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Carl Schmitt

Carl Schmitt, né le et mort le à Plettenberg, est un juriste (constitutionnaliste, théoricien et professeur de droit) et philosophe allemand, de confession catholique. Il s'engage dans le parti nazi dÚs 1933 puis en est écarté en 1936. Il est considéré par certains auteurs comme le juriste officiel du IIIe Reich lors de cette période[1], du fait des rapprochements que l'on peut faire entre sa doctrine juridique du décisionnisme et l'évolution institutionnelle de l'Allemagne sous le régime nazi.

Carl Schmitt
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
(Ă  96 ans)
Plettenberg
SĂ©pulture
Pseudonyme
Johannes Negelinus
Époque
Nationalité
Formation
Université de Strasbourg (d) (candidat en droit (d)) (jusqu'en )
Université de Berlin (d)
Université Louis-et-Maximilien de Munich
Activités
Fratrie
Auguste Schmitt (d)
Conjoints
Pavla Dorotić (d)
DuĆĄka Schmitt (d)
Enfant
Anima Schmitt de Otero (d)
ƒuvres principales
La Notion de politique (d), Terre et Mer (d)
Vue de la sépulture.

Ses principales Ɠuvres sont : ThĂ©ologie politique (1922), La notion du politique (1932), ThĂ©orie de la Constitution (1928), Le LĂ©viathan dans la doctrine de l’État de Thomas Hobbes (1938), Terre et Mer (1942), Le Nomos de la Terre (1950), ThĂ©orie du partisan (1963).

Auteur d'une rĂ©flexion sur la nature de l'État et des constitutions, il considĂšre, dans la filiation de la pensĂ©e de Jean Bodin, que la souverainetĂ© Ă©tatique est absolue ou n'est pas. L'autonomie Ă©tatique, selon Schmitt, repose sur la possibilitĂ© de l'État de s'autoconserver, en dehors mĂȘme de la norme juridique, par une action qui prouvera cette souverainetĂ©, c'est le dĂ©cisionnisme.

Les controverses liées à sa pensée sont étroitement liées à sa vision absolutiste de la puissance étatique et à son antilibéralisme, contrebalancés par ses engagements envers le national-libéralisme, voire le libéral-conservatisme[2] - [3].

RepĂšres biographiques

Enfance et jeunesse

Carl Schmitt est nĂ© le Ă  Plettenberg (province de Westphalie), ville situĂ©e dans le Sauerland, Ă  une cinquantaine de kilomĂštres Ă  l'est de Bonn. Il est issu de la toute petite bourgeoisie sarroise. Il est le deuxiĂšme de cinq enfants. Son pĂšre, trĂšs catholique, Ă©tait employĂ© d’une caisse d’assurance maladie. La famille est catholique (trois de ses oncles sont prĂȘtres) dans un milieu protestant (la Westphalie a Ă©tĂ© rattachĂ©e Ă  la Prusse en 1815).

Le pÚre est membre du Zentrum, une organisation catholique minoritaire qui s'opposa à Bismarck lors du Kulturkampf. Prussien par ses origines religieuses et provinciales, Carl Schmitt est donc doublement minoritaire. DÚs sa jeunesse, il voit le catholicisme subir une triple pression : confessionnelle (de la part du protestantisme), antireligieuse (de la part des idéologies libérales et socialistes) et antiromaine (de la part du pangermanisme).

Il effectue sa scolaritĂ© d’abord Ă  l’internat puis au LycĂ©e d’Attendorn. AprĂšs son Abitur, son pĂšre dĂ©sire qu'il entre au sĂ©minaire alors que lui souhaite Ă©tudier la philologie. Cependant, sur les conseils pressants d’un oncle, il commence des Ă©tudes de droit, fait assez rare pour un enfant de milieu modeste. Il dĂ©bute au semestre d’étĂ© 1907 Ă  l'universitĂ© de Berlin. Dans cette ville cosmopolite, le jeune homme provincial d’origine modeste frĂ©quente un milieu envers lequel il Ă©prouve une vive rĂ©pulsion. AprĂšs deux semestres Ă  Berlin, il dĂ©mĂ©nage Ă  Munich dans le courant de l’annĂ©e 1908, mais n’y fait qu’un seul semestre avant de partir pour Strasbourg oĂč, en 1910, il reçoit son doctorat des mains de Fritz van Calker aprĂšs une thĂšse de droit pĂ©nal sur La punition et la culpabilitĂ©. Il est habilitĂ© en 1915 aprĂšs sa soutenance de thĂšse d'habilitation, Der Wert des Staates und die Bedeutung des Einzelnen (l'importance de l'État et la signification de l'individu).

La mĂȘme annĂ©e, aprĂšs avoir obtenu un sursis Ă  son incorporation en qualitĂ© d'Ă©tudiant, il s’engage comme volontaire dans le premier rĂ©giment d’infanterie bavaroise. BlessĂ© aux vertĂšbres lors de l'instruction, il est dĂ©clarĂ© inapte au combat et transfĂ©rĂ© Ă  l'État-Major militaire de Munich, du fait de sa formation universitaire. Il Ă©pouse cette mĂȘme annĂ©e Pawla Dorotic, une prĂ©tendue comtesse serbe qui se rĂ©vĂšle plus tard ĂȘtre une escroc. En 1916, il est nommĂ© sous-officier Ă  l'administration de l'Ă©tat de siĂšge. Son mariage est annulĂ© en 1924 par le tribunal de Bonn.

Bien que son premier mariage ne soit pas encore annulĂ© par l’Église, il Ă©pouse un an plus tard l’une de ses anciennes Ă©tudiantes, Duska Todorovic, Ă©galement Serbe. De ce fait, en tant que catholique, il est exclu de la communion jusqu’à la mort de son Ă©pouse en 1950. De ce second mariage naĂźt son seul enfant, une fille prĂ©nommĂ©e Anima (1931-1983).

En 1918, il est officier d'intendance et reçoit la croix de fer de deuxiÚme classe, une distinction moyenne pour un officier de l'arriÚre. Il dirige ensuite le bureau VI du MinistÚre bavarois de la Guerre, bureau chargé particuliÚrement de la surveillance de la presse de gauche et de la censure.

AprĂšs des dĂ©buts de professorat Ă  la Handelhochschule de Munich, il enchaĂźne successivement Greifswald (1921), Bonn (1921), Berlin (1928), Cologne (1933) et Ă  nouveau Berlin Ă  l’universitĂ© Friedrich-Wilhelm oĂč il enseigne de 1933 Ă  1945.

Vie de bohĂšme, art, premiĂšres publications

Il montre trĂšs tĂŽt un talent artistique et entreprend quelques tentatives littĂ©raires qu’il rassemblera sous le titre Die große Schlacht um Mitternacht (Le grand combat de minuit). Il rĂ©dige un mĂ©moire sur le poĂšte bien connu Ă  l’époque Theodor DĂ€ubler. Il est considĂ©rĂ© Ă  l’époque comme faisant partie de la « BohĂšme souabe ». ParallĂšlement, il frĂ©quente, Ă  Munich comme Ă  Strasbourg, les milieux artistiques d'avant-garde. Il est passionnĂ© par Gottfried Benn et l'expressionnisme. Il sera toute sa vie un collectionneur d'art.

Il dĂ©crira plus tard ses travaux littĂ©raires comme Ă©tant « Dada avant la lettre ». Il se lie d’amitiĂ© avec l’un des pĂšres fondateurs du dadaĂŻsme : Hugo Ball, tout comme avec le poĂšte et Ă©diteur Franz Blei ainsi que Robert Musil et Franz Kafka. Juriste esthĂ©tisant, il est aussi Ă©crivain politisant et entretient des contacts Ă©troits avec les Ă©crivains lyriques de l’époque, par exemple le poĂšte du catholicisme politique Konrad Weiss, oubliĂ© aujourd’hui. Avec Hugo Ball il frĂ©quente Hermann Hesse, relation qu’il ne poursuivra pas. UltĂ©rieurement, il se liera avec Ernst JĂŒnger – dont il parrainera le second fils[4] – ainsi qu’avec le peintre et Ă©crivain Richard Seewald (de).

Peu aprĂšs son Ă©crit d’habilitation, il publie successivement Romantisme Politique (1919), puis La Dictature (1921). Ses travaux acquiĂšrent vite du succĂšs grĂące Ă  la puissance de sa langue et Ă  ses formulations brillantes. Son style nouveau dĂ©passe largement les cercles spĂ©cialisĂ©s dans le droit, tant il passe pour spectaculaire. Au lieu d’écrire comme un simple juriste, ses textes sont mis en scĂšne de façon Ă  la fois poĂ©tique et dramatique, agrĂ©mentĂ©s d’images mythiques. Ses Ă©crits sont le plus souvent de petites brochures, mais exigent des explications du fait de leurs traits acĂ©rĂ©s. Schmitt Ă©tait convaincu que « souvent le destin d’une publication se joue dĂšs la premiĂšre phrase ». Beaucoup de ses phrases d’ouverture, comme « il y a un affect antiromain », « le concept d’État provient du concept de politique » ou encore « Est souverain celui qui dĂ©cide de la situation d’exception », vont vite acquĂ©rir une grande notoriĂ©tĂ©.

La publication progressive des volumineuses archives de Carl Schmitt témoigne de la multiplicité des réactions qu'il a déclenchées dans les milieux les plus divers.

À Bonn, il entretient des contacts avec les jeunes catholiques et montre un intĂ©rĂȘt croissant pour les thĂšmes de droit canon. Ceci l’amĂšne en 1924 Ă  entrer en relation avec le thĂ©ologien Ă©vangĂ©lique et plus tard converti, Erik Peterson, avec lequel il restera en contact Ă©troit jusqu’en 1933. Il rĂ©dige ses rĂ©flexions sur le droit canon dans des Ă©crits comme ThĂ©ologie Politique (1922) ou Catholicisme romain et forme politique (1923 seconde Ă©dition avec imprimatur). Schmitt se lie Ă©galement avec des thĂ©ologiens catholiques et surtout avec Karl Eschweiler (de) (1886-1936) dont il fait la connaissance au milieu des annĂ©es 1920, alors que ce dernier Ă©tait Privatdozent Ă  l’universitĂ© de Bonn, et avec qui il restera en contact jusqu’à sa mort en 1936.

Résumé

Carl Schmitt est le juriste de la rĂ©publique de Weimar. De 1920 Ă  1932, son travail consiste en une rĂ©flexion sur le rĂ©gime prĂ©sidentiel et les modalitĂ©s constitutionnelles autour desquelles Weimar vit son dĂ©veloppement. Schmitt travaille spĂ©cialement sur l'article 48 de la Constitution de Weimar. Il est nommĂ© professeur de Droit, Ă  partir de 1921, dans diverses villes, dont Bonn et Berlin. Schmitt apparaĂźt alors comme le champion de la dĂ©mocratie plĂ©biscitaire et le penseur de la « dictature politique lĂ©gitime ». Sous cette locution, Schmitt pense Ă  la situation politique d'exception (dans laquelle se trouve enlisĂ©e la rĂ©publique de Weimar) qui, pour se survivre Ă  elle-mĂȘme, a besoin d'un homme fort Ă  la tĂȘte d'un État fort.

L'antilibĂ©ralisme de Schmitt apparaĂźt dans sa pensĂ©e de l'homme providentiel, soutenu par un État homogĂšne, qui sait prendre des « dĂ©cisions » approuvĂ©es directement par le peuple uni dans une nation. Il n'apprĂ©cie pas la bourgeoisie, la « classe discutante ». On ne pourrait pas dire qu'en tant que penseur catholique il voit d'un bon Ɠil l'aristotĂ©lisme des rĂ©gimes libĂ©raux, fussent-ils d'inspiration thomiste. Les opinions et les actions politiques inspirĂ©es par le juste milieu lui inspirent du mĂ©pris. Il fait du rapport « ami-ennemi » la clef de voĂ»te de la thĂ©orie politique, ce qui pose problĂšme pour dĂ©terminer l'ennemi parmi les citoyens (et pas seulement Ă  l'extĂ©rieur de la nation). Cela le conduit Ă  dĂ©velopper une philosophie de la dĂ©cision d'urgence, de la guerre et du combat, oĂč les notions de mal et d'AntĂ©christ sont prĂ©sentes.

En situation d'urgence économique et sociale, c'est l'état exceptionnel de la dictature présidentielle qui gouverne par décrets-lois, qui doit s'élever au-dessus de toute alternative fondamentale. Cette situation, Schmitt la voit se réaliser de 1930 à 1932.

DĂ©veloppement

En 1924 paraĂźt son premier Ă©crit explicitement politique sous le titre État historique et spirituel du parlementarisme aujourd’hui (Die geistesgeschichtliche Lage des heutigen Parlamentarismus). En 1928, il publie son travail scientifique le plus significatif, ThĂ©orie de la constitution (Verfassungslehre), dans lequel il entreprend une analyse juridique systĂ©matique de la Constitution de Weimar et fonde ainsi Ă  cĂŽtĂ© de la classique thĂ©orie de l’État, une nouvelle discipline Ă  part entiĂšre du droit public : la thĂ©orie de la constitution.

La mĂȘme annĂ©e, et bien que cela constitue un recul dans son statut de professeur, il accepte un poste Ă  l’École supĂ©rieure de commerce de Berlin. Mais dans ce Berlin politique, il peut nouer des contacts jusque dans les cercles gouvernementaux, oĂč il dĂ©veloppe sa thĂ©orie du noyau intouchable de la constitution, contraire Ă  l’opinion dominante.

Alexander RĂŒstow, 1960. Avec le prĂ©curseur de l'ordolibĂ©ralisme et de l'Ă©conomie sociale de marchĂ©, Schmitt dĂ©fend dans les annĂ©es 1930 une Ă©conomie libre dans un État fort.

Dans le domaine politique, et trĂšs au courant des thĂ©ories Ă©conomiques, il dĂ©fend un État fort, qui doit reposer sur une Ă©conomie libre. Sur ce point, il rencontre des idĂ©es de l’ordolibĂ©ralisme qui deviendra le nĂ©olibĂ©ralisme. Il noue un lien avec l’un de ses plus notables penseurs, Alexander RĂŒstow. Dans la confĂ©rence État fort et Ă©conomie saine, tenue en 1932 devant les industriels, il dĂ©veloppe une dĂ©politisation active de l’État et un retour des sphĂšres non Ă©tatiques .

« C’est toujours la mĂȘme chose : seul un État fort peut dĂ©politiser, seul un État fort peut disposer de façon ouverte et efficace ; que des affaires prĂ©cises, comme la circulation ou la radio, soient comme ses Ă©tagĂšres et administrĂ©es comme telles, et que les autres affaires qui appartiennent au domaine Ă©conomique auto-administrĂ© et tout le reste soit abandonnĂ© Ă  la libre Ă©conomie[5]. »

Dans cette introduction, Schmitt fait allusion Ă  une confĂ©rence d'A. RĂŒstow donnĂ©e deux mois plus tĂŽt sous le titre Économie libre, État fort (Freie Wirtschaft, starker Staat). De son cĂŽtĂ©, RĂŒstow l'avait mentionnĂ©, de façon critique: « l'apparition de ce que Carl Schmitt Ă  la suite d'Ernst JĂŒnger a nommĂ© l'État total en est, en rĂ©alitĂ©, trĂšs exactement le contraire: non la toute-puissance de l'État mais l'impuissance de l'État. C'est un signe de la dĂ©plorable faiblesse de l'État, une faiblesse, qui ne pourra pas le protĂ©ger des assauts rĂ©pĂ©tĂ©s des groupes d'intĂ©rĂȘts. L'État est disloquĂ© par ces intĂ©rĂȘts avides [
] ce qui se joue ici du point de vue de la politique de l'État et de façon encore plus insupportable du point de vue de la politique Ă©conomique s'Ă©nonce en quelques mots : un État devenu proie. »[6]

Schmitt conçoit cet Ă©goĂŻsme des groupes d'intĂ©rĂȘts de la sociĂ©tĂ© comme synonyme de pluralisme (selon une interprĂ©tation encore plus nĂ©gative que ne l'est ce concept chez Harold Laski). Au pluralisme des intĂ©rĂȘts particuliers il oppose l'unitĂ© de l'État qui, pour lui, est reprĂ©sentĂ©e par un prĂ©sident du Reich Ă©lu par le peuple.

À Berlin paraĂźt Le Concept de politique (1928), qui sera rĂ©-Ă©ditĂ© Ă  de multiples reprises, Le Gardien de la constitution (1931) et LĂ©galitĂ© et LĂ©gitimitĂ© (1932). Carl Schmitt entame alors une controverse trĂšs suivie avec Hans Kelsen Ă  propos du contrĂŽle de constitutionnalitĂ©, auquel il est opposĂ©. En mĂȘme temps, il se rapproche des courants rĂ©actionnaires et antiparlementaires.

En tant que professeur dans une grande Ă©cole et du fait de sa critique de la Constitution de Weimar, Schmitt est extrĂȘmement combattu. Il est notamment violemment critiquĂ© par des publicistes, prenant part Ă  ce qu'on appela le Methodenstreit, tels que Kelsen, Rudolf Smend et Hermann Heller, proches de la social-dĂ©mocratie. Ce dernier Ă©crivit notamment « DĂ©mocratie politique et homogĂ©nĂ©itĂ© sociale » (1928) et Staatslehre (1934), lesquels sont fortement imprĂ©gnĂ©s de la polĂ©mique avec Schmitt[7]. La constitution de Weimar, selon Schmitt, affaiblit l'État du fait d'un libĂ©ralisme neutralisant et de ce fait n'est pas capable d'affronter la naissance de la dĂ©mocratie de masse.

Dans le sillage du juriste CortĂ©s, le libĂ©ralisme n'Ă©tait pour Schmitt rien d'autre que de l'indĂ©cision organisĂ©e : « son ĂȘtre est le dĂ©bat, l'imprĂ©cision toujours en attente, avec l'espoir que l'explication dĂ©finitive, le combat sanglant dĂ©cisif peut ĂȘtre Ă©vitĂ© dans un dĂ©bat parlementaire et Ă©ternellement remis par une discussion perpĂ©tuelle ». Le parlement dans cette perspective est le lieu de conservation de l'idĂ©e « romantique » de « discours perpĂ©tuel ». Il s'ensuit que « ce libĂ©ralisme avec ses inconsĂ©quences et ses compromis [
] ne vit qu'un court intervalle dans lequel il est possible de rĂ©pondre Ă  la question : JĂ©sus Christ ou Barabbas ? Ă  l'aide de confĂ©rences quotidiennes ou par la mise en place de commissions d'Ă©tude. »[8]

La démocratie parlementaire est pour Schmitt une façon de gouverner « bourgeoise » et dépassée face à la mobilisation des masses. « La dictature est le contraire de la discussion » proclame fiÚrement Schmitt[9]

Schmitt identifie deux mouvements opposĂ©s : le syndicalisme rĂ©volutionnaire des mouvements de travailleurs et le nationalisme du fascisme italien. D'aprĂšs lui le mythe le plus fort prend sa source dans le national d'oĂč sa prĂ©fĂ©rence pour la marche sur Rome. Schmitt considĂšre le fascisme italien comme une folie , dont il critique l'arriĂšre-fond de libĂ©ralisme comme une forme de domination . Selon son biographe Paul Noack (de) :

« le fascisme est interprĂ©tĂ© par Schmitt comme un exemple d'État autoritaire (qu'il oppose Ă  « totalitaire »). C'est la raison pour laquelle il ne se donne presque pas la peine d'examiner la rĂ©alitĂ© de cet État derriĂšre sa rhĂ©torique. Sa soif de grandeur et d'historicitĂ© le fait se rĂ©pandre en commentaires Ă©merveillĂ©s sur le discours de Mussolini Ă  Naples peu avant la marche sur Rome[10]. »

Selon Schmitt, le fascisme produit un État total Ă  partir de la force. Ce n'est pas un milieu neutre entre des groupes d'intĂ©rĂȘts, ni le serviteur capitaliste de la propriĂ©tĂ© privĂ©e, mais un tiers plus haut entre les intĂ©rĂȘts et les oppositions Ă©conomiques. Par lĂ , le fascisme fait l'impasse sur les clichĂ©s constitutionnels en cours depuis le XIXe siĂšcle et cherche Ă  donner une rĂ©ponse aux exigences de la dĂ©mocratie de masse moderne.

« Que le fascisme s'abstienne d'organiser des Ă©lections, haĂŻsse et mĂ©prise tout l'electoralismo, n'est en rien antidĂ©mocratique mais est antilibĂ©ral. Cela correspond Ă  la parfaite reconnaissance que les mĂ©thodes actuelles de vote Ă  bulletins secrets mettent en danger tout ce qui est Ă©tatique et politique par une totale privatisation; le peuple est dĂ©trĂŽnĂ© dans son unitĂ© et remplacĂ© par le public (le souverain disparaĂźt dans l'isoloir) et la volontĂ© de l'État n'est plus qu'une simple somme d'intĂ©rĂȘts individuels, privĂ©s et vulgaires, c'est-Ă -dire en vĂ©ritĂ© les souhaits et les ressentiments incontrĂŽlables des masses. »

D'aprĂšs Schmitt, on ne peut se prĂ©munir contre cet effet de dĂ©sintĂ©gration que si l'on construit pour chaque citoyen un devoir — au sens de la thĂ©orie de l'intĂ©gration de Rudolf Smend (1882–1975) — selon lequel le vote Ă  bulletin secret a en vue non ses intĂ©rĂȘts privĂ©s mais le bien de la totalitĂ© du peuple. Selon Schmitt : « cette Ă©galitĂ© de la dĂ©mocratie et du vote Ă  bulletin secret, c'est du libĂ©ralisme du XIXe siĂšcle et pas de la dĂ©mocratie. »[11]

Selon lui, seuls le fascisme et le communisme ont cherchĂ© Ă  rompre avec ce principe constitutionnel du XIXe siĂšcle, afin d'exprimer les grands changements dans les structures Ă©conomiques et sociales, ainsi que dans l'organisation Ă©tatique et dans une constitution Ă©crite. Seuls des pays pas encore totalement industrialisĂ©s, comme la Russie et l'Italie, peuvent se donner une constitution Ă©conomique moderne. Dans un État industriel dĂ©veloppĂ©, l'Ă©tat de la politique intĂ©rieure serait dominĂ©, selon lui, par une structure d'Ă©quilibre social entre le capital et le travail : entrepreneur et employĂ© se tiendraient face Ă  face avec la mĂȘme puissance sociale et aucun parti ne pourrait contraindre l'autre par une dĂ©cision radicale sans dĂ©clencher une effroyable guerre civile. Ce phĂ©nomĂšne a surtout Ă©tĂ© traitĂ© du point de vue de la thĂ©orie de l'État et de la constitution par Otto Kirchheimer. En raison de l'Ă©galitĂ© de puissance, il ne serait plus possible de procĂ©der Ă  des modifications fondamentales de la constitution ni de prendre des dĂ©cisions sociales par des voies lĂ©gales. Contredisant la conception marxiste de l'État comme appareil de domination de la bourgeoisie, l'État et le gouvernement ne sont dans ce cadre, selon Schmitt, plus qu'un tiers neutre au lieu de dĂ©cider par sa propre force et de sa propre autoritĂ© (Positionen und Begriffe, p. 127). À l'aide d'une organisation fermĂ©e, le fascisme cherche par consĂ©quent Ă  crĂ©er cette suprĂ©matie de l'État face Ă  l'Ă©conomie. Par voie de consĂ©quence, il bĂ©nĂ©ficie, affirme Schmitt, sur la durĂ©e, aux travailleurs parce que ceux-ci constituent aujourd’hui le peuple et que c'est l'État qui en rĂ©alise l'unitĂ© politique.

Cette critique des institutions bourgeoises rend Schmitt intĂ©ressant pour les jeunes juristes marxistes comme Ernst Fraenkel, Otto Kirchheimer et Franz Neumann. Schmitt a profitĂ© Ă©galement directement des propositions non orthodoxes de ces critiques de gauche du systĂšme. C'est ainsi que Schmitt emprunte Ă  Kirchheimer le titre d'un de ses mĂ©moires les plus connus lĂ©galitĂ© et lĂ©gitimitĂ©. Ernst Fraenkel frĂ©quente les groupes de travail sur le droit public autour de Schmitt et se montre trĂšs positif sur sa critique du caractĂšre destructif des votes sanctions. Dans une lettre de 1932 Franz Neumann fait part de son accord euphorique aprĂšs la publication du livre LĂ©galitĂ© et lĂ©gitimitĂ©. Kirchheimer apporte sur cet Ă©crit de 1932 le jugement suivant : « lorsque dans une Ă©poque future, on examinera la contribution intellectuelle de notre Ă©poque, le livre de Carl Schmitt sur la lĂ©galitĂ© et la lĂ©gitimitĂ© apparaĂźtra comme un Ă©crit qui se distinguera autant par son retour aux fondements de la thĂ©orie de l'État que par la retenue de ses conclusions finales »[12].

Dans un rapport du dĂ©but de 1933 sous le titre RĂ©forme de la Constitution et social-dĂ©mocratie dans laquelle Kirchheimer discute diffĂ©rentes propositions en vue de rĂ©former la Constitution de Weimar dans le sens d'un renforcement des pouvoirs du prĂ©sident aux dĂ©pens de celui du Reichstag, le juriste du SPD fait Ă©galement remarquer les attaques dont le journal Die Gesellschaft a Ă©tĂ© l'objet de la part des communistes en raison de ses liens favorables Ă  Carl Schmitt :« On fait Ă©tat dans le no 24 du "Roten Aufbaus" des liens thĂ©oriques Ă©tranges qui ont dĂ» ĂȘtre tissĂ©s entre le thĂ©oricien de l'État fasciste, Carl Schmitt, et l'organe thĂ©orique officiel du SPD, Die Gesellschaft, si l'on en juge d'aprĂšs la contribution de Fraenkel ». De l'exposĂ© de ce dernier, dans lequel il se rĂ©fĂšre Ă  plusieurs reprises Ă  Carl Schmitt, rĂ©sulte logiquement l'exigence d'un coup d'État que Fraenkel n'ose pas demander ouvertement. Pourtant dans les faits, Fraenkel dans son article prĂ©cĂ©dent de la Gesellschaft, oĂč il se rĂ©fĂšre explicitement Ă  Carl Schmitt, avait Ă©crit :

« Ce serait rendre Ă  l'objet de la constitution le plus mauvais des services que de vouloir simplement imputer l'extension des pouvoirs du prĂ©sident du Reich jusqu'Ă  un Ă©tat de dictature de fait, Ă  sa volontĂ© de pouvoir et Ă  des forces qu'il reprĂ©sente. Si le Reichtag devient incapable de remplir sa mission, alors c'est Ă  un autre organe de l'État qu'il faut confier cette fonction indispensable de conduire l'appareil de l'État Ă  travers ces temps difficiles. D'oĂč il rĂ©sulte que tant qu'il y aura une majoritĂ©, certes divisĂ©e au parlement mais fondamentalement hostile Ă  l'État, le prĂ©sident, pour autant qu'on puisse le nommer ainsi, ne peut rien faire d'autre qu'Ă©viter les dĂ©cisions destructives de ce parlement. Il ne fait aucun doute que Carl Schmitt avait raison lorsqu'il y a dĂ©jĂ  deux ans, il exposait le fait qu'une constitution du Reich n'est valable que si elle donne Ă  une majoritĂ© du Reichtag et Ă  sa capacitĂ© d'action, tous les droits et les possibilitĂ©s de s'imposer comme le facteur dĂ©terminant de la volontĂ© politique. Si le parlement n'est pas en Ă©tat de le faire, alors il n'a pas non plus le droit d'exiger que les autres instances responsables restent les bras croisĂ©s[13]. »

À partir de 1930, Schmitt se prononce en faveur d'une dictature prĂ©sidentielle autoritaire et commence Ă  entretenir des relations avec les cercles politiques comme avec le futur ministre des Finances de Prusse Johannes Popitz. Il parvient mĂȘme Ă  avoir des contacts dans les cercles gouvernementaux et entretient des contacts Ă©troits avec des collaborateurs du gĂ©nĂ©ral, ministre et bientĂŽt chancelier Kurt von Schleicher. Notamment, avant ses publications ou ses confĂ©rences publiques, il se concerte avec les collaborateurs du gĂ©nĂ©ral tandis que, pour les cercles gouvernementaux, certains de ses travaux de droit politique ou constitutionnel comme le Gardien de la constitution ou Le Concept de politique sont d'un grand intĂ©rĂȘt. MalgrĂ© sa critique du pluralisme et de la dĂ©mocratie parlementaire, il s'oppose vivement, avant la prise de pouvoir de 1933, aux efforts du KPD et du NSDAP en vue d'un coup d'État et soutient la politique de Schleicher qui cherche Ă  empĂȘcher « l'aventure » nationale-socialiste.

