ChĂȘnaie
Une chĂȘnaie est une forĂȘt oĂč prĂ©domine le chĂȘne.
Ătymologie
Le mot chĂȘne est issu du gaulois °cassanos, par l'intermĂ©diaire d'une forme gallo-romane °CASSANU. Ce mot, attestĂ© par le bas latin cassinus et le latin mĂ©diĂ©val casnus, est Ă l'origine de l'ancien français chasne, dont les formes chaisne, chesne ainsi que les variantes dialectales caisne, quesne, etc., reprĂ©sentent des altĂ©rations prĂ©coces, d'aprĂšs le mot fresne « frĂȘne », autre grand arbre sacrĂ© des forĂȘts tempĂ©rĂ©es[1]. L'Ă©tymologie du gaulois °cassanos est incertaine, car il ne possĂšde aucun Ă©quivalent direct dans les langues celtiques, et les divers rapprochements proposĂ©s pour en rendre compte restent peu probants (celui avec l'adjectif gaulois °« bouclĂ©s », ferait rĂ©fĂ©rence Ă la sinuositĂ© et l'entremĂȘlement des branches des plus grands chĂȘnes, chĂȘne signifiant alors « le touffu, l'enchevĂȘtrĂ© »[2]) ; son origine est peut-ĂȘtre prĂ©celtique[3].
L'adjonction du suffixe gallo-roman -ÄTU, servant Ă dĂ©signer un ensemble d'objets (le plus souvent de vĂ©gĂ©taux) de mĂȘme espĂšce, est Ă l'origine de l'ancien français chesney, chesnay, nom masculin. La variante fĂ©minine -ÄTA explique le type fĂ©minin chesnaie > chĂȘnaie.
Toponymie
Les toponymes le Chagney, les ChĂąnats,[4] les Chanays, ChĂ©nas, Le Chesnay, Chessenaz, ChĂȘnĂ©e, le Quesnoit, Le Quesnoy, etc. sont des variantes rĂ©gionales du dĂ©rivĂ© collectif en -ÄTU, et signifient « chĂȘnaie ». Cassagne, Cassaber sont des formes mĂ©ridionales de mĂȘme signification, mais de dĂ©rivation diffĂ©rente.
Utilisations
Dans les chĂȘnaies conduites en taillis, les chĂȘnes sont recĂ©pĂ©s tous les 20 Ă 30 ans. Ensuite, les troncs sont Ă©corcĂ©s et l'Ă©corce est sĂ©chĂ©e. L'Ă©corce des chĂȘnes sĂ©chĂ©e est le tan.
Il contient des produits tannants que l'on peut par exemple utiliser pour tanner le cuir et Ă des fins mĂ©dicinales (bains, crĂšmes, etc. ou bien pour des produits digestifs). Auparavant, on utilisait non seulement l'Ă©corce, mais aussi tout le reste du bois, mĂȘme les branches les plus petites, qui Ă©tait rĂ©duites en bois de chauffage. Ensuite, on semait des cĂ©rĂ©ales (d'abord du seigle, puis du sarrasin) Ă une ou deux reprises, que l'on rĂ©coltaient par la suite. Il s'agissait donc d'une exploitation intensive de la forĂȘt et, de cette maniĂšre, le bois et le sol se voyaient continuellement retirer de la biomasse et des substances nutritives.
Sur les parcelles fraĂźchement dĂ©boisĂ©es, les chĂȘnaies se dĂ©veloppent en plusieurs Ă©tapes. Les rhizomes des chĂȘnes peuvent bourgeonner Ă nouveau. C'est ce phĂ©nomĂšne qui est Ă l'origine de l'image typique des taillis de chĂȘnes, composĂ©s de diffĂ©rents troncs issus d'un seul rhizome. Ătant donnĂ© que ces troncs Ă©taient Ă nouveau abattus aprĂšs 20 Ă 30 ans, les arbres ne pouvaient pas dĂ©passer le stade du taillis. AprĂšs 200 ou 250 ans, les rhizomes Ă©taient trop vieux pour bourgeonner. Ă ce moment-lĂ , ils devaient ĂȘtre remplacĂ©s par de nouveaux chĂȘnes.
MĂȘme si (ou bien justement parce que) les taillis de chĂȘne ne sont pas "vĂ©ritablement naturels", ils constituent une communautĂ© d'espĂšces trĂšs diversifiĂ©e. Chaque annĂ©e, seul un vingtiĂšme de la surface totale Ă©tait recĂ©pĂ©. Ătant donnĂ© que la plupart des taillis de chĂȘnes se trouvaient sur des propriĂ©tĂ©s privĂ©es, on assistait au dĂ©veloppement d'une vĂ©ritable mosaĂŻque de petites surfaces qui se diffĂ©renciaient les unes des autres par l'Ăąge des arbres qu'elles portaient. En mĂȘme temps, la faune et la flore qui les peuplaient variaient en fonction de l'Ăąge des taillis. Les taillis de chĂȘnes exploitĂ©s offraient dĂšs lors un espace vital Ă une trĂšs grande variĂ©tĂ© d'espĂšces animales et vĂ©gĂ©tales.
