible ; la programmation des coupes en pĂ©riode de gel dans les pays froids permet de prĂ©venir le tassement du sol, les sols humides ou Ă texture majoritairement limoneuse y Ă©tant particuliĂšrement exposĂ©s, avec des impacts nĂ©gatifs qui peuvent perdurer plusieurs dĂ©cennies ;
- la protection physique des cours d'eau, par busage notamment, et la rationalisation de la circulation des engins ;
- la conservation au moins provisoire d'une lisiÚre de quelques mÚtres à quelques dizaines de mÚtres, et la protection de zones refuges pour les animaux, dans les fonds humides en particulier ; les arbres ainsi épargnés pouvant servir de porte-graines utiles pour une régénération naturelle, et conservant un paysage plus forestier, jouant éventuellement un rÎle de corridor biologique et de bande protectrice pour les cours d'eau, lacs, et autres zones humides ;
- le choix du type d'engins de chantier et de dĂ©bardage, ainsi que la gestion des pistes ou routes forestiĂšres associĂ©es aux coupes qui ont Ă©galement un impact environnemental, notamment en matiĂšre de fragmentation Ă©cologique des forĂȘts ;
- l'impact "psychologique" peut ĂȘtre limitĂ© par une information du public sur les pratiques de gestion. Des panneaux et actions de sensibilisation expliquent que les coupes sont ou seront suivies de plantations ou d'une rĂ©gĂ©nĂ©ration naturelle ;
- au QuĂ©bec, depuis 1995, dans les forĂȘts du domaine de l'Etat, afin d'assurer le rĂ©gĂ©nĂ©ration naturelle, les coupes rases se font suivant des modalitĂ©s dites de « coupe avec protection de la rĂ©gĂ©nĂ©ration et des sols ».
Atténuation des effets de la coupe à blanc
La taille et la forme (non géométrique) de cette trouée évoquent celle d'un clairiÚre naturelle. Les impacts microclimatiques seront atténués. La surface a été modérément travaillée pour y faciliter la circulation. Quelques rémanents et du bois mort ont été conservés
Elle porte sur la protection des sols et des cours d'eau durant le chantier, les dates de chantier (pour Ă©viter les pĂ©riodes de reproduction, et celles oĂč le sol est plus vulnĂ©rable au tassement (l'idĂ©al de ce point de vue Ă©tant de travailler sur sol gelĂ©).
Le maintien de bouquets d'arbres, de bois mort, de rémanents dispersés et de toute taille et de toute nature, de zones refuges et de zones tampons peuvent aussi atténuer les impacts d'une coupe, notamment le long de ripisylves ou autour de zones humides[26].
Alternatives
La SlovĂ©nie, soutenue par la FAO, a appliquĂ© aprĂšs la Seconde Guerre mondiale une nouvelle politique forestiĂšre avec interdiction des coupes rases et l'indroduction de chĂšvres d'Ă©levage en forĂȘt, tout en encourageant une sylviculture dite "proche de la nature"[27], avec encouragement Ă la gestion communautaire des massifs appartenant Ă de multiples propriĂ©taires. Ceci s'est traduit par une forte augmentation des rendements (Volume producteur Ă lâhectare passĂ© de 130 m3 en 1947 Ă 290 m3 en 2008 ; Accroissement passĂ© de 2,9 m3/ha/an en 1947 Ă 6,2 m3/ha/an en 2003, pour un taux de rĂ©gĂ©nĂ©ration naturelle de 98 % en 2005)[27].
Des auteurs tels que Marie-Stella Duchiron[28] - [29] ou Brice de Turckheim[30] - [31] prĂŽnent le dĂ©veloppement de mĂ©thodes alternatives Ă©prouvĂ©es, telle que la gestion de forĂȘt conduite en structure irrĂ©guliĂšre, notamment par la mĂ©thode Pro Silva de « Sylviculture IrrĂ©guliĂšre, Continue et Proche de la Nature » (SICPN), qui part des coupes « pied Ă pied » ou « en bouquet » ne prĂ©lĂšvent que les arbres Ă l'optimum de leur maturitĂ©. Ils jugent sur la base d'Ă©tudes comparatives que de telles exploitations sont plus respectueuses de l'environnement tout en restant Ă©conomiquement intĂ©ressantes, mĂȘme si elles entraĂźnent un apparent surcoĂ»t par appel Ă une main d'Ćuvre plus importante et plus qualifiĂ©e et l'impossibilitĂ© de recourir Ă tous les bĂ©nĂ©fices de la mĂ©canisation.