Schmitt conseille les gouvernements Papen (Ă  gauche) et Schleicher (Ă  droite) dans la question constitutionnelle

Dans son mĂ©moire de LĂ©galitĂ© et LĂ©gitimitĂ©, le juriste demandait une prise de dĂ©cision concernant la substance de la constitution et contre ses ennemis. Il se place pour cela dans une critique du positivisme juridique nĂ©okantien, tel que le reprĂ©sente le constitutionnaliste Gerhard AnschĂŒtz. Contre ce positivisme qui ne se pose pas la question des buts des groupes politiques mais se contente d'une lĂ©galitĂ© formelle, Schmitt, pour une fois en accord avec son contradicteur Heller, met en avant la question de la lĂ©gitimitĂ© en face du relativisme en faisant rĂ©fĂ©rence Ă  l'incapacitĂ© de dĂ©cisions politiques fondamentales.

Les ennemis politiques de l'ordre en place doivent ĂȘtre clairement dĂ©signĂ©s comme tels sous peine que l'indiffĂ©rence face aux agissements anticonstitutionnels conduise au suicide politique. De fait Schmitt s'exprime clairement en faveur d'un combat contre les partis anticonstitutionnels. Ce qu'en mĂȘme temps il dĂ©signe sous l'expression "dĂ©veloppement logique de la constitution" reste obscur. On a souvent supposĂ© qu'il dĂ©signe ainsi une sorte d'État rĂ©volutionnaire-conservateur Ă  la Papen tel que Heinz Otto Ziegler le dĂ©crit en 1932 dans Ă©tat autoritaire ou total ?[14]. Mais de nouvelles recherches fournissent des arguments selon lesquels il aspire plutĂŽt Ă  une stabilisation de la situation politique au sens de Schleicher et n'envisage une modification de la constitution qu'en second lieu. En ce sens, le "dĂ©veloppement" qu'il rĂ©clame tiendrait plus d'une modification des rapports de pouvoir que de l'Ă©tablissement de nouveaux principes constitutionnels[15].

En 1932, Schmitt parvient Ă  l'un des sommets de son ambition politique d'alors; avec Carl Bilfinger et Erwin Jacobi, il entre au gouvernement Papen, Ă  l'occasion du « coup de force de Prusse », c'est-Ă -dire la dissolution par la Cour d'État (Staatsgerichtshof) du gouvernement de Prusse dirigĂ© par Otto Braun[16]. En tant que proche conseiller occulte, Schmitt est mis au courant des plans qui conduisent Ă  la dĂ©claration d'Ă©tat d'urgence. Lui et d'autres membres de l'entourage de Schleicher souhaitent, par des inflexions de la constitution, se diriger vers une dĂ©mocratie prĂ©sidentielle. Il faut pour cela utiliser tous les espaces de libertĂ© de la constitution, implicites ou explicites. ConcrĂštement, Schmitt suggĂšre que le prĂ©sident gouverne d'aprĂšs l'article 48 (en)[17] (de la constitution de Weimar) en ignorant les votes de dĂ©fiance ou les abrogations du parlement du fait de leur absence de bases constructives. Dans un article dans lequel il prend directement position pour Schleicher, intitulĂ© : Comment prĂ©server la capacitĂ© d’action du gouvernement prĂ©sidentiel en cas d’obstruction Ă  ce travail de la part du Reichtag avec l’objectif de prĂ©server la constitution. il prĂ©conise une voie moyenne qui ne porte atteinte qu’au minimum Ă  la constitution Ă  savoir : « l’interprĂ©tation authentique de l’article 54 (qui rĂšgle les votes de dĂ©fiance) dans la direction d’un dĂ©veloppement naturel (les votes de dĂ©fiance ne valent que s’ils viennent d’une majoritĂ© qui soit en Ă©tat de produire un Ă©tat de confiance) ». L'article affirme que « si l’on souhaite s’écarter de la Constitution, cela ne peut advenir qu'en restant dans la direction Ă  partir de laquelle la Constitution se dĂ©veloppe sous la contrainte des circonstances et en accord avec l’opinion publique. On doit bien garder Ă  l’esprit le but de la modification constitutionnelle et ne pas s’en Ă©carter. Ce but n’est pas de livrer la reprĂ©sentation populaire Ă  l’exĂ©cutif (le prĂ©sident du Reich convoque et fixe l’ordre du jour du Reichtag), mais c’est un renforcement de l’exĂ©cutif par la mise Ă  l’écart ou l'affaiblissement de l’article 54 procĂ©dant d'une limitation du Reichtag par la lĂ©gislation et le contrĂŽle. Mais ce but est dĂ©jĂ  parfaitement atteint par une interprĂ©tation authentique de la raison d’ĂȘtre d’un vote de dĂ©fiance. On aurait alors modifiĂ© la constitution en rĂ©ussissant un prĂ©cĂ©dent."

La une du 27 janvier 1933 de son journal montre Ă  quel point les activitĂ©s de Schmitt Ă©taient liĂ©es Ă  celles de Schleicher : « l’incroyable est arrivĂ©. Le mythe de Hindenburg est mort. Le vieux n’était finalement rien de plus qu’un Mac Mahon. Situation Ă©pouvantable. Schleicher se retire. Papen ou Hitler arrive. Le vieux est devenu fou. » Tout comme Schleicher, Schmitt est d’abord un opposant Ă  l’arrivĂ©e de Hitler Ă  la chancellerie. Le 30 janvier il note dans son journal : « suis encore grippĂ©. J’ai tĂ©lĂ©phonĂ© Ă  la Handelhochschule et ai annulĂ© mon cours. Deviens peu Ă  peu muet, je ne peux plus travailler. Situation risible, ai lu les journaux excitĂ©. M’énerve aprĂšs ce stupide et ridicule Hitler »[18].

Le problĂšme de l’interprĂ©tation de 1933 : cĂ©sure ou continuitĂ© ?

AprĂšs la loi sur les pleins pouvoirs du 24 mars 1933, Schmitt apparaĂźt comme un partisan convaincu des nouveaux maĂźtres. Que ce soit par opportunisme ou par conviction intime reste controversĂ©. Tandis que certains observateurs voient chez Schmitt une incontrĂŽlable prĂ©tention qui l’a conduit Ă  ĂȘtre conseiller de tous les gouvernements depuis celui de Hermann MĂŒller en 1930 (aprĂšs 1945 il aurait pareillement recherchĂ© Ă  se placer chez les Russes et les AmĂ©ricains) ; d’autres voient en Schmitt un critique radical du libĂ©ralisme qui aurait carrĂ©ment optĂ© pour le national-socialisme sans rĂ©flĂ©chir. La question est donc de savoir si l’engagement de Schmitt pour le national-socialisme est un problĂšme thĂ©orique ou une question de personnalitĂ©. On discute donc aujourd’hui encore pour savoir si l’annĂ©e 1933 est en continuitĂ© ou bien reprĂ©sente une rupture dans la thĂ©orie de Schmitt. Que ces thĂšses contradictoires soient encore dĂ©battues aujourd’hui rĂ©sulte du fait que Schmitt rĂ©dige de maniĂšre ambiguĂ« et s'avĂšre ĂȘtre « un virtuose de l'auto interprĂ©tation rĂ©trospective, adaptĂ©e Ă  chaque fois aux besoins changeants de justifications »[19]. Aussi les dĂ©fenseurs des deux positions extrĂȘmes (rupture vs continuitĂ©) peuvent Ă©voquer Ă  l'appui de leur thĂšse les propres explications de Schmitt.

Henning Ottmann dĂ©crit cette antithĂšse : PensĂ©e occasionnaliste ou continuitĂ© comme la question fondamentale de toute l'interprĂ©tation "schmittienne". Reste toujours ouverte la question de savoir si la pensĂ©e de Schmitt suit une logique interne (continuitĂ©), ou si elle ne se meut que sous des causes externes (occasions), dont sont victimes la consistance et la logique interne. D'aprĂšs Ottmann une rĂ©ponse Ă  cette question n'est pas facile Ă  apporter: Qui dĂ©fend l'occasionalisme doit dissoudre tout leitmotiv de la pensĂ©e schmittienne jusqu'Ă  en faire un dĂ©cisionisme qui puisse dĂ©cider de chaque cas particulier. Qui, par contre, veut reconnaitre une pure continuitĂ© doit construire un Ă©troit chemin qui conduise de l'antilibĂ©ralisme ou de l'antimarxisme Ă  l'État de non-droit national-socialiste. Par consĂ©quent Ottmann parle plutĂŽt de "ContinuitĂ© et Modification" c'est-Ă -dire plus de "modifications que de continuitĂ©"[20]. Gardant en vue le soutien au gouvernement Kurt von Schleicher, certains historiens parlent quant Ă  eux de cĂ©sure. D'autres croient reconnaĂźtre une ligne continue comme pour ce qui concerne la fonction sociale ou le catholicisme. Mais si l'on garde Ă  l'esprit la soudainetĂ© de ce changement en fĂ©vrier 1933, on est bien proche des raisons opportunistes. Par ailleurs, il existe bien quelques points de jonction comme l'antilibĂ©ralisme ou l'admiration pour le fascisme si bien que le retournement de Schmitt n'est pas seulement un problĂšme de personnalitĂ© mais bien Ă©galement Ă  comprendre comme un problĂšme de thĂ©orie ainsi que l'affirme Karl Graf Ballestrem[21].

Résumé

Schmitt, qui devient professeur Ă  l'UniversitĂ© de Berlin en 1933 rejoint le parti nazi le 1er mai de la mĂȘme annĂ©e[22]. Il est rapidement recrutĂ© comme « Preußischer Staatsrat » par Hermann Göring et devient prĂ©sident de l'Union des juristes nationaux-socialistes (« Vereinigung nationalsozialistischer Juristen ») en novembre. Il considĂšre ses thĂ©ories comme le fondement idĂ©ologique de la dictature nazie et une justification de l'État national-socialiste, considĂ©rant la philosophie du droit, et notamment le concept d’auctoritas via le FĂŒhrerprinzip[22].

Six mois plus tard, en juin 1934, Schmitt devient rĂ©dacteur en chef du Deutsche Juristen-Zeitung[22]. En juillet, il justifie les assassinats politiques de la Nuit des Longs Couteaux en parlant de « forme suprĂȘme de justice administrative » (« höchste Form administrativer Justiz »). Schmitt se prĂ©sente comme un « antisĂ©mite radical » et dirige la convention des professeurs de droit Ă  Berlin en octobre 1936 au cours de laquelle il demande que la loi allemande soit purgĂ©e de toute trace d'« esprit juif » (« jĂŒdischem Geist ») et propose que toutes les publications dans lesquelles interviennent des scientifiques juifs soient marquĂ©es d'un signe distinctif.

NĂ©anmoins, en dĂ©cembre 1936, la publication SS Das Schwarze Korps accuse Schmitt d'ĂȘtre un opportuniste – penseur hĂ©gĂ©lien et catholique – et dĂ©clare son antisĂ©mitisme peu sincĂšre en citant certains de ses propos antĂ©rieurs dans lesquels il critique les thĂ©ories raciales nazies. Cela met un terme Ă  la position de Schmitt comme juriste officiel du rĂ©gime, mais grĂące Ă  l'intervention de Hermann Göring il conserve son poste Ă  l'UniversitĂ© de Berlin et sa fonction officielle de conseiller d'État pour la Prusse « Preußischer Staatsrat »[22].

DĂ©veloppement

La loi des pleins pouvoirs – pour Schmitt la source d'une nouvelle lĂ©galitĂ©

D'aprĂšs les indications de Schmitt lui-mĂȘme, Johannes Popitz aurait jouĂ© un rĂŽle dĂ©terminant dans sa conversion au national-socialisme. Le politicien Ă©tait ministre de Schleicher et devint en avril 1933 Ministre PrĂ©sident de Prusse. Popitz sert d'intermĂ©diaire entre Schmitt et des fonctionnaires nationaux-socialistes lors des premiers contacts Ă  l'Ă©poque oĂč Carl Schmitt travaille avec son collĂšgue Carl Bilfinger sur les directives concernant les gouverneurs du Reich aprĂšs le coup de force de Prusse.

MĂȘme si les motifs ne peuvent ĂȘtre Ă©claircis de maniĂšre dĂ©finitive, il est indubitable que Schmitt s'oriente entiĂšrement dans le sens de la nouvelle ligne. Il dĂ©crit la "loi des pleins pouvoirs" comme une « disposition provisoire de la rĂ©volution allemande » et adhĂšre au NSDAP le 1er mai comme tant d'autres "victimes de mars"[23].

„Le vĂ©ritable FĂŒhrer est aussi juriste“ – l'apologie du Nationalsocialisme par Carl Schmitt passe pour une formidable perversion de la pensĂ©e du droit

En 1933 il dĂ©mĂ©nage pour l'universitĂ© de Cologne oĂč en l'espace de quelques semaines il achĂšve sa transformation en juriste d'État au sens des nouveaux maĂźtres nationaux-socialistes. Il a entretenu auparavant de nombreux contacts personnels avec des collĂšgues juifs qui avaient parfois grandement contribuĂ© Ă  sa rapide ascension acadĂ©mique. Mais Ă  partir de 1933, il commence Ă  dĂ©noncer ses collĂšgues professeurs d'origine juive et Ă  publier des pamphlets antisĂ©mites[24]. Par exemple, il renie le soutien que lui a apportĂ© Hans Kelsen — en l'appelant Ă  sa succession Ă  l'universitĂ© de Cologne — en refusant de signer une rĂ©solution s'opposant Ă  sa destitution. NĂ©anmoins, il n'a pas un tel comportement Ă  l'encontre de tous ses collĂšgues Juifs. C'est ainsi que, par exemple, il fait appel Ă  Erwin Jacobi pour des travaux d'expertise. Mais ses invectives antisĂ©mites Ă  l'encontre de Kelsen continuĂšrent, mĂȘme aprĂšs 1945[25]. À l'Ă©poque du national-socialisme, il ne cessa pas de le dĂ©signer comme « le Juif Kelsen ».

Schmitt remporte un succĂšs particuliĂšrement important avec le nouveau rĂ©gime lorsqu'il est nommĂ© au Conseil d’État prussien, titre dont il fut toute sa vie particuliĂšrement fier. Encore en 1972, il dĂ©clarera ĂȘtre reconnaissant d’ĂȘtre devenu conseiller d’état de Prusse et non Prix Nobel. ParallĂšlement, il devient Ă©diteur du Deutschen Juristenzeitung (DJZ) et membre de l’AcadĂ©mie pour le droit Allemand. Schmitt obtient en mĂȘme temps la direction du Groupe des professeurs d’universitĂ© et celle du Groupe spĂ©cialisĂ© des professeurs de Grandes Écoles dans l’association NS.

Dans un Ă©crit État, Mouvement, peuple : les trois composantes de l’unitĂ© politique (1933) Schmitt insiste sur la lĂ©gitimitĂ© de la rĂ©volution allemande : «La prise de pouvoir par Hitler se situe formellement en harmonie avec la constitution prĂ©cĂ©dente », elle prend racine dans « la discipline et le sens de l’ordre des Allemands ». Le concept central de l’état NS est le fĂŒhrertum, condition indispensable pour l’égalitĂ© « raciale » du FĂŒhrer et de ceux qui le suivent.

Tandis qu’il insiste sur la lĂ©gitimitĂ© de la « RĂ©volution NS », il forge la lĂ©gitimation juridique de la prise en main par le NSDAP. En raison de ses interventions tant juridiques qu'orales en faveur de l’État NS, il fut dĂ©crit par des contemporains et en particulier par certains Ă©migrĂ©s politiques (dont des Ă©tudiants et des connaissances) comme le « Juriste de la Couronne (Kronjurist) du TroisiĂšme Reich ». Ce fut particuliĂšrement vrai pour l'un de ces opposants, Waldemar Gurian. Que cela soit peut-ĂȘtre une exagĂ©ration de son rĂŽle vĂ©ritable est sujet Ă  controverse.

Au printemps 1933, Schmitt est nommĂ© pour « raison d’État » Ă  l’UniversitĂ© Wilhelm von Humboldt de Berlin et y dĂ©veloppe la doctrine de la pensĂ©e-concrĂšte-de-l’ordre (Konkretes Ordnungsdenken[26]), selon lequel cet ordre trouve sa reprĂ©sentation institutionnelle dans le monopole de prise de dĂ©cision d’un service (de l'État) douĂ© d'infaillibilitĂ©. Cette doctrine de la souverainetĂ© d’un chef charismatique trouve son modĂšle dans le dĂ©veloppement du FĂŒhrerprinzip et la thĂšse d’une identitĂ© de la loi et de la volontĂ©. (« La loi est la volontĂ© du FĂŒhrer »). De ce fait, les nouveaux dĂ©tenteurs du pouvoir peuvent d’autant plus faire appel Ă  Schmitt. Il fournit les mots clĂ©s comme « État total », « guerre totale » ou « grand espace gĂ©ostratĂ©gique avec interdiction d’intervention de toute puissance extĂ©rieure » qui eurent un grand succĂšs mĂȘme s’ils ne lui sont pas directement attribuables.

Les interventions de Schmitt en faveur du nouveau rĂ©gime furent absolument sans condition. Comme exemple on donnera son instrumentalisation de l’histoire constitutionnelle pour justifier le rĂ©gime NS. Beaucoup de ses prises de position vont bien au-delĂ  de ce que l’on attendrait d’un juriste digne de confiance. Schmitt souhaitait manifestement se faire bien voir par des formulations particuliĂšrement tranchĂ©es. En rĂ©action aux assassinats de l’affaire Röhm le 30 juin 1934 parmi lesquels on trouve le chancelier Kurt von Schleicher qui lui fut politiquement trĂšs proche, il justifie l'auto-justification d'Adolf Hitler en ces termes :

« Le FĂŒhrer protĂšge le droit de ses pires mĂ©susages, lorsqu'Ă  l'instant du danger en vertu de sa qualitĂ© de guide ("FĂŒhrertum") il se fait juge suprĂȘme et crĂ©e directement le droit[27]. »

Le vĂ©ritable FĂŒhrer est toujours Ă©galement juge et de sa qualitĂ© de guide dĂ©coule la capacitĂ© Ă  dire le droit. Cette affirmation de l'harmonie entre "capacitĂ© Ă  diriger" et "capacitĂ© Ă  dire le droit" passe pour le signe d'une formidable perversion de la pensĂ©e du droit. Schmitt clĂŽt son article par cet appel politique :

« Qui voit le puissant soubassement de notre donne politique comprendra les avis et les avertissements du FĂŒhrer et se prĂ©parera au grand combat spirituel par lequel nous ferons valoir notre bon droit[28]. »

Les lois raciales de NĂŒremberg dans le Bulletin Officiel du Reich (Reichsgesetzblatt) Nr. 100, 16. Septembre 1935 – pour Schmitt la "constitution de la libertĂ©".

Schmitt se rĂ©vĂšle Ă  nouveau raciste et antisĂ©mite lorsqu'en 1935, il dĂ©crit les lois raciales de Nuremberg comme constitutives de la libertĂ© (d'aprĂšs le titre d'un article du DJZ[29]), point de vue grotesque mĂȘme sous l'angle national-socialiste. Avec ces lois destinĂ©es Ă  prĂ©server le sang et l'honneur allemand qui condamnent les rapports entre Juifs (au sens NS) et Allemands de sang, Schmitt voit l'Ă©mergence "d'un nouveau paradigme dans l'Ă©tablissement du droit". D'aprĂšs Schmitt, « Cette lĂ©gislation issue du souvenir de la race, se heurte aux lois des autres pays qui ou bien ne connaissent pas de diffĂ©rences raciales fondamentales ou bien les nient. »[30] Cette confrontation de diffĂ©rents principes ou visions du monde Ă©tait pour Schmitt l'un des objets rĂ©gulateurs dans le droit des peuples. Le point culminant de l'activitĂ© de propagande de Schmitt au sein du parti est sa direction des assises sur "La JudĂ©itĂ© dans la science allemande du droit (Das Judentum in der deutschen Rechtswissenschaft)" en octobre 1936. À cette occasion il s'exprime explicitement en faveur de l'antisĂ©mitisme du parti et demande que l'on ne cite plus les auteurs juifs dans la littĂ©rature juridique ou, Ă  tout le moins, qu'on les fasse connaitre comme tels. « Ce qu'a dit le FĂŒhrer Ă  propos de la dialectique juive doit toujours rester prĂ©sent Ă  notre esprit et Ă  celui de nos Ă©tudiants afin d'Ă©chapper au grand danger que constituent des camouflages toujours renouvelĂ©s. Se contenter d'un antisĂ©mitisme intuitif est insuffisant; on a besoin d'une assurance pleinement consciente. Nous devons libĂ©rer l'esprit Allemand de toutes les falsifications. Falsification de cet esprit conceptuel qui a permis aux gĂ©nĂ©reux combats du Gauleiter JS de dĂ©signer les immigrĂ©s juifs comme quelque chose de non-spirituels »[31]

Pourtant il y a Ă  peu prĂšs en mĂȘme temps une campagne nationale-socialiste contre Schmitt qui devait conduire Ă  sa mise Ă  l'Ă©cart progressive. Reinhard Mehring Ă©crit Ă  ce sujet : « La coĂŻncidence entre ces assises et la campagne dont il fut l'objet de la part des nationaux-socialistes fait que l'on considĂšre ces propos -y compris dans les cercles nationaux-socialiste- comme une adhĂ©sion du bout des lĂšvres, opportuniste, et qu'on ne les a pas examinĂ©s avec assez d'attention. Ce n'est qu'en 1991 que la publication du "Glossariums" correspondant aux annĂ©es 1947 Ă  1951, le montre mĂȘme aprĂšs 1945 comme un bouillant antisĂ©mite n'ayant pas le moindre mot Ă  propos de la privation des droits, des brutalitĂ©s et de l'extermination dont les Juifs furent victimes. Depuis lors son antisĂ©mitisme est devenu un sujet central. Était-il fondĂ© sur un racisme biologique ou avait-il un autre fondement ? La discussion est loin d'ĂȘtre close[32] « On peut cependant avancer que mĂȘme s'il est virulent, il n'a rien de racial puisqu'il soutient le jeune Leo Strauss pour l'obtention d'une bourse Rockefeller afin qu'il aille travailler sur Thomas Hobbes en France et en Angleterre ; ses Ă©changes intellectuels aprĂšs la Seconde Guerre mondiale avec le philosophe Jacob Taubes montrent l'ambiguĂŻtĂ© de ses Ă©crits, oĂč il traite de maniĂšre nĂ©gative l'apport des Juifs Ă  la culture occidentale. »

Dans le journal proche de la SS, Schwarzes Korps, on accusa Schmitt d'opportunisme et de manquer d'esprit national-socialiste. À cela s'ajoutĂšrent des reproches au sujet de son soutien au gouvernement Schleicher ainsi que ses amitiĂ©s avec des Juifs : « Dans le procĂšs entre la Prusse et le Reich, Schmitt combattit au cĂŽtĂ© des Juifs en faveur du gouvernement rĂ©actionnaire intĂ©rimaire de Schleicher (sic ! en fait celui de v. Papen) ». « Dans le communiquĂ© de Rosenberg concernant l'Ă©tat idĂ©ologique, Schmitt avec le demi-Juif Jacobi a soutenu, contre l'opinion dominante, que malgrĂ© une majoritĂ© des deux tiers – conformĂ©ment Ă  l'article 76 – il ne serait pas possible Ă  une majoritĂ© nationale-socialiste au Reichtag d'adopter une loi modifiant la constitution, par exemple le principe de la dĂ©mocratie parlementaire, au moyen d'une loi d'essence fondamentalement politique, au motif qu'une telle modification ne serait pas une rĂ©vision de la constitution mais bien un changement de constitution. »

L'organe national-socialiste s'efforce Ă  partir de 1936 de faire perdre Ă  Schmitt sa position en lui dĂ©niant une mentalitĂ© national-socialiste et en dĂ©montrant son opportunisme[33]. À la suite du scandale provoquĂ© par la publication dans le Schwarzen Korps, Schmitt perd toutes ses fonctions dans l'organisation du parti. Il reste cependant jusqu'Ă  la fin de la guerre professeur Ă  l'UniversitĂ© Friedrich-Wilhelm de Berlin et conserve son titre de conseiller d'État de Prusse.

Jusqu'Ă  la fin du national-socialisme, Schmitt travaille principalement dans le domaine du droit populaire et cherche Ă©galement dans ce domaine Ă  fournir au rĂ©gime des mots-clĂ©s. C'est ainsi qu'il forge en 1939 au dĂ©but de la seconde guerre mondiale le concept de völkerrechtlichen Großraumordnung (amĂ©nagement du macro-espace du droit international) qu'il comprenait comme une doctrine Monroe allemande. Plus tard, il lui est attribuĂ© d'avoir cherchĂ© Ă  fonder la politique expansionniste d'Adolf Hitler sur le droit international . Ainsi Carl Schmitt prend part Ă  ce qu'on nomme l'Aktion Ritterbusch[34] oĂč de nombreuses personnalitĂ©s accompagnent au titre de conseillers, la politique national-socialiste en matiĂšre de peuplement ou de territoire[35].

