Julien Freund
Julien Freund, né le à Henridorff et mort le à Colmar[1], est un philosophe, sociologue et résistant français.
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DĂ©cĂšs |
(Ă 72 ans) Colmar |
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Université de Strasbourg (d) |
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Marie-France Freund-Kuder (d) |
Enfant |
Jean-Noël Freund (d) |
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Directeur de thĂšse | |
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Freund fut un « libĂ©ral-conservateur insatisfait », selon Pierre-AndrĂ© Taguieff. Son Ćuvre de sociologue et de thĂ©oricien du politique prolonge celle de Carl Schmitt. Il fut aussi un mĂ©diateur entre les pensĂ©es allemande et française[2].âŻIl participa aux travaux du GRECE.
Parlant le francique lorrain du fait de son lieu de naissance, Julien Freund â comme beaucoup de personnes issues de la partie germanophone du dĂ©partement mosellan â sâexprimait par ailleurs aussi bien en français quâen allemand. Par ses traductions et ses travaux, il est considĂ©rĂ© comme le principal introducteur de Max Weber en France mĂȘme si certaines de ses traductions sont aujourd'hui contestĂ©es. Il publia un grand nombre dâarticles en français ainsi qu'en allemand et ses Ćuvres ont Ă©tĂ© traduites en prĂšs de 20 langues.
Biographie
Né à Henridorff (Moselle) le , d'un pÚre ouvrier socialiste et d'une mÚre paysanne, Julien Freund était l'aßné de six enfants. Il est bachelier à 15 ans en 1936. AprÚs la mort de son pÚre en 1938, il doit interrompre prématurément ses études et devint instituteur dÚs l'ùge de 17 ans et secrétaire de mairie dans son village natal.
En 1940[3], la Moselle Ă©tant annexĂ©e de fait par le TroisiĂšme Reich, le jeune Julien Freund fit preuve dâun courage exceptionnel en prenant volontairement la place d'un pĂšre de famille nombreuse (8 enfants) de son village pris en otage Ă la suite d'un attentat ayant coĂ»tĂ© la vie Ă un soldat allemand[4].
Son frĂšre Antoine, enrĂŽlĂ© de force comme « malgrĂ©-nous » dans la Wehrmacht, fut blessĂ© Ă la bataille d'Orel en Russie et dĂ©serta[5], ce qui aurait dĂ» entraĂźner la dĂ©portation du reste de la famille qui Ćuvrait par ailleurs dans la rĂ©sistance lorraine et faisait partie de rĂ©seaux de passeurs lorrains[6]. Fort heureusement, ils rĂ©ussirent, grĂące Ă une complicitĂ©, Ă faire disparaĂźtre le dossier compromettant dĂ©tenu par la Gestapo.
La résistance
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il participa activement Ă la RĂ©sistance. Membre du mouvement de rĂ©sistance LibĂ©ration fondĂ© par Jean CavaillĂšs[7], pris en otage par les Allemands en , il parvint Ă passer en zone libre et, dĂšs , milita Ă Clermont-Ferrand (oĂč sâĂ©tait repliĂ©e l'universitĂ© de Strasbourg) dans le mouvement LibĂ©ration dâEmmanuel dâAstier de La Vigerie, puis dans les groupes-francs de Combat[8] animĂ©s par Henri Frenay, tout en achevant une licence de philosophie.
ArrĂȘtĂ© en Ă Clermont-Ferrand, puis en septembre Ă Lyon, il fut avec Emmanuel Mounier lâun des accusĂ©s du procĂšs Combat. IncarcĂ©rĂ© Ă la prison centrale d'Eysses, puis Ă la forteresse de Sisteron, il parvint Ă s'Ă©vader le et rejoignit jusqu'Ă la LibĂ©ration les maquis FTP des Basses-Alpes et de la DrĂŽme[8]. RentrĂ© Ă Strasbourg en , il se consacra quelque temps au journalisme et Ă lâaction politique, expĂ©riences qui furent pour lui une source de dĂ©ception en mĂȘme temps que le point de dĂ©part d'une longue rĂ©flexion.