Dans un contexte de crise climatique oĂč la rĂ©silience Ă©cologique prend une importance croissante, et dans un contexte d'augmentation du prix du bois de chauffage liĂ© Ă l'augmentation des prix du pĂ©trole et de dĂ©veloppement des chaudiĂšres-bois, le taillis sous futaie peut retrouver une nouvelle rentabilitĂ©. Et ce taillis sous futaie peut alors ĂȘtre converti en futaie irrĂ©guliĂšre, mĂȘme dans les chĂȘnaies, et en conservant la rĂ©gĂ©nĂ©ration du chĂȘne[32].
Ces mĂ©thodes, autres que la coupe rase, ont longtemps Ă©tĂ© jugĂ©es plus difficiles Ă mettre en Ćuvre Ă grande Ă©chelle dans les pays possĂ©dants d'immenses espaces forestiers, comme la France et la Pologne.
Notes et références
- CRPF, Limousin, Fiche pédagogique La sylviculture sans coupe rase
- MinistĂšre de lâagriculture et de la pĂȘche et Inventaire forestier national (2000), les indicateurs de gestion durable des forĂȘts françaises (Document français de mise en Ćuvre des dĂ©cisions des pays participant aux confĂ©rences ministĂ©rielles pour la protection des forĂȘts en Europe), Ădition 2000 ;
- Barthod, C. Pignard, G. GuĂ©rin, F. (1999), Coupes fortes et coupes rases dans les forĂȘts françaises ; Revue forestiĂšre française ; 01/10/1999 ; 1999-004 ; (ISSN 0035-2829), PDF, 18p
- « Lancement d'une campagne nationale contre les coupes rases », (dont lien vers un dossier de presse de 12 p.), sur canopee-asso.org, (consulté le )
- Sylvain Angerand, « La coupe rase, une pratique controversée et peu encadrée », sur canopee-asso.org, (consulté le )
- « BiodiversitĂ© et coupes rases en forĂȘt, Ă©levons le dĂ©bat », sur La Tribune, 2022-06-16cest17:28:00+0200 (consultĂ© le )
- G Brazaitis & al. (2005), Age-related effects of clear-cutâold forest edges on bird communities in Lithuania Journal of Forest Ed:Taylor & Francis
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- Marie-Stella Duchiron (accÚs au sommaire), Gestion des futaies irréguliÚres et mélangées, Auto-édition, , 320 p. (présentation en ligne)
- Marie-Stella Duchiron est docteur en sciences forestiĂšres, ingĂ©nieur du GĂ©nie Rural, des Eaux et des ForĂȘts (ENGREF de Nancy, 1985), consultant-chercheur en Ă©cologie et gestion forestiĂšres ; elle a Ă©tĂ© formĂ©e Ă la facultĂ© forestiĂšre de lâuniversitĂ© de Göttingen et tente de plaider en France la cause de la futaie irrĂ©guliĂšre ; elle est membre fondateur de l'association française Pro Silva.
- Brice de Turckheim et Bruchiamacchie (Max), La futaie irréguliÚre : Théorie et pratique de la sylviculture irréguliÚre, continue et proche de la nature., Avignon, Edisud, , 282 p. (présentation en ligne)
- Brice de Turckheim (1930-2013) a été le cofondateur de l'association Pro Silva en 1989 et le fondateur de Pro Silva France en 1990
- Conversion d'un taillis-sous futaie (Note du CRPF de Bourgogne] [PDF] 282,8 ko
Voir aussi
Articles connexes
- ForĂȘt, cycle sylvigĂ©nĂ©tique
- Sylviculture, amĂ©nagement forestier, gestion prosilva, ForĂȘt modĂšle
- ForĂȘt tropicale, forĂȘt par pays, taĂŻga et forĂȘt amazonienne (les plus grandes forĂȘts vierges au monde)
- Essence forestiĂšre
- Futaie
- Ăcologie des insectes forestiers, scolytinae, saproxylophages
- Agroforesterie
- Institut europĂ©en de la forĂȘt