AprĂšs 1945

Carl Schmitt se trouvait Ă  Berlin lors de la fin de la guerre. Le 30 avril — jour du suicide d'Adolf Hitler — il fut arrĂȘtĂ© par les troupes soviĂ©tiques et relĂąchĂ© aprĂšs une courte audition. Le 26 septembre, ce fut au tour des AmĂ©ricains de l'arrĂȘter. Il restera internĂ© dans diffĂ©rents camps jusqu'au 10 octobre 1946. Six mois plus tard, il est Ă  nouveau arrĂȘtĂ© et expĂ©diĂ© Ă  Nuremberg oĂč il restera emprisonnĂ© du 29 mars au 13 mai 1947 en raison du procĂšs de Nuremberg. Le procureur en chef Robert Kempner souhaitait l'entendre comme inculpĂ© potentiel au titre de sa « participation directe ou indirecte Ă  la planification des guerres d'agression, des crimes de guerre et crimes contre l'humanitĂ© ». Mais finalement, aucun chef d'accusation ne fut retenu puisqu'aucun dĂ©lit ne pouvait ĂȘtre Ă©tabli : « Pour quels motifs aurais-je pu l'accuser ? » se justifia plus tard Kempner. « Il n'a commis aucun crime contre l'humanitĂ©, n'a pas assassinĂ© de prisonniers de guerre ni prĂ©parĂ© une guerre d'agression. » Dans une prise de position, Schmitt se dĂ©crivit comme un pur scientifique qui Ă©tait en fait un « aventurier intellectuel » ayant pris certains risques au nom de la connaissance. Kempner rĂ©pliqua « Et que faites-vous d'une connaissance qui se solde par la mort de millions d'individus? » ce Ă  quoi Schmitt rĂ©pondit : « Le christianisme Ă©galement s'est soldĂ© par la mort de millions d'individus. On ne peut l'avoir (cette connaissance) si l'on n'en a pas fait l'expĂ©rience »[36].

Durant ses presque sept semaines de détention dans la prison des criminels de guerre de Nuremberg, Schmitt écrivit néanmoins quelques courts textes comme le chapitre Vérité de la Cellule de son volume Ex Captivitate Salus publié en 1950. Il s'y remémore le refuge intellectuel que lui procura Max Stirner durant son semestre d'incarcération berlinois[37]. AprÚs l'avoir déchargé de ses chefs d'inculpation, Kempner fit appel à lui en tant qu'expert à propos de diverses questions comme celles du statut de ministre du Reich ou de chef de la chancellerie ou encore pourquoi le fonctionnariat avait-il suivi Hitler.

San Casciano, maison de Carl Schmitt Ă  Plettenberg-Pasel, 1971-1985.

Fin 1945, Schmitt est destituĂ© de toutes ses fonctions sans indemnitĂ©s. Il ne peut plus enseigner et retourne dans sa ville natale de Plettenberg oĂč il s'installe dans la maison de sa gouvernante Anni Stand. Bien qu'isolĂ© du monde universitaire et politique, il continue de mener des travaux sur le droit international Ă  partir des annĂ©es 1950 et reçoit un flot continu de visiteurs, des collĂšgues comme de jeunes intellectuels. Parmi ceux-ci, Ernst JĂŒnger, Jacob Taubes et Alexandre KojĂšve. Il publie d'abord sous un pseudonyme, divers Ă©crits dont par exemple dans le Eisenbahnzeitung, une recension de la loi fondamentale de Bonn sous le nom de Walter Haustein[38]. Suivront toute une sĂ©rie de publications : le Nomos de la Terre, La ThĂ©orie du partisan, ThĂ©ologie politique II, mais qui ne connaitront pas le succĂšs de celles de l'Ă©poque de Weimar. En 1952 il obtient une pension mais ne peut toujours pas enseigner. Il participe cependant Ă  l'Union Allemande des professeurs de droit.

Pour n'avoir jamais pris ses distances vis-à-vis de son action durant le TroisiÚme Reich, toute réhabilitation morale lui est interdite à la différence de beaucoup d'autres théoriciens du droit national-socialistes (comme Theodor Mauz ou Otto Koellreutter). De fait, il souffrait de son isolement mais ne fit aucun effort dans le but d'obtenir sa "dénazification". Il note dans son journal au 1er octobre 1949 : « Pourquoi ne vous faites-vous pas dénazifier ? D'abord, parce que je ne me fais pas facilement récupérer et ensuite parce que l'opposition par la collaboration est une méthode nazie mais n'est pas de mon goût. »

La seule manifestation de regret se trouve dans les comptes rendus des interrogatoires de Kempner qui furent publiĂ©s par la suite. Kempner : « Regrettez-vous d'avoir Ă  l'Ă©poque Ă©crit des choses comme ça (comme « le FĂŒhrer prĂ©serve le droit »)? » Schmitt : « Aujourd'hui naturellement. Je trouve cela injuste de vouloir encore remuer cette honte que nous avons subie. » Kempner « Je ne veux rien remuer ». Schmitt : « C'est sĂ»r, c'est effroyable. Il n'y a rien d'autre Ă  ajouter. »

Le principal reproche que l'on fit Ă  Schmitt dans l'aprĂšs-guerre fut sa dĂ©fense de l'assassinat de Röhm ("Le FĂŒhrer prĂ©serve le droit
") et ses textes antisĂ©mites ainsi que la direction du colloque juif de 1936 Ă  Berlin. Il fut par exemple violemment attaquĂ© sur ces points par le juriste de TĂŒbingen, Adolf SchĂŒle, en 1959.

MĂȘme aprĂšs la fin du rĂ©gime national-socialiste, Schmitt n'eut jamais un mot de regret concernant l'holocauste comme le confirme la publication posthume de son journal : le Glossarium. À ce propos, il aura cette phrase : « GĂ©nocide, assassinat de peuples, concept touchant. »[39] Par ailleurs, on lui reprochera de relativiser le crime. La seule entrĂ©e qui traite explicitement de la Shoah Ă©nonce : « Qui est le vrai criminel, le vĂ©ritable instigateur de l'hitlĂ©risme ? Qui a dĂ©couvert ce personnage ? Qui a donnĂ© cet Ă©pisode abominable au monde ? À qui sommes-nous redevable de ces 12 millions (sic.) de Juifs assassinĂ©s ? Je puis vous le dire trĂšs prĂ©cisĂ©ment. Hitler ne s'est pas dĂ©couvert tout seul. Nous le devons au pur esprit dĂ©mocratique qui nous a concoctĂ© la figure mythique du soldat inconnu de la PremiĂšre Guerre mondiale[40]. »

Pierre tombale, cimetiĂšre catholique, Plettenberg-Eiringhausen.

Il ne s'est pas non plus dĂ©parti de son antisĂ©mitisme aprĂšs 1945. Comme exemple[41] on cite souvent l'entrĂ©e du 25 septembre 1947 du Glossarium oĂč il dĂ©crit les « Juifs assimilĂ©s » comme les « vĂ©ritables ennemis ». NĂ©anmoins, la pertinence de l'exemple doit ĂȘtre fortement relativisĂ©e car il s'agit d'un extrait difficilement identifiable. Celui-ci fait rĂ©fĂ©rence Ă  un petit essai de Peter F. Drucker, The end of economic man (1939) dont Carl Schmitt extrait quelques Ă©lĂ©ments[42] L'entrĂ©e Ă©nonce :

« Car les Juifs restent toujours des Juifs. Tandis qu'un communiste peut s'améliorer et changer. Cela n'a rien à voir avec la race nordique etc. Seul le Juif assimilé est le véritable ennemi. Cela n'a pas de sens de prouver la fausseté des Protocoles des Sages de Sion[43]. »

Schmitt se rĂ©fugie dans l'auto-justification et se dĂ©crit de façon imagĂ©e tantĂŽt comme un ÉpimĂ©thĂ©e chrĂ©tien, tantĂŽt comme le rempart contre le catĂ©chisme anti-chrĂ©tien[44]. Ces descriptions imagĂ©es devinrent son Ă©lixir de vie. Il trouva constamment de nouvelles images jouant les unes avec les autres, afin d'illustrer son innocence. C'est ainsi par exemple qu'il affirme s'ĂȘtre comportĂ© vis-Ă -vis du national-socialisme comme le chimiste et hygiĂ©niste Max von Pettenkofer qui s'inocula une culture du bacille du cholĂ©ra devant ses Ă©tudiants afin de prouver sa rĂ©sistance. Pareillement, il aurait, lui Schmitt, absorbĂ© volontairement le virus du national-socialisme et n'en aurait pas Ă©tĂ© infectĂ©. À d'autres endroits, Schmitt se compare Ă  Benito Cereno, hĂ©ros d'une nouvelle d'Herman Melville (1856), dans laquelle un capitaine est gardĂ© prisonnier par des mutins sur son propre bateau. Lors de la rencontre avec d'autres navires, le capitaine est contraint par les mutins de faire comme si de rien n'Ă©tait – une tragicomĂ©die absurde qui fait apparaĂźtre le capitaine comme dangereux, Ă  demi fou et franchement louche. Sur le bateau est Ă©crit : Seguid vuestro jefe (« suivez votre chef» en espagnol). Schmitt baptise sa maison de Plettenberg San Casciano, en rĂ©fĂ©rence au lieu de rĂ©sidence bien connu de Machiavel[45].

En 1962, Schmitt donne des conférences dans l'Espagne franquiste, dont deux font l'objet de publication l'année suivante dans Théorie du Partisan (Telos Press, 2007). Il y qualifie la Guerre civile espagnole de « guerre nationale de libération » contre le « communisme international ». Schmitt considÚre la figure du partisan comme un phénomÚne significatif de la seconde moitié du XXe siÚcle, indiquant l'émergence d'une nouvelle théorie de la guerre.

Carl Schmitt meurt en avril 1985, à presque 97 ans, de sclérose en plaques. Sa maladie le conduit à des périodes obsessionnelles toujours plus longues. Déjà sujet auparavant à des accÚs paranoïaques, il se sent poursuivi par des voix et des ondes sonores. Ces ondes furent sa derniÚre obsession. Il aurait déclaré à un de ses amis : « AprÚs la PremiÚre Guerre mondiale, j'avais déclaré : « est souverain celui qui peut décider de la situation d'exception ». AprÚs la Seconde Guerre mondiale, à l'approche de ma mort, je déclare : « est souverain celui qui peut disposer des ondes spatiales »[46]. » Sa démence lui fait voir des microphones et des poursuivants partout. Il meurt le dimanche de Pùques 1985 à la clinique protestante de Plettenberg. Il est enterré au cimetiÚre catholique du village[47].

La pensée de Carl Schmitt

Ses étiquettes sont nombreuses. Il passe pour nationaliste, adversaire du pluralisme et du libéralisme, contempteur du parlementarisme, opposé à l'état de droit, au droit naturel et à la suite de Machiavel ou Hobbes, néo-absolutiste. Il n'y a aucun doute que sa pensée ait suivi des voies réactionnaires: il s'émerveilla à la vue du fascisme italien, et durant la période nazie fut un antisémite déclaré qui put fournir une justification aux crimes. Certes, les publications de Schmitt ont toujours contenu des digressions et des mises au point sur des sujets relevant de la politique du jour, mais entre 1933 et 1945 elles furent explicitement imprégnées d'idéologie national-socialiste. Afin de cautionner le racisme et la mythologie Blut und Boden du national-socialisme, il dut modifier peu à peu à partir de 1933 ses théories politiques développées durant la période de Weimar.

MalgrĂ© ces aspects rĂ©actionnaires et un antisĂ©mitisme prĂ©sent tout au long de sa vie, mĂȘme si ce fut sous des formes diverses, Schmitt est considĂ©rĂ© de nos jours comme un penseur original de philosophie politique. On se contentera ci-dessous d'un survol de ses concepts les plus fondamentaux.

Schmitt, catholique et critique de la culture

Theodor DÀubler (ici d'aprÚs un portrait de Otto Hettner) fut l'inspirateur de la critique « schmittienne » de la modernité.

En tant que catholique, Schmitt fut profondĂ©ment imprĂ©gnĂ© de pessimisme Ă  l'Ă©gard de l'idĂ©ologie du progrĂšs, de son optimisme et de la technicisation. Refusant d'utiliser une conception relativiste et une façon neutre de penser, il dĂ©veloppe une critique personnelle de la culture qui transparaĂźt dans diffĂ©rents passages de son Ɠuvre. En particulier ses premiĂšres Ɠuvres contiennent des dĂ©bordements de pessimisme culturel surtout dans celle oĂč il s'explique avec le poĂšte Theodor DaĂŒbler Ă  propos de son Ă©popĂ©e Nordlich (1916). LĂ , le juriste cĂšde complĂštement la place Ă  un commentateur de la culture s'intĂ©ressant Ă  l'art. On peut Ă©galement y reconnaĂźtre un clin d'Ɠil au gnosticisme que Schmitt, qui fut trĂšs impressionnĂ© par ses lectures de Marcion[48], laisse s'Ă©pancher librement.

Le jeune Schmitt se montre trĂšs polĂ©mique envers la « sĂ©curitĂ© » bourgeoise et sa passivitĂ© avec des rĂ©miniscences anticapitalistes. Cette opinion est particuliĂšrement visible dans son livre Ă  propos de Nordlich de DaĂŒbler. PrĂ©cisĂ©ment : « Cette Ă©poque s'est elle-mĂȘme dĂ©crite comme celle du capitalisme, mĂ©caniste et relativiste, comme l'Ă©poque du transport, de la technique et de l'organisation. Dans les faits c'est le "fonctionnel" qui semble lui donner sa caractĂ©ristique. Le fonctionnel comme le moyen permettant d'atteindre n'importe quel but lamentable ou dĂ©pourvu de sens, la prioritĂ© du moyen sur le but; le fonctionnel qui anĂ©antit si bien l'individualitĂ© qu'il ne se rend mĂȘme pas compte de sa disparition et ne travaille pas Ă  partir d'une idĂ©e mais tout juste Ă  partir d'un lot de banalitĂ©s et s'efforce essentiellement que tout soit bien lisse et se dĂ©roule sans frottement ».

Pour Schmitt Ă  la suite de DaĂŒbler, les hommes avec leur « Ă©normes richesses matĂ©rielles » ne sont en fait devenus que de pauvres diables, une « ombre s'en allant claudiquant au travail » Le fonctionnel et l'organisation devenue sociĂ©tĂ© obĂ©issant Ă  la dictature inconditionnelle de l'utilitĂ© dĂ©valorisent en consĂ©quence tous les mystĂšres et toute l'exubĂ©rance de l'Ăąme. Les hommes sont ternes et mondialisĂ©s et ne peuvent plus prendre la moindre position transcendante.

Chez DaĂŒbler, le progrĂšs apparait comme l'Ɠuvre de l'antĂ©christ, du grand sorcier. Schmitt en retient les Ă©lĂ©ments anticapitalistes : l'AntĂ©christ, le « sorcier inquiĂ©tant » contrefait le monde de Dieu. Il modifie le visage de la Terre et asservit la nature : « Elle le sert ; le but est indiffĂ©rent, pour la satisfaction de n'importe quel besoin artificiel, pour l'agrĂ©ment ou le confort ». Les hommes abusĂ©s ne voient d'aprĂšs cette conception que les effets fabuleux. La nature semble les dominer et l'Ăšre de la sĂ©curitĂ© arrive. On prend soin de tout, « d'astucieuses prĂ©visions et planifications » remplacent la providence. Celle-ci crĂ©e l'enchantement comme n'importe quelle institution.

Bien plus tard, aprÚs la Seconde Guerre mondiale, Schmitt reprendra ce thÚme apocalyptique dans son journal : « C'est le mot clé de toute mon existence intellectuelle et journalistique : la lutte pour le renforcement de ce qui est proprement catholique (contre les neutralistes, les bons à rien esthétiques, contre les avorteurs, les incinérateurs de cadavres et les pacifistes). »[49]

L'image négative de la contre-révolution fascine Schmitt tout comme le combat de DÀubler contre la technique, le progrÚs et l'utilitarisme. Dans sa théologie Politique, il évoque avec émerveillement l'image de l'homme de Donoso Cortés comme le mépris universel pour la race humaine :

« Son (CortÚs) mépris de l'homme ne connait plus de limites; leur entendement aveugle, leur volonté infirme, les élans risibles de leurs désirs charnels lui semblent si minables que tous les mots de toutes les langues humaines ne suffisent pas pour exprimer toute la bassesse de cette créature. Si Dieu ne s'était fait homme - le reptile qu'écrase mon pied serait moins méprisable qu'un homme. La stupidité des masses l'étonne autant que la vanité imbécile de leurs dirigeants. Sa conscience du péché universelle, plus effrayante que celle d'un puritain[50]. »

« Qui est le plus proche du Grand Inquisiteur de DostoĂŻevski : l'Église catholique romaine ou le souverain de Thomas Hobbes ? » Portrait du cardinal inquisiteur Don Fernando Niño de Guevara vers 1600, El Greco.

Dans Romantisme Politique publié en 1919, Schmitt élargit la polémique entamée dans Schattenrissen, dÚs 1913, à propos de l'industrie littéraire contemporaine, à une critique fondamentale du bourgeois comme type humain. Le romantisme est pour lui « un produit psychologique et historique de la sécurité bourgeoise ». Le romantique, d'aprÚs sa critique, ne veut pas se décider mais uniquement vivre et décrire sa vie poétiquement :

« Ni les distinctions logiques, ni les jugements moraux, ni les décisions politiques ne lui sont possibles. La plus importante source de vitalité politique, la croyance dans le droit et la révolte contre l'injustice, n'existe plus pour lui. »

On voit ici une ligne qui parcourt les premiers travaux de Schmitt. l'« Ă©poque de la sĂ©curitĂ© » conduit d'aprĂšs lui, Ă  la neutralisation et Ă  la dĂ©politisation et consĂ©quemment Ă  l'anĂ©antissement des fondements vitaux de l'État. Les rapports du romantique avec un jugement moral ou juridique sont dĂšs lors tout Ă  fait disparates. Chaque norme sociale lui apparaĂźt comme une « tyrannie anti-romantique ». En consĂ©quence, une dĂ©cision morale ou juridique est pour lui dĂ©nuĂ©e de sens. C'est la raison pour laquelle il n'y a, d'aprĂšs Schmitt, aucune production politique du romantisme. Il est bien plutĂŽt totalement imprĂ©gnĂ© de passivitĂ© et « renvoie Ă  des reprĂ©sentations mystiques, traditionnelles comme le flegme, l'humilitĂ© et la durĂ©e ».

« C'est donc le noyau de tout romantisme politique: l'État est une Ɠuvre d'art, l'État de la rĂ©alitĂ© politico-historique n'est que l'occasion pour le sujet romantique d'alimenter la production d'Ɠuvre d'art, un prĂ©texte pour la poĂ©sie ou le roman ou tout simplement pour une pure Ă©motion romantique[51]. »

Dans son Ă©crit de 1923 Römischer Katholizismus und politische Form ("Catholicisme romain et forme politique"), Schmitt analyse l'Église catholique romaine en tant que Complexio Oppositorum, c'est-Ă -dire une unitĂ© embrassant toutes les contradictions. Schmitt dĂ©tecte un affect « anti-romain ». Cet affect qui d'aprĂšs Schmitt traverse les siĂšcles, rĂ©sulte de la peur de la formidable puissance du catholicisme romain, la formidable « machine papale », c'est-Ă -dire ce gigantesque appareil administratif hiĂ©rarchique qui contrĂŽle la vie religieuse et veut diriger les hommes. Chez Fiodor DostoĂŻevski et son Grand Inquisiteur, cette terreur anti-romaine s'Ă©lĂšve Ă  nouveau dans sa grandeur tout Ă  fait sĂ©culiĂšre.

Tout royaume terrestre, comme celui de Rome, possĂšde un certain relativisme en face de « la masse colorĂ©e des conceptions possibles, une supĂ©rioritĂ© hautaine envers les particularismes locaux et par consĂ©quent une sorte de tolĂ©rance opportuniste dans les choses qui n'a aucune signification centrale ». En ce sens, et Ă  propos du Complexio Oppositorum de l'Église : « Il semble n'y avoir aucune contradiction qu'elle ne saurait englober ». Par consĂ©quent, La chrĂ©tientĂ© n'est pas Ă  apprĂ©hender comme relevant du domaine privĂ© et d'une pure intĂ©rioritĂ©, mais se pose comme une « institution visible ». Son principe formel est celui de « reprĂ©sentation » au sens d'une reprĂ©sentation de la totalitĂ© par une ou un groupe de personnes. Ce principe de l'institution est la mise en forme de la volontĂ© sous forme politique.

Théologie politique.

Schmitt généralisera les analogies structurelles qui apparaissent ici entre la théologie et les concepts constitutionnels dans son ouvrage de 1922 Théologie Politique sous la forme de la thÚse :

« Tous les concepts prĂ©gnants de la thĂ©orie moderne de l'État sont des concepts thĂ©ologiques sĂ©cularisĂ©s. Et c'est vrai non seulement de leur dĂ©veloppement historique, parce qu'ils ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©s de la thĂ©ologie Ă  la thĂ©orie de l'État [
] mais aussi de leur structure systĂ©matique, dont la connaissance est nĂ©cessaire pour une analyse sociologique de ces concepts. »[52]

DĂšs ses premiĂšres Ɠuvres il est manifeste que Schmitt rĂ©cuse le point de vue libĂ©ral et bourgeois de l'État et de la politique. Pour lui l'État n'est pas statique et normatif mais vivant, dynamique et factuel. De lĂ  provient qu'il affirme la prĂ©sĂ©ance des Ă©lĂ©ments de dĂ©cision sur ceux de dĂ©libĂ©ration et de l'exception sur la norme. Sa vision de l'État est organique et non technicienne. Schmitt en tant que penseur politique se concentre surtout sur le processus social qui prĂ©cĂšde d'aprĂšs lui l'État et la constitution et qui tous les deux peuvent Ă  tout moment leur porter atteinte ou les abolir. En tant que philosophe du droit, il s'occupe des diffĂ©rentes perspectives concernant le problĂšme de la fondation du droit et la question de la valeur de la norme.

La philosophie du droit de Carl Schmitt

Schmitt affirme qu'en tant que juriste il n'aurait jamais Ă©crit que sur les juristes et pour les juristes. À cĂŽtĂ© d'un grand nombre d'expertises concernant la constitution et le droit international se trouve Ă©galement toute une sĂ©rie d'Ă©crits systĂ©matiques qui reposent sur des situations concrĂštes. MalgrĂ© leur orientation destinĂ©e aux juristes spĂ©cialisĂ©s il est possible de reconstruire Ă  travers la multiplicitĂ© des livres et des essais, une philosophie du droit plus ou moins cohĂ©rente. C'est ce que fit en 2004 le philosophe luxembourgeois du droit et spĂ©cialiste de Machiavel, Norbert Campagna[53].

Le soubassement de la philosophie du droit de Schmitt est que la pensĂ©e du droit prĂ©cĂšde les arriĂšre-plans et les conditions prĂ©alables de sa possibilitĂ©. Par consĂ©quent un devoir abstrait prĂ©suppose toujours un ĂȘtre dĂ©terminĂ© et rĂ©gulier qui lui donne alors la possibilitĂ© de sa rĂ©alisation. Schmitt pense donc dans une pure catĂ©gorie de la sociologie du droit. Ce qui l'intĂ©resse par-dessus tout est cette possibilitĂ© permanente que les normes et les rĂ©alisations juridiques se dĂ©litent. D'aprĂšs ce concept, il faut construire au prĂ©alable les conditions qui vont permettre Ă  ceux qui y seront soumis de respecter les normes juridiques. Mais une situation normale est pour Schmitt toujours fragile et menacĂ©e et de son point de vue il peut advenir la nĂ©cessitĂ© paradoxale de devoir enfreindre les normes juridiques afin de crĂ©er la possibilitĂ© d'une valeur du droit. Il en ressort la question : comment le devoir peut-il s'exprimer dans un ĂȘtre, c'est-Ă -dire comment un ĂȘtre de devoir peut-il devenir un ĂȘtre existentiel.

Schmitt comme penseur politique

Schmitt critique sĂ©vĂšrement les conceptions (et une la rĂ©alitĂ©) politique du gouvernement dĂ©mocratique que l'on nomme parlementarisme et rĂ©gime des partis ; d'une part parce que le parlementarisme est le fruit du libĂ©ralisme bourgeois, incapable de prendre des dĂ©cisions nobles en temps de crise (du fait de la passivitĂ© de « la bourgeoisie discutante », trop prĂ©occupĂ©e Ă  dĂ©fendre des intĂ©rĂȘts individuels). D'autre part, parce que le rĂ©gime des partis lui apparaĂźt comme le lieu oĂč rĂšgne la ploutocratie. La dĂ©mocratie ne saurait ĂȘtre libĂ©rale ou liĂ©e d'une façon quelconque aux intĂ©rĂȘts individuels. Elle devrait ĂȘtre, tout au contraire, antilibĂ©rale, reposer sur des prises de dĂ©cision par plĂ©biscite d'un peuple souverain, entraĂźnĂ© par l'enthousiasme et la force de la nation sĂ»re d'elle-mĂȘme.

Curieusement, l'antilibĂ©ralisme de Schmitt ne puise pas seulement Ă  la source rousseauiste, mais chez Thomas Hobbes. ProximitĂ© et distance, amitiĂ© et hostilitĂ© sont la loi de cette confrontation, Schmitt en tire l'idĂ©e de la « guerre de tous contre tous » (Bellum omnium contra omnes) et le contractualisme moderne, qui est en plein dans la lignĂ©e du LĂ©viathan. Schmitt se retrouve lui-mĂȘme dans la fixation du politique sur la dĂ©cision souveraine de Hobbes et en retire Ă©normĂ©ment pour sa propre comprĂ©hension. Pourtant, alors que Hobbes est un penseur de l'entrĂ©e de l'homme dans la sociĂ©tĂ© politique, sous l'Ă©gide du LĂ©viathan (du pouvoir absolu de l'État), (justement pour fuir la guerre de tous contre tous de l'Ă©tat de nature), Schmitt ne semble pas tenir compte que c'est par crainte de la mort violente que l'individu se soumet au pouvoir souverain. Or, Schmitt, en occultant une facette libĂ©rale de la philosophie de Hobbes, va magnifier la mort au point d'en faire le point de dĂ©part du civisme : il faut ĂȘtre capable de donner sa vie pour la Nation. À l’ombre de ce penseur libĂ©ral, un dialogue se met en place avec un autre classique de la modernitĂ©, avec Jean-Jacques Rousseau. Schmitt voit dans le Contrat social de Rousseau l’affirmation de « l’irrĂ©futabilitĂ© dĂ©mocratique » de la souverainetĂ© du peuple. Alors que Rousseau lie la RĂ©publique Ă  la volontĂ© gĂ©nĂ©rale, Ă  la norme de la dĂ©mocratie directe, Schmitt unit souverainetĂ© et exception. Schmitt considĂšre le juriste français Maurice Hauriou comme son maĂźtre[54].

L'itinéraire d'un intellectuel par temps de crise

Carl Schmitt appartient à une génération qui a connu le militarisme allemand et l'humiliation du Traité de Versailles, qui dépouille littéralement l'Allemagne aprÚs sa défaite lors de la PremiÚre Guerre mondiale. Sa génération passe de l'Empire allemand à la république de Weimar. Carl Schmitt pose la question centrale du type de constitution politique qu'il faut à la nation allemande, qui, avant 1914, est loin de vivre unitairement (malgré le pangermanisme qui, a contrario, met en lumiÚre l'éclatement politique des Allemands à l'intérieur, dans les différents LÀnder, comme à l'extérieur les minorités allemandes (en Pologne ou en Autriche-Hongrie).