Ă la libĂ©ration, il dĂ©couvrit lâĂ©puration sauvage et les rĂšglements de compte partisans, ce qui le bouleversera profondĂ©ment[8].
AprĂšs la guerre
Il fut en 1945-46 responsable départemental du Mouvement de libération nationale (MLN) de la Moselle, et eut pendant quelque temps une activité de représentant syndical comme secrétaire académique du SNES. En 1945-1946, il fut secrétaire départemental de l'Union démocratique et socialiste de la Résistance en Moselle.
Gaulliste de la premiĂšre heure et rĂ©gionaliste, comme le rappellent Taguieff et bien dâautres[9], Freund fut comme Schuman, dĂšs le retour de la paix, un partisan de la rĂ©conciliation franco-allemande et de lâEurope[10]. Il fut Ă©galement Ă©lu conseiller municipal de la ville de Sarrebourg oĂč la mairie lui Ă©chappa de peu.
CarriĂšre universitaire
DĂšs 1946, il bifurqua vers l'enseignement secondaire. Il fut reçu Ă lâagrĂ©gation de philosophie en 1949[11], puis enseigna successivement au collĂšge Mangin de Sarrebourg (1946-49), au lycĂ©e Fabert de Metz (1949-53) et au lycĂ©e Fustel de Coulanges de Strasbourg (1953-60).
De 1960 Ă 1965, il fut maĂźtre de recherche au CNRS, spĂ©cialisĂ© dans les Ă©tudes dâanalyse politique. En 1965, l'annĂ©e suivant la soutenance de sa thĂšse de doctorat Ăšs lettres Ă la Sorbonne[12], il fut Ă©lu professeur de sociologie Ă lâuniversitĂ© de Strasbourg, oĂč il fut le principal fondateur puis le directeur de la facultĂ© des sciences sociales. Il y crĂ©a un certain nombre dâinstitutions, comme l'Institut de polĂ©mologie de Strasbourg[7] (tĂ©moignage de sa proximitĂ© avec Gaston Bouthoul), le Centre de recherches et d'Ă©tudes en sciences sociales (en 1967), la Revue des sciences sociales de la France de l'Est (en 1972) ou le Centre de recherche en sociologie rĂ©gionale (1973). Il enseigna Ă©galement de 1973 Ă 1975 au CollĂšge dâEurope de Bruges, puis en 1975 Ă l'universitĂ© de MontrĂ©al.
NommĂ© en 1979 prĂ©sident de l'Association internationale de philosophie politique, il prit peu de temps aprĂšs une retraite anticipĂ©e, rĂ©prouvant les Ă©volutions de lâenseignement et de lâadministration universitaires. RetirĂ© Ă VillĂ©, il se consacra entiĂšrement Ă ses livres. Il fut Ă©galement durant cette pĂ©riode un confĂ©rencier Ă l'international.
DerniÚres années
Julien Freund avait refusĂ© de quitter sa Lorraine natale tout comme lâAlsace oĂč il sâĂ©tait Ă©tabli pour venir sâinstaller dans la capitale : « Kant vivait Ă Königsberg et non Ă Berlin », rĂ©pondait-il Ă ceux qui sâen Ă©tonnaient. Il Ă©tait amateur de peinture â il avait Ă©pousĂ© en 1948 la fille du peintre alsacien RenĂ© Kuder (1882-1962), Marie-France, pharmacienne, dont il avait fait la connaissance Ă Gergovie dans la rĂ©sistance ; ils auront deux fils, RenĂ© et Jean-NoĂ«l.