Dans le Kiischpelt (Luxembourg), on peut observer ce phĂ©nomĂšne sur les nombreuses parcelles dont les taillis de chĂȘnes sont Ă nouveau exploitĂ©s depuis une bonne dizaine d'annĂ©es. Certaines espĂšces animales, comme le chat sauvage et la gĂ©linotte des bois, ont besoin de ce type d'espace vital diversifiĂ©.
Dans le canton de GenĂšve (Suisse), depuis les annĂ©es 1950, l'exploitation en taillis a rĂ©gressĂ©, permettant la croissance de plus de grands arbres et une diversification de la flore du sous-bois[5]. Par une Ă©claircie sĂ©lective, les forĂȘts publiques Ă©voluent vers la futaie[6]. L'utilisation est devenue plus rĂ©crĂ©ative. Depuis les annĂ©es 1990, l'intĂ©rĂȘt pour les Ă©nergies renouvelables a motivĂ© une reprise de l'exploitation forestiĂšre pour le bois de chauffage, en mĂ©nageant toutefois assez de vieux arbres pour leur majestĂ© et comme porte-graines.
La chĂȘnaie dans la littĂ©rature
- Le chapitre 6 du roman de Gaston Leroux Le MystĂšre de la chambre jaune est nommĂ© : Au fond de la chĂȘnaie.
Types spécifiques
En fonction de l'espĂšce de chĂȘne, on peut distinguer :
- lâyeuseraie ou yeusaie, plantĂ©e de chĂȘnes verts (Quercus ilex),
- la suberaie, plantĂ©e de chĂȘnes-liĂšges (Quercus suber),
- la rouvraie, plantĂ©e de chĂȘnes rouvres (Quercus petraea).
En fonction des espĂšces de chĂȘnes et des espĂšces associĂ©es, on peut distinguer :
- les chĂȘnaies Ă charmes (Carpinus betulus), dont l'espĂšce principale peut ĂȘtre le chĂȘne pĂ©donculĂ© (Quercus robur), le chĂȘne sessile (Quercus petraea), le chĂȘne pubescent (Quercus pubescens) ou des hybrides de ces trois espĂšces.
- la chĂȘnaie-frĂȘnaie associĂ©e au frĂȘne (Fraxinus excelsior)[7]
- la chĂȘnaie Ă chĂȘne pubescent (Quercus pubescens[8])
La carte de la vĂ©gĂ©tation naturelle du Conseil de l'Europe distingue 25 types de chĂȘnaies, en fonction du climat, du sol et de l'hydrologie, qui dĂ©terminent les espĂšces d'arbres et du sous-bois[9].
Voir aussi
Bibliographie
- Schnoce G (1971) Le bilan de lâeau dans lâĂ©cosystĂšme forĂȘt. Application Ă une chĂȘnaie mĂ©langĂ©e de haute Belgique. Actes Coll. ProductivitĂ© des Ă©cosystĂšmes forestiers, UNESCO, 1969, Bruxelles, p. 41-47, 2fig.
Articles connexes
Liens externes
Notes et références
- Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l'article intitulĂ© « Taillis de chĂȘnes » (voir la liste des auteurs).
- Alain Rey (sous la direction dâ), Dictionnaire historique de la langue française, Dictionnaires Le Robert, Paris, 2e Ă©d., 1998, p. 726b.
- Pierre Avenas, Henriette Walter, La Majestueuse histoire du nom des arbres, Laffont, 2017, p. 298.
- Xavier Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise, Errance, Paris, 2001, p. 93.
- Bellevue, plan de la commune, 1995, mairie de Bellevue, GenĂšve
- Karl Werdenberg et Pierre Hainard, Les paysages végétaux du canton de GenÚve : un survol complet des milieux naturels genevois, GenÚve, Conservatoire et Jardin botanique de la ville de GenÚve, , 68 p. (ISBN 2-8277-0334-3), p. 60
- David Aeschimann, Gad Amberger et Eric Matthey, Bois de Versoix, GenĂšve, Conservatoire et Jardin botanique de GenĂšve, , 132 p. (ISBN 2-8277-0314-9), p. 32
- Karl Werdenberg et Pierre Hainard, Les paysages végétaux du canton de GenÚve : un survol complet des milieux naturels genevois, GenÚve, Conservatoire et Jardin botanique de la ville de GenÚve, , 68 p. (ISBN 2-8277-0334-3), p. 21 et 41
- L. Richard et G. Pautou, Carte de la végétation de la France au 200000eAlpes du Nord et Jura méridionalNotice détaillée des feuilles 48 Annecy - 54 Grenoble, Paris, CNRS, , 316 p. (ISBN 2-222-03120-6), p. 50-61
- Noirfalise, Albert., Carte de la végétation naturelle des Etats membres des Communautés Européennes et du Conseil de l'Europe., Office des Publications Officielles des Communautés Européennes, (ISBN 92-825-7266-8 et 9789282572665, OCLC 31058886, lire en ligne)