Dans Le Nihilisme allemand, Leo Strauss éclaire comment de grands esprits ont pu se sentir attirés par la rhétorique de la « décision », de la « situation urgente », de la « réaction vitale », de l'engagement, etc. Ce qui est commun à beaucoup d'intellectuels allemands et à certains mouvements artistiques d'avant-garde de l'époque comme l'expressionnisme, c'est le dégoût pour la vie bourgeoise et décadente et la tendance à attribuer la responsabilité de l'échec de 1918 à une certaine forme de libéralisme et de goût pour le confort matériel. Cette constante (que l'on trouve aussi dans la littérature française, qui s'en prend au « bourgeois ») est sans doute la marque de jeunes esprits plongés dans les temps troublés d'une société peu au clair avec ses propres horizons idéologiques.

Dans le creuset du militarisme allemand alliĂ© Ă  l'idĂ©ologie nationaliste, pangermaniste et antisĂ©mite, le traitĂ© de Versailles va polariser les engagements politiques, soit vers l'extrĂȘme gauche rĂ©volutionnaire et le communisme, soit vers la droite populiste et son extrĂȘme fasciste. Entre les deux, Ă©cartelĂ©e par ces forces centrifuges, la coalition social-dĂ©mocrate Ă  laquelle participe le Zentrum catholique, auquel Schmitt appartient, apparaĂźt bien faible.

Le catholicisme de Schmitt cherchera sa voie dans un certain nationalisme, dans lequel sera recherché un temps le rapprochement entre catholicisme romain germanique et Italie fasciste. Carl Schmitt, intellectuel catholique pratiquant, sera un penseur de la contre-révolution, antilibéral et anticommuniste.

Primat du politique. La distinction ami/ennemi

La conception que Schmitt se fait de l'État repose sur le concept de politique. Il postule le primat du politique et non celui du droit. En consĂ©quence le juriste fut une sommitĂ© de cette toute jeune discipline acadĂ©mique qu'Ă©tait alors la science politique. L'Ordre du droit c'est-Ă -dire l'ordre dĂ©fini et Ă©tabli par le droit, prĂ©cĂšde toujours l'autre c'est-Ă -dire le droit Ă©tatique. Pour Schmitt, c'est cet ordre prĂ©-juridique qui rend seulement possible que le droit puisse devenir une rĂ©alitĂ© concrĂšte. En d'autres mots, le politique suit une logique constitutive tandis que l'essence du droit suit une logique rĂ©gulatrice. Pour Schmitt, l'ordre est Ă©tabli par une dĂ©cision souveraine, prise dans certaines circonstances en vue de sa protection, et qui dĂ©crĂšte qu'un opposant devient un ennemi devant ĂȘtre combattu voire si possible anĂ©anti. Pour ce faire le souverain doit mettre de cĂŽtĂ© toutes les limitations qui sont fournies avec l'idĂ©e de droit.

L'anthropologie pessimiste de Thomas Hobbes (1588-1679) imprÚgne la pensée de Schmitt.

Pour le catholique qu'Ă©tait Carl Schmitt, l'homme n'est pas bon de nature mais indĂ©terminĂ© – tout autant capable du bien comme du mal. Il est donc potentiellement dangereux et pĂ©rilleux. Parce qu'il n'est pas totalement bon il en arrive Ă  l'inimitiĂ©[55]. La politique est pour Schmitt ce domaine dans lequel on doit dĂ©cider entre l'ami et l'ennemi. Dans ce point de vue, qui remonte au Grecs, l'ennemi est toujours « l’ennemi public » (hostis ou encore Ï€ÎżÎ»Î­ÎŒÎčÎżÏ‚), et jamais l'ennemi particulier (inimicus ou encore ΔχΞρός). Schmitt insiste sur le fait que l'exigence du Sermon sur la montagne « d'aimer son ennemi » (d'aprĂšs la Vulgate: diligite inimicos vestros, Mathieu 5,44 et Luc 6,27) concerne l'ennemi privĂ©. Dans un Ă©tat constituĂ© il ne fait donc pas l'objet d'une Politique mais de formes secondaires de la Politique (par exemple : la police).

Sous le terme de "Politique" Schmitt comprend une gradation dans l'association et la sĂ©paration des hommes ("La distinction entre l'ami et l'ennemi signifie le degrĂ© d'intensitĂ© d'un lien ou d'une sĂ©paration, d'une association ou d'une dissociation"). Cette dĂ©finition dynamique qui ne se limite pas Ă  un domaine concret instaure un nouveau fondement thĂ©orique du phĂ©nomĂšne politique. Pour Schmitt cette conception de la politique est une sorte de fondement de sa philosophie du droit. Ernst-Wolfgang Böckenförde dans son traitĂ© Der Begriff des Politischen als SchlĂŒssel zum staatsrechtlichen Werk Carl Schmitts (Abdruck in: Recht, Staat, Freiheit, 1991) Ă©crit : Schmitt considĂšre qu'un ordre n'a Ă©tĂ© Ă©tabli que lorsque se maintient l'intensitĂ© de la distinction publique entre ami et ennemi. Dans les autres cas, menacent la guerre ou la guerre civile. Dans la guerre, d'aprĂšs Schmitt, on a affaire Ă  deux acteurs souverains; la guerre civile quant Ă  elle mettant en cause cet ordre lui-mĂȘme. Un ordre n'existe, toujours d'aprĂšs Schmitt, qu'Ă  l'intĂ©rieur d'une mise en question radicale. La dĂ©signation de l'ennemi est donc toujours expressĂ©ment liĂ©e Ă  un cas d'extrĂȘme nĂ©cessitĂ© (extremis neccessitatis causa).

Il s’agit pour Schmitt d’identifier la nature, ou la notion de territoire avec le contenu et les fins du politique. Pour Schmitt, le politique est le lieu de la distinction ami/ennemi. Cette distinction permet de donner au politique son objet spĂ©cifique, son objectif. Le politique est « ce qui est censĂ© ĂȘtre atteint, combattu, contestĂ© et rĂ©futĂ© ». Une collectivitĂ© s’identifie comme telle par opposition Ă  ce qui est contraire. Une sociĂ©tĂ© se dĂ©finit en opposition aux autres. Tout ce qui devient antagonique devient politique. La guerre est donc l’acte politique par excellence, car pour exister soi-mĂȘme il faut repĂ©rer son ennemi et le combattre. De ce fait, la politique ne se confond pas avec l’État. L’État est une forme historiquement transitoire. Aujourd’hui l’État est la forme la plus complĂšte du politique parce qu’il a seul le pouvoir d’identifier et de nommer l’ennemi intĂ©rieur et extĂ©rieur. Beaucoup contestent la lecture que Carl Schmitt propose[56] de l'affirmation que Rousseau propose concernant l'Ă©tat de guerre qui ne peut exister que d'État Ă  État. Pourtant, elle semble corroborĂ©e par les textes. La guerre, selon Rousseau, ne peut rĂ©sulter que des relations rĂ©elles et non personnelles.

Selon Schmitt, l’État seul peut fixer les moyens de la combattre. L’État qui mĂšne une politique pacifiste cesse donc d’ĂȘtre une entitĂ© politique. Voie de la mondialisation : fin de la distinction ami/ennemi, Ă©volution vers une dĂ©politisation de la planĂšte et vers une sociĂ©tĂ© universelle (cosmopolis).

Schmitt lui-mĂȘme ne donne aucun critĂšre permettant de dĂ©cider Ă  quelle condition un opposant devient un ennemi. Il conçoit comme ennemi (public) celui qui a Ă©tĂ© dĂ©signĂ© tel par la dĂ©cision autoritaire d'un souverain. Dans ce contexte la discussion au sujet du concept de (Feindstrafrecht)[57] formĂ© par GĂŒnther Jakobs pour tout ce qui concerne les ennemis de l'État, fait de temps Ă  autre rĂ©fĂ©rence Ă  Carl Schmitt mĂȘme si ce dernier n'est citĂ© nulle part. MĂȘme le dĂ©bat public entre l'ancien ministre de l'intĂ©rieur Wolfgang SchĂ€uble et le professeur de droit Otto Depenheuer de Cologne, autour de l'idĂ©e d'une auto-affirmation de l'État en cas de menace terroriste se situe dans ce contexte car Depenheuer fait explicitement appel Ă  Carl Schmitt[58].

On trouve donc chez Schmitt une forme d'ĂȘtre-politique qui se meut dans le courant existentialiste. Les jugements normatifs ne sont donc pas appropriĂ©s ("Ce qui existe en tant que grandeur politique mĂ©rite d'exister d'un point de vue juridique"). Un tel relativisme et dĂ©cisionnisme ne relie pas un ordre politique Ă  des valeurs comme la libertĂ© ou la justice, comme c'est le cas chez Montesquieu. Il voit axiomatiquement la plus grande valeur dans la pure prĂ©sence de cet ordre lui-mĂȘme. Cet ontologie irrationaliste, comme sa croyance Ă  un "combat des peuples pour la survie", rendait Schmitt rĂ©ceptif aux conceptions et Ă  la rhĂ©torique du national-socialisme. Deviennent par lĂ -mĂȘme clairement visibles les limites et les faiblesses de ses constructions conceptuelles.

La critique libĂ©rale et libĂ©rale-conservatrice postĂ©rieure Ă  celle de Carl Schmitt (avec Julien Freund), souvent dans la lignĂ©e de Kant, considĂšre que l'État seul est Ă  mĂȘme de garantir les propriĂ©tĂ©s individuelles, et, de ce fait est caractĂ©risĂ© par un rapport stable Ă  son territoire, interdit que l'ancrage des citoyens sur leur terrain puisse entraĂźner une guerre (puisque par le droit civil qui garantit les propriĂ©tĂ©s de chacun se trouve Ă©galement interdite l'atteinte aux propriĂ©tĂ©s des autres), donc seul l'État qui reste dans une relation naturelle et non civile aux autres, peut entrer en guerre Ă  cause de la stabilitĂ© mĂȘme que constitue l'occupation du sol. Selon Yves Charles Zarka (Carl Schmitt ou le mythe du politique), ce n’est pas le couple ami/ennemi, mais le couple libertĂ©/servitude qui est le critĂšre dĂ©terminant du politique. Cela veut dire simplement que l’essence du politique ne doit pas ĂȘtre pensĂ©e en fonction de l’ennemi (intĂ©rieur ou extĂ©rieur), c’est-Ă -dire de la guerre, mais en fonction de la libertĂ© et de la paix. « La politique ne disparaĂźt pas quand la guerre cesse, ce que pourtant certains s’ingĂ©nient Ă  nous faire accroire »[59]. Et c'est justement sur ce point que Montesquieu dĂ©finit l’esprit du libĂ©ralisme politique.

Constitution, souveraineté et état d'exception

Schmitt reproche Ă  l'opinion dominante de la philosophie du droit, surtout celle issue du libĂ©ralisme, d'ignorer le problĂšme, certes indĂ©pendant, de la rĂ©alisation du droit. Le problĂšme fondamental est pour lui liĂ© indissolublement Ă  la question de la souverainetĂ©, de l'État d'exception et d'un "gardien de la constitution". À la diffĂ©rence des penseurs libĂ©raux auxquels il reproche d'occulter cette question, Schmitt dĂ©finit le souverain comme cette puissance publique qui dĂ©cide en derniĂšre instance c'est-Ă -dire sans faire intervenir un moyen juridique. Il voit le souverain comme un sujet effectif et non comme une figure juridique. Pour lui, il n'est pas formĂ© juridiquement mais en lui rĂ©side la forme juridique dans laquelle le souverain crĂ©Ă© le cadre des conditions prĂ©alables du droit. "Il faut que l'ordre soit Ă©tabli pour que l'ordre juridique puisse avoir un sens"[60] et d'aprĂšs Campagna, s'est en fait Ă©galement la destinĂ©e de l'ordre-de-droit qui dĂ©pend de l'ordre fondateur[61].

Schmitt commence par Ă©tablir une thĂ©orie de la constitution et non une thĂ©orie de l'État. Il dĂ©crit la constitution dans sa substance positive comme "une dĂ©cision concrĂšte sur l'art et la forme de l'existence politique". Il dĂ©limite cette approche positiviste, opposĂ© au conception du droit naturel, par la formule "dĂ©cision Ă  partir d'un rien normatif". Ce n'est qu'Ă  partir du moment oĂč le constituant souverain met en relief un contenu en tant que noyau de la constitution, que celle-ci se met Ă  possĂ©der un noyau substantiel.

D'aprĂšs Schmitt la dĂ©cision en faveur du rĂ©publicanisme, de la dĂ©mocratie ou du parlementarisme appartient Ă  la partie politique des constitutions modernes tandis que le vote pour les droits fondamentaux et la sĂ©paration des pouvoirs forme la partie juridique de la constitution. Tandis que la partie politique Ă©tablit le mode de fonctionnement de l'État, la partie juridique montre les limites de ce fonctionnement. D'aprĂšs la dĂ©finition de Schmitt, une constitution a toujours une partie politique mais pas forcĂ©ment de partie juridique. Afin que les droits fondamentaux puissent acquĂ©rir une certaine efficacitĂ© il faut, d'aprĂšs Schmitt, qu'existe au prĂ©alable un État dont ils vont limiter le pouvoir. Avec ce concept il rĂ©cuse implicitement les idĂ©es de droit naturel contenus dans les droits de l'homme universel qui, pour chaque forme d'État, passent pour indĂ©pendants des droits Ă©tablis par cet État; il s'oppose ainsi au libĂ©ralisme.

Schmitt affirme que dans son noyau, une constitution n'est pas à la disposition de majorité politique changeante, un systÚme constitutionnel est bien plutÎt inchangeable. Il n'est pas dans l'esprit des dispositions constitutives concernant une révision de la constitution d'autoriser l'ouverture d'une procédure de sortie du systÚme d'ordre que cette constitution, précisément, se doit d'établir. Lorsqu'une constitution prévoit la possibilité d'une révision constitutionnelle, elle ne fournit pas pour autant une voie légale pour sa propre abrogation.

De la constitution politique, c'est-Ă -dire la dĂ©cision quant Ă  l'art et Ă  la maniĂšre d'exister, rĂ©sulte par consĂ©quent un ordre qui se rend effectif par des normes ("il n'existe pas de normes qu'on puisse appliquer Ă  un chaos"[60]). Il n'y a de forme d'existence dans un sens proprement politique qu'Ă  la condition que cette forme soit collective, c'est-Ă -dire lorsque derriĂšre une valeur collective se trouve une valeur individuelle partagĂ©e par chacun de ses membres. Selon Schmitt, s'exprime toujours dans la constitution des valeurs prĂ©cises qui reçoivent leur contenu concret Ă  partir de concepts juridiques gĂ©nĂ©raux, comme celui de sĂ©curitĂ© publique, qui leur servent de fondement. La normalitĂ© ne peut en fait ĂȘtre dĂ©finie que sur la base de ces valeurs. D'aprĂšs les conceptions de Schmitt, l'Ă©lĂ©ment essentiel de l'ordre est l'homogĂ©nĂ©itĂ© entendu comme accord de tous sur les dĂ©cisions fondamentales quant Ă  l'ĂȘtre politique de la communautĂ©. Schmitt est bien conscient qu'il est illusoire de vouloir parvenir Ă  une large homogĂ©nĂ©itĂ© de la sociĂ©tĂ© et il dĂ©crit l'homogĂ©nĂ©itĂ© absolue comme un "cas idyllique".

D'aprĂšs Schmitt la substance de l'Ă©galitĂ© repose depuis le XIXe siĂšcle avant tout sur l'appartenance Ă  une nation bien dĂ©finie. L'homogĂ©nĂ©itĂ© dans les dĂ©mocraties modernes n'est donc jamais totalement rĂ©alisĂ©e mais repose continuellement sur un pluralisme d'intĂ©rĂȘts particuliers qui par consĂ©quent, d'aprĂšs les vues de Schmitt, menacent en permanence l'ordre. Le hiatus entre ĂȘtre et devoir peut Ă  tout moment devenir un gouffre. Ce concept si central d'homogĂ©nĂ©itĂ© chez Schmitt, n'est au dĂ©but ni pensĂ© ethniquement ni racialement mais bien plus de façon positiviste : la nation se rĂ©alise dans le projet de construire un ordre en commun. AprĂšs 1933 Schmitt fera reposer son concept en fait expressĂ©ment sur celui de race

Dans la pensĂ©e « schmittienne », le souverain constitue et garantit l'ordre. À cette fin il dĂ©tient le monopole de la dĂ©cision ultime. La souverainetĂ© se dĂ©finit donc d'abord juridiquement Ă  partir de ce monopole de dĂ©cision ("est souverain celui qui peut dĂ©cider de la situation d'exception") et non d'un monopole de pouvoir ou de domination.

Les dĂ©cisions qui sont prises dans l'Ă©tat d'exception (jugement situation d'urgence, etc.) n'ont pas Ă  ĂȘtre contestĂ© en fonction de leur exactitude (qu'il y eĂ»t un Ă©tat bien prĂ©cis nĂ©cessitant une dĂ©cision rend cette dĂ©cision indĂ©pendante de la justesse de son contenu) pour Schmitt c'est toujours celui qui Ă©vite la guerre civile ou peut lui faire prendre fin effectivement qui est le souverain.

La situation d'exception a donc le caractĂšre d'un principe heuristique :

"l’exception est plus intĂ©ressante que le cas normal. La normalitĂ© ne prouve rien, l'exception prouve tout ; elle ne se contente pas seulement de confirmer la rĂšgle, mais en fait c’est la rĂšgle qui ne vit qu'Ă  partir de l'exception. C'est dans l'exception que la puissance de la vie rĂ©elle force la croĂ»te d’une mĂ©canique figĂ©e dans la rĂ©pĂ©tition."

Représentation démocratie et homogénéité

Pour Schmitt l’état moderne est lĂ©gitimĂ© dĂ©mocratiquement. Dans ce sens la dĂ©mocratie signifie « l'identitĂ© du dominant et du dominĂ©, de l'administrateur et de l'administrĂ©, de celui qui donne des ordres et de celui qui les reçoit ». L'Ă©galitĂ© appartient Ă  l’ĂȘtre de la dĂ©mocratie mais elle ne dirige de l'intĂ©rieur et de ce fait n'englobe pas les citoyens d'autres Ă©tats. À l'intĂ©rieur d'un État dĂ©mocratique tous ceux qui lui appartiennent sont Ă©gaux. La dĂ©mocratie en tant que forme de l'État est toujours conditionnĂ©e d'aprĂšs Schmitt par un peuple politiquement uni. L'Ă©galitĂ© dĂ©mocratique sous-entend donc une similitude, c'est-Ă -dire une homogĂ©nĂ©itĂ©. L'Ă©poque du national-socialisme Schmitt dĂ©crivait ce postulat non pas en termes de similitude mais comme une sorte d'identitĂ©.

L'affirmation du caractĂšre indispensable d'une certaine homogĂ©nĂ©itĂ© sĂ©pare Schmitt radicalement de son antipode Hermann Heller pour qui l'homogĂ©nĂ©itĂ© est Ă  comprendre socialement et non politiquement[62]. Heller avait entretenu une correspondance avec Schmitt en 1928 dans laquelle il faisait remarquer toute une sĂ©rie de gĂ©nĂ©ralitĂ©s dans des jugements politiques constitutionnels. À cĂŽtĂ© de la question de l’homogĂ©nĂ©itĂ© politique, Schmitt s'Ă©tait montrĂ© tout Ă  fait en accord avec Heller particuliĂšrement quant Ă  la nĂ©cessitĂ© de l'article 48 de la constitution de Weimar concernant l'ordre d'urgence. À ce sujet Schmitt avait fait un exposĂ© en 1924 Ă  la confĂ©rence des professeurs de droit de l'État. Cet Ă©change s'Ă©tait violemment interrompu aprĂšs que Heller eut reprochĂ© Ă  Schmitt son concept de bellicisme politique. Schmitt avait rĂ©pliquĂ© avec vĂ©hĂ©mence Ă  cette accusation.

Sur cette question de l'homogĂ©nĂ©itĂ© politique le tribunal constitutionnel fĂ©dĂ©ral s'Ă©tait prononcĂ© pour une homogĂ©nĂ©itĂ© politique relative Ă  propos du jugement de Maastricht (de) de 1993[63] : « l'État a besoin de prĂ©rogatives propres suffisamment prĂ©cises, sur lesquelles le peuple de cet État puisse s'articuler et se dĂ©ployer dans un processus de formation de la volontĂ© politique lĂ©gitimĂ©e et dirigĂ©e par lui, et Ă  cette fin, ce qu'il relativement homogĂšne spirituelle sociale et politiquement liĂ©e donnĂ© une expression juridique ». Il fait donc rĂ©fĂ©rence explicitement Ă  Hermann Feller bien qu'en la circonstance le contenu dĂ»t plutĂŽt ĂȘtre rangĂ© au cĂŽtĂ© de Schmitt. À ce propos l'expert de droit public Alexandre Proelss Ă©crivait en 2003 « en appeler Ă  Heller pour soutenir la condition d'homogĂ©nĂ©itĂ© du peuple de l'État tombent dans ce cas, Ă  plat
 Le tribunal devait primitivement avoir suivi le but d'Ă©viter la mention manifestement peu souhaitable d'un Schmitt chargĂ© par l'histoire ».

Pour Schmitt par delĂ  le pur intĂ©rĂȘt particulier, doit se trouver une volontĂ© gĂ©nĂ©rale au sens de Rousseau, c’est-Ă -dire une gĂ©nĂ©ralisation de tous les intĂ©rĂȘts sĂ©parĂ©s. Cette « substance de l’unitĂ© » est davantage de l’ordre du sentiment que de la rationalitĂ©. Lorsque manque une similitude forte et consciente c’est-Ă -dire une capacitĂ© d’action politique, c’est alors d’aprĂšs Schmitt que l’on a besoin de la reprĂ©sentation. LĂ  ou dans un Ă©tat, prĂ©domine l’élĂ©ment de reprĂ©sentation, l’état se rapproche de la monarchie; lĂ  oĂč, en revanche, l’élĂ©ment de l’identitĂ© est le plus fort, l’état se rapproche de la dĂ©mocratie. Lorsque dans la rĂ©publique de Weimar la guerre civile est apparue comme un danger rĂ©el, Schmitt opta pour un prĂ©sident du Reich souverain, en tant qu’élĂ©ment de pure reprĂ©sentation. Par contre, il dĂ©crit le parlementarisme comme une simple façade qui se serait imposĂ©e au cours de l’histoire des idĂ©es. Il rejette le parlement comme le lieu des partis et des intĂ©rĂȘts particuliers. Il souligne dans les dĂ©limitations que le prĂ©sident lĂ©gitimĂ© dĂ©mocratiquement reprĂ©sente l’unitĂ©. En tant que reprĂ©sentant de l’unitĂ© il est, de ce point de vue, le « gardien de la constitution », la substance politique de cette unitĂ©.

Dictature, légalité et légitimité

Le « LĂ©viathan » – le symbole de l'État moderne d'aprĂšs Hobbes, ici d'aprĂšs une gravure de Gustave DorĂ© (1865) – aux yeux de Schmitt, anĂ©anti par le pluralisme et les puissances indirectes.

L’instrument par lequel le souverain peut restaurer l’ordre dĂ©truit est, d’aprĂšs Schmitt, la dictature qui de son point de vue reprĂ©sente l’Institut du droit dans la dĂ©fense face aux dangers (cf. l’article « Ă©tat d’exception»). Une dictature, conçue ainsi dans le sens Ă©tymologique romain du mot comme un pouvoir-d'urgence ayant pour but le rĂ©tablissement de l’ordre menacĂ© n’est, d’aprĂšs le jugement de Schmitt, reliĂ© Ă  aucune norme juridique, bien que ce soit toujours le droit qui dĂ©limite son horizon. Entre cette dictature et l’idĂ©e du droit il n’y a pour ainsi dire qu’une contradiction relative mais non absolue.

La dictature, selon Schmitt, ne serait simplement qu’un moyen pour permettre Ă  une normalitĂ© menacĂ©e d’acquĂ©rir Ă  nouveau une stabilitĂ© indispensable pour l’utilisation judicieuse du droit et son efficacitĂ©. À partir du moment oĂč l’opposition ne respecte plus la norme du droit, la dictature devient la rĂ©ponse appropriĂ©e. Celle-ci (r)Ă©tablit donc un lien entre Être et Devoir dans lequel la norme du droit est momentanĂ©ment suspendue, afin rendre possible la rĂ©alisation du droit.

« Que cette dictature renferme une exception Ă  une norme, ne prouve pas la nĂ©gation circonstancielle d’une norme quelconque. La dialectique interne de ce concept tient plutĂŽt dans le fait que la norme elle-mĂȘme est niĂ©e, et son rĂšgne, dans la rĂ©alitĂ© politique et historique, doit en ĂȘtre assurĂ© par la dictature ».

Il conçoit l’ĂȘtre de la dictature dans le dĂ©litement du droit et de sa rĂ©alisation :

« Entre la domination de la norme Ă  rĂ©aliser et la mĂ©thode de sa rĂ©alisation il peut y avoir une contradiction. L’essence de la dictature est ici dans la philosophie du droit Ă  savoir la possibilitĂ© d’une sĂ©paration des normes du droit et de celles de leurs rĂ©alisation ».

Schmitt fulmine aprĂšs la philosophie libĂ©rale du droit qui ne veut rien savoir de ce problĂšme tout Ă  fait spĂ©cifique de la rĂ©alisation du droit, parce que ses reprĂ©sentants sont obnubilĂ©s par le cas normal et font l’impasse sur le cas d’exception. Campagna rĂ©sume ainsi cette position de Schmitt :

« Dans le cas normal, il n’est pas besoin de faire tort Ă  la norme du droit pour assurer la rĂ©alisation de cette norme. Mais l’observation rĂ©aliste des affaires humaines, montre que ce cas normal ne peut ĂȘtre assurĂ© pour toute l’éternitĂ© ; on doit donc toujours compter avec la possibilitĂ© que la norme de droit et la norme de la rĂ©alisation du droit se sĂ©parent et que l’on doive enfreindre les normes de droit afin de garantir un vie juridique commune ».