Il affectionnait aussi la gastronomie rĂ©gionale : « Lâhonneur de la cuisine alsacienne est dâĂȘtre alsacienne, donc Ă nulle autre pareille, mĂȘme Ă lâintĂ©rieur de lâhexagone. »[13]
Il sera enterrĂ© Ă VillĂ©. Il Ă©tait un homme de foi[14]. Lecteur de Chestov et de sa thĂ©ologie nĂ©gative, qui enseignait que lâimpĂ©rialisme du savoir obscurcit le gouffre de la vie, Julien Freund supportait mal que la science envahisse tout et veuille supplanter la mĂ©taphysique et la foi religieuse. AprĂšs lâĂ©clipse religieuse de sa jeunesse, il Ă©tait revenu vers la foi de ses parents notamment celle de sa mĂšre. Pour sa messe dâenterrement, il avait souhaitĂ© quâon interprĂ©tĂąt le Dies irĂŠ, qui fut chantĂ© par la chorale des Ă©tudiants de Strasbourg.
Distinctions
Il est intronisĂ© citoyen d'honneur de la commune de SĂ©lestat en 1984 par le maire dâalors[15].
En 1993, Julien Freund sâest vu remettre par Pierre Chaunu le prix Ămile-Girardeau de l'AcadĂ©mie des sciences morales et politiques pour lâensemble de son Ćuvre[16].
Travaux
MarquĂ© par la pensĂ©e de Max Weber, de Georg Simmel, de Vilfredo Pareto et de Carl Schmitt, auteurs qu'il contribua Ă mieux faire connaĂźtre en France, Julien Freund s'Ă©tait imposĂ© avec son livre sur L'Essence du politique, issu de la thĂšse de doctorat qu'il avait soutenue le sous la direction de Raymond Aron devant un jury composĂ© notamment de Raymond Polin, Paul RicĆur et Jean Hyppolite et du germaniste Pierre Grappin, le philosophe Jean Hippolyte ayant prĂ©fĂ©rĂ© se rĂ©cuser de la direction en raison de ses convictions pacifistes et notamment de l'idĂ©e dĂ©fendue dans la thĂšse qu'il ne peut y avoir de politique sans ennemi[17].
Par ses traductions et ses travaux, Julien Freund est considĂ©rĂ© comme le principal introducteur de Max Weber en France avec Raymond Aron[17]. NĂ©anmoins, ses traductions sont contestĂ©es par certains sociologues[18]. Ceux-ci considĂšrent notamment que la notion de Wertfreiheit, quand elle est traduite par « neutralitĂ© axiologique » est « une traduction Ă©quivoque et insatisfaisante ». La problĂ©matique de la Wertfreiheit ne serait pas celle de l'adhĂ©sion en soi Ă des valeurs, « mais celle de l'usage malhonnĂȘte qui peut ĂȘtre fait des valeurs lorsqu'elles sont prĂ©sentes sans ĂȘtre donnĂ©es comme telles par l'enseignant abusant de la position dominante que lui confĂšre sa position. »[19] - [20]
Julien Freund est le second dĂ©couvreur de Carl Schmitt en France[21]. Comme le souligne David Cumin, maĂźtre de confĂ©rences Ă la facultĂ© de droit de l'universitĂ© Jean-Moulin-Lyon-III (responsable pĂ©dagogique du master Relations internationales et de la licence Droit-Science politique) : « Courageusement, Freund a donc Ă©tĂ© lâavocat de Schmitt⊠alors que lui-mĂȘme nâĂ©tait que partiellement « schmittien » ! Câest ce que rĂ©vĂšle la comparaison de leur conception du politique, aussi bien les formes et intentions des ouvrages clĂ©s que les approches et les contenus. MalgrĂ© des prĂ©misses wĂ©bĂ©riennes communes, les diffĂ©rences sont sensibles[22]. Au regard de ces analyses Ă©voquer une fascination de Freund pour Schmitt est intellectuellement faux et erronĂ©, car ce serait induire lâidĂ©e dâune subjugation de Freund par Schmitt, Freund s'Ă©tait intĂ©ressĂ© au politique avec la relation ami-ennemi de Schmitt et sa thĂ©orie du partisan. Ces Ă©tudes rĂ©vĂ©laient par ailleurs qu'essentiellement pour Carl Schmitt la politique relevait d'une finalitĂ© thĂ©ologale supplantant tout alors que pour Freund elle visait la concorde intĂ©rieure et la paix extĂ©rieure, sa finalitĂ© Ă©tant le bien commun[22].