Pareillement, lĂ©gitimitĂ© et lĂ©galitĂ© peuvent aussi se dĂ©liter. Il le diagnostique en 1932, dans la derniĂšre phase de la rĂ©publique de Weimar. Un systĂšme de lĂ©galitĂ© purement fonctionnel menace de s’utiliser contre lui-mĂȘme et donc finalement d’abolir sa propre lĂ©galitĂ© et lĂ©gitimitĂ©. Chez Richard Thoma « le systĂšme juridique bourgeois lui-mĂȘme avec son concept de libertĂ© et de lois, est encore sanctifiĂ©. La neutralitĂ© libĂ©rale envers les valeurs est vu elle-mĂȘme comme une valeur, et les ennemis politiques – fascisme et bolchĂ©visme- souvent dĂ©noncĂ©s. Gerhard AnschĂŒtz par contre, pousse la neutralitĂ© des valeurs d’un systĂšme de lĂ©galitĂ© fonctionnel jusqu’à la neutralitĂ© absolue contre elle-mĂȘme et propose une voie lĂ©gale vers l'Ă©viction de la lĂ©galitĂ© elle-mĂȘme, il va dans sa neutralitĂ© jusqu’au suicide »[64]. Schmitt va condenser par une formulation bien connue, cette critique de l’idĂ©e majoritairement professĂ©e du relativisme des valeurs :

« Une constitution qui n’oserait pas se dĂ©cider ici [i.e. devant la menace d’une mise Ă  l’écart du systĂšme lĂ©gal lui-mĂȘme], mais voudrait donner aux classes combattantes, au lieu d’un ordre substantiel, l’illusion d’avoir une direction et de poursuivre comme but, de trouver lĂ©galement son compte, Ă  atteindre lĂ©galement tous les objectifs de son parti et de pouvoir lĂ©galement anĂ©antir tous ses opposants, n’est tout simplement plus possible aujourd’hui en tant que compromis formel dilatoire et n’aurait pour rĂ©sultat pratique que de dĂ©truire sa propre lĂ©gitimitĂ© et sa propre lĂ©galitĂ©. Elle devrait, Ă  cet instant critique oĂč une constitution doit prendre garde Ă  elle-mĂȘme, nĂ©cessairement s'abandonner elle-mĂȘme ».

Un comportement est lĂ©gal lorsqu’il se fait subordonner Ă  une norme gĂ©nĂ©rale du droit positif. Pour Schmitt en revanche, la lĂ©gitimitĂ© n’est absolument pas liĂ©e Ă  cette norme. Elle peut se comporter en vertu de principes qui sont prioritaires devant le droit positif comme « le droit de survie d’un Ă©tat » c’est-Ă -dire la raison d'État. La dictature en appelle pour ainsi dire Ă  la lĂ©gitimitĂ©. Elle n’est pas liĂ©e Ă  une normalitĂ© positive mais seulement Ă  la substance de la constitution, c’est-Ă -dire Ă  sa dĂ©cision fondamentale concernant l’art et la maniĂšre de l’existence politique.

ConformĂ©ment Ă  l’avis de Schmitt, la dictature doit se rendre d’elle-mĂȘme superflue c’est-Ă -dire qu’elle doit tellement reprĂ©senter la rĂ©alitĂ© que le recours Ă  une force exceptionnelle devienne superflue. Lors de la disponibilitĂ© d’une constitution la dictature est indispensable provisoirement, elle ne peut en effet suivre aucune autre voie, que d’amener la constitution Ă  ĂȘtre Ă  nouveau valide. Le dictateur est donc un pouvoir constituĂ© qui ne peut pas ignorer les volontĂ©s du pouvoir constituant. Pour sa dĂ©limitation il y a selon Schmitt une "dictature souveraine" dans laquelle, le dictateur produit simplement une situation qui de son point de vue vaut la peine d’ĂȘtre prĂ©servĂ©e. Schmitt a ici essentiellement en tĂȘte le Prince souverain. Cela signifie par consĂ©quent ce que Schmitt a Ă©galement formulĂ© : Dictature souveraine et constitution se renferme l’une l’autre.

Guerre, inimitié, droit international

L'homogénéité qui d'aprÚs Schmitt appartient au noyau fondamental de la démocratie présuppose toujours à un niveau supérieur de l'hétérogénéité. Il n'y a d'unité que dans une limitation d'une multiplicité. Tout peuple qui s'organise de maniÚre démocratique ne peut y parvenir qu'en opposition à un autre peuple. Pour cette conception, il existe toujours un "pluriversum" de peuples et d'états. Tout comme pour le droit national, le droit international présuppose un ordre concret.

Depuis 1648 et la paix de Westphalie, cet ordre concret Ă©tait le rĂ©gime des États garant d'un ordre juridique international. Du fait que Schmitt constate la disparition de ce rĂ©gime des États, se pose pour lui la question d'un nouvel Être concret, sujet juridique international, qui puisse garantir un fondement vĂ©ritable pour un ordre juridique international.

Selon Schmitt, historiquement parlant, un tel ordre a toujours Ă©tĂ© produit par des guerres entre États souverains qui voulaient imposer, par le combat, leur idĂ©e politique en tant que facteur ordonnant. Tout d'abord lorsque les demandes impĂ©rieuses d'ordre sont poussĂ©es Ă  leurs limites, il s'Ă©tablit un pluriversum stable lors d'un traitĂ© de paix, comme un ordre international (Le sens de ces guerres sensĂ©es est de conduire Ă  un traitĂ© de paix). Il doit simplement y avoir une distribution de l'espace perçue comme "normale" Ă  partir de laquelle puisse advenir un ordre juridique international efficient.

Par leur diversitĂ© politique, ces communautĂ©s constituent toujours les unes pour les autres un ennemi potentiel tant que n'a pas Ă©tĂ© produit un ordre concret. Schmitt considĂšre donc comme dĂ©cisif un concept d'ennemi bien dĂ©limitĂ© qui laisse de la place pour une idĂ©e du droit. Un traitĂ© de paix n'est en effet possible qu'avec un telle opposition qui est vue comme un adversaire (potentiel) et non comme un ennemi absolu. Schmitt pose ici la question de la limitation de la guerre. Le minimum Ă©thique de l'idĂ©e du droit est par consĂ©quent le principe d'opposition. Cet Ă©lĂ©ment ne doit jamais ĂȘtre dans une guerre ce qui veut dire que l'on doit toujours reconnaitre Ă  son ennemi dans une guerre les mĂȘmes droits que l'on exige pour soi-mĂȘme.

Schmitt distingue donc les formes suivantes d'inimitié : l'inimitié conventionnelle (de circonstance), l'inimitié réelle et l'inimitié absolue. De façon paradoxale, l'ennemi absolu apparait lorsqu'un des partis inscrit sur sa banniÚre le combat pour l'humanisme. En effet, qui combat pour le bien ou la sauvegarde de l'humanité tout entiÚre doit considérer ses adversaires comme les "ennemis de l'humanité tout entiÚre" et donc les déclarer "non-humains". Reprenant le mot de Pierre-Joseph Proudhon : "Qui dit Dieu veut mentir", Schmitt déclare : "Qui dit Humanité veut mentir".

« Se ranger derriĂšre de nom "d'humanitĂ©", en appeler Ă  l'humanitĂ©, la rĂ©quisition de ce mot, tout cela ne peut que manifester que la plus terrible des demandes : que la qualitĂ© d'homme soit refusĂ©e Ă  l'ennemi, qu'il soit dĂ©clarĂ© "hors-la-loi" (en français dans le texte) et "hors l'HumanitĂ©" (idem) et par consĂ©quent que la guerre soit menĂ©e jusqu'Ă  sa plus extrĂȘme inhumanitĂ©, cela parce qu'on ne peut pas se ranger derriĂšre un tel nom sublime sans consĂ©quences »[65].

Schmitt achÚve la généralisation de cette thÚse en 1960 dans une publication privée intitulée La Tyrannie de la valeur. Il y refuse tout discours sur les valeurs :

« qui parle de valeurs veut peser et imposer. On s'acquitte de ses vertus; on utilise des normes; des ordres sont exécutés ; mais les valeurs sont posées et imposées. Qui affirme leur valeur doit les faire valoir. Qui prétend qu'elles ont une valeur sans que quelqu'un ne les rendent valables veut tromper ».

Schmitt dĂ©crit la guerre conventionnelle comme une guerre circonscrite (ius in bello) Ă  laquelle prennent part les États et leurs armĂ©es respectives sinon personne. C'est sur ces principes qu'ont Ă©tĂ© Ă©tablies les quatre conventions de GenĂšve qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, qui reposent sur une idĂ©e d'État souverain. Schmitt loue ces conventions comme "Ɠuvre de l'humanitĂ©" mais en mĂȘme temps affirme qu'elles procĂšdent d'une rĂ©alitĂ© qui n'existe plus en tant que telle. DĂšs lors elles ne peuvent plus remplir leur fonction propre qui est de circonscrire la guerre de façon efficace. Avec la disparition de l'Être sous-jacent, le devoir a lui aussi perdu son fondement.

Pour Schmitt, la "guerre circonscrite" des conventions de GenÚve (ici le document original de la premiÚre convention de 1864) appartiennent au passé.

Cette idée que la paix ne peut provenir que de la guerre par exemple en aboutissant à un nouvel ordre concret consécutif à une conclusion de paix, Schmitt va la formuler tout d'abord en rapport avec les conditions de l'armistice de la premiÚre guerre mondiale. Sur fond de cette représentation, il proclame cette alternative provocatrice : Paix ou pacifisme. Comme exemple d'une conclusion de paix qui ne conduit à aucun ordre nouveau au sens d'une conclusion-de-paix, Schmitt donne celui du traité de Versailles et de la création de la SDN à GenÚve en 1920. Dans la perspective de Schmitt, la SDN ne fait que proroger la situation de guerre. Elle lui apparaßt comme la continuation de la guerre par d'autres moyens. Il écrira à ce propos en 1940 durant la Seconde Guerre mondiale :

« En vĂ©ritĂ©, la combinaison de GenĂšve a mĂ©ritĂ© de s’appeler une association, une sociĂ©tĂ© ou une ligue au sens d’un rassemblement politique dĂšs lors qu’elle a recherchĂ© Ă  prolonger la coalition de la guerre mondiale et d’y inclure Ă©galement les pays neutre dans le conflit »“[66].

ConcrĂštement, Schmitt fait rĂ©fĂ©rence Ă  l’occupation de la Ruhr par les troupes françaises et belges en janvier 23 en rĂ©action aux manifestations concernant la hauteur des rĂ©parations allemandes, dans le seul but d’obtenir une position stratĂ©gique vis-Ă -vis de la partie non encore occupĂ©e de la Ruhr et de crĂ©er le plus important centre de commerce. Cet acte reposait sur la certitude du caractĂšre « sacrĂ© du traitĂ© ». Schmitt vitupĂšre contre ce qu’il considĂšre comme une falsification idĂ©ologique de formidables intĂ©rĂȘts politiques.

Il considĂšre comme reprĂ©sentant le plus grand danger pour la paix cette maniĂšre de cacher sous un manteau juridique ce qui n’est qu’une exigence de pouvoir de la part des États forts. Ce n’est qu’une façon de poursuivre la guerre qui, par un manque dĂ©libĂ©rĂ© de considĂ©ration pour l’ennemi, ne conduit qu’au renforcement de l’animositĂ© au sens du concept d’ennemi absolu et finalement aboutit au concept de guerre discriminatoire. Un ordre concret ne peut se construire sur une telle paix « inauthentique ». Au lieu d’un ordre, on ne dispose que d’une façade d’ordre derriĂšre laquelle changent les objectifs politiques.

« Finalement, il manque (Ă  la SDN) toute pensĂ©e constructive, toute substance d’une communautĂ©, d’oĂč Ă©galement tout sens des consĂ©quences politiques ainsi que la permanence et la continuitĂ© en un sens juridique. Le contenu politique de la SDN a souvent changĂ© et la mĂȘme administration genevoise, tout en conservant la mĂȘme Ă©tiquette s’est transformĂ© au moins 6 fois (jusqu’en 1936) en un ''autre'' politique et donc Ă©galement au sens du droit international ».

Dissolution de l’ordre international : Grand espace, pirates et partisans

Schmitt diagnostique la fin de la Nation («L’époque de la Nation arrive Ă  sa fin. Il n’y a Ă  ce propos rien d'autre Ă  ajouter ».) La disparition de l’ordre des États souverain est la consĂ©quence de plusieurs facteurs : en premier lieu, les États eux-mĂȘmes se dissolvent, ce qui correspond Ă  une nouvelle sorte de sujet du droit international ; en second lieu, la guerre est devenue ambiguĂ« — c’est-Ă -dire gĂ©nĂ©rale et totale — et a par consĂ©quent perdu son caractĂšre conventionnel et dĂ©limitĂ©.

Dans les catĂ©gories de Schmitt, le flibustier – ici dans sa variante contemporaine des pirates somaliens en cours d'arrestation par des troupes internationales – est l'ancĂȘtre des terroristes modernes.

Sur le point concernant les États, Schmitt en rapport avec la doctrine Monroe, introduit une nouvelle sorte de Grand Espace avec interdiction d’intervention pour les puissances qui n’y appartiennent pas. On a ici affaire Ă  un nouveau sujet du droit : les États-Unis par exemple depuis la doctrine Monroe ne constituent plus un État habituel, selon Schmitt, mais une puissance Ă  la foi dirigeante et dĂ©tentrice dont l’idĂ©e politique rayonne au sein de son Grand-Espace, Ă  savoir l’hĂ©misphĂšre occidental. Il s’ensuit un dĂ©coupage de la Terre en diffĂ©rents Grands-Espaces satisfaisant Ă  une certaine histoire, une certaine Ă©conomie et une certaine culture. En 1941, Schmitt inflĂ©chira de façon national-socialiste, ce concept de Grand-espace dĂ©veloppĂ© depuis 1938.; l'idĂ©e politique d'un reich allemand est l'attention de chaque peuple en tant que rĂ©alitĂ© vivante s'appuyant sur le sang et le sol par sa façon et ses origines.

Selon l'analyse de Schmitt les États ont en mĂȘme temps perdu le monopole de la conduite des guerres. Il attire dĂ©sormais de nouveaux combattants indĂ©pendants des Ă©tats et qui s'instaurent comme des partis capable de diriger des conflits. Schmitt voit au centre de cette nouvelle maniĂšre de conduire les guerres des hommes qui s'identifient totalement avec le but de leur groupe et par consĂ©quent ne connaissent aucune limite Ă  la rĂ©alisation de ces buts. Ils sont dĂ©sintĂ©ressĂ©s, innocents, prĂȘts au sacrifice. On rentre par lĂ  dans la sphĂšre de la totalitĂ© et donc on pĂ©nĂštre sur les terres de l'inimitiĂ© absolue.

On a donc désormais à faire au partisan que Schmitt décrit en quatre points. L'irrégularité, un fort engagement politique, la mobilité et le caractÚre tellurique (un lien avec le lieu). Le partisan n'est plus reconnaissable en tant que combattant régulier, il ne porte pas d'uniforme, il élude consciemment la différence entre les combattants et les civils qui est constitutive du droit de la guerre. De par son fort engagement politique, le partisan se distingue du pirate[67]. Le partisan combat tout d'abord pour des raisons politiques avec lesquels il s'identifie constamment. L'origine latine du mot partisan désigne « celui qui appartient à un parti », ce qui est souvent oublié.

Du fait de son irrĂ©gularitĂ© le partisan est particuliĂšrement mobile Ă  la diffĂ©rence d'une armĂ©e rĂ©guliĂšre. Il peut intervenir rapidement et de façon inattendue et se retirer tout aussi vite. Il n'agit pas de façon hiĂ©rarchique et centralisĂ©e mais de façon dĂ©centralisĂ©e en rĂ©seau. Son caractĂšre tellurique apparaĂźt selon Schmitt dans son sentiment d'ĂȘtre reliĂ© de façon concrĂšte Ă  un lieu qu'il dĂ©fend. Ce partisan localisĂ© ou encore reliĂ© Ă  un lieu conduit tout d'abord des guerres de dĂ©fense. Mais ce dernier point constitue Ă©galement sa perte. Le partisan (ou comme on les nomme aujourd’hui : le terroriste) devient « l'outil de la politique mondiale de domination d'un centre de direction qui l'utilise dans un conflit soit ouvert soit invisible, et le laisse tomber en fonction des circonstances ».

Tandis que l'ennemi conventionnel au sens de la guerre limitĂ© conteste un aspect bien dĂ©terminĂ© au sein d'un cadre acceptĂ© par toutes les parties prenantes, l'ennemi rĂ©el conteste ce cadre lui-mĂȘme. Le partisan lorsqu'il n'est plus reliĂ© Ă  un sol concrĂ©tise l'inimitiĂ© absolu et par lĂ  marque le passage Ă  la guerre totale. Pour Schmitt ce passage du partisan autochtone au partisan agressant le monde entier commence historiquement avec LĂ©nine. Dans ces guerres nouvelles qui sont imprĂ©gnĂ©es par l'inimitiĂ© absolue du partisan, il ne s'agit plus de conquĂ©rir un nouveau territoire mais d'anĂ©antir une forme d'existence pour cause de son absence apparente de valeur. De cette inimitiĂ© dĂ©finie de façon contingente s'affirme une inimitiĂ© ontologique ou intrinsĂšque. Avec un tel ennemi, il n'est plus possible de mener une guerre limitĂ©e et plus aucun traitĂ© de paix n'est possible. Schmitt nomme cela la "guerre discriminante" Ă  la diffĂ©rence de la "guerre Ă  paritĂ©". Ce concept de guerre discriminante rompt avec la rĂ©ciprocitĂ© et juge l'ennemi d'aprĂšs les catĂ©gories de la justice et de l'injustice.

Si le concept d'ennemi devient total en ce sens, on quitte alors la sphÚre du politique pour entrer dans celle du théologique c'est-à-dire la sphÚre d'une différence ultime et non négociable. D'aprÚs Schmitt, le concept d'ennemi dans le domaine politique est une idée délimité par le droit. Conséquemment, il est tout simplement absence de disposition éthique des buts de guerre, lesquels sont les seuls à rendre possible une "limitation de la guerre", parce que les postulats éthiques, fondamentalement non négociables, appartiennent à la sphÚre théologique.

Le Nomos de la Terre

AprĂšs la chute de l'ordre Ă©tabli par la paix de Westphalie, se pose la question d'un nouvel ordre d'Être qui puisse devenir le fondement d'un Devoir abstrait. Il est clair pour Schmitt qu'il ne peut pas y avoir un ordre unique. La dĂ©s-Ă©tatisation de l'ordre international ne doit pas aboutir Ă  un universalisme. D'aprĂšs Schmitt, pour remplacer les circonscriptions de la guerre comme elles Ă©taient garanties par l'ordre « westphalien », il ne peut advenir qu'un monde de grands espaces avec interdiction d'intervention pour les autres grandes puissances.

Il échafaude en 1950 un « Nomos de la Terre », analogue à la décision souveraine, construit en premier lieu les conditions d'une normalité qui sont indispensables à la réalisation du Droit. Ce Nomos de la Terre entendu au sens spatial, est selon Schmitt le fondement d'une légalité dans le droit international. Un droit international efficace est toujours construit sur un tel ordre concret et jamais sur de simples traités. SitÎt que l'un des éléments de cet ordre est remis en question c'est tout l'ordre en tant que tel qui est en danger.

D'aprĂšs Schmitt, le premier Nomos fut local et ne concerne que le continent europĂ©en. AprĂšs la dĂ©couverte de l'AmĂ©rique, le Nomos devient global puisqu'il doit s'Ă©tendre Ă  la totalitĂ© du monde. Pour le nouveau Nomos qui n'a pas encore Ă©tĂ© forgĂ©, la thĂ©orie schmittienne voit trois possibilitĂ©s principales : a) Une des puissances dominantes soumet toutes les autres, b) Le Nomos dans lequel les États souverains s'acceptent comme adversaire est Ă  nouveau construit, c) l'espace devient un pluriversum de grandes puissances d'une nouvelle sorte.

Schmitt tient la rĂ©alisation de la deuxiĂšme variante comme invraisemblable. Il exclut radicalement la premiĂšre (« Le droit par la paix est sensĂ© et convenable ; la paix par le droit est domination impĂ©rialiste »). Il ne doit pas se faire qu'une puissance Ă©goĂŻste, il a surtout en vue les États-Unis, dispose du monde selon les intĂ©rĂȘts de leur puissance. Le jus belli ne doit pas devenir le droit prĂ©alable d'une unique puissance sinon le droit international cesse d'ĂȘtre paritaire et universel. Il ne reste plus qu'un pluriversum d'un petit nombre de grands espaces. La condition prĂ©alable Ă  cette fin serait en fait d'aprĂšs Schmitt une guerre globale car seule une explication sous forme de guerre est apte Ă  fonder un nouveau « Nomos de la Terre ».

RĂ©ception

AprĂšs 1945, du fait de ses engagement en faveur du TroisiĂšme Reich, Schmitt fut mis Ă  l'Ă©cart des positions acadĂ©miques et journalistiques. À cĂŽtĂ© d'Arnold Gehlen, Hans Freyer et Martin Heidegger, il fut considĂ©rĂ© comme un soutien et un compagnon du rĂ©gime National-socialiste.

La critique de Schmitt aprĂšs la Seconde Guerre mondiale se divise en trois tendances :

  1. La critique allemande, qui rejette Schmitt en bloc du fait de son allégeance au national-socialisme. Schmitt, aprÚs Nuremberg et quelques mois de prison, restera interdit d'enseignement, contrairement à Martin Heidegger ;
  2. La critique anglo-saxonne, qui distingue le Schmitt juriste de la république de Weimar du juriste national-socialiste ;
  3. Un troisiĂšme groupe, qui voit dans le Schmitt du TroisiĂšme Reich une trahison du juriste de Weimar.

Il possĂšde pourtant de nombreux Ă©lĂšves qui influencĂšrent grandement la pensĂ©e juridique de la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale naissante. Parmi eux les juristes Ernst Rudolf Huber, Ernst Forsthoff, Werner Weber, Roman Schnur, Hans Barion et Ernst Friesenhahn, qui Ă  l'exception de Friesenhahn avaient un lourd passĂ© dans le national-socialisme[68]. Ces Ă©lĂšves lui consacrĂšrent une publication Ă  l'occasion des jubilĂ©s de ses 70e et 80e anniversaire oĂč ils firent part de leur reconnaissance[69]. Parmi d'autres Ă©lĂšves de Schmitt, le conseiller Ă  la Chancellerie puis journaliste politique RĂŒdiger Altmann ou le journaliste influent Johanness Gross; de jeunes juristes constitutionnels comme Ernst-Wolfgang Böckenförde[70] ou Josef Isensee[71] ont Ă©tĂ© constamment influencĂ©s par Carl Schmitt et appartiennent Ă  ce que l'on nomme parfois l'Ă©cole schmittienne[72]. Le dilemme de Böckenförde (en) qui s'appuie sur les thĂšses de Schmitt Ă©nonce par exemple que l'État ne vit que sous des conditions prĂ©alables qu'il ne peut pas garantir[73]. Au premier temps de la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale, diverses personnalitĂ©s publiques cherchĂšrent les conseils ou les expertises de Schmitt et parmi eux en 1952, l'Ă©diteur du Spiegel, Rudol Augstein[74].

Schmitt voit l'État du LĂ©viathan de Hobbes comme une Ă©norme machine en laquelle s'achĂšve le mĂ©canisme de la technique qui donne ses ordres

Schmitt a Ă©galement influencĂ© d'autres disciplines. En Histoire ce furent surtout Reinhart Koselleck (Kritik und Krise) et Christian Meier (Die Entstehung des Politischen bei den Griechen), en sociologie Hanno Kesting (Geschichtsphilosophie und WeltbĂŒrgerkrieg); en philosophie Odo Marquard (Individuum und Gewaltenteilung), Hermann LĂŒbbe (Der Streit um Worte: Sprache und Politik) et Alexandre KojĂšve (Hegel, eine VergegenwĂ€rtigung seines Denkens) s'avĂ©rĂšrent rĂ©ceptifs aux Ă©noncĂ©s schmittiens. Hans Blumenberg (LegitimitĂ€t der Neuzeit) se prĂ©occupe Ă©galement dans ses travaux de diverses positions de Schmitt parfois en leur faveur, parfois de maniĂšre critique[75]. En sciences des religions c'est essentiellement Jacob Taubes (AbendlĂ€ndische Eschatologie) qui se rallie Ă  la ThĂ©ologie Politique de Schmitt[76].

Récemment, Bruno Latour a recours "au toxique et néanmoins indispensable Carl Schmitt", dans la 7e de ses huit conférences regroupées dans le recueil Face à Gaïa (2015).

RĂ©ception Ă  gauche

Une question particuliĂšrement difficile concerne l'influence de Schmitt dans les milieux intellectuels et politiques de gauche. Elles firent l'objet de vives controverses[77]. D'un cĂŽtĂ©, Schmitt passe pour une sorte d'intellectuel — Ernst Bloch le dĂ©crit comme un des « prostituĂ©s de l'absolutisme NS devenu absolument mortel »[78] ; d'un autre cĂŽtĂ©, on trouve des accords argumentĂ©s, des analogies de contenus et des rĂ©fĂ©rences cachĂ©es.

Dans une contribution qui fit l'objet de discussions[79], sur Schmitt et l'École de Francfort, Ellen Kennedy dĂ©fend en 1986, l'idĂ©e que la critique du parlementarisme de Habermas utilise le genre d'argumentation de Schmitt[80].

Comme l'a rapportĂ© Eike Hennig, Schmitt joue un grand rĂŽle dans les sĂ©minaires de Francfort de Iring Fetscher de 1968. Reinhard Mehring Ă©crit Ă  ce sujet en 2006 : « l'influence de Schmitt sur Habermas a Ă©tĂ© constamment discutĂ©e. C'Ă©tait dans l'air. « Schmitt Ă©tait comme le juriste maison de la thĂ©orie critique et de l'Ă©cole de Francfort. Otto Kirchheimer et Franz Neumann, Ernst Fraenkel et Walter Benjamin, avaient tous lu Schmitt avant 1933. Kirchheimer Ă©tait devenu docteur sous sa direction ; lui et Neumann avaient frĂ©quemment rencontrĂ© Schmitt Ă  Berlin. Ses observations politiques sur le droit et la souverainetĂ© populaire Ă©tait intĂ©ressantes pour leur travail concernant la thĂ©orie du droit socialiste. NĂ©anmoins Kirchheimer avait trĂšs tĂŽt critiquĂ© le rĂ©alisme conceptuel de Schmit qu'il comprenait comme les catĂ©gories juridiques poussĂ©es Ă  leur extrĂ©mitĂ© du point de vue de la philosophie de l'histoire. Neumann adapta le diagnostic de la thĂ©orie du droit de Schmitt Ă  la dĂ©sagrĂ©gation des lois constitutionnelles et Ă  sa description du "BehĂ©mot" national-socialiste. Depuis lors il eut un "schmitisme juridique" de gauche qu'Habermas rencontra Ă  Francfort »“[81].

Le spécialiste des sciences politiques Wilhelm Hennis (en), avait en juillet 1968 dans son discours inaugural de Fribourg, au titre faisant référence à Schmitt Verfassung und Verfassungswirklichkeit (constitution et réalité constitutionnelle), avait décrit la pensée constitutionnelle de la gauche, et plus précisément la distinction entre les formes d'organisation formelle et les principes matériels du droit fondamental, comme du pur Schmitt "francfortisé"[82]. Schmitt auquel Hennis avait envoyé l'écrit, répondit en décembre 68 avec des remarques louangeuses envers l'auteur de l'école de Francfort.

« Mon Ă©crit sur LĂ©galitĂ© et lĂ©gitimitĂ© doit Ă©viter, qu'elle (la constitution) devienne un instrument de guerre civile ; dĂšs lors, la chose la plus importante de tout cet Ă©crit concerne la science du droit : la thĂ©orie de la primautĂ© politique sur la possession lĂ©gale de la force, qui est une Ă©poque de grande coalition (les gouvernements de Kurt Georg Kiesinger et de Willy Brandt de 1966 Ă  1969) deviennent d'elle-mĂȘme une praxis d'une primautĂ© lĂ©gale sur la possession politique de la force. C'est prĂ©cisĂ©ment cela qu'on compris ceux de Francfort et que les autres ne veulent pas comprendre »[83].