InfluencĂ© par Carl Schmitt, il s'efforce dans sa thĂšse d'analyser les catĂ©gories fondatrices du politique, insistant sur la triple relation entre obĂ©issance et commandement, ami et ennemi, public et privĂ©. Il ne cessera, par la suite, de s'intĂ©resser aux invariants de l'esprit humain, qu'il s'agisse de l'esthĂ©tique, de l'Ă©thique, de l'Ă©conomique ou du religieux[17]. Il a Ă©galement mis en Ă©vidence le rĂŽle du tiers en reprenant les thĂ©ories du conflit posĂ©es par Weber et Simmel dans sa Sociologie du conflit[23]. Julien Freund Ă©tait essentialiste ; il cherchait les invariants des activitĂ©s humaines, invariants qui les sous-tendaient, quel que soit le rĂ©gime politique ou l'Ă©poque[17]. « Il y a une essence du politique. » De mĂȘme pour lâĂ©conomique, lâart, le religieux. Et ces activitĂ©s sont autonomes. Freund est un rĂ©aliste politique caractĂ©risĂ© par sa volontĂ© de penser le rĂ©el. Dans ce sens, la critique principale qu'il adresse au socialisme, c'est d'ĂȘtre une variante de la pensĂ©e utopique[24]
AttachĂ© Ă la dĂ©mocratie, Freund considĂšre quâelle est un rĂ©gime politique et rĂ©side dans la maniĂšre tempĂ©rĂ©e dâappliquer la contrainte, mais quâelle peut se corrompre par « dĂ©mocratisation » Ă©tant entendu que le politique ne doit pas rĂ©soudre tous les problĂšmes. On voit mal le politique rĂ©soudre les problĂšmes de lâart ou du religieux. Ă lâinverse, il nâappartient pas au religieux dâimposer tous ses principes au politique en dĂ©mocratie. Il attire Ă©galement lâattention sur les corruptions du langage et la ruse « La dĂ©mocratie se dĂ©compose quand elle dilapide la sincĂ©ritĂ© en dĂ©magogie et en flatterie »[25]. Il constate que la dĂ©mocratie « bien qu'elle soit le rĂ©gime politique le plus humain » n'Ă©chappe pas Ă la violence[26].
Il lui prĂ©fĂšre ce qu'il nomme « la mĂ©socratie », terme qu'il emploie pour la premiĂšre fois en 1978[27] et qui serait « le rĂ©gime de la mesure »[26]. Pour lui le terme de dĂ©mocratie a Ă©tĂ© galvaudĂ©. « Quand tout le monde est dĂ©mocrate, personne nâest dĂ©mocrate. » « La mĂ©socratie[28] est comme la racine grecque permet de le deviner, un pouvoir qui respecte une certaine mesure, un pouvoir qui est entourĂ© de contre-pouvoirs. Il nây a rien de plus terrible que le pouvoir solitaire. » Les contre-pouvoirs doivent contrĂŽler le pouvoir ce qui suppose une constitution. La libertĂ© câest aujourdâhui et non demain. PlutĂŽt que de parler de la « libertĂ© » J. Freund prĂ©fĂšre utiliser le terme de libertĂ©s concrĂštes, de la libertĂ© de la presse, dâassociation, de conscience. Si lâon ne donne pas dâabord les libertĂ©s concrĂštes, on nâaura jamais la libertĂ© au singulier. Dans la mĂ©socratie telle que la conçoit Julien Freund la sĂ©paration des pouvoirs se fait automatiquement du fait quâil y a plusieurs pouvoirs. Il rappelle Ă©galement que la politique confisque la violence pour la domestiquer dans une sorte de monopole du pouvoir et elle est la seule Ă pouvoir le faire sinon ce sera la guerre civile.
Pour l'historien des idĂ©es espagnol JerĂłnimo Molina Cano (es) qui a consacrĂ© une thĂšse au philosophe du politique français, l'Ă©lĂ©ment fondamental de la pensĂ©e freundienne de la libertĂ© est le principe ordonnateur de la limite. C'est ce principe qui s'oppose Ă la dĂ©mesure dans tous les domaines de l'action humaine[29] La distinction entre le privĂ© et le public, selon Freund, « sous-tend toutes les structures politiques connues »[17]. La communautĂ© sociale ou politique ne couvre jamais toutes les activitĂ©s ou relations sociales. Certaines de ces activitĂ©s ou relations restent en dehors de la sphĂšre publique et en tant que telles sont dĂ©crites comme privĂ©es. Si la frontiĂšre qui sĂ©pare le public du privĂ© varie ainsi Ă travers l'histoire, aucun systĂšme politique ne peut mettre fin Ă cette distinction « sans pĂ©rir lui-mĂȘme». Un pouvoir qui supprime totalement le privĂ© en s'introduisant partout devient « totalitaire »[17].
En 1984 paraĂźt La DĂ©cadence, qui fait suite Ă La Fin de la Renaissance (1980). L'ouvrage est une somme, selon l'expression de Taguieff. Il sort Ă peu prĂšs en mĂȘme temps que Plaidoyer pour une Europe dĂ©cadente de Raymond Aron. L'ouvrage traduit l'esprit de synthĂšse de Julien Freund.
Dans Racisme Antiracismes (1986), ouvrage qu'il codirige avec AndrĂ© BĂ©jin, il s'efforce de montrer que l'antiracisme comme le pacifisme peuvent ĂȘtre manipulĂ©s, jugeant qu'« il est aussi stupide de nier l'existence du racisme que de le voir partout »[30]. Il prend parfois position sur des questions d'actualitĂ© comme l'affaire Rushdie, auteur des Versets sataniques : ce qui serait en jeu ce serait la libertĂ© de crĂ©ation, prĂ©sentĂ©e comme une espĂšce d'absolu dans la littĂ©rature ou dans l'art. Freund n'approuve ni l'un ni l'autre au motif que toute civilisation a pour fondement une hiĂ©rarchie des valeurs et des normes qu'un absolu rĂ©duirait Ă nĂ©ant. Quelle que soit la civilisation, les valeurs ne se valent pas, ou bien elle devient moribonde[31]. En cela il rejoint la pensĂ©e de Max Weber sur « Le polythĂ©isme des valeurs », mais se distancie de la pensĂ©e prĂ©dominante.
Philosophe de formation, Freund souhaitait remettre la philosophie Ă lâhonneur et notamment la mĂ©taphysique[32]. Il y Ćuvra dans Philosophie Philosophique. Sa derniĂšre Ćuvre achevĂ©e sera L'essence de LâĂconomique. Il mourra peu aprĂšs.
Ses travaux ont fortement influencé plusieurs de ses anciens élÚves, la philosophe Chantal Delsol et le sociologue Michel Maffesoli[33], mais aussi Pierre-André Taguieff qui considÚre que Freund compte parmi les rares penseurs du politique que la France a connus au XXe siÚcle[34].
Proximité avec la Nouvelle Droite
Son appropriation d'un certain nombre de concepts de Carl Schmitt, indissociable de son approche fondamentalement agonistique du politique, de mĂȘme que son engagement dans la revue Nouvelle Ăcole du Groupement de recherche et d'Ă©tudes pour la civilisation europĂ©enne (GRECE ; il fait partie du comitĂ© de patronage de la revue) et sa publication dans la revue Nationalisme et RĂ©publique ainsi que dans « Thule Seminar » de Pierre Krebs font de lui pour Alain Bihr un penseur engagĂ© auprĂšs de groupuscules dâextrĂȘme droite.
Ainsi, Julien Freund participe au CongrĂšs du GRECE en 1975 et en 1984. Le thĂšme de ce dernier congrĂšs est alors « Des Ă©lites pour quoi faire ? ». Freund y intervient aux cĂŽtĂ©s de Alain de Benoist, Pierre Bercot, Jacques Bompaire et Armin Mohler (ancien secrĂ©taire d'Ernst JĂŒnger et longtemps conseiller de Franz Josef Strauss). Sa contribution portait le titre de « Plaidoyer pour lâaristocratie »[35].