À cĂŽtĂ© des points d'ancrage de Schmitt et des protagonistes de l'Ă©cole de Francfort il y avait des Ă©lĂ©ments de "solidaritĂ© problĂ©matique" (Friedrich Balke) entre la philosophe politique Hannah Arendt et Carl Schmitt[84]. Dans son travail de 1951, Elemente und UrsprĂŒnge totaler Herrschaft (ÉlĂ©ments et Ă©closion de la domination totale) Arendt prĂ©tend qu'« il n'y eut relativement qu'un petit nombre « de vĂ©ritables artistes ou de savants de l'Allemagne nazie qui furent des nazis convaincus et non simplement des ralliĂ©s de la derniĂšre heure. [
] On peut par exemple se souvenir de la carriĂšre de Carl Schmitt qui fut sans aucun doute l'homme le plus significatif dans le domaine du droit constitutionnel et du droit international, et qui s'est donnĂ© un mal fou pour justifier les nazis. Il n'y est jamais parvenu ».

Bien plus, il a Ă©tĂ© remplacĂ© par « ces nationaux-socialistes de deuxiĂšme ou de troisiĂšme catĂ©gorie comme Theodor Maunz (de), Werner Best, Hans Frank, Gottfried Neesse et Reinhard Höhn, et collĂ© au mur. »[85] Arendt utilise certains concepts schmittiens comme le „romantisme politique“ (d'aprĂšs l'Ă©crit de 1925) et elle se rĂ©fĂšre sur ce point Ă  la thĂšse d'un rapport entre les philistins et les romantiques politiques. De mĂȘme elle utilise le cheminement de pensĂ©e de son Ă©crit national-socialiste de 1934 Staat, Bewegung, Volk[86] Dans la volumineuse bibliographie qui clĂŽt son travail elle ajoute au prĂ©cĂ©dent Totaler Feind, totaler Krieg, totaler Staat (1937) et Völkerrechtliche Großraumordnung fĂŒr raumfremde MĂ€chte (1941). Mais avec son concept de communication politique publique et pluriel qui rĂ©git la rĂ©publique des conseils, Arendt est sur un point fondamental extrĂȘmement Ă©loignĂ©e des idĂ©es de Carl Schmitt[87].

L’un des agents de liaison entre Schmitt et l’école de Francfort fut le politologue Franz Neumann qui avait reçu Schmitt comme jeune juriste[88]. On peut suivre la critique du parlementarisme Ă  laquelle Neumann adhĂ©rait de Arendt jusqu’à Habermas. Carl J. Friedrich qui avec Arendt, Fraenkel et Neumann avait fondĂ© la thĂ©orie du totalitarisme fut dans ses jeunes annĂ©es un admirateur de Schmitt et en particulier de sa thĂ©orie de la dictature[89]. MĂȘme dans les cercles philosophiques il eut des contacts avec les thĂ©oriciens socialistes. À cĂŽtĂ© de Walter Benjamin on devra citer surtout le philosophe Georg LukĂĄcs qui apprĂ©cia particuliĂšrement le romantisme politique, et que Schmitt nomma dans le Concept du politique en 1932, le trĂšs connu thĂ©oricien communiste. Benjamin avait Ă©crit Ă  Schmitt le 9 dĂ©cembre 1930 une lettre avec laquelle il lui envoya son livre Origine du drame baroque allemand[90].

En RĂ©publique fĂ©dĂ©rale il fut discutĂ© des liens entre Carl Schmitt et certains protagonistes du mouvement Ă©tudiant des annĂ©es 1960 comme Hans Magnus Enzensberger - Hans Mathias Kepplinger les nommaient les gens de gauche qui ont raison (avec un jeu de mots : „rechte Leute von links“)[91]. Le politologue de l'Institut de Recherche en sciences sociales de Hambourg, Wolfgang Kraushaar (en), qui participa lui-mĂȘme au mouvement Ă©tudiant, Ă©tait de l'avis que Hans-JĂŒrgen Krahl devait avoir beaucoup apprĂ©ciĂ© la thĂ©orie du partisan de Karl Schmitt d’oĂč rĂ©sultaient les critĂšres et les limitations de la dĂ©finition du guĂ©rilleros qu’il avait dĂ©veloppĂ© en 1967 avec Rudi Dutschke lors d’une trĂšs fameuse convention des dĂ©lĂ©guĂ©s du SDS.

Cette orientation des thĂ©oriciens de gauche vers la thĂ©orie du partisan de Schmitt publiĂ©e en 1963, n’est en fait pas aussi invraisemblable qu'on pourrait le penser. Par exemple, l’ancien maoĂŻste Joachim Schinkel dans son livre Guerilleros, Partisanen Theorie und Praxis, Ă©ditĂ© en 1970, avait entamĂ© Ă  propos du partisan une discussion avec Carl Schmitt qu’il dĂ©crivait comme « un auteur particuliĂšrement enrichissant » et qui « s’était exprimĂ© de façon compĂ©tente sur le sujet »[92]. Dans un autre domaine, Kraushaar affirmait de Johannes Agnoli, Ă©galement critique du parlementarisme, et qui Ă©tait un de ceux qui avait donnĂ© une impulsion essentielle Ă  la rĂ©volte estudiantine, qu'il exprimait ses remerciement Ă  des penseurs de droite comme Carl Schmitt, Gaetano Mosca et Vilfredo Pareto[93].

Le leader Ă©tudiant de gauche Jens Litten, membre du SHB (de), participa en 1970 avec RĂŒdiger Altmann (de) Ă  une discussion avec Schmitt sur la radio Norddeutschen Rundfunk et en fit un compte-rendu dans l’hebdomadaire protestant Deutsches Allgemeines Sonntagsblatt[94]. D’aprĂšs Litten, lorsque Schmitt parlait de ses Ă©tudiants, il tombait rĂ©guliĂšrement des noms particuliĂšrement apprĂ©ciĂ©s des autoritĂ©s de gauche. Pour Schmitt c’était quelque chose de parfaitement naturel car pour lui « droite et gauche sont des concepts du langage politique trivial »[95].

À partir de lĂ  on a discutĂ© d’une possible influence de Schmitt sur le mouvement de 68 bien que le juriste soit considĂ©rĂ© comme l’antipode des penseurs de gauche. Dans quelque cas on trouve cependant des rĂ©fĂ©rences directes. L’influence est en gĂ©nĂ©ral la rĂšgle chez les prĂ©curseurs de la gauche comme Fraenkel, Neumann ou Kirchheimer qui ont Ă©tĂ© trĂšs influencĂ©s par Schmitt pendant un certain temps. En gĂ©nĂ©ral le point d’accord est la critique du parlementarisme. Ce thĂšme relie les conservateurs antilibĂ©raux et certains thĂ©oriciens de l’opposition extra-parlementaire.

Le spĂ©cialiste de sciences politiques Heinrich Oberreuter affirmait en 2002 : « La critique radicale du systĂšme dĂ©passe la mise en doute initiĂ©e par Carl Schmitt et Jurgen Habermas concernant le parlementarisme qui a perdu son fondement intellectuel et sa vĂ©ritĂ© morale »[96]. DĂ©jĂ  en 1983, le juriste Volker Neumann avait Ă©crit « l’Ɠuvre de Carl Schmitt est restĂ© attractive pour la gauche jusqu’à aujourd’hui. L’intĂ©rĂȘt pour certains problĂšmes et une radicalitĂ© comparable dans le questionnement fournissent le matĂ©riau d’une critique libĂ©rale qui constate l’accord des extrĂȘmes Ă  l’exemple de celui de Schmitt et du mouvement Ă©tudiant. l’important critique du parlementarisme, Johannes Agnolis, l’a appliquĂ© Ă  la comprĂ©hension politique du mouvement Ă©tudiant qui se meut dans la continuitĂ© de l’antilibĂ©ralisme et de l’antiparlementarisme imprĂ©gnĂ© des idĂ©es de Schmitt[97].

Leonard Landois, affirmait dans son livre paru en 2008, Konterrevolution von links: Das Staats- und GesellschaftsverstĂ€ndnis der '68er' und dessen Quellen bei Carl Schmitt que l’origine de la comprĂ©hension de l’état et de la sociĂ©tĂ© par le mouvement Ă©tudiant devait ĂȘtre recherchĂ©e chez Carl Schmitt. Landois put Ă©tablir en effet divers parallĂšles entre Schmitt et les soixante-huitards bien qu’il dut concĂ©der que les reprĂ©sentants de ces derniers n’eurent que des contacts indirects avec Schmitt[98]. Pareillement en 2008 Götz Aly fit paraĂźtre un travail trĂšs personnel sur le mouvement Ă©tudiant avec le titre provocateur « Notre combat — 1968 »[99] ». Son argument Ă©tait que les soixante-huitards avait mĂ©prisĂ© le pluralisme « dans l’esprit du juriste nazi Carl Schmitt ».

À titre d’exemple de point de rencontre entre Schmitt et le mouvement de 68 on peut citer les assises de l’Association des Ă©tudiants socialistes allemands de Berlin. L’hĂ©gelianiste Alexandre KojĂšve, qui se dĂ©crivait lui-mĂȘme comme le seul vĂ©ritable socialiste, avait fait part au cours de la manifestation, que son prochain but de voyage serait Plettenberg : « OĂč donc doit on se rendre aujourd’hui ? Carl Schmitt est le seul avec qui cela vaille la peine de discuter ». Les plus proches de Schmitt rapportent qu’il s’était montrĂ© rĂ©ceptif Ă  la rĂ©volte estudiantine. Schmitt aurait dit : Ça casse quelque chose ! Ça lui avait plu. Dans ce sens il chercha Ă©galement une explication constructive avec les publications du mouvement de 68. C’est ainsi par exemple qu’il lut avec le plus vif intĂ©rĂȘt les textes du spĂ©cialiste de littĂ©rature de gauche Helmut Lethen. En outre il ne s’était jamais considĂ©rĂ© comme conservateur. Il eut toujours un faible pour les personnages brillants et extrĂ©mistes, quelles qu’aient pu ĂȘtre leurs orientations politiques pour autant qu’elles lui apparussent intelligentes et dĂ©sintĂ©ressĂ©es[100].

À ce genre appartenait par exemple GĂŒnter Maschke, qui commença sa socialisation politique au SDS, puis demanda Ă  Fidel Castro l’asile politique Ă  Cuba et compte parmi les membres de la Nouvelle Droite actuelle.

L'ennemi est dĂ©clarĂ© hors-la-loi – Carl Schmitt fournit Ă  Giorgio Agamben les catĂ©gories d'une critique fondamentale de Guantanamo.

Pour finir il y a eu la controverse à propos du travail du philosophe italien Giorgio Agamben, qui à cÎté du post-structuraliste Michel Foucault et du précurseur de la théorie critique Walter Benjamin s'appuie de maniÚre essentielle sur la théorie de l'état d'exception développée par Carl Schmitt. Pour sa critique de Guantanamo, selon laquelle les prisonniers étant des combattants irréguliers sont en dehors de l'ordre international du monde civilisé (hors-la-loi (sic) comme l'aurait dit Schmitt) Agamben se sert de l'argumentation schmittienne.

Également les critiques de la globalisation Michael Hardt et Antonio Negri ont profitĂ© des outils d'analyse de Schmitt pour leur travail Empire - Le nouvel ordre mondial (2004). Un auteur marxiste comme le philosophe Étienne Balibar, initialement althussĂ©rien mais influencĂ© par tout le champ de la thĂ©orie critique, montre de nombreuses proximitĂ©s avec Carl Schmitt. Balibar a, entre autres, fournit une prĂ©face Ă  la nouvelle Ă©dition française de l'ouvrage de l'Ă©poque national-socialiste de Schmitt Le LĂ©viathan dans la doctrine de l'État de Thomas Hobbes[101]. Il lui a alors Ă©tĂ© reprochĂ© de dangereusement banaliser l'Ɠuvre de Schmitt[102].

L'utilisation des catĂ©gories schmittiennes par les thĂ©oriciens post-marxistes ou bien la rĂ©ception de ses Ɠuvres par l'organe thĂ©orique Telos (un journal fondĂ© pour populariser les idĂ©es de l'Ă©cole de Francfort dans l'AmĂ©rique de 1968) illustre les liens avec les premiers rĂ©cipiendaires de gauche de Carl Schmitt : Benjamin, Fraenkel, Kirchheimer et Neumann. Mais c'est surtout la politique d'intervention des États-Unis (comme la guerre d'Irak) ou le rĂŽle des Nations unies en tant que gouvernement mondial qui est souvent rĂ©cusĂ©e Ă  l'aide des thĂ©orĂšmes de Schmitt. Les arguments de Schmitt sont Ă©voquĂ©s en partie contre l'alliance des nations copiant la politique amĂ©ricaine ou contre les États-Unis auxquels on attribue de camoufler leur politique d'intĂ©rĂȘt Ă©conomique sous un voile de objectifs dĂ©mocratiques. D'un autre cĂŽtĂ© les dĂ©fenseurs des interventions fondĂ©es sur les droits de l'homme ou les droits naturels, peuvent se rĂ©fĂ©rer au postulat de Schmitt concernant l'inimitiĂ© absolue ou la tyrannie des valeurs qui Ă©lĂšvent le principe de rĂ©ciprocitĂ© dans le droit international.

Pareillement les thĂ©ories du politologue et expert de Machiavel Herfried MĂŒnkler se rattachent aux thĂšses de Schmitt concernant les "guerres asymĂ©triques" ou celle d'"imperium". Le philosophe fondateur de la dĂ©construction, Jacques Derrida, dans son livre Politique de l'amitiĂ© (2000) rĂ©flĂ©chit Ă  l'Ɠuvre de Schmitt et affirmait dĂ©jĂ  en 1994 dans une entrevue, la nĂ©cessitĂ© d'une relecture : « pour le dire rapidement, je crois que l'on doit relire Schmitt comme Heidegger, ainsi que ce qui s'est passĂ© entre eux. Si l'on prend au sĂ©rieux la vigilance et la hardiesse de ces penseurs rĂ©actionnaires dĂ©terminants, prĂ©cisĂ©ment lĂ  oĂč il n'est pas question de restauration, on peut alors apprĂ©cier leurs influences sur la gauche mais Ă©galement les affinitĂ©s troublantes avec Leo Strauss, Benjamin et quelques autres qui ne s'en approchent pas vraiment[103].

Le projet de dĂ©masquer Ă  l'aide de Schmitt les structures bourgeoises en tant que politique d'intĂ©rĂȘt Ă©conomique intĂ©resse aussi bien la droite que la gauche. Tout comme l'antiparlementarisme, l'antilibĂ©ralisme, l'Ă©tatisme, l'anti-impĂ©rialisme et l'antiamĂ©ricanisme peuvent intĂ©resser les deux cĂŽtĂ©s de l'Ă©chiquier politique.

RĂ©ception Ă  droite

Le politologue amĂ©ricain et conseiller du dĂ©partement d'État, Samuel Huntington se sert d'arguments qui se rapprochent en partie de ceux de Schmitt dans son livre bien connu Le Choc des civilisations (1996). La droite politique peut se rassembler autour de ces notions mais surtout celles d'ethno-pluralisme, de nationalisme, de pessimisme culturel et une admiration pour le fascisme italien. À cela s'ajoutent les prises de position de Schmitt sur l'Ă©tat d'exception et la dictature dans le but de valider l'ordre politique, tout comme les attaques contre le droit positif. C'est la raison pour laquelle les travaux de Schmitt sont encore aujourd’hui l'objet d'un vif intĂ©rĂȘt dans les cercles conservateurs (il n'y a qu'Ă  voir l'accueil par le faz[104]) et dans les cercles de la dĂ©nommĂ©e Nouvelle Droite (voir par exemple Junge Freiheit, Etappe, Staatsbriefe (de) ou CriticĂłn, et en France les revues ÉlĂ©ments, Nouvelle École, Krisis).

Les premiers thĂ©oriciens de la nouvelle droite se sont occupĂ©s avec beaucoup d'intĂ©rĂȘt de Carl Schmitt principalement Alain de Benoist, GĂŒnter Maschke et Armin Mohler (qui se dĂ©crit lui-mĂȘme comme son Ă©lĂšve). Du fait de sa rĂ©ception prĂ©sente dans les milieux de la nouvelle droite et de l'extrĂȘme droite Schmitt apparaĂźt rĂ©guliĂšrement dans les publications de l'Office fĂ©dĂ©ral de protection de la constitution (Allemagne), comme l'ancĂȘtre des prĂ©occupations rĂ©visionnistes.

C'est ainsi que par exemple l'Office de Melkenbourg Vorpommern, en 2003, qualifie le journal Nation und Europa « d'organe thĂ©orique et stratĂ©gique le plus significatif de l'extrĂȘme droite » et qui a cherchĂ© ses rĂ©fĂ©rences dans les flux antiamĂ©ricains et les thĂ©orĂšmes de Schmitt concernant le droit international : l'exigence d'une exclusion des puissances Ă©trangĂšres Ă  l'Europe est Ă  relier aux conceptions du juriste Carl Schmitt qui Ă  l'Ă©poque du troisiĂšme Reich se prononça pour une Europe dominĂ©e par l'Allemagne et exempte d'influence amĂ©ricaine. Du point de vue rĂ©visionniste, la sĂ©paration d'avec l'AmĂ©rique doit ĂȘtre reliĂ©e avec une correction des dĂ©cisions de l'histoire motivĂ©e par la politique[105].

D'autres Ă©lĂ©ments d'ancrage peuvent se trouver dans des contextes tendus. À titre d'exemple le philosophe des religions Jacob Taubes d'origine juive et qui est restĂ© en contact avec Schmitt, rapporte que sa thĂ©orie de la constitution avait Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©e dans les discussions concernant un projet de constitution israĂ©lienne. Il a pu s'en rendre compte par hasard alors qu'il Ă©tait en 1949 assistant de recherche et qu'il commanda le livre Ă  la bibliothĂšque de l'UniversitĂ© hĂ©braĂŻque de JĂ©rusalem : « un jour aprĂšs que j'eus demandĂ© le « ThĂ©orie de la constitution » de Carl Schmitt, arriva un appel tĂ©lĂ©phonique du ministĂšre de la justice, expliquant que le ministre de la justice Pinhas Rosen (auparavant, RosenblĂŒth) avait besoin de l'ouvrage de Carl Schmitt pour Ă©tudier certains problĂšmes difficiles de la constitution Ă  venir de l'État d'IsraĂ«l »[106]. Taubes, autrefois professeur Ă  l'universitĂ© de Berlin avait Ă©tĂ© une figure importante du mouvement des Ă©tudiants allemands. Dans une expertise, il avait entre autres prĂ©sentĂ© un tract des communards Rainer Langhans et Fritz Teufel, qui appelait indirectement Ă  l'incendie, comme se situant dans la tradition de "l'avant-garde europĂ©enne" et par lĂ  avait contribuĂ© Ă  la relaxe[107]. Cette capacitĂ© de rĂ©ception de Taubes pour Schmitt illustre l'inhomogĂ©nĂ©itĂ© des points de vue.

À propos du processus d'intĂ©gration europĂ©enne la question a Ă©tĂ© posĂ©e de savoir si l'on pouvait dĂ©finir le fondement du concept de sociĂ©tĂ© europĂ©enne selon la thĂ©orie des grands espaces de Carl Schmitt ou selon sa "thĂ©orie de la constitution fĂ©dĂ©rale" (1928). On a pu alors signaler que les bases dĂ©veloppĂ©es par Schmitt pour l'Ă©tablissement d'un grand espace - abolition des frontiĂšres pour le transport et les techniques de communication, prise en compte de l'interdĂ©pendance Ă©conomique entre les diffĂ©rentes Ă©conomies nationales - avait Ă©galement jouĂ© un rĂŽle important pour la crĂ©ation d'une communautĂ© europĂ©enne. La description par Schmitt d'un grand espace comme une union valable devant le droit international, factuel et juridique mais restant en retrait par rapport aux États, a Ă©tĂ© dĂ©terminante pour l'Union europĂ©enne. La thĂšse selon laquelle l'UE serait un grand espace au sens de Carl Schmitt a cependant Ă©tĂ© contestĂ©e. L'Europe n'est pas un espace dans lequel l'Ă©conomie, la technique, l'administration doivent se soumettre Ă  une prioritĂ© supranationale Ă  la diffĂ©rence de ce qu'il en est chez Schmitt ; de mĂȘme, l'État, dans le processus d'intĂ©gration europĂ©enne, n'est en aucun cas superflu mais au contraire une condition dĂ©terminante de l'intĂ©gration[108]. Par contre le juriste europĂ©en Hans-Peter Folz Ă©mit en 2006 le jugement que la communautĂ© europĂ©enne Ă©tait tout simplement un cas modĂšle de la thĂ©orie de la constitution de Schmitt. Ce dernier avait introduit dans sa thĂ©orie une troisiĂšme catĂ©gorie, en plus de la diffĂ©rence traditionnelle entre État fĂ©dĂ©ral et État national, qui s'Ă©tait avĂ©rĂ© dans l'analyse comme insuffisante, Ă  savoir : la liaison non consolidĂ©e entre États. Avec cette catĂ©gorie, il est plus facile de dĂ©crire une formation multinationale en cours de dĂ©veloppement comme l'union europĂ©enne.

Schmitt avait dĂ©crit l'essence d'une fĂ©dĂ©ration comme le conflit insoluble entre la fĂ©dĂ©ration considĂ©rĂ©e comme le centre d'une relation de longue durĂ©e entre États, et les États membres. La fĂ©dĂ©ration vit par consĂ©quent de deux existences politiques juxtaposĂ©es bĂ©nĂ©ficiant des mĂȘmes droits ainsi que de l'obscuritĂ© oĂč les laisse la question de la souverainetĂ©. D'aprĂšs les conceptions de Schmitt, les unitĂ©s organisĂ©es au sein d'une fĂ©dĂ©ration peuvent reposer sur des principes impossibles Ă  concilier les uns avec les autres tant que la fĂ©dĂ©ration parvient Ă  Ă©viter les conflits qui menacent son existence.

Cette caractĂ©ristique peut ĂȘtre observĂ©e selon cette thĂšse dans l'Union europĂ©enne. Cela se voit par exemple dans la nature juridique obscure de la communautĂ© europĂ©enne et le manque de dĂ©finition juridique prĂ©cise du concept de supranationalitĂ©. En effet, la jurisprudence du tribunal europĂ©en a donnĂ© trois caractĂ©ristiques essentielles de la supranationalitĂ© de la communautĂ© - la supranationalitĂ© des processus de dĂ©cision, la supranationalitĂ© normative, arsenal communautaire avec sa propre compĂ©tence en matiĂšre de droit-, toutes ces caractĂ©ristiques sont restĂ©es sujettes Ă  caution. Ă  partir de lĂ , des stratĂ©gies ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©es afin d'Ă©viter les conflits et qui malgrĂ© doivent assurer la cohĂ©sion de la communautĂ© des positions divergentes (par exemple : le conflit autour des rĂšgles de prise de dĂ©cision du conseil des ministres, le compromis de Luxembourg du 29 janvier 1966, le conflit sur les droits fondamentaux entre la cour de justice europĂ©enne et le tribunal constitutionnel fĂ©dĂ©ral Ă  propos de la banane), Folz juge Ă  partir de lĂ  : "en rĂ©sumĂ© nous pouvons affirmer que la communautĂ© dans toutes ses caractĂ©ristiques supranationales essentielles est imprĂ©gnĂ©e des conflits entre la communautĂ© et les États membres. Le modĂšle d'une fĂ©dĂ©ration au sens schmittien est par consĂ©quent transmissible Ă  la communautĂ© et magnifiquement appropriĂ© pour dĂ©crire les rapports entre la communautĂ© et ses États membres[109].

Dans le mĂȘme temps, les travaux de Schmitt en sciences politiques et dans le journalisme connaissent une renaissance. MalgrĂ© son qualificatif de « Juriste de la couronne du troisiĂšme Reich » et son antisĂ©mitisme bien Ă©tayĂ©, il recueille de plus en plus d'adhĂ©sions internationales par exemple lorsque l'on analyse son influence sur les nĂ©oconservateurs amĂ©ricains[110] ou encore le terrorisme armĂ© comme "stratĂ©gie du partisan"[111]. Heirich Meier va jusqu'Ă  affirmer qu'avec Leo Strauss, et toutes ses explications critiques avec le concept schmittien de Politique[112], on tient une personnalitĂ© dirigeante du premier nĂ©oconservatisme amĂ©ricain fortement influencĂ© par le juriste controversĂ©.

ƒuvres originales en allemand

  • Über Schuld und Schuldarten. Eine terminologische Untersuchung, 1910.
  • Gesetz und Urteil. Eine Untersuchung zum Problem der Rechtspraxis, 1912.
  • Schattenrisse (sous le pseudonyme de Johannes Negelinus, mox Doctor, avec Fritz Eisler), 1913.
  • Der Wert des Staates und die Bedeutung des Einzelnen, 1914.
  • Theodor DĂ€ublers ‚Nordlicht‘: Drei Studien ĂŒber die Elemente, den Geist und die AktualitĂ€t des Werkes, 1916.
  • Die Buribunken, in: Summa 1/1917/18, 89 ff.
  • Politische Romantik, 1919.
  • Die Diktatur. Von den AnfĂ€ngen des modernen SouverĂ€nitĂ€tsgedankens bis zum proletarischen Klassenkampf, 1921.
  • Politische Theologie. Vier Kapitel zur Lehre von der SouverĂ€nitĂ€t, 1922.
  • Die geistesgeschichtliche Lage des heutigen Parlamentarismus, 1923.
  • Römischer Katholizismus und politische Form, 1923.
  • Die Rheinlande als Objekt internationaler Politik, 1925.
  • Die Kernfrage des Völkerbundes, 1926.
  • Der Begriff des Politischen, Archiv fĂŒr Sozialwissenschaft und Sozialpolitik vol.58/1, 1927, 1-33.
  • Volksentscheid und Volksbegehren. Ein Beitrag zur Auslegung der Weimarer Verfassung und zur Lehre von der unmittelbaren Demokratie, 1927.
  • Verfassungslehre, 1928.
  • Hugo Preuß. Sein Staatsbegriff und seine Stellung in der dt. Rechtslehre, 1930.
  • Der Völkerbund und das politische Problem der Friedenssicherung, 1930, 2. erw. Aufl. 1934.
  • Der HĂŒter der Verfassung, 1931.
  • Der Begriff des Politischen, 1932 (seconde version de l'essai de 1927).
  • LegalitĂ€t und LegitimitĂ€t, 1932.
  • Staat, Bewegung, Volk. Die Dreigliederung der politischen Einheit, 1933.
  • Das Reichsstatthaltergesetz, 1933.
  • Der FĂŒhrer schĂŒtzt das Recht, 1934.
  • StaatsgefĂŒge und Zusammenbruch des Zweiten Reiches. Der Sieg des BĂŒrgers ĂŒber den Soldaten, 1934.
  • Über die drei Arten des rechtswissenschaftlichen Denkens, 1934.
  • Der Leviathan in der Staatslehre des Thomas Hobbes, 1938.
  • Die Wendung zum diskriminierenden Kriegsbegriff, 1938.
  • Völkerrechtliche Großraumordnung und Interventionsverbot fĂŒr raumfremde MĂ€chte. Ein Beitrag zum Reichsbegriff im Völkerrecht, 1939.
  • Positionen und Begriffe im Kampf mit Weimar – Genf – Versailles 1923–1939, 1940.
  • Land und Meer. Eine weltgeschichtliche Betrachtung, 1942.
  • Der Nomos der Erde im Völkerrecht des Jus Publicum Europaeum, 1950.
  • Donoso Cortes in gesamteuropĂ€ischer Interpretation, 1950.
  • Ex captivitate salus. Erinnerungen der Zeit 1945/47, 1950.
  • Die Lage der europĂ€ischen Rechtswissenschaft, 1950.
  • Das GesprĂ€ch ĂŒber die Macht und den Zugang zum Machthaber, 1954.
  • Hamlet oder Hekuba. Der Einbruch der Zeit in das Spiel, 1956.
  • Verfassungsrechtliche AufsĂ€tze aus den Jahren 1924–1954, 1958.
  • Theorie des Partisanen. Zwischenbemerkung zum Begriff des Politischen, 1963.
  • Politische Theologie II. Die Legende von der Erledigung jeder Politischen Theologie, 1970.
  • Glossarium. Aufzeichnungen der Jahre 1947–1951, hrsg.v. Eberhard Freiherr von Medem, 1991 (posthume).
  • Das internationale Verbrechen des Angriffskrieges, hrsg.v. Helmut Quaritsch, 1993 (posthume).
  • Staat – Großraum – Nomos, hrsg. von GĂŒnter Maschke, 1995 (posthume).
  • Frieden oder Pazifismus?, hrsg. von GĂŒnter Maschke, 2005 (posthume).
  • Carl Schmitt: TagebĂŒcher, hrsg. von Ernst HĂŒsmert, 2003 ff. (posthume).