Il intervient ainsi dans le premier numĂ©ro de la revue Elemente (pendante de la revue ĂlĂ©ments du GRECE) et qui compte plusieurs plumes historiques de lâextrĂȘme-droite. Communiste libertaire et spĂ©cialiste de lâextrĂȘme droite[36] - [37], Alain Bihr voit dans cette collaboration Ă la revue Elemente la preuve dâun engagement de Julien Freund aux cĂŽtĂ©s de nostalgiques du nazisme. En effet, selon Bihr, « cautionner une revue publiant des textes de dignitaires nazis ne semble pas avoir particuliĂšrement dĂ©rangĂ© Julien Freund »[38].
Cette accusation, compte tenu du passĂ© reconnu de rĂ©sistant et dĂ©portĂ© de Julien Freund, a entrainĂ© de vives rĂ©actions parmi ceux qui le connaissaient. Julien Freund lui-mĂȘme a rĂ©cusĂ© le nazisme sous toutes ses formes sa vie durant. Il sâagit dâune conclusion isolĂ©e dâAlain Bihr qui pose la question de sa pertinence, car on nâen trouve aucune autre Ă©quivalente dans la littĂ©rature extrĂȘmement abondante consacrĂ©e Ă Julien Freund, ne serait-ce dans les deux recensions quasi exhaustives de Piet Tommissen (de). Jean-Paul Sorg le dĂ©fend en excipant de « son expĂ©rience mĂȘme de maquisard et puis de militant politique, si brĂšve fĂ»t-elle »[39].
Jean Hur dans Biographie alsacienne Heimetsproch rapporte cette remarque de Julien Freund : « Câest avec le sourire que jâaccumule les diverses maniĂšres de me classer politiquement, depuis lâextrĂȘme-gauche jusquâĂ lâextrĂȘme-droite »[40].
Ouvrages
- LâEssence du politique (Sirey, 1965 ; Dalloz, 2003, 870 p.)
- Sociologie de Max Weber (PUF, 1966 et 1983).
- Europa ohne Schminke (DrĂŒckerei Winkelhagen, Goslar 1967).
- Quâest-ce que la politique ? (Seuil, 1968 et 1978).
- Max Weber (Collection « Sup-Philosophie » PUF, 1969).
- Le Nouvel Ăąge. ĂlĂ©ments pour la thĂ©orie de la dĂ©mocratie et de la paix (Marcel RiviĂšre, 1970).
- Le Droit dâaujourdâhui (PUF, 1972).
- Les Théories des sciences humaines (PUF, 1973).
- Pareto. La thĂ©orie de lâĂ©quilibre (Seghers, 1974).
- Georges Sorel. Eine geistige Biographie (Siemens-Stiftung, Munich 1977).
- Les ProblÚmes nouveaux posés à la politique de nos jours (Université européenne des affaires, 1977).
- Utopie et violence (Marcel RiviĂšre, 1978).
- Il luogo della violenza (Cappelli, Bologna 1979).
- La Fin de la Renaissance (PUF, 1980).
- La crisis del Estado y otros estudios (Instituto de Ciencia polĂtica, Santiago de Chile 1982).
- IdĂ©es et expĂ©riences. Les activitĂ©s sociales : regards dâun sociologue (Institut des Sciences Politiques et Sociales de lâU.C.L., Louvain-la-Neuve 1983).
- Sociologie du conflit (PUF, 1983).
- IdĂ©es et expĂ©riences (Institut de sociologie de lâUCL, Louvain-la-Neuve 1983).
- La DĂ©cadence. Histoire sociologique et philosophique dâune catĂ©gorie de lâexpĂ©rience humaine (Sirey, 1984) ; rĂ©Ă©d. Ăditions du Cerf, contribution Pierre-AndrĂ© Taguieff, prĂ©f. JĂ©ronimo Molina Cano, 588 p., 2023 (ISBN 978-2204137492)
- Philosophie et sociologie (Cabay, Louvain-la-Neuve 1984).
- Politique et impolitique (Sirey, 1987).
- Philosophie philosophique (DĂ©couverte, 1990).
- Ătudes sur Max Weber (Droz, GenĂšve 1990).
- Essais de sociologie économique et politique (Faculté catholique Saint-Louis, Bruxelles 1990).
- LâAventure du politique. Entretiens avec Charles Blanchet (CritĂ©rion, 1991) ; rĂ©Ă©d. Perspectives Libres, 2021.
- DâAuguste Comte Ă Max Weber (Economica, 1992).
- LâEssence de lâĂ©conomique (Presses universitaires de Strasbourg, Strasbourg 1993).
- Diritto e Politica. Saggi di filosofia giuridica (Edizioni Scientifiche Italiane, Napoli 1994).
- Il Terzo, il nemico, il conflitto. Materiali per una teoria del Politico (GiuffrĂš, Milano 1995).
- Warfare in the modern world: a short but critical analysis (Plutarch Press, Washington D.C. 1996).
- Voci di teoria politica (Antonio Pellicani Editore, Roma, 2001).
- Vista de conjunto sobre la obra de Carl Schmitt (Struhart & CĂa., Buenos Aires, 2002).
- Lettres de la vallĂ©e : MĂ©ditations philosophiques et politiques, posthume, texte inĂ©dit Ă©tabli et annotĂ© par Gilles Banderier, La Nouvelle Librairie, coll. Ăternel Retour, Paris, 302 p., 2021 (ISBN 978-2491446642)
- Die Industrielle Konfliktgesellschaft (1977).
- Der Unauffindbare Friede (1964 Berlin pour le 75e anniversaire de Carl Schmitt).
- Die Politik als Heillehre (1974).
- Die Demokratie und das Politische (Berlin 1967, 288 pages).
- Die neue Bewertung des Krieges als Mittel der auswÀrtigen Politik nach 1870 (1970).
Traductions
- Max Weber, Le Savant et le Politique, Plon, Paris 1959.
- Max Weber, Essais sur la théorie de la science, Plon, Paris 1965, et Agora/Presses-Pocket, 1992.
- Max Weber, Ăconomie et sociĂ©tĂ©, Plon, Paris 1971.
Autres publications
Son Ćuvre comprend aussi un nombre trĂšs important dâarticles, dâessais, de prĂ©faces et de communications. On en trouvera la liste dans une bibliographie de Julien Freund Ă©tablie par Piet Tommissen (de), qui va jusqu'en 1984 et qui figure en annexe de Philosophie et Sociologie (Cabay, Louvain-la-Neuve, 1984, p. 415-456 : « Julien Freund, une esquisse bio-bibliographique »).
- Julien Freund, Le Politique ou l'art de dĂ©signer l'ennemi, textes prĂ©sentĂ©s par Alain de Benoist et Pierre BĂ©rard, Paris, La Nouvelle Librairie, coll. Ăternel Retour, 344 p., 2020 (ISBN 978-2491446284)
Bibliographie
- Olivier Arnaud (dir. Pierre Manent), La Signification du libĂ©ralisme Ă partir de la philosophie politique de J. Freund, Paris, Ăcole des hautes Ă©tudes en sciences sociales, 2001 (thĂšse de doctorat en philosophie).
- Alessandro Campi, Carl Schmitt, Freund, Miglio: figure e temi del realismo politico europeo, La Roccia di Erec, Fiorenza 1996.
- Gil Delannoi, Pascal Hintermeyer, Philippe Raynaud et Pierre-André Taguieff., Julien Freund La dynamique des conflits, Berg International, Paris, 2010 (ISBN 978-2-917191-36-1).
- (es) JerĂłnimo Molina Cano (es), La filosofĂa econĂłmica de Julien Freund ante la economĂa moderna, Cuadernos Veintiuno (Madrid), no 10, 1997.
- (es) JerĂłnimo Molina Cano, Julien Freund, lo polĂtico y la polĂtica, Sequitur, Madrid, 1999.