ƒuvres en langue française

Les dates indiquent les années de parution des éditions en français. Entre crochets, la date de parution en allemand.

Ouvrages

  • Romantisme politique, Paris, Librairie Valois-Nouvelle Librairie nationale, 1928 (traduction partielle)
  • LĂ©galitĂ© lĂ©gitimitĂ©, Paris, LGDJ, 1936
  • ConsidĂ©rations politiques, Paris, LGDJ, 1942
  • La notion du politique - ThĂ©orie du partisan, Paris, Calmann-LĂ©vy, 1972 [en Ă©dition de poche, Paris, Flammarion, 1992]
  • Du politique. LĂ©galitĂ© et lĂ©gitimitĂ© et autres essais, Puiseaux, Éditions PardĂšs, 1980
  • Terre et Mer, un point de vue sur l'histoire du monde, Paris, Le Labyrinthe, 1985 ; rĂ©Ă©d. Pierre-Guillaume de Roux Éditions, introd. Alain de Benoist, postf. Julien Freund, 2017 ; rĂ©Ă©d. Krisis, 2022
  • Parlementarisme et dĂ©mocratie, Paris, Seuil, 1988
  • ThĂ©ologie politique, Paris, Gallimard, 1988
  • Hamlet ou HĂ©cube, Paris, l'Arche, 1992 (Hamlet oder Hekube 1956)
  • ThĂ©orie de la constitution, Paris, PUF, 1993
  • Les trois types de pensĂ©e juridique, Paris, PUF, 1995
  • Du politique. LĂ©galitĂ© et lĂ©gitimitĂ© et autres essais, Puiseaux, PardĂšs, 1996
  • État, mouvement, peuple - L'organisation triadique de l'unitĂ© politique, Paris, KimĂ©, 1997
  • La dictature, Paris, Seuil, 2000
  • Le Nomos de la Terre, Paris, PUF, 2001
  • Le Leviathan dans la doctrine de l'État de Thomas Hobbes. Sens et Ă©chec d'un symbole politique, Paris, Seuil, 2002
  • La valeur de l’état et la signification de l’individu, GenĂšve, Droz, 2003
  • Ex Captivitate Salus. ExpĂ©riences des annĂ©es 1945-1947, Paris, Vrin, 2003
  • La guerre civile mondiale, essais 1953-1973, Ă©ditions ڟe, 2007
  • Machiavel Clausewitz - Droit et politique face aux dĂ©fis de l'histoire, Krisis, 2007, 261 pages (ISBN 978-2916916026)
  • Deux textes de Carl Schmitt. La question clĂ© de la SociĂ©tĂ© des Nations. Le passage au concept de guerre discriminatoire, Paris, Pedone, 2009
  • Guerre discriminatoire et logique des grands espaces, Paris, Krisis, 2011, 289 pages (ISBN 978-2916916064)
  • La visibilitĂ© de l'Église - Catholicisme romain et forme politique - Donoso CortĂšs. Quatre essais, Paris, Cerf, 2011
  • Loi et jugement : une enquĂȘte sur le problĂšme de la pratique du droit, trad. fr. et prĂ©sentation par Rainer Maria Kiesow, Paris, Éditions de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, 167 p., 2019
  • Du LibĂ©ralisme autoritaire, textes inĂ©dits de Carl Schmitt et Hermann Heller, introduction et trad. fr. GrĂ©goire Chamayou, Paris, Zones, 144 p., 2020

Correspondance

  • Ernst JĂŒnger, Carl Schmitt, Julien Hervier(PrĂ©face), Helmuth Kiesel (Postface) et François Poncet (Traduction) (trad. de l'allemand), Correspondance 1930-1983, Paris, Krisis & Pierre-Guillaume de Roux, , 663 p. (ISBN 978-2-363-71332-2)

Articles parus dans des revues ou des ouvrages collectifs

  • « Aux confins de la politique ou l’ñge de la neutralitĂ© », in L’annĂ©e politique française et Ă©trangĂšre, XI, 4, dĂ©cembre 1936
  • « NeutralitĂ© en droit des gens et totalitĂ© « völkisch » », (?), in Revue de droit international, XXII, juillet-aoĂ»t 1938
  • « Une Ă©tude de droit constitutionnel comparĂ©. L’évolution rĂ©cente du problĂšme des dĂ©lĂ©gations lĂ©gislatives », Paul Roubier et H. Mankiewicz, in Recueil d’études en l’honneur d’Edouard Lambert, Lyon, 1938
  • La mer contre la terre, texte d'une confĂ©rence de C. S., in Cahiers franco-allemands, t. 8, 1941, n.os 11-12
  • SouverainetĂ© de l'État et libertĂ© des mers. Opposition de la terre et de la mer dans le droit international des temps moderne, in K. Epting, Quelques aspects du droit allemand, six confĂ©rences, Paris, Sorlot, 1943
  • « La situation prĂ©sente de la jurisprudence », (texte d’une confĂ©rence prononcĂ©e en français par Carl Schmitt), in Boletim da Faculdade de Dereito, Coimbra, XX, 1944, p. 601-621.
  • « Trois types de pensĂ©e juridique », Julien Freund, in Le droit d’aujourd’hui, J.F. Ă©d., Paris, Puf, 1972, p. 35-39.
  • « L’ùre des neutralisations et des dĂ©politisations », Marie-Louise Steinhauser, in Exil, 3, Ă©tĂ© 1974, p. 83-95.
  • « Le contraste entre communautĂ© et sociĂ©tĂ© en tant qu’exemple d’une distinction dualiste. RĂ©flexions Ă  propos de la structure et du sort de ce type d’entithĂšse », Piet Tommissen, in Res Publica, XVII, 1, 1975, p. 105-119.
  • « Entretien sur le pouvoir », Françoise Manent, in Commentaire, 32, hiver 1985, p. 1113-1120.
  • Le droit comme unitĂ© d'ordre (Ordnung) et de localisation (Ortung), in « Droits », n. 11, Paris, PUF, 1990, p. 77 ss.
  • La notion positive de Constitution, Droits, 12, Paris, PUF, 1990(p. 149 ss.)
  • La situation de la science du droit, in Droits, Paris, PUF, 1991

Annexes

Bibliographie

  • Gopal Balakrishnan, L'Ennemi - Un portrait intellectuel de Carl Schmitt, Paris, Éditions Amsterdam, 2006
  • Sandrine Baume, Carl Schmitt, penseur de l'État, Paris, Presses de la FNSP, 2008
  • Olivier Beaud, Les derniers jours de Weimar. Carl Schmitt face Ă  l'avĂšnement du nazisme, Paris, Éditions Descartes & Cie, 1997
  • Bernard Bourdin, Erik Peterson et Carl Schmitt : ThĂ©ologie et politique - La controverse, Paris, Éditions du Cerf, 211 p., 2021 (ISBN 978-2204139892).
  • Alberto Buela, David Cumin, Stefano Pietropaoli, Carl Schmitt: diritto e concretezza, Edizioni all'Insegna del Veltro, Parma, 2011
  • Alain de Benoist, Carl Schmitt actuel, Guerre "juste", terrorisme, Ă©tat d'urgence, "Nomos de la Terre", Paris, Éditions Krisis, 2007 ; rĂ©Ă©d. Éditions Dualpha, 170 p., 2022
  • David Cumin, Carl Schmitt. Biographie intellectuelle et politique, Éditions du Cerf, 2005
  • David Cumin, La pensĂ©e de Carl Schmitt (1888-1985), 2 vol., L'Harmattan, 1022 p., 2021, (ISBN 978-2-343-23578-3)
  • Jorge Giraldo et JerĂłnimo Molina, Carl Schmitt: polĂ­tica, derechoy grandes espacios, MedellĂ­n-Murcia, Universidad EAFIT - SEPREMU, 2008
  • Jacky Hummel, Carl Schmitt. L'irrĂ©ductible rĂ©alitĂ© du politique, Paris, Michalon (collection Le bien commun), 2005
  • Jean-François KervĂ©gan, Crise et pensĂ©e de la crise en droit. Weimar, sa rĂ©publique et ses juristes, Paris, ENS Ă©ditions, 2002
  • Jean-François KervĂ©gan, Hegel, Carl Schmitt. Le politique entre spĂ©culation et positivitĂ©, Paris, PUF (Quadrige), 2005
  • Jean-François KervĂ©gan, Que faire de Carl Schmitt ?, Paris, Gallimard, coll. Tel, 2011
  • Aristide Leucate, Carl Schmitt, Grez-sur-Loing, Éditions PardĂšs, coll. "Qui suis-je?", 2017
  • Aristide Leucate, Carl Schmitt et la gauche radicale. Une autre figure de l'ennemi, Paris, Éditions La Nouvelle Librairie, coll. Les IdĂ©es Ă  l'endroit, 191 p., 2021 (ISBN 978-2-491446-40-6)
  • Heinrich Meier, Carl Schmitt, Leo Strauss et la notion de politique : un dialogue entre absents, Paris, Julliard, Coll. « Commentaire », 1990.
  • Heinrich Meier, La leçon de Carl Schmitt, Paris, Cerf, coll. « La Nuit surveillĂ©e », 2014.
  • (en) Jens Meierhenrich and Oliver Simons, eds. The Oxford Handbook of Carl Schmitt, Oxford University Press, 2017. (ISBN 978-0-199-91693-1)
  • Jean-Claude Monod, Penser l'ennemi, affronter l'exception, rĂ©flexions critiques su l'actualitĂ© de Carl Schmitt, Paris, Ă©d. La DĂ©couverte, coll. armillaire, 2007
  • Pierre Muller, Carl Schmitt et les intellectuels français, la rĂ©ception de Schmitt en France, Mulhouse, Ă©ditions FAEHC, 2003
  • ThĂ©odore PalĂ©ologue, Sous l'Ɠil du Grand Inquisiteur. Carl Schmitt et l'hĂ©ritage de la thĂ©ologie politique, Paris, Éditions du Cerf, 2004
  • Emile Perreau-Saussine, Raymond Aron et Carl Schmitt lecteurs de Clausewitz, Commentaire, 103, 2003, [PDF]
  • Emile Perreau-Saussine, Carl Schmitt contre la guerre juste, Commentaire, 96, 2001-2002, [PDF]
  • Erik Peterson, Le monothĂ©isme : un problĂšme politique et autres traitĂ©s, Bayard, 2007 (Ă©d. 1935 en allemand)
  • Augustin Simard, La loi dĂ©sarmĂ©e. Carl Schmitt et la controverse lĂ©galitĂ©/lĂ©gitimitĂ© sous Weimar, Paris, Éd. de la Maison des sciences de l'homme / QuĂ©bec, Les Presses de l'UniversitĂ© Laval, 2009
  • Nicolaus Sombart, Les mĂąles vertus des Allemands. Autour du syndrome Carl Schmitt, Éditions du Cerf, coll. Passages, 1999, (ISBN 2-204-05963-3)
  • Tristan Storme, Carl Schmitt et le marcionisme. L'impossibilitĂ© thĂ©ologico-politique d'un ƓcumĂ©nisme judĂ©o-chrĂ©tien ?, Paris, Le Cerf, coll. HumanitĂ©s, 2008
  • Yves-Charles Zarka (dir.), Carl Schmitt ou le mythe du politique, Paris, PUF, 2009
  • « Carl Schmitt », Les Études philosophiques, janvier 2004
  • Le DĂ©bat, 131 (sept.-oct. 2004) : « Y a-t-il un bon usage de Carl Schmitt ? »
  • Empresas polĂ­ticas, nÂș 4, 2004
  • Carlos-Miguel Herrera, Le droit, le politique. Autour de Max Weber, Hans Kelsen, Carl Schmitt, Paris : L'Harmattan, 1995.
  • Jean-Christophe Angaut, Carl Schmitt, lecteur de Bakounine, AstĂ©rion, 6/2009, [lire en ligne], DOI 10.4000/asterion.1495.