- (es) JerĂłnimo Molina Cano, Conflicto, gobierno y economĂa (cuatro ensayos sobre Julien Freund), Struhart & CĂa., Buenos Aires 2004.
- Pierre-AndrĂ© Taguieff, Julien Freund, au cĆur du politique, La Table ronde, 154 p., 2008, (ISBN 978-2710329473)
- SĂ©bastien de La Touanne, Julien Freund. Penseur « machiavĂ©lien » de la politique, LâHarmattan, Paris, 2004.
- Frodouald Ngamije (dir. Jean-Pierre Cléro), La Portée de la pensée de Julien Freund concernant les conflits internes aux régimes politiques contemporains, Rouen, université de Rouen, 2009 (thÚse de doctorat en philosophie).
- (es) Juan Carlos Valderrama Abenza, Julien Freund, la imperiosa obligaciĂłn de lo real. Estudio bio-bibliogrĂĄfico, Isabor, Murcia 2006.
- (es) Juan Carlos Valderrama Abenza, "El dolor y la muerte en Julien Freund", in: ANRUBIA, E. (ed.), FilosofĂas del dolor y la muerte, Comares, Granada 2007, p. 53-89.
- (es) Juan Carlos Valderrama Abenza, "El orden social: SĂntesis de la actualidad de las esencias", in: Juan Carlos Corbetta et Ricardo SebastiĂĄn Piana, El valor de lo polĂtico: Estudios sobre Julien Freund, Prometeo Libros, Buenos Aires 2010, pp. 95-120.
- (es) Juan Carlos Valderrama Abenza, "Julien Freund, analista polĂtico. Contextos y perspectivas de investigaciĂłn", in: Pablo SĂĄnchez Garrido et Consuelo MartĂnez Sicluna (eds.), Miradas liberales. AnĂĄlisis polĂtico en la Europa del s. XX, Biblioteca Nueva, Madrid 2014.
- Alain de Benoist, Ce que penser veut dire. Penser avec Goethe, Heidegger, Rousseau, Schmitt, PĂ©guy, Arendt..., Ăditions du Rocher, 2017.
Revues
- Revue europĂ©enne des sciences sociales, « Critique des thĂ©ories du social et Ă©pistĂ©mologie des sciences humaines : Ă©tudes en lâhonneur de Julien Freund », 19, no 54-55, Droz, GenĂšve 1981.
- Revue des sciences sociales de la France de lâEst, « RĂ©gion et conflits. Hommage Ă Julien Freund » (Strasbourg), no 10.
- (nl) Tijdschrift voor de studie van de verlichting en van het vrije denken, "Politiek en decadentie volgens Julien Freund", 11, no 4, 1983.
- (it) Studi Perugini, UniversitĂ degli Studi di Perugia, no 1, 1996.
- (es) Empresas polĂticas, Sociedad de Estudios PolĂticos de la RegiĂłn de Murcia, no 5, 2004.
- Alain Bihr, "LâextrĂȘme droite Ă lâuniversitĂ© : le cas Julien Freund", Revue Agone, no 54, 2014.
- Charles Blanchet, "Julien Freund (1921-1993). Le maĂźtre de lâintelligence du politique et notre ami Ă lâ« enfance Ă©ternelle »", Paysans (ParĂs), vol. 37, no 221, 1993, p. 7-20.
- Thierry Paquot, "Julien Freund, lâintellectuel frontiĂšre qui nâa pas de frontiĂšre", Revue des sciences sociales, no 40, 2008, p. 154-161.
Liens externes
- Ressources relatives Ă la recherche :
- Ressource relative Ă la vie publique :
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Notice dans la Deutsche Biographie.
Notes et références
- Henridorff, « Bulletin municipal no 20 » [PDF] cf. page 58 du bulletin (page 59 du pdf).
- Jean Hur « Julien Freund, philosophe, sociologue et ethnologue ; médiateur entre les pensées allemande et française », dans Biographie alsacienne, Heimetsproch, 1993.
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