Personnalités liées

Idées

Liens externes

Notes et références

  1. Jan-Werner MĂŒller, Carl Schmitt : un esprit dangereux, Armand Collin, 2007
  2. Schmitt se rapproche du libéralisme : « son conservatisme perd son orientation révolutionnaire et tente de s'adapter au contenu libéral de la Constitution de Weimar » (p. 9). Schmitt passerait ainsi du « conservatisme révolutionnaire » au « conservatisme libéral » et ses références seraient alors moins de Maistre, Burke ou Donoso Cortés que Constant, Guizot ou Tocqueville (p. 26-50) ; cf. notamment Renato Cristi, Le Libéralisme conservateur, Trois essais sur Schmitt, Hayek et Hegel, Kimé, 1993.
  3. François Vergnolle de Chantal, « Carl Schmitt et la "revolution conservatrice" amĂ©ricaine », Raisons Politiques 2005/3, no 3,‎ , p. 211-229 (lire en ligne)
  4. Julien Hervier, Ernst JĂŒnger. Dans les tempĂȘtes du siĂšcle, Fayard, 2014, p. 298.
  5. „Starker Staat und gesunde Wirtschaft. Ein Vortrag vor WirtschaftsfĂŒhrern“, 1932, in: Carl Schmitt, Staat, Großraum, Nomos, 1995, S. 71 ff., hier S. 81.
  6. (de) Ralf Ptak, Vom Ordoliberalismus zur sozialen Marktwirtschaft, Stationen des Neoliberalismus in Deutschland, 2004, S. 36f.
  7. Baume Sandrine, « La réception critique de Carl Schmitt », Revue française d'histoire des idées politiques 1/2008 (no 27) , p. 111-129; DOI : 10.3917/rfhip.027.0111.
  8. Schmitt, Politische Theologie, 1. Aufl., S. 54. Zur Exegese Eduard Schweizer: Das Evangelium nach MatthÀus, Ausgabe 16, 1986, S. 331ff.
  9. Politische Theologie, 6. Aufl., p. 71.
  10. Paul Noack (de), Carl Schmitt, 1993, p. 81. La confrontation de Schmitt avec le fascisme italien commence en 1923 dans son Ă©crit L'Ă©tat spirituel du parlementarisme d'aujourd’hui. En 1929, il concrĂ©tise ses rĂ©flexions dans sa recension du livre d'Erwin von Beckerath (de), Wesen und Werden des faschistischen Staates (Être et devenir de l’État fasciste). Noack juge ainsi les rapports de Schmitt avec Mussolini: « À la vĂ©ritĂ©, Schmitt s'est souvent rĂ©fĂ©rĂ© aux thĂ©oriciens italiens de l'Ă©tat de Machiavel Ă  Pareto en passant par Mosca, mais la rĂ©alitĂ© sociale et politique de l'État fasciste lui est restĂ© Ă©tranger » (Noack, S. 83). Wolfgang Schieder (de) juge Ă©galement : « Carl Schmitt ne s'est en rĂ©alitĂ© jamais vraiment occupĂ© du fascisme italien. » (Wolfgang Schieder: Carl Schmitt und Italien, in: Vierteljahrshefte fĂŒr Zeitgeschichte, Jg. 37, 1989, S. 1 ff., hier S. 14). En 1936, Schmitt fait partie d'une dĂ©lĂ©gation Ă  laquelle Mussolini accorde une audience d'une demi-heure, mais il n'eut jamais de discussion personnelle avec lui.
  11. Wesen und Werden des faschistischen Staates, in: Positionen und Begriffe, S. 126.
  12. Verfassungsreaktion 1932, Die Gesellschaft, IX, 1932, p. 415.
  13. Ernst Fraenkel, Verfassungsreform und Sozialdemokratie, Die Gesellschaft, IX, 1932, S. 297 ff.
  14. cf. par exemple Heinrich Muth, « Carl Schmitt in der Deutschen Innenpolitik des Sommers 1932 », in: Historische Zeitung, Beiheft 1, 1971, p. 75ff. Cf aussi: Dieter Grimm, « VerfassungserfĂŒllung – Verfassungsbewahrung – Verfassungsauflösung, Positionen der Staatsrechtslehre in der Staatskrise der Weimarer Republik », in: Heinrich August Winkler (Ed.), Die deutsche Staatskrise 1930–1933 – HandlungsspielrĂ€ume und Alternativen, 1992, p. 183ff.
  15. Par exemple : Lutz Berthold, Carl Schmitt und der Staatsnotstandsplan, 1999; Wolfram Pyta, « Schmitts Begriffsbestimmung im politischen Kontext », in: Reinhard Mehring (Ed.): Carl Schmitt. Der Begriff des Politischen. Ein kooperativer Kommentar. Berlin 2003, p. 219-236; Wolfram Pyta / Gabriel Seiberth, « Die Staatskrise der Weimarer Republik im Spiegel des Tagebuchs von Carl Schmitt », in: Der Staat 38 cahiers 3 et 4, 1999. Cf Ă©galement : Paul Noack, « Schleichers Außerkraftsetzer », in: FAZ, 20. November 2001, Nr. 270 / p. 10; Thomas Wirtz, « Alle sehr deprimiert – Staatskrise der Weimarer Republik: Carl Schmitts TagebĂŒcher », FAZ, 13. September 2000.
  16. Gabriel Seiberth, Anwalt des Reiches – Carl Schmitt und der Prozess Preußen contra Reich vor dem Staatsgerichtshof, 2001.
  17. Notamment le paragraphe 2 : Si la sécurité et l'ordre public sont troublés ou mis en danger à l'intérieur du Reich Allemand, le président du Reich peut prendre toutes les mesures nécessaires à leur rétablissement, en faisant appel au besoin aux forces armées. Pour ce faire, il peut temporairement suspendre tout ou partie des droits fondamentaux prévus aux articles 114, 115, 117, 118, 123, 124 et 153.
  18. Carl Schmitt und der 30. Januar 1933, FAZ (Geisteswissenschaften), 6. Juin 2006
  19. Ulrich Thiele: „Demokratische Diktatur“
  20. Henning Ottmann: Carl Schmitt – Leben und Werke. In: Karl Graf Ballestrem, Henning Ottmann (Ed.): Politische Philosophie des 20. Jahrhunderts. Munich 1990, (ISBN 3-486-55141-8), p. 61–87.
  21. Karl Graf Ballestrem: « Carl Schmitt und der Nationalsozialismus. Ein Problem der Theorie oder des Charakters? » In: O. W. Gabriel u. a. (Ed.): Der demokratische Verfassungsstaat. Theorie, Geschichte, Probleme, Festschrift fĂŒr Hans Buchheim zum 70. Geburtstag. Oldenbourg, MĂŒnchen 1992, p. 115–132.
  22. Yves Charles Zarka, « Carl Schmitt, nazi philosophe ? », Le Monde,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  23. Par référence aux victimes de la révolution de mars 1848, on se moque ainsi des adhésions opportunistes au NSDAP consécutives à la prise de pouvoir de mars 1933.
  24. „Durant la rĂ©publique de Weimar, Schmitt fit une carriĂšre particuliĂšrement rapide. Celle-ci ne fut pas encouragĂ©e de façon dĂ©terminante par les Juifs avec lesquels il entretenait durant cette pĂ©riode des contacts variĂ©s tant professionnels que privĂ©s. Cela ne devait pas changer aprĂšs la prise de pouvoir par les nationaux-socialistes. Schmitt dĂ©nonça ses collĂšgues de travail d'origine juive et l'on peut trouver dans la littĂ©rature de l'Ă©poque ses nombreux pamphlets antisĂ©mites.“ Susanne Benöhr, Recension du livre de Raphael Gross „Carl Schmitt und die Juden“, Goethe-UniversitĂ€t
  25. Gregor Brand Ă©crit: „Kelsen [Ă©tait] un homme que Schmitt a profondĂ©ment dĂ©testĂ©. Par exemple, avec un dĂ©tournement grotesque pour un ex-conseiller d'État comme Schmitt, on lit dans son Glossarium Ă  l'entrĂ©e du 11 juin 1948, que Kelsen – qui dut Ă©migrer pour ne pas ĂȘtre assassinĂ© comme ses coreligionnaires europĂ©ens – est un de ces « anĂ©antisseurs, pourrisseurs, effaceurs, destructeurs » et lui rappelle un de ces « petits succubes dans l'enfer de Hieronymus Bosch ». (Gregor Brand – Liber Philosophicus)
  26. Ce terme est un néologisme de Carl Schmitt et ne possÚde donc pas d'équivalent français.
  27. « „Der FĂŒhrer schĂŒtzt das Recht vor dem schlimmsten Missbrauch, wenn er im Augenblick der Gefahr kraft seines FĂŒhrertums als oberster Gerichtsherr unmittelbar Recht schafft.“ » in Der FĂŒhrer schĂŒtzt das Recht, DJZ vom 1. August 1934, Heft 15, 39. Jahrgang, Spalten 945 – 950. Article complet online: PDF
  28. „Wer den gewaltigen Hintergrund unserer politischen Gesamtlage sieht, wird die Mahnungen und Warnungen des FĂŒhrers verstehen und sich zu dem großen geistigen Kampfe rĂŒsten, in dem wir unser gutes Recht zu wahren haben.“
  29. DJZ no 40- 1935
  30. Zeitschrift der Akademie fĂŒr deutsches Recht, Vol. 3, 1936, p. 205
  31. Das Judentum in der deutschen Rechtswissenschaft. Ansprachen, VortrÀge und Ergebnisse der Tagung der Reichsgruppe Hochschullehrer im NRSB in NRSB des 3 und 4 octobre 1936, Cahier 1, Berlin 1936, p. 29 ss.
  32. Reinhard Mehring: Carl Schmitt und der Antisemitismus. Ein unbekannter Text, in: Forum Historiae Iuris, mars 2006.
  33. Christian Linder: Freund oder Feind, Lettre International, no 68, 2005
  34. On désigne ainsi deux grands projets nationaux-socialistes sous la direction de Paul Ritterbusch, qui visaient à faire participer à l'effort de guerre la communauté des universitaires non scientifiques.
  35. Frank-Rutger Hausmann: "Die Aktion Ritterbusch – Auf dem Weg zum Politischen: Carl Schmitt und der Kriegseinsatz der deutschen Geisteswissenschaft", in: Frankfurter Allgemeine Zeitung, samedi, 13. mars 1999, Nr. 61, II (Bilder und Zeiten)
  36. (de) Carl Schmitt, Antworten in NĂŒrnberg, Ă©dition et commentaires de Helmut Quaritsch, 2000, p. 60.
  37. Schmitt connaissait l'Ɠuvre de Stirner "depuis le primaire". Il le rencontra en 1907 comme antidote Ă  tout faire contre la folie du moi de l'establishment berlinois influencĂ© par Nietzsche– Carl Schmitt: VĂ©ritĂ© de la Cellule. in: Ex Captivitate Salus. ExpĂ©riences des annĂ©es 1945-1947, Paris, Vrin, 2003. Pour un traitement complet des rapports entre Schmitt et Stirner cf. Bernd A. Laska: â€čKatechonâ€ș und â€čAnarchâ€ș. Carl Schmitts und Ernst JĂŒngers Reaktionen auf Max Stirner. NĂŒrnberg: LSR-Verlag 1997, p. 13-39
  38. (de) Hans J. Lietzmann, Carl Schmitt alias Dr Haustein – Anmerkungen zu einem Theorie- und Lebenskonzept zwischen OccasionalitĂ€t“ und Opportunismus, in: Klaus Hansen/Hans J. Lietzmann (Ed.), Carl Schmitt und die Liberalismuskritik, 1988, p. 157–170.
  39. Glossarium, p. 265.
  40. Glossarium, p. 267
  41. (de) D'aprĂšs Raphael Gross, Carl Schmitt und die Juden, 2000, p. 32, p. 312, p. 366.
  42. Andreas Raithel, FAZ, 15. aoĂ»t 2000 (Courrier des lecteurs). Le paragraphe complet est le suivant : Le communiste individuel peut toujours ĂȘtre sauvĂ© ; mais le Juif reste toujours un Juif
 L'antisĂ©mitisme nazi n'est donc ni dĂ» Ă  un conflit entre les principes nordiques et sĂ©mites comme l'affirment les nazis, ni Ă  un antisĂ©mitisme inhĂ©rent au peuple allemand comme on le dit souvent dans le monde. Il a Ă©tĂ© causĂ© prĂ©cisĂ©ment par l'absence de toute distinction de tout conflit, de toute diffĂ©rence entre les Juifs allemands et une grande partie du peuple allemand - Ă  savoir la classe moyenne libĂ©rale. Les nazis n'ont pas persĂ©cutĂ© les Juifs parce qu'il restaient un corps Ă©tranger au sein de l'Allemagne mais prĂ©cisĂ©ment parce qu'ils Ă©taient devenus presque totalement assimilĂ©s et avaient cessĂ© d'ĂȘtre Juifs. Ce que les Juifs sont vĂ©ritablement ou quel est leur caractĂšre, quelles sont leurs actions ou leurs pensĂ©es est par consĂ©quent sans intĂ©rĂȘt. Et l'on pourra bien dĂ©montrer cent fois que les fameux protocoles de Sion ne sont que des fabrications maladroites, ils doivent ĂȘtre vrais puisque le complot juif contre l'Allemagne est rĂ©el. (Drucker, The End of Economic Man, page 158 ss., citĂ© d'aprĂšs FAZ. Drucker, lui-mĂȘme Juif et liĂ© Ă  Hans Kelsen (gregorbrand), fut aprĂšs 1945 conseiller en entreprise et Nestor du TraitĂ© de managment (Biographie). Il connaissait Schmitt dĂšs l'Ă©poque de Weimar (peterdrucker.at). Wolfgang Spindler Ă©crit Ă©galement : « Cette expression ressassĂ©e, faisant des Juifs assimilĂ©s les "vĂ©ritables ennemis", n'est absolument pas celle du juriste. Il en est question dans un ouvrage que mentionne Schmitt d'un expert peu connu : The End of Economic Man – A Study of the New Totalitarism de Peter F. Drucker. » (Wolfgang Spindler, in "Schmitts Welt, Carl Schmitt in der deutschsprachigen Literatur", Die Neue Ordnung N°. 6/2005, dĂ©cembre, Jg. 59 (Internet).
  43. Glossarium, p. 18.
  44. "Je crois au catéchisme: il est pour moi la seule possibilité de comprendre et de trouver du sens à l'histoire des hommes en tant que Christ." Glossarium, p. 63, décembre 1947)
  45. Machiavel fut accusĂ© de trahison envers le gouvernement et pour cela torturĂ©. Il aurait endurĂ© la torture avec une fermetĂ© qui Ă©tonna les fonctionnaires. Par la suite son innocence fut Ă©tablie et il retrouva la libertĂ© de circuler. Il resta cependant suspect aux yeux de l'État et fut placĂ© sous surveillance. Il dut vivre dans sa pauvre propriĂ©tĂ©, La Strada, Ă  San Casciano prĂšs de Sant’Andrea.
  46. CitĂ© d'aprĂšs Christian Linder, « Freund oder Feind », Lettre International, no 68, 2005, p. 95. Toute sa vie Schmitt eut peur des ondes et des rayonnements. D'aprĂšs un rapport, il n'autorisait aucune prĂ©sence de radio ou de tĂ©lĂ©vision dans son domicile afin que des « ondes ou des rayonnements indĂ©sirables » ne puissent pĂ©nĂ©trer son espace privĂ©. DĂ©jĂ  Ă  l'Ă©poque du national-socialisme, lorsque quelqu'un voulait Ă©couter un discours du FĂŒhrer, il devait emprunter un poste. S. Linder, p. 84
  47. L'inscription kai nĂłmon egno („Il connaissait le Nomos“) fut dĂ©cidĂ©e par sa fille Anima, morte avant lui.
  48. (de) Christian Linder, Freund oder Feind, Lettre International, no 68, 2005, p. 92.
  49. Glossarium, 16. Juin 1948, p. 165).
  50. Théologie Politique, NRF, p. 67.
  51. Politische Romantik, p. 172. À ce sujet voir Christian E. Roques, « Radiographie de l’ennemi : Carl Schmitt et le romantisme politique », AstĂ©rion [En ligne], 6 | 2009, mis en ligne le 03 avril 2009, URL : http://asterion.revues.org/1487
  52. Théologie politique, p. 46.
  53. Carl Schmitt, 2004(All). Le droit, la politique et la guerre : Deux chapitres sur la doctrine de Carl Schmitt, Les Presses de l'Université Laval (2004)
  54. Il le cite plusieurs fois dans ses ouvrages, et dans Der Nomos der Erde im Völkerrecht des Jus Publicum Europaeum (trad. fr. Le Nomos de la Terre, Paris, 2001), il le qualifie de "grand parmi les juristes par la clarté de sa pensée et la sagesse de sa personne" et de "maßtre de notre discipline".
  55. Lucien Jaume, Carl Schmitt, la politique de l’inimitiĂ©, Historia constitucional, n. 5/2004.
  56. (p. 151 dans la traduction française aux PUF)
  57. Littéralement : droit pénal de l'ennemi. Correspond au "droit pénal antiterroriste" français.
  58. A la question d'un journaliste, W. SchĂ€uble rĂ©pliquait simplement "Lisez donc le livre de Depenheuer et forger vous une opinion sur cette question". Cet accord avec Depenheuer est par consĂ©quent de façon indirecte un accord avec Schmitt. À ce sujet David Salomon, Carl Schmitt Reloaded – Otto Depenheuer und der 'Rechtsstaat', PROKLA. Zeitschrift fĂŒr kritische Sozialwissenschaft, no 152, 38. 2008, Nr. 3 (PDF)
  59. Zarka et Montesquieu : entretien
  60. Théologie Politique p. 23
  61. Théologie Politique p.
  62. Hermann Heller, Politische Demokratie und soziale HomogenitĂ€t (1928), in: M. Drath u. a. (Ed.), Hermann Heller: Gesammelte Schriften, 2. Band, S. 421–433 (428).
  63. Il s'agit d'un jugement du tribunal constitutionnel concernant la compatibilité du Traité de Maastricht de 1992 avec la constitution allemande cf. Maastricht-Urteil (de)
  64. Légalité et Légitimité
  65. Le Concept de politique, 1932, S. 55
  66. „Positionen und Begriffe im Kampf mit Weimar – Genf – Versailles“, 1940, p. 240.
  67. Mathias Schmoeckel, Carl Schmitts Begriff des Partisanen – Fragen zur Rechtsgeschichte des Partisanen und Terroristen, in: Forum Historiae Iuris, 31. MĂ€rz 2006; Markus Vasek, Mit Carl Schmitt nach GuantĂĄnamo: der Terrorist, ein moderner Partisan?, Juridikum. Zeitschrift fĂŒr Kritik, Recht, Gesellschaft, Wien 2009, 1, S. 18–20; s. auch zur Frage politischer Motivation piratischer Akte und der Übertragbarkeit auf den modernen Terrorismus: Olivier GĂ€nsewein, Michael Kempe, Die Feinde der Welt – Sind internationale Terroristen die neuen Piraten?, in: FAZ, 25. September 2007, S. 36: „Piraterie und Terrorismus sind PhĂ€nomene der permanenten GrenzĂŒberschreitung und Aufhebung von Unterscheidungen, etwa der Unterscheidung von Krieg und Frieden, von regulĂ€rer und irregulĂ€rer KriegsfĂŒhrung, von MilitĂ€r und Zivilbevölkerung, von Staatlichkeit und Privatheit oder von Freund und Feind.“
  68. Thomas Marschler: Kirchenrecht im Bannkreis Carl Schmitts. Hans Barion vor und nach 1945, Bonn 2004
  69. Festschrift zum 70. Geburtstag fĂŒr Carl Schmitt, 1959 und Epirrhosis. Festgabe fĂŒr Carl Schmitt zum 80. Geburtstag, 1968)
  70. cf. Ă©galement Ernst-Wolfgang Böckenförde, Der verdrĂ€ngte Ausnahmezustand (Carl Schmitt zum 90. Geburtstag) – Zum Handeln der Staatsgewalt in außergewöhnlichen Lagen, in: NJW 1978, p. 1881 bis 1890; Ernst-Wolfgang Böckenförde: Der Begriff des Politischen als SchlĂŒssel zum staatsrechtlichen Werk Carl Schmitts; in ibid. Recht, Staat, Freiheit. Studien zur Rechtsphilosophie, Staatstheorie und Verfassungsgeschichte. Frankfurt am Main: Suhrkamp Verlag, 1991; p. 344–366. 4. Ed. 2006.
  71. Pour les liens entre Isensees et Schmitt cf. par exemple Josef Isensee, Bundesverfassungsgericht – Quo vadis?, in: Verhandlungen des 61. Deutschen Juristentages, Vol II/1, section H.
  72. cf. par exemple Dirk van Laak, GesprĂ€che in der Sicherheit des Schweigens. Carl Schmitt in der politischen Geistesgeschichte der frĂŒhen Bundesrepublik, 1993; ou Frieder GĂŒnter, Denken vom Staat her. Die bundesdeutsche Staatsrechtslehre zwischen Dezision und Integration 1949–1970, 2004; GĂŒnter parle d'influence de Ludwik Fleck (du mĂȘme : Entstehung und Entwicklung einer wissenschaftlichen Tatsache. EinfĂŒhrung in die Lehre vom Denkstil und Denkkollektiv, 1935) Ă©galement de la pensĂ©e collective des Ă©coles de Schmitt et de Smed (cf. par exemple Ă  ce sujet la recension de Reinhard Mehring in H-Soz-u-Kult)
  73. Dirk van Laak affirme: „Ernst-Wolfgang Böckenförde est actuellement le plus Ă©minent juriste dans l'environnement direct de Schmitt; il ne se contente pas de reprendre certaines thĂšses mais parcourt systĂ©matiquement le mĂȘme horizon de questionnement que Schmitt. [
] Il a bien compris que les vues programmatiques de Schmitt sur l'Ă©mergence de l'État et du Droit et comment utiliser sa perspective de thĂ©ologie politique orientĂ© clairement sur l'État de Droit et la libertĂ©. De ce point de vue on peut le considĂ©rer comme le successeur lĂ©gitime de Carl Schmitt.“ Dirk van Laak, GesprĂ€che in der Sicherheit des Schweigens – Carl Schmitt in der politischen Geistesgeschichte der frĂŒhen Bundesrepublik, 1993, p. 213
  74. Lutz Hachmeister et Stefan Krings, Rudolf Augstein rief Carl Schmitt zu Hilfe, (Rudolf Augstein appelle Carl Schmitt Ă  la rescousse)FAZ, 23. aoĂ»t 2007, Nr. 195, p. 29. Augstein souhaitait dĂ©poser un recours devant la Cour Constitutionnelle contre la saisie fĂ©dĂ©rale du Nr. 28 du SPIEGEL par Konrad Adenauer. À cette fin il demanda un soutien juridique Ă  Schmitt. Il fit remarquer dans une lettre, qu'il sentait chez Schmitt « une certaine indulgence amicale ». Il rendit Ă©galement visite en personne Ă  Schmitt, qu'intĂ©ressait une telle saisine pour un problĂšme gĂ©nĂ©ral de publication et de stratĂ©gie. Cette saisine n'eut cependant aucune suite.
  75. Wolfgang Huebener, Carl Schmitt und Hans Blumenberg oder ĂŒber Kette und Schuß in der historischen Textur der Moderne, in: Jacob Taubes (Ed.), Der FĂŒrst dieser Welt. Carl Schmitt und die Folgen, 1983, p. 57–76
  76. Reinhard Mehring, Karl Löwith, Carl Schmitt, Jacob Taubes und das „Ende der Geschichte“, in: Zeitschrift fĂŒr Religions- und Geistesgeschichte (de), 48, 1996, p. 231–248; A propos des explications de Löwith avec Schmitt cf. Ă©galement Karl Löwith: Der okkasionelle Dezisionismus von Carl Schmitt. in: SĂ€mtliche Schriften, Band 8 (Heidegger), Stuttgart 1984, p. 32–71
  77. cf. par exemple Volker Neumann, Carl Schmitt und die Linke, in: Die Zeit, 8. Juillet 1983, Nr. 28, p. 32
  78. Ernst Bloch, Naturrecht und menschliche WĂŒrde, 1961, p. 62.
  79. Martin Jay, Reconciling the Irreconcilable: A Rejoinder to Kennedy, Ulrich K. Preuß (en), The Critique of German Liberalism: A Reply to Kennedy) et Alfons Söllner, Beyond Carl Schmitt: Political Theory in the Frankfurt School; Ausujet de la critique du parlementarisme par Habermas cf., Hartmuth Becker, Die Parlamentarismuskritik bei Carl Schmitt und JĂŒrgen Habermas, Berlin 2003, 2. Ed.
  80. Ellen Kennedy, Carl Schmitt und die Frankfurter Schule in Geschichte und Gesellschaft 12/1986, 380 ss. Édition anglaise („Carl Schmitt and the Frankfurt School“) in: TELOS 71, Spring 1987
  81. Reinhard Mehring: Der „Nomos“ nach 1945 bei Carl Schmitt und JĂŒrgen Habermas, Forum Historiae Iuris, 31. MĂ€rz 2006. Voir aussi: Reinhard Mehring: Carl Schmitt – zur EinfĂŒhrung. Hamburg 1992.
  82. Wilhelm Hennis, Verfassung und Verfassungswirklichkeit: Ein deutsches Problem; Discours de réception de Freiburg du 5 juillet 1968, 1968, p. 35.
  83. CitĂ© d'aprĂšs: Stephan Schlak, Wilhelm Hennis – Szenen einer Ideengeschichte der Bundesrepublik, 2007, p. 117.
  84. Friedrich Balke: Punkte problematischer SolidaritĂ€t. Hannah Arendt, Carl Schmitt und die Furcht vor den Massen. – In: Intellektuelle im Nationalsozialismus. Wolfgang Bialas, Manfred Gangl. Frankfurt/M.: Peter Lang 2000, p. 210–227; Point de vue particulier sur Arendt et Schmitt: Philipp zum Kolk, Hannah Arendt und Carl Schmitt. Ausnahme und NormalitĂ€t – Staat und Politik. Peter Lang, Frankfurt am Main [u. a.] 2009; Andreas Herberg-Rothe, „Hannah Arendt und Carl Schmitt – ‚Vermittlung‘ von Freund und Feind“, in: Der Staat, Heft 1/ mars 2004, p. 35–55; Christian J. Emden: Carl Schmitt, Hannah Arendt and the Limits of Liberalism, Telos 2008 (142), p. 110–134 (PDF), Hans Sluga, The Pluralism of the Political: From Carl Schmitt to Hannah Arendt, Telos 142 (Spring 2008), p. 91-109 (PDF)
  85. Édition de poche de 1986, p. 724. Dans l'Ă©dition amĂ©ricaine originale de 1951 des Origines du Totalitarisme on trouve: „Most interesting is the example of the jurist Carl Schmitt, whose very ingenious theories about the end of democracy and legal government still make arresting reading; as early as the middle thirties, he was replaced by the Nazis own brand of political and legal theorists.” Cf. Hannah Arendt, The Origins of Totalitarianism (New York: Harcourt, Brace and Company, 1951), p. 332. CitĂ© d'aprĂšs: Christian J. Emden: Carl Schmitt, Hannah Arendt and the Limits of Liberalism, Telos 2008 (142), p. 114 (PDF)http://journal.telospress.com/cgi/reprint/2008/142/110. A d'autres endroits Arendt s'exprime en accord avec Schmitt lorsque par exemple elle Ă©crit que Schmitt est „Le meilleur dĂ©fenseur de la notion de souverainetĂ©â€ ou bien „Il (Schmitt) reconnait clairement que la racine de la souverainetĂ© est la volontĂ© : est souverain celui qui veut et qui commande.” CitĂ© d'aprĂšs Emden, p. 115.
  86. p. 531, p. 551 ss.
  87. Par exemple Annette Vowinckel: Arendt (Grundwissen Philosophie) Leipzig 2006, p. 45 ss.
  88. Le 7 septembre 1932 Neumann Ă©crit Ă  Schmitt: „Je suis constamment d'accord avec vous dans la partie critique du livre LĂ©galitĂ© et LĂ©gitimitĂ©. moi aussi, je suis d'avis que la dĂ©mocratie parlementaire ne peut plus fonctionner, aussi longtemps que se met en Ɠuvre le principe de l'Ă©galitĂ© des chances. Il devient Ă©vident que ce principe interdit l'acquisition d'une puissance politique intĂ©rieure et donc que l'État parlementaire liĂ© par les lois devient incapable d'agir.[
] On se range alors sous l'avis que l'opposition politique fondamentale en Allemagne c'est l'opposition Ă©conomique, que les catĂ©gories dĂ©cisives ami/ennemi sont en Allemagne les catĂ©gories du travail et de la propriĂ©tĂ© et que dans une telle contradiction politique elle ne peut plus ĂȘtre rĂ©gie parlementairement “ (PubliĂ© dans Rainer Erd: Reform und Resignation, 1985, p. 79 ss.)
  89. Hans J. Lietzmann, Von der konstitutionellen zur totalitĂ€ren Diktatur – Carl Joachim Friedrichs Totalitarismustheorie, in: Alfons Söllner, Ralf Walkenhaus, Karin Wieland, Totalitarismus, Eine Ideengeschichte Des 20. Jahrhunderts, 1994, p. 174 ss. : „ Qui veut comprendre la thĂ©orie classique du totalitarisme de Carl Joachim Friedrichs, doit lire Carl Schmitt. [
] C'est de cette Ă©poque que datent les premiĂšres prises de position de Friedrich sur ce thĂšme; et il les formule en s'appuyant directement Ă  la thĂ©orie de la dictature de Carl Schmitt de 1921” (p. 174).
  90. Benjamin Ă©crit Ă  Schmitt: „Peut-ĂȘtre dois-je Ă©galement vous dire Ă  ce propos que j'ai Ă©galement trouvĂ© dans vos ouvrages postĂ©rieurs et surtout votre "Dictature" une confirmation de ma façon de procĂ©der pour mes recherches en philosophie de l'Art.“ (citĂ© d'aprĂšs Noack, p. 111) ; Theodor W. Adorno a exclu cette lettre de ses Ă©crits, qu'il fit Ă©diter en 1955, afin de cacher les liens entre Schmitt et Benjamin. Schmitt lui-mĂȘme cite plus tard explicitement le travail de Benjamin sur le drame baroque dans un petit opuscule sur la thĂ©orie de l'Art Hamlet oder Hekuba – Der Einbruch der Zeit in das Spiel (1956).
  91. Hans Matthias Kepplinger, Rechte Leute von links. Gewaltkult und Innerlichkeit, 1970; Christian Linder, Der lange Sommer der Romantik. Über Hans-Magnus Enzensberger, in: Literaturmagazin 4, 1975 p. 85–107. Voir aussi Christian Linder, Freund oder Feind, in: Lettre International, no 68, 2005, p. 84ss. Également les observations de Tae-Ho Kang, Poesie als Selbstkritik – Hans Magnus Enzensbergers negative Poetik, Dissertation, 2002, p. 3ss. (PDF)
  92. Schickel, GesprÀche mit Carl Schmitt, 1993, p. 9
  93. Rainer Blasius, Seitenwechsel und VerĂ€nderung – 1968 bis 1973 im deutsch-italienischen Vergleich: Johannes Agnolis Parlamentarismuskritik, FAZ, 12 dĂ©cembre 2006 avec un compte-rendu du sĂ©minaire du lac de CĂŽme „Krisenzeiten von 1968 bis 1973“. Ibid Ă©galement la reproduction de l'exposĂ© de Kraushaar sous le titre : „Die Entstehung außerparlamentarisch agierender oppositioneller Gruppen und ihre Wirkung auf Politik, Gesellschaft und Kultur“.
  94. Jens Litten / RĂŒdiger Altmann, Von der TV-Demokratie. Die AggressivitĂ€t des Fortschritts, Deutsches Allgemeines Sonntagsblatt, XXIII, 26./28. Juin 1970, p. 8 (extrait de la conversation avec Schmitt et introduction de Jens Litten sous le titre : „GeschmĂ€ht und auch bewundert. Über ein GesprĂ€ch mit Professor Carl Schmitt“.)
  95. Vergleiche auch den persönlichen Bericht von Lutz Niethammer in einem Vortrag einer Tagung des Max-Planck-Instituts fĂŒr Geschichte aus dem MĂ€rz 2000 ĂŒber die Rolle der Kulturwissenschaften im Nationalsozialismus: „Was mir damals weniger bewußt war, erfuhr ich in der folgenden Zeit mit wachsendem Erstaunen – nĂ€mlich die Faszination Schmitts auch fĂŒr die Linke. In Heidelberg war seinerzeit nur darĂŒber getuschelt worden, daß JĂŒrgen Habermas' Konzeption der bĂŒrgerlichen Offenheit in seiner Habilitationsschrift auffallende Ähnlichkeiten zu derjenigen Schmitts aufwies. SpĂ€ter konnte ich – in sehr unterschiedlichen Formen – diese Faszination bei – mir Linksliberalem nahestehenden, aber zeitweise wesentlich linkeren – Kollegen wie Dieter Groh, Jacob Taubes, Dan Diner, Nicolaus Sombart oder JĂŒrgen Seifert auch persönlich entdecken, was mich besonders bei zwei so bewußten Juden wie Taubes und Diner angesichts des eliminatorischen Antisemitismus Schmitts mindestens zwischen 1933 und 1936 und der auf Juden bezogenen Grundspannung seines Lebenswerks noch einmal mehr verwunderte. Seither hat sich diese Spur ja noch sehr verbreitert: erinnert sei hier nur etwa an Ellen Kennedys Ausgrabung von Walter Benjamins Huldigung an C.S., die Bekehrung des Maoisten GĂŒnter Maschke zur Schmitt-Gelehrsamkeit, den Umstand, daß die fĂŒhrende New Yorker '68er-Zeitschrift 'Telos' in den 1980ern zu einer Art amerikanischer Importagentur fĂŒr Schmitts Werk geworden ist, daß Heiner MĂŒller am Ende der DDR von nichts so sehr fasziniert schien wie von JĂŒnger und Schmitt, daß der Demokratiebegriff der westdeutschen ’68er unbewußt – und derjenige der ersten DDR-Verfassung bewußt – auf einer höchst problematischen Begriffskonstruktion Schmitts beruhte. [
] Unter den jĂŒngeren Schmittianern waren [
] auch zu radikalen AusschlĂ€gen neigende Irrlichter wie Bernard Willms, der die 70er Jahre als Ultra-Linker begann und als Ultra-Rechter beendete und damit eine auch sonst seither in z. T. weniger extremer Form (siehe z. B. Bahro (en), Enzensberger, Sloterdijk, Botho Strauß oder auch noch extremer der RAF- und NPD-Anwalt Mahler) beobachtbare, aber gottlob nicht allgemeine Tendenz verkĂŒrzte.“ Lutz Niethammer, Die polemische Anstrengung des Begriffs – Über die exemplarische Faszination Carl Schmitts, in: Hartmut Lehmann, Otto Gerhard Oexle (Hg.), Nationalsozialismus in den Kulturwissenschaften, Band 2, 2004, S. 41-82 (S. 49).
  96. Heinrich Oberreuter, Mehr Demokratie wagen? Parlamentarismuskritik und Parlamentsformen in den 60er und 70er Jahren, in: Von Marie-Luise Recker (Ed.), Parlamentarismus in Europa, Schriften des Historischen Kollegs Kolloquien 60, 2002, p. 183.
  97. Volker Neumann, Carl Schmitt und die Linke, Die Zeit Nr. 28/1983, 8. Juillet 1983
  98. Leonard Landois, Konterrevolution von links: Das Staats- und GesellschaftsverstĂ€ndnis der '68er' und dessen Quellen bei Carl Schmitt. (WĂŒrzburger UniversitĂ€tsschriften zu Geschichte und Politik 11), Nomos-Verlag, Baden-Baden 2008. Commentaire de Armin Pfahl-Traughber : „En particulier chez Johannes Agnoli et Hans-JĂŒrgen Krahl, deux thĂ©oriciens significatifs des annĂ©es 1960, trouve-t-on toujours des accords avec Carl Schmitt concernant l'argumentaire. Il en rĂ©sulte que des recherches approfondies sur cette influence sont d'actualitĂ©.“ hpd Nr. 5252, 10. September 2008
  99. Unser Kampf Ă  relier avec Mein Kamp d'Adolf Hitler, d'oĂč l'aspect provocateur du titre

  100. Timo Frasch, Gute Feinde auf Leben und Tod – Anziehung und Abstoßung: Carl Schmitt und die Achtundsechziger, FAZ, 30. juillet 2008, p. 8.
  101. Étienne Balibar, Le Hobbes de Schmitt, le Schmitt de Hobbes, prĂ©face de Carl Schmitt, Le LĂ©viathan dans la doctrine de l'État de Thomas Hobbes, tr. Denis Trierweiler (Paris: Seuil 2002), p. 7. Cf. aussi Anselm Haverkamp, SĂ€kularisation als Metapher, TransversalitĂ©s 87 (2003), 15–28 (deutsch als PDF).
  102. Cf. par exemple Yves Charles Zarka, CitĂ©s 6 (6. Avril 2001), p. 3; Yves Charles Zarka, “Carl Schmitt le nazi”, in CitĂ©s, No. 14 (2003), p. 163.
  103. Le cahier livres de LibĂ©ration, 24 novembre 1994, p. I–III. Derrida considĂšre qu'il existe un lien Ă©troit entre la pensĂ©e de Schmitt et son engagement dans le nazisme : « La premiĂšre concerne le lien indĂ©niable entre cette pensĂ©e du politique comme pensĂ©e politique, d’une part et, d’autre part, les engagements de Schmitt, ceux qui ont conduit Ă  son arrestation et Ă  son jugement aprĂšs la guerre. À bien des Ă©gards, ces engagements paraissent souvent plus graves et plus rĂ©pugnants que ceux de Heidegger » cf Politique de l’amitiĂ©, Paris, GalilĂ©e, p. 102, n. 1 ; citĂ© par Yves Charles Zarka, Le souverain vorace et vocifĂ©rant, CitĂ©s, P.U.F., I.S.B.N.9782130560661 192 pages, p. 3 Ă  8, doi: 10.3917/cite.030.0003
  104. Thomas Assheuer, Zur besonderen VerfĂŒgung: Carl Schmitt, Kursbuch Heft 166, cf. Zeit.de
  105. Haltung der rechtsextremistischen Szene zum Irak-Konflikt, MinistÚre de l'Intérieur du land de Nordrhein-Westfalen, mars 2003, p. 6 (PDF).
  106. Taubes, Ad Carl Schmitt – Gegenstrebige FĂŒgung, 1987, p. 19
  107. Cf. Ă  ce sujet par exemple Wolfgang Kraushaar, Dies ist keine Bombe – Der Anschlag auf die JĂŒdische Gemeinde in Berlin du 9. Novembre 1969 und seine wahren HintermĂ€nner, in: FAZ, 28. Juin 2005, Nr. 147 / p. 41
  108. Alexander Proelß, Nationalsozialistische BauplĂ€ne fĂŒr das europĂ€ische Haus? John Laughland’s „The Tainted Source“ vor dem Hintergrund der Großraumtheorie Carl Schmitts, in: Forum Historiae Iuris, 12. Mai, 2003
  109. Hans-Peter Folz, Verfassungslehre des Bundes von Carl Schmitt und die EuropĂ€ische Union, in: Martina Wittkopp-Beine im Auftrag der Stadt Plettenberg (Hg.): Carl Schmitt in der Diskussion. Zusammengestellt von Ingeborg Villinger, Plettenberg 2006, S. 69–83, hier, S. 83
  110. Siehe z. B. «Theologico-Political Resonance: Carl Schmitt between the Neocons and the Theonomists», in Differences. A Journal of Feminist Cultural Studies, 18, 2007, S. 43–80.
  111. D'aprĂšs William E. Scheuerman : Carl Schmitt and the Road to Abu Ghraib, in : Constellations, mars 2006, p. 108.
  112. Cf. Leo Strauss, Anmerkungen zu Carl Schmitt, Der Begriff des Politischen, Archiv fĂŒr Sozialwissenschaft und Sozialpolitik, TĂŒbingen, 67. Vol., 6. Cahier, aoĂ»t/septembre 1932, p. 732–749, reproduit et commentĂ© par Heinrich Meier : Carl Schmitt, Leo Strauss und „Der Begriff des Politischen“ – Zu einem Dialog unter Abwesenden. 1988 ; ajout et nouvelle Ă©d. Stuttgart 1998